Section 3 : Les acteurs principaux de la procédure pénale

Cliquer ici pour revenir au sommaire de ce cours complet de procédure pénale (L2).

Il est ici question des acteurs et des organes de la procédure pénale.
Il ne s’agit pas d’étudier les parties au procès pénal, mais les personnes qui assurent le fonctionnement du procès pénal = les personnes qui sont légalement investies des fonctions d’enquête, de poursuite et de jugement.

Ce cours n’étudiera pas les organes policiers (tout est dans le Code de procédure pénale).

La notion de police est polysémique.
Aujourd’hui, en droit pénal, la police est l’ensemble des organes et des institutions de la force publique qui sont chargés de prévenir les atteintes à l’ordre public, d’empêcher que des infractions soient commises, de constater ces infractions lorsqu’elles sont commises, et d’en rechercher leurs auteurs.

Il convient de faire une distinction entre police administrative et judiciaire.
La police administrative est une police d’ordre, qui se concentre sur la prévention des infractions. Par sa présence, voire ses injonctions et actions, elle est censée faire respecter les normes pénales.

La police judiciaire est une police d’investigation, qui intervient lorsque l’ordre public a été troublé. Son objectif est de rechercher les auteurs, rassembler les preuves… en bref : tout mettre en œuvre pour que des poursuites puissent être engagées si besoin.

La police administrative relève du droit administratif et de la compétence des juridictions administratives.

Malgré cette distinction, une partie du personnel est commun.
De plus, parfois on ne change pas d’uniforme, on change simplement de cadre d’intervention. Certains actes, tels que les contrôles d’identité peuvent servir les 2 finalités.

I – Les organes de poursuite : le ministère public

La mission essentielle du ministère public figure à l’article 31 du Code de procédure pénale :

“Le ministère public exerce l’action publique et requiert l’application de la loi, dans le respect du principe d’impartialité auquel il est tenu.”

Le ministère public dirige l’enquête de la police judiciaire avant de rendre une décision sur les poursuites.
Il représente la société au cours du procès.
Il est censé assurer l’exécution des condamnations prononcées.
Il sert d’interlocuteur / d’interface entre les institutions : il est en relation constante avec les administrations de l’État, avec les élus locaux.
Il apporte un point de vue judiciaire, technique… sur des questions d’intérêt général.
Il s’enquiert des politiques publiques de prévention de la délinquance, en partenariat avec les villes.
C’est lui qui s’adresse aux médias, par le biais de conférences de presse / de communiqués / de déclarations.

La naissance du ministère public remonte au 14ème siècle.
Au départ, il avait pour mission de défendre les intérêts du roi devant les juridictions ; il devient ensuite permanent et est chargé de défendre les intérêts généraux de l’État (dont le roi est l’incarnation).
→ Le ministère public est historiquement lié à l’exécutif.

A – L’organisation du ministère public

L’article 32 du Code de procédure pénale prévoit que le ministère public est représenté auprès de chaque juridiction répressive.

Pour les juridictions de droit commun :

Tribunal de police Procureur de la République ou commissaire de police
Tribunal correctionnel Procureur de la République ou ses substituts
Cour d’appel Procureur général + avocats généraux + substitut général
Cour de cassation 1 procureur général + 2 premiers avocats généraux + plusieurs autres avocats généraux

Pour les juridictions du 2nd degré, la Cour de cassation et la cour d’assises, le parquet est dit “général”.

B – Les attributions du ministère public

1) Pendant l’enquête

L’article 41 du Code de procédure pénale prévoit que le procureur de la République procède (ou fait procéder) à tous les actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions pénales.
Ma plupart du temps, il les fait effectuer par des OPJ.

L’article 39-3 énonce que le procureur peut adresser des instructions aux enquêteurs.
Il contrôle :
> la légalité des moyens mis en œuvre par ceux-ci ;
> la proportionnalité des actes d’investigation ;
> l’orientation donnée à l’enquête et la qualité de cette enquête.
→ Il dirige l’enquête.

