Sommaire : cours complet de procédure pénale (L2)

Ce cours complet de procédure pénale a été actualisé en 2023.

Partie introductive

Partie 1 : L’enquête de police

Partie 2 : Les poursuites

Sommaire : cours complet de Droit pénal général (L2)

Ce cours complet de Droit pénal général a été actualisé en 2023.

Cours 20 : La justification des faits

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Dans certaines hypothèses où un comportement présente tous les caractères requis par un texte d’incrimination, pour contester l’infraction, la loi permet aux magistrats d’écarter la qualification pénale si de tels faits sont justifiés. L’élément légal de l’infraction est ainsi neutralisé. On en déduit qu’aucun blâme social ne s’attache au comportement en question.

Alors même que l’infraction semble constituée, elle n’est pas toujours reconnue, le juge peut être empêcher de qualifier pénalement les faits. Car le droit pénal n’est pas fait tout entier de rigueur, il en conduit pas à une répression aveugle. Il admet que dans certaines circonstances, un individu puisse décider d’accomplir un acte pouvant relever d’une qualification pénale plutôt que de subir lui-même ou ses proches un acte aussi grave que celui qu’il va accomplir. Lorsque les faits sont justifiés, aucune peine ne peut être prononcé contre l’auteur, mais celui-ci n’est même pas déclaré coupable. L’existence de l’infraction est oubliée.

Les circonstances pouvant entraîner une telle justification des faits tendent à se multiplier. Le code pénal admet 4 causes générales de justifications (il en existe d’autres en droit pénal spécial). Ces dernières correspondent à des hypothèses où le comportement justifié équivaut à l’exécution d’une loi qui impose ou qui permet des actes de protection dans cette même circonstances précisé par la loi.

§1. Les actes dexécution

Un véritable conflit de loi apparait lorsqu’un comportement semble prescrit par un texte parfois même sous la menace de sanctions pénales tout en étant constitutif d’infraction en fonction d’un autre texte. L’acte d’exécution s’impose directement à l’agent ou par son supérieur hiérarchique?

A – L’autorisation directe de la loi

Une loi ne peut sans se contredire à la fois exiger obéissance et punir. L’article 122-4 alinéa 1 « N’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires ». Il n’y a pas infraction à accomplir un acte que la loi ou le règlement imposait ou permettait. La rédaction laisse à désirer.

1) Les textes justificatifs

Il résulte de cet article qu’un acte susceptible de constituer une infraction ne peut être justifié que si il a été pris en exécution d’une loi ou d’un règlement. Ils s’entendent au sens du droit français. Une loi ou un règlement étranger ne peut produire des effets justificatifs sur un comportement.
S’agissant de la loi, elle dispose d’une portée justificative générale. Elle peut justifier n’importe quel acte, peu importe qu’elle sot incriminée par une autre loi ou par un règlement.

Exemple : le commissaire au compte qui certifie les commîtes d’une entreprise est tenu par le secret professionnel, il ne doit rien divulguer. Violer ce secret est une infraction. Mais le commissaire au compte, qui, dans son exercice de vérification des comptes, découvre qu’il y a un abus de biens sociaux fait par le dirigeant de l’entreprise, est tenu d’en informer le procureur de la République. D’un côté, un texte lui impose de se taire, de l’autre lui impose de parler. La loi qui condamne le commissaire au compte de dénoncer un abus de biens sociaux s’impose. Elle justifie le comportement.

Un règlement ne peut neutraliser qu’une incrimination de nature règlementaire. Il n’y a jamais obligation à suivre un règlement illégal ➔ exception d’illégalité.
A priori toutes lois et tous règlements français propres à chaque texte peut produire un effet justificatif pas subordonné au texte qui autorise le comportement sanctionné par railleurs. Le juge répressif peut prendre en copte des textes extra pénaux pour justifier le comportement d’une infraction.

Peu importe que l’autorisation résultant du texte légal ou règlementaire soit expresse ou tacite. La justification sera d’autant plus facile que le texte prescrit expressément l’acte. Si l’acte est accompli pour respecter la disposition, il ne peut être reproché à son auteur.

2) L’objet du texte justificatif

Le texte justificatif peut avoir deux objets suivant qu’il commande ou permet un acte susceptible de constituer une infraction. Les conséquences sont les mêmes pour les deux. 

La justification des faits s’impose lorsque leur agissement a été imposé par un texte. Par exemple, un banquier à l’obligation de dénoncer une suspicion de blanchiment sur le compte d’un client. Il enfreint ainsi le secret professionnel mais est obligé de dénoncer. 

Mais que faire lorsque le texte n’impose pas mais permet ? L’article 73 du CPP permet à toute personne d’appréhender l’auteur d’un crime ou d’un délit fracturant afin de le conduire devant l’office de police judiciaire la plus proche. Pourtant, cela porter atteinte à la liberté d’autrui et constitue ainsi une infraction très grave. Mais l’article 73 du CPP nous permet de commettre un tel acte. 

Mais tout n’est pas aussi simple. Parfois, la loi autoriser à causer un acte à l’occasion d’un commandement donné par une autorité légitime : autorisation indirecte. 

B – L’autorisation indirecte de la loi

Article 122-4 alinéa 2 « N’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l’autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal ». Ce n’est qu’une extension que de la précédente. Cette autorisation est accordée par l’intermédiaire d’un supérieur, qui en donnant un ordre conforme à la loi, légitime l’acte d’exception accompli par son subordonné. Quand les actes paraissent trop graves pour être laissés à l’exercice d’un seul individu.

1) L’autorité de commander

L’article précité est interprété de façon restrictive et n’est réputé applicable que dans un cadre administratif. La justification n’opère que dans les relations d’une personne attachée l’exécution de services publics et son supérieur. une telle réduction est justifiée par le fait que le supérieur a un statut d’autorité, il est chargé institutionnellement de veiller à la bonne exécution de la loi. La justification n’est pas applicable à un ordre donné par un chef d’entreprise à son salarié. La justification s’opère pas dans les rapports de droit privé. L’obéissance ne peut être absolue parce que l’exécutant conserve sa liberté d’exécution et sa responsabilité. L’autorité n’a pas la portée de l’autorité publique, elle doit convaincre plutôt qu’obéir. Il ne suffit pas que l’acte ait été accompli en exécution d’un commandement d’autorité, il faut qu’il ait disposé d’une apparence de légalité.

2) La légalité du commandement

Selon l’article 122-4 alinéa 2, « l’accomplissement de l’acte commandé par l’autorité l’égide n’est justifié que si ce commandement ne paraissait pas manifestement illégal au moment où il a été commis ». Légalité au sens du droit administratif. 

C’est d’abord une légalité externe : l’agent d’exécution doit pouvoir se convaincre que l’autorité n’avait pas la compétence de délivrer le commandement litigieux. La question s’est posée à la Libération lorsqu’on été poursuivi certaines collaborateurs, notamment les miliciens.

Ensuite c’est une légalité interne : l’agent d’exécution doit être convaincu que l’acte qui lui est demandé respecte bien les dispositions légales applicables. On ne conçoit pas qu’un acte intrinsèquement illégal puisse être imposé sans que la responsabilité pénale de celui qui l’exécute et celui qui l’ordonne doit engager. 

Une présomption de régularité s’attache à l’action administrative. Tout commandement émanant d’une autorité légitime est légal de sort qu’il peut être mis à exécution. Mais si l’illégalité est manifeste alors celui qui a reçu le commandement peut en tirer argument pour échapper à la responsabilité pénale. La présomption de régularité ne peut être maintenu si ‘illégalité est manifeste. 

Le législateur avait le choix entre plusieurs théorie donc celle en vertu de laquelle toute personne qui reçoit un commandement d’une autorité légitime doit vérifier la légalité du commandement avant d’exécuter le commandement au risque de voir sa responsabilité pénale engagé. 

Plus l’agent est haut dans la hiérarchie administrative plus on doit s’attendre qu’il s’aperçoive de l’illégalité d’un commandement. Mais cela ne veut pas dire que les agents d’exécution sont irresponsables. S’il reçoit un ordre manifestement illégal, il doit s’y opposer sous peine d’engager sa propre responsabilité pénale. 

Par exemple, en Corse, un préfet avait convoqué un colonel de gendarmerie pour lui demander de bien vouloir envoyer des gendarme incendier des paillotes tout ne mettant sur les lieux de l’incendie des tracts indépendantistes pour mettre à mal les indépendantistes. L’officier à dit « a vos ordres », de même pour les gendarmes. Ainsi, les gendarmes ont incendié les paillotes et y ont mis des tracts. Mais les traces laissés par les véhicules des gendarmes ainsi que leur chaussures paraissait louche pour le juge d’instruction qui a alors demander à la police judiciaire d’enquêter. Toutes ces personnes ont été poursuivi. Chacun s’est défendu en dénonçant son supérieur et l’ordre qui avait donné par une autorité légitime. Le magistrat a dit que l’ordre était manifestement illégal et donc que les faits n’étaient pas justifiés. 

§2. Les actes de protection

Légitime défense, défense en état de nécessité. Ce qui distingue ces deux causes de justification sont les circonstances dans lesquels l’acte de protection va agir. 

Légitime défense : réponse à une agression.
Défense en état de nécessité : réponse à un péril.

Ces actes de protection obéissent à peu près au même régime. 

A – Les différents actes de protection

1) La défense à une agression

a) La défense des personnes

Article 122-5 alinéa 1 « N’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle- même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte ». L’acte de protection est susceptible de constituer une infraction qui va être justifiée si elle a été commise concomitamment avec l’infraction. Elle acquise à l’acte de protection si l’agression était actuelle. À l’inverse, elle est refusée si l’acte a été accompli après l’agression, quand il n’est plus nécessaire. L’acte de protection est justifié s’il est commandé par l’agression. Il est réputé légitime s’il y avait urgence à agir et si aucune autre solution moins préjudiciable pour autrui n’était à la disposition de la victime de l’agression. Ce caractère impérieux de l’acte de protection n’entraine sa justification qu’à partir du moment où il est resté proportionné à la justification.

b) La défense des biens

L’article 122-5 alinéa 2 dispose que n’est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l’exécution d’un crime ou d’un délit contre un bien accompli un acte de défense lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi, dès lors que les moyens employés sont proportionné à la gravité de l’infraction. 

 La légitime défense a alors une portée plus réduite. Exemple, dans le cadre d’un viol, le fait de tuer le violeur est considéré comme une justification de l’agression subi. De surcroît, au titre de l’article 122-5 alinéa 2, le législateur supprime toute présomption. L’auteur de l’acte doit pouvoir démontrer qu’il a agi ainsi pour se défendre d’un crime ou d’un délit. 

Si on surprend un cambrioleur dans note maison, alors on peut le tuer, mais quand les gendarmes vont intervenir, il faut prétendre avoir agi pour soi-même et non pour ses biens, sinon notre responsabilité pénale peut être engagé. 

2) La défense en état de nécessité

Cette autre hypothèse est envisagée à l’article 122-7 du CP qui dispose que « n’est pas pénalement responsable la personne qui face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien accompli un acte nécessaire à la sauvegarde d’autrui, d’elle-même ou du bien, sauf si la proportion entre la gravité du danger… »

Différence avec la légitime défense c’est l’origine du péril. Ici, il s’agit de réagir face à un danger. 

L’acte de protection doit apparaître nécessaire, utile pour répondre au danger, et qu’il doit accomplie n urgence, qu’il n’y a pas d’autres solutions moins dangereuses.

Si on constat qu’un accident de la route vient de se produire, on doit s’arrêter et appeler les secours, mais si les secours ne peuvent pas agir directement, on peut pratiquer la médecine sans avoir l’infraction d’exercice illégale de la médecine. On peut aussi faire un excès de vitesse. Mais si les secours arrivent et que vous avez été prévenu, alors pas autorisé d’agir de la sorte. 

B. Le régime des actes de protection

1) La faute antérieure

Il est traditionnellement admis que a faute de celui qui s’est mis en situation de péril volontairement le prive de tout acte de protection justificatif. Par exemple, parler de légitime défense dans le cadre d’une bagarre mais être celui à l’origine de celle-ci. 

La question s’est posée il y a quelques années lorsqu’un chasseur qui était monté très haut dans une montagne jusqu’à se retrouver devant un ours. L’endroit était connu pour être peuplé d’ours. L’ours a chargé le chasseur. Le chasseur, pour sauver sa vie a tiré. Il a été poursuivi pour meurtre sur une espèce protégé. Il a dit qu’il s’est défendu en état de nécessité. Mais le juge dit qu’il aurait du savoir qu’à cet endroit, il risquait d’être confronté à un ours qui pouvait le charger. Le chasseur, avait par sa propre faute crée le péril dans lequel il s’était trouvé. 

La faute antérieure prive donc l’auteur de l’acte de protection le bénéfice de la légitime défense ou de la défense en état de nécessité. 

2) La défense à un acte imaginaire

Peut-il y avoir justification alors qu’aucun danger réel n’est avéré ? Lorsque l’auteur de l’acte de protection s’est faussement cru menacé ? La jurisprudence distinguée selon que ce soit une légitime défense ou un état de nécessité. 

La jurisprudence reconnaît la légitime défense putative : celui qui se croit victime d’une agression et qui agit en conséquence peut se prévaloir d’une légitime défense. En revanche, celui qui se pense en état de péril ne peut prétendre à une justification. 

