Section 1 : Les sources de la procédure pénale

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I – Les sources nationales

A – La compétence prioritaire du législateur

La compétence du législateur est directement tirée de l’article 34 de la Constitution, qui souligne très clairement que la procédure pénale relève intégralement du domaine de la loi.
(intégralement puisqu’il le souligne expressément)

Le Conseil constitutionnel a précisé que, même en procédure pénale, le gouvernement conserve le pouvoir d’édicter les mesures d’application nécessaires à la mise en œuvre de la loi.

Cela peut avoir beaucoup d’importance.
Exemple avec la garde à vue, qui est une mesure privative de liberté et qui est parfois soumise à un enregistrement audiovisuel : la loi fixe les hypothèses et les conditions de ces enregistrements audiovisuels, mais c’est le pouvoir règlementaire qui se charge de préciser tout un certain nombre de détails.
L’article 64-1 du Code de procédure pénale prévoit que le pouvoir règlementaire se charge de préciser les conditions de stockage de l’enregistrement et de réguler la question des copies.
Le droit applicable à l’enregistrement est donc à l’intersection des dispositions législatives et règlementaires.

Parfois, c’est même encore + essentiel.
Par exemple, toujours en matière de garde à vue, on s’assure que la personne ne détient aucun objet dangereux pour elle-même ou pour autrui ou qui est interdit.
Une partie des mesures de sûreté sont fixées par un arrêté ministériel → là encore, on est du côté du pouvoir exécutif.

Le Code de procédure pénale s’en fait l’écho.
Il a été fabriqué en 1958 et entré en vigueur en 1959.
Il comporte une grosse partie législative, puis des normes qui émanent du pouvoir exécutif.
Ce Code de procédure pénale fait suite au Code d’instruction criminelle, qui datait de la période napoléonienne.

Toute la procédure pénale ne s’y trouve pas.
Par exemple, le Code de justice pénale des mineurs est un code spécifique, dans lequel toutes les règles applicables aux mineurs ont été réunies.

Parfois, il arrive que le pouvoir exécutif (notamment le ministre de la Justice, aussi appelé garde des Sceaux ou Chancellerie) émette des circulaires.
Elles sont très souvent liées à des droits qui viennent d’être adoptés et ont pour but d’exposer les dispositions de ces droits (souvent d’une manière très pédagogique / claire / détaillée).

En principe, ces circulaires sont simplement censées exposer les dispositions de la loi.
Mais parfois, il arrive à certaines de ces circulaires d’ajouter des choses aux prévisions du législateur.

Exemple : circulaire du 19 décembre 2014 concernant la loi du 27 mai 2014 portant sur l’audition libre (petite sœur de la garde à vue).
C’est une mesure qui vise à auditionner une personne sans privation de liberté.
Lors de cette audition libre, un certain nombre de droits sont donnés à la personne.

La circulaire a voulu étendre le champ d’application de certaines dispositions : « Bien que l’article 61-1 du CPP ne le précise pas expressément… ».

Normalement, ces circulaires ne s’imposent qu’aux magistrats du parquet (= les magistrats chargés de l’accusation = ministère public) et elles ne présentent pas de caractère obligatoire à l’égard des magistrats du siège.

Cependant, l’influence de ces circulaires est assez sensible sur les juges du fond.
On constate que la chambre criminelle de la Cour de cassation suit les circulaires quand elle a envie de les suivre et ne les suit pas lorsque ça ne correspond pas à la politique jurisprudentielle qu’elle veut suivre.

B – Les sources constitutionnelles

En droit pénal général, ni la Constitution ni les autres textes du bloc du constitutionnalité ne contiennent de texte incriminateur qui prévoirait des infractions ou des règles précises sur le contenu du droit pénal.

En procédure pénale, c’est différent : l’article 66 de la Constitution de 1958 énonce que :

“Nul ne peut être arbitrairement détenu.
L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi.”

Autre texte extrêmement important : la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 contient beaucoup de dispositions qui touchent soit directement soit indirectement à la procédure pénale.

Directement :

  • L’article 7 affirme que “Nul ne peut être accusé, arrêté ou détenu que dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu’elle a prescrites”.
    → Principe de légalité criminelle.
  • L’article 9 est la base de la présomption d’innocence.

Indirectement :

  • L’article 1er pose le principe d’égalité, notamment devant la justice pénale.
  • L’article 6 affirme que la loi doit être la même pour tous, “soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse”.
  • L’article 16 affirme que “toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée n’a point de Constitution”.