Il est aussi précisé que le procureur veille :

  • À ce que les investigations tendant à la manifestation de la vérité ;
  • À ce que l’enquête soit accomplie à charge et à décharge.
    À charge et à décharge : le but de l’enquête, c’est de récolter autant des éléments de preuve qui peuvent établir la participation de tel ou tel suspect aux faits sur lesquels on enquête, mais également les éléments de preuve qui pourraient exclure la participation de tel ou tel suspect aux faits sur lesquels on enquête.
    Tout ça dans le respect des droits de la victime, du plaignant et du suspect !

Le procureur de la République est aussi en charge du contrôle des mesures de garde à vue (article 41 al 3 du Code de procédure pénale).
Il visite les locaux de garde à vue et il adresse des rapports à ses supérieurs sur les mesures de garde à vue et l’état des locaux de garde à vue.
Ces rapports sont transmis au garde des Sceaux.

2) Au stade des poursuites

En vertu de l’article 40-1 du CPP, le ministère public a 3 possibilités :

  1. Ne pas poursuivre ;
  1. Poursuivre, ce qui signifie qu’il va y avoir une procédure pénale stricto sensu ;
  1. Recourir à une mesure alternative aux poursuites.

Quand il ne poursuit pas, l’action publique n’est pas déclenchée → il ne se passe rien du tout.
On appelle ça un classement sans suite.

Si le ministère engage des poursuites, il engage l’action publique.

Il existe une 3ème possibilité : l’action publique n’est pas déclenchée, il n’y pas de poursuites, mais il y a tout de même une réaction de la société.
Exemple : médiation pénale entre la victime et l’auteur de l’infraction.

Cette liberté de choix est appelée l’opportunité des poursuites.
C’est en vertu de l’opportunité des poursuites que le ministère public peut classer sans suite, déclencher les poursuites, ou choisir une alternative.

⚠️
Attention à ne pas confondre les poursuites avec les alternatives aux poursuites !
Certaines poursuites sont des poursuites accélérées ou simplifiées.
Exemple : la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC).

3) Devant les juridictions de jugement

Le procureur de la République incarne et soutient l’accusation tout au long des débats.
Il présente des réquisitions au nom de la société française en indiquant si l’infraction est constituée selon lui + en proposant une peine qui est adaptée aux circonstances de l’infraction et à la personnalité de l’accusé.

Le juge n’est pas obligé de suivre ces réquisitions.

Il peut ne rien requérir s’il estime que l’infraction n’est pas constituée ou que l’accusé n’est pas coupable.

En cas de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), il a un rôle différent : le procureur de la République propose une peine à la personne, qui peut accepter ou refuser, de préférence avec l’accord de son avocat.
Si la peine est refusée, on retourne dans le circuit normal.
Si la peine est acceptée, un accord est passé et le juge du siège homologue ou refuser d’homologuer cet accord passé entre le ministère public et le prévenu. Il n’a pas le pouvoir de moduler les conditions de l’accord.

4) Au stade de l’exécution des décisions de justice

En vertu de l’article 32 du Code de procédure pénale, le ministère public assure l’exécution des décisions de justice.

💡 Les articles 708 et 709 disposent que l’exécution a lieu lorsque la décision est définitive et que le ministère public, en la personne du procureur de la République, peut requérir la force publique pour assurer cette exécution.

Est-ce que l’exécution des peines fonctionne bien ?
Non, pas vraiment.
Le taux de peines non effectuées est assez important.
Les juridictions pénales peuvent aussi donner des amendes, mais le nombre d’amendes non recouvertes est très important.

Chiffres qui datent des années 2010 : il y avait alors 127 000 peines de prisons fermes non exécutées, dont 30 000 parce qu’on recherchait l’auteur de l’infraction, 20 000 parce que la peine n’avait pas été signifiée au condamné qui ne s’est pas présenté au procès, et 82 000 parce qu’il n’y avait pas de place en prison.

II – Les organes de justice : les juridictions répressives

A – La phase de mise en état

La phase de mise en état a pour but de mettre les affaires pénales en état d’être jugées.
Ça peut être une double phase :
> la phase policière = l’enquête ;
> la phase judiciaire (n’intervient pas nécessairement) = l’instruction (aussi appelée l’information).

