Section 9 : L’action civile

Cette dernière partie du cours n’est pas encore complètement mise en forme (mais elle est complète !).

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L’action publique est déclenchée pour déclencher des peines.
L’action civile est une action en réparation des dommages causés par une infraction.
Voir : Article 2 – Code de procédure pénale.

Il faut distinguer la mise en mouvement de l’action publique et l’exercice de l’action publique.
L’action publique ne peut être exercée que par les représentants du ministère public (ou, parfois, par d’autres fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi).
La victime, elle, n’exerce pas l’action publique, parce que l’autorité qui exerce l’action publique est censée représenter la société.

Par contre, la mise en mouvement de l’action publique peut être le fait du ministère public ou de la victime (aussi appelée partie lésée).
En effet, le droit français reconnaît à la personne lésée par l’infraction la possibilité d’agir :
> soit devant les juridictions répressives ;
> soit devant les juridictions civiles.

Devant les juridictions répressives, la victime peut se joindre à l’action publique lorsqu’elle a déjà été mise en mouvement par le ministère public.
Lorsqu’elle se joint à l’action publique, elle s’associe aux poursuites.

Pour mettre en mouvement l’action publique qui n’aurait pas été mise en mouvement par le ministère public, la victime peut :
> déposer une plainte avec constitution de partie civile ;
> ou recourir à la citation directe.

Ce droit de la victime de mettre en mouvement l’action publique en cas d’inaction du parquet est reconnu depuis longtemps :

Crim., 8 décembre 1906, Laurent Attalin :
Cet arrêt de la chambre criminelle consacre la règle selon laquelle la plainte avec constitution de partie civile devant le juge d’instruction a les mêmes effets qu’un réquisitoire introductif pour la mise en mouvement de l’action publique.
Le juge d’instruction saisi d’une plainte avec constitution de partie civile a le devoir d’instruire (il ne peut pas refuser).

Au début, ce droit des victimes était considéré par la jurisprudence comme un droit exceptionnel, qui devait être strictement enfermé dans les limites posées par le Code de procédure pénale.
Ce droit s’est ensuite progressivement élargi. Le juge répressif a contribué à cette ouverture de la procédure pénale à la victime et à son droit à réparation, mais le législateur a aussi agi, notamment avec la loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d’innocence et la garantie des droits des victimes.

Ce qu’il faut retenir, c’est que la partie civile a une place croissante dans le déroulement du procès pénal.

Remarques préliminaires :

  1. Avec la victime, on constate une “triangularisation” du procès pénal.
    Du côté de la victime, on soutient l’accusation.
  1. Réfléchir à la question des victimes et de leur réparation n’épuise pas la question du rapport des victimes avec la procédure pénale :
    • La victime d’une infraction n’a pas besoin d’être partie à une procédure pénale pour obtenir réparation ;
    • La victime peut très bien s’adresser aux juridictions pénales sans vouloir réellement d’indemnisation.

    Christine Laserge affirme ainsi que « l’indemnisation n’est pas la réparation » → la réparation n’est pas l’indemnisation.
    Ça peut paraître étrange, mais la réparation est effectivement une notion plus large.

    La participation des victimes au sens technique leur permet de faire entendre leur voix, d’être destinataire d’informations, d’exercer des recours contre certaines décisions, de poser des questions…

    Mais quelle place accorde-t-on à la victime dans la procédure pénale / dans le procès ?
    On constate que le législateur s’inscrit dans un souci de pédagogie et d’accompagnement, en travaillant sur l’accueil et l’information des victimes sur toute la chaîne pénale, dès le dépôt d’une plainte.
    Le législateur intervient aussi parfois sous l’influence du droit de l’UE.

Le professeur Mathieu Jacquelin n’est « pas particulièrement » en faveur du développement des droits des victimes.
Il est sceptique sur la question de savoir si la victime a vocation à intervenir au stade de l’exécution des peines (par exemple, une victime pourrait-elle intervenir dans une commission de libération conditionnelle ?).

Il ajoute cependant qu’il faut bien reconnaître que, dans certaines hypothèses, le rôle de la victime est (ou a été) essentiel pour l’application du droit pénal.
Par exemple, dans l’affaire Papon, s’il n’y avait pas eu les parties civiles, il ne se serait pas passé grand chose (dans ce type d’affaires, il pouvait y avoir des révélations dans la presse, puis 6 mois plus tard le ministère public n’avait pas bougé).

plan de la partie :
ce cours sera divisé en 3 parties
I – il existe un droit d’option pour la victime d’une infraction pénale
II – la victime d’une infraction qui demande réparation devant les juridictions pénales
III – la victime d’une infraction qui demande réparation devant les juridictions civiles

I – L’existence d’un droit d’option pour la victime d’une infraction pénale

A – Un droit d’option entre voie civile et voie pénale

L’action en réparation du dommage né de l’infraction peut être exercée d’abord devant la juridiction civile compétente pour obtenir l’indemnisation du préjudice subi.
L’article 3 du Code de procédure pénale permet à la victime de porter son action en même temps que l’action publique et devant la même juridiction.

Cette réparation peut aussi résulter d’une indemnisation qui passerait par des commissions d’indemnisation des victimes d’infraction ou des fonds de garantie, dans une logique de solidarité nationale.
Exemple : fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGDI).

On parle dans ces cas, à propos de la partie lésée, d’une victime prise ès qualités = prise en sa qualité de victime.
Si on est devant le fonds d’indemnisation, on ne parle pas de partie civile → on parlera simplement de victime prise ès qualité.

💡
L’action civile à proprement parler n’a de sens que pour une victime qui demande réparation devant les juridictions pénales.
Une action d’une victime d’une infraction devant une juridiction civile n’est pas une action civile, mais simplement l’exercice d’une action en réparation. L’action civile stricto sensu ne s’exerce que devant une juridiction répressive.
Cependant, il faut reconnaître que le législateur lui-même commet cet erreur.

Article 10 du Code de procédure pénale :
« Lorsque l’action civile est exercée devant une juridiction répressive, elle se prescrit selon les règles de l’action publique. Lorsqu’elle est exercée devant une juridiction civile, elle se prescrit selon les règles du code civil. »

Avant la loi du 23 décembre 1980, on avait un principe de solidarité des prescriptions civiles et pénales, qui a été abandonné sauf en matière d’infractions de presse (diffamation, injure…).
💡 En matière de délits de presse, la prescription est très courte (3 mois).

Les règles du Code civil : 10 ans en droit commun et 20 ans pour certains cas.
⚠️ Ce délai ne court qu’à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé.

La juridiction peut agir devant les juridictions pénales :

  • Pour s’associer à l’action publique → on dit qu’elle intervient par la voie de l’intervention ;
  • En cas d’inertie du parquet -> elle peut intervenir par la voie d’action.

B – Analyse critique du choix de la voie pénale

Les avantages de la voie pénale :

  • Pour la victime : elle bénéficie de l’action du ministère public voire du juge d’instruction et de leurs moyens de recherche ou de preuve, qui peuvent être considérables ;
  • Ça permettrait d’éviter l’encombrement des tribunaux, parce que la juridiction répressive statue à la fois sur l’action publique et sur l’action civile ;
  • Les magistrats, et les organes de la procédure en général, peuvent bénéficier de la connaissance privilégiée par la victime de l’infraction du contexte infractionnel ;
  • La présence de la victime serait nécessaire pour la victime elle-même, parce qu’elle ne demeure pas extérieure au procès pénal ;
  • Sa présence pourrait être bénéfique pour le délinquant, car la confrontation avec la victime serait importante (l’indemnisation des victimes serait considérée comme un facteur de réinsertion).

Les inconvénients de l’omniprésence de la victime devant les juridictions pénales :

  • La victime représenterait l’émotion, là où seule la raison devrait guider l’application du droit.
    Cette partie civile, animée d’un sentiment de vengeance, compromettrait la sérénité qui doit être de mise au sein d’un tribunal.

    Mais un procès sans émotion est-il souhaitable ? D’autant plus qu’il n’est pas rare que le ministère public s’appuie sur l’émotion des victimes dans ses réquisitions → il n’y a pas une séparation complète entre la victime et le ministère public.
    La victime pourrait être simple témoin, sans qu’elle n’ait la qualité de partie.

  • La présence de la victime serait une source de lenteurs.
    En particulier, les parties civiles ralentiraient le travail en raison de demandes d’actes pas toujours justifiées.

II – La victime d’une infraction pénale devant les juridictions pénales

A – Les conditions de recevabilité

1) La question de la capacité

Il n’y a pas de règle particulière. On applique donc le droit commun (majeurs // mineurs).
Les personnes morales ont la capacité d’agir en justice par l’intermédiaire de leurs représentants.

a) Règle générale

Il faut une infraction pénale qui soit constatée → la culpabilité d’une personne doit être établie.

Seule compte cette déclaration de culpabilité.
Parfois, le juge pénal tire des conséquences de cette déclaration de culpabilité (→ il prononce une peine), mais parfois il prononce une dispense de peine.
Pour l’action civile, peu importe : elle reste possible.

Par contre, si l’infraction a été amnistiée, il n’y a pas d’action civile possible.
De même, si la loi pénale qui sert de fondement à l’action a été abrogée, l’action civile n’est pas possible.

Et si le ou les individus accusés de l’infraction pénale se voient reconnaître le bénéfice de la légitime défense ?
La légitime défense est une cause objective d’exonération de la responsabilité pénale ⇒ c’est un fait justificatif. Or, lorsqu’il y a fait justificatif, les faits ou les actes reprochés ne sont pas infractionnels (ils n’ont pas de coloration pénale).

Crim., 4 octobre 2022 :
Les juges du fond qui avaient retenu que l’action d’une personne relevait de la légitime défense ne pouvaient pas tirer de celle-ci une faute de nature à exclure ou même réduire son indemnisation.
Cette solution a été critiquée sur l’articulation entre faute civile et faute pénale.

Et pour les personnes qui sont troublées mentalement ?
En droit pénal, la règle de principe reste que le trouble psychique ayant aboli le discernement provoque l’exonération pénale (avec beaucoup d’exceptions)
en droit civil, la responsabilité civile du dément est retenu depuis 1968 (et depuis le 9 mai 1995 pour les enfants en bas âge)

pour les infractions non intentionnelles, le tribunal est compétent pour accorder la victime la réparation qui résulterait des faits en application du droit civil
ici, on a supprimé l’unité des fautes civiles et pénales
parce qu’avant la loi du 10 juillet 2000, l’unité des fautes civiles et pénales signifiait qu’il fallait une faute pénale pour qu’il y ait une faute civile (l’indemnisation était conditionnée à l’existence d’une faute pénale)
les magistrats avaient tendance à retenir la culpabilité de la personne au pénal
surtout à propos des chefs d’entreprise ou des décideurs politiques, on retenait des poussières de faute pour permettre une indemnisation

devant la Cour d’assises, l’article 372 prévoit qu’en cas d’acquittement ou d’exemption de peine, la partie civile peut demander réparation du dommage résultant de la faute de l’accusé telle qu’elle résulte des faits qui sont l’objet de l’accusation

il faut que la décision sur cette action civile soit fondée sur des faits qui ont été l’objet de poursuites
par ailleurs, il faut que la décision puisse concilier avec la déclaration de non culpabilité

  1. La qualité à agir

le plaignant, pour démontrer qu’il a qualité à agir, doit apporter la preuve d’un préjudice 1- actuel et certain 2- direct 3- personnel

il faut distinguer :

la phase du jugement (au stade du procès) : il faut un préjudice actuel certain personnel et direct, toutes ces conditions devant être avérées
mais au stade de l’instruction, il faut seulement alléguer un préjudice dont l’existence semble probable et qui paraît avoir été causé par l’infraction

il suffit, pour la recevabilité d’une constitution de partie civile, que les circonstances sur lesquelles elle s’appuie permettent au juge d’instruction d’admettre comme possibles toutes ces conditions

a) Un dommage actuel et certain

On ne peut pas prétendre à l’indemnisation d’un préjudice seulement éventuel.
On admet en revanche l’indemnisation de la perte de chance + d’un préjudice futur.

b) Lien de causalité
renvoie à la nécessité d’un lien de causalité
mais les tribunaux répressifs apprécient largement ce lien de causalité
exemple : attentat terroriste ; une personne effrayée par ce qu’il se passait alors qu’elle était à son balcon et qui a sauté de son balcon, le blessant
on a considéré que sa constitution de partie civile était recevable ; qu’il y avait un lien entre le préjudice né de la blessure qu’elle s’est elle-même infligée en sautant sur le coup de la peur

c) Un préjudice personnel
déclare réparation de son propre préjudice, et non du préjudice d’autrui

infractions dites « d’intérêt général » :
concept qui affirme que certaines infractions ont un résultat auquel aucun préjudice individuel ne peut correspondre
infractions qui ne lèsent que l’ordre public
-> aucune constitution de partie civile n’est recevable

exemples : le discrédit jeté sur une décision de justice, le faux écriture publique

  1. L’intérêt à agir

dire qu’une personne a intérêt à agir « signifie que la demande qu’elle a formé est susceptible de modifier sa situation dans le sens d’une amélioration »

la plupart du temps, c’est un avantage pécuniaire : une indemnisation
mais on admet aussi que la victime trouve un intérêt dans le simple fait de participer à l’accusation
aspect vindicatif [= vengeance]
c’est ce qu’on a appelé le double visage de l’action civile : on peut se constituer partie civile dans une optique indemnitaire, mais aussi dans une optique vindicative

précision : la victime dispose de la faculté de déclencher l’action publique
elle peut se constituer partie civile sans désirer ou pouvoir demander réparation
dans ce cas-là, c’est une action purement vindicative / répressive
la Cour de cassation a depuis longtemps décidé qu’une personne qui peut se prévaloir de la qualité de victime, même si elle ne demande pas réparation, peut bien se constituer partie civile

[ quand on voit « 1€ » de dommages-intérêts => c’est purement vindicatif]

dans certains cas, la demande en réparation excède la compétence du juge pénal, parce que certaines lois ont retiré au juge pénal toute compétence en matière de dédommagement de la victime
beaucoup dans le domaine du transport

depuis la loi du 5 mars 2007, le droit de se constituer partie civile a été encadré
on a voulu juguler le nombre de constitutions de partie civile
il faut, pour que la constitution de partie ciivle soit recevable, que la personne ait 1- préalablement porté plainte 2- qu’elle démontre soit que le parquet n’entend pas poursuivre, soit qu’un délai de 3 mois s’est écoulé depuis le dépôt de plainte sans réponse de la part de la justice

que dit la CEDH de ce double visage de l’action civile ?
elle n’est pas très directive sur ce plan
elle fait attention à ce que les délais de prescription ne soient pas trop courts, afin que les droits de la victime soient considérés comme effectifs
au-delà, elle s’inquiète des droits des personnes poursuivies

12 février 2004 : ce ui est protégé, c’est la face réparatrice de l’action civile, pas la face vindicative

B – Les demandeurs à l’action civile

Tout individu peut se constituer partie civile dès lors qu’il répond aux conditions posées par l’article 2 (dommage actuel et certain, préjudice direct…)

On a néanmoins des conditions interprétées très largement par la jurisprudence
Par ailleurs, cette jurisprudence favorable aux constitutions de partie civile s’est accompagné d’un mouvement législatif
Le législateur est intervenu par différentes lois pour conférer à des associations le droit de se constituer partie civile alors même qu’elle n’ont pas la qualité de victimes au sens de ces conditions (pas de préjudice direct et personnel).
Ce sont des personnes physiques et morales qui ne subissent pas nécessairement les conséquences de l’infraction.
Certains ont parlé d’une « dilution de l’action civile » pour qualifier ces mouvements.
Les personnes physiques comme les personnes morales peuvent prétendre se constituer partie civile. L’action civile est également ouverte aux héritiers de la victime, aux victimes par ricochet, aux cessionnaires et aux tiers subrogés, à divers groupements tels que les syndicats, les ordres professionnels, les associations

  1. Les personnes physiques ou morales

Une personne morale peut très bien remplir les conditions fixées par l’article 2 du Code, au même titre que les personnes physiques.
Exemple : une banque est directement et personnellement victime d’escroquerie.

idem pour les personnes morales de droit public
même l’État peut se constituer partie civile s’il estime être victime d’une infraction
idem pour personne morale étrangère
idem pour les syndicats / ordres professionnels

mais pour les associations, le législateur a dû intervenir
il faut distinguer 2 cas de figure :

soit l’association est victime au sens pénal (elle souffre personnellement d’un dommage directement causé par l’infraction), elle se fonde sur l’article 2 du Code de procédure pénale
sinon, 25 articles du Code de procédure pénale ; exemples : défense des personnes malades, handicapées ou âgées, défense des victimes des dérives sectaires, défense des animaux…
ici, on voit bien l’utilité sociale et juridique de ces habilitations législatives, parce que les intérêts en jeu concernent des personnes dont la situation de vulnérabilité est souvent peu propice à une action civile personnelle

victimes indignes : victime qui invoque un dommage qui n’a pas été causé à un intérêt légitimement protégé, ou qui est né d’une situation illicite ou immorale
devant une juridiction civile, le juge civil répondrait « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude »
le juge pénal s’en moque
lorsque cela était interdit, une femme meurt à la suite d’un avortement auquel elle s’est prêtée volontairement
sa famille se porte partie civile, la Cour de cassation valide

est-ce que le juge répressif peut opposer à une victime sa propre naïveté / candeur ?
sur la recevabilité, non
mais dans certains cas, la faute de la victime peut rejaillir sur l’étendue de son indemnisation, mais elle ne va pas l’irrecevabilité de l’action civile

  1. Les victimes par ricochet et les proches

La chambre criminelle est très généreuse dans son appréciation du concept de victime pénale : une multitude de proches de la victime se sont vues admettre la possibilité d’exercer l’action civile devant les tribunaux répressifs.
Les conjoints de la victime, les concubins, l’enfant, les parents, amants et maîtresses…

Les proches de la victime peuvent généralement subir 2 types de préjudice :
1- un préjudice économique ;
2- un préjudice moral (ex : le spectacle des blessures)

Exemple : Crim., 11 juillet 1994 :
Infraction pénale entraînant l’éloignement d’une personne mineure conduisant à une rupture des relations de cette personne mineure avec ses grands-parents
on a considéré que c’était une infraction pénale réparable devant le juge pénal

III – L’action en réparation de la victime d’une infraction pénale devant les juridictions civiles

La victime a un droit d’option entre les 2 voies.

Si le procès civil se déroule avant la mise en oeuvre de l’action publique, il n’y pas de problème procédural ; le procès pénal interviendra postérieurement et la décision du juge civil ne s’impose pas au juge pénal.

Par contre, si l’action publique a déjà été mise en mouvement et que la victime saisit les juridictions civiles pour la réparation de son dommage, le juge civil doit surseoir à statuer jusqu’à ce que la juridiction pénale ait rendu son jugement.
Ensuite, elle devra tenir compte de ce jugement pénal, pour des questions de bonne administration de la justice.

A – L’irrévocabilité du choix de la voie civile

Cette irrévocabilité est affirmée par l’article 5 du Code de procédure pénale :
« La partie qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente ne peut pas l’apporter devant la juridiction répressive. »

Maxime : « electa una via » = principe d’irrévocabilité du choix de la voie civile.

Il y a des exceptions : il en va différemment lorsque la juridiction répressive a été saisie par le ministère public avant qu’un jugement sur le fond ait été rendue par la juridiction civile.
Dans ce cas là, la victime peut passer de la voie civile à la voie pénale.

Par ailleurs, la réciproque n’est pas vraie.
L’option pénale n’est donc pas irrévocable, au contraire de l’option civile.

B – Le principe de la primauté du criminel sur le civil

Si la victime opte pour la voie civile, elle est encore partiellement soumise à la décision pénale, si l’action publique a été déclenchée.
Pendant toute la durée du procès pénal, la procédure civile va être suspendue en vertu d’une nouvelle maxime : « le criminel tient le civil en l’état ».

  1. « Le criminel tient le civil en l’état »

C’est l’alinéa 2 de l’article 4 du Code de procédure pénale :
« il est sursis au jugement de cette action tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement ».

L’article 4 poursuit : la mise en mouvement de l’action publique n’impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, quelle que soit la nature de ces actions, et même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer une influence sur la solution du procès civil.

Actions à fin civile :
« Le droit civil connaît aussi d’actions qui, nées à l’occasion d’une infraction pénale, n’ont pas pour objet de réparer le préjudice que cette dernière a causé. « 
« Tirer certaines conséquences civiles d’une situation que cette infraction a manifesté, ou encore de ramener à exécution un droit que l’infraction aurait pu troubler »
[se renseigner là-dessus]

  1. Le principe de l’autorité du criminel sur le civil

Aucun texte du Code ne le prévoit ; c’est la jurisprudence qui a fixé ce principe et qui le rappelle régulièrement.

La loi du 5 mars 2007 a mis fin à cette autorité du criminel sur le civil s’agissant des actions à fin civile.

Le juge civil doit se mettre en conformité avec la décision du juge criminel. Par exemple, il ne peut pas nier une infraction si le juge pénal est entré en voie de condamnation.

Mais il ne faut pas oublier ce qui a été dit précédemment sur les fautes non intentionnelles (une relaxe n’enmpêche pas le juge civil de condamner sur le fondement de la responsabilité délictueelle ou quasi-délictuelle).
Concernant les fautes intentionnelles, on peut avoir une juridiction répressive qui déclare une relaxe ou un acquittement ; le juge civil peut néanmoins retenir une faute différente et allouer des dommages-intérêts à la victime.
Ex : retenir une faute d’imprudence.
Mais : Crim., 16 décembre 2016 :
« Le dommage dont la partie civile peut obtenir réparation en cas d’acquittement ou de relaxe doit résulter d’une faute démontrée à partir et dans la limite des faits objets de la poursuite ».
La chambre criminelle précise qu’il n’est pas possible de prendre en considération des faits qui n’étaient pas compris dans les poursuites.

Enfin, la chambre civile a précisé que l'autorité du criminel sur le civil (qui est en réalité une autorité de la chose jugée au pénal) s'étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif prononçant la relaxe.
(Civ. 2, 24 novembre 2022, n°21-17.167)

ceux qui n’ont pas la matière en TD : 3 questions sur la liste, on en choisit 2 sur les 3
pour les maximes : on n’a pas de points si on en parle, mais il y aura un bonus si elles sont citées

Section 8 : L’action publique

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I – L’autorité compétente : la situation discutée des magistrats du parquet

A – L’indépendance et l’impartialité du ministère public en question

1) Le statut du ministère public, obstacle à l’indépendance

a) Les traits et pouvoirs propres du ministère public

Les magistrats du ministère public appartiennent au même corps que les magistrats du siège.
Ils prêtent le même serment (article 6 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 : « Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat”).

Toutefois, ils disposent de 3 traits qui leur sont propres :

  1. Indivisibilité : chaque membre du parquet agit et parle au nom du parquet tout entier.
    L’acte qu’il accomplit a la même autorité et le même effet que s’il émanait du procureur en personne.

    Conséquence : au cours d’une même procédure, voire d’une même audience, les magistrats du parquet peuvent se remplacer et se succéder dans l’examen d’une même affaire, alors que les juges du siège ne le peuvent pas.

  1. Irresponsabilité : les magistrats du ministère public sont irresponsables.
    Il ne peuvent pas être condamnés aux dépens ou à payer des dommages-intérêts à une personne acquittée ou poursuivie à tort.
  1. Irrécusabilité : un membre du ministère public ne peut jamais être récusé en matière pénale.
    Ni la personne poursuivie ni la victime ne peuvent refuser de reconnaître sa compétence ou demander son remplacement.

Par ailleurs, ils ont une certaine liberté :

  • Le procureur de la République dispose de pouvoirs propres : l’exercice de l’action publique, prévue par l’article 31 du CPP.
    Personne ne peut se substituer à lui pour l’exercice de ce pouvoir, qui est une totale liberté.
  • Les magistrats du parquet disposent d’une liberté de parole pendant l’audience, comme le prévoit l’article 33 du CPP.
    Ils sont tenus de prendre des réquisitions conformes aux instructions qui leur sont données, mais ils développent librement les observations orales qu’ils croient convenables au bien de la justice.

b) Le principe hiérarchique et l’emprise du pouvoir exécutif

Le ministère public est indépendant vis-à-vis des juridictions d’instruction et de jugement : le président du tribunal ne peut pas lui donner d’ordres ni lui adresser des blâmes ou des injonctions.
Il est aussi indépendant vis-à-vis de la victime : une fois l’action publique en mouvement, le magistrat du ministère public est le seul maître de son exercice.

Les membres du ministère public font partie du corps judiciaire, mais ils sont hiérarchiquement soumis au garde des Sceaux.
La professeure Michèle-Laurat Rassat s’interroge : “peut-on servir 2 maîtres à la fois, la loi et le pouvoir exécutif ?”.

L’emprise du pouvoir exécutif se mesure au regard :

  • Des règles de nomination : le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) donne son avis, mais il ne lie pas le gouvernement ;
  • Des règles de sanction : le garde des Sceaux est compétent pour le parquet ; le CSM donne un avis généralement consultatif.

L’emprise du pouvoir exécutif se mesure aussi au regard du fonctionnement du ministère public.
En effet, il existe une double hiérarchie du parquet à l’égard du pouvoir exécutif + au sein même du parquet, “organisé comme une armée” avec une structure pyramidale.

L’article 30 du CPP prévoit déjà que “Le ministre de la Justice conduit la politique pénale déterminée par le Gouvernement. Il veille à la cohérence de son application sur le territoire de la République.”

À cette fin, il adresse aux magistrats du ministère public des instructions générales, qui sont des directives générales de politique pénale impersonnelles (pas forcément nationales).

Par contre, il ne peut leur adresser aucune instruction dans des affaires individuelles, depuis la loi du 25 juillet 2013 qui répond à certains scandales.

Article 35 du CPP : le procureur général exerce un pouvoir hiérarchique sur les procureurs de la République de son ressort.
Article 36 du CPP : il peut leur donner des instructions.

Enfin, le procureur de la République anime et coordonne lui-même la politique d’action publique sur son ressort.
Il répartit aussi les substituts.

Objectif de cette organisation pyramidale : assurer une certaine cohérence d’ensemble à l’exercice de l’action publique.
L’article 20 de la Constitution prévoit bien que “le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation”, dont la politique pénale fait partie.

2) Le cumul de fonctions, obstacle à l’impartialité

Rappel : l’impartialité est une situation de neutralité qui s’apprécie par rapport aux parties.

CEDH, 1er octobre 1982, Piersack contre Belgique :
Il y a 2 types d’impartialité :

  1. L’impartialité subjective :
    Il est question ici de déterminer ce que tel protagoniste du procès pense dans son for intérieur.
    On parle également d’impartialité personnelle.

    Exemple pour le juge : l’article 668 du CPP prévoit qu’un juge peut être récusé “si le juge ou son conjoint/partenaire/concubin sont parents ou alliés de l’une des parties”.

  1. L’impartialité objective :
    Il est question ici de déterminer si ce protagoniste du procès offre des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime.
    On parle également d’impartialité fonctionnelle.

    Exemple : l’article 49 alinéa 2 du CPP prévoit que le juge d’instruction ne peut, à peine de nullité, participer au jugement des affaires pénales dont il a connu en sa qualité de juge d’instruction.

Un membre du ministère public peut-il être considéré comme impartial dès lors qu’il peut, en amont, être chargé du contrôle de la légalité d’une détention concernant un suspect (exemple typique : garde à vue), puis, ensuite, être appelé à exercer des poursuites contre ce même suspect ?

Autrement dit : peut-il à la fois être le gardien de la légalité d’une mesure privative de liberté à laquelle est soumis le suspect et la personne qui décide du déclenchement de l’action publique contre ce même suspect ?

Le professeur Jacquelin souligne que “ses fonctions lors de l’enquête et ses fonctions à l’occasion des poursuites semblent radicalement incompatibles”.

B – Les réactions face à la situation ambiguë du ministère public

1) La position des juges

a) La Cour de cassation et la CEDH

La Cour de cassation et la CEDH ont toutes 2 condamné le manque d’indépendant et d’impartialité du ministère public.