Un policier qui se croit menacé par un malfaiteur qui brandit dans sa direction une arme factice, mais que le policier croit réel, est autorisé à ouvrir le feu. Néanmoins, le magistrat tient compte de l’état d’esprit de l’agent. 

En revanche, le même raisonnement n’est pas tenu pour l’état de nécessité. Un chasseur qui voit un buisson bouger ne peut pas tirer, il n’est face à un péril.  Les magistrats ont raison de raisonner ainsi d’avant l’état de nécessité, mais tort de raisonner ainsi pour la légitime défense putative, notamment pour le cas de la police. Dénaturation du fait justificatif

Cours 19 : La responsabilité pénale des personnes morales

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Les personnes morales n’ont ni chair, ni sang. Pourtant elles sont des organes. Elles n’ont pas de sentiments pourtant elles ont une volonté. Elles sont invisible pourtant elles agissent et peuvent même se voire reprocher leur inaction. Elles n’ont pas de domicile mais on un siège. 

Depuis plus d’un siècle le droit non pénal reconnaît l’existence de ces personnes qui ne sont pas des individus. Elles sont dites morales car elles n’ont pas d’existence matérielle. Elles ont néanmoins un patrimoine et peuvent être à ce titre titulaire de droits et d’obligations. 

Des 1954, la chambre civile de la CC a admis que ces groupements constituent une réalité et non pas une fiction. La personnalité morale appartient en principe à tout groupement pourvu d’une possibilité d’expression collective pour la défense d’intérêts licites, dignes d’être protégés. Une personne morale peut ainsi contracter, causer des dommages et engager sa responsabilité civile mais aussi subir des dommages et demander des réparations. Les personnes morales existent et ont des droits a peu près équivalents aux personnes physiques. 

Pour autant, cette consécration des personnes morales en droit civil semble échapper au droit pénal. En France, la responsabilité pénale des personnes morales n’a été consacré sous l’impulsion du droit de l’UE qu’à l’occasion de la réforme du code pénal en 1992 (entrée en vigueur en 1994). Mais malgré cette consécration, cette responsabilité pénale des personnes morales restent inférieur à celle des personnes physiques. 

§1. Le champ dapplication de la responsabilité pénale des personnes morales

La consécration en 1992 de la responsabilité pénale des personnes morales a été présenté comme la principale innovation du nouveau code. C’est incontestable même si cette responsabilité pénale n’a pas été déclaré équivalente à celle des personnes physiques. Initialement, elle fut limit quant aux infractions susceptibles de poursuite. A l’origine était affecté une exigence de spécialité. 

La responsabilité des personnes morale ne  pouvait être engagé à raison d’une infraction que si le texte d’incrimination le prévoyait expressément. Le législateur avait donc opéré une sélection pour les infractions. Hélas, cette sélection a été contesté. Le législateur n’a cessé d’étendre la liste et a fini par renoncer à l’exigence de spécialité, qui a disparu depuis le 1er janvier 2005. Toutes les infractions pénales sont désormais reprochables aux personnes morales. 

En revanche, toutes les personnes morales ne sont pas concernés. L’article 121-2 du CP dispose que « les personnes morales à l’exclusion de l’état, sont responsable pénalement ». Toutefois, les CT et leur groupement ne sont responsable pénalement que des infractions commises dans l’exercice d’activité susceptibles de faire l’objet d’une convention de délégation de service public. Ce texte incite à traiter les personnes morale de droit privé et de droit public différemment. 

A – Personnes morales de droit privé

L’article 121-2 ne contient aucune restrictions quant aux personnes morales de droit privé. Elles peuvent donc toutes engager leur responsabilité pénale. Il s’agit le plus souvent de société commerciales  mais, il y a aussi les sociétés civiles. On peut même envisager de poursuivre des personnes morales qui ne sont pas des sociétés comme des associations ou des syndicats. Peu importe leur nationalité, dès lors qu’il est possible de leur reprocher une infraction à laquelle la loi pénale française est applicable. En revanche, des restrictions ont été mises en place par le législateur pour les personnes morales de droit public. 

B – Personnes morales de droit public

L’article 121-2 contient deux restrictions. Tout d’abord, l’état échappe à toute responsabilité pénale. Les CT aussi. On leur fait une confiance exagéré. Certes, on imagine mal que l’état ou une CT puisse commettre un abandon de famille ou une exhibition sexuelle, mais ils peuvent commettre d’autres infractions comme de la discrimination. L’immunité dont bénéficie l’état et les CT semble exagéré.

En réalité, une distinction s’impose. L’état bénéficie d’une immunité absolue. Sa responsabilité pénale n’ait jamais engagé à raison d’un infraction commise en son nom par le Président ou par des ministres. Cette immunité de l’état est justifiée par la souveraineté de l’état. Comme l’argument n’est pas convaincant, on ajoute l’idée que l’état ne peut pas se punir lui-même et que le principe de séparation des pouvoirs interdit à un juge judiciaire de contrôler l’administration lorsqu’elle remplit ces missions d’intérêt général. Ces arguments sont discutables. Pour preuve, il n’y a pas d’objection à la responsabilité pénale des agents de l’état qui commettent des infractions dans le cadre de leur fonction. C’est plutôt une volonté de sauvegarder les finances publiques car en cas d’amende, ce serait les contribuables qui paieraient. Mais cette immunité reste difficile à comprendre.

Les CT n’ont pas une immunité totale en revanche. Les CT sont les communes, les départements, les régions… Elles bénéficient d’une immunité pénal qui n’est pas totale. Leur responsabilité peut m’être engagé à l’occasion d’infraction commises dans le cadre de leur activité qui auraient pu faire l’objet d’une délégation de service public. En effet, certaines activités qui relèvent du droit privé peuvent être délégué à des entreprises privés   

Une responsabilité pénale des personnes publiques est possible car elles agissent dans les mêmes conditions qu’une personne morale de droit privé. On parle par exemple de l’exploitation de distribution de l’eau qui peut être délégué à une entreprise privée. L’hypothèse reste néanmoins marginale. L’administration n’a pas vocation à se substituer aux entreprises privées en principe. 

Ainsi nous l’administration n’engage pas sa responsabilité pénale. 

Quid des autres personnes morales de droit public ? Manifestement, ces dernières ont été oublié par le législateur. La logique voudrait qu’elles bénéficient aussi d’une immunité dès lors qu’elles n’exercent pas d’activités soumises au droit privé. Néanmoins, la CC pense le contraire. A partir du moment où aucune immunité n’est reconnu alors elles doivent engager leur responsabilité pénale y compris dans l’exercice d’activités de service public. L’argument est osé mais il n’est pas complètement illogique puisqu’en principe, une loi doit exclure expressément une responsabilité pour qu’elle cesse de s’appliquer. Ici, les exclusions n’ont pas frappé ces autres personnes de droit public. La solution parait opportune en pratique en ce qu’elle permet essentiellement la poursuite des CHU à l’occasion d’accidents médicaux qui sont dû à une faite de leur personnel. Si cette faute a été commise par une mauvaise organisation du CHU alors il peut engager sa responsabilité pénale et civile. Ne n’est pas bon pour les finances du CHU mais utile pour les citoyens. C’est la raison pour laquelle on maintient la responsabilité pénale des CHU en nommant un juge d’instruction qui provoquera des investigations afin d’établir l’origine d’un accident et de faire la lumière sur la responsabilité du personnel hospitalier en question. 

§2. La mise en œuvre de la responsabilité pénale des personnes morales

Article 121-2 déclarent responsables les personnes morales selon les distinctions des personnes morales des articles 121-4 à 121-7. Ces articles assimilent l’auteur d’une infraction seulement tentée à l’auteur d’une infraction consommée, et le complice à l’auteur principal de l’infraction. On en déduit qu’une personne morale engage sa responsabilité pénale lorsque l’infraction a été consommée ou simplement tentée, lorsqu’elle a participé à l’infraction en qualité d’auteur ou simplement de complice.

Cette responsabilité pénale repose sur l’idée de représentation. Ce qui permet à l’article 121-2 du CP d’affirmer que la personne morale répond des infractions commises pour son compte par ses organes représentants est l’idée de la représentation. Il ne suffit pas d’établir que la personne morale s’est rendue auteur ou complice d’une infraction, il faut démontrer que les conditions d’une infraction étaient réunies.

La représentation est une technique juridique par laquelle une personne est engagée par une autre auprès d’une troisième. Elle peut être le fait de la loi, ou l’effet du contrat de mandat. La situation ne produit pas directement d’effets à son égard. Le mandat est directement mis en relation avec autrui, il est titulaire de droits ou d’obligations à l’égard d’autrui, sans que le mandataire puisse le remettre en cause. Pour être reprochée, l’infraction doit être matériellement commise.

A – Conditions de la représentation

La participation d’une personne morale à une action engageant sa responsabilité pénale est le résultat d’un raisonnement en deux temps. Il faut d’abord établir qu’une infraction a été commise par un organe représentant de la personne morale. Il faut ensuite établir qu’elle a été commise pour le compte de la personne morale.

1) Infraction commise par un organe représentant

Article 121-2 : la responsabilité de le personne morale suppose le fait de la personne physique laissant par représentation.

a) Identification de l’organe ou du représentant

L’article 121-2 du CP envisage cumulativement les organes et les représentants. Il les distingue. 

Les personnes morales voient leur responsabilité pénale de la même façon suivant que l’infraction ait été commise par un organe ou un représentant. Puisque le législateur distingue, nous sommes tenus de distinguer et de trouver un sens. Or, l’organe et le représentant sont tous deux doté d’un pouvoir de représentation sans lesquels on ne concevrait pas la responsabilité pénal de la personne morale. Alors, pour essayer de trouver un critère, on prétend que les organes correspondent aux personnes qui sont doté de pouvoir généraux afin d’agir en son nom. Un gérant de SARL est bien l’organe de celle-ci, il n’y a pas de doute. Les représentants ne disposeraient que d’un pouvoir spécial d’agir au nom de la société. On veut désigner ici les administrateurs et les liquidateurs judiciaires lorsque la personne morale fait l’objet d’une procédure collective, ainsi que les salariés qui sont bénéficiaires d’une délégation de pouvoir spéciale et ne transmet au salarié qu’une fraction du pouvoir du chef d’entreprise. Elle en fait un simple représentant de la personne morale, et non un organe. Mais la distinction ne va pas plus loin. 

b. Le rôle de l’organe ou du représentant

L’organe ou le représentant intéresse le droit pénal lorsqu’il a commis au nom et pour le compte d’une personne morale une infraction. C’est sur la tête de cette personne physique que l’infraction doit être caractérisé. L’infraction doit être établi aussi bien dans sa dimension matérielle que morale. Au niveau matériel, cela ne pose pas problème, mais pour la dimension morale cela pose débat. En effet, les personnes morales sont dotées d’une volonté propre, donc ce n’est pas un mauvais exercice de cette volonté qui doit composer la faute. Mais c’est l’infraction de la personne physique qui est retenu. 

Néanmoins, une présomption a pu être ponctuellement admise. En effet, dans certaines circonstances, l’infraction constaté au sein d’un groupement ne peut avoir été commise que par un organe ou un représentant de celle-ci. Il en va ainsi chaque fois que cette infraction résulte d’un mauvais exercice du pouvoir de direction. Si l’infraction est de cette conséquence, elle ne peut émaner d’un tiers ou d’un salarié qui n’a pas de pouvoir de direction. La CC a donc ponctuellement accepté que les juge du fond se dispense de suivre cette théorie. La CC a donc ponctuellement accepté que les juge du fond se dispense de suivre cette théorie. 

Par exemple, pour la SNCF, un train déraille, des passagers sont blessés. Il apparaît que le train était vétuste et les rails mal entretenu. L’origine est donc fautive. Peut-on engager la responsabilité pénale de la SNCF ? Oui mais à condition de voir quel organe ou représentant a commis la faute. Ce n’est pas nécessairement le dirigeant de la gare qui peut déléguer son pouvoir à d’autres représentants. Ainsi, la CC a ponctuellement admis que nécessairement, l’infraction avait été commise pour le compte de la personne morale par un organe représentant. Mais cette solution était contestée au motif qu’elle méconnaîtrait le principe de légalité et au motif qu’elle handicape les personnes morales françaises dans la compétition économique internationale. 

La CC a fini par abandonner cette jurisprudence extensive. Désormais, elle rappelle que la preuve expresse de la faute d’une personne physique en tant qu’origans ou représentant est nécessaire pour engager la responsabilité de la personnalité morale. 

2) Le profit retiré de l’infraction par la personne morale

Exigence qui peut surprendre, dans quelles mesures un organe peut agir pour l’ordre d’un tiers ? Dès lors que l’organe est la personne morale, comment peut il agir pour un tiers. Le législateur a affirmé que la responsabilité pénale de la personne morale n’est pas engagée en cas d’abus de fonction de son dirigeant. Si la personne physique représentant la personne morale poursuit des buts personnels, la responsabilité pénale de la personne morale ne sera pas engagée. L’abus de fonction aurait pu suffire à dégager la personne miracle de toute responsabilité pénale. Le législateur a pressé pour empêcher l’application de la théorie de l’apparence. Peu importe que la victime ait cru que la personne physique agissait pour le compte de la personne morale, l’apparence ne permet par d’engager la responsabilité pénale.