Ces normes constitutionnelles jouent un rôle fondamental auprès du Conseil constitutionnel, qui s’intéresse à la Constitution, mais aussi à la DDHC et aux PFRLR.

Le Conseil constitutionnel dispose de plusieurs solutions :

  • La déclaration de conformité ;
  • La déclaration d’inconstitutionnalité ;
    2 options :

    1. Effet immédiat ;
    1. Modulation dans le temps.
      → Permet d’éviter une déstabilisation.
  • La réserve d’interprétation (→ la loi est constitutionnelle sous réserve qu’elle soit interprétée de la manière indiquée par le Conseil constitutionnel).

Toutes ces différentes formes que peuvent prendre les décisions du Conseil constitutionnel sont d’une grande importance en procédure pénale.

De même, la QPC a une grande importance en procédure pénale, puisqu’elle entraîne des modifications importantes de l’ordre juridique.

  • Statistiques sur la QPC

    Source : QPC 2020 : Les statistiques du Conseil constitutionnel.

    Du 1er mars 2010 jusqu’en 2020, 249 décisions QPC ont été rendues, avec :
    > 129 décisions de conformité (51%) ;
    > 92 décisions de non conformité ;
    > 28 décisions avec des réserves d’interprétation.

    Ces décisions ont principalement été rendues en droit fiscal (22%) et en droit pénal (21%).

Remarque : le Conseil d’État et la Cour de cassation jouent un rôle de filtre en matière de QPC.
Il arrive à la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans ses visa, de viser expressément une norme constitutionnelle.
Cela n’est pas logique, puisqu’elle n’est pas juge de la constitutionnalité, mais ça ne l’empêche pas d’asseoir sa solution sur la norme constitutionnelle.

Parfois, elle fait aussi référence à des principes constitutionnels tels que dégagés dans des décisions du Conseil constitutionnel.
Exemple : un arrêt rendu par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation le 24 novembre 1989 vise l’article 66 de la Constitution.
Exemple : Crim., 30 mai 2018 :
À propos de la motivation des peines contraventionnelles : « en application des principes constitutionnels dégagés par le Conseil constitutionnel ».

→ Le juge judiciaire n’est pas juge de la constitutionnalité des lois, mais ça n’empêche pas des références et des dialogues.

II – Les sources internationales

Dans les sources internationales de la procédure pénale, on distingue 2 directions :

  1. D’un côté, il y a des instruments de coopération entre États.
    On parle d’entraide répressive internationale.
    Ils ont pour objectif d’améliorer l’efficacité du droit pénal. Si le droit pénal est un arme, ici on l’aiguise.
  1. De l’autre, il y a des instruments de protection des droits de l’homme ou des droits et libertés fondamentales.
    Ici, c’est l’inverse : l’aspect répressif du droit pénal est contenu, comme si l’épée du droit pénal venait buter sur une norme internationale.
    → Mise en place de standards de la justice répressive.

A – L’entraide répressive internationale : la coopération interétatique

Parfois, la procédure pénale bute sur des éléments d’extranéité, par exemple lorsque les participants à une infraction sont de nationalités différentes.
Dans un souci d’efficacité, les États optent pour une coopération.

Du côté du Conseil de l’Europe, il existe la convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959.

Le mandat d’arrêt européen a été institué par une décision-cadre du 13 juin 2002.
Cette règlementation a été transposée en France par la loi du 25 mars 2003.
Objectif : essayer de faciliter la remise des personnes suspectées ou recherchées d’un État membre à un autre.

La procédure normale est la procédure d’extradition, mais elle suppose une convention d’extradition entre l’État requérant et l’État requis.
Ça passe par la voie diplomatique et le ministre des Affaires étrangères ; c’est une procédure longue, conditionnée et incertaine.
Le mandat, quant à lui, n’est pas conditionné de la même façon : il passe d’autorité judiciaire à autorité judiciaire → plus rapide + bien moins incertain.

2 principes :

  1. Le principe de reconnaissance mutuelle ;
    Il est fondé sur :
  1. Le principe de confiance mutuelle.

Il y a une reconnaissance mutuelle des jugements adoptés par les autres pays, notamment en matière pénale.
Les pays de l’Union européenne acceptent de reconnaître, d’appliquer et d’exécuter mutuellement les jugements adoptés par les autres États.

La confiance mutuelle est fondée sur le fait que tous les États de l’UE partageraient un socle de valeurs communes.