Décisions à retenir :

Crim., 15 décembre 2010, n°10-83.674 :
”C’est à tort que la chambre de l’instruction a retenu que le ministère public est une autorité judiciaire au sens de l’article 5 § 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, alors qu’il ne présente pas les garanties d’indépendance et d’impartialité requises par ce texte et qu’il est partie poursuivante […]”.

CEDH, 29 mars 2010, Medvedyev et autres contre France
+
CEDH, 23 novembre 2010, Moulin contre France
+ CEDH, 27 juin 2013, Vassis contre France :
”Du fait de leur statut […], les membres du ministère public, en France, ne remplissent pas l’exigence d’indépendance à l’égard de l’exécutif qui, selon une jurisprudence constante, compte, au même titre que l’impartialité, parmi les garanties inhérentes à la notion autonome de magistrat au sens de l’article 5 § 3. Par ailleurs, la loi confie l’exercice de l’action publique au ministère public. Indivisible, le parquet est représenté auprès de chaque juridiction répressive de première instance et d’appel. Or les garanties d’indépendance à l’égard de l’exécutif et des parties excluent notamment qu’il puisse agir par la suite contre le requérant dans la procédure pénale”.


b) Le Conseil constitutionnel

Conseil constitutionnel, 30 juillet 2010, n°2010-14/22 (QPC) :
Le Conseil constitutionnel adopte une position bien différente, en déclarant de façon péremptoire que “l’autorité judiciaire comprend à la fois les magistrats du siège et du parquet”.

2) Les interventions normatives

a) Les réformes accomplies

Par la loi du 25 juillet 2013, le législateur a apporté certain correctifs sans changer fondamentalement la situation des membres du ministère public.

L’article 30 du CPP affirme désormais que “le ministre de la Justice ne peut leur adresser aucune instruction dans des affaires individuelles”.
Mais l’article 36 prévoit toujours qu’il “peut enjoindre aux procureurs de la République, par instructions écrites et versées au dossier de la procédure…” → il peut, par ce biais, tenter indirectement d’étouffer une affaire.


b) Les réformes attendues

Une réforme du statut constitutionnel du parquet concernant sa procédure de nomination et ses sanctions disciplinaires (avis conforme du CSM pour la nomination + CSM deviendrait le juge disciplinaire de tous les magistrats) a été adoptée par les députés puis sénateurs en 2013.
Cependant, ce projet de loi constitutionnel est aujourd’hui au point mort.

Une piste similaire a été explorée par le rapport de la commission Nadal de novembre 2013.

Ces propositions concernent la question de l’indépendance et non celle de l’impartialité.
Certains auteurs ont donc proposé :

  • De retirer au parquet le contrôle des mesures attentatoires aux libertés et de confier, par exemple, au JLD (= magistrat du siège) des responsabilités actuellement confiées au membres du ministère public, telles que le contrôle de la garde à vue ;
  • De retirer au parquet l’autorité qu’il détient actuellement sur la police judiciaire en vertu de l’article 41 du CPP.

II – La recevabilité de l’action publique

A – Les causes d’extinction de l’action publique

1) La prescription

a) Introduction : une institution dans la tourmente, une réforme récente

N° 3540 – Rapport de M. Alain Tourret sur la proposition de loi de MM. Alain Tourret et Georges Fenech portant réforme de la prescription en matière pénale (2931)
https://www.assemblee-nationale.fr/14/rapports/r3540.asp

Un rapport sénatorien indique que « les différents fondements de la prescription apparaissent ainsi ébranlés dans notre société, culturellement réticente à l’oubli”.

La matière a ainsi fait l’objet d’une complète refonte par la loi du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale, qui a remis en cause certains choix antérieurs au profit d’une plus grande durée d’exercice pour l’action publique.


b) Observations générales sur le fonctionnement du mécanisme

La prescription de l’action publique joue à l’égard de tous ceux qui ont participé à l’infraction.
En effet, le bénéfice de la prescription n’est pas personnel à l’auteur principal, mais s’étend à l’infraction elle-même et profite donc à l’ensemble de ses auteurs, coauteurs ou complices qui peuvent se prévaloir de la même exception.

La prescription, mode d’extinction de l’action publique, est fondée sur des raisons d’intérêt général et à ce titre, constitue une exception péremptoire et d’ordre public.
Cela a deux conséquences :

  1. Le délinquant ne peut pas y renoncer ; le moyen tiré de la prescription de l’action publique doit être relevé d’office par le juge.
    Il appartient au ministère public d’établir que l’infraction n’est pas éteinte par la prescription et donc de déterminer la date de l’infraction permettant de fixer le point de départ du délai de prescription.
  1. Le moyen tiré de l’exception de prescription peut être opposé en tout état de cause à tout stade du procès et notamment peut être invoqué pour la première fois en appel ou devant la Cour de cassation.

c) Les délais

Pour les crimes, il y a 5 règles distinctes :

  1. Le droit commun :
    Article 7 du Code de procédure pénale : l’action publique des crimes se prescrit par vingt années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise.
  1. L’action publique de certains crimes se prescrit par trente années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise.
    Exemples : terrorisme, pratiques eugéniques, trafic de stupéfiants…
  1. L’action publique de certains autres crimes, lorsqu’ils sont commis sur des mineurs, se prescrit par trente années révolues à compter de la majorité de ces derniers.
    Exemples : meurtre, actes de torture et de barbarie, traite des êtres humains… commis sur des mineurs.
  1. S’il s’agit d’un viol, en cas de commission sur un autre mineur par la même personne, avant l’expiration de ce délai, d’un nouveau viol, d’une agression sexuelle ou d’une atteinte sexuelle, le délai de prescription de ce viol est prolongé, le cas échéant, jusqu’à la date de prescription de la nouvelle infraction.
  1. L’action publique des crimes mentionnés aux articles 211-1 à 212-3 du CPP est imprescriptible.
    Crimes contre l’humanité, génocide.

Pour les délits, il y a 6 règles distinctes :

  1. Le droit commun :
    Article 8 du Code de procédure pénale : l’action publique des délits se prescrit par six années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise.
  1. L’action publique de certains délits, lorsqu’ils sont commis sur des mineurs, se prescrit par dix années révolues à compter de la majorité de ces derniers.
    Exemples : délit de proxénétisme à l’égard d’un mineur, délit de recours à la prostitution d’un mineur…
  1. L’action publique de certains délits, lorsqu’ils sont commis sur des mineurs, se prescrit par vingt années révolues à compter de la majorité de ces derniers.
    Exemple : agressions sexuelles autres que le viol sur un mineur.
  1. S’il s’agit d’une agression sexuelle ou d’une atteinte sexuelle commise sur un mineur, en cas de commission sur un autre mineur par la même personne, avant l’expiration des délais prévus aux deuxième et troisième alinéas du présent article, d’une agression sexuelle ou d’une atteinte sexuelle, le délai de prescription de la première infraction est prolongé, le cas échéant, jusqu’à la date de prescription de la nouvelle infraction.
  1. L’action publique d’un certain délit (1 des hypothèses d’entrave à la saisine de la justice ; voir procès du cardinal Barbarin) se prescrit, lorsque le défaut d’information concerne une agression ou un atteinte sexuelle commise sur un mineur, par dix années révolues à compter de la majorité de la victime et, lorsque le défaut d’information concerne un viol commis sur un mineur, par vingt années révolues à compter de la majorité de la victime.
  1. L’action publique de certains délits se prescrivent par vingt années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise.
    Exemples : infractions relatives aux matières et aux armes nucléaires, actes de terrorisme…

Pour les contraventions :
Article 9 du Code de procédure pénale :
“L’action publique des contraventions se prescrit par une année révolue à compter du jour où l’infraction a été commise”.

Attention : pour certaines infractions, des textes spéciaux ont fixé des délais de prescription plus courts.
Exemple : en matière de presse, les infractions prévues par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse se prescrivent en principe après un délai de trois mois, à compter du jour où elles auront été commises ou du jour du dernier acte d’instruction ou de poursuite s’il en a été fait.


d) Les points de départ

Principe : le point de départ de la prescription est placé au jour de la commission de l’infraction.

Mais il y a des règles particulières :

  • Article 9-1 : le délai de prescription de l’action publique des crimes et délits mentionnés à l’article 706-47 du présent code et aux articles 222-10 et 222-12 du code pénal, lorsqu’ils sont commis sur un mineur, court à compter de la majorité de ce dernier.
    Exemple : violences sur un mineur.
  • Le délai de prescription de l’action publique du crime prévu à l’article 214-2 (→ crime de clonage reproductif), lorsqu’il a conduit à la naissance d’un enfant, court à compter de la majorité de ce dernier.
  • Le délai de prescription de l’action publique de l’infraction occulte ou dissimulée court à compter du jour où l’infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique, sans toutefois que le délai de prescription puisse excéder douze années révolues pour les délits et trente années révolues pour les crimes à compter du jour où l’infraction a été commise.

    Une infraction occulte est une infraction qui, en raison de ses éléments constitutifs, ne peut être connue ni de la victime ni de l’autorité judiciaire. La clandestinité est ici liée à la nature, à la qualification abstraite de l’infraction.

    Exemple : en matière d’abus de confiance, la jurisprudence fixe le point de départ du délai de prescription au moment où l’on peut constater le détournement ou la dissipation que le coupable avait jusqu’alors réussi à dissimuler par ses manœuvres ou son attitude dilatoire.

    Une infraction dissimulée est une infraction dont l’auteur accomplit délibérément toute manœuvre caractérisée tendant à en empêcher la découverte.

    Exemple : en matière d’abus de biens sociaux, la prescription court à compter de la présentation des comptes annuels par lesquels les dépenses litigieuses sont mises indûment à la charge de la société, sauf dissimulation !

    Exemple récent : Crim., 12 avril 2022, n°21-83.696 :
    Une société est poursuivie du chef d’abandon et de dépôt illégal de déchets dangereux.
    Les juges relèvent que le dépôt de déchets avait un caractère occulte.

    Crim., 5 octobre 2022, n°21-82.339 :
    Le délit dissimulé s’entend de l’infraction pour laquelle le prévenu a eu recours à une manœuvre caractérisée destinée à camoufler l’infraction.
    → Il n’y a dissimulation qu’en cas d’action positive du prévenu.


    e) La prorogation à la faveur des causes d’interruption

    Article 9-2 du Code de procédure pénale :

    “Le délai de prescription de l’action publique est interrompu par :

    1. Tout acte, émanant du ministère public ou de la partie civile, tendant à la mise en mouvement de l’action publique ;
    1. Tout acte d’enquête émanant du ministère public, tout procès-verbal dressé par un officier de police judiciaire ou un agent habilité exerçant des pouvoirs de police judiciaire tendant effectivement à la recherche et à la poursuite des auteurs d’une infraction ;
    1. Tout acte d’instruction […] tendant effectivement à la recherche et à la poursuite des auteurs d’une infraction ;
    1. Tout jugement ou arrêt, même non définitif, s’il n’est pas entaché de nullité.”

3 précisions supplémentaires :

  1. Tout acte, jugement au arrêt mentionné par l’article 9-2 fait courir un délai de prescription d’une durée égale au délai initial.
  1. Cet article est applicable aux infractions connexes ainsi qu’aux auteurs ou complices non visés par l’un de ces mêmes acte, jugement ou arrêt.
  1. Le délai de prescription d’un viol, d’une agression sexuelle ou d’une atteinte sexuelle commis sur un mineur est interrompu par l’un des actes ou l’une des décisions mentionnés par l’article 9-2 intervenus dans une procédure dans laquelle est reprochée à la même personne une de ces mêmes infractions commises sur un autre mineur.

Ces termes sont interprétés largement par la jurisprudence.
D’une manière générale, c’est l’objet de l’acte qui est pris en considération et non l’organe qui l’a réalisé.

L’interruption de la prescription de l’action publique a pour effet d’anéantir tout le temps déjà écoulé avant sa survenance et de faire courir un nouveau délai.


f) La prorogation à la faveur des causes de suspension

Article 9-3 du Code de procédure pénale :
”Tout obstacle de droit, prévu par la loi, ou tout obstacle de fait insurmontable et assimilable à la force majeure, qui rend impossible la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique, suspend la prescription”.

Contrairement à l’interruption, la suspension de la prescription de l’action publique ne fait qu’arrêter le cours de la prescription.

Les obstacles de droit sont prévus par la loi.
Par exemple, la prescription de l’action publique est suspendue lors de la mise en œuvre par le procureur de la République d’une alternative aux poursuites.

Les obstacles de fait empêchent matériellement l’exercice de l’action publique.
Exemple : l’invasion du territoire par l’ennemi (Crim., 1 août 1919).

2) Les autres causes d’extinction

L’article 6 du Code de procédure pénale affirme que :

  • “L’action publique pour l’application de la peine s’éteint par la mort du prévenu, la prescription, l’amnistie, l’abrogation de la loi pénale et la chose jugée.”
  • “Elle peut, en outre, s’éteindre par transaction lorsque la loi en dispose expressément ou par l’exécution d’une composition pénale ; il en est de même en cas de retrait de plainte, lorsque celle-ci est une condition nécessaire de la poursuite”.
  1. Le décès / la dissolution :
    • Pour les personnes physiques :
      Article 121-1 du Code pénal : “nul n’est pénalement responsable que de son propre fait”.
      Le décès de la personne poursuivie éteint donc l’action publique.

      CEDH, 12 avril 2012, Lagardère contre France :
      ”Il existe une règle fondamentale du droit pénal, selon laquelle la responsabilité pénale ne survit pas à l’auteur de l’acte délictueux. […] Hériter de la culpabilité du défunt n’est pas compatible avec les normes de la justice pénale dans une société régie par la prééminence du droit.”

      ⚠️ L’effet extinctif ne vaut que pour la personne décédée et ne s’étend pas aux complices ou coauteurs de l’infraction.

    • Pour les personnes morales :
      Il ne faut pas oublier que la personnalité juridique de la personne morale survit pendant la période de liquidation judiciaire.
  1. L’amnistie est une mesure prise par le législateur qui ôte rétroactivement à certains faits commis lors d’une période déterminée leur caractère délictueux.
  1. L’abrogation de la loi pénale :

    Aucune personne ne peut être poursuivie/condamnée du chef d’une infraction prévue par un texte à la date des faits mais qui aurait été abrogé après la commission des faits. C’est une application du principe de rétroactivité de la loi pénale de fond plus douce.

    Cette abrogation peut être l’œuvre du législateur mais également du Conseil constitutionnel qui, saisi d’une QPC, déciderait d’une abrogation à effet immédiat ou différé.

  1. La chose jugée :

    Il n’est pas possible de reprendre des poursuites contre une personne qui a déjà fait l’objet d’une décision sur le fond devenue définitive, en application du principe ne bis in idem + de l’article 4.1 du protocole additionnel n°4 à la Convention EDH.

  1. La transaction pénale est un accord entre une personne susceptible de faire l’objet de poursuites et une autorité légalement investie du droit d’engager ces poursuites.
  1. La composition pénale est prévue par l’article 41-2 du CPP.
    Elle peut être proposée “à une personne physique qui reconnaît avoir commis [les faits]” et consiste en des interdictions et obligations diverses.
  1. Le retrait de la plainte de la victime est en principe sans effet sur l’action publique ; mais, dans certaines hypothèses, la plainte est une condition préalable nécessaire à l’exercice de l’action publique.

B – Les cas de subordination de l’action publique

Les poursuites peuvent être subordonnées :

  • À une dénonciation officielle de l’État étranger, en cas d’infraction commise à l’étranger par un français ou sur un français ;
  • À l’avis préalable d’une autorité (par exemple : en matière boursière pour les délits d’initiés, le ministère public doit recueillir l’avis de l’AMF) ;
  • À une mise en demeure préalable (exemple : infractions à la règlementation en matière d’hygiène et de sécurité des travailleurs) ;
  • À une plainte préalable.
    Pour certaines infractions de faible gravité et qui ne portent atteinte qu’à des intérêts privés (injures, diffamations, atteintes à la vie privée), on exige une plainte préalable de la victime, à peine de nullité de l’action publique.

III – L’exercice de l’action publique

A – Le principe de l’opportunité des poursuites

1) L’information préalable du procureur de la République

Le procureur de la République peut être informé de la commission des infractions par les victimes, témoins, ou par toute personne qui en aurait appris l’existence. Il a l’obligation légale de recevoir les plaintes et dénonciations, d’apprécier la suite à leur donner et d’aviser l’auteur de la plainte de la suite qu’il lui a réservée.

Les fonctionnaires de police et militaires de la gendarmerie ont la même obligation de recevoir toutes les plaintes.

La dénonciation est aussi obligatoire pour toute personne ayant connaissance d’un crime dont il est possible de prévenir ou de limiter les effets ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés (Code pénal, article 434-1), sauf pour les bénéficiaires d’une immunité familiale et les personnes tenues au secret professionnel.

La principe source d’informations est cependant constituée par les enquêtes de la police judiciaire (placée sous la direction du procureur de la République → article 12 du CPP) qui a l’obligation de lui transmettre ses procès-verbaux (article 19 du CPP).

Presque tous les parquets ont aujourd’hui recours au traitement en temps réel des procédures (les OPJ rendent compte téléphoniquement au parquet de certaines infractions).

2) La mise en œuvre du principe

Le ministère public est chargé de mettre en mouvement et d’exercer l’action publique.
Il dispose de la liberté d’appréciation la plus large : c’est lui qui apprécie la suite à donner aux plaintes et dénonciations (article 40 du Code de procédure pénale).

Le principe d’opportunité des poursuites est une liberté, qui s’oppose au principe de la légalité des poursuites, en vigueur dans certains pays, qui oblige le ministère public à poursuivre dès qu’il a connaissance d’une infraction constituée.

Le ministère public a le droit de poursuite d’office, sans qu’un ordre, une dénonciation ni une plainte ne soient nécessaires.
Cette décision ne peut pas être critiquée.

À l’inverse, le ministère public a le droit, même lorsqu’il est saisi d’une plainte, de laisser celle-ci sans suite dès lors que les circonstances particulières liées à la commission des faits le justifient – même si le fait dénoncé comportait une qualification pénale !

En principe, le ministère public choisit librement le moyen par lequel il met en mouvement l’action publique, sauf lorsque la loi décide que le recours à l’information judiciaire est obligatoire.

B – Le classement sans suite

Le choix de ne pas poursuivre constitue une décision de classement sans suite.
C’est une décision purement administrative qui ne peut pas faire l’objet d’un recours juridictionnel.

Les motifs d’un classement sans suite sont divers :
> absence d’infraction ou infraction suffisamment caractérisée ;
> absence de préjudice, faible trouble à l’ordre public, comportement de la victime…

Le ministère public peut toujours revenir sur une décision de classement sans suite sans avoir à justifier de faits nouveaux jusqu’à l’expiration du délai de prescription, sauf si une cause d’extinction de l’action publique est survenue entre-temps.

Une décision de la classement sans suite ne peut pas faire échec à l’ouverture d’une information sur plainte avec constitution de partie civile.

Article 40-2 du CPP : le procureur de la République est tenu d’informer la victime en cas de classement sans suite, en indiquant les raisons juridiques ou d’opportunité qui justifient cette décision de classement sans suite.

La personne ayant dénoncé les faits dispose du droit de former contre cette décision de classement sans suite un recours devant le procureur général. Celui-ci peut :
> soit enjoindre au procureur de la République d’engager des poursuites ;
> soit, s’il estime le recours infondé, en informer l’intéressé (article 40-3 du CPP).
→ Consécration du recours hiérarchique auprès du procureur général près la cour d’appel, reconnu par la pratique.

La personne ayant dénoncé les faits peut aussi se constituer partie civile si le procureur de la République lui fait savoir qu’il n’engagera pas lui-même de poursuites.

C – Les mesures alternatives au poursuites

Rapidement, les parquets ont développé des modes de réponses pénales qui leur permettaient de soumettre leur classement sans suite au respect d’une condition qu’ils fixaient à la personne impliquée : avertissement, rappel à la loi, menaces de poursuites en cas de réitération de l’infraction, obligation de réparer le préjudice causé par l’infraction, médiation pénale, suivi de soins, et régularisation d’une situation constitutive d’une infraction, …

Le législateur, par la loi du 23 juin 1999 renforçant l’efficacité de la procédure pénale, a tenté de régir ces solutions alternatives + ajouté la possibilité de la composition pénale.

Les mesures alternatives aux poursuites peuvent être mises en œuvre par le procureur de la République quelle que soit l’infraction commise, que l’auteur de celle-ci soit majeur ou mineur.
La mesure doit être susceptible d’assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l’infraction, ou de contribuer au reclassement de l’auteur des faits.

En principe, le recours aux mesures alternatives aux poursuites est réservé aux faits de faible gravité qui ne justifient ni l’engagement de poursuites ni le recours à une composition pénale.

(article 41-1 du CPP)

En particulier :

  1. La médiation n’est possible qu’à la demande ou avec l’accord de la victime.
    Elle consiste en un accord entre l’auteur des faits et la victime.
    → Les parties se substituent à la justice étatique.
  1. La composition pénale consiste à proposer à une personne majeure ou mineure qui reconnaît avoir commis un ou plusieurs délits punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans, d’exécuter des mesures qui auront pour conséquence d’éteindre l’action publique.

D – Les modalités d’engagement des poursuites

1) En matière correctionnelle et/ou contraventionnelle

a) Avertissement

Article 389 du CPP :
”L’avertissement, délivré par le ministère public, dispense de citation, s’il est suivi de la comparution volontaire de la personne à laquelle il est adressé.
Il indique le délit poursuivi et vise le texte de loi qui le réprime.”

Si le prévenu ne comparaît pas, le tribunal n’est pas saisi.


b) Citation directe

Article 390 du CPP :

La citation directe consiste à assigner directement l’auteur présumé des faits devant le tribunal correctionnel ou le tribunal de police.
Elle peut être utilisée lorsque le dossier est en état d’être jugé, pour tous les délits et pour toutes les contraventions, mais jamais pour les crimes.

La partie lésée dispose elle aussi du droit de citer directement devant le tribunal correctionnel ou le tribunal de police l’auteur d’une infraction qui lui a causé un préjudice.


c) Convocation par greffier, chef d’établissement pénitentiaire, officier ou agent de police judiciaire

Article 390-1 du CPP :

Ce moyen consiste, pour le procureur de la République, à faire convoquer devant la juridiction répressive l’auteur présumé en lui faisant notifier les faits reprochés par un officier ou agent de police judiciaire, un greffier ou un chef d’établissement pénitentiaire.

Elle vaut citation à personne : si le prévenu ne comparaît pas à l’audience, il sera jugé contradictoirement.


d) Ordonnance pénale

L’ordonnance pénale consiste, pour le procureur de la République, à communiquer directement le dossier de la procédure au président du tribunal avec ses réquisitions quant à la ou aux peines qui doivent être prononcées.

Le président statue sans débat préalable par une ordonnance portant relaxe ou condamnation à une amende ou à une ou plusieurs des peines complémentaires encourues.

L’ordonnance est ensuite transmise au ministère public qui doit la faire notifier au prévenu et à la partie civile qui disposent d’un délai de quarante-cinq jours pour former opposition.

Cette procédure n’est applicable qu’à certains délits, dont la liste complexe ne sera pas détaillée ici.


e) Comparution immédiate

Article 394 du CPP :

Le procureur de la République, après que la personne mise en cause lui a été présentée au parquet, lorsqu’il lui apparaît que les charges réunies sont suffisantes et que l’affaire est en état d’être jugée, peut :

  • soit inviter la personne à comparaître devant le tribunal dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours ou supérieur à deux mois ;
  • soit, s’il s’agit d’un délit réprimé d’une peine d’au moins 6 mois d’emprisonnement (délits flagrants) ou 2 ans d’emprisonnement (délits non flagrants), faire traduire l’intéressé devant le tribunal correctionnel suivant la procédure de comparution immédiate.

f) Comparution à délai différé

La loi du 23 mars 2019 a créé la comparution à délai différé au nouvel article 397-1-1 du CPP.

Dans les cas prévus à l’article 395, s’il existe contre la personne des charges suffisantes pour la faire comparaître devant le tribunal correctionnel, mais que l’affaire n’est pas en état d’être jugée selon la procédure de comparution immédiate parce que n’ont pas encore été obtenus les résultats de réquisitions, d’examens techniques ou médicaux déjà sollicités, le procureur de la République peut, si le prévenu est assisté par un avocat, le poursuivre devant le tribunal correctionnel selon cette procédure.

Le procureur présente le prévenu au JLD pour le placer sous contrôle judiciaire, en assignation à résidence sous surveillance électronique ou encore en détention provisoire.


g) Procédure de comparution sur reconnaissance préalable

La procédure de comparution sur reconnaissance préalable, instituée par la loi du 9 mars 2004 aux articles 495-7 à 495-16 du CPP, consiste pour le procureur de la République, pour les délits, à proposer à la personne déférée, convoquée ou citée qui reconnaît les faits qui lui sont reprochés d’exécuter 1 ou plusieurs des peines encourues.

La peine d’emprisonnement proposée ne peut pas être supérieure à la moitié de la peine encourue + ne peut pas être supérieure à 3 ans.
Le montant de la peine d’amende proposée ne peut pas être supérieur à celui de l’amende encourue.

Il est possible d’effectuer une convocation en justice du prévenu simultanément.

Cette procédure peut être mise en œuvre à l’issue :
> d’une enquête préliminaire ;
> d’une enquête de flagrance ;
> d’une information judiciaire.

La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité s’applique à tous les délits, sauf aux atteintes à l’intégrité des personnes + aux agressions sexuelles punies d’une peine d’emprisonnement supérieure à 5 ans.

Cette procédure n’est pas applicable :
> aux mineurs ;
> en matière de délits de presse ;
> en matière de délits d’homicide involontaire ;
> en matière de délits politiques ;
> en matière de délits dont la poursuite est prévue par une loi spéciale.

Les avocats Christophe Ingrain et Paul Mallet relèvent que cette procédure, initialement créée pour les “affaires simples et en état d’être jugées”, est désormais applicable à des délits complexes.

Article 495-8 du CPP : l’assistance d’un avocat est obligatoire tout au long de cette procédure.
”La personne ne peut renoncer à son droit d’être assistée par un avocat.”

Si la personne accepte, elle est présentée devant un juge du siège qui, après avoir vérifié la réalité des faits et leur qualification juridique, peut soit homologuer les peines proposées, soit refuser de les homologuer.

En cas d’homologation, l’ordonnance du juge vaut jugement de condamnation → elle est immédiatement exécutoire.
Respect du principe d’individualisation des peines.

Si la personne refuse la proposition de peine du procureur de la République ou si le président du tribunal ou son délégué refuse d’homologuer l’accord entre le parquet et le prévenu, le procureur peut :
> saisir la juridiction pénale ;
> requérir l’ouverture d’une information judiciaire.

Article 495-14 du CPP : ni le ministère public ni les parties ne peuvent faire état devant la juridiction d’instruction ou de jugement des déclarations faites ou des documents remis au cours de la procédure.

Il n’est pas possible de faire un recours contre l’ordonnance refus d’homologation des peines proposées par le procureur de la République dans le cadre d’une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (Conseil constitutionnel, 18 juin 2021, n°2021-918 QPC).

Crim., 17 mai 2022, n°21-86.131 :
Après un refus d’homologation, il n’est pas possible de mettre en œuvre une autre comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Au moment de sa création, cette procédure a été vivement critiquée par les professionnels du droit.
Dans les 1ères années, 90% des propositions étaient homologuées par les magistrats du siège → pour certains, ils n’étaient devenus qu’une “chambre d’enregistrement” (”secrétaires du Parquet”).

Raisons pour lesquelles le président du tribunal ou son délégué pourrait refuser d’homologuer l’accord intervenu entre le parquet et le prévenu :

  1. Article 495-9 du CPP : il doit vérifier la réalité des faits et leur qualification juridique ;
  1. Article 495-11 : l’ordonnance doit être motivée par les constatations :
    • que la personne, en présence de son avocat, reconnaît les faits qui lui sont reprochés et accepte la ou les peines proposées par le procureur de la République ;
    • + que cette ou ces peines sont justifiées au regard des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur.
  1. Article 495-11-1 (issu de la loi du 23 mars 2019, qui cherche à rééquilibrer la procédure) :
    ”Le président peut refuser l’homologation s’il estime que la nature des faits, la personnalité de l’intéressé, la situation de la victime ou les intérêts de la société justifient une audience correctionnelle ordinaire ou lorsque les déclarations de la victime entendue en application de l’article 495-13 apportent un éclairage nouveau sur les conditions dans lesquelles l’infraction a été commise ou sur la personnalité de son auteur”.

2) En matière correctionnelle ou criminelle : le réquisitoire introductif

L’action publique est mise en mouvement devant le juge d’instruction par le réquisitoire du procureur de la République ou par la constitution de partie civile.

L’instruction est obligatoire dans un certain nombre de cas : mise en cause d’un mineur de 18 ans, en matière de crime, lorsque l’action publique a été mise en mouvement par une constitution de partie civile…

Le réquisitoire introductif est l’acte par lequel le procureur de la République requiert le juge d’instruction d’informer sur un ou plusieurs faits susceptibles de constituer des infractions à la loi pénale ou exceptionnellement en vue de rechercher les causes d’un décès ou d’une disparition demeurées inconnues.

Le réquisitoire supplétif est l’acte par lequel le procureur de la République requiert, au cours de l’information et après avoir reçu communication du dossier, l’extension de cette information à des faits non visés au réquisitoire introductif.
Il produit les mêmes conséquences que le réquisitoire introductif.

On parle de réquisitoire définitif lorsque le procureur de la République estime que l’instruction est complète.

Section 7 : Les mesures d’investigation : quelques illustrations

Cliquer ici pour revenir au sommaire de ce cours complet de procédure pénale (L2).

  • Questions essentielles à se poser lorsque l’on est confronté à une mesure d’investigation :
    • Quels sont les textes prévoyant cette mesure ?
    • Comment cette mesure peut-elle être définie ?
    • Quelles sont les infractions concernées ?
    • Qui prend l’initiative de la mesure ?
    • Qui assure le contrôle de celle-ci ?
    • Quelle est la durée de la mesure ?
    • Y-a-t-il des lieux spécialement protégés, sanctuarisés ?
    • Existe-t-il des règles dérogatoires pour certaines infractions ?
    • Quel est le sort des données/informations/objets recueillis ?

I – La collecte d’indices matériels : le cas des perquisitions

Une perquisition consiste à pénétrer dans un lieu clos pour y procéder à la recherche d’éléments utiles à la manifestation de la vérité.

Nous n’étudierons ici que la notion de perquisition et non les régimes juridiques applicables aux opérations de perquisition, en raison de leur extrême complexité.

A – La notion de perquisitions

1) Qu’est-ce qu’une perquisition ?

Le législateur a récemment élargi le champ des perquisitions.

Crim., 29 mars 1994 :
”Toute perquisition implique la recherche, à l’intérieur d’un lieu normalement clos, notamment au domicile d’un particulier, d’indices permettant d’établir l’existence d’une infraction ou d’en déterminer l’auteur”.

La loi du 9 juillet 2010 a ajouté que “la perquisition est possible également dans le seul but de rechercher et de saisir des biens devant faire l’objet d’une mesure de confiscation, qui est une peine complémentaire”.

La perquisition est donc désormais :
> soit une recherche d’indices pour permettre à la procédure d’avancer ;
> soit une recherche de biens pour permettre à une peine de trouver exécution une fois la personne condamnée.

2) Qui perquisitionne ?

La mesure de perquisition doit être conduite par un agent de l’autorité publique.

Crim., 12 février 2008 :
La fouille d’un local par une personne privée agissant de sa propre initiative ne peut être qualifiée comme telle.

3) Quand peut-on procéder à une perquisition ?

Cette question doit être pensée en relation avec l’article 8 de la Convention EDH, qui impose le respect de la vie privée et familiale.

Article 59 du CPP : les perquisitions et les visites domiciliaires ne peuvent pas être commencées avant 6 heures et après 21 heures.
Dès lors qu’elles ont débuté dans le respect de ces horaires, elles peuvent se poursuivre après 21 heures.

Crim., 3 juin 1991 :
Ces règles sont d’ordre public ; l’accord de l’intéressé ne permet pas d’y déroger.

Seule la réclamation de l’occupant des lieux peut permettre de déroger aux règles relatives aux horaires légaux.

4) Où procède-t-on à des perquisitions ?

Le lieu d’exécution de la perquisition est un domicile.

Crim., 13 octobre 1982 :
Le domicile n’est pas simplement le lieu où une personne a son principal établissement, mais plus largement “le lieu où, qu’elle y habite ou non, elle le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l’affectation donnée aux locaux”.

Ont été admis :
> Une chambre d’hôtel (Crim., 31 janvier 1914) ;
> Un bateau aménagé (Crim., 20 novembre 1984) ;
> Un poulailler (Crim., 19 juin 1957).

N’ont pas été admis :
> Un atelier de ciselure et de fonderie (Crim., 17 octobre 1995) ;
> Une hutte de chasse (Crim., 9 janvier 1992) ;
> Une cour d’immeuble non close (Crim., 26 septembre 1990) ;
> Un coffre bancaire (Crim., 14 octobre 1969) (c’est le domicile de la banque, et non du titulaire) ;
> Un casier d’une consigne de gare (Crim., 12 octobre 1993) ;
> Une cellule d’un détenu (Crim., 18 octobre 1989) (parce qu’il ne l’a pas choisie).

5) Pourquoi procède-t-on à des perquisitions ?

L’objectif des perquisitions est de procéder à une recherche active d’indices ou de biens.

La plupart des perquisitions sont suivies d’une saisie.
Ainsi, à l’occasion d’une perquisition, des éléments utiles à la manifestation de la vérité sont découverts : les enquêteurs vont alors les appréhender matériellement → ils les saisissent (articles 56 à 56-4 et 76 du CPP).

La saisie est, ici, un placement sous main de justice d’un document ou de tout autre objet utile à la manifestation de la vérité → il s’agit des fameuses pièces à conviction.

Le simple constat visuel de l’extérieur n’est pas assimilable à une perquisition.
Exemple : constater la présence d’objets volés dans un garage car la porte en est ouverte n’est pas une perquisition (Crim., 29 mars 1994).

Crim., 5 janvier 1995 :
Si la personne au domicile de laquelle les OPJ se sont rendus remet spontanément à ceux-ci des objets ou documents, il n’y a pas non plus de perquisition, car il n’y a pas eu de recherches.

B – Le régime des perquisitions

1) Règles de droit commun

La perquisition doit répondre au principe de nécessité.

Article 57 du Code de procédure pénale :
Elle suppose, en principe, la présence de l’intéressé.
Cependant, “en cas d’impossibilité, l’OPJ aura l’obligation de l’inviter à désigner un représentant de son choix ; à défaut, l’OPJ choisira deux témoins requis à cet effet par lui, en dehors des personnes relevant de son autorité administrative”.

Parfois, le consentement de l’intéressé ou une autorisation du procureur de la République est nécessaire (article 76 du CPP).
Mais il y a des exceptions, qui illustrent la perte d’influence du cadre d’enquête sur la nature des pouvoirs conférés aux enquêteurs :

  • Postulat :
    Si les nécessités de l’enquête relative à un crime ou à un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à cinq ans l’exigent,
  • Autorité compétente :
    Le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance peut, à la requête du procureur de la République, décider,
  • Contenu de la décision :
    Par une décision écrite et motivée, les opérations prévues au présent article seront effectuées sans l’assentiment de la personne chez qui elles ont lieu.
  • Motivation et forme :
    À peine de nullité, la décision du juge des libertés et de la détention précise la qualification de l’infraction dont la preuve est recherchée ainsi que l’adresse des lieux dans lesquels ces opérations peuvent être effectuées ; cette décision est motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires. Les opérations sont effectuées sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées, et qui peut se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales.

2) Orientations principales des règles dérogatoires

Il existe des règles spéciales :

  1. Protégeant certains lieux : locaux diplomatiques et consulaires, cabinet et domicile pour l’avocat, cabinet pour le médecin, le notaire, l’huissier, locaux d’une entreprise de presse…
    Ces règles dérogatoires rendent les perquisitions moins faciles.
  1. Facilitant les perquisitions dans certains contextes (stupéfiants, proxénétisme…).

II – La recherche et l’arrestation

A – Le mandat de recherche

1) La délivrance

Le mandat de recherche permet l’arrestation d’une personne en vue de son placement en garde à vue.
Il peut être décerné à l’égard d’une personne à l’encontre de laquelle il existe 1 ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction.

≠ le mandat d’arrêt permet une recherche en vue d’une incarcération.

Le mandat de recherche est prévu aux articles 70 (pour l’enquête de flagrance) et 77-4 (pour l’enquête préliminaire) du Code de procédure pénale.

Ce mandat permet de rendre la procédure plus efficace.

Le mandat de recherche n’a pas pour effet de réduire les pouvoirs des enquêteurs : les dispositions de l’article 73, qui permettent à toute personne d’appréhender l’auteur d’un crime ou d’un délit flagrant, restent applicables.

L’intérêt de ce mandat est qu’il donne compétence à l’ensemble des forces de l’ordre sur le territoire national, y compris les services qui ne sont pas saisis de la procédure mais qui auront connaissance du mandat du fait de sa diffusion au fichier des personnes recherchées, pour rechercher, interpeller et, surtout, placer le suspect en garde à vue.

a) Conditions de fond

Un degré de soupçons doit peser sur la personne :
”Personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre l’infraction”
+ L’infraction soupçonnée doit être grave (crime ou délit puni d’au moins 3 ans d’emprisonnement).


b) Conditions de forme

Ce mandat est délivré par le procureur de la République.
Il doit préciser l’identité de la personne à l’encontre de laquelle il est décerné.
Il doit mentionner la nature des faits dont elle est soupçonnée, leur qualification juridique et les articles de loi applicables.

Une fois décerné, ce mandat est inscrit au fichier des personnes recherchées (FPR), qui est consultable par l’ensemble des services de police et de gendarmerie.

2) L’exécution

Le mandat de recherche est notifié et exécuté par un officier ou agent de la police judiciaire ou par un agent de la force publique, lequel en fait l’exhibition à la personne et lui en délivre copie.

L’agent chargé de l’exécution d’un mandat peut s’introduire dans le domicile d’un citoyen entre 6 heures et 21 heures.
Il peut se faire accompagner d’une force suffisante pour que la personne ne puisse se soustraire à la loi.

Ensuite, la personne découverte en vertu de ce mandat est placée en garde à vue par l’officier de police judiciaire du lieu de la découverte, qui peut procéder à son audition.
Les enquêteurs déjà saisis peuvent toujours se transporter sur place afin d’y procéder eux-mêmes, en vertu de l’article 43.

Si la personne ayant fait l’objet du mandat de recherche n’est pas découverte au cours de l’enquête et si le procureur de la République requiert l’ouverture d’une information contre personne non dénommée, le mandat de recherche demeure valable pour le déroulement de l’information, sauf s’il est rapporté par le juge d’instruction.

B – L’arrestation

L’arrestation est le fait d’appréhender une personne susceptible d’être impliquée dans la commission d’une infraction en vue :
> soit de la présenter à un magistrat ou à un OPJ ;
> soit de mettre en œuvre à son encontre une mesure privative de liberté ordonnée par un juge ou autorisée par la loi.

L’arrestation suppose nécessairement l’exercice d’une contrainte.
Seul un suspect peut en faire l’objet.
Ce n’est qu’un moyen pour une présentation ou une privation de liberté.

L’exécution d’un mandat de recherche peut mener à une arrestation.

Dans une enquête, l’OPJ (avec l’autorisation préalable du procureur de la République) peut contraindre à comparaître par la force publique les personnes qui n’ont pas répondu à une convocation à comparaître ou dont on peut craindre qu’elles ne répondent pas à une telle convocation.

III – Les auditions et confrontations : le cas de la garde à vue

Il convient de distinguer :

  1. L’audition libre, introduite par la loi du 27 mai 2014 aux articles 61-1 et 62 du Code de procédure pénale.
    Dans le cadre d’une audition libre, la personne est “entendue librement sur ces faits”.

    Article 61-1 : audition libre du suspect.
    Article 62 : audition libre d’une personne n’ayant pas la qualité de suspect.

  1. La garde à vue, prévue par les articles 62-2 et suivants du Code de procédure pénale.
    Depuis la loi du 15 juin 2000, seuls les suspects peuvent faire l’objet d’une mesure de garde à vue.

La garde à vue est actuellement définie par la loi comme “une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, par laquelle une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs”.

Elle est apparue en tant que pratique policière à la fin du 19ème siècle et n’a été officialisée et légalisée qu’avec le Code de procédure pénale de 1958.
Son droit a été refondu par les lois du 15 juin 2000 et du 14 avril 2011.

La garde à vue est une étape très importante des investigations en matière pénale.
Le Conseil constitutionnel relève en 2010 que “même dans des procédures portant sur des faits complexes ou particulièrement graves, une personne est désormais le plus souvent jugée sur la base des seuls éléments de preuve rassemblés avant l’expiration de sa garde à vue, en particulier sur les aveux qu’elle a pu faire pendant celle-ci ; que la garde à vue est ainsi souvent devenue la phase principale de constitution du dossier de la procédure en vue du jugement de la personne mise en cause”.

A – La justification du placement en GAV décidé par l’OPJ

La décision de placement en GAV, qui relève de la compétence exclusive de l’OPJ, doit répondre à 2 types de conditions : un principe de nécessité + un principe de proportionnalité.

1) Le principe de nécessité

Article 62-2 alinéa 2 du CPP : la GAV est soumise à un principe de nécessité, mais aussi à un principe de subsidiarité.
Autrement dit, cette mesure doit constituer l’unique moyen de parvenir à l’un des objectifs énumérés par le législateur.
→ Elle doit donc n’être employée qu’en dernier recours.

Elle doit répondre à un moins l’un des objectifs suivants :

  1. Permettre l’exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ;
  1. Garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l’enquête ;
  1. Empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ;
  1. Empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches ;
  1. Empêcher que la personne ne se concerte avec d’autres personnes susceptibles d’être ses coauteurs ou complices ;
  1. Garantir la mise en œuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit.

→ La GAV s’inscrit à la fois dans une perspective sécuritaire et dans une perspective probatoire.

2) Le principe de proportionnalité

Seule peut être placée en GAV un personne soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement.
Pour les autres infractions, seule une audition libre est donc envisageable.

Il doit exister 1 ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner que la personne a commis ou tenté de connaître une infraction.
CEDH : “les soupçons sont plausibles quand il y a des faits ou des renseignements propres à persuader un observateur objectif que l’individu en cause peut avoir accompli l’infraction”.

B – Les contours de la contrainte imposant à l’OPJ le placement en GAV

Une GAV est une mesure de contrainte, ce qui a 2 conséquences :

  • La personne ne peut pas refuser un placement en GAV si l’OPJ choisit d’y recourir ;
  • Si l’OPJ utilise la contrainte à l’encontre d’un suspect, celui-ci ne peut demeurer à la disposition des enquêteurs que sous le régime de la GAV.
    → Il existe un droit à être placé en GAV en cas d’exercice de la coercition.
💡
Le cadre applicable à la garde à vue, déclencheur d’un certain nombre de droits, est destiné à protéger l’individu qui en fait l’objet.

Encore faut-il définir la contrainte !
Contraindre quelqu’un, c’est le forcer à agir contre sa volonté. La contrainte est une pression exercée sur une personne pour obtenir d’elle quelque chose.
Cette contrainte peut être physique ou psychologique.

C – La durée de la GAV

1) La détermination du temps de la GAV

a) Pour les majeurs

  • Le droit commun :

    Article 63 du CPP : la durée de la garde à vue ne peut pas excéder 24 heures.

    Toutefois, la garde à vue peut être prolongée pour un nouveau délai de 24 heures maximum, sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République, à 2 conditions :

    1. Si l’infraction que la personne est soupçonnée d’avoir commise ou tenté de commettre est un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à un an ;
    1. Si la prolongation de la mesure est l’unique moyen de parvenir à l’un au moins des objectifs mentionnés aux 1° à 6° de l’article 62-2 ou de permettre, dans les cas où il n’existe pas dans le tribunal de locaux relevant de l’article 803-3, la présentation de la personne devant l’autorité judiciaire.
  • Le régime dérogatoire général :

    Article 706-88 du CPP :
    ”Si les nécessités de l’enquête ou de l’instruction relatives à l’une des infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-73 l’exigent, la garde à vue d’une personne peut, à titre exceptionnel, faire l’objet de deux prolongations supplémentaires de vingt-quatre heures chacune”.

  • Le régime dérogatoire spécial :

    Article 706-88-1 du CPP :
    ”Le juge des libertés peut, à titre exceptionnel et selon les modalités prévues au deuxième alinéa de l’article 706-88, décider que la garde à vue en cours d’une personne, se fondant sur l’une des infractions visées au 11° de l’article 706-73, fera l’objet d’une prolongation supplémentaire de vingt-quatre heures, renouvelable une fois. Ces prolongations sont autorisées, par décision écrite et motivée, soit, à la requête du procureur de la République, par le juge des libertés et de la détention, soit par le juge d’instruction”.

    Cela n’est possible que dans 2 situations :

    1. Soit il ressort des premiers éléments de l’enquête ou de la garde à vue elle-même qu’il existe un risque sérieux de l’imminence d’une action terroriste en France ou à l’étranger ;
    1. Soit les nécessités de la coopération internationale le requièrent impérativement.

b) Pour les mineurs

Depuis le 30 septembre 2021, il faut se référer aux articles L413-1 à L413-11 du Code de la justice pénale des mineurs (CJPM).

⚠️ Ici, la minorité s’apprécie à la date où intervient l’audition, et non à la date supposée des faits dont le mineur est soupçonné.

  • Le mineur de moins de 13 ans ne peut pas être placé en garde à vue.
  • À titre exceptionnel, concernant le mineur de 10 à 13 ans contre lequel il existe des indices graves ou concordants laissant présumer qu’il a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement :
    • Il peut, si cette mesure est l’unique moyen de parvenir à l’un au moins des objectifs mentionnés à l’article 62-2 du code de procédure pénale, être retenu à la disposition d’un officier de police judiciaire (avec l’accord préalable et sous le contrôle d’un magistrat du ministère public ou d’un juge d’instruction), pour une durée que ce magistrat détermine et qui ne saurait excéder douze heures.
      (article L413-1 alinéa 1er)
    • Cette retenue doit être strictement limitée au temps nécessaire à la déposition du mineur et à sa présentation devant le magistrat compétent ou à sa remise à ses représentants légaux ou à la personne ou au service auquel il est confié.
      (article L413-1 alinéa 2)
    • Cette retenue peut être prolongée à titre exceptionnel, par décision motivée de ce magistrat, pour une durée maximale de 12 heures après présentation devant lui du mineur, sauf si les circonstances rendent cette présentation impossible.
      (article L413-2)
    • L’OPJ informe par tout moyen les représentants légaux du mineur + la personne ou le service auquel il est confié de la mesure de retenue dont il fait l’objet.
      Les représentants légaux sont informés que le mineur doit être assisté par un avocat et qu’ils peuvent désigner un avocat ou demander qu’un avocat soit commis d’office.
      (article L413-3)
    • Dès le début de la retenue, le procureur de la République ou le juge d’instruction désigne un médecin qui examine le mineur.
      (article L413-4)
    • Le mineur retenu est assisté d’un avocat.
      (article L413-5)
  • La garde à vue d’un mineur âgé de 13 à 16 ans est possible pour 24 heures.
    (article L413-6)
    Elle ne peut être prolongée qu’en présence d’une infraction punie d’une peine égale ou supérieure à 5 ans d’emprisonnement.
    (article L413-10)
  • La garde à vue d’un mineur âgé de 16 à 18 ans, on retrouve les règles applicables en droit commun pour les majeurs.
    Il existe une hypothèse de prorogation exceptionnelle rendant l’article 706-88 applicable : lorsqu’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’une ou plusieurs personnes majeures ont participé, comme auteurs ou complices, à la commission de l’infraction.

2) La délimitation du temps de la GAV

  • Si, avant d’être placée en garde à vue, la personne a été appréhendée ou a fait l’objet de toute autre mesure de contrainte pour ces mêmes faits (exemple : rétention pour vérification d’identité sur la base de l’article 78-3), l’heure du début de la garde à vue est fixée à l’heure à partir de laquelle la personne a été privée de liberté.
  • Si la personne n’a pas fait l’objet d’une mesure de contrainte préalable, mais que son placement en garde à vue est effectué dans le prolongement immédiat d’une audition, cette heure est fixée à celle du début de l’audition.
  • Si une personne a déjà été placée en garde à vue pour les mêmes faits, la durée des précédentes périodes de garde à vue s’impute sur la durée de la mesure.

Il existe des hypothèses + délicates.
Crim., 17 mars 2004 :
”Attendu que, si une personne peut être soumise, à l’occasion de faits distincts, à des mesures de garde à vue immédiatement successives et indépendantes l’une de l’autre, elle ne peut toutefois être retenue de manière continue à la disposition des officiers de police judiciaire pendant une période totale excédant la durée maximale de garde à vue autorisée par la loi”.

→ “L’idée du risque d’épuisement physique ou psychologique est le fil d’or qui guide la jurisprudence.”

D – Les droits du gardé à vue

Article 63-1 : La personne en GAV est immédiatement informée dans une langue qu’elle comprend de son placement en garde à vue, de la durée de la mesure et de la ou des prolongations dont celle-ci peut faire l’objet, de la qualification, de la date et du lieu présumés de l’infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commise ou tenté de commettre et, enfin, des motifs mentionnés justifiant son placement en garde à vue.

L’OPJ doit, dès le début de la mesure, informer le procureur de la République, par tout moyen, du placement de la personne en GAV, sauf en cas de circonstance insurmontable + des motifs justifiant ce placement + de la qualification des faits qu’il a notifiée à la personne (qualification qui peut être modifiée par le procureur de la République).

1) Le droit de faire prévenir certaines personnes

Article 63-2 du CPP :
La personne en GAV peut faire prévenir, par téléphone et dans un délai de 3 heures à compter du début de la GAV, de la mesure dont elle est l’objet :
> Soit une personne avec laquelle elle vit habituellement ;
> Soit l’un de ses parents en ligne directe ;
> Soit l’un de ses frères et sœurs ;
> Soit son curateur ou son tuteur.

Elle peut également faire prévenir son employeur.
Si elle est étrangère, elle peut faire contacter les autorités consulaires de son pays.

Il est possible pour l’OPJ d’estimer qu’il n’y a pas lieu, en raison des nécessités de l’enquête, de faire droit à cette demande.
Il doit alors en référer sans délai au procureur de la République qui décide s’il y a lieu d’y faire droit.

2) Le droit de ne pas s’auto-incriminer

Le suspect n’est pas un auxiliaire de justice.
Article 63-1 : le gardé à vue a le “droit, lors des auditions, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire”.

3) Le droit à l’assistance d’un avocat

Il s’agit bien d’un droit, auquel la personne est libre de renoncer si elle le souhaite (article 63-4 du CPP).
Cette renonciation doit être claire, éclairée et non équivoque.

Les modalités de la désignation de l’avocat sont prévues à l’article 63-3-1, qui règle aussi la question des éventuels conflits d’intérêt.
Le choix relève en principe de sa liberté.

Si la personne gardée à vue n’est pas en mesure de désigner un avocat ou si celui choisi ne peut être contacté, elle peut demander qu’il lui en soit commis un d’office par le bâtonnier.

L’avocat peut aussi être désigné par la ou les personnes prévenues, mais cette désignation doit être confirmée par la personne.

Prérogatives reconnues à l’avocat :

  1. La possibilité d’un entretien : l’avocat désigné peut communiquer avec la personne gardée à vue dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l’entretien, pendant une période maximale de 30 minutes.
    (article 63-4)
  1. La faculté de consulter certaines pièces de la procédure : l’avocat peut consulter le procès-verbal constatant la notification du placement en garde à vue et des droits y étant attachés, le certificat médical établi en application de l’article 63-3, ainsi que les procès-verbaux d’audition de la personne qu’il assiste.
  1. La possibilité d’une assistance pendant les auditions et confrontations.
    L’avocat peut prendre des notes pendant les auditions ou confrontations.

    La 1ère audition ne peut pas débuter sans la présence de l’avocat avant l’expiration d’un délai de 2 heures (délai de carence).

    À l’issue de chaque audition ou confrontation, l’avocat peut poser des questions.

    À l’issue de chaque entretien, l’avocat peut présenter des observations écrites, qu’il peut adresser au procureur de la République.

  1. L’avocat dispose d’un droit à l’information : si la personne gardée à vue est transportée sur un autre lieu où elle doit être entendue ou faire l’objet d’un des actes prévus à l’article 61-3 (opération de reconstitution de l’infraction et/ou séance d’identification des suspects dont elle fait partie), son avocat en est informé sans délai.
    (article 63-4-3-1)

Contraintes auxquelles l’avocat est assujetti :

Au cours de l’enquête et de l’instruction, la procédure est secrète → l’avocat est tenu au secret professionnel.

Article 63-4-4 :
”Sans préjudice de l’exercice des droits de la défense, l’avocat ne peut faire état auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue ni des entretiens avec la personne qu’il assiste, ni des informations qu’il a recueillies en consultant les procès-verbaux et en assistant aux auditions et aux confrontations”.

E – La mémoire de la GAV

1) Le procès-verbal

Article 64 du Code de procédure pénal :

“L’OPJ établit un procès-verbal mentionnant :

  1. Les motifs justifiant le placement en garde à vue, conformément aux 1° à 6° de l’article 62-2 ;
  1. La durée des auditions de la personne gardée à vue et des repos qui ont séparé ces auditions, les heures auxquelles elle a pu s’alimenter, le jour et l’heure à partir desquels elle a été gardée à vue, ainsi que le jour et l’heure à partir desquels elle a été soit libérée, soit déférée devant le magistrat compétent ;
  1. Le cas échéant, les auditions de la personne gardée à vue effectuées dans une autre procédure pendant la durée de la garde à vue ;
  1. Les informations données et les demandes faites en application des articles 63-2 à 63-3-1 et les suites qui leur ont été données ;
  1. S’il a été procédé à une fouille intégrale ou à des investigations corporelles internes.

Ces mentions doivent être spécialement émargées par la personne gardée à vue (signature).
En cas de refus, il en est fait mention.”

“Les mentions et émargements prévus aux 2° et 5° du I concernant les dates et heures du début et de fin de garde à vue et la durée des auditions et des repos séparant ces auditions ainsi que le recours à des fouilles intégrales ou des investigations corporelles internes figurent également sur un registre spécial, tenu à cet effet dans tout local de police ou de gendarmerie susceptible de recevoir une personne gardée à vue. Ce registre peut être tenu sous forme dématérialisée.”

2) L’enregistrement audiovisuel

Article 64-1 :
Les auditions des personnes placées en garde à vue pour crime font l’objet d’un enregistrement audiovisuel.
S’agissant des délits, il est donc facultatif.

L’enregistrement est détruit dans un délai d’1 mois à l’expiration du délai de 5 ans à compter de la date de l’extinction de l’action publique.

Au cours de l’instruction ou devant la juridiction de jugement, cet enregistrement ne peut être consulté qu’en cas de contestation du contenu du procès-verbal d’audition, sur décision du juge d’instruction ou de la juridiction de jugement, à la demande du ministère public ou d’une des parties.

De plus, cet enregistrement n’est applicable que si les auditions sont réalisées dans les locaux d’un service ou d’une unité de police ou de gendarmerie exerçant une mission de police judiciaire.

Il existe aussi des exceptions interprétées largement par la jurisprudence :

  1. Lorsque le nombre de personnes gardées à vue devant être simultanément interrogées, au cours de la même procédure ou de procédures distinctes, fait obstacle à l’enregistrement de toutes les auditions ;
  1. Lorsque l’enregistrement ne peut être effectué en raison d’une impossibilité technique, il en est fait mention dans le procès-verbal d’audition qui précise la nature de cette impossibilité.

💡 Cet enregistrement n’est pas un droit reconnu à la personne gardée à vue, mais une règle concourant à une bonne administration de la justice (Conseil constitutionnel, 6 avril 2012, n°2012-228/229).
D’ailleurs, le gardé à vue ne peut pas y renoncer.

F – Le contrôle de la GAV

Article 62-3 : la garde à vue s’exécute sous le contrôle du procureur de la République, informé du placement dès le début de la mesure.

Il faut y ajouter les prérogatives du juge des libertés et de la détention en matière de prolongation de la mesure au-delà de la 48ème heure.

Le procureur de la République apprécie si le maintien de la personne en garde à vue et, le cas échéant, la prolongation de cette mesure sont nécessaires à l’enquête et proportionnés à la gravité des faits que la personne est soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre.

Il assure la sauvegarde des droits reconnus par la loi à la personne gardée à vue.

Il peut ordonner à tout moment que la personne gardée à vue soit présentée devant lui ou remise en liberté.

  • Pour procéder à ce contrôle, la circulaire du 23 mai 2011 prévoit une information en temps réel :

    L’exigence d’une appréciation continue de la nécessité et de la proportionnalité de la mesure de garde à vue impose que les officiers de police judiciaire rendent régulièrement compte au procureur de la République selon des modalités appropriées. Il est souhaitable que les enquêteurs rendent compte téléphoniquement du déroulement des investigations, non plus seulement lorsque celles-ci leur semblent abouties, mais aussi :

    • dès lors qu’il est évident que la personne – particulièrement en cas de minorité ou de vulnérabilité- placée en garde à vue au cours de la journée risque d’être retenue toute la nuit ;
    • et/ou dès lors que les premières investigations ont permis de rassembler des éléments suffisants pour permettre au procureur de la République de porter une première appréciation pertinente sur la nécessité et la proportionnalité du maintien en garde à vue.

    Bien évidemment, de tels comptes rendus téléphoniques ne remplacent pas l’avis qui doit être adressé au parquet immédiatement après le placement en garde à vue, pas plus qu’ils ne dispensent l’officier de police judiciaire de tenir informé le magistrat du parquet de permanence dès qu’il l’estime opportun

G – La sanction de la GAV

1) La nullité

Le professeur Jacquelin décrit la nullité de la GAV comme d’un “chef d’œuvre de complexité en procédure pénale tant les règles sont nombreuses, complexes et évolutives”.

La violation de certains droits ou formalités substantielles entraîne l’invalidation de la mesure sans qu’il soit nécessaire de rapporter la preuve d’un grief.

Exemple : Crim., 30 avril 1996 :
Tout retard injustifié dans la notification des droits à la personne porte nécessairement atteinte aux intérêt de la partie qu’elle concerne.

Crim., 14 février 2012 :
La méconnaissance des formalités substantielles auxquelles est subordonnée la garde à vue ne peut être invoquée à l’appui d’une demande d’annulation d’acte ou de pièce de procédure que par la partie qu’elle concerne.

La nullité encourue ne s’étend aux autres actes de la procédure que si ceux-ci trouvent leur support nécessaire dans cette GAV.
Exemple : une perquisition permise exclusivement par l’exploitation d’éléments issus des déclarations faites par la personne en GAV.

La nullité a pour effet de conduire au retrait des actes annulés, qui sont purement et simplement exclus de la procédure et perdent ainsi toute valeur probante, ce qui distingue la nullité du second mécanisme :

2) La limitation de la valeur probante des déclarations

Pour rappel, l’alinéa 12 de l’article préliminaire du CPP prévoit que “en matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu’elle a faites sans avoir pu s’entretenir avec un avocat et être assistée par lui”.

→ Ces déclarations doivent être corroborées par au moins 1 autre élément de preuve.

Section 6 : L’influence du cadre d’enquête sur les investigations

Cliquer ici pour revenir au sommaire de ce cours complet de procédure pénale (L2).

I – La distinction traditionnelle entre l’enquête de flagrance et l’enquête préliminaire

L’article 17 du Code de procédure pénale dispose que :
”Les officiers de police judiciaire procèdent à des enquêtes préliminaires dans les conditions prévues par les articles 75 à 78. En cas de crimes et délits flagrants, ils exercent les pouvoirs qui leur sont conférés par les articles 53 à 67”.

À l’époque du Code d’instruction criminelle (1808), seul le juge d’instruction qui détenait le monopole de la recherche des preuves, sauf en cas de crime flagrant (le crime actuel) où le procureur de la République (PR) était autorisé à exercer, pendant une durée limitée, les pouvoirs normalement octroyés au juge d’instruction.

Cependant, les parquetiers souhaitaient pouvoir avoir suffisamment d’informations pour décider de la marche à suivre concernant l’engagement de poursuites ; ils avaient donc pris l’habitude de faire procéder à des investigations en dehors de toute flagrance.
Ces enquêtes officieuses ne faisaient l’objet d’aucun cadre légal.

Le Code de procédure pénale de 1958 consacre cette enquête officieuse sous le nom d’enquête préliminaire.
L’enquête préliminaire est l’enquête ordinaire, alors que l’enquête de flagrance est liée à l’actualité de l’infraction.

Attention, il peut y avoir succession des 2 cadres d’enquête dans le temps :

Lorsque l’enquête de flagrance, qui est limitée dans le temps, atteint sa durée maximale :
> soit une information judiciaire est ouverte (instruction) ;
> soit l’enquête est poursuivie, mais nécessairement sous le régime de l’enquête préliminaire.

Parfois, il arrive que l’on commence les investigations sous le régime de l’enquête préliminaire, mais que l’on découvre à cette occasion des traces ou indices renvoyant à une infraction flagrante (exemple : au cours d’une perquisition).
Dans ce cas, c’est l’enquête de flagrance qui succède à l’enquête préliminaire.

A – L’enquête de flagrance

Le comte Teillhard de Chardin affirmait que le but de l’enquête de flagrance est de “recueillir les traces fugitives du délit”.
→ Urgence face à une infraction qui se déroule ou vient de se dérouler.

L’enquête de flagrance confère à la police judiciaire des pouvoirs de coercition, pendant une durée limitée.

💡 Le mot flagrance trouve son origine étymologique dans le latin flagrare (brûler) → justifie une prise en compte policière immédiate.

Un pouvoir de contrainte sur les personnes et sur les choses est conféré dans le cas d’une infraction manifeste.
Objectif : rapporter la preuve de l’imputation de cette infraction à une ou plusieurs personnes.

L’enquête de flagrance est donc coercitive.
Cette coercition est ici un pouvoir conféré par le législateur à l’officier de police judiciaire (OPJ) ; le juge n’a pas à délivrer d’autorisation.

1) Le champ d’application de la flagrance

En vertu des articles 53 et 67 du Code de procédure pénale, l’enquête de flagrance est applicable à tout crime ou tout délit puni d’emprisonnement, que ces infractions soient consommées ou même tentées dès lors que la tentative est, dans le cas des délits, expressément réprimée.

Pour les délits non passibles d’emprisonnement et les contraventions, que l’infraction soit actuelle ou non, seule une enquête préliminaire est donc envisageable.

Les personnes visées sont les personnes physiques comme les personnes morales.

2) Les acteurs de la flagrance

C’est l’OPJ qui est compétent pour mener l’enquête de flagrance.
Il arrive immédiatement le procureur de la République et prend ses ordres directement de lui.

L’action de l’OPJ est placée sous le contrôle et la direction du procureur de la République.
Ce dernier peut à tout moment accomplir lui-même tous les actes de l’enquête de flagrance (article 68 du CPP).

On donne aussi un rôle au citoyen : l’article 73 du Code de procédure pénale dispose que “Dans les cas de crime flagrant ou de délit flagrant puni d’une peine d’emprisonnement, toute personne a qualité pour en appréhender l’auteur et le conduire devant l’officier de police judiciaire le plus proche”.
La portée de ce droit est restreint : il s’entend comme une intervention ponctuelle, exclusive de tout autre acte d’enquête.

Idée : l’acte de civisme commandé par l’assistance à personne en péril imminent ou par le risque de laisser s’enfuir l’auteur d’une atteinte aux biens ne doit pas transformer le citoyen en auxiliaire de police.
Il ne peut intervenir que de manière impromptue + il doit conduire la personne arrêtée devant l’OPJ + son intervention doit être nécessaire et proportionnée.

3) La constitution de la flagrance

La flagrance implique la réunion d’un critère matériel + d’un critère temporel.

a) Le critère matériel : un constat objectif

L’indice est l’élément de fait qui, exclusif du simple soupçon du policier, doit être apparent et rendre vraisemblable la commission actuelle d’une infraction.

Les juridictions répressives n’exigent pas de certitude mais demandent un fait qui rend probable la commission d’une infraction avec l’aide du raisonnement.
Les enquêteurs sont en quelque sorte protégés par cette apparence : si la situation appréciée s’avère après coup ne pas correspondre à la perception du policier, peu importe, l’action est légitimée.

Cet indice est perceptible par l’1 des 5 sens :

  1. Perception visuelle (la plus fréquente) ;
    Exemple : un individu qui pose une échelle contre un balcon à minuit.
  1. Perception olfactive ;
    Exemple : odeur de cannabis qui s’échappe d’un véhicule en stationnement.
  1. Perception auditive ;
    Exemple : cris et insultes qui s’échappent de la fenêtre d’un appartement.
  1. Perception tactile ;
    Exemple : une palpation de sécurité peut permettre la découverte d’une arme.
  1. Perception gustative.
    Exemple : poudre blanche que l’on va goûter pour identifier le produit.

b) Le critère temporel : un constat préalable

Très important : l’enquêteur doit caractériser la flagrance préalablement à l’exercice des pouvoirs d’enquête spéciaux, avant l’usage de la contrainte.

L’enquêteur ne peut pas utiliser la coercition pour mettre à jour la flagrance, puisque ses pouvoirs de contrainte ne sont que la conséquence du constat préalable d’une infraction flagrante.

4) Les hypothèses de flagrance

L’article 53 du Code de procédure pénale prévoit 4 cas.

a) La flagrance de constatation

Cas n°1 :

La flagrance de constatation : est qualifié de crime ou délit flagrant le crime ou le délit qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre.
Ici, on prend acte de ce qui se produit.

La Cour de cassation admet un délai de 24 heures entre la commission de l’infraction et sa découverte par l’enquêteur.

La durée de l’enquête est fixée à 8 jours par l’article 53 alinéa 2, mais attention : une prolongation de 8 jours supplémentaires est parfois possible :
”Lorsque des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité pour un crime ou un délit puni d’une peine supérieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement ne peuvent être différées, le procureur de la République peut décider la prolongation, dans les mêmes conditions, de l’enquête pour une durée maximale de huit jours.”


b) La flagrance de déduction

Il y a aussi crime ou délit flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l’action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique, ou est trouvée en possession d’objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu’elle a participé au crime ou au délit.
Cette flagrance est parfois nommée flagrance de déduction.

Cas n°2 :

La clameur publique est un cri lancé par une victime ou un témoin à l’encontre de l’auteur présumé qui prend la fuite une fois l’infraction commise.
Exemple : une victime qui crie “au voleur”.

Attention : la clameur n’est pas le bruit, le ouï-dire ou la rumeur.

La “clameur” peut justifier la réaction policière même lorsqu’elle n’émane que d’une seule personne.

Par ailleurs, si l’auteur désigné doit être “poursuivi”, une course poursuite n’est pas matériellement exigée.
On traduit simplement le caractère évolutif et urgent d’une situation qui renferme le risque de laisser s’enfuir l’individu présent au moment de l’appel.

Cas n°3 et cas n°4 :

La personne est trouvée en possession d’objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu’elle a participé au crime ou au délit.

Exemple : à l’occasion d’une perquisition, on découvre des objets qui semblent avoir une origine frauduleuse.


c) Les hypothèses assimilées

L’article 74 du Code de procédure pénale prévoit que :
”En cas de découverte d’un cadavre, qu’il s’agisse ou non d’une mort violente, mais si la cause en est inconnue ou suspecte, l’officier de police judiciaire qui en est avisé informe immédiatement le procureur de la République, se transporte sans délai sur les lieux et procède aux premières constatations.”

Sur instructions du procureur de la République, une enquête aux fins de recherche des causes de la mort est ouverte. Dans ce cadre et à ces fins, il peut être procédé aux actes prévus par les articles 56 à 62 (perquisitions, saisies, auditions…), dans les conditions prévues par ces dispositions.

À l’issue d’un délai de huit jours à compter des instructions de ce magistrat, ces investigations peuvent se poursuivre dans les formes de l’enquête préliminaire.

Parfois, on ordonne une autopsie judiciaire, dans laquelle le praticien désigné procède aux prélèvements biologiques nécessaires aux besoins de l’enquête ou de l’information judiciaire.
(article 230-28 du Code de procédure pénale)

Article 74 alinéa 6 du CPP :
”Les dispositions des quatre premiers alinéas sont également applicables en cas de découverte d’une personne grièvement blessée lorsque la cause de ses blessures est inconnue ou suspecte.”

Article 74-1 du CPP :
”Lorsque la disparition d’un mineur ou d’un majeur protégé vient d’intervenir ou d’être constatée”, les officiers de police judiciaire, assistés le cas échéant des agents de police judiciaire, peuvent, sur instructions du procureur de la République, procéder aux actes prévus par les articles 56 à 62, aux fins de découvrir la personne disparue.

À l’issue d’un délai de huit jours à compter des instructions de ce magistrat, ces investigations peuvent se poursuivre dans les formes de l’enquête préliminaire.

“Les dispositions du présent article sont également applicables en cas de disparition d’un majeur présentant un caractère inquiétant ou suspect eu égard aux circonstances, à l’âge de l’intéressé ou à son état de santé.”

Article 74-2 du CPP :
”Les officiers de police judiciaire, assistés le cas échéant des agents de police judiciaire, peuvent, sur instructions du procureur de la République, procéder aux actes prévus par les articles 56 à 62 aux fins de rechercher et de découvrir une personne en fuite mais uniquement dans les cas suivants :

  1. Personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt […] alors qu’elle est renvoyée devant une juridiction de jugement ;
  1. Personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt délivré par une juridiction de jugement ou par le juge de l’application des peines ;
  1. Personne condamnée à une peine privative de liberté […], lorsque cette condamnation est exécutoire ou passée en force de chose jugée ;
  1. Personne inscrite au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes ayant manqué aux obligations prévues à l’article 706-25-7 ;
  1. Personne inscrite au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes ayant manqué aux obligations prévues à l’article 706-53-5 ;
  1. Personne ayant fait l’objet d’une décision de retrait ou de révocation d’un aménagement de peine ou d’une libération sous contrainte, ou d’une décision de mise à exécution de l’emprisonnement prévu par la juridiction de jugement en cas de violation des obligations et interdictions résultant d’une peine, dès lors que cette décision a pour conséquence la mise à exécution d’un quantum ou d’un reliquat de peine d’emprisonnement supérieur à un an.”

B – L’enquête préliminaire

L’enquête préliminaire a fait l’objet de modifications non négligeables avec la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, qui :

  • A renforcé l’aspect contradictoire de l’enquête préliminaire ;
  • Est intervenue pour limiter sa durée.

1) Les conditions d’ouverture de l’enquête

L’enquête préliminaire vise toutes les infractions.
Mais certains actes sont subordonnés au constat d’une certaine gravité (par exemple, la garde à vue n’est pas possible pour toutes les infractions).

Le moins soupçon, même le plus faible, justifie l’ouverture d’une enquête préliminaire, selon la jurisprudence de la chambre criminelle.
Pour certains actes (exemple : garde à vue), un degré de soupçon particulier est exigé.

Les éléments de soupçons peuvent être fournis de l’extérieur :
> contenus dans la plainte d’une victime ;
> contenus dans une dénonciation (d’une personne autre que la victime) adressées soit à la police judiciaire soit au procureur.

Dans le cadre de l’enquête préliminaire ou de l’enquête de flagrance, les OPJ qui effectuent une enquête sur des faits déterminés et qui découvrent des faits nouveaux à l’occasion de leurs investigations peuvent être étendre d’office celle-ci à ces faits nouveaux.
S’ils découvrent l’existence d’autres infractions, on parle de découverte incidente.
L’OPJ doit en aviser le procureur de la République, qui décidera des suites (poursuites, ouverture d’une procédure distincte…) → article 19 du Code de procédure pénale.

La qualification des faits est une opération très importante, parce qu’elle détermine si certains actes d’enquête sont possibles ou non.

Exemple : en matière de criminalité organisée, les pouvoirs d’enquête sont largement renforcés.
Il appartient donc au procureur de la République de contrôler attentivement l’adéquation de la qualification choisie.

2) Le déroulement de l’enquête

a) La durée de l’enquête

Article 75-1 du Code de procédure pénale :
”Lorsqu’il donne instruction aux officiers de police judiciaire de procéder à une enquête préliminaire, le procureur de la République fixe le délai dans lequel cette enquête doit être effectuée. Il peut le proroger au vu des justifications fournies par les enquêteurs.”

Le choix du procureur de la République est entièrement libre :
> la loi n’impose aucun seuil ;
> le dépassement du délai fixé n’est pas une cause de nullité de la procédure !

Nouveauté : la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a ajouté l’article 75-3 :
”La durée d’une enquête préliminaire ne peut excéder deux ans à compter du premier acte de l’enquête, y compris si celui-ci est intervenu dans le cadre d’une enquête de flagrance.”
”L’enquête préliminaire peut toutefois être prolongée une fois pour une durée maximale d’un an à l’expiration du délai mentionné au premier alinéa, sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République”.

→ Maximum de 3 ans pour la durée globale de l’enquête.

Mais il existe un régime dérogatoire supplémentaire portant le maximum à 5 ans dans le cadre de la lutte antiterrorisme.

Le délai de 2 ans, prolongeable 1 an, est particulièrement difficile à tenir pour certaines affaires complexes ou qui présentent des ramifications internationales.

Si l’enquête a été classée sans suite puis reprise sur décision du procureur de la République, on ne tient pas compte de la durée pendant laquelle l’enquête a été suspendue.
On ne tient pas compte non plus des délais de correspondance en cas d’entraide judiciaire internationale.

Objectif de la limitation de la durée de l’enquête : éviter les enquêtes “éternelles”.

⚠️ Fixer des seuils maximaux ne signifie pas pour autant que la réponse pénale interviendra avant l’expiration des délais fixés.


b) L’information du procureur de la République

Article 75-1 alinéa 2 du CPP :
”Lorsque l’enquête est menée d’office, les officiers de police judiciaire rendent compte au procureur de la République de son état d’avancement lorsqu’elle est commencée depuis plus de six mois.”

Contrairement à l’enquête de flagrance, c’est la date du 1er acte d’enquête – et non la date de l’infraction – qui détermine le point de départ du délai.

Mais le défaut d’information ou l’information tardive du procureur de la République ne sont pas une cause de nullité (Crim., 23 août 2005).
Une règle de droit vaut-elle vraiment si elle n’est pas sanctionnée ?

Article 75-2 du CPP :
”L’officier de police judiciaire qui mène une enquête préliminaire concernant un crime ou un délit avise le procureur de la République dès qu’une personne à l’encontre de laquelle existent des indices faisant présumer qu’elle a commis ou tenté de commettre l’infraction est identifiée”.

C’est très important : le fait qu’un individu particulier et identifié soit désormais dans le viseur de la justice va conduire le procureur de la République à être plus vigilant concernant la durée des investigations.


c) L’accès au dossier : l’enquête préliminaire contradictoire

Il ressort des travaux parlementaires la prise en compte de la position inconfortable dans laquelle se trouvent les personnes visées par une enquête qui s’éternise, sans avoir le droit d’accéder au dossier de la procédure.

Cette situation semble résulter :
> d’un manque de moyens (nombre insuffisant d’OPJ) ;
> de la complexité croissante de la procédure, qui diminue l’attractivité des fonctions d’OPJ.

En 2020, 49 858 procédures, soit 3,2 % du nombre total d’enquêtes, ont duré plus de trois ans.

La loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a introduit l’article 77-2 du Code de procédure pénale : l’accès au dossier est désormais possible :
> soit à l’initiative du procureur de la République ;
> soit sur demande d’une personne soupçonnée d’une infraction.

Le procureur de la République peut refuser :
> si l’enquête est toujours en cours ;
> et si cette communication risque de porter atteinte à l’efficacité des investigations.

Il peut aussi refuser en raison des risques de pression sur les victimes, les autres personnes mises en cause, leurs avocats, les témoins, les enquêteurs, les experts ou toute autre personne concourant à la procédure.

Lorsque 2 ans se sont écoulés, l’enquête préliminaire ne peut pas se poursuivre sans communication du dossier de la part du procureur de la République.

Le professeur Jacquelin observe que “si l’intention du législateur est louable et que le renforcement du contradictoire doit être salué, il n’en demeure pas moins que les textes nouveaux sont relativement complexes, en particulier en raison des nombreuses exceptions prévues et des règles dérogatoires envisagées”.

3) La clôture de l’enquête

Article 19 du CPP : dès la clôture de leurs opérations, les OPJ transmettent toutes les pièces et documents au procureur de la République.

Article 75-3 alinéa 3 :
Les enquêteurs clôturent leurs opérations et transmettent les éléments de la procédure au procureur de la République en application de l’article 19 avant l’expiration du délai (de deux ans ou, en cas de prolongation, du délai de trois ans), afin de permettre :

  1. Soit la mise en mouvement de l’action publique, le cas échéant par l’ouverture d’une information judiciaire ;

    L’instruction est la seule voie possible lorsque l’affaire n’est pas en l’état d’être jugée.

    • Observation de Florence Lardet, vice-procureur au Parquet de Paris

      “À première vue, limiter la durée de l’enquête préliminaire devrait signifier clôturer plus rapidement la procédure et ainsi permettre au justiciable d’être fixé sur son sort dans de meilleurs délais. Il n’en est rien. En effet, si les investigations ne sont pas achevées, l’enquête préliminaire sera certes clôturée mais un juge d’instruction devra être saisi si le ministère public estime que la procédure doit trouver une bonne fin ; l’opération, multipliée par le nombre d’enquêtes et rapportée au nombre de cabinets d’instruction, risque de paralyser la chaîne pénale”.

  1. Soit la mise en œuvre d’une procédure alternative aux poursuites ;
  1. Soit le classement sans suite de la procédure.

Tout acte d’enquête intervenant après l’expiration de ces délais est nul, sauf s’il concerne une personne qui a été mise en cause au cours de la procédure.

La clôture des opérations ne met pas fin à l’enquête.
Formellement, celle-ci ne s’achève que lorsque le procureur de la République prend une décision sur l’action publique.

II – Un mouvement de convergence des règles applicables à l’enquête

Pendant longtemps, le principe de non-coercition a dominé l’enquête préliminaire ; il est aujourd’hui en net déclin.

Exemple :
L’article 76 alinéa 1er du CPP n’admet pas la contrainte : une perquisition “ne peut pas être effectuée sans l’assentiment de la personne chez laquelle l’opération a lieu”.
Mais l’article 76 alinéa 3 du CPP prévoit que, dans de nombreux cas, ces opérations “seront effectuées sans l’assentiment de la personne chez qui elles ont lieu”.

Certains auteurs affirment que l’enquête préliminaire serait devenue une sorte de “diminutif” de l’information judiciaire.

Cependant, les pouvoirs de la police judiciaire restent cantonnés par rapport à l’enquête de flagrance :

  • En matière de flagrance, l’exercice de la contrainte est largement octroyé. Les OPJ peuvent en faire usage de leur propre initiative.
  • Dans l’enquête préliminaire, une plus grande place est accordée à l’autorité judiciaire. L’usage de la contrainte est subordonné à une autorisation judiciaire (juge des libertés et de la détention ou procureur de la République).

Section 5 : Entre police d’ordre et police d’investigation

Cliquer ici pour revenir au sommaire de ce cours complet de procédure pénale (L2).

Les contrôles d’identités dits administratifs ont une finalité préventive : ils visent à prévenir une infraction.
Les contrôles d’identité dits judiciaires ont une finalité répressive : ils sont liés à la recherche ou à la constatation d’une infraction déjà commise.

Les dispositions relatives aux contrôles d’identité se trouvent aux articles 78-1 et suivants du Code de procédure pénale.

Article 78-1 al 1er :
”L’application des règles prévues par le présent chapitre est soumise au contrôle des autorités judiciaires”.

Il faut faire la différence entre contrôle d’identité et vérification d’identité :

  • Le contrôle d’identité est le fait, pour un OPJ, de demander à une personne une justification de son identité pour identifier cette personne.
    C’est une recherche de l’identité, sachant que l’identité est un fait juridique et peut donc se prouver par tous moyens.
    Article 78-2 du CPP.
  • Si le particulier faisant l’objet du contrôle d’identité ne veut pas ou ne peut pas justifier de son identité, il peut faire l’objet d’une mesure privative de liberté : on le retient pour opérer une vérification d’identité.
    Article 78-3 du CPP.
  • Par ailleurs, il arrive que les policiers municipaux constatent les infractions par procès-verbal.
    Dans ce cas là, ils vont simplement recueillir l’identité (relevé d’identité).
    Article 78-6 du CPP.

Il ne faut pas oublier qu’il peut y avoir un immense décalage entre les textes et la pratique : tous les jours, de nombreux contrôles d’identité sont procédés de manière totalement illégale.
Mais nous ne sommes pas là pour commenter la manière dont la police travaille.

Les contrôles d’identité « au faciès » (« délit de sale gueule ») sont des contrôles d’identité discriminatoires, où l’on prend en compte l’apparence de la personne pour pratiquer ou non un contrôle d’identité.

Le droit des contrôles d’identité est assez instable.
« Les dispositions qui encadrent la mesure témoignent, par leur instabilité et leur caractère foisonnant, de la complexité du sujet + de la difficulté à trouver un point d’équilibre entre sécurité et liberté ».

Le dispositif actuel a largement été mis en place par la loi du 10 août 1993.

Rappels sur l’enquête pénale

L’enquête pénale renvoie à l’ensemble des actes effectués par la police judiciaire sous la direction et le contrôle du procureur de la République avant toute décision sur la poursuite, afin de constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs.

Il faut que naisse un soupçon sur la commission d’une infraction.
Ce soupçon doit reposer sur des éléments objectifs, qui peuvent révéler d’une certaine actualité de l’infraction (→ enquête de flagrance) ou non (→ enquête préliminaire).

Parfois, il s’agit moins d’un soupçon que d’un questionnaire ou d’une interrogation.
Exemples : enquêtes pour blessures, morts, disparitions…

Attention : parfois, la mesure d’enquête a pour but de vérifier l’existence d’une éventuelle infraction sans être précédée de soupçon.
Exemple : contrôles d’identité.

I – Le contrôle d’identité stricto sensu : l’invitation à la justification de l’identité

Le contrôle d’identité répond à des conditions identiques que l’on soit dans une enquête de flagrance ou dans une enquête préliminaire.
Une autre distinction est utilisée par le législateur, entre contrôle de police administrative (préventif) et contrôle de police judiciaire (répressif).
Cependant, il n’est pas toujours évident de distinguer les 2 et les auteurs n’en ont pas nécessairement la même perception.

Critère finaliste :
Les contrôles d’identité judiciaires poursuivraient une finalité répressive en lien avec la recherche ou la constatation d’une infraction (→ police d’investigation).

Les contrôles d’identité administratifs auraient une finalité préventive en ce qu’ils s’inscriraient dans une mission de contrôle ou de surveillance générale destinée à prévenir la commission d’infractions (→ police d’ordre).

Ce critère finaliste fondé sur l’objectif du contrôle est d’application difficile, dans la mesure où les finalités préventive et répressive coexistent souvent au sein d’une même opération de police.