Ce profit est entendu très largement tourne pas exonérer trop facilement les personnes morales de leur responsabilité. Touts les personnes morales n’agissent pas dans une perspective lucrative. La responsabilité pénale n’est pas réservée aux sociétés réalisant des bénéfices. Le bénéfice retiré de l’infraction n’est pas nécessairement pécuniaire, Économique, il peut être purement moral.

La question s’est posée au sujet de Greenpeace qui envoie des militants perturber le fonctionnement de centrales nucléaires. La jurisprudence indique que l’infraction était bien commise pour le compte de l’association parce que elle en retirait un bénéfice immédiat en terme d’image. L’accident du travail découlant d’un défaut de surveillance ne se traduit pas en un bénéfice Économique appréciable, il ne produit aucune recette mais est reprochable à la personne morale parce que en agissant comme elle l’a fait, elle a réalisé une économie.

B – Les conséquences de la représentation

Lorsqu’une infraction a été commise par un organe ou un représentant pour le compte d’une personne morale, la principale conséquence est l’engagement de la responsabilité pénale de la personne morale. Sa participation à l’infraction est acquise en qualité d’auteur ou de complice. L’organe ou le représentant qui a commis l’infraction ne peut distinctement engager sa responsabilité pénale à raison de l’infraction puisqu’il est la personne morale. En revanche, le législateur admet au terme d’un raisonnement artificiel que subsiste une responsabilité pénale pour la personne physique qui a exercé la fonction d’organe ou de représentant et qui a réalisé, à ce titre, concrètement l’infraction. Donc lorsqu’une infraction est reprochée à une personne morale, elle l’est aussi à la personne physique qui a agi pour son compte. 

1) Les conséquences à l’égard de la personne morale

Les personnes morales assument une responsabilité personnelle par le fait de l’organe ou représentant qui ne peut être distingué de la personne morale dont il est l’incarnation institutionnelle. Parce que la responsabilité pénale de la personne morale repose sur la représentant, elle reste personnelle.
L’article 121-2 ne déroge pas à l’article 121-1 « nul n’est responsable que de son propre fait ». La personne morale est réputée avoir commis l’infraction réalisée pour son compte par son organe représentant. L’intermédiaire est transparent, on considère donc que c’est la personne morale même qui agit. L’engagement de la responsabilité pénale de la personne morale n’est pas subordonnée à un manquement de surveillance de son représentant ou son organe. Les conditions de l’article 121-2 suffisent à l’engagement de la responsabilité pénale de la personne morale.

Dans ces conditions on comprend mal comment la personne physique intervenue en tant qu’organe peut voir sa responsabilité pénale engagée pour la même infraction.

2) Les conséquences pour la personne physique intervenue en tant qu’organe ou représentant

La seule conséquence devrait être l’exonération de la personne physique à raison de l’infraction qu’elle a commise en qualité d’organe ou de représentant pour la personne morale. Elle a agi au nom et pour la personne morale donc en principe n’engage pas sa responsabilité. 

Par exemple, si on veut acheter une maison, mais qu’o ne peut pas se déplacer chez le notaire le jour de la signature, alors on peut faire une procuration au notaire. Le notaire signera pour nous l’acte de vente. Portant, lors de la réforme du CP, les parlementaires ont maintenu la possibilité d’engager la responsabilité pénale de la personne physique ayant agi en qualité de représentant de la personne morale. 

Dans un troisième alinéa, l’article 121-2 du CP ajoute que « la responsabilité pénale des personnes morales n’exclut pas celle des personnes physiques, auteur ou complice des même faits ». Il existe une explication pratique, une raison à une telle solution. Les parlementaires ont craint de déresponsabiliser les dirigeants. Ils ont craint que les chefs d’entreprise commettent intentionnellement des infractions dès lors qu’ils n’auraient pas à en répondre personnellement. Afin d’éviter cela, les parlementaires ont donc permis le maintien d’une responsabilité contre la personne physique ayant agi en qualité de représentant en plus de la responsabilité de la personne morale. 

Cette solution parait absurde et remet en cause le fondement même de la responsabilité des personnes morales. L’infraction ne peut avoir qu’un seul auteur, la personne morale, au terme du mécanisme de la représentation. Engager la responsabilité du chef d’entreprise supposerait d’admettre qu’il a commis l’infraction en dépassant les limites de ses fonction, donc non pas pour le compte de la personne morale mais pour le sien. Sa responsabilité pénale est incompatible avec la responsabilité pénale de la personne physique ayant agi pour son compte. 

Le législateur est revenu sur cette question du cumul. Pour les infractions non-intentionnelles, le troisième alinéa dispose que « sous réserve de l’application du quatrième alinéa de l’article 121-3 ». La loi du 10 juillet 2000 permet d’introduire une hiérarchie des fautes pénales en contrepartie d’une restriction du lien de causalité. Il est possible de dépasser le lien de causalité direct, qu’à partir du moment où la faute est caractérisée ou qualifiée. Cela ne concerne que les personnes physiques. Il s’ensuit que la faute est caractérisée ou qualifiée. Cela ne concerne que les personnes physiques. 

Il s’ensuit que la responsabilité pénale d’une personne morale peut être engagé à l’occasion de n’importe quelle faute commise par son organe ou représentant à l’origine d’un dommage souffert par autrui. Peu importe que la responsabilité pénale de la personne morale soit engagée à raison d’une faute ordinaire qui a indirectement commis le dommage. Dans une telle hypothèse, on ne conçoit pas l’engagement de la responsabilité pénale de la personne physique.  La responsabilité pénale de la personne morale se conçoit ainsi parfaitement sans l’engagement de la responsabilité pénale de la personne physique. Il est dommage que le législateur n’est pas profité de cette occasion pour étendre cette solution à la poursuite de n’importe quelle infraction, en renonçant à la possibilité d’agir contre la personne physique en plus de la personne morale lorsque la responsabilité de la personne morale est engagé. Excès de répression parce que le législateur accepte forcément, en acceptant le cumul, de sanctionner un innocent, cela conduisant à exclure la responsabilité pénale de celui qui a agi en tant qu’organe ou représentant. 

Cours 18 : La complicité

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Alors que la co-action revient à commettre une infraction à plusieurs, la complicité revient à s’associer à l’infraction d’autrui. Ce comportement dépendant est susceptible de prendre des formes variables, toutes sous le même régime.

§1. Les hypothèses de complicité punissable

La complicité est susceptible de prendre quatre forme
➔ aide et assistance
➔ provocation et instruction
La législateur a voulu envisager les différentes façons de s’associer à l’infraction d’autrui. Une interprétation stricte s’impose compte tenu de leur conséquence en terme répressif.

A – L’aide et l’assistance

Article 121-7 alinéa 1« Est complice d’un crime ou d’un délit la personne qui, sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation » ➤ dimension matérielle et psychologique de la complicité.

1) La matérialité de l’acte de l’acte reproché au complice

L’acte d’aide ou d’assistance s’apprécie par rapport à l’objectif reproché. Cet acte doit avoir facilité la préparation ou la consommation d’une infraction par autrui. Le comportement du complice doit avoir été utile au délinquant ou au criminel : tout acte utile peu importe qu’il le soit directement ou indirectement.
Distinction de l’aide et de l’assistance dans le code de 1810. Pour justifier la distinction on prétend que l’assistance est une forme de participation directe. Il y avait assistance lorsque le complice est présent sur les lieux au coté de l’auteur. L’aide ne serait qu’une forme de participation indirecte. Le plus souvent, en pratique, les deux termes sont tenus pour synonymes. Les magistrats ne distinguent pas ès lors qu’un acte a été utile à l’infraction ➤ complicité par fourniture de moyens.

L’aide ou l’assistance se traduit le plus souvent par un acte positif de la part du complice. Est complice d’un outrage à magistrat celui qui rédige la lettre offensante qu’autour peut adresser à un juge. L’absence de définition de la matérialité de l’acte reprochable au complice permet également de considérer quine simple abstention peut être prise en compte dans certaines circonstances. En principe un individu qui assiste sans regain à la commission de l’infraction ne s’en rend pas complice. Mais la jurisprudence accepte d’assimiler l’abstention à l’action lorsqu’elle s’est révélée utile à l’auteur des faits et était convenue d’avance. Dans une telle hypothèse l’abstention va eu delà du soutien moral apporté à l’auteur de l’abstention. Il en va ainsi chaque fois qu’un personne n’a l’obligation d’intervenir dans certaines circonstances et s’abstient de le faire. Dans ce cas, elle facilite la commission de l’infraction et on considère qu’elle a aidé ou assisté l’auteur de l’acte. Au delà de l’élément matériel, le texte requiert un élément moral.

2) La dimension psychologique de l’acte reproché au complice

La complicité par aide ou assistance n’est punissable que si elle accomplie sciemment. Cette précision de l’article 121-7. Elle condamne l’idée selon laquelle le complice serait un innocent associé au coupable. Le complice doit assurer une culpabilité qui lui est propre. Il doit avoir recherché la commission d’une infraction par autrui. Son comportement est donc nécessairement intentionnel. Même si sans le savoir on apporte une aide à la commission d’une infraction on n’engage pas nécessairement sa responsabilité pénale. Au contraire, si le comportement est conscient on est responsable. La complicité suppose un élément moral, une parfaite perception des faits auquel le complice s’associe. La jurisprudence est obligée de réduire la portée de cet élément moral dans l’hypothèse où l’infraction commise à titre principal, n’était pas celle à laquelle le complice comptait s’associer.

Exemple : complice fournit une arme à l’auteur d’un vol pour lui permettre de commettre un vol à main armée. Si l’auteur tire et abat la personne. Le complice deviendra complice de meurtre. L’exigence d’un fait accompli sciemment aurait du exclure la poursuite au titre de la complicité de meurtre. La jurisprudence part du principe qu’à partir du moment où il décide de s’associer à une infraction, il doit être puni avec la sanction la plus haute. Les juges répressifs font assumer au complice l’aléa de son acte, il doit répondre de toutes les conséquences de son acte même celles non prévues.

➤ solution à l’encontre du principe de légalité. Le juge souhaite donner un caractère dissuasif.

B – La provocation et l’instruction

Article 121-7 alinéa 2 ajoute « Est également complice la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus d’autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre ».

1) La complicité par instruction

En l’absence de précisions législatives, il est très difficile d’identifier les instructions en cause. Le plus souvent, il s’agit de conseils, d’informations données à autrui pour lui permettre de réaliser l’infraction. Tout renseignement utile permettant ou facilitant la commission d’une infraction peut être prise en compte à ce titre. L’essentiel est que ces renseignements soient suffisamment précis pour permettre à autrui de commettre l’infraction.

Les illustrations jurisprudentielles sont rares. Elles concernent essentiellement les infractions disparues : IVG. Conseiller une femme de se faire avorter n’a pas été jugé suffisant pour caractériser une complicité par instruction. Le conseil donné est apparu trop vague pour pouvoir admettre que celui qui l’a donné a influencé le comportement de la femme. Or donner l’adresse d’une avorteuse caractérisait la complicité par instruction.

Les moyens fournis à autrui sont d’ordre intellectuel à défaut d’être d’ordre matériel. Les magistrats préfèrent retenir une complicité par commission de moyens plutôt que par instruction. Lorsqu’ils relèvent une complicité par instruction, ils la dénaturent pour l’appliquer dans une situation de provocation (emploi de moyens déterminés).

2) La complicité par provocation

Elle se distingue tant par sa nature que par sa gravité. Cet acte se double d’une intention coupable, et sans cette intention il serait paru anodin. Il devient illégitime parce que il est accompli sciemment par quelqu’un qui se sait associé à cette infraction, d’où la sanction pénale.
En matière de provocation, l’acte du complice n’a plus rien de neutre. Il semble intrinsèquement inacceptable parce que il incite une autre personne à commettre une infraction. Le complice semble encore plus responsable que l’auteur des actes matériels d’exécution qui s’est contenté d’obéir. Il est véritablement à l’origine de l’acte commis, il est donc normal que sa responsabilité soit engagée.

Repose sur une matérialité faible, mais sur un élément moral très dense. Une telle volonté apparait certaine, ne prête pas à discussion. Le législateur exigeait qu’il s’incarne par l’emploi de moyens déterminés, il doit utiliser l’un des adminicules de l’infraction énoncés dans l’article 121-7 alinéa 2. L’utilisation d’un de ces moyens permet de tenir pour certain le lien de causalité entre le comportement du complice et celui de l’auteur matériel. Le conseil donné à autrui de commettre de l’infraction est censé relever de la complicité par instruction ou par fourniture.

L’incitation doit être réelle, il faut pouvoir démontrer que des moyens ont été mis en oeuvre pour persuader autrui, provoquer le passage à l’acte. Cette pression n’équivaut pas à la contrainte morale, elle doit être suffisante pour qu’on puisse admettre qu’elle a été un lien causal de l’infraction. Cette provocation ne doit pas avoir privé l’exécutant de son libre arbitre.

§2. Le régime de la complicité punissable

A – Le domaine de la complicité

La complicité s’apprécie par rapport à une infraction de référence. Il n’y a pas de complicité sans infraction. Pour autant l’exigence de l’infraction n’est vérifiée qu’abstraitement. Elle doit exister, mais il n’est pas nécessaire qu’elle soit sanctionnée, que son auteur ait été identifiée et puisse être poursuivi. Il suffit que le fit principal auquel le complice s’associe puisse être déclaré punissable par le juge.

Ce qui pose la question de la nature de l’infraction. Il importe pour que la complicité soit punissable qu’elle ait précédé ou accompagné le fait.

1) La nature de l’infraction de référence

La complicité peut être envisagée largement, chaque fois qu’elle semble compatible avec l’infraction principale. En réalité la complicité n’est pas toujours punissable. Le domaine de la complicité connait certaines limites. Elle ne se conçoit guère qu’à l’égard d’une infraction intentionnelle. Le complice et l’agent doivent avoir voulu l’infraction. La complicité ne peut être retenue pour abstention. On peut en revanche toujours être poussé à ne rien faire. Même à l’égard des infractions intentionnelles de commission, il n’y a pas toujours punissable. Alors que les différentes formes de complicité sont punissables. En matière de contravention, seule la complicité par provocation et instruction est toujours punissable, à l’inverse, la complicité par aide ou assistance n’est punissable que si le texte le prévoit.

2) Le moment de l’infraction de référence

La complicité suppose la volonté de s’associer à une infraction qui n’est pas entièrement commencée. Elle est donc antérieure à l’acte sur lequel elle se greffe. Il contribue à la réalisation de l’infraction. La complicité ne se conçoit donc pas a posteriori. Dans une seule hypothèse la jurisprudence considère que se rend complice d’une infraction, celui qui aide l’auteur lorsque l’aide a été convenue d’avance. La complicité doit intervenir avant la totale commission de l’infraction. Il n’est pas nécessaire que l’infraction soit immédiate pour être punissable. Il peut y avoir complicité de s’associer avec un autre complice.

Exemple : commanditaire d’un meurtre qui recrute des hommes de main pour tuer une personne se rend coupable de complicité de meurtre.
Tout comportement antérieur à la commission de l’infraction qui conduit à celle ci est potentiellement reprochable au titre de la complicité. Elle n’a pas besoin d’entretenir un rapport immédiat avec la consommation de l’acte. Il faut que l’acte du complice ait joué un rôle dans la commission de l’acte final.

B – La sanction de la complicité

Un individu n’est jamais déclaré abstraitement complice, mais toujours complice d’une infraction déterminée. La déclaration de culpabilité à l’égard du complice contient nécessairement une qualification pénale qui est celle du fait principal auquel le complice s’est associé. Si elle se définit en soi, cela ne suffit pas à justifier la sanction pénale du complice. La complicité n’a d’existence pénale qu’au regard d’une infraction effectivement commise. Ce qui justifie l’intervention du droit pénal est le trouble de l’ordre public du fait de l’infraction à laquelle il s’est rattaché. Théorie de l’emprunt de criminalité : le complice serait punissable car en s’associant à l’infraction d’autrui, il aurait accepté d’être assimilé à l’auteur de ce fait principal. Le complice accepterait d’assumer la dimension pénale du fait principal. Il est préférable de parler d’emprunt de qualification. Le complice est punissable parce que son fait qualifié comme le fait principal. Ainsi, il mérite d’être sanctionné comme l’auteur de celui ci. Le code actuel semble encore adhérer à cette théorie.

Article 121-6 « Sera puni comme auteur le complice de l’infraction ». La formule rappelle que la complicité appelle une sanction en relation avec une infraction. Pour autant l’article 121-6 n’exige pas que la poursuite du complice soit subordonnée celle de l’auteur principal. Cet emprunt de qualification fera exceptionnellement échec aux poursuites s’il apparait que les faits n’étaient pas encore punissable au moment où ils ont été commis.

Exemple : la corruption de salarié n’a été incriminée qu’en 2005. Au milieu de cette année et avant cette incrimination, une personne a posé un salarié à agir au détriment de son employeur. Des poursuites ont été engagées contre lui et contre son complice. Le complice s’est défendu en disant que ses faits n’avaient pas été incriminés, du fait de l’absence d’incrimination il n’y a pas eu de sanction pénale.
Nuance entre la formule de l’article 121-6 du CP actuel et celle de l’article 59 du code de 1810 « les complices d’un crime ou d’un délit seront punis de la même peine que les auteurs même de ce crime ou de ce délit ». Le complice se trouvait exposé aux mêmes peines que l’auteur principal.

Le code actuel semble avoir voulu rompre avec cette emprunt de pénalité puisqu’il ne dit plus que le complice est puni comme auteur de l’infraction, mais comme auteur des faits commis à titre principal. Il devrait s’ensuivre que les éventuellement circonstances aggravantes s’appliquent différemment. La responsabilité pénale de chacun devrait pouvoir être appréciée différemment selon les circonstances ➤ in concreto.

La formule de l’article 121-6 aurait pu permettre de considérer le complice comme un auteur et non pas l’assimiler à l’auteur. S’il on avait suivi à la lettre la nouvelle rédaction de cet article, on aurait pu pouvoir reprocher au complice des circonstances propres. Cet article témoigne d’un soucis d’individualisation légale par rapport à la formule de l’article 59 précédent.

La logique est dissociée en terme de pénalités, les sanctions de l’auteur et du complice seront sanctionnés en fonction des circonstances qui leur sont propres.
La Cour de cassation n’a pas accepté les conséquences de la nouvelle rédaction de l’article 121-6. Elle continue d’envisager les circonstances aggravantes que sur la tête de l’auteur principal. Dans certains cas l’assimilation de l’auteur et du complice n’est pas possible, si le complice en question n’a pas les qualités requises. Plutôt que garantir l’impunité du complice, la Cour de cassation a décidé de maintenir que le complice emprunte la qualification des faits, mais aussi la pénalité. Il s’ensuit qui les circonstances aggravantes ne peuvent être relevées qu’à l’encontre de l’auteur principal. Le complice ne peut se voir appliquer aucune circonstances aggravantes qui lui serait propre, contrairement à l’article 121-6, il n’est pas traité indépendamment de l’auteur. La solution est regrettable parce que il n’est pas normal de reprocher à un complice une circonstance aggravante reprochée sur la tête de l’auteur principal. La complicité suppose un élément moral dans lequel le complice a agi sciemment. La solution s’est imposée néanmoins pour la Cour de cassation qui témoigne de sa supériorité sur le législateur.

Cours 17 : L’auteur de l’infraction

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L’auteur d’une infraction se définit comme la personne qui a eu ou qui a tenté d’avoir un comportement conforme à celui que décrit un texte d’incrimination. La personne a agit ou s’est abstenue d’agir conformément du prévision d’un texte d’incrimination.

L’identification de l’auteur d’une infraction est aisée, ça se complique lorsque plusieurs personnes commettent l’infraction.L’auteur lorsqu’il a agi seul ; on parle de coauteur quand plusieurs personnes commettent ensemble un crime.

§1. Lidentification de lauteur

Est auteur d’une infraction celui qui l’a commise. La qualité d’auteur est liée aux actes d’exécution permettant de matérialiser une pensée coupable.
Article 121-1 : « nul n’est pénalement responsable que de son propre fait » cela signifie qu’il ne saurait y avoir en matière pénale de responsabilité du fait d’autrui ou de responsabilité par appartenance à un groupe. Différence par rapport au droit civil. La responsabilité pénale ne peut être que personnelle.

A partir du moment où un fait qui correspond aux faits décrits dans un texte d’incrimination, son auteur engage nécessairement sa responsabilité pénale. Puisqu’il est à l’origine des actes d’exécution, on le déclare auteur matériel. Cependant le lien entre la qualité de l’auteur et l’exécution de l’infraction n’est pas toujours indéfectible. Parfois la qualité de l’auteur est déformée pour inclure la personne qui a poussé autrui à commettre une infraction sans la réalisé elle même. Cet auteur là a voulu l’infraction mais ne l’a pas réalisée ➤ il est auteur intellectuel. L’extension de la qualité de l’auteur a celui qui pousse à commettre l’infraction est légitime lorsqu’elle est suggérée par le législateur.

A. Extensions légales de la qualité dauteur

Dans un certain nombre d’hypothèse la loi admet qu’on puisse engager la responsabilité pénale de l’auteur d’un simple auteur intellectuel. Parfois l’infraction en cause est une infraction intentionnelle.
Article 211-1 assimile l’auteur de crime et de génocide à celui qui fait commettre un tel crime. Pour le législateur français c’est aussi celui qui planifie l’extermination d’une population, qui met en place l’élimination d’une population entière. La loi permet de punir un auteur sur une fiction.

Article 226-2 assimile au fait porter à la connaissance du public un document portant atteinte à la vie privée d’autrui, le fait de laisser porter à la connaissance du public ce document.
Dans ces deux cas, on finit par réputer auteur d’une infraction une personne sur la tête de laquelle il n’est pas possible de caractériser les éléments constitutifs de l’infraction. Ce n’est pas elle qui la connait.

L’auteur intellectuelle ne commet rien de répréhensible matériellement mais pourtant on lui reproche à titre principal de s’être associé à l’infraction d’autrui,, de s’être comporté comme un auteur dès lors qu’il a recherché lui aussi le résultat redouté par le texte d’incrimination. La qualité d’auteur ne semble plus tenir qu’à l’intention coupable, qui est commune à l’auteur matériel et à l’auteur intellectuel.

C’est en matière de violences, que l’assimilation entre ces deux auteurs est la plus fréquente, grâce à une approche extensive. En l’absence de précision quant à la matérialité de ces infraction, toutes personnes qui par sa faute caractérisée ou délibérée a contribué à réaliser un dommage à autrui.

La possibilité d’engager la responsabilité pénale de l’auteur intellectuelle ne vient pas motion express des textes d’incrimination, elle découle du flou de la notion de faute et de la souplesse du lien de causalité dès lors que la faute a atteint un certain degré

Sur le fond, la solution est discutable mais le législateur l’a ratifié (loi du10 juil. 2000) –> nécessité de la recherche d’un responsable.

B. Extensions jurisprudentielles de la qualité dauteur

C’est essentiellement à l’égard des infractions intentionnelles qu’il faut déplorer une volonté du juge d’assimiler les auteurs intentionnels et les auteurs matériels, sans y être autorisé par la loi. Réalité qui consiste à identifier un auteur autre que celui qui commet les actes.
Cette jurisprudence s’est développée aussi bien lorsque l’exécutant est de bonne ou mauvaise foi. À l’origine sans doute, la jurisprudence trouve sa raison d’être dans la volonté de poursuivre celui qui a poussé autrui à commettre une infraction en l’ignorant. Il est considéré comme l’auteur d’un faux.

Exemple : avocat qui dicte un faux texte à la secrétaire sans la prévenir. Il auteur de faux et n’a rien fait pour détromper la secrétaire.
Exemple : auteur d’un empoisonnement celui qui fait administrer à autrui une substance à caractère mortifère sans qu’autrui ne connaisse le caractère mortifère de la substance.

Ils acceptent de réputer auteur intellectuel celui qui pousse autrui à commettre l’infraction même lorsque le commettant est de mauvaise foi. Droit pénal de la consommation infractions dérivée de l’escroquerie.
Exemple : commercial qui intimide les clients pour leur vendre des produits. Pour les magistrats, le chef d’entreprise est aussi coupable. L’infraction est établie et il devrait être poursuivi comme complice parce que il a instigué l’infraction. Cette solution est au mépris du principe de légalité. Il existe une dénaturation de la qualité de l’auteur surtout quand l’auteur n’a pas agi seul.

§2. La pluralité dauteurs

Lorsque les actes d’exécution des infractions sont accomplis par plusieurs auteurs, les magistrats doivent les déclarer co-auteur. C’est une notion délicate qui suppose que tous les caractères d’une même infraction puisse être reprochée à chaque participant. La co-action doit être entendue strictement.

A. Les hypothèses de co-action

Hypothèse dans laquelle une ou plusieurs personnes accomplissent ensemble un acte susceptible de tomber sous une telle qualification pénale. Il doit pouvoir être possible de caractériser sur la tête de chaque participant les éléments de l’infraction. Chacun doit en répondre comme s’il en était le seul auteur. Il ne suffit pas que la personne se soit associée (complicité) il faut pouvoir démontrer que chaque personne a effectivement commis l’infraction reprochée. La co-action est possible car en matière pénale la causalité n’a pas à être exclusive.

Exemple : deux individus co-signent une lette de dénonciation calomnieuse se rendent co-auteurs de délit. Une seule infraction est commise mais la responsabilité en incombe à deux personnes. Chacune d’elle a matériellement accompli le comportement et la même façon, elles ont concouru à la réalisation du résultat redouté par le législateur.
Par rapport à ce modele idéal de co-action, une extension et une dénaturation doivent être signalées.

1. Extension de la notion de co-action

Les magistrats assimilent parfois à de la co-action l’hypothèse dans laquelle des comportements successifs ont concouru à la réalisation d’un même dommage. Cette assimilation est possible dans la mesure où la causalité en matière pénale n’a pas besoin d’être exclusive ni immédiate.
La jurisprudence a tendance à assimiler d’autres hypothèses : la première personne donne des coups, une seconde accentue le dommage déjà causé avec des coups supplémentaires. On ne retiendra qu’une seule infraction de violences volontaires en fonction du dommage final. Tous ceux qui auront participé à ce dommage seront qualifiés de co-auteurs. L’analyse de la situation est contestable. La concomitance devrait donner naissance à la co-action.

On fait peser sur celui qui a agi en premier une sanction plus élevée que sur les autres. En distinguant les comportements on aurait pu aboutir à des sanctions différentes. Les magistrats ont tendance à considérer qu’il est légitime d’appliquer les sanctions les plus sévères pour dissuader la participation à ce type d’acte.
On accepte de sanctionner quelqu’un pour une infraction qu’il n’a pas commis, ou de lui accorder une sanction plus grave que l’acte qu’il a commis. Cette solution est au mépris du principe de légalité.

2. Dénaturation de la notion de co-action

La jurisprudence utilise parfois la notion de co-action pour traiter comme auteur de l’infraction la personne qui n’a pas accompli les éléments constitutifs, mais qui en a permis la réalisation. Les magistrats assimilent celui qui a aidé à celui qui a fait.
Exemple : viol un maintien la victime et l’autre la pénètre. Celui qui a immobilisé la victime a participé au crime et est réputé co-auteur du viol. Or le réputer co-auteur est abusif et il s’agit de prononcer une peine au mépris du principe de légalité. Celui qui aide le violeur se rend nécessairement complice de l’acte et engage sa responsabilité pénale. Traiter les complices comme co-auteurs permet uniquement aux magistrats de se dispersion d’établir les éléments de la complicité.

B. Régime de la co-action

Les co-auteurs quels qu’ils soient sont tous soumis au même régime : chacun est traité comme s’il avait été seul auteur de l’infraction commise. En théorie au moins, ils ont tous eu le comportement incriminé, la responsabilité pénale de chacun doit être envisagée indépendamment de celle des autres. Cette indépendance devrait également avoir pour conséquence que les circonstances aggravantes susceptibles d’être appliquées resteraient personnelles à chaque co-auteur. Cette indépendance présente un double inconvénient : tous les co-auteurs ne s’exposent pas à la même peine, et le fait d’agir à plusieurs n’aggrave pas nécessairement les peines de chacun.

1. La détermination des peines encourues

En principe chaque co-auteur assume une responsabilité qui lui est propre. Distinction de la jurisprudence en distinguant la nature de la circonstance.
➔ circonstances aggravantes réelles : accentue le fait constitutif de l’infraction. Modifie objectivement la perception qu’on peut avoir. Exemple : porter une arme aggrave le vol.

➔ circonstances aggravantes personnelles : propre à chaque auteur, étrangère au fait. L’objectif de la doctrine avec cette distinction était un moyen de sanctionner tous les co-auteurs de la même façon par la sanction pénale la plus élevée. Exemple : préméditation

➔ circonstances aggravantes mixtes : propres à un co-auteur et suit le régime des circonstances réelles parce que rend son effet plus dangereux. La jurisprudence est saisie de cette analyse doctrinale pour considérer que toutes les circonstances aggravantes sont personnelles. La jurisprudence a trouvé l’argument technique pour poursuivre tous les co-auteur sous la qualification la plus élevée en prenant compte des situations applicables.

Cette égalisation des sanctions des complices n’a pas suffit pour satisfaire tous les magistrats. Elle ne permet pas de traduire en terme de répression le fait que l’infraction ait été commise à plusieurs.

2. Aggravation des peines encourues

➔ réunion : l’infraction est commise par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur complices. Le fait d’agir à plusieurs constitue une menace supplémentaire pour la société.
➔ bande organisée : un groupement doit avoir été formé, une entente établie en vue de commettre une infraction. C’est une circonstance aggravante plus grave que la simple réunion. Il ne suffit plus d’établir que plusieurs personnes se sont entendues pour commettre l’infraction, il faut pouvoir démontrer qu’elles ont préparé ensemble l’infraction. Elle dénote une dangerosité supplémentaire et peut donc donner lieu à une aggravation plus importante.

Elle permet au juge de prendre en compte le fait que l’infraction ait été commise à plusieurs. Dans les deux cas, l’aggravation est ponctuelle, spéciale, dans la mesure où elle ne s’applique que si un texte d’incrimination la prévoit. Le mécanisme n’a pas de portée générale.

§3. Identification du responsable dans lentreprise

Il est parfois soutenu que le caractère personnel de la responsabilité pénale ne s’applique pas. On en veut pour preuve qu’il arrive au chef d’entreprise de répondre pour ses préposés, ou qu’ils assument la responsabilité pénale de leur chef d’entreprise. Ces aménagements ne remettent pas en cause le caractère personnel de la responsabilité.

A. La responsabilité de fonction dans lentreprise

Sa responsabilité pénale reste une responsabilité personnelle dans la mesure où la plupart des règles concernant l’entreprise s’imposent à lui seul sous la menace d’une peine. Il est le seul à devoir les faire respecter. La violation des règles applicables dans une entreprise par un salarié fait ressortir le manquement de l’employeur à sa mission de contrôle.

Il n’y a pas de responsabilité d’autrui. Le fait du salarié n’est que la condition préalable du délit reprochable au chef d’entreprise. La responsabilité du chef d’entreprise reste bien personnelle, il répond de la mauvaise organisation de l’entreprise, du dysfonctionnement de l’entreprise lié à un mauvais exercice de son pouvoir de direction.
L’originalité repose sur une présomption de faute : elle est déduite du constat de défaillance dans l’exercice des fonctions du chef d’entreprise.

La magistrats peuvent faire remonter automatiquement les manquements du chef d’entreprise qui en répond. La responsabilité est activée par un fait de ses préposés mais repose sur une présomption de négligence. Le seul moyen pour lui d’échapper à la responsabilité pénale est d’établir qu’il a transféré à autrui le pouvoir de direction ou de contrôle dans l’exercice duquel l’infraction a été commise ➤ responsabilité de substitution.

B. La responsabilité transférée du chef dentreprise

Lorsqu’un chef d’entreprise est poursuivi la seule exonération de cette responsabilité consiste à établir qu’il avait délégué son pouvoir de contrôle. Cette cause d’exonération est jurisprudentielle consacrée à l’article L4741-1 du code du travail. La responsabilité pénale dont s’exonère le chef d’entreprise ne disparaît pas, elle est juste reportée sur le tiers. La délégation de pouvoir produit donc un transfert de responsabilité.

1. Le transfert de pouvoir du chef dentreprise

La justification de ce transfert est pragmatique. 18ème siècle : entreprises trop importantes pour être dirigées par un seul homme ➤ déconcentration de pouvoirs pour faciliter une rationalisation du travail. Le juge répressif a encouragé ce mouvement en conférant l’effet exonérateur de ce transfert de pouvoir. Il a admis qu’un chef d’entreprise pouvait s’exonérer de sa responsabilité pénale en transférant à autrui son pouvoir. Un chef d’entreprise doit déléguer tout pouvoir qu’il n’est pas en mesure d’exercer lui même. L’essentiel est que le transfert soit consenti de manière claire et non équivoque. L’effectivité de ce transfert de pouvoir est vérifié par le juge, il doit s’assurer concrètement qu’il va disposer de l’autorité et des moyens nécessaires à l’exercice de sa mission.

2. Le transfert de la responsabilité pénale

Dès lors que le salarié assumait le pouvoir de direction et de contrôle du chef d’entreprise, celui-ci n’a plus à répondre, il peut s’exonérer pénalement d’un fait qui n’est plus le sien. Il n’a pas à répondre aux lieux et places du salarié auquel il a transféré son pouvoir. Le salarié délégataire assume les fonctions et la responsabilité du chef d’entreprise. Le caractère personnel de la responsabilité pénale est aménagé, mais pas abandonné. Le chef d’entreprise conserve une responsabilité subsidiaire de tous les pouvoirs non transférés à autrui, et conserve même une responsabilité qui peut tenir au fait qu’il n’a pas révoqué une responsabilité de pouvoir non délégués. La délégation de pouvoir permet d’aménager une responsabilité pénale sans pour autant créer une responsabilité du fait d’autrui.

Cours 16 : L’aggravation de l’infraction

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La notion de circonstances aggravantes parait familière parce que elle fait partie de l’imagerie du droit pénal, mais il s’avère difficile d’en donner une définition précise.

La doctrine aborde les circonstances aggravantes à
travers leurs effets : constitue une circonstance aggravante ce qui est utile – mais pas nécessaire – à la constitution de l’infraction (par ailleurs constituée par tous ses éléments).
La cause de l’aggravation tient à la manière dont les faits ont été perpétrés.

Une aggravation de la répression évoque une aggravation des faits, mais il peut arriver que l’aggravation soit étrangère aux faits qui tiennent au passé de leur auteur.

§1. Les circonstances liées à l’infraction

Les circonstances liées à l’infraction sont les plus nombreuses, mais sont rarement définies par le législateur qui se contente de les nommer.
Cela est déplorable, parce que compte tenu de leur conséquences répressives, elles devraient être soumises au
principe de légalité.

La doctrine les envisage comme l’élément qui, venant préciser une incrimination initiale pour augmenter la peine, fait naître une infraction distincte.
En principe les circonstances aggravantes agissent sur l’infraction qu’ils transforment.
Idée : Leur effet sur la peine encourue par l’agent n’est qu’une conséquence de la perception différente qui s’impose.
Par exemple, une infraction apparait plus grave lorsqu’elle est commise en réunion que lorsqu’elle est commise par un individu isolé.

La réunion (= le fait d’agir à plusieurs personnes) est considérée comme une circonstance aggravante pour certaines infractions.
L’infraction apparait aussi plus grave lorsqu’elle est commise avec une arme, avec préméditation, à l’encontre d’une personne vulnérable, par personne ayant autorité sur la victime…

Ces circonstances aggravantes sont rarement définies et n’ont pas de régime juridique commun.
Lorsque l’on cherche à les étudier, il faut constater qu’elles obéissent à une exigence de spécialité, qui signifie que les circonstances aggravantes ne peuvent être relevées par un juge qu’à partir du moment où le texte incriminant l’infraction le prévoit.

Or, la loi n’agit pas toujours de manière cohérente.
Par exemple, la réunion ne constituera des circonstances aggravantes que dans l’hypothèse où le législateur l’aura prévue.

Toutes les circonstances aggravantes ont logiquement pour effet de relever le niveau des peines principales encourues.
Il faut constater l’incohérence du législateur qui ne fait pas produire à toutes ces circonstances le même effet.
Problème : il n’est pas possible de prévoir le coefficient d’aggravation.

§2. Les circonstances aggravantes personnelles

L’état de récidive est propre à l’auteur des faits ; il dépend des faits accomplis et qui restent à juger.
Cet état de récidive légale est relativement complexe à appréhender.

A – La notion de récidive légale

Étymologiquement, ce terme vient du latin recidere, qui évoque la rechute.
Toute personne est en état de récidive légale si deux infractions qui sont séparées par un jugement définitif de condamnation lui sont reprochées.

Idée : les peines encourues pour la seconde infraction peuvent être aggravées compte tenu du passé pénal.

1) Définition de la récidive légale

L’appréciation de la récidive légale s’opère de manière objective ; elle suppose la comparaison de deux termes :

  1. Le premier terme de la récidive est la condamnation pénale définitive prononcée par une juridiction répressive à raison d’une première infraction.
    L’existence de ce jugement définitif est nécessaire pour qu’il n’y ait aucun doute sur l’état d’esprit de l’agent au moment où il commet une nouvelle infraction.

    Peu importe le montant de la sanction prononcée à cette occasion : la gravité du premier terme de la récidive ne dépend pas de la peine prononcée, mais de la peine encourue.

  1. Le second terme de la récidive est l’infraction indépendante de celle qui a suscité la condamnation définitive de la 1ère infraction.
    La nouvelle infraction doit être parfaitement distincte et indépendante de la 1ère.

    Ce second terme s’apprécie au jour de la nouvelle infraction.
    C’est la loi en vigueur au jour où la seconde infraction est commise qui régit la question de la récidive légale (et non celle en vigueur au jour de la condamnation définitive de la première infraction).

    La récidive légale n’est caractérisée qu’au moment où le second terme est établi.

2) Originalité de la récidive

La récidive ne doit pas être confondue avec :

  1. Le concours réel d’infraction : lorsqu’une personne commet au moins 2 infractions qui ne sont pas séparées entre elles par un jugement de condamnation (définie à l’article 132-2 du Code pénal).

    Peu importe le temps écoulé entre les deux infractions, ce n’est pas une circonstance aggravante.
    Idée : cela témoigne de la dangerosité de l’auteur des faits (il a commis plusieurs infractions).

    En principe, lorsque plusieurs infractions sont commises sans être séparées par un jugement définitif de condamnation, le juge doit prononcer plusieurs déclarations de culpabilité et plafonner les peines encourues.
    → Le concours réel d’infraction conduit à une limitation de la répression.

    Idée : le délinquant n’a pas reçu de rappel à l’ordre, il semble donc moins dangereux qu’un récidiviste.

    En matière de contraventions, l’article 132-7 permet un cumul d’amendes sans limitation de montant, parce que les contraventions sont des infractions peu graves.
    En matière de délits, le juge statuant sur toutes le infractions peut prononcer toutes les peines potentiellement applicables, mais dans la limite du montant encouru le plus élevé pour l’infraction la plus grave.

  1. La réitération : situation intermédiaire entre le concours réel et la récidive, elle suppose aussi une pluralité d’infractions, mais aussi un jugement de condamnation.
    → Il s’agit de la récidive imparfaite.

    L’article 132-16-7 précise qu’il y a réitération d’infraction lorsqu’une personne a déjà été condamnée définitivement pour un crime ou un délit et commet une infraction qui ne répond pas aux conditions de récidive légale.

    Le cumul de sanction est autorisé, mais la seconde infraction n’est pas aggravée par l’état de réitération.