Dans tous les cas, le juge des libertés et de la détention (JLD) intervient au stade de l’enquête et de l’instruction.
Le juge d’instruction n’intervient lui que pendant l’instruction.

Dans les juridictions du second degré, on appelle ça la chambre de l’instruction (auparavant “chambre d’accusation”).

1) Les juridictions du premier degré

a) Le juge d’instruction

L’instruction, en matière pénale, est une clarification préalable au jugement car nécessaire au jugement.

Un auteur souligne qu’on parle “d’instruire un dossier” comme si on renseignait une collection d’écrits / de procès-verbaux qui racontent une histoire.
D’ailleurs, un synonyme de l’instruction est l’information judiciaire.

Le juge d’instruction recueille des informations → il instruit un dossier qui renseignera les personnes qui auront à le juger.

Il a un double visage : c’est un enquêteur + c’est un juge.
C’est un enquêteur, parce que c’est lui qui dirige le travail de la police judiciaire.
L’article 81 du Code de procédure pénale rappelle que le juge d’instruction procède conformément à la loi à tous les actes d’information qu’il juge utiles à la manifestation de la vérité. Il précise qu’il instruit à charge et à décharge.

Il est un enquêteur, mais il est aussi un juge → il doit être impartial et désintéressé (juger, c’est mettre à distance).

Les 2 sont-ils compatibles ? Peut-on « oublier son travail d’enquête pour assurer sa mission de juger » ?

L’article 50 du Code de procédure pénale illustre 2 problématiques :

  1. Juge unique ou collégialité ? (un seul juge d’instruction ou plusieurs sur une même affaire ?)
    Depuis ~15 ans, on a voulu favoriser le travail en équipe, en particulier dans des affaires graves et complexes ; mais problème : on manque de juges d’instruction.
  1. Spécialisation de certains juges d’instruction ?
    On parle de pôles d’instruction ; ex : pôle économique et financier ; ex : pôle “crimes contre l’humanité”.

b) Le juge des libertés et de la détention (JLD)

C’est un juge relativement récent : il a été créé par la loi du 15 juin 2000.
Il est doté d’attributions au stade de l’enquête + au stade de l’instruction.

Au stade de l’enquête policière, en temps réel, c’est le seul magistrat du siège qui intervient.

Il est là pour s’assurer que les droits et libertés du suspect sont respectés.
Son autorisation est nécessaire pour certains actes d’enquête.

Par exemple, la garde à vue : c’est le procureur de la République qui s’occupe de l’autorisation (magistrat du parquet), mais s’il veut la prolonger au-delà de 48 heures, il a besoin de l’accord du juge des libertés et de la détention.

Au cours de l’instruction, il est chargé de la plupart des questions relatives à la détention provisoire.
En effet, c’est un sujet sensible en raison de la présomption d’innocence.

Originellement, le juge des libertés et de la détention était une prorogation de fonctions : un magistrat du siège qui avait d’autres fonctions (président, vice-président…) était désigné pour, à certains moments, exercer des fonctions de juge des libertés et de la détention.
Ce n’était pas une très bonne idée, parce que ces nouvelles attributions ont été créées à personnel constant.
Depuis le 1er septembre 2017, c’est une fonction spécialisée statutaire (= nommé spécifiquement par décret après avis conforme du CSM).

2) La juridiction du second degré : la chambre de l’instruction

L’article 191 du Code de procédure pénale prévoit que chaque cour d’appel comprend au moins 1 chambre de l’instruction.
C’est une chambre, il y a donc collégialité : 1 président de chambre, exclusivement attaché à ce service + 2 conseillers.

La chambre de l’instruction est compétente pour les requêtes en nullité d’actes ou de pièces de la procédure d’instruction.