La doctrine l’a donc affiné :

  • Les contrôles d’identité sont judiciaires lorsqu’ils ont pour but “de rechercher le fauteur de ce désordre, pris plus exactement comme le transgresseur d’un interdit légal, un délinquant par conséquent, afin de le déférer à la justice pénale pour que celle-ci le sanctionne” (E. PICARD).
  • Les contrôles d’identité sont administratifs lorsqu’ils ont pour but de “maintenir ou rétablir l’ordre en ne s’intéressant qu’au désordre lui-même”, quitte à “mettre la main incidemment sur des délinquants” (E. PICARD).

A – Les contrôles d’identité judiciaires

1) Le contrôle d’identité-Soupçon

Le contrôle d’identité justifié par un soupçon est prévu par les alinéas 1 à 6 de l’article 78-2 du Code de procédure pénale.
Peut être invitée à justifier, par tout moyen, de son identité toute personne à l’égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner :

  • qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction ;
  • ou qu’elle se prépare à commettre un crime ou un délit ;
  • ou qu’elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l’enquête en cas de crime ou de délit ;
  • ou qu’elle a violé les obligations ou interdictions auxquelles elle est soumise dans le cadre d’un contrôle judiciaire, d’une mesure d’assignation à résidence avec surveillance électronique, d’une peine ou d’une mesure suivie par le juge de l’application des peines ;
  • ou qu’elle fait l’objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire.

Il faut des indices apparents pouvant justifier le contrôle, tels que l’attitude de la personne.
Une dénonciation peut suffire, mais elle ne peut pas être anonyme sans être accompagnée d’autres éléments (Crim., 23 octobre 1991 ; Crim., 3 mai 2007).

2) Le contrôle d’identité-Réquisitions

a) L’alinéa 7

L’alinéa 7 de l’article 78-2 prévoit le contrôle d’identité sur réquisitions écrites du procureur de la République.

Le fait que le contrôle d’identité révèle des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.

Ici, il n’y a pas besoin d’indices apparents ni de risque d’atteinte à l’ordre public.


b) L’article 78-2-2

La loi du 15 novembre 2001, complétée par la loi du 3 juin 2016, a ajouté l’article 78-2-2 du Code de procédure pénale.

L’intérêt de cette disposition réside cependant moins dans le contrôle d’identité qu’aux opérations relatives à la visite des véhicules et à la fouille des bagages.

Civ. 2, 19 février 2004 :
Initialement, le procureur n’était pas tenu de motiver le choix d’un lieu et d’une période de temps par rapport à des infractions qui se seraient produites dans le secteur considéré.
”L’article 78-2-2 du code de procédure pénale n’exige pas que, pour prendre ses réquisitions, le procureur de la République démontre l’existence d’indices de commission ou de risque de commission des infractions visées par ledit article ou un risque d’atteinte à l’ordre public”.

Conseil constitutionnel, 24 janvier 2017 (QPC) :
Le Conseil constitutionnel émet une réserve d’interprétation concernant la conformité à la Constitution des articles 78-2 et 78-2-2 : ces dispositions “ne sauraient sans méconnaître la liberté d’aller et venir, autoriser le procureur de la République à retenir des lieux et périodes sans lien avec la recherche des infractions visées dans ses réquisitions. Elles ne sauraient non plus autoriser, en particulier par un cumul de réquisitions portant sur des lieux ou des périodes différents, la pratique de contrôles généralisés dans le temps ou dans l’espace”.
→ Il est nécessaire de viser des lieux et périodes déterminés.

Civ. 1, 13 septembre 2017, n°16-22.967 :
Tire les conclusions de la décision du Conseil constitutionnel.
”Qu’en se déterminant ainsi, alors que la référence abstraite au plan Vigipirate et à l’état d’urgence ne permettait pas, à elle seule, de justifier le contrôle d’identité, en l’absence de circonstances particulières constitutives d’un risque d’atteinte à l’ordre public, le premier président a privé sa décision de base légale”.

B – Les contrôles d’identité administratifs

Un contrôle d’identité administratif est effectué en dehors de toute suspicion d’infraction, à seule fin de prévenir un trouble à l’ordre public.

1) Le contrôle d’identité-Prévention

L’alinéa 8 de l’article 78-2-2 prévoit que l’identité de toute personne, quel que soit son comportement, peut être contrôlée pour prévenir une atteinte à l’ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens.
Ici, le contrôle est justifié par des considérations indépendantes du comportement de la personne, extérieures à celui-ci.

Conseil constitutionnel, 5 août 1993 :
”L’autorité concernée doit justifier, dans tous les cas, des circonstances particulières établissant le risque d’atteinte à l’ordre public qui a motivé le contrôle ; que ce n’est que sous cette réserve d’interprétation que le législateur peut être regardé comme n’ayant pas privé de garanties légales l’existence de libertés constitutionnellement garanties”.

Par ailleurs, des formulations abstraites ne suffisent pas.
Il faut un risque sérieux et actuel d’atteinte à l’ordre public, justifié par des données concrètes.

Exemple : Crim., 17 décembre 1996 :
Contrôles d’identité place du Capitole à Toulouse : la Cour de cassation affirme que ni la référence abstraite à de nombreuses infractions, ni aucune circonstance particulière à l’espèce n’étaient de nature à motiver un contrôle d’identité sur le fondement de l’article 78-2 alinéa 3.

2) Le contrôle d’identité-Schengen

L’alinéa 9 de l’article 78-2 ouvre la possibilité d’opérer des contrôles d’identité frontaliers “dans une zone comprise entre la frontière terrestre de la France avec les États parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et une ligne tracée à 20 kilomètres en deçà, ainsi que dans les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international et désignés par arrêté, et aux abords de ces gares”.

Objectif : prévenir les infractions liées à la criminalité transfrontalière.

Ce contrôle ne peut être pratiqué que pendant maximum 12 heures dans un même lieu.
Il ne peut pas consister en un contrôle systématique des personnes présentes ou circulant dans ces lieux.

Le fait que le contrôle d’identité révèle une infraction autre que celle de non-respect des obligations susvisées ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.

Le texte de l’alinéa 9 a été modifié par la loi du 14 mars 2011 pour placer le droit français en conformité avec l’arrêt Melki et Abdeli (CJUE, 22 juin 2010).
En effet, dans le texte originel, des contrôles d’identité pouvaient avoir lieu indépendamment du comportement de la personne et de circonstances particulières établissant le risque d’atteinte à l’ordre public → vérifications aux frontières, prohibées par l’accord de Schengen.

3) Les autres contrôles d’identité (article 78-2, alinéas 10 à 17)

Cette partie du cours n’a pas été étudiée en 2022-2023.

II – La vérification

A – Le régime général

Lorsque le contrôle d’identité ne permet pas de découvrir l’identité de la personne interpellée, l’article 78-3 du Code de procédure pénale autorise le déclenchement d’une phase contraignante impliquant la rétention de l’intéressé aux fins de vérification de son identité.

Cette rétention ne peut être décidée que si l’intéressé “refuse ou se trouve dans l’impossibilité de justifier de son identité”.
Cette rétention doit être nécessaire (→ appréciation souveraine de l’OPJ).

L’article 78-3 du Code de procédure pénale prévoit que la rétention peut avoir lieu “sur place ou dans le local de police”.
En pratique, elle a place dans les locaux de la police.

Si la personne interpellée maintient son refus de justifier de son identité ou fournit des éléments d’identité manifestement inexacts, les opérations de vérification peuvent donner lieu, après autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, à la prise d’empreintes digitales ou de photographies lorsque celle-ci constitue l’unique moyen d’établir l’identité de l’intéressé.

La personne retenue est informée de son droit de faire aviser le procureur de la République de la vérification dont il fait l’objet et de prévenir à tout moment sa famille ou toute personne de son choix. Si des circonstances particulières l’exigent, l’officier de police judiciaire prévient lui-même la famille ou la personne choisie.

Lorsqu’il s’agit d’un mineur de dix-huit ans, le procureur de la République doit être informé dès le début de la rétention. Sauf impossibilité, le mineur doit être assisté de son représentant légal.

Le législateur enserre la durée de la rétention dans une double limite :

  • En principe : “le temps strictement exigé par l’établissement de son identité” ;
  • Cette durée ne peut pas excéder 4 heures (8 heures à Mayotte) à compter du contrôle d’identité.

La procédure de vérification d’identité s’exerce sous le contrôle du procureur de la République qui peut mettre fin à tout moment à la rétention.

B – Le cas particulier du terrorisme

Voir l’article 78-3-1 du Code de procédure pénale.

> Consultation des traitements automatisés à caractère personnel ;
> Interrogation des services à l’origine du signalement de l’intéressé ainsi que des organismes de coopération internationale en matière de police judiciaire ou des services de police étrangers.

La retenue ne peut pas donner lieu à audition.
Le procureur de la République est informé dès le début de la retenue.

Section 4 : Les principes généraux gouvernant la procédure pénale

Cliquer ici pour revenir au sommaire de ce cours complet de procédure pénale (L2).

Lorsqu’on suspecte qu’une infraction est commise, on ouvre une enquête de police.

À l’issue de l’enquête, on a 2 options :

  1. Soit on saisit directement la juridiction de jugement ;
  1. Soit on saisit le juge d’instruction.
    💡 L’instruction est obligatoire en matière criminelle et facultative en matière de délits.

Ensuite, il y a la phase de jugement ou d’instruction.

En remontant un peu en arrière, on constate qu’il existe 2 types d’enquêtes en procédure pénale en droit français :

  1. L’enquête dite de flagrance est déclenchée au titre d’une infraction qui est en train de se commettre ou qui vient juste d’être commise.
  1. L’enquête préliminaire a lieu dans la phase de mise en état.
⚠️
Il faut toujours garder à l’esprit qu’il ne peut pas y avoir d’instruction ni de jugement si l’action publique n’a pas été mise en mouvement (soit par le ministère public soit par la victime).

Le cadre du procès pénal se doit d’être respectueux d’un certain nombre de droits de la personne.
Ces règles fondamentales ont une valeur supra législative.
On parle de principes généraux (ou « directeurs ») dans la mesure où ils guident la procédure pénale.

I – Les garanties spécifiques en matière de preuve

A – La charge de la preuve : la présomption d’innocence, principe matriciel

On parle ici de principe matriciel puisqu’il inspire tous les autres principes.

1) La formulation du principe

Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie (article 6-2 de la Convention EDH + article 9 de la DDHC).
Cela implique que c’est à la personne qui accuse une autre personne d’avoir commis une infraction pénale d’en rapporter la preuve.

Ça dispense la personne suspectée d’établir son innocence : c’est à la personne qui accuse autrui d’une infraction d’en rapporter la preuve.

2) Les implications du principe

Ce principe signifie que seule une déclaration de culpabilité devenue définitive rendue par une juridiction compétente peut renverser la présomption.

Il est nécessaire d’apporter la preuve dans tous ses éléments : l’élément légal et règlementaire, et autres éléments constitutifs comme l’élément matériel.

À l’inverse, c’est à la personne qui invoque la cause d’exonération de responsabilité pénale d’en rapporter la preuve, sauf dans certaines circonstances où la légitime défense doit être présumée.

Il faut apporter la preuve :

  • Que les faits ont bien eu lieu (constance des faits) ;
  • Que les faits sont bien qualifiables pénalement (= qu’ils correspondent aux prévisions d’un texte incriminateur) ;
  • Que les faits ont bien été accomplis par la personne poursuivie.

Idem pour l’élément moral : il doit en principe être démontré.

3) Les exceptions : les présomptions de culpabilité

On distingue les présomptions de droit et les présomptions de fait.

Les présomptions de droit sont prévues par la loi et concernent soit l’élément matériel soit l’élément moral.
Les
présomptions de fait sont l’œuvre des juges et concernent généralement l’élément moral.

Exemple : l’article 225-6 du Code pénal sur le proxénétisme (= tirer profit de la prostitution d’autrui) souligne qu’il y a des comportements qui sont assimilés au proxénétisme.
Est notamment assimilé au proxénétisme le fait, de quelque manière que ce soit, de ne pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie tout en vivant avec une personne qui se livre habituellement à la prostitution ou tout en étant en relation habituelle avec une ou plusieurs personnes se livrant à la prostitution.
Dans ces circonstances, c’est à la personne de justifier de ressources correspondant à son train de vie pour ne pas que l’infraction soit constituée.

Conseil constitutionnel, 16 juin 1999 :
En principe, le législateur ne saurait instituer de présomption de culpabilité en matière répressive.
Il peut le faire de manière exceptionnelle, dès lors :
> qu’elle ne revêtent pas de caractère irréfragable ;
> qu’est assuré le respect des droits de la défense ;
> que les faits induisent raisonnablement la vraisemblance de l’imputabilité.

CEDH, Salabiaku c/ France :
La Cour ne met pas d’obstacle aux présomptions, mais rappelle qu’en matière pénale il y a un certain seuil à ne pas dépasser.
Les droits de la défense doivent être préservés.

Ces présomptions de droit, qui sont créées par le législateur, ont pour particularité d’être réfragables.

Les présomptions de fait sont quant à elles issues de la pratique des acteurs procéduraux.
Parfois, dans son ou ses réquisitoires, le ministère public va induire l’élément moral de la matérialité des faits (parfois, le juge n’a pas besoin du ministère public)
Idée : on déduit l’élément moral de la seule constatation objective des faits.

Il s’agit principalement des infractions intentionnelles.
Exemple : Crim., 15 mars 2017 :

2 individus se présentent à la sortie d’un lycée dans le but d’agresser une autre personne qui était mineur de 16 ans. À sa sortie, ils se ruent sur lui selon plusieurs témoins.
L’1 des 2 individus porte des coups à l’aide d’un couteau dont la lame mesure ~20 centimètres et dont il s’était préalablement muni ; l’un des coups est mortel.
L’auteur des coups a dit qu’il ne pouvait pas distinguer les coups qu’il portait, mais une expertise a invalidé cette affirmation.
L’autre individu a participé à la violence après, notamment en donnant des coups de pied au sol.

Les juges du fond ont considéré que la 1ère personne avait toujours soutenu que le coup fatal avait été porté involontairement et ont retenu qu’aucun élément ne permettait d’établir que cet accusé était animé d’une intention homicide.

L’enjeu de savoir si ces personnes avaient l’intention de donner la mort, ou seulement l’intention de commettre des violences est très important : c’est la différence entre un homicide (article 221-1 du Code pénal → 30 ans de réclusion criminelle) et des coups mortels (article 222-7 → 15 ans de réclusion criminelle).
Mais ils ont préalablement attendu une 20aine de minutes, signifie qu’il y avait préméditation ; en cas de meurtre avec préméditation, le Code pénal prévoit la réclusion criminelle à perpétuité.

Problème de droit : les juges du fond peuvent-ils relever cette différence d’éléments tout en concluant à l’existence de coups mortels ?
La chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré qu’il y avait ici contradiction de motifs.
La victime avait été frappée sciemment au niveau du thorax : la Cour de cassation considère qu’en retenant la qualification de coups mortels au motif que la qualification d’homicide ne relevait d’aucun élément du dossier, les juges n’ont pas tiré les conclusions légales de leurs constations.

Dans certains cas, on prouve donc l’élément moral (ici, l’intention homicide) à partir du type d’arme utilisé, du nombre de coups éventuellement portés à la victime et des régions du corps visés par l’agent.

Crim., 11 mai 1995 :
Les juges fonctionnent par présomption à l’égard de cet élément moral.
Cela signifie qu’ils constatent matériellement les faits et en tirent l’élément moral (exemple : exploitation d’une installation sans être titulaire des autorisations administrations → infraction intentionnelle).

Formule rituelle de la chambre criminelle : « la seule constatation de la violation en connaissance de cause d’une prescription légale ou règlementaire implique de la part de son auteur l’intention coupable exigée par l’article 121-3 al 1 du Code pénal« .
Là encore, la seule constatation de la violation d’une prescription matérielle suffit.
→ Cela a les apparences d’une présomption irréfragable…

4) Les sanctions

Certains auteurs considèrent que la présomption d’innocence est un véritable droit de la personnalité.

Il existe un droit de réponse en cas de violation de la présomption d’innocence + des mécanismes de sanction prévus par la loi de 1881 sur la presse.

L’article 9-1 du Code civil souligne que chacun a droit au respect de sa présomption d’innocence.
Lorsqu’une personne est présentée publiquement comme coupable avant toute condamnation, le juge peut prescrire toute mesure afin de faire cesser cette atteinte sans préjudice de la réparation du dommage.

B – L’administration de la preuve

Le droit de la preuve est l’une des questions les plus importantes (et intéressantes) en droit pénal.
« La preuve est ce qui persuade l’esprit d’une vérité ».

Mais les droit pénaux français et européen ne sont pas très clairs sur la question de la preuve :

  • Il y a l’article 9 de la DDHC sur la présomption d’innocence.
  • L’article 427 du Code de procédure pénale constitue le texte principal sur cette question.
  • Dans la CESDH, il n’y a pas de référence directe à la preuve en matière pénale.

C’est un vaste sujet : est-ce qu’on a le droit d’espionner quelqu’un ? d’utiliser un détecteur de mensonges ? d’utiliser la torture ?

1) Le principe : la liberté dans la production de la preuve

L’article 427 du Code de procédure pénale dispose que :

“Les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve”.

Cela signifie que tous les modes de preuve établis par la loi peuvent être utilisés pour rapporter la preuve de l’existence d’une infraction.

Il faut penser ce texte en opposition au système de preuve sous l’Ancien Régime, dans lequel une valeur était attribuée aux preuves théoriquement.
→ Il n’y a plus de hiérarchie entre les preuves.

L’aveu lui-même, qui était considéré comme étant au sommet de la hiérarchie, n’a pas légalement de valeur supérieure aux autres modes de preuve.
L’article 428 le précise très clairement : l’aveu, comme tout élément de preuve, est laissé à la libre appréciation des juges.
En théorie, il n’est pas plus déterminant qu’un autre mode de preuve.

On constate que la preuve ADN est actuellement nimbée d’une certaine aura et a souvent une influence décisive sur le cours du procès.

La Convention EDH ne contient pas de références à la preuve, mais la CEDH réfléchit néanmoins sur la notion générale d’équité du procès : “la procédure envisagée dans son ensemble a-t-elle été équitable ?”.

CEDH, 9 juin 1998, Teixeira de Castro c/ Portugal :
La recevabilité des preuves relève en premier lieu des règles de droit interne. C’est aux juridictions nationales d’apprécier les éléments qu’elles ont recueilli.

La liberté de la preuve vaut pour toutes les infractions (crime, délit, contravention).
Elle vaut aussi en ce qui concerne les moyens de défense (causes d’exonération de la responsabilité pénale).

2) Les règles d’encadrement

Ces règles d’encadrement sont à géométrie variable.
Il y a 3 catégories de règles qui viennent encadrer la liberté de la preuve :

a) Les droits fondamentaux

Les actes de violence, la torture et les traitements inhumains et dégradants sont prohibés, même dans la perspective de la constitution d’une preuve.

CEDH, 2006, Jalloh contre Allemagne :
Des éléments à charge qui seraient rassemblés au moyen d’actes de violence ou de brutalité ou d’autres formes de traitement pouvant être qualifiés de torture ne doivent jamais être invoqués pour prouver la culpabilité d’une personne, « quelle qu’en soit la valeur probante ».

→ Il n’y a pas d’atteinte acceptable à la dignité.

Les atteintes à la vie privée sont aussi prohibées sur la base de l’article 8 de la Convention.


b) La légalité des actes accomplis

Cette règle ne s’impose qu’aux enquêteurs.

On attend d’eux qu’ils accomplissent des actes d’investigation prévus par la loi.
Ils ne sont pas censés rapporter la preuve par la commission d’infractions pénales (il y a cependant des nuances pour certains domaines particuliers, notamment le trafic de stupéfiants avec l’infiltration).


c) L’exigence de loyauté

La loyauté fait partie de ces concepts qui sont comme des images, qu’on aperçoit clairement de loin et qui se troublent dès qu’on s’en approche.

Il faut respecter la lettre des textes, mais également leur esprit.
La loyauté est plus simple à définir négativement que positivement : la loyauté, c’est l’absence de déloyauté = l’absence de tromperie, de ruse, …

Aucun texte n’évoque le principe de loyauté.
Ce n’est pas un principe constitutionnel ni un principe général du droit, et pourtant c’est une notion capitale.

Le doyen Bouzat présentait la loyauté comme une manière d’être dans la recherche de la preuve conforme au respect des droits des individus et à la dignité de la justice.
Ce serait synonyme de droiture.

La loyauté s’oppose essentiellement à 2 choses :

  • À la provocation à commettre une infraction ;
  • À l’usage de procédés tendant à évincer les droits de la défense, et en particulier le droit de ne pas s’auto-incriminer.

Le but des agents publics est de constater des infractions, pas les créer.

Sur l’infiltration dans un réseau criminel :
Il y a de nombreuses dispositions textuelles qui prévoient que, pour être licite, l’intervention des policiers ne peut jamais constituer une incitation à commettre des infractions.
Arrêt pilote dans ce domaine :

Crim., 27 février 1996, Schuller :
X, conseiller régional d’Île-de-France et conseiller général des Hauts de Seine, raconte que Y, médecin-psychiatre, l’aurait invité à le rencontrer à 2 reprises à l’Hôpital américain de Neuilly.
Y aurait offert à X d’intervenir auprès de son gendre, Z, juge d’instruction à Créteil pour « éviter que celui-ci ne l’implique dans une affaire de fausses factures qu’il instruisait » ; en contrepartie, Y aurait sollicité un dédommagement personnel et un avancement de carrière pour son gendre comme pour sa fille (elle aussi magistrate).
X raconte ça à des enquêteurs ; en présence de ces enquêteurs, il appelle Y, dirige la conversation, aborde la question financière lui-même, fixe le montant de la rémunération et organise un rendez-vous en vue de la remise des fonds.
Le rdv a lieu sous la surveillance des enquêteurs et X remet à Y un sac avec de l’argent ; les enquêteurs interpellent Y.
Est-ce que c’est valable ?

Réponse : non. La chambre d’accusation, puis la chambre criminelle, ont considéré que les fonctionnaires de police ont prêté leur assistance à une provocation qui avait pour objet d’inciter un délinquant à commettre des faits pénalement répréhensibles.
La procédure a été viciée : l’interpellation de Y a précédé d’une machination de nature à déterminer les agissements délictueux.

CEDH, 2008, Ramanoscas contre Lithuanie :
Dans cet arrêt assez pédagogique et didactique, la CEDH explique la différence entre :
> le fait de déterminer les agissements délictueux du côté de l’autorité publique ;
> et révéler des éléments délictueux préexistants.

« Il y a provocation policière (prohibée) lorsque les agents impliqués (membres des forces de l’ordre ou personnes intervenant à leur demande) ne se limitent pas à examiner d’une manière purement passive l’activité délictueuse, mais exercent sur la personne une influence de nature à l’inciter à commettre une infraction qu’autrement elles n’auraient pas commise pour en rendre possible la constatation, c’est-à-dire en apporter la preuve et la poursuivre ».

Crim., 7 février 2007 et 30 avril 2014 :
En mars 2014, le service des douanes et de l’immigration des États-Unis informe les services de police français qu’un individu s’est connecté sur un site de pédopornographie infantile dans la nuit du 9 au 10 septembre 2003, site créé et exploité par les services de police de New-York pour piéger ce type de personnes.
Une enquête préliminaire a lieu en France, qui conduit le 17 décembre 2004 à l’ouverture d’une instruction/information judiciaire avec qualification d’importation et détention d’images pornographiques de mineur.
Le 19 octobre 2005, une perquisition effectuée au domicile de l’individu, inconnu jusqu’alors des services de police et permet la découverte de plusieurs outils numériques contenant des images pornographiques de mineurs. La personne est mise en examen.

L’individu émet une requête en annulation, parce qu’il y aurait eu un stratagème des autorités américaines qui l’aurait poussé à commettre l’infraction.
Les juges du fond avaient rejeté sa requête en annulation, en considérant notamment que rien dans la procédure ne montrait que cette personne n’avait pas été déterminée par quiconque de commettre ces faits et avait agi de sa seule initiative.
La chambre criminelle casse l’arrêt ; elle estime qu’il y a eu une provocation à la commission d’une infraction organisée par les autorités américaines. Elle donne cependant peu de détails.

Crim., 30 avril 2014 :
Le FBI crée un forum qui est en réalité un forum d’infiltration pour fraude à la carte bancaire.
Certains éléments démontrent l’implication d’un français utilisant un pseudonyme dans le commerce illicite de numéros de cartes bancaires sur internet.
Ces informations sont transmises aux autorités françaises ; une perquisition a lieu à Toulouse au domicile du suspect et confirme les soupçons.
Question posée à la Cour de cassation : est-ce que le fait pour le FBI d’avoir mis en place un forum d’infiltration grâce auquel les informations sur la participation d’une personne à une infraction ont été transmises aux autorités françaises constitue une provocation à l’infraction, ou simplement d’une provocation à la preuve ?

Réponse de la Cour de cassation : il n’y a pas de provocation à l’infraction.
Ici, elle est un peu plus loquace qu’en 2007 : elle écrit que l’intéressé avait déjà manifesté sur d’autres sites internet son intérêt pour la technique de la fraude à la carte bancaire et que le site a simplement permis de rassembler des preuves de la commission de l’infraction et d’identifier les auteurs → il n’y a pas eu d’incitation des personnes à passer à l’acte.

Crim., 20 novembre 2016 :
Des échanges ont lieu entre l’un des avocats du roi du Maroc et le procureur de la République.
Un enregistrement d’une conversation entre cet avocat, le roi lui-même et des journalistes est produit.
À la date de cette conversation, un 1er livre sur le roi du Maroc avait été publié par ces journalistes, qui révélait des informations qui ne présentaient pas le roi sous un jour favorable et mettait en garde le roi contre la possibilité de la parution d’un 2ème livre.
Ces journalistes demandaient simplement de l’argent pour ne pas faire paraître ce livre.
Un nouveau rdv est fixé avec les journalistes par cet avocat ; il fait l’objet d’une surveillance policière grâce à laquelle les policiers constatent que des sommes d’argent sont remises aux journalistes, qui sont alors interpellés.

La chambre criminelle note qu’il y a eu une participation indirecte des enquêteurs à l’obtention d’un enregistrement par un particulier + la présence constante des enquêteurs.
L’assemblée plénière donne raison à la chambre de l’instruction, en considérant que les enquêteurs et l’autorité publique ont eu un rôle purement passif (ils ont simplement laissé faire).
Ce qui est intéressant ici, c’est qu’il y a l’intervention d’une personne privée (avocat) qui sert d’intermédiaire.

À retenir : lorsque le processus infractionnel est déclenché par le délinquant, le policier qui agit dissimulé et qui s’insère dans ce déroulé ne commet qu’une provocation à la preuve (qui est licite) et non une provocation à l’infraction.

Voir aussi :
> Crim., 9 décembre 2019 : sur un chantage à la sextape exercé sur un footballeur ;
> Crim., 1er décembre 2020, 18-86.767 et 20-82.078 (affaire Benalla).

C’est la même chose pour les procédés qui ont pour but d’évincer les droits de la défense, et en particulier du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination.
Une personne mise en cause dans une procédure pénale n’est pas tenue de collaborer avec la justice.

  • On a le droit de ne pas être contraint de remettre des éléments de preuve matériels qui établiraient notre implication.
  • On a le droit de garder le silence.

Crim., 16 décembre 1997 :
Un policier de propos enregistre de manière clandestine des propos qui lui avaient été tenus spontanément par une personne suspecte.
Dans cette hypothèse, les droits de la défense sont compromis → cet enregistrement est écarté de la procédure.

Crim., 5 mars 2013 :
Des OPJ retranscrivent les propos qu’un mis en examen leur tient lors du transport vers la maison d’arrêt → atteinte au principe de loyauté probatoire.

Assemblée plénière, 6 mars 2015 :
2 personnes que l’on suspecte d’être impliquées dans la même affaire sont placées en garde à vue simultanément dans 2 cellules mitoyennes préalablement sonorisées.
Les 2 personnes suspectées, ne se doutant de rien, ont des échanges verbaux.
La sonorisation et les placements en garde à vue avaient été autorisés, mais la combinaison de ces 2 mesures (+ le fait qu’on les a placés dans des cellules contigües) est-elle acceptable ?

Réponse : non, c’est un procédé déloyal mettant en échec le droit de se taire.
Ce qui est intéressant, c’est que normalement, pendant une garde à vue, il y a le moment de l’audition et des périodes de repos. L’enregistrement pendant les périodes de repos est prohibé.

Les particuliers ne sont pas soumis à ce principe de loyauté et peuvent agir de manière déloyale, en utilisant des moyens de preuve déloyaux ou même illicites.
On peut éventuellement envisager des sanctions contre l’intéressé, mais le fait que la preuve ait été obtenue ainsi ne la rend pas irrecevable.

Crim., 15 juin 1993 :
« Aucune disposition légale ne permet au juge répressif d’écarter les moyens de preuve produits par les parties aux seuls motifs qu’ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale. Il leur appartient seulement d’en apprécier la valeur probante. »

Exemple : filmer un salarié à son insu pour démontrer un vol.
Exemple : enregistrer clandestinement des conversations privées.

Le testage (testing en anglais) consiste à faire un test de situation / de discrimination en mettant à l’épreuve le respect du principe d’égalité dans des lieux publics où l’on pratique le filtrage (tels que les discothèques).
Objectif : déceler une situation discriminatoire.

Par exemple, on met en place des couples dont les demandes ne diffèrent que par une seule caractéristique pour voir si l’un est moins bien traité que l’autre.
Cette pratique a été reconnue comme valable par le juge et est désormais consacrée par la loi à l’article 225-3-1 du Code pénal qui renvoie aux infractions de discrimination.

→ Les infractions de discrimination sont constituées même si elles sont commises dans le cadre d’un procédé de testage.

Pourquoi cette différence entre les personnes privées et l’autorité publique ?
On part du principe que les autorités publiques ont des moyens que les personnes privées n’ont pas.

De plus, les personnes privées ne sont pas des agents de l’État ; les actes qu’ils accomplissent n’ont pas la nature d’actes procéduraux.

→ Volonté du juge de favoriser l’efficacité de la recherche probatoire (recherche de la vérité).

Cette possibilité, pour les personnes privées, d’utiliser des moyens de preuve illicites ou déloyaux, vaut au soutien d’une accusation en matière pénale, mais elle vaut aussi dans l’hypothèse où une personne privée voudrait se défendre d’une accusation pénale (si elle s’estime injustement accusée).

C – L’appréciation de la preuve

L’appréciation de la preuve correspond à la valeur que l’on attribue aux différents éléments de preuve qui sont produits en justice.

1) Le principe : la liberté et le système de l’intime conviction

Le principe est la liberté dans l’appréciation de la preuve.
C’est le sens de l’article 427 du Code de procédure pénale : le juge décide d’après son intime conviction.

L’intime conviction est née au siècle des Lumières.
On parle également d’un système d’une preuve morale ≠ preuves légales sous l’Ancien Régime.
Idée : laisser l’appréciation des preuves à la libre conscience de la Cour et des jurés.

Voir aussi : article 353 du Code de procédure pénale.

L’intime conviction vaut pour toutes les infractions.
Le juge apprécie librement la valeur des éléments qui sont produits devant lui, sans être tenu de respecter une quelconque hiérarchie.
On attend des personnes qui jugent qu’elles recourent à leur raison.

L’article 430 prévoit que les procès verbaux eux-mêmes ne valent qu’à titre de renseignements.
→ Le doute profite à l’accusé.

2) Les règles d’encadrement

a) La nécessité d’un débat contradictoire préalable

Il ressort de l’article 427 du Code de procédure pénale que les preuves doivent pouvoir être contradictoirement débattues devant l’autorité judiciaire avant que ne se forge l’intime conviction.

Les preuves doivent être présentées devant le tribunal.
Tout élément de preuve doit pouvoir être contradictoirement débattu.
Chaque partie est informée des éléments de preuve introduits par les autres parties.

Ce débat intervient à l’occasion d’une audience public (≠ huis clos).

L’article 427 précise que le juge ne peut fonder sa décision que :

  1. Sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats ;
  1. Sur des preuves qui sont contradictoirement discutées devant lui.

b) La légalité des actes accomplis

Dans certains cas, avant que l’intime conviction se forge, on exclut qu’elle puisse se fonder sur 1 seul élément de preuve.
Cela ne signifie pas qu’il y a pas certaines preuves qui auraient une valeur supérieure à d’autres (→ absence de hiérarchie), mais il y a certaines preuves qui ne peuvent, à elles seules, fonder une déclaration de culpabilité.

Liste non exhaustive : un témoin anonyme ; des agents de l’Etat qui ne révèlent pas leur identité ; la déclaration d’une personne ne s’étant pas entretenue avec un avocat…
Ces éléments de preuve ne peuvent jamais constituer le seul fondement d’une condamnation, parce qu’elles sont incertaines.


c) L’exigence de motivation

La décision doit être motivée par l’énoncé des principaux éléments qui ont été retenus par la juridiction de jugement à l’appui d’une condamnation, d’une relaxe ou d’un acquittement.

Formellement, la motivation intervient après que l’intime conviction ne se soit forgée, même si le fait de savoir qu’on doit motiver sa décision peut influencer la manière dont on la conçoit.

Il y a une double exigence de motivation :

  1. Une exigence de motivation concernant la culpabilité ;
  1. Une exigence de motivation concernant le choix de la peine.

Jusqu’à la loi du 10 août 2011, les décisions du tribunal de police et du tribunal correctionnel étaient motivées, mais pas celles de la cour d’assises ; or c’est devant la cour d’assises que les enjeux sont les plus lourds.

La loi du 10 août 2011 a apporté l’article 365-1 du Code de procédure pénale, qui énonce qu’en cas de condamnation, la motivation consiste dans l’énoncé des principaux éléments à charge qui, pour chacun des faits reprochés à l’accusé, ont convaincu la cour d’assises et qui ont été exposés au cour des délibérations.


Le débat contradictoire préalable et l’exigence de motivation s’imposent toujours.
En revanche, la limitation de la valeur probante ne vaut que dans certains cas pour certains éléments de preuve → ça n’est pas une règle générale.

II – Les principes transversaux

Il existe 4 principes transversaux en procédure pénale : le principe de légalité, d’égalité, de proportionnalité et de dignité.

A- Le principe de légalité

La légalité des délits et des peines a pour conséquence qu’une personne ne peut être condamnée pour une infraction que si elle est prévue par une loi.
De même, la peine doit être prévue par la loi.
→ Il n’y a pas de crime ni de peine sans loi.

  • Article 8 de la DDHC ;
  • Article 7 de la Convention EDH :
    « Nul ne peut être arrêté, accusé, ou détenu que dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu’elle a prescrite ».
    → Principe de légalité procédurale.

1) Légalité formelle, légalité matérielle et légalité organique : la nécessité d’un texte, clair et précis, interprété strictement

L’article 111-4 du Code pénal dispose que la loi pénale est d’interprétation stricte.

En matière procédurale comme en droit de fond, il faut un texte.
Exemple : on ne peut pas accomplir un acte d’enquête qui n’est pas prévu par un texte.

Il y a toute une jurisprudence intéressante sur le sujet du côté de la CEDH.
L’article 8 de la Convention EDH est relatif à la vie privée et familiale ; son paragraphe 2 fait référence aux restrictions qui pourraient être apportées à ce droit → elles doivent être prévues par la loi.

Très tôt, la CEDH a considéré que la loi devait être entendue dans un sens matériel, et non seulement formel.
> Sens formel : il suffit d’un texte ;
> Sens matériel : ce texte doit être suffisamment accessible, clair, précis, compréhensible.

L’article 81 du Code de procédure pénale affirme que le juge d’instruction peut faire procéder à tout acte utile à la manifestation de la vérité. Sur cette base, un juge d’instruction décide de procéder à des écoutes téléphoniques.
Ça arrive un jour devant la CEDH, qui conclut à une violation de l’article 8 sur la vie privée :

CEDH, 24 avril 1990, Huvig et Kruslin contre France :
Ces écoutes téléphoniques, qui sont des mesures portant atteinte à la vie privée des personnes concernées, doivent être encadrées par une loi accessible, précise, claire et intelligible ; l’article 81 ne suffit pas.

Même chose dans les années 2000 avec la géolocalisation, puis avec la sonorisation.
> CEDH, 8 février 2018, Ben Faiza contre France ;
> CEDH, 31 mai 2005, Vetter contre France.

La légalité formelle est l’exigence d’un texte (lex scripta = « loi écrite »).
La légalité matérielle renvoie à l’accessibilité, la précision, la clarté et l’intelligibilité (lex cerpa = « loi certaine »).
La légalité organique renvoie au principe d’interprétation stricte (lex stricta).

2) L’application de la loi procédurale dans le temps

⚠️ La non rétroactivité de la loi pénale préexistante plus douce vaut pour la loi pénale de fond, et non pour la loi procédurale.
Il y a un principe d’application immédiate de la loi de procédure pénale.

L’article 112-2 du Code pénal prévoit que les lois de compétence et d’organisation judiciaire, les lois fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure… sont immédiatement applicables à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur.

Exemple :
Une infraction est commise le 1er septembre 1990.
On enquête dessus, et pendant l’enquête en 1991 une nouvelle loi prévoit une nouvelle modalité de poursuite.
En 1992, on peut poursuivre cette infraction de 1990 avec cette nouvelle modalité de poursuite sans que ça ne pose de problème.

L’article 112-2 contient certaines précisions :

  • Pour les lois de compétence et d’organisation judiciaire : « à condition qu’un jugement au fond n’ait pas été rendu en 1ère instance ».
  • Il y a des règles particulières sur la prescription
    les lois relatives à la prescription sont applicables immédiatement lorsque les prescriptions ne sont pas déjà acquises.
    Une nouvelle loi qui modifie un délai de prescription à la hausse ou à la baisse peut allonger ou réduire le délai de prescription pour une infraction, à condition que ce nouveau délai de prescription ne soit pas déjà acquis.

Article 112-3 du Code pénal : la loi procédurale ne peut pas s’appliquer immédiatement si elle a pour conséquence de remettre en cause un droit acquis au profit du délinquant
concerne techniquement les voies de recours (appel, pourvoi en cassation).
Ces lois relatives à la nature et à l’ouverture des voies de recours sont applicables aux recours formés contre les décisions prononcées après leur entrée en vigueur.

Article 112-4 du Code pénal : l’application immédiate d’une loi de procédure nouvelle ne peut jamais entraîner la nullité d’actes accomplis conformément à la loi ancienne.

B – Le principe d’égalité

1) L’exposé et les sources du principe

Le principe d’égalité renvoie à l’idée d’absence de traitement discriminatoire et à l’exclusion de toute distinction qui serait arbitraire dans la détermination et l’application des règles de procédure.

⚠️ Le principe d’égalité n’interdit pas toute distinction, mais seulement les distinctions arbitraires.

L’article 1er de la DDHC de 1789 affirme que « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ».
Mais, surtout, son article 6 est plus précis et affirme que : « La loi doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ».

L’article préliminaire du Code de procédure pénale dispose quant à lui que :
« Les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions doivent être jugées selon les mêmes règles ».
→ Principe d’égalité des citoyens devant la justice pénale.

L’article 14 de la Convention EDH est quant à lui très général et interdit les discriminations.
Il doit être couplé avec autres articles de la Convention.
« La jouissance des droits et libertés qui sont reconnus par la convention doit être assurée sans distinction qui serait fondée la religion, le sexe, la couleur, la langue, les opinions politiques, … ».

L’article 14 paragraphe 1 du Pacte international pour les droits civils et politiques affirme que “Toutes les personnes sont égales devant les tribunaux et les cours de justice ».

2) Les applications du principe

a) L’interdiction des régimes légaux dérogatoires injustifiés

Les dérogations ne sont pas interdites.
Ce qui est exclu, ce sont les distinctions injustifiées ou arbitraires.

Conseil constitutionnel, 4 juillet 1989 :
Décision concernant le principe d’égalité en général.
Le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes.
Le principe d’égalité ne s’oppose pas non plus à ce que le législateur déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, à la condition que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la loi qui établit cette dérogation.

Conseil constitutionnel, 19 et 20 janvier 1981 :
Décision qui évoque spécifiquement les règles de procédure pénale.
Souligne que le législateur peut prévoir des règles de procédure pénale différentes selon les faits, les situations et les personnes, pourvu que ces différences ne procèdent pas de discriminations injustifiées et que soient assurées des garanties égales aux justiciables.

CEDH, 1996, Gaygusuz c/ Autriche :
Des distinctions sont possibles, mais la distinction discriminatoire ne l’est pas.
La distinction est discriminatoire si elle ne poursuit pas un but légitime ou qu’il n’y a pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

2 exemples tirés de la jurisprudence du Conseil constitutionnel :

  1. Conseil constitutionnel, 6 avril 2012 :
    À propos de l’enregistrement des auditions des personnes gardées à vue : le législateur avait entendu exclure ces enregistrements en matière de criminalité organisée.
    L’enregistrement audiovisuel n’est pas un droit de la défense ; il est là pour l’intérêt d’une bonne administration de la justice.
    Le Conseil constitutionnel souligne que par la consultation de l’enregistrement audiovisuel, le législateur a voulu rendre possible la vérification des propos retranscris dans les procès-verbaux pour les personnes suspectées d’avoir commis un crime.
    Est-ce que la distinction faite entre criminalité organisée et autres crimes est pertinente ?

    Réponse : non, elle ne l’est pas. En quoi le fait que l’infraction soit plus grave (et donc susceptible d’entraîner des conséquences plus importantes du côté du suspect) importe ici ?
    → Discrimination considérée comme injustifiée par le Conseil constitutionnel.

  1. Conseil constitutionnel, 12 avril 2013 :
    Le législateur fait le choix de porter le délai de prescription en matière d’infractions de presse de 3 mois à 1 an pour certaines infractions : provocation à la discrimination, à la haine, à la violence, injures à caractère ethnique ou racial, écrits ou propos constituant une contestation des crimes contre l’humanité.
    L’objectif poursuivi est clair et la différence de traitement qui en résulte ne présente pas un caractère disproportionné.
    Il n’y a pas d’atteinte aux droits de la défense, donc les dispositions qui portent de 3 mois à 1 an le délai de prescription pour certains délits ne sont pas considérées comme contraires au principe d’égalité.

b) L’interdiction des dérogations arbitraires

Il peut y avoir une atteinte au principe d’égalité lorsqu’il y a un problème de qualité de la loi procédurale (lorsqu’elle est trop vague).
En effet, le flou de cette norme fait dépendre l’application de cette norme de l’appréciation arbitraire du juge.

Conseil constitutionnel, 23 juillet 1975 :
Le respect du principe d’égalité fait obstacle à ce que des citoyens se trouvant dans des conditions semblables et poursuivis pour les mêmes infractions soient jugés par des juridictions composées selon des règles différentes.

C – Le principe de proportionnalité

1) L’exposé du principe

La proportion renvoie à l’idée d’une mesure raisonnable et d’un rapport entre 2 choses.

Le principe de proportionnalité apparaît dans un nombre considérable de dispositions du Code de procédure pénale.

Le Code de procédure pénale rappelle que les mesures de contrainte dont la personne mise en cause peut faire l’objet doivent être proportionnées à la gravité de l’infraction reprochée.

La mesure doit être non seulement nécessaire, mais aussi proportionnée ; cela fait partie des conditions qui sont vérifiées par la CEDH.

Exemple : les mesures d’enquêtes qui portent atteinte à la vie privée ne sont autorisées qu’à condition qu’elles poursuivent un but légitime et qu’elles soient proportionnées.
Même si elles poursuivent un but légitime, si l’atteinte au droit à la vie privée est disproportionné par rapport au but poursuivi, on considère qu’il y a violation de la disposition de la convention.

Conseil constitutionnel, 2 mars 2004 :
Concerne les mesures d’investigation spéciale (sonorisation, géolocalisation).
Ces mesures peuvent porter atteinte à des droits qui sont constitutionnellement garantis ou apporter des restrictions à ces droits, à condition que ces restrictions soient nécessaires à la manifestation de la vérité, qu’elles n’introduisent pas de discriminations injustifiées [principe d’égalité] et qu’elles soient proportionnées à la gravité et à la complexité des infractions commises [principe de proportionnalité].

Ce qui est intéressant, c’est que ce principe s’impose au législateur lorsqu’il édicte des règles procédurales, mais également aux acteurs lorsqu’ils les mettent en œuvre.
(idem pour le principe d’égalité)

Est-ce que le législateur respecte le principe de proportionnalité s’il prévoit la possibilité d’une détention provisoire à propos d’une contravention ? Évidemment que non.

En pratique, pour la détention provisoire, le juge des libertés et de la détention apprécie au cas par cas, dans les cas prévus par la loi, si cette détention provisoire est pertinente par rapport aux objectifs poursuivis par la loi (= éviter une pression sur les témoins ou leurs familles).

⚠️ La proportionnalité ne vaut pas que pour les mesures de contrainte.

2) Les applications du principe

a) Les applications au regard de la liberté d’aller et de venir

Ce qu’on a dit pour la liberté provisoire est aussi valable pour la garde à vue : il y a désormais certains objectifs qui doivent être poursuivis pour placer en garde à vue.
La mesure de garde à vue doit être l’unique moyen de parvenir à au moins 1 de ces objectifs (empêcher des pressions sur les victimes ou témoins, permettre l’exécution des investigations impliquant la présence ou l’implication de la personne…).

b) Les applications au regard du droit à la vie

Il est ici question d’opérations d’arrestation “un peu trop musclées”…

Crim., 18 février 2003 :
Relatif à l’usage de la force.
En théorie, les gendarmes peuvent déployer la force armée lorsqu’ils veulent immobiliser un véhicule et qu’ils ne peuvent pas immobiliser autrement le véhicule dont le conducteur n’obtempère pas à l’ordre d’arrêt.

En l’espèce, un individu conduit un véhicule et fait demi-tour à la vue de 2 gendarmes : il n’était pas assuré, ce qui est une infraction mineure.
Dans une poursuite mouvementée, l’un des gendarmes parvient à se porter à la hauteur de la portière gauche du véhicule ; il tire sur le conducteur, qui est touché au thorax et est tué par ce coup de feu.
Est-ce que cet usage de la force était proportionné ?

La Cour de cassation casse la décision : la cour d’appel n’a pas recherché si l’usage de la force était absolument nécessaire, et pas simplement nécessaire.

→ La proportionnalité est appréciée de manière particulièrement stricte lorsqu’il s’agit de la vie d’une personne.

CEDH, 9 octobre 2016, Saoud contre France :
Ici, on raisonne sur l’article 2 de la Convention EDH (droit à la vie).
La CEDH considère que la mort n’est pas infligée en violation de cet article dans certaines hypothèses limitativement énumérées, notamment la légitime défense des personnes ou encore pour effectuer une arrestation régulière à condition que le recours à la force soit absolument nécessaire.

En l’espèce, les services de police reçoivent un coup de téléphone qui leur demande d’intervenir dans un domicile où un individu présenterait des graves troubles du comportement, avec des violences sur sa mère et ses sœurs.
Les policiers donnent l’assaut par le balcon ; l’individu était agité et a notamment blessé 1 des policiers en s’emparant d’une arme et en tirant 4 coups de feu au ras du sol.
Les policiers immobilisent l’individu et le menottent, sauf qu’ils le menottent les bras en avant et non dans le dos et procèdent à un plaquage ventral → asphyxie.

La CEDH ne nie pas la nécessité de prodiguer des soins au policier blessé, mais note que « le décès de Mohamed Saoud est intervenu du fait de son immobilisation au sol par les policiers durant plus de trente minutes, alors qu’il était menotté aux chevilles et aux poignets. Le fait qu’il se soit débattu pendant ces longues minutes était certainement dû à une tentative pour se dégager de cette emprise insupportable, qui accroissait ses difficultés respiratoires. »
Cette technique d’immobilisation avait déjà été identifiée comme hautement dangereuse pour la vie.

La Cour note par ailleurs qu’aucun soin n’a été prodigué à la personne avant son arrêt cardiaque alors qu’il y avait des professionnels formés aux secours.

D – Le principe de dignité

1) L’exposé du principe

Le principe de dignité est extrêmement difficile à définir.
On en parle comme de la « pierre angulaire de la protection accordée à la personne humaine ».

La dignité s’oppose à toute forme d’asservissement de la personne, aux mauvais traitements, aux procédés humiliants, aux traitement inhumains ou dégradants, et aux habitudes violentes.

Il y a des textes qui font référence expressément à la dignité :

  • L’article 16 du Code civil interdit toute atteinte à la dignité ;
  • La Charte des droits fondamentaux de l’UE affirme que la dignité humaine est inviolable ;
  • La 1ère phrase du préambule de la DUDH évoque « la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine » ;
  • L’article 3 de la Convention EDH et l’article 7 du PIDCP prohibent la torture ou les peines et traitements cruels/inhumains/dégradants ;
  • L’article préliminaire du Code de procédure pénale dispose que les mesures de contrainte ne doivent pas porter atteinte à la dignité humaine ;
  • L’article 63-5 du Code de procédure pénale rappelle que la garde à vue doit respecter la dignité de la personne.

Le principe de dignité ne supporte aucune exception : il est indérogeable.
On ne peut pas porter atteinte au principe de dignité.

CEDH, 19 février 2009, Abou Qatata c/ Royaume-Uni :
L’article 3 ne peut pas faire l’objet de dérogations, même dans les circonstances les + difficiles telles que la lutte contre le terrorisme, et quels que soient les agissements de la personne concernée.

Conseil constitutionnel, 27 juillet 1994, Loi bioéthique :
Ce principe a en principe une valeur constitutionnelle.

2) Les applications du principe

a) La prohibition des violences physiques ou psychiques

CEDH, 4 novembre 2010, Darraj contre France :
Un individu âgé de 16 ans est contrôlé sur la voie publique à bord d’un véhicule sans conducteur avec les fils de démarrage dénudés.
Après son contrôle, il a des concussions dans plusieurs parties du corps, de multiples blessures au visage et au cou et de multiples hématomes au cuir chevelu + une fracture du testicule droit → 23 jours d’interruption de travail.
+ 1 an après l’interpellation, il souffre encore d’un traumatisme.

La cour d’appel de Versailles avait limité la condamnation au chef de « blessures non intentionnelles » → la CEDH a considéré qu’il y a une violation de l’article 3 de la Convention.


b) La prohibition des traitements dégradants lors de l’accomplissement de mesures de sécurité

CEDH, 1er juin 2010, Gäfgen contre Allemagne :
Un individu attire un jeune enfant de 11 ans dans son appartement et l’étouffe. Il fait néanmoins une demande de rançon, fait l’objet d’une filature, est arrêté à l’aéroport, plaqué au sol, et est ensuite conduit à la direction de la police de Francfort (qui ignore à ce stade que l’enfant était mort).
Le directeur adjoint de la police de Francfort ordonne à un inspecteur de menacer cet individu de vives souffrances et au besoin lui en infliger afin de le conduire à révéler où se trouve l’enfant.
L’inspecteur procède à ces menaces, lui indiquant qu’une personne était en route vers le commissariat pour lui faire subir ces souffrances.

La CEDH souligne que la convention prohibe la torture en elle-même au sens physique du terme.
Elle indique aussi que menacer quelqu’un de le torturer peut également, dans des circonstances données, constituer un traitement inhumain.
En l’espèce, la cour estime que les menaces proférées à l’adresse du ravisseur, « menaces réelles et immédiates », ont atteint le degré de gravité nécessaire pour que le comportement litigieux tombe sous le coup de l’article 3.

CEDH, 24 juillet 2001, Valasinas contre Lithuanie :
Dans une prison lithuanienne, un détenu reçoit la visite de ses parents qui lui remettent de la nourriture. Il est arrêté pour subir le contrôle de sécurité habituel, pour vérifier qu’on ne lui a pas remis quelque chose d’interdit.
On procède à sa fouille alors que 3 gardiens sont présents et on lui ordonne de se déshabiller. Au moment où il est en sous-vêtements, une surveillante entre dans la pièce. Le gardien qui procède à la fouille lui ordonne de se dévêtir complètement (« fouille intégrale »), en le menaçant d’une réprimande s’il ne s’exécute pas.
Il s’exécute, les gardiens examinent son corps et le touchent partout sans gants. Ils l’obligent également à s’accroupir. Il s’agit d’une fouille menée dans le but de le ridiculiser devant la surveillante.

La Cour retient que si la fouille intégrale avec mise à nu peut parfois être nécessaire, elle doit être pratiquée par et en présence de personnes du même sexe.

La Cour note des sentiments d’angoisse et d’infériorité, source d’humiliations et de vexations.
Elle considère que cette fouille constituait un traitement dégradant au sens de l’article 3 de la Convention.

→ Le principe de dignité s’oppose également aux traitements dégradants ou à l’accomplissement de mesures de sécurité dans des conditions dégradantes.

CEDH, 11 juillet 2006, Rivière contre France :
Il y a une violation de l’article 3 par le maintien en détention d’une personne qui ne devait pas être en détention, mais qui aurait dû être en hôpital psychiatrique.
Les conditions de détention ont été jugées incompatibles avec l’état de sa personne en particulier.


c) La prohibition des conditions de détention indignes

Le détenu peut-il demander à changer de cellule ou d’établissement pénitentiaire ? le juge doit-il remettre une personne détenue en liberté sur le fondement de l’indignité de ses conditions de détention ?

CEDH, 30 janvier 2020, JMP et autres contre France :
Les autorités doivent mettre en œuvre un recours effectif pour permettre de redresser la situation des détenus soumis à des conditions indignes de détention.

Crim., 8 juillet 2020 :
Revirement de jurisprudence : la Cour de cassation considère que le juge a l’obligation de garantir un recours effectif à la personne placée dans des conditions de détention indignes.

La loi du 8 avril 2021 tend à garantir le droit au respect de la dignité en détention en donnant compétence au juge judiciaire pour prendre des mesures concernant ses conditions de détention.
« prendre une mesure » : transfèrement de la personne dans un autre établissement pénitentiaire ou fin immédiate de la détention provisoire.

C’est à l’individu qui invoque des conditions de détention indignes de fournir une description suffisamment précise de ses conditions personnelles de détention allant dans le sens d’une indignité → constitue un commencement de preuve du caractère indigne des conditions de détention.
On diligente ensuite une enquête.
Exemple : le fait de faire référence à l’insalubrité d’une maison d’arrêt dans son ensemble n’est pas considéré comme suffisamment précis et détaillé.

Cependant, ce recours peut se retourner contre la personne, qui pourrait par exemple être transférée dans un établissement pénitentiaire très loin de sa famille ou de ses enfants.

III – Autres principes

L’indépendance et l’impartialité de l’autorité judiciaire

L’indépendance s’apprécie par rapport à d’autres acteurs et à d’autres pouvoirs ; elle se lit comme une absence de soumission d’une autorité à d’autres autorités.

L’impartialité, c’est l’absence de parti pris ; c’est la neutralité, l’absence de préjugé, l’absence d’idée préconçue…
L’impartialité ne s’apprécie pas par rapport aux autres pouvoirs ou aux autres autorités, mais par rapport aux parties.

Exemple : le ministère public est chargé d’exercer l’action publique, mais également de surveiller le bon déroulement d’une garde à vue en vérifiant que les droits de la personne gardée à vue sont respectés, notamment la dignité.
Il est donc censé être garant des droits des suspects pendant la garde à vue, et ensuite il doit prendre une décision de savoir s’il exerce des poursuites contre cette personne.
→ Contradiction : est-ce qu’il est neutre dans chacune de ces 2 fonctions à la lumière de l’autre fonction ?

L’impartialité renvoie à l’image de la justice : la statue de la déesse grecque Thémis qui tient une balance dans sa main gauche et un glaive dans la main droite.
Le glaive dans la main droite est synonyme de la force / de l’autorité / de la puissance ; la balance évoque le fait qu’on pèse les arguments des parties pour rendre justice.
Elle a un bandeau sur les yeux : elle ne doit pencher en faveur d’aucune des parties.
Cela ne veut pas dire qu’on rend la justice aveuglément, puisqu’on tient compte des personnes pour ne pas avoir une application froide et mécanique des lois.

« Il est facile d’appliquer la loi, il est beaucoup plus difficile de rendre la justice » : cela est particulièrement important en procédure pénale.

Le contradictoire et l’égalité des armes

Le contradictoire est la capacité à pouvoir connaître et pouvoir discuter et débattre.

Connaître, c’est être informé des reproches que l’on me fait en tant qu’accusé et pouvoir avoir connaissance des éléments de preuve qui sont produits par la partie adverse.
La CEDH parle de « pouvoir prendre connaissance de toute pièce et observation présentée au juge ».

C’est notamment avoir accès à la procédure et à l’argumentation des autres parties, aux conclusions du rapporteur général…

Encore faut-il pouvoir comprendre les documents…
Les rapports d’expertise concernant les preuves génétiques peuvent être extrêmement techniques.

Le juge a notamment l’obligation de soumettre à la discussion des parties les éléments de preuve.

L’égalité des armes signifie que toute partie doit avoir la possibilité d’exposer sa cause au tribunal dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage.

→ Droit pour les parties de présenter leurs conclusions dans des conditions équivalentes.

Il faut noter la coloration guerrière de l’expression, qui renvoie directement à l’ancien droit et à l’égalité entre des adversaires qui combattent.

Les droits de la défense

Les droits de la défense ont une valeur constitutionnelle en tant que catégorie.
En effet, ce sont des PFRLR depuis une décision du Conseil constitutionnel du 2 décembre 1976.

Mais il est très difficile de faire une liste exhaustive des droits de la défense, car c’est une catégorie dynamique (ils sont susceptibles d’évoluer).

Il y a notamment :
> le droit à l’assistance d’un défendeur de son choix ;
> le droit à se faire se faire assister d’un interprète ;
> le droit à être présent au procès ;
> le droit de garder le silence.

Il y en a à l’article 6-3 de la Convention EDH, à l’article 14-3 du PIDCP ; d’autres sont issus de la jurisprudence.
→ Il n’est pas facile de tracer le périmètre de cette catégorie ouverte.

Les droits de la défense sont reconnus à la personne accusée, mais aussi à la personne détenue.
On parle aussi de “droits de la défense” à propos de la victime.

Section 3 : Les acteurs principaux de la procédure pénale

Cliquer ici pour revenir au sommaire de ce cours complet de procédure pénale (L2).

Il est ici question des acteurs et des organes de la procédure pénale.
Il ne s’agit pas d’étudier les parties au procès pénal, mais les personnes qui assurent le fonctionnement du procès pénal = les personnes qui sont légalement investies des fonctions d’enquête, de poursuite et de jugement.

Ce cours n’étudiera pas les organes policiers (tout est dans le Code de procédure pénale).

La notion de police est polysémique.
Aujourd’hui, en droit pénal, la police est l’ensemble des organes et des institutions de la force publique qui sont chargés de prévenir les atteintes à l’ordre public, d’empêcher que des infractions soient commises, de constater ces infractions lorsqu’elles sont commises, et d’en rechercher leurs auteurs.

Il convient de faire une distinction entre police administrative et judiciaire.
La police administrative est une police d’ordre, qui se concentre sur la prévention des infractions. Par sa présence, voire ses injonctions et actions, elle est censée faire respecter les normes pénales.

La police judiciaire est une police d’investigation, qui intervient lorsque l’ordre public a été troublé. Son objectif est de rechercher les auteurs, rassembler les preuves… en bref : tout mettre en œuvre pour que des poursuites puissent être engagées si besoin.

La police administrative relève du droit administratif et de la compétence des juridictions administratives.

Malgré cette distinction, une partie du personnel est commun.
De plus, parfois on ne change pas d’uniforme, on change simplement de cadre d’intervention. Certains actes, tels que les contrôles d’identité peuvent servir les 2 finalités.

I – Les organes de poursuite : le ministère public

La mission essentielle du ministère public figure à l’article 31 du Code de procédure pénale :

“Le ministère public exerce l’action publique et requiert l’application de la loi, dans le respect du principe d’impartialité auquel il est tenu.”

Le ministère public dirige l’enquête de la police judiciaire avant de rendre une décision sur les poursuites.
Il représente la société au cours du procès.
Il est censé assurer l’exécution des condamnations prononcées.
Il sert d’interlocuteur / d’interface entre les institutions : il est en relation constante avec les administrations de l’État, avec les élus locaux.
Il apporte un point de vue judiciaire, technique… sur des questions d’intérêt général.
Il s’enquiert des politiques publiques de prévention de la délinquance, en partenariat avec les villes.
C’est lui qui s’adresse aux médias, par le biais de conférences de presse / de communiqués / de déclarations.

La naissance du ministère public remonte au 14ème siècle.
Au départ, il avait pour mission de défendre les intérêts du roi devant les juridictions ; il devient ensuite permanent et est chargé de défendre les intérêts généraux de l’État (dont le roi est l’incarnation).
→ Le ministère public est historiquement lié à l’exécutif.

A – L’organisation du ministère public

L’article 32 du Code de procédure pénale prévoit que le ministère public est représenté auprès de chaque juridiction répressive.

Pour les juridictions de droit commun :

Tribunal de police Procureur de la République ou commissaire de police
Tribunal correctionnel Procureur de la République ou ses substituts
Cour d’appel Procureur général + avocats généraux + substitut général
Cour de cassation 1 procureur général + 2 premiers avocats généraux + plusieurs autres avocats généraux

Pour les juridictions du 2nd degré, la Cour de cassation et la cour d’assises, le parquet est dit “général”.

B – Les attributions du ministère public

1) Pendant l’enquête

L’article 41 du Code de procédure pénale prévoit que le procureur de la République procède (ou fait procéder) à tous les actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions pénales.
Ma plupart du temps, il les fait effectuer par des OPJ.

L’article 39-3 énonce que le procureur peut adresser des instructions aux enquêteurs.
Il contrôle :
> la légalité des moyens mis en œuvre par ceux-ci ;
> la proportionnalité des actes d’investigation ;
> l’orientation donnée à l’enquête et la qualité de cette enquête.
→ Il dirige l’enquête.

Il est aussi précisé que le procureur veille :

  • À ce que les investigations tendant à la manifestation de la vérité ;
  • À ce que l’enquête soit accomplie à charge et à décharge.
    À charge et à décharge : le but de l’enquête, c’est de récolter autant des éléments de preuve qui peuvent établir la participation de tel ou tel suspect aux faits sur lesquels on enquête, mais également les éléments de preuve qui pourraient exclure la participation de tel ou tel suspect aux faits sur lesquels on enquête.
    Tout ça dans le respect des droits de la victime, du plaignant et du suspect !

Le procureur de la République est aussi en charge du contrôle des mesures de garde à vue (article 41 al 3 du Code de procédure pénale).
Il visite les locaux de garde à vue et il adresse des rapports à ses supérieurs sur les mesures de garde à vue et l’état des locaux de garde à vue.
Ces rapports sont transmis au garde des Sceaux.

2) Au stade des poursuites

En vertu de l’article 40-1 du CPP, le ministère public a 3 possibilités :

  1. Ne pas poursuivre ;
  1. Poursuivre, ce qui signifie qu’il va y avoir une procédure pénale stricto sensu ;
  1. Recourir à une mesure alternative aux poursuites.

Quand il ne poursuit pas, l’action publique n’est pas déclenchée → il ne se passe rien du tout.
On appelle ça un classement sans suite.

Si le ministère engage des poursuites, il engage l’action publique.

Il existe une 3ème possibilité : l’action publique n’est pas déclenchée, il n’y pas de poursuites, mais il y a tout de même une réaction de la société.
Exemple : médiation pénale entre la victime et l’auteur de l’infraction.

Cette liberté de choix est appelée l’opportunité des poursuites.
C’est en vertu de l’opportunité des poursuites que le ministère public peut classer sans suite, déclencher les poursuites, ou choisir une alternative.

⚠️
Attention à ne pas confondre les poursuites avec les alternatives aux poursuites !
Certaines poursuites sont des poursuites accélérées ou simplifiées.
Exemple : la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC).

3) Devant les juridictions de jugement

Le procureur de la République incarne et soutient l’accusation tout au long des débats.
Il présente des réquisitions au nom de la société française en indiquant si l’infraction est constituée selon lui + en proposant une peine qui est adaptée aux circonstances de l’infraction et à la personnalité de l’accusé.

Le juge n’est pas obligé de suivre ces réquisitions.

Il peut ne rien requérir s’il estime que l’infraction n’est pas constituée ou que l’accusé n’est pas coupable.

En cas de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), il a un rôle différent : le procureur de la République propose une peine à la personne, qui peut accepter ou refuser, de préférence avec l’accord de son avocat.
Si la peine est refusée, on retourne dans le circuit normal.
Si la peine est acceptée, un accord est passé et le juge du siège homologue ou refuser d’homologuer cet accord passé entre le ministère public et le prévenu. Il n’a pas le pouvoir de moduler les conditions de l’accord.

4) Au stade de l’exécution des décisions de justice

En vertu de l’article 32 du Code de procédure pénale, le ministère public assure l’exécution des décisions de justice.

💡 Les articles 708 et 709 disposent que l’exécution a lieu lorsque la décision est définitive et que le ministère public, en la personne du procureur de la République, peut requérir la force publique pour assurer cette exécution.

Est-ce que l’exécution des peines fonctionne bien ?
Non, pas vraiment.
Le taux de peines non effectuées est assez important.
Les juridictions pénales peuvent aussi donner des amendes, mais le nombre d’amendes non recouvertes est très important.

Chiffres qui datent des années 2010 : il y avait alors 127 000 peines de prisons fermes non exécutées, dont 30 000 parce qu’on recherchait l’auteur de l’infraction, 20 000 parce que la peine n’avait pas été signifiée au condamné qui ne s’est pas présenté au procès, et 82 000 parce qu’il n’y avait pas de place en prison.

II – Les organes de justice : les juridictions répressives

A – La phase de mise en état

La phase de mise en état a pour but de mettre les affaires pénales en état d’être jugées.
Ça peut être une double phase :
> la phase policière = l’enquête ;
> la phase judiciaire (n’intervient pas nécessairement) = l’instruction (aussi appelée l’information).

Dans tous les cas, le juge des libertés et de la détention (JLD) intervient au stade de l’enquête et de l’instruction.
Le juge d’instruction n’intervient lui que pendant l’instruction.

Dans les juridictions du second degré, on appelle ça la chambre de l’instruction (auparavant “chambre d’accusation”).

1) Les juridictions du premier degré

a) Le juge d’instruction

L’instruction, en matière pénale, est une clarification préalable au jugement car nécessaire au jugement.

Un auteur souligne qu’on parle “d’instruire un dossier” comme si on renseignait une collection d’écrits / de procès-verbaux qui racontent une histoire.
D’ailleurs, un synonyme de l’instruction est l’information judiciaire.

Le juge d’instruction recueille des informations → il instruit un dossier qui renseignera les personnes qui auront à le juger.

Il a un double visage : c’est un enquêteur + c’est un juge.
C’est un enquêteur, parce que c’est lui qui dirige le travail de la police judiciaire.
L’article 81 du Code de procédure pénale rappelle que le juge d’instruction procède conformément à la loi à tous les actes d’information qu’il juge utiles à la manifestation de la vérité. Il précise qu’il instruit à charge et à décharge.

Il est un enquêteur, mais il est aussi un juge → il doit être impartial et désintéressé (juger, c’est mettre à distance).

Les 2 sont-ils compatibles ? Peut-on « oublier son travail d’enquête pour assurer sa mission de juger » ?

L’article 50 du Code de procédure pénale illustre 2 problématiques :

  1. Juge unique ou collégialité ? (un seul juge d’instruction ou plusieurs sur une même affaire ?)
    Depuis ~15 ans, on a voulu favoriser le travail en équipe, en particulier dans des affaires graves et complexes ; mais problème : on manque de juges d’instruction.
  1. Spécialisation de certains juges d’instruction ?
    On parle de pôles d’instruction ; ex : pôle économique et financier ; ex : pôle “crimes contre l’humanité”.

b) Le juge des libertés et de la détention (JLD)

C’est un juge relativement récent : il a été créé par la loi du 15 juin 2000.
Il est doté d’attributions au stade de l’enquête + au stade de l’instruction.

Au stade de l’enquête policière, en temps réel, c’est le seul magistrat du siège qui intervient.

Il est là pour s’assurer que les droits et libertés du suspect sont respectés.
Son autorisation est nécessaire pour certains actes d’enquête.

Par exemple, la garde à vue : c’est le procureur de la République qui s’occupe de l’autorisation (magistrat du parquet), mais s’il veut la prolonger au-delà de 48 heures, il a besoin de l’accord du juge des libertés et de la détention.

Au cours de l’instruction, il est chargé de la plupart des questions relatives à la détention provisoire.
En effet, c’est un sujet sensible en raison de la présomption d’innocence.

Originellement, le juge des libertés et de la détention était une prorogation de fonctions : un magistrat du siège qui avait d’autres fonctions (président, vice-président…) était désigné pour, à certains moments, exercer des fonctions de juge des libertés et de la détention.
Ce n’était pas une très bonne idée, parce que ces nouvelles attributions ont été créées à personnel constant.
Depuis le 1er septembre 2017, c’est une fonction spécialisée statutaire (= nommé spécifiquement par décret après avis conforme du CSM).

2) La juridiction du second degré : la chambre de l’instruction

L’article 191 du Code de procédure pénale prévoit que chaque cour d’appel comprend au moins 1 chambre de l’instruction.
C’est une chambre, il y a donc collégialité : 1 président de chambre, exclusivement attaché à ce service + 2 conseillers.

La chambre de l’instruction est compétente pour les requêtes en nullité d’actes ou de pièces de la procédure d’instruction.

B – La phase de jugement

1) Les juridictions du premier degré

a) Le tribunal de police

Le tribunal de police est compétent pour toutes les contraventions.
Il statue à juge unique.


b) Le tribunal correctionnel

Le tribunal correctionnel est compétent pour connaître des délits et des contraventions connexes.
Normalement, il est collégial (1 président + 2 juges), mais pour un grand nombre d’infractions il siège à juge unique.


c) La cour d’assises et la cour criminelle départementale

La cour d’assises est compétente pour juger les crimes passibles de + de 20 ans de réclusion criminelle.
C’est une juridiction départementale qui comprend à la fois des magistrats professionnels et des jurys.

Elle comporte 3 magistrats professionnels.
Les jurés, qui sont tirés au sort parmi les citoyens, constituent le jury : 6 en 1ère instance, 9 en appel.

La cour d’assises ne siège pas de manière permanente, mais par sessions. Une personne tirée au sort comme juré aura donc à connaître de plusieurs crimes.
Avant la réforme, il y avait 9 jurés en 1ère instance et 12 en appel.

Parfois, on souhaite protéger les citoyens, ou alors on se méfie de leur jugement : il y a des cours d’assises spéciales, notamment en matière terroriste, qui sont exclusivement composées de magistrats professionnels (1 président + 6 assesseurs).

À côté, il y a des cours criminelles départementales (au départ appelées « tribunaux criminels départementaux ») qui ont été mises en place en 2019 pour les crimes passibles de 15 à 20 ans de réclusion criminelle.
Il n’y a pas de jury populaire.

C’était une expérimentation qui devait durer 3 ans, avec des départements pilote.
Objectif : accélérer le jugement des affaires criminelles + éviter la correctionnalisation.

💡
La correctionnalisation désigne une tendance qui consister à maquiller les faits d’une infraction qui, juridiquement, devrait être qualifiée de crime (oublier des circonstances aggravantes, appréhender les faits d’une manière différente…) pour ne retenir qu’un délit afin d’éviter l’aléa judiciaire présumé lié à la présence d’un jury.

Finalement, ces tribunaux sont devenus les cours criminelles départementales et ont été généralisés par la loi du 22 septembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire.

Elles sont constituées de 5 magistrats, avec 1 président et 4 assesseurs.
Le président doit être soit un président d’assises, soit une personne spécialement formée.

Bilan après 2 ans :
Le contentieux de ces cours criminelles départementales concerne principalement les crimes sexuels.
Il y aurait un climat moins pesant que devant la cour d’assises, avec un bon respect de l’oralité et du contradictoire, des débats qui sont davantage centrés sur les aspects techniques et juridiques, moins d’aléas judiciaires, mais des inquiétudes quand au facteur temps.
Mais cela n’a pas produit d’effet sur la correctionnalisation.

3) Les juridictions du second degré

a) La chambre des appels correctionnels

La chambre des appels correctionnels est la formation pénale de la cour d’appel.
Elle connaît des appels formés contre les décisions du tribunal de police et du tribunal correctionnel.

En principe, elle siège en formation collégiale avec 3 magistrats.
Là encore, il existe des possibilités de statuer à juge unique en matière pénale.
Il est donc possible d’être jugé en 1ère et en 2ème instance par 1 juge unique.


b) La cour d’assises d’appel

La cour d’assises d’appel est relativement nouvelle.
Elle signifie la possibilité d’un appel en matière criminelle, ce qui n’existait pas avant la loi du 15 juin 2000 (jusqu’alors, on considérait que c’était la voix du peuple et que ce jugement était sans appel).

Cette loi a introduit la possibilité de faire appel des arrêts de condamnation.
La loi du 4 mars 2002 a ouvert ensuite la possibilité, pour le ministère public, de faire appel d’un arrêt d’acquittement.

Le schéma est original, avec un appel appelé circulaire : la cour d’assises qui intervient en appel est une autre cour d’assises, désignée par la chambre criminelle de la Cour de cassation.

Elle rejuge entièrement l’affaire et ne porte aucune appréciation sur la 1ère décision.
Elle est composée de 3 magistrats professionnels et 9 jurés (pour la cour d’assises spécialisée : 8 assesseurs au lieu de 6 assesseurs).

Section 2 : La place des modèles français au regard de la procédure pénale

Cliquer ici pour revenir au sommaire de ce cours complet de procédure pénale (L2).

I – Les modèles traditionnels de référence

En général, quand on parle « modèles de référence », on peut avoir au moins 2 approches :

  • Un critère géographique ; par exemple, en opposant le système romano-germanique au système de common law ;
  • Une approche plus intéressante : conceptualiser les phénomènes procéduraux pour s’intéresser aux traits dominants / aux caractéristiques d’une procédure.

Suivant cette 2ème approche, on distingue le système accusatoire du système inquisitoire.
Il s’agit de 2 conceptions différentes de l’organisation de la justice répressive et de 2 conceptions différentes de la place réservée aux acteurs du procès (les parties / le juge / l’accusateur de la République).

La procédure accusatoire consiste en un affrontement entre les parties, qui jouent un rôle privilégié.
La
procédure inquisitoire est beaucoup plus autoritaire ; elle renvoie à une justice + institutionnelle, davantage marquée du sceau de la puissance étatique.

A – Le modèle accusatoire

1) Les traits essentiels (oralité, publicité, contradictoire)

La procédure accusatoire est publique, orale et contradictoire.
Elle est construite sur le modèle d’un affrontement entre 2 protagonistes (la personne qui accuse ≠ la personne qui se défend).

Le juge ne déclenche pas les poursuites et il n’y a pas d’officier public chargé de déclencher les poursuites.
Les poursuites pénales sont déclenchées par un accusateur privé.

Le juge tient le rôle d’un arbitre : il dirige les débats ; il veille au respect de la loyauté procédurale ; il doit départager la personne qui accuse et la personne qui se défend, en fonction de leurs prétentions et des éléments de preuve produits.

Le modèle accusatoire est historiquement apparu en 1er.
C’est un modèle qui est intimement lié à certaines formes d’organisation sociale.

Dans ce modèle, il n’y a pas de grande différence entre la justice pénale et la justice civile : dans les 2 cas, les procédures sont engagées par une action privée.
→ Apparaît assez éloigné d’aujourd’hui (ministère public).

Les victimes ont la possibilité de porter plainte, voire de déposer plainte avec constitution de partie civile.
Au 16e siècle encore, au moment de l’ordonnance de Villers-Cotterêts (1539), la dualité procédurale est purement formelle.
Il faut attendre une autre ordonnance de 1670 pour assister à la naissance d’un procès pénal distinct du procès civil, parce qu’on s’éloigne de l’accusatoire pour aller vers l’inquisitoire.

Dans ce modèle, la procédure est publique.
Idée : tous les membres de la communauté doivent pouvoir assister à l’œuvre de justice, pour plusieurs raisons :

  • Cela permet un contrôle de la justice par le peuple ;
  • Il y a un aspect spectaculaire ;
  • Cela confère au tribunal un caractère sanctuarisé, ce qui permet notamment de limiter la contestation des décisions adoptées.

La procédure est également orale.
La procédure orale est en harmonie avec les sociétés jeunes, où l’écrit n’est pas maîtrisé par beaucoup de personnes.
Les parties peuvent échanger leurs arguments, parler et se contredire sous le contrôle du juge arbitre.
Objectif : convaincre le juge ou le jury de la justesse de la cause que l’on défend.

C’est pour ça que l’on parle aussi de système adversorial (ce qui est un anglicisme…).
Le combat n’est pas une métaphore.

2) Les manifestations procédurales

a) Des juges non professionnels

Ici, la justice est peu technique. On a juste besoin de bons hommes justes de bon sens.

Le peuple contrôle la justice → les juges sont :
> soit tirés au sort parmi le peuple ;
> soit élus parmi le peuple.

Puisque le juge « vient d’en bas », il est une émanation de la communauté du peuple.
→ Jugement par les pairs.

Dans ce modèle, on juge selon sa raison et selon sa conscience.
Il y a 2 questions principales à résoudre :

  • L’accusé est-il coupable des faits qui lui sont reprochés ?
  • L’accusé est-il moralement responsable des faits ?

b) Un accusateur privé

Au début, ce sont les victimes directes de l’infraction ou du crime (ou leurs familles) qui se voient reconnaître la faculté d’accuser.
Puis on admet la possibilité pour les témoins du crime d’être des accusateurs ; puis, progressivement, tout citoyen / tout membre de la communauté.

En effet, on passe progressivement de l’idée que la victime est la personne lésée au système de l’accusation populaire pour donner plus d’efficacité à la justice pénale.

Mais il n’y a pas d’institution permanente et officielle chargée de l’accusation.
Plusieurs personnes se spécialisent dans l’accusation : ils font profession de représenter les particuliers dans leurs accusations, puis les seigneurs ou les rois.

On situe la naissance du ministère public vers le 13e siècle avec les procuratores, qui essaiment devant les juridictions et qui représentent les parties devant la justice.

Là encore, on change de logique : au milieu du 14e siècle, l’ordonnance de 1355 prévoit que ces agents laissent place au procureur du roi.


c) Les procédés de preuve (flagrance, serment juratoire, épreuves)

Les procédés de preuve ont évolué dans le temps.
Au départ, ce que l’on recherche, c’est la constatation des infractions flagrantes (vient de flagrere, qui signifie brûlant → ce qui est en train de se commettre ou vient juste de se commettre).

Il y a plusieurs modes de preuve : l’accusé peut avouer, mais s’il n’avoue pas, c’est à lui d’affirmer son innocence par un serment juratoire (= la parole jurée).
Il n’est donc pas présumé innocent.

💡
Le serment juratoire est une proclamation d’innocence.
Il s’oppose à l’aveu, par lequel une personne reconnaît sa culpabilité.

En général, pour garantir la vérité de son affirmation, on invoque une force supérieure.
On fait appel au jugement de la divinité avec 2 types d’épreuves :

  1. Les ordalies, qui sont une épreuve où ne figure qu’1 des parties (signifie « jugement de Dieu”) ;
    • Ordalie par le fer rouge ;
    • Ordalie par l’eau froide (aqua frigida).
      L’accusé (souvent une femme) est plongé dans de l’eau froide bénite (souvent une rivière).
      Si on coule, c’est bon signe : on est reçu par l’eau bénite ; en revanche, si on flotte, on n’est pas reçu → prouve la culpabilité.

      Cela existait aussi en Mésopotamie sous le nom de « jugement du fleuve ».
      Montesquieu soulignait à juste titre que les personnes qui y étaient soumises vivaient aux marges de la société ou étaient âgées, avaient donc un gabarit plutôt menu et tendaient donc à flotter…

  1. Les duels judiciaires.
    Les 2 parties s’opposent dans un duel à mort, qui allait toujours jusqu’à son terme.
    Ce combat mortel était très courant pour les affaires de crime.

    Là encore, le vainqueur de l’épreuve prouvait le bien-fondé de sa prétention par ce qui était perçu ou présenté par un jugement divin.

B – Le modèle inquisitoire

Le modèle inquisitoire tient son nom de « l’enquête » (inquisitio), qui était la formalité initiale qui dominait tout le déroulement ultérieur du procès et qui pesait sur sa solution.
C’est intéressant étymologiquement et intellectuellement, parce que globalement la méthode inquisitoire met l’accent sur la phase qui précède le jugement (= celle qui permet d’obtenir des informations sur les faits).

1) Les traits essentiels (écrit, secret, non contradictoire)

Denis Salas, spécialiste sur la question, a écrit pour résumer cette procédure inquisitoire :
« Elle se résume à une longue phase d’enquête préparatoire écrite et secrète, fondée sur la recherche de l’aveu dont le débat et le jugement, qui arrivent ensuite, ne sont que la réitération publique ».

  • La procédure est écrite : on garde mémoire de la procédure, qui se matérialise par des documents écrits.
  • L’enquête est menée unilatéralement : l’accusé est passif, il subit.
  • L’enquête est secrète : l’accusé n’est pas informé des charges qui pèsent contre lui.
  • L’enquête n’est pas contradictoire : le débat est complètement absent.

Un auteur écrit que « le duel loyal entre l’accusateur et celui qui se défend est remplacé par l’attaque pernicieuse du juge ».

On utilise un moyen d’instruction plus atroce que les ordalies, mais que l’on trouve + logique : la torture.
Idée : on arrache la vérité au corps de la personne.

Denis Salas explique que le procès devient, pour l’accusé, une machine qui peut parfaitement fonctionner sans lui.
Le juge a un rôle très actif : il dirige l’enquête pour faire éclater la vérité.
→ Ce n’est plus un juge arbitre, c’est un juge enquêteur.

2) Les manifestations procédurales

a) Des juges professionnels

La procédure est beaucoup plus technique, ce qui suppose une formation du juge, notamment dans la recherche des preuves.
Le pouvoir du juge tend à se spécialiser.

Le juge arbitre était un juge issu du bas de la communauté.
Ici, on a un juge délégué par le pouvoir, qui vient « d’en haut ».
Le juge était issu de la communauté ; il devient un représentant du chef.

Ce juge professionnel est un officier de justice, qu’on choisit parmi les hommes qui ont étudié les lois (les legisti).
C’est un officier de justice, mais c’est aussi un fonctionnaire permanent.

Au début, les juges sont itinérants, puis ils se fixent progressivement dans des lieux qui deviennent des sièges de justice.
C’est ce qui permet le développement des sciences pénales et de la jurisprudence.


b) Une absence de séparation des fonctions

Il n’y a pas besoin d’accusateurs privés, puisque le juge de jugement peut s’auto-saisir (il peut agir ex officio) s’il a connaissance de faits infractionnels.
Il n’a pas besoin de passer par une autorité de poursuite.


2 institutions destinées à limiter le pouvoir du juge trouvent leur origine dans la procédure inquisitoire :

  1. La faculté d’interjeter appel ;
  1. Le système de preuves « légales ».

c) Une procédure d’appel

L’appel est le droit de porter à nouveau sa cause devant un juge supérieur au 1er juge.
Il est institué avec des jurys et des juges issus de la communauté.