B – Les conséquences de la récidive légale

La récidive permet de sanctionner le mépris dans lequel est tenue l’autorité judiciaire par l’auteur de l’infraction.

1) Sanction d’un crime en récidive légale

Lorsque le premier terme de la récidive était une condamnation définitive pour un premier crime ou un délit grave (10 ans de prison) et qu’un nouveau crime est commis :

  • Soit le nouveau crime commis est puni de la réclusion à perpétuité → il n’y a pas d’aggravation ;
  • Soit le nouveau crime expose son auteur à 20 ou 30 ans de réclusion et qu’il est commis après un jugement définitif de condamnation grave (10 ans de prison) → la sanction encourue est la réclusion criminelle à perpétuité ;
  • Soit le nouveau crime est puni de 15 ans de réclusion criminelle → la sanction encourue est 30 ans de réclusion.

Cette forme de récidive est considérée comme générale, dans la mesure où elle s’applique quelque soit le crime constitutif du second terme.
→ Il n’est pas nécessaire que les deux crimes soient identiques.

Peu importe le délai ayant séparé le premier et le second jugement, il n’est pas nécessaire d’établir que les deux infractions ont été commises dans un laps de temps court → état de récidive perpétuel (il n’y a pas de prescription).

2) Sanction d’un délit en état de récidive légale

Si le nouveau délit fait suite à une condamnation pour un crime ou un délit grave (10 ans de prison) :

  • si le nouveau délit est lui-même puni de 10 ans, le maximum des peines est doublé, dès lors que le nouveau délit est constaté dans les 10 ans ;
  • si le nouveau délit est puni d’une peine inférieure à 10 ans, mais supérieure à 1 an, le maximum des peines de prison et d’amende est aussi doublé, dès lors que le nouveau délit est constaté dans les 5 ans.

La récidive est toujours générale, même si le délit n’est pas en rapport avec l’infraction de la 1ère condamnation.
En revanche, la récidive est temporaire.

Lorsque l’infraction constituante du second terme de la récidive est un délit identique pour lequel l’agent a déjà été condamné, le maximum de l’amende et des peines encourues est doublé si le délit intervient dans un délai de 5 ans après la condamnation.
→ Uniquement à l’égard de faits identiques.

Idée : c’est la persistance du délinquant dans un même penchant coupable justifie le doublement des peines.

Le législateur contemporain a tendance à étendre le champ de récidive correctionnelle, qui est de plus en plus applicable aux délits assimilés (= pas identiques).
Par exemple, l’article 132-16 dispose que “le vol, l’extorsion, l’escroquerie et l’abus de confiance sont considérées au regard de la récidive, comme une même infraction”.

3) Sanction d’une contravention en état de récidive légale

Les possibilités d’aggravation sont beaucoup plus limitées : elle n’est possible qu’à l’égard des contraventions de la 5ème classe.

D’une manière générale, le maximum de l’amende encourue est doublé lorsque le texte d’incrimination le permet, si l’auteur a été condamné définitivement pour la même contravention dans l’année qui précède.
→ Récidive temporaire.
→ Doublement spéciale : uniquement pour des contraventions identiques + uniquement quand le texte d’incrimination le prévoit.

Commentaire de texte : extrait du discours préliminaire sur le projet de Code civil de Portalis

Texte commenté :
« Les matières criminelles, qui ne roulent que sur certaines actions, sont circonscrites ; les matières civiles ne le sont pas. Elles embrassent indéfiniment toutes les actions et tous les intérêts compliqués et variables qui peuvent devenir un objet de litige entre les hommes vivants en société. Conséquemment, les matières criminelles peuvent devenir l’objet d’une prévoyance dont les matières civiles ne sont pas susceptibles. »
« Les lois pénales ou criminelles sont moins une espèce particulière de lois que la sanction de toutes les autres. Elles ne règlent pas, à proprement parler, les rapports des hommes entre eux, mais ceux de chaque homme avec les lois qui veillent pour tous. »

Portalis nous offre dans son Discours préliminaire au premier projet de Code civil sa conception des caractéristiques du droit pénal. Selon lui, il s’agit d’une discipline à la fois discontinue et accessoire aux autres branches du droit, et par conséquent subsidiaire. Mais Portalis ne va pas jusqu’à revendiquer une autonomie du droit pénal : en effet si certains mécanismes laissent entrevoir la spécificité de la sanction pénale, le droit répressif n’a pour finalité que la garantie de valeurs supérieures parfois extra-pénales.

Dès lors, il semble pertinent de se demander dans quelle mesure cet extrait du discours de Portalis permet d’illustrer les tensions à l’œuvre en droit pénal, entre un caractère subsidiaire et un caractère auxiliaire de la matière.

I – L’affirmation du caractère subsidiaire du droit pénal

A) La reconnaissance de la discontinuité du droit pénal comme une garantie de la liberté

« Les matières criminelles, qui ne roulent que certaines actions, sont circonscrites ; les matières civiles ne le sont pas. Elles embrassent indéfiniment toutes les actions et tous les intérêts compliqués et variable qui peuvent devenir un objet de litige entre les hommes vivant en société. »

  • Le droit pénal est subsidiaire (dernier recours) donc il est discontinu (les vides comptent plus que les pleins) contrairement aux autres branches du droit (civil, commercial, administratif).
  • La discontinuité permet la protection de la liberté individuelle de chacun ; il est possible ici de formuler une critique lorsque l’on songe à l’élaboration du Code pénal napoléonien de 1810 (« code de fer »).

B) La consécration de la nature accessoire d’un droit pénal dénué de portée normative

« Conséquemment, les matières criminelles peuvent devenir l’objet d’une prévoyance dont les matières civiles ne sont pas susceptibles. »

  • La discontinuité et la prévisibilité du droit pénal implique-t-elle une normativité de la discipline selon Portalis ? Il faut ici évoquer le cas des contraventions et l’inflation législative, qui remettent en cause cette portée prévisible et laissent supposer une certaine pédagogie du droit pénal.
  • Si la prévoyance peut avoir une vertu pédagogique, la portée normative du droit pénal est une théorie qu’il faut rejeter : il s’agit d’un droit nécessairement sanctionnateur, donc accessoire.

Transition : ce caractère accessoire lui donne-t-il une autonomie ?

II. Le rejet relatif du caractère autonome du droit pénal

A) La revendication de la fonction de garantie assurée par le droit pénal

« Les lois pénales ou criminelles sont moins une espèce particulière de lois que la sanction de toutes les autres. »

  • Loin de reconnaître une autonomie au droit pénal, Portalis semble lui accorder une fonction de garantie : le droit pénal défend des intérêts et des valeurs qui lui sont étrangers (positives ou naturelles).
  • Le droit pénal n’a pas de contenu substantiel : en principe donc, il doit se référer aux normes extra-pénales dont il assure la sanction (pas d’autonomie).

B) L’esquisse d’une autonomie latente de la discipline pénale due à la spécificité de sa
sanction

« Elles ne règlent pas, à proprement parler, les rapports des hommes entre eux, mais ceux de chaque homme avec les lois qui veillent pour tous. »

  • Mais Portalis reconnaît une certaine spécificité au droit pénal et principalement à la sanction pénale, qui n’a pas le même objet ni la même fonction que la sanction civile ; il admet ici une certaine autonomie du droit pénal qui ne peut pas toujours se référer au texte extra-pénal pour son efficacité.
  • Cependant, une fois cette spécificité admise, il ne s’agit pas de louer une quelconque autonomie du droit pénal qui serait délétère pour le principe de légalité (= la garantie de la liberté), d’autant plus que le phénomène apparaît aujourd’hui en reflux.

Cours 15 : La consommation de l’infraction

Cliquer ici pour revenir au sommaire de ce cours complet de droit pénal général (L2).

La consommation de l’infraction suppose la réunion de tous ses éléments constitutifs.

En théorie, une infraction n’est punissable qu’à partir du moment où son existence légale peut être constatée.
Le principe de légalité commande au juge d’établir que l’infraction satisfait à toutes les exigences du textes prévoyant les sanctions.

Ponctuellement, l’assimilation de l’infraction tentée à l’infraction consommée permet d’étendre le champ de la répression.

Il y a infraction tentée lorsque le comportement réalisé ressemble au comportement incriminé, mais ne coïncide pas totalement avec lui.
Idée : L’intention de commettre l’infraction est déjà certaine, mais en pratique cette intention n’a pu provoquer tous ses effets.
L’infraction n’est pas consommée soit parce que son processus d’exécution n’est pas arrivé à son terme, soit parce que même en arrivant à son terme, il n’a pas produit le résultat attendu.

§1. La diversité des tentatives

D’anciens criminologues prétendaient qu’il existerait un chemin du crime (iter criminis).
Ils montraient qu’entre le moment où un individu conçoit l’idée d’une infraction et le moment où l’infraction est effectivement réalisée, le processus infractionnel passe par plusieurs phases.

La simple conception de l’idée de commettre une infraction n’est pas punissable.
La simple décision arrêtée de commettre une infraction n’est pas davantage punissable.

Les renseignements, achats d’armes… constituent l’acte préparatoire à l’infraction → pas punissable en principe.

Le passage à l’acte suppose un commencement d’exécution.
Mais entre le commencement d’exécution et l’infraction consommée, un temps plus ou moins long peut s’écrouler.

Pour les infractions matérielles, il ne suffit pas que le processus soit arrivé à son terme, il faut apporter la preuve de l’obtention du résultat par le législateur.
Cependant, au cours de cette période (= avant la consommation de l’infraction), une tentative peut être sanctionnée. Cette tentative correspondra à l’exécution interrompue de l’infraction ou à une exécution infructueuse.

A – L’exécution interrompue

L’exécution interrompue est la forme de tentative la plus clairement envisagée :
Article 121-5 du Code pénal :
”La tentative est constituée dès lors que, manifestée par un commencement d’exécution, elle n’a été suspendue ou n’a manqué son effet qu’en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur.”

Idée : l’exécution commencée de l’infraction a été contrariée.
L’agent mérite d’être sanctionné parce qu’il avait la volonté d’aller au bout de son projet, et qu’il a déjà accompli des actes non équivoques parfaitement révélateurs de son intention coupable.

1) Le commencement d’exécution

Pour qu’il y ait tentative punissable, il faut que l’exécution de l’infraction ait commencé.

Les simples actes préparatoires sont trop équivoques pour permettre de conclure à une volonté certaine de commettre une infraction.

La jurisprudence retient que le commencement d’exécution suppose un acte devant avoir pour conséquence directe et immédiate de consommer l’infraction.

Exemple :
L’achat d’un poison n’est qu’un acte préparatoire.

Exceptionnellement, certains actes préparatoires sont incriminés et peuvent être sanctionnés indépendamment de leur suite.
Ils sont incriminés à titre autonome.
Exemple : projet d’attentat contre le Président de la République → rencontre des personnes sur les lieux du passage du PR, mais aucune tentative → poursuites pour association de malfaiteurs.

Cette incrimination peut être perçue comme attentatoire aux libertés individuelles, parce qu’elle intervient beaucoup trop tôt dans le chemin du crime.
Objectif : accorder à la police judiciaire tous les moyens pour interpeller les individus perçus comme dangereux sans attendre un passage à l’acte.

Pour que la tentative soit punissable, le commencement doit être établi, peu importe que l’infraction soit matérielle ou formelle.
Ce commencement n’est pas toujours facile à déterminer, parce que l’exécution de l’infraction peut durer dans le temps.

Le seuil à partir duquel le commencement d’exécution devient significatif est très variable en fonction des circonstances.
Les juges attachent parfois moins d’importance au degré d’accomplissement du projet qu’à la volonté exprimée de commettre l’infraction.
→ Dès qu’ils sont convaincus de la volonté coupable, les magistrats acceptent de sanctionner sous couvert de tentatives d’infraction des commencements d’exécution qui correspondent à des actes préparatoires.

Exemple :
Arrêt de la chambre criminelle de 1970 qui accepte de sanctionner pour tentative de vol à main armée des malfaiteurs placés en embuscade devant une banque avec des armes à l’arrière de leur véhicule.
Le commencement n’était pourtant pas établi : l’embuscade n’est qu’un acte préparatoire.

Cet excès de zèle est regrettable, parce qu’il peut être perçu comme contraire au principe de légalité (→ les faits n’ont pas pour conséquence directe la commission de l’infraction).
→ On sanctionne sur l’idée d’une infraction, alors qu’on ne doit sanctionner les idées que quand elles se matérialisent dans un acte.

2) L’interruption de l’exécution

Pour encourager les désistements, le droit pénal fait des faveurs si l’agent s’arrête de lui même.
Il distingue si l’interruption de l’exécution était volontaire ou involontaire.

Le projet doit avoir été mis en échec pour une raison qui est étrangère à l’agent.
Si l’exécution est interrompue contre la volonté de l’agent, la tentative est punissable qu’importe les circonstances qui l’ont poussé à arrêter l’infraction.
Exemple : si, au moment de commettre un vol, l’agent déclenche une alarme et prend la fuite, il n’a pas décidé volontairement d’arrêter.

Pour que la tentative soit punissable, il faut que la phase de l’exécution soit interrompue alors qu’elle témoignait déjà de la volonté certaine de l’agent d’aller au bout de son projet.
Idée : l’agent a été contrarié dans un projet d’ores et déjà certain.