Cependant, dans quelle mesure la répression est-elle harmonisée ?
Le principe est la proximité des législations, mais certains pays connaissent certaines formes de criminalité plus particulièrement prononcées.
Exemple : en Italie, la législation anti-mafieuse est très développée et se veut être particulièrement efficace.

💡
À retenir : les principes essentiels de la confiance mutuelle et de la reconnaissance des décisions de justice.

La décision d’enquête européenne est issue d’une directive du 3 avril 2014, qui a été rendue possible par le traité de Lisbonne (entré en vigueur le 1er décembre 2009).
Plusieurs États peuvent ainsi s’associer pour mener une enquête en commun (récolter des preuves + interpeller les suspects).
Objectif : efficacité renforcée.
C’est un instrument moderne et récent, qui a intégré des références aux droits fondamentaux.

B – Le respect des standards de justice : protection des droits et libertés fondamentaux

Dans un même texte, on peut avoir des aspects offensifs (qui renforcent l’efficacité du droit pénal) et des aspects « défensifs » (qui prévoient certaines garanties).

1) La Déclaration universelle des droits de l’homme

La Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH, 1948) n’a pas de force obligatoire : elle est l’expression d’idéaux à atteindre.
Ses articles 8 à 11 sont en lien avec la procédure pénale.
Elle n’est pas essentielle, mais elle a inspiré d’autres instruments de protection des droits de l’homme comme le Pacte international sur les droits civils et politiques :

2) Le PIDCP

Le Pacte international sur les droits civils et politiques (PIDCP, 1966) est directement applicable devant les tribunaux français.
Il crée le Comité des droits de l’homme, qui est un organe de contrôle à l’ONU qui rend des constatations.

3) La CESDH

La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CESDH, 1950) a été signée en 1950 et est entrée en vigueur en 1953.

Son article 6, long et dense, porte sur le nécessaire respect du droit à un procès équitable.

La CEDH rend des arrêts, mais les juridictions internes elles-mêmes doivent tenir compte du texte de la Convention, parce qu’elle est directement applicable devant les juridiction internes.
Les juridictions françaises doivent tenir compte du texte de la Convention, mais aussi de son interprétation par la CEDH.

Cour de cassation (Assemblée plénière), 4 avril 2011 :
Dans 4 arrêts rendus à propos de la garde à vue, la Cour de cassation énonce dans un attendu de principe : « les États adhérents à cette convention sont tenus de respecter les décisions de la CEDH sans attendre d’être attaqués devant elle ni d’avoir modifié leur législation« .
Elle insiste sur le fait qu’on peut avoir des normes internes qui sont inconventionnelles parce que contraires au texte ou à la jurisprudence.
Cela permet d’harmoniser les droits en matière de procédure pénale.

La loi du 15 juin 2000 sur la présomption d’innocence a créé une procédure de réexamen qui permet le réexamen d’une décision pénale définitive en France en cas de condamnation de la France par la CEDH.
Cette procédure est prévue par les articles 622-1 et suivants du Code de procédure pénale.
Le réexamen peut être demandé dans un délai d’1 an après la décision.

Par exemple, si la CEDH dit qu’il y a eu un non respect de la vie privée, on va pouvoir rouvrir la procédure, mais ça ne signifie pas que la personne sera déclarée non coupable.
On réexamine juste l’affaire en tenant compte des détails de l’argumentation de la Cour qui a conclu à une violation de la convention.

4) Le droit de l’Union européenne

Le traité de Lisbonne place les droits fondamentaux au sommet de la hiérarchie européenne.

L’article 82 paragraphe 2b du TFUE prévoit la possibilité d’établir des règles minimales par voie de directive.
Ces règles minimales peuvent concerner les droits des personnes dans la procédure pénale (exemples : droit à l’assistance d’un avocat, droit à l’interprétation et à la traduction…).

La CJUE rend parfois des arrêts qui intéressent la procédure pénale, lorsque celle-ci est affectée par le droit communautaire.
Exemple :
Les contrôles d’identité sont prévus par l’article 78-2 du Code de procédure pénale français.
Dans une décision du 22 juin 2010, la CJUE a regardé cette législation et en a conclu que cela n’allait pas, parce que ça revenait à établir un contrôle aux frontières.
L’alinéa critiqué a ensuite été réécrit par le législateur.
→ La CJUE touche indirectement au droit pénal français.

Par ailleurs, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne a force contraignante depuis le 1er décembre 2009.

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