Par ailleurs, l’appel suppose des tribunaux hiérarchisés.


d) Un système de preuves légales

La procédure inquisitoire conduit à organiser un système de preuves “légales”.

Avec la procédure accusatoire, le tribunal statue d’après son intime conviction.
Avec la procédure inquisitoire, on a une liste de preuves organisées et tarifées → chaque preuve a une valeur spécifique.

Pour condamner, il fallait réunir certaines preuves à l’avance ; mais si ces preuves étaient effectivement réunies, on devait nécessairement condamner.

→ La décision est déterminée par un système extérieur à la raison du juge.

L’accusation doit renverser la présomption d’innocence et faire la preuve de la culpabilité de l’accusé.
L’élément de preuve qui a le plus de valeur (”la reine des preuves”) est l’aveu.
Problème : quand l’aveu a la + haute valeur, cela mène à la torture.

Conclusion

Observations d’ordre méthodologique

Ces modèles sont très circonscrits géographiquement : ils sont échafaudés à partir des pays occidentaux (États-Unis, France, Allemagne, Italie).
Par ailleurs, ce sont des pays occidentaux relativement prospères..

Il faut garder à l’esprit que ce ne sont que des modèles.
Max Weber parlait « d’idéaux types » → ce sont des conceptions abstraites.
Tout système présente des traits plus ou moins empruntés à l’un et l’autre modèle ; il est fréquent que les 2 modèles coexistent.
Exemple : les États-Unis présentent une dominante accusatoire, mais limitée avec le plea bargaining et des influences inquisitoires.

Observations comparatives sur les 2 modèles

Aucun de ces 2 modèles n’est entièrement satisfaisant sur le plan de la justice criminelle.
L’idéal, c’est d’emprunter à ces 2 modèles leurs aspects les plus intéressants, avec le souci d’un équilibre.

Dans la logique du système accusatoire, les règles sont établies pour contenir l’arbitraire du juge, ce qui est une bonne chose. Ce qui est considéré comme juste, c’est ce qui a été débattu contradictoirement devant lui et tranché par lui.

René Garrot, un criminaliste 20ème siècle, affirmait que « la poursuite et la recherche des délits était complètement abandonnée à l’initiative des particuliers, initiative qui peut sommeiller par inertie, par crainte ou par corruption » → le système accusatoire présente des risques d’impunité.
« Le juge est limité par les preuves qui sont limitées par les parties » (= par l’accusation).

À l’opposé, le modèle inquisitoire recherche l’efficacité : il fait intervenir un tiers aux parties, qui est censé être doté des moyens pour faire triompher le juste.
« On confie la recherche et la poursuite aux agents du pouvoir », dans une atmosphère de secret et donc de suspicion → absence de contradiction.

D’un côté, on a un modèle qui fait prévaloir les droits des parties, en prenant le risque de se contenter d’une recherche imparfaite des preuves : le modèle accusatoire.
De l’autre, on a un modèle qui privilégie l’efficacité au détriment des droits des parties et en prenant le risque de l’arbitraire : le modèle inquisitoire.

II – L’évolution du système français

A – Une alternance historique entre les 2 modèles (Moyen-Âge → 1808)

La procédure accusatoire est utilisée en Grèce antique, dans la Rome primitive, dans la Gaule du bas empire… et pendant le haut Moyen-Âge.

À l’époque féodale, la procédure est également accusatoire devant les juridictions seigneuriales, mais les juridictions ecclésiastiques suivaient une procédure largement inquisitoire.
Le juge pouvait s’auto-saisir, il enquêtait, il rendait des sentences susceptibles de recours, il collectait des documents écrits.
Ce système s’est répandu et, à partir du 13ème siècle, la procédure criminelle française s’oriente vers un système inquisitoire.

Cette évolution est consacrée avec éclat par l’ordonnance de 1370, qui met en place un système inquisitoire dur : instruction préparatoire obligatoire, instruction définitive en cas de complément d’enquête, instruction écrite avec audience de jugement non publique où les témoins ne sont pas auditionnés…
Le mis en cause a tout de même la possibilité d’exercer des actions en nullité et dispose de certains droits.

Sous la Révolution française, les constituants souhaitent rompre les abus constitués par la procédure inquisitoire. Ils recourent donc à la procédure accusatoire.

Louis 16 avait conscience de cela. Il avait donc opéré des réformes pour corriger les excès, notamment avec l’ordonnance du 24 août 1780 et la déclaration du 15 février 1788.
Il avait aboli les 2 questions :

  1. La question préparatoire, qui était employée au cours de l’instruction dans le but de déclencher des aveux ;
  1. La question préalable, qui était exercée sur une personne dont la culpabilité était reconnue, pour la pousser à dénoncer ses complices si on suspectait qu’il y en avait.

La loi du 10 octobre 1789 rétablit la publicité des audiences et prévoit l’existence d’un conseil avocat dès le début de la procédure.
La loi des 16 et 29 septembre 1791 introduit le jury pour le jugement des crimes les plus graves.

On introduit une distance entre le sujet de chair physique et le sujet de droit, on lui reconnaissant une personnalité juridique et en lui donnant la possibilité de faire entendre sa voix.

En parlant de la période révolutionnaire, Denis Salas souligne que « la commission d’un crime n’empêche pas de reconnaître au criminel une personnalité qui maintient sa place dans le pacte social ».
« En principe, le procès s’entend désormais comme un récit à plusieurs voix ».

Le Code des délits et des peines est publié en brumaire de l’an 4.
C’est un code de procédure pénale à dominante accusatoire, avec des poursuites à l’initiative des particuliers.
Sous le Directoire, c’est pareil : la procédure est essentiellement accusatoire ; mais, avec des lois de pluviôse de l’an 9, on réinjecte un peu d’inquisitoire.

B – Le système mixte prévu par le Code d’instruction criminelle (1808 → 1990)

Le Code d’instruction criminelle de 1811 fait le choix du panachage.
Pendant toute la phase qui précède l’audience de jugement, la procédure est essentiellement inquisitoire ; elle est écrite et non contradictoire.
La procédure devient accusatoire concernant la procédure applicable à l’audience en elle-même.
→ Fracture du procès en 2 phases.

Les actes d’investigation pourraient se faire sans qu’une possibilité de contestation suffisante soit donnée au suspect et à son avocat.

Une procédure équilibrée est une procédure pénale qui ménage, à chaque temps de la procédure + à chaque acte d’enquête, la possibilité pour la défense d’être informée + de pouvoir consulter les pièces de la procédure (procès-verbaux, contenu du dossier…) pour pouvoir surveiller en temps réel la manière dont les actes d’enquête sont accomplis.
On le verra par rapport aux évolutions récentes en matière de garde à vue.

La mise en route de l’action publique n’est pas l’apanage du parquet ; cette faculté est également donnée à la victime considérée partie civile.

Manifestant une tendance autoritaire, le Second Empire va concentrer des pouvoirs d’enquête et des pouvoirs juridictionnels en la personne du juge d’instruction (1856).
Une loi de 1863 accroît les pouvoirs du procureur de la République en matière d’infractions flagrantes.

Ensuite, sous la 3ème République, l’accusé a la possibilité d’accéder au dossier + la possibilité d’être assisté d’un avocat lors de la 1ère comparution devant le juge d’instruction.

Le Code de procédure pénale de 1858 s’inscrit également dans cet esprit de transaction.
Il y a une continuité certaine entre Code de procédure criminelle et le Code de procédure pénale : l’instruction préparatoire reste secrète, mais, au 2e degré de l’instruction (au niveau de ce qu’on appelait à l’époque la chambre d’accusation, aujourd’hui la chambre d’instruction), on suit déjà une procédure d’instruction contradictoire.

Sous le prétexte d’une protection de la société et de l’ordre public, on écarte la défense pendant la phase policière.
C’est ce choix d’écarter la défense pendant toute la phase policière qui sera être remis en cause à partir de 1958 sous l’influence du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l’homme.

Sous ce système mixte, les juges du siège n’ont pas l’initiative du procès → il ne peuvent pas se saisir d’office, il faut une accusation.
On confie cette accusation à des fonctionnaires spéciaux, membres du ministère public.

Le jugement est confié à des magistrats (juges professionnels) et à des jurés (juges non professionnels).

On ne demande plus au juge de justifier des moyens par lesquels il se sont convaincus.
Autrement dit, il y a des règles qui encadrent la question de la preuve, mais la force probante de ces règles n’est plus prédéterminée.
Les tribunaux statuent et rendent leurs décisions d’après leur intime conviction.

Un auteur a souligné que l’intime conviction est « l’exercice public de la raison ». Le doute a désormais toute sa place.

On s’est ensuite acheminé vers le modèle du procès équitable :

C – Vers l’idéal du procès équitable (1990 →)

1) Les facteurs de l’acheminement vers cet idéal

a) Le rôle directeur du Conseil constitutionnel

Le rôle directeur du Conseil constitutionnel s’est principalement appuyé sur le bloc de constitutionnalité.

Le Conseil a affirmé la valeur constitutionnelle de plusieurs droits et principes qui concernent les procédures répressives.

Exemple : Conseil constitutionnel, 19 et 20 janvier 1981, Sécurité et liberté :

  • Valeur constitutionnelle des droits de la défense ;
  • Droit à la présomption d’innocence ;
  • Rôle primordial de l’avocat dans l’assistance des parties ;
  • Caractère essentiel du double degré de juridiction.

Exemple : Conseil constitutionnel, 3 août 1993 :
Exigences en matière de garde à vue et de détention provisoire.

Exemple : Conseil constitutionnel, 2 février 1995 :
Nécessité d’un procès juste et équitable.
Rôle essentiel de l’autorité judiciaire dans la protection des libertés individuelles.


b) Le rôle unificateur de la CEDH

Ce sont les articles 5 et 6 de la Convention EDH qui sont les plus intéressants pour la procédure pénale :
> l’article 5 est relatif au droit à la sûreté (= liberté d’aller et venir) ;
> l’article 6 est relatif au
procès équitable.

Les dispositions de l’article 6 sur le procès équitable renvoient à l’idée d’équilibre.


c) La mise en conformité du droit français avec ces standards du procès équitable

La loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d’innocence et la garantie des victimes est très importante.
Elle a inséré dans notre Code de procédure pénale un article préliminaire, qui énonce des principes généraux applicables à la procédure pénale :
> contradictoire ;
> équité ;
> équilibre des droits des parties.
Elle fait avec une démarche inspirée autant par les décisions du Conseil constitutionnel que par la jurisprudence européenne.
Cet article préliminaire a été enrichi depuis.

D’autre part, cette loi a apporté des correctifs dans des domaines spécifiques.
Exemple : possibilité pour la personne gardée à vue d’être en contact avec son avocat dès le début de la garde à vue.

C’est un texte important quantitativement, mais aussi qualitativement par la couleur particulière qu’il a donné au Code de procédure pénale.

Les auteurs soulignent que le balancement ne se fait plus entre accusatoire et inquisitoire, mais entre sécurité et liberté.
→ Défense de la société ≠ défense des individus.

En France, on introduit dans les phases d’enquête policière et d’instruction des garanties du procès équitable, même s’il reste « des poches de résistance inquisitoire ».

Cette audience de jugement garde certains traits inquisitoires : l’audience est publique et contradictoire, mais il y a toujours une prépondérance des fonctions présidentielles (président de la chambre, de la cour…).

2) Les traits principaux du procès équitable

  1. Un tribunal indépendant (= libre) et impartial (= neutre) ;
  1. Une cause entendue équitablement et publiquement ;
  1. Une culpabilité légalement établie.

Section 1 : Les sources de la procédure pénale

Cliquer ici pour revenir au sommaire de ce cours complet de procédure pénale (L2).

I – Les sources nationales

A – La compétence prioritaire du législateur

La compétence du législateur est directement tirée de l’article 34 de la Constitution, qui souligne très clairement que la procédure pénale relève intégralement du domaine de la loi.
(intégralement puisqu’il le souligne expressément)

Le Conseil constitutionnel a précisé que, même en procédure pénale, le gouvernement conserve le pouvoir d’édicter les mesures d’application nécessaires à la mise en œuvre de la loi.

Cela peut avoir beaucoup d’importance.
Exemple avec la garde à vue, qui est une mesure privative de liberté et qui est parfois soumise à un enregistrement audiovisuel : la loi fixe les hypothèses et les conditions de ces enregistrements audiovisuels, mais c’est le pouvoir règlementaire qui se charge de préciser tout un certain nombre de détails.
L’article 64-1 du Code de procédure pénale prévoit que le pouvoir règlementaire se charge de préciser les conditions de stockage de l’enregistrement et de réguler la question des copies.
Le droit applicable à l’enregistrement est donc à l’intersection des dispositions législatives et règlementaires.

Parfois, c’est même encore + essentiel.
Par exemple, toujours en matière de garde à vue, on s’assure que la personne ne détient aucun objet dangereux pour elle-même ou pour autrui ou qui est interdit.
Une partie des mesures de sûreté sont fixées par un arrêté ministériel → là encore, on est du côté du pouvoir exécutif.

Le Code de procédure pénale s’en fait l’écho.
Il a été fabriqué en 1958 et entré en vigueur en 1959.
Il comporte une grosse partie législative, puis des normes qui émanent du pouvoir exécutif.
Ce Code de procédure pénale fait suite au Code d’instruction criminelle, qui datait de la période napoléonienne.

Toute la procédure pénale ne s’y trouve pas.
Par exemple, le Code de justice pénale des mineurs est un code spécifique, dans lequel toutes les règles applicables aux mineurs ont été réunies.

Parfois, il arrive que le pouvoir exécutif (notamment le ministre de la Justice, aussi appelé garde des Sceaux ou Chancellerie) émette des circulaires.
Elles sont très souvent liées à des droits qui viennent d’être adoptés et ont pour but d’exposer les dispositions de ces droits (souvent d’une manière très pédagogique / claire / détaillée).

En principe, ces circulaires sont simplement censées exposer les dispositions de la loi.
Mais parfois, il arrive à certaines de ces circulaires d’ajouter des choses aux prévisions du législateur.

Exemple : circulaire du 19 décembre 2014 concernant la loi du 27 mai 2014 portant sur l’audition libre (petite sœur de la garde à vue).
C’est une mesure qui vise à auditionner une personne sans privation de liberté.
Lors de cette audition libre, un certain nombre de droits sont donnés à la personne.

La circulaire a voulu étendre le champ d’application de certaines dispositions : « Bien que l’article 61-1 du CPP ne le précise pas expressément… ».

Normalement, ces circulaires ne s’imposent qu’aux magistrats du parquet (= les magistrats chargés de l’accusation = ministère public) et elles ne présentent pas de caractère obligatoire à l’égard des magistrats du siège.

Cependant, l’influence de ces circulaires est assez sensible sur les juges du fond.
On constate que la chambre criminelle de la Cour de cassation suit les circulaires quand elle a envie de les suivre et ne les suit pas lorsque ça ne correspond pas à la politique jurisprudentielle qu’elle veut suivre.

B – Les sources constitutionnelles

En droit pénal général, ni la Constitution ni les autres textes du bloc du constitutionnalité ne contiennent de texte incriminateur qui prévoirait des infractions ou des règles précises sur le contenu du droit pénal.

En procédure pénale, c’est différent : l’article 66 de la Constitution de 1958 énonce que :

“Nul ne peut être arbitrairement détenu.
L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi.”

Autre texte extrêmement important : la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 contient beaucoup de dispositions qui touchent soit directement soit indirectement à la procédure pénale.

Directement :

  • L’article 7 affirme que “Nul ne peut être accusé, arrêté ou détenu que dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu’elle a prescrites”.
    → Principe de légalité criminelle.
  • L’article 9 est la base de la présomption d’innocence.

Indirectement :

  • L’article 1er pose le principe d’égalité, notamment devant la justice pénale.
  • L’article 6 affirme que la loi doit être la même pour tous, “soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse”.
  • L’article 16 affirme que “toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée n’a point de Constitution”.

Ces normes constitutionnelles jouent un rôle fondamental auprès du Conseil constitutionnel, qui s’intéresse à la Constitution, mais aussi à la DDHC et aux PFRLR.

Le Conseil constitutionnel dispose de plusieurs solutions :

  • La déclaration de conformité ;
  • La déclaration d’inconstitutionnalité ;
    2 options :

    1. Effet immédiat ;
    1. Modulation dans le temps.
      → Permet d’éviter une déstabilisation.
  • La réserve d’interprétation (→ la loi est constitutionnelle sous réserve qu’elle soit interprétée de la manière indiquée par le Conseil constitutionnel).

Toutes ces différentes formes que peuvent prendre les décisions du Conseil constitutionnel sont d’une grande importance en procédure pénale.

De même, la QPC a une grande importance en procédure pénale, puisqu’elle entraîne des modifications importantes de l’ordre juridique.

  • Statistiques sur la QPC

    Source : QPC 2020 : Les statistiques du Conseil constitutionnel.

    Du 1er mars 2010 jusqu’en 2020, 249 décisions QPC ont été rendues, avec :
    > 129 décisions de conformité (51%) ;
    > 92 décisions de non conformité ;
    > 28 décisions avec des réserves d’interprétation.

    Ces décisions ont principalement été rendues en droit fiscal (22%) et en droit pénal (21%).

Remarque : le Conseil d’État et la Cour de cassation jouent un rôle de filtre en matière de QPC.
Il arrive à la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans ses visa, de viser expressément une norme constitutionnelle.
Cela n’est pas logique, puisqu’elle n’est pas juge de la constitutionnalité, mais ça ne l’empêche pas d’asseoir sa solution sur la norme constitutionnelle.

Parfois, elle fait aussi référence à des principes constitutionnels tels que dégagés dans des décisions du Conseil constitutionnel.
Exemple : un arrêt rendu par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation le 24 novembre 1989 vise l’article 66 de la Constitution.
Exemple : Crim., 30 mai 2018 :
À propos de la motivation des peines contraventionnelles : « en application des principes constitutionnels dégagés par le Conseil constitutionnel ».

→ Le juge judiciaire n’est pas juge de la constitutionnalité des lois, mais ça n’empêche pas des références et des dialogues.

II – Les sources internationales

Dans les sources internationales de la procédure pénale, on distingue 2 directions :

  1. D’un côté, il y a des instruments de coopération entre États.
    On parle d’entraide répressive internationale.
    Ils ont pour objectif d’améliorer l’efficacité du droit pénal. Si le droit pénal est un arme, ici on l’aiguise.
  1. De l’autre, il y a des instruments de protection des droits de l’homme ou des droits et libertés fondamentales.
    Ici, c’est l’inverse : l’aspect répressif du droit pénal est contenu, comme si l’épée du droit pénal venait buter sur une norme internationale.
    → Mise en place de standards de la justice répressive.

A – L’entraide répressive internationale : la coopération interétatique

Parfois, la procédure pénale bute sur des éléments d’extranéité, par exemple lorsque les participants à une infraction sont de nationalités différentes.
Dans un souci d’efficacité, les États optent pour une coopération.

Du côté du Conseil de l’Europe, il existe la convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959.

Le mandat d’arrêt européen a été institué par une décision-cadre du 13 juin 2002.
Cette règlementation a été transposée en France par la loi du 25 mars 2003.
Objectif : essayer de faciliter la remise des personnes suspectées ou recherchées d’un État membre à un autre.

La procédure normale est la procédure d’extradition, mais elle suppose une convention d’extradition entre l’État requérant et l’État requis.
Ça passe par la voie diplomatique et le ministre des Affaires étrangères ; c’est une procédure longue, conditionnée et incertaine.
Le mandat, quant à lui, n’est pas conditionné de la même façon : il passe d’autorité judiciaire à autorité judiciaire → plus rapide + bien moins incertain.

2 principes :

  1. Le principe de reconnaissance mutuelle ;
    Il est fondé sur :
  1. Le principe de confiance mutuelle.

Il y a une reconnaissance mutuelle des jugements adoptés par les autres pays, notamment en matière pénale.
Les pays de l’Union européenne acceptent de reconnaître, d’appliquer et d’exécuter mutuellement les jugements adoptés par les autres États.

La confiance mutuelle est fondée sur le fait que tous les États de l’UE partageraient un socle de valeurs communes.

Cependant, dans quelle mesure la répression est-elle harmonisée ?
Le principe est la proximité des législations, mais certains pays connaissent certaines formes de criminalité plus particulièrement prononcées.
Exemple : en Italie, la législation anti-mafieuse est très développée et se veut être particulièrement efficace.

💡
À retenir : les principes essentiels de la confiance mutuelle et de la reconnaissance des décisions de justice.

La décision d’enquête européenne est issue d’une directive du 3 avril 2014, qui a été rendue possible par le traité de Lisbonne (entré en vigueur le 1er décembre 2009).
Plusieurs États peuvent ainsi s’associer pour mener une enquête en commun (récolter des preuves + interpeller les suspects).
Objectif : efficacité renforcée.
C’est un instrument moderne et récent, qui a intégré des références aux droits fondamentaux.

B – Le respect des standards de justice : protection des droits et libertés fondamentaux

Dans un même texte, on peut avoir des aspects offensifs (qui renforcent l’efficacité du droit pénal) et des aspects « défensifs » (qui prévoient certaines garanties).

1) La Déclaration universelle des droits de l’homme

La Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH, 1948) n’a pas de force obligatoire : elle est l’expression d’idéaux à atteindre.
Ses articles 8 à 11 sont en lien avec la procédure pénale.
Elle n’est pas essentielle, mais elle a inspiré d’autres instruments de protection des droits de l’homme comme le Pacte international sur les droits civils et politiques :

2) Le PIDCP

Le Pacte international sur les droits civils et politiques (PIDCP, 1966) est directement applicable devant les tribunaux français.
Il crée le Comité des droits de l’homme, qui est un organe de contrôle à l’ONU qui rend des constatations.

3) La CESDH

La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CESDH, 1950) a été signée en 1950 et est entrée en vigueur en 1953.

Son article 6, long et dense, porte sur le nécessaire respect du droit à un procès équitable.

La CEDH rend des arrêts, mais les juridictions internes elles-mêmes doivent tenir compte du texte de la Convention, parce qu’elle est directement applicable devant les juridiction internes.
Les juridictions françaises doivent tenir compte du texte de la Convention, mais aussi de son interprétation par la CEDH.

Cour de cassation (Assemblée plénière), 4 avril 2011 :
Dans 4 arrêts rendus à propos de la garde à vue, la Cour de cassation énonce dans un attendu de principe : « les États adhérents à cette convention sont tenus de respecter les décisions de la CEDH sans attendre d’être attaqués devant elle ni d’avoir modifié leur législation« .
Elle insiste sur le fait qu’on peut avoir des normes internes qui sont inconventionnelles parce que contraires au texte ou à la jurisprudence.
Cela permet d’harmoniser les droits en matière de procédure pénale.

La loi du 15 juin 2000 sur la présomption d’innocence a créé une procédure de réexamen qui permet le réexamen d’une décision pénale définitive en France en cas de condamnation de la France par la CEDH.
Cette procédure est prévue par les articles 622-1 et suivants du Code de procédure pénale.
Le réexamen peut être demandé dans un délai d’1 an après la décision.

Par exemple, si la CEDH dit qu’il y a eu un non respect de la vie privée, on va pouvoir rouvrir la procédure, mais ça ne signifie pas que la personne sera déclarée non coupable.
On réexamine juste l’affaire en tenant compte des détails de l’argumentation de la Cour qui a conclu à une violation de la convention.

4) Le droit de l’Union européenne

Le traité de Lisbonne place les droits fondamentaux au sommet de la hiérarchie européenne.

L’article 82 paragraphe 2b du TFUE prévoit la possibilité d’établir des règles minimales par voie de directive.
Ces règles minimales peuvent concerner les droits des personnes dans la procédure pénale (exemples : droit à l’assistance d’un avocat, droit à l’interprétation et à la traduction…).

La CJUE rend parfois des arrêts qui intéressent la procédure pénale, lorsque celle-ci est affectée par le droit communautaire.
Exemple :
Les contrôles d’identité sont prévus par l’article 78-2 du Code de procédure pénale français.
Dans une décision du 22 juin 2010, la CJUE a regardé cette législation et en a conclu que cela n’allait pas, parce que ça revenait à établir un contrôle aux frontières.
L’alinéa critiqué a ensuite été réécrit par le législateur.
→ La CJUE touche indirectement au droit pénal français.

Par ailleurs, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne a force contraignante depuis le 1er décembre 2009.

Section 0 : Qu’est-ce que la procédure pénale ?

Cliquer ici pour revenir au sommaire de ce cours complet de procédure pénale (L2).

La procédure pénale est une branche du droit qui appartient au droit criminel.
Il s’agit de l’étude du procès pénal au sens large, c’est-à-dire l’étude de toute la chaîne pénale (constatation de l’infraction, recherche de leurs auteurs, exercice des poursuites…).
Autrement dit : les règles de droit pénal sont appliquées par différents acteurs suivant différentes règles → c’est ça la procédure pénale !

La procédure pénale est la partie la plus visible du droit pénal, parce que c’est celle qui lui permet de s’extérioriser (la procédure pénale permet d’appliquer le droit pénal de fond).

C’est une matière technique et exigeante, qui a une influence décisive sur le déroulement sur le procès pénal.

Le droit à la vie, le principe d’égalité devant la justice / de dignité / de présomption d’innocence, la vie privée… sont des références importantes qui nourrissent la procédure pénale et qui en constituent les piliers.

La procédure pénale est un lieu de tensions entre :

  • D’un côté, l’ordre public et la nécessité de prévenir les atteintes et de rétablir l’ordre public lorsqu’il est troublé ;
  • De l’autre côté, le respect fondamental des libertés individuelles.

C’est une matière changeante, voire instable, parce qu’on essaie constamment de trouver un meilleur équilibre entre l’ordre public et la protection des libertés fondamentales.
Son caractère changeant dépend aussi de l’évolution de la criminalité
: les modalités d’action des criminels lancent un défi aux acteurs de procédure pénale.

C’est une matière qui comporte de nombreuses règles dérogatoires.
Par exemple, il y a le droit commun et le droit dérogatoire en matière de crime organisé.

Ces dérogations tentent de rendre la procédure pénale plus efficace.
Par exemple, les délais en matière de garde à vue sont très stricts, mais il y a des régimes dérogatoires qui permettent de prolonger cette garde à vue au-delà de 48h.
Il y a même des régimes spéciaux qui sont dérogatoires au dérogatoire !

Il y a aussi des règles dérogatoires concernant certaines personnes, comme les mineurs.

Problème : si on fait une synthèse, on constate que la procédure pénale dérogatoire en matière de bande organisée et la procédure pénale dérogatoire applicable aux mineurs diffèrent tellement de la procédure pénale de droit commun que l’on peut se demander s’il y a une procédure pénale ? ou la procédure pénale ? ou des procédures pénales ?

La source fondamentale de la procédure pénale est la loi, mais le pouvoir règlementaire a un rôle moins marginal qu’on ne le pense.

En matière de procédure pénale, la matière se trouve dans le Code de procédure pénale, qui est d’une épaisseur non négligeable et qui a tendance à changer très fréquemment.
Exemples :

  • Loi du 23 mars 2019 de programmation et de réforme pour la justice ;
  • Loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire ;
  • Loi du 8 avril 2021 relative au droit au respect de la dignité en détention ;
    Cette loi importante et essentielle, parce qu’elle porte sur un objet très particulier.

En revanche, les 2 premières sont typiques de la législation en matière de procédure pénale : ce sont des textes incroyablement longs, qui touchent à beaucoup de choses, sans que les avocats, les magistrats, les enseignants-chercheurs ni le législateur n’en voient l’unité.

Le 16 janvier 2023, le ministère de la Justice a annoncé un certain nombre de chantiers dans le domaine de la procédure pénale, avec 2 directions :

  1. Une codification à droit constant ;
    Objectif : refondre le Code de procédure pénale tout en en modifiant certaines dispositions.
  1. Rendre possible les perquisitions de nuit, renforcer les droits des victimes et des témoins assistés, modifier le délai de présentation devant le tribunal correctionnel…
    Mais quel rapport entre ces dispositions ?