L’exécution d’une infraction n’est pas punissable lorsqu’elle s’interrompt spontanément.
En cas d’interruption volontaire (= lorsque l’agent renonce de lui-même à l’infraction), le commencement d’exécution n’est pas punissable, car le caractère volontaire du désistement établit que l’intention de commettre l’infraction n’est pas irrévocable chez son auteur.

Idée : malgré le commencement d’exécution, il a fini par abandonner son projet.
La société n’a aucun intérêt à ce qu’un individu persiste dans un projet criminel en étant persuadé qu’il sera dans tous les cas sanctionné. Pour l’encourager, la loi garantit l’impunité s’ils le font spontanément.

En pratique, les magistrats sont assez hostiles à cette idée d’interruption volontaire.
Ils interprètent la notion strictement : une personne arrêtée pour tentative doit parvenir à convaincre les juges que son désistement relevait d’un choix personnel.
Pour que le désistement volontaire soit pris en compte, il faut qu’il soit crédible et qu’il intervienne à un moment utile (= avant que l’infraction ne soit complète).

Exemple : l’auteur de détournements de fonds publics qui renonce à la somme ne constitue pas un désistement volontaire susceptible de réduire la responsabilité pénale.
Il peut au mieux témoigner des regrets des auteurs des faits.

B – La consommation manquée

On parle de consommation manquée lorsque l’agent a accompli tous les actes matériels constitutifs de l’infraction, sans produire le résultat incriminé par le législateur.
L’infraction n’est pas totalement consommée, parce que l’objet poursuivi n’a pas été atteint.

1) L’infraction manquée

Lorsque, malgré tous ses efforts, l’agent n’a pas réussi à produire tous les effets attendus, sa volonté coupable ne fait aucun doute.

Cette tentative ne se conçoit qu’à l’égard des infractions matérielles (= dont la consommation suppose la preuve des résultats obtenus).

Si un comportement incriminé n’a pas produit le résultat, l’auteur des actes n’échappe pas à la sanction.
La tentative est punissable car l’auteur n’a pas lui-même fait échec au résultat.

2) Comportements connexes

On distingue :

  1. L’infraction manquée : malgré l’accomplissement de tous les actes d’exécution, le résultat escompté n’a pas été obtenu.
    → Le résultat aurait pu être atteint.
  1. L’infraction impossible : dès lors que l’agent a eu le comportement incriminé + que l’absence de résultat est étrangère à son volonté, on considère que la société doit pouvoir l’incriminer et lui infliger une sanction – même s’il n’a pas troublé l’ordre public.
    Exemple : la Cour de cassation a admis que le fait de porter des coups mortels à une personne morte peut constituer une tentative de meurtre.
  1. L’infraction putative : infraction qui n’existe que dans la tête de son auteur ; l’agent pense commettre une infraction, mais il ne tombe pas objectivement sous le coup de la loi pénale.
    Exemple : un individu qui se marie alors qu’il n’est pas encore divorcé commet le délit de bigamie ; mais si sa 1ère épouse a divorcé sans qu’il ne le sache, il n’est pas bigame.

§2. Le régime de la tentative

A – Domaine de la tentative

L’infraction tentée est punie comme l’infraction consommée.
Pour le droit français, à partir du moment où la tentative était punissable, la volonté coupable est la même : une sanction maximale s’impose.

B – Sanction de la tentative

  • La tentative de crime est toujours punissable ;
  • La tentative de délit n’est punissable qu’à partir du moment où le texte d’incrimination le prévoit ;
  • La tentative d’infraction de police (= contravention) n’est jamais punissable : le législateur considère que ces infractions ne sont pas assez graves pour sanctionner leur tentative.

Cours 14 : L’intention

Cliquer ici pour revenir au sommaire de ce cours complet de droit pénal général (L2).

L’intention est l’exigence morale de droit commun.
Elle est requise pour tous les crimes et pour les délits dès lors qu’une faute n’est pas spécialement exigée.

Par défaut, un comportement est donc intentionnel.
Cette banalisation conduit nécessairement à un affaiblissement du caractère distinctif de l’intention.
Il en va d’autant plus que l’intention – comme la faute d’ailleurs – ne constitue pas une réalité psychologique qui peut être envisagée de manière autonome.

L’intention requise pour caractériser un crime (et un délit dès lors que la loi n’en dispose pas autrement) doit résulter d’indices factuels permettant de l’apprécier de manière objective.
Cette intention là présente nécessairement un caractère générique.

L’intention ainsi envisagée – cette intention désincarnée – est spécialement qualifiée de dol en droit pénal.
Le caractère abstrait de l’intention devrait empêcher d’admettre qu’elle soit susceptible de degré ; néanmoins, la doctrine oppose parfois à un dol général (synonyme d’intention) au dol particulier (c’est-à-dire des intentions particulières).

§ 1. Le dol général

En matière de dol général (= d’intention pénale), il existe un décalage très net entre l’analyse doctrinale et la réalité du droit positif.
Ce décalage tient au fait que la doctrine s’efforce d’analyser l’intention en soit, pour elle-même, comme une donnée psychologique, certes exprimée dans un acte, mais extérieur à celui-ci.

Or les magistrats refusent de procéder de la sorte.
Lorsque l’imputabilité d’un acte à son auteur n’est pas contestée, les magistrats se désintéressent de la personne pour n’envisager que l’acte et apprécier à partir d’éléments objectifs (= matériels) s’il révèle ou non une intention.
Les magistrats procèdent ainsi essentiellement par voie d’indices et de présomptions ; ils ignorent l’état d’esprit de l’agent au moment des faits pour se demander simplement si les faits dont ils sont saisis témoignent de si l’agent a agi intentionnellement ou pas.

Néanmoins, le rappel des propositions doctrinales s’impose, pour identifier ce que devrait être l’intention par opposition à la faute.
Nous verrons ensuite que, dans la pratique judiciaire, l’intention perd l’essentiel de ses caractères distinctifs et se distingue donc assez mal de la faute.

A – Les théories de l’intention

L’article 121-3 alinéa 1 du Code pénal emploie le terme “intention” sans pour autant le définir :

“Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre.”

Lorsqu’ensuite le même Code fait à nouveau référence, dans sa partie spéciale, à l’intention, il utilise une terminologie incertaine, puisqu’il lui arrive de parler de “fraude”, de “mauvaise foi”, “d’actes accomplis volontairement, sciemment ou en connaissance de cause”…

Pour tenter d’éclairer tout ça, on peut définir l’intention comme le désir, chez l’agent, de réaliser un comportement susceptible de recevoir une qualification pénale.

Ce désir doit être précisé : faut-il l’envisager au seul plan matériel, ou comprend-t-il également une dimension juridique ?
Autrement dit, l’agent devait-il seulement désirer se conduire comme il l’a fait, ou l’agent doit-il s’être comporté comme l’a fait avec le désir de se conformer aux prévisions d’un texte d’incrimination qu’il connaissait préalablement ?
Les débats doctrinaux résument cette question en opposant le désir d’action au désir de conformation.

1) Le désir d’action

Des auteurs de la fin du 19ème et du début du 20ème siècle définissaient le dol général (= l’intention) comme la conscience de mal faire et la volonté d’agir quand même.
Une telle définition confondait imputabilité et intention.

Elle n’est plus acceptable aujourd’hui ; en effet, s’assurer de l’intelligence et de la volonté de l’auteur des faits constitue désormais un préalable à l’examen de la responsabilité pénale.
Lorsque la question de l’intention est abordée dans un second temps, il n’est pas nécessairement acquis que la personne poursuivie comprenait son acte et a voulu agir comme elle l’a fait.
→ L’intention suppose donc plus que la conscience + la volonté : ce sont là des conditions de l’imputabilité et non de la responsabilité pénale.

Pour établir l’intention, il faut démontrer comment ces aptitudes (l’intelligence et la volonté) ont été mises en œuvre par l’agent.
L’intelligence doit avoir servi à éclairer la situation concrète dans laquelle s’est trouvé l’agent ; autrement dit, l’intelligence doit s’être transformée en connaissance.

Mais cela ne peut pas suffire : cette connaissance doit s’être accompagnée d’un usage particulier de la volonté : une véritable adhésion à l’acte → le désir de mal agir.
Exemple : le vol ne peut pas résulter du seul constat qu’un individu doué d’intelligence et de volonté s’est emparé de la chose détenue par autrui → il faut démontrer en plus que cet individu a agi dans le but de s’approprier cette chose sur laquelle il savait ne détenir aucun droit.

L’analyse doctrinale ne s’est pas arrêtée là : elle a conduit certains auteurs à s’intéresser également sur le point de savoir si le désir d’action devait se doubler d’un désir de conformation (= de la volonté d’agir comme le prévoit un texte d’incrimination en s’exposant aux peines qu’il fulmine) :

2) Le désir de conformation

Pour Garçon, grand pénaliste du début du 20ème siècle, le dol général impliquait la volonté de commettre le délit tel qu’il est déterminé par la loi : “le dol général implique la conscience chez le coupable d’enfreindre les prohibitions légales”.
Autrement dit : l’auteur des faits doit savoir que son acte correspond à une infraction et l’avoir accompli quand même.
→ Vision très restrictive de l’intention.

Or, la preuve de la conscience de violer la loi à l’occasion de la commission d’une infraction est extrêmement difficile à établir.
C’est aussi inutile, puisque d’une manière générale, dans le système juridique français, la connaissance de la loi est présumée. En effet, le principe de légalité est interprété comme non seulement permettant mais aussi obligeant les citoyens à se renseigner.

En l’état, que reste-t-il de l’infraction ? À priori seulement le désir d’action, même si ce désir d’action ne semble pas véritablement démontré par les magistrats :

B – La réalité de l’intention

On pourrait s’attendre à ce que le juge démontre que l’action accomplie révèle une tension psychologique particulière animant l’agent, mais en pratique une telle preuve est très rarement rapportée.
La Cour de cassation se contente d’affirmations en la matière : elle ne censure les décisions de fond qu’à partir du moment où elles contiennent, sur la question de l’intention, des motifs contradictoires.

Le plus souvent, le juge se contente donc d’affirmer l’existence de l’intention coupable, sans la démontrer.
Une démonstration ne s’impose qu’à l’égard des comportements matériellement ambigus, qui doivent alors être précisés par une référence expresse à l’intention.

Dans la majeure partie des cas, le dol général est ainsi devenu une exigence transparente.
Il donne rarement lieu à une preuve directe : il se déduit de la double imputation à la fois objective et subjective des faits.

Une telle exigence n’est pas devenue inutile, mais elle ne joue pas exactement le rôle auquel on pouvait s’attendre au départ.
Elle est à l’origine d’une présomption de mauvaise foi que la personne poursuivie doit pouvoir combattre en démontrant qu’elle s’est trompée, de sorte qu’elle n’a pas voulu mal agir.

1) L’intention déduite des faits

Le juge pénal, contrairement à la doctrine, n’a jamais cherché à donner un contenu positif au dol.
Il s’enforme dans une logique purement répressive et abaisse ainsi le degré d’intention jusqu’à priver cette notion de toute spécificité.

Aujourd’hui, malgré tous les efforts de la doctrine pour les distinguer, “imputabilité” et “dol général” se superposent.
La résolution criminelle à l’origine de l’acte (= la volonté de mal faire, le désir d’action) ne donne plus lieu à aucune vérification.

Dans tous les cas, que le fait incriminé soit un acte positif ou une abstention, les magistrats parviennent à déduire l’intention du fait en question.

Pourtant, la doctrine doute parfois de la légitimité d’une telle méthode. Elle soutient que l’abstention ne peut rien révéler de l’état d’esprit de l’agent.

Pour les magistrats, cela revient à jouer sur les mots, car si l’agent n’a pas fait ce qu’il devait faire, il a fait autre chose que défendait la loi pénale.
Dès lors que la loi n’impose pas de vérifier une faute, les magistrats considéreront que le fait imputable à son auteur a nécessairement été accompli intentionnellement, parce que c’est l’explication la plus vraisemblable.

Exemple :
Notre belle-mère baigne dans une mare de sang au milieu du salon et elle a un couteau planté en plein cœur.
Sur la poignée du couteau figure nos empreintes ; sur nos mains figure de son sang.
Il n’est pas établi que nous ayons agi en état de démence.

Pour les magistrats, il n’y a aucun doute que, sur la base de ces éléments factuels, nous avons voulu tuer notre belle-mère : c’est l’explication la plus vraisemblable.
Les magistrats déduisent de la matérialité des faits la preuve de notre volonté homicide, mais à aucun moment ils n’ont établi notre intention de tuer ni notre désir d’action.

→ Ils estiment que les faits suffisent à rendre vraisemblable l’intention coupable dans de telles circonstances, dès qu’on ne peut pas se prévaloir d’une clause de non-imputabilité.

Une telle extrapolation est-elle légitime ?
Les conditions d’imputabilité d’un fait ne rendent pas nécessairement vraisemblable son caractère intentionnel.
Lorsqu’ils raisonnent de la sorte, les magistrats n’établissent pas une culpabilité véritable, mais se contentent d’appliquer une sanction pour faire respecter une discipline sociale et assurer l’indemnisation des victimes.

Risque : sanctionner, sous couvert d’intention, de simples négligences ou imprudences, dès lors qu’elles ne tombent pas sous le coup d’un texte spécifique qui imposerait de les envisager spécialement comme telles.

Si on reprend l’exemple : peut-être qu’on travaillait dans la cuisine avec un couteau, qu’on a glissé sur le chat et qu’on est tombé sur la belle-mère.
En pratique, il est possible que la présomption d’intention déduite des faits nous conduise à répondre d’un meurtre (→ une infraction intentionnelle) alors qu’on a été simplement imprudent ou négligent.

→ Extension du champ de la répression à des actes qui ne sont pas concrètement intentionnels, mais procèdent de simples fautes d’imprudence ou de négligence (notamment lorsque l’infraction est reprochée à un professionnel).

Un tel mode de raisonnement est donc excessif.
En réalité, il faut convenir que l’intention est quasiment impossible à démontrer concrètement : il est très difficile pour le juge, qui analyse des faits plusieurs mois – voire plusieurs années – après qu’ils se sont produits, de dire quel était l’état d’esprit de l’auteur, pour savoir s’il a eu le désir d’action que requiert la loi dans une hypothèse déterminée.
Le juge n’a donc pas le choix que de procéder par voie de présomption.

→ Présomption de mauvaise foi qui dispense d’avoir à démontrer l’intention.

Cette évolution ne rend pas le concept de dol général inutile, parce que même s’il est confondu avec l’exigence d’imputabilité, l’erreur permet de détruire le dol général, alors qu’elle n’empêche pas d’imputer un fait à son auteur :

2) L’erreur contredisant l’intention apparente

De l’accomplissement des faits découle donc une présomption de mauvaise foi ; grâce à cette présomption, l’intention coupable est tenue pour vraisemblable.

Mais une telle technique de preuve n’est légitime que si la possibilité d’administrer une preuve contraire reste ouverte à la personne poursuivie.

Le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’homme s’entendent sur ce point : ils admettent les présomptions de mauvaise foi (malgré le respect de la présomption d’innocence…) dès lors qu’elles peuvent être combattues par la preuve contraire.

La Cour de cassation juge qu’un tel raisonnement de la part des juges du fond n’est pas contraire à l’article 9 de la DDHC ni à l’article 6 paragraphe 2 de la Convention EDH (→ droit au respect de la présomption d’innocence).

En théorie, pour se défendre, on peut donc rapporter la preuve de sa bonne foi, en renversant la présomption de mauvaise foi découlant des faits susceptible de faire obstacle à la constitution de l’infraction.
En pratique, il est rare qu’une telle présomption de mauvaise foi puisse être efficacement débattue ; on trouve néanmoins quelques exemples de relaxe dans des occasions où les magistrats ont admis que l’acte reproché pouvait s’expliquer autrement que par une présomption de mauvaise foi.

  • Par exemple :

    Un chirurgien est poursuivi pour violences volontaires après avoir pratiqué une intervention non urgence dans l’intérêt de sa patiente, semble-t-il contre l’avis de celle-ci.
    Celle-ci se fait opérer pour une crise d’appendicite ; le chirurgien décide de lui ligaturer les trompes, parce qu’au vu de son âge il ne serait pas bon qu’elle ait un 9ème enfant.
    Avant de le faire, il pose la question à sa patiente, qui n’a sans doute pas vraiment compris la question et formule une réponse que le médecin interprète comme un accord.

    A priori, le délit est constitué :
    > acte positif qui a pour résultat de porter atteinte à l’intégrité physique ou psychique d’autrui ;
    > acte accompli par un individu auquel il est nécessairement imputable (médecin majeur, ni dément ni contraint) ;
    > les faits semblent démontrer l’intention de leur auteur.

    Ce médecin est parvenu à démontrer devant les juges qu’il avait posé la question à la patiente → est parvenu à combattre la présomption de mauvaise foi qui s’imposait à lui.
    Il s’est avéré de bonne foi, parce qu’il n’a pas voulu mal faire et a commis une erreur.

Il n’est donc pas simple de combattre la présomption d’intention fondée sur les faits : il faut être capable de démontrer de manière crédible que les faits s’expliquent autrement.
L’erreur de fait est rarement admise parce qu’elle est rarement crédible.

L’erreur de fait invoquée en défense par celui qui tente de combattre la présomption de mauvaise foi doit, pour être exonératoire, être substantielle.

Le caractère substantiel de l’erreur de fait a pu être admise contre une femme qui était poursuivie pénalement pour outrage envers une personne chargée d’une mission de service public après avoir traité un huissier de “patate”.
Elle a réussi à établir qu’au moment où elle a agi, elle ignorait la qualité d’huissier de la personne outragée et qu’elle ne pouvait donc pas avoir voulu porter atteinte à sa dignité.

En revanche, 2 types d’erreurs de fait sont considérées comme indifférentes, parce qu’accessoires :

  1. L’aberratio ictus = l’erreur sur l’objet de l’infraction, qui ne détruit pas la présomption de mauvaise foi parce qu’elle ne change rien au fait que l’agent a bien voulu agir de manière illégale.

    Exemple : lorsqu’un voleur, à l’occasion d’un cambriolage, vole une copie et non l’original même du tableau qu’il était venu chercher.
    Il s’est trompé sur la chose objet du vol, mais les magistrats considèrent que le voleur a quand même voulu voler.

  1. L’erreur personae = l’erreur sur la personne de la victime.

    Exemple : poursuites pour meurtre contre un individu qui avait cisaillé les câbles de frein du véhicule habituellement utilisé par le mari de sa maîtresse ; c’est sa maîtresse qui a pris le véhicule et qui est morte.
    Les magistrats ont répondu que cette erreur n’était qu’une erreur accessoire.

Toutes les erreurs, à supposer que la preuve puisse en être rapportée, ne peuvent pas donc être invoquées pour combattre la présomption de mauvaise foi : seules les erreurs qui portent sur le résultat redouté par l’incrimination sont admises.

Le dol général est donc une notion qui s’évince des faits et qui peut être très difficilement contestée.

§ 2. Les autres dols

La doctrine a ajouté à ce dol général d’autres dols, qui laissent entendre qu’il pourrait exister des degrés dans l’intention, comme il existe des degrés dans la faute.

Ces autres dols correspondent à des formes particulières que peuvent prendre l’intention.
En pratique, ils sont d’appréciation délicate, car la motivation de l’auteur des faits est rarement extériorisée = elle est rarement exprimée de manière suffisante pour qu’on puisse distinguer ces autres dol du dol général déduit des faits donc présumé.

Ces autres dols sont eux aussi le plus souvent établis par voie de présomption, au risque de livrer les individus à l’arbitraire du juge.

A – Le dol spécial

Comme le dol général, le dol spécial est une pure construction doctrinale et reste donc empreint d’une certaine relativité (→ il n’y a pas d’arrêt qui parle de “dol spécial”).

Parmi les nombreuses approches qui sont proposées de ce dol, la principale laisse entendre que l’on rencontre un dol spécial lorsqu’un texte incrimine, au sein d’un genre, un comportement particulier.
Le dol requis serait alors restreint, puisque limité par l’objectif poursuivi au titre de cette incrimination spécifique.

À la différence du dol général, le dol spécial ne pourrait pas se déduire de l’élément matériel de l’infraction.
Il servirait au contraire à éclairer l’élément matériel, en introduisant une exigence supplémentaire qui limiterait ainsi le champ de la répression.

Exemple du dol spécial : l’incrimination des actes de terrorisme.
L’article 421-1 du Code pénal précise que “constituent des actes de terrorisme un certain nombre d’infractions de droit communs réalisées intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur”.
→ Les actes de terrorisme ne se définiraient ainsi pas simplement de manière objective, comprendraient un élément subjectif.

Le dol spécial correspondrait donc à une volonté tendue vers un résultat extérieur à l’incrimination et ne peut donc pas se déduire de la matérialité des faits.

On peut aussi se demander si un tel dol spécial n’invite pas à une réflexion plus large qui en modifie la compréhension :

La distinction dol général // dol spécial coïncide avec une autre distinction : infractions matérielles // infractions formelles.

Si, à l’égard des infractions matérielles, le dol spécial est nécessairement inclus dans le dol général, de sorte que cette notion ne présente aucun intérêt, à l’égard des infractions formelles, le dol spécial se distingue et s’ajoute au dol général.

Il faut alors prouver que le comportement incriminé a été spécialement accompli dans le but d’atteindre le résultat prévu, même si la preuve de l’obtention du résultat n’est pas nécessaire à la consommation de l’infraction.
Dans une telle hypothèse, on conçoit que le dol général (= la conscience et la volonté d’accomplir l’acte qui va se produire) se double d’un dol spécial (= la volonté de produire le résultat lui-même).

Lorsque l’infraction est formelle, ce dol spécial ne peut pas être déduit des faits.
La preuve d’un dol spécial serait ainsi requise en matière d’empoisonnement, qui est une infraction formelle → n’implique de démontrer qu’un comportement qui doit pouvoir entraîner la mort d’autrui.
Si la preuve de l’obtention de ce résultat redouté n’a pas besoin d’être rapportée, la volonté de l’agent doit tout de même être tendue vers la production de ce résultat.

À l’égard de ces infractions formelles, un dol spécial s’ajoute effectivement au dol général.
À l’égard des infractions matérielles, les 2 notions coïncident.

Ce dol spécial doit être distingué des mobiles (= les raisons concrètes qui poussent un individu à agir : curiosité, avarice, conviction politique ou religieuse…), qui eux ne dépendent pas nécessairement du résultat redouté.
Les motivations de l’auteur de l’acte ne sont pas inhérentes à l’acte lui-même → elles ne peuvent pas être déduites de la matérialité des faits.

Cela n’a que peu d’importance, puisque la théorie générale de l’infraction tend à enseigner que les mobiles ne jouent aucun rôle en droit pénal : peu importe les raisons pour lesquelles un individu a agi comme il l’a fait, seul compte le point de savoir si l’on peut légitimement penser qu’il a agi intentionnellement et, si oui, s’il a recherché le résultat redouté au titre de l’incrimination de son comportement.

Exceptions : parfois, le législateur prend exceptionnellement en compte des mobiles (ex : une pratique discriminatoire n’est punissable que si elle a été effectivement motivée par une caractéristique personnelle de la victime).

Les policiers sont convaincus qu’il est essentiel d’identifier le mobile parce qu’il exprime une intention coupable, mais il n’y a rien de plus faux ni de plus dangereux : les mobiles sont incertains et difficiles à identifier, et ils ne relèvent pas forcément d’une intention coupable → ils peuvent simplement témoigner d’une imprudence ou d’une négligence.

Exemple : un raciste qui donne un coup.
Imaginons qu’un homme soit raciste et nous donne un coup.
On aura la faiblesse de penser qu’il a agi intentionnellement et que donc son mobile raciste exprime sa volonté de nous faire mal exprès.
Sauf qu’en l’espèce, il n’y a rien de plus faux : c’est vrai, il est raciste, mais son racisme va s’exprimer par le mépris et l’ignorance dans laquelle il nous tient, parce qu’il n’a pas fait attention à nous.
→ Imprudence ou négligence, et absolument pas une intention de porter atteinte à l’intégrité physique ou psychique.

Le mobile n’est donc en aucun cas révélateur du dol spécial ni du dol général.

À retenir :
Ponctuellement, lorsque l’infraction est formelle, il peut être utile d’identifier, au-delà d’un dol général (= la volonté du comportement), un dol spécial (= la volonté d’atteindre le résultat redouté par le législateur lorsqu’il a incriminé ce comportement), même si la preuve de l’obtention de ce résultat n’est pas nécessaire à la consommation de l’infraction formelle en question.

B – Les autres dols

Les autres dols évoqués par la doctrine n’intéressent que la catégorie des infractions matérielles.
Ils sont donc appréciés par rapport aux résultats effectivement produits par le comportement incriminé.
Ils ne se conçoivent pas en l’absence d’un tel résultat.

En principe, le dol requis par ces infractions matérielles est un dol déterminé → l’autorité de poursuite doit pouvoir démontrer que l’agent a agi ou s’est abstenu d’agir afin de provoquer le résultat normalement redouté au titre de son comportement.

Exemple : si l’on commet un vol, on a conscience de s’emparer d’une chose dont on n’est pas propriétaire – les magistrats n’hésiteront pas à en déduire la preuve qu’on a voulu s’approprier frauduleusement une chose qui appartient à autrui, mais il arrive que tout en recherchant un résultat déterminé l’agent ne soit pas en mesure d’en évaluer par avance toutes les conséquences.

Lorsque le dol est dépassé, il devrait s’ensuivre la relaxe ou l’acquittement de l’agent, car on ne peut alors pas démontrer qu’il a voulu produire le résultat redouté au titre de l’incrimination.

Exceptionnellement, toutefois, le législateur renonce à faire produire cet effet au dol dépassé, au motif qu’un dol indéterminé peut être suffisant pour caractériser l’infraction – notamment en matière de violences volontaires.
Dans cette hypothèse, il n’est pas possible à l’agent de déterminer par avance quel va être le résultat de son acte.

Le dol dépassé exclut donc le dol général et empêche de caractériser l’intention, sauf lorsqu’un dol indéterminé est admis, qui permet au juge d’établir une intention générique.

Aucune de ces notions n’a été consacrée par la jurisprudence, ce sont simplement des clés d’interprétation doctrinale.
En tout cas, lorsque l’élément moral de l’infraction peut être démontré, les conditions de la responsabilité pénale semblent réunies.
Il ne reste plus au juge saisi d’un fait imputable qui apparaît fautif ou intentionnel qu’à vérifier si ce fait correspond à une infraction totalement consommée ou tentée, puis ensuite d’établir le mode de participation de l’agent (voir leçons suivantes).