Section 8 : L’action publique

Cliquer ici pour revenir au sommaire de ce cours complet de procédure pénale (L2).

I – L’autorité compétente : la situation discutée des magistrats du parquet

A – L’indépendance et l’impartialité du ministère public en question

1) Le statut du ministère public, obstacle à l’indépendance

a) Les traits et pouvoirs propres du ministère public

Les magistrats du ministère public appartiennent au même corps que les magistrats du siège.
Ils prêtent le même serment (article 6 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 : « Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat”).

Toutefois, ils disposent de 3 traits qui leur sont propres :

  1. Indivisibilité : chaque membre du parquet agit et parle au nom du parquet tout entier.
    L’acte qu’il accomplit a la même autorité et le même effet que s’il émanait du procureur en personne.

    Conséquence : au cours d’une même procédure, voire d’une même audience, les magistrats du parquet peuvent se remplacer et se succéder dans l’examen d’une même affaire, alors que les juges du siège ne le peuvent pas.

  1. Irresponsabilité : les magistrats du ministère public sont irresponsables.
    Il ne peuvent pas être condamnés aux dépens ou à payer des dommages-intérêts à une personne acquittée ou poursuivie à tort.
  1. Irrécusabilité : un membre du ministère public ne peut jamais être récusé en matière pénale.
    Ni la personne poursuivie ni la victime ne peuvent refuser de reconnaître sa compétence ou demander son remplacement.

Par ailleurs, ils ont une certaine liberté :

  • Le procureur de la République dispose de pouvoirs propres : l’exercice de l’action publique, prévue par l’article 31 du CPP.
    Personne ne peut se substituer à lui pour l’exercice de ce pouvoir, qui est une totale liberté.
  • Les magistrats du parquet disposent d’une liberté de parole pendant l’audience, comme le prévoit l’article 33 du CPP.
    Ils sont tenus de prendre des réquisitions conformes aux instructions qui leur sont données, mais ils développent librement les observations orales qu’ils croient convenables au bien de la justice.

b) Le principe hiérarchique et l’emprise du pouvoir exécutif

Le ministère public est indépendant vis-à-vis des juridictions d’instruction et de jugement : le président du tribunal ne peut pas lui donner d’ordres ni lui adresser des blâmes ou des injonctions.
Il est aussi indépendant vis-à-vis de la victime : une fois l’action publique en mouvement, le magistrat du ministère public est le seul maître de son exercice.

Les membres du ministère public font partie du corps judiciaire, mais ils sont hiérarchiquement soumis au garde des Sceaux.
La professeure Michèle-Laurat Rassat s’interroge : “peut-on servir 2 maîtres à la fois, la loi et le pouvoir exécutif ?”.

L’emprise du pouvoir exécutif se mesure au regard :

  • Des règles de nomination : le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) donne son avis, mais il ne lie pas le gouvernement ;
  • Des règles de sanction : le garde des Sceaux est compétent pour le parquet ; le CSM donne un avis généralement consultatif.

L’emprise du pouvoir exécutif se mesure aussi au regard du fonctionnement du ministère public.
En effet, il existe une double hiérarchie du parquet à l’égard du pouvoir exécutif + au sein même du parquet, “organisé comme une armée” avec une structure pyramidale.

L’article 30 du CPP prévoit déjà que “Le ministre de la Justice conduit la politique pénale déterminée par le Gouvernement. Il veille à la cohérence de son application sur le territoire de la République.”

À cette fin, il adresse aux magistrats du ministère public des instructions générales, qui sont des directives générales de politique pénale impersonnelles (pas forcément nationales).

Par contre, il ne peut leur adresser aucune instruction dans des affaires individuelles, depuis la loi du 25 juillet 2013 qui répond à certains scandales.

Article 35 du CPP : le procureur général exerce un pouvoir hiérarchique sur les procureurs de la République de son ressort.
Article 36 du CPP : il peut leur donner des instructions.

Enfin, le procureur de la République anime et coordonne lui-même la politique d’action publique sur son ressort.
Il répartit aussi les substituts.

Objectif de cette organisation pyramidale : assurer une certaine cohérence d’ensemble à l’exercice de l’action publique.
L’article 20 de la Constitution prévoit bien que “le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation”, dont la politique pénale fait partie.

2) Le cumul de fonctions, obstacle à l’impartialité

Rappel : l’impartialité est une situation de neutralité qui s’apprécie par rapport aux parties.

CEDH, 1er octobre 1982, Piersack contre Belgique :
Il y a 2 types d’impartialité :

  1. L’impartialité subjective :
    Il est question ici de déterminer ce que tel protagoniste du procès pense dans son for intérieur.
    On parle également d’impartialité personnelle.

    Exemple pour le juge : l’article 668 du CPP prévoit qu’un juge peut être récusé “si le juge ou son conjoint/partenaire/concubin sont parents ou alliés de l’une des parties”.

  1. L’impartialité objective :
    Il est question ici de déterminer si ce protagoniste du procès offre des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime.
    On parle également d’impartialité fonctionnelle.

    Exemple : l’article 49 alinéa 2 du CPP prévoit que le juge d’instruction ne peut, à peine de nullité, participer au jugement des affaires pénales dont il a connu en sa qualité de juge d’instruction.

Un membre du ministère public peut-il être considéré comme impartial dès lors qu’il peut, en amont, être chargé du contrôle de la légalité d’une détention concernant un suspect (exemple typique : garde à vue), puis, ensuite, être appelé à exercer des poursuites contre ce même suspect ?

Autrement dit : peut-il à la fois être le gardien de la légalité d’une mesure privative de liberté à laquelle est soumis le suspect et la personne qui décide du déclenchement de l’action publique contre ce même suspect ?

Le professeur Jacquelin souligne que “ses fonctions lors de l’enquête et ses fonctions à l’occasion des poursuites semblent radicalement incompatibles”.

B – Les réactions face à la situation ambiguë du ministère public

1) La position des juges

a) La Cour de cassation et la CEDH

La Cour de cassation et la CEDH ont toutes 2 condamné le manque d’indépendant et d’impartialité du ministère public.

Décisions à retenir :

Crim., 15 décembre 2010, n°10-83.674 :
”C’est à tort que la chambre de l’instruction a retenu que le ministère public est une autorité judiciaire au sens de l’article 5 § 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, alors qu’il ne présente pas les garanties d’indépendance et d’impartialité requises par ce texte et qu’il est partie poursuivante […]”.

CEDH, 29 mars 2010, Medvedyev et autres contre France
+
CEDH, 23 novembre 2010, Moulin contre France
+ CEDH, 27 juin 2013, Vassis contre France :
”Du fait de leur statut […], les membres du ministère public, en France, ne remplissent pas l’exigence d’indépendance à l’égard de l’exécutif qui, selon une jurisprudence constante, compte, au même titre que l’impartialité, parmi les garanties inhérentes à la notion autonome de magistrat au sens de l’article 5 § 3. Par ailleurs, la loi confie l’exercice de l’action publique au ministère public. Indivisible, le parquet est représenté auprès de chaque juridiction répressive de première instance et d’appel. Or les garanties d’indépendance à l’égard de l’exécutif et des parties excluent notamment qu’il puisse agir par la suite contre le requérant dans la procédure pénale”.


b) Le Conseil constitutionnel

Conseil constitutionnel, 30 juillet 2010, n°2010-14/22 (QPC) :
Le Conseil constitutionnel adopte une position bien différente, en déclarant de façon péremptoire que “l’autorité judiciaire comprend à la fois les magistrats du siège et du parquet”.

2) Les interventions normatives

a) Les réformes accomplies

Par la loi du 25 juillet 2013, le législateur a apporté certain correctifs sans changer fondamentalement la situation des membres du ministère public.

L’article 30 du CPP affirme désormais que “le ministre de la Justice ne peut leur adresser aucune instruction dans des affaires individuelles”.
Mais l’article 36 prévoit toujours qu’il “peut enjoindre aux procureurs de la République, par instructions écrites et versées au dossier de la procédure…” → il peut, par ce biais, tenter indirectement d’étouffer une affaire.


b) Les réformes attendues

Une réforme du statut constitutionnel du parquet concernant sa procédure de nomination et ses sanctions disciplinaires (avis conforme du CSM pour la nomination + CSM deviendrait le juge disciplinaire de tous les magistrats) a été adoptée par les députés puis sénateurs en 2013.
Cependant, ce projet de loi constitutionnel est aujourd’hui au point mort.

Une piste similaire a été explorée par le rapport de la commission Nadal de novembre 2013.

Ces propositions concernent la question de l’indépendance et non celle de l’impartialité.
Certains auteurs ont donc proposé :

  • De retirer au parquet le contrôle des mesures attentatoires aux libertés et de confier, par exemple, au JLD (= magistrat du siège) des responsabilités actuellement confiées au membres du ministère public, telles que le contrôle de la garde à vue ;
  • De retirer au parquet l’autorité qu’il détient actuellement sur la police judiciaire en vertu de l’article 41 du CPP.

II – La recevabilité de l’action publique

A – Les causes d’extinction de l’action publique

1) La prescription

a) Introduction : une institution dans la tourmente, une réforme récente

N° 3540 – Rapport de M. Alain Tourret sur la proposition de loi de MM. Alain Tourret et Georges Fenech portant réforme de la prescription en matière pénale (2931)
https://www.assemblee-nationale.fr/14/rapports/r3540.asp

Un rapport sénatorien indique que « les différents fondements de la prescription apparaissent ainsi ébranlés dans notre société, culturellement réticente à l’oubli”.

La matière a ainsi fait l’objet d’une complète refonte par la loi du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale, qui a remis en cause certains choix antérieurs au profit d’une plus grande durée d’exercice pour l’action publique.


b) Observations générales sur le fonctionnement du mécanisme

La prescription de l’action publique joue à l’égard de tous ceux qui ont participé à l’infraction.
En effet, le bénéfice de la prescription n’est pas personnel à l’auteur principal, mais s’étend à l’infraction elle-même et profite donc à l’ensemble de ses auteurs, coauteurs ou complices qui peuvent se prévaloir de la même exception.

La prescription, mode d’extinction de l’action publique, est fondée sur des raisons d’intérêt général et à ce titre, constitue une exception péremptoire et d’ordre public.
Cela a deux conséquences :

  1. Le délinquant ne peut pas y renoncer ; le moyen tiré de la prescription de l’action publique doit être relevé d’office par le juge.
    Il appartient au ministère public d’établir que l’infraction n’est pas éteinte par la prescription et donc de déterminer la date de l’infraction permettant de fixer le point de départ du délai de prescription.
  1. Le moyen tiré de l’exception de prescription peut être opposé en tout état de cause à tout stade du procès et notamment peut être invoqué pour la première fois en appel ou devant la Cour de cassation.

c) Les délais

Pour les crimes, il y a 5 règles distinctes :

  1. Le droit commun :
    Article 7 du Code de procédure pénale : l’action publique des crimes se prescrit par vingt années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise.
  1. L’action publique de certains crimes se prescrit par trente années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise.
    Exemples : terrorisme, pratiques eugéniques, trafic de stupéfiants…