B – La phase de jugement

1) Les juridictions du premier degré

a) Le tribunal de police

Le tribunal de police est compétent pour toutes les contraventions.
Il statue à juge unique.


b) Le tribunal correctionnel

Le tribunal correctionnel est compétent pour connaître des délits et des contraventions connexes.
Normalement, il est collégial (1 président + 2 juges), mais pour un grand nombre d’infractions il siège à juge unique.


c) La cour d’assises et la cour criminelle départementale

La cour d’assises est compétente pour juger les crimes passibles de + de 20 ans de réclusion criminelle.
C’est une juridiction départementale qui comprend à la fois des magistrats professionnels et des jurys.

Elle comporte 3 magistrats professionnels.
Les jurés, qui sont tirés au sort parmi les citoyens, constituent le jury : 6 en 1ère instance, 9 en appel.

La cour d’assises ne siège pas de manière permanente, mais par sessions. Une personne tirée au sort comme juré aura donc à connaître de plusieurs crimes.
Avant la réforme, il y avait 9 jurés en 1ère instance et 12 en appel.

Parfois, on souhaite protéger les citoyens, ou alors on se méfie de leur jugement : il y a des cours d’assises spéciales, notamment en matière terroriste, qui sont exclusivement composées de magistrats professionnels (1 président + 6 assesseurs).

À côté, il y a des cours criminelles départementales (au départ appelées « tribunaux criminels départementaux ») qui ont été mises en place en 2019 pour les crimes passibles de 15 à 20 ans de réclusion criminelle.
Il n’y a pas de jury populaire.

C’était une expérimentation qui devait durer 3 ans, avec des départements pilote.
Objectif : accélérer le jugement des affaires criminelles + éviter la correctionnalisation.

💡
La correctionnalisation désigne une tendance qui consister à maquiller les faits d’une infraction qui, juridiquement, devrait être qualifiée de crime (oublier des circonstances aggravantes, appréhender les faits d’une manière différente…) pour ne retenir qu’un délit afin d’éviter l’aléa judiciaire présumé lié à la présence d’un jury.

Finalement, ces tribunaux sont devenus les cours criminelles départementales et ont été généralisés par la loi du 22 septembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire.

Elles sont constituées de 5 magistrats, avec 1 président et 4 assesseurs.
Le président doit être soit un président d’assises, soit une personne spécialement formée.

Bilan après 2 ans :
Le contentieux de ces cours criminelles départementales concerne principalement les crimes sexuels.
Il y aurait un climat moins pesant que devant la cour d’assises, avec un bon respect de l’oralité et du contradictoire, des débats qui sont davantage centrés sur les aspects techniques et juridiques, moins d’aléas judiciaires, mais des inquiétudes quand au facteur temps.
Mais cela n’a pas produit d’effet sur la correctionnalisation.

3) Les juridictions du second degré

a) La chambre des appels correctionnels

La chambre des appels correctionnels est la formation pénale de la cour d’appel.
Elle connaît des appels formés contre les décisions du tribunal de police et du tribunal correctionnel.

En principe, elle siège en formation collégiale avec 3 magistrats.
Là encore, il existe des possibilités de statuer à juge unique en matière pénale.
Il est donc possible d’être jugé en 1ère et en 2ème instance par 1 juge unique.


b) La cour d’assises d’appel

La cour d’assises d’appel est relativement nouvelle.
Elle signifie la possibilité d’un appel en matière criminelle, ce qui n’existait pas avant la loi du 15 juin 2000 (jusqu’alors, on considérait que c’était la voix du peuple et que ce jugement était sans appel).

Cette loi a introduit la possibilité de faire appel des arrêts de condamnation.
La loi du 4 mars 2002 a ouvert ensuite la possibilité, pour le ministère public, de faire appel d’un arrêt d’acquittement.

Le schéma est original, avec un appel appelé circulaire : la cour d’assises qui intervient en appel est une autre cour d’assises, désignée par la chambre criminelle de la Cour de cassation.

Elle rejuge entièrement l’affaire et ne porte aucune appréciation sur la 1ère décision.
Elle est composée de 3 magistrats professionnels et 9 jurés (pour la cour d’assises spécialisée : 8 assesseurs au lieu de 6 assesseurs).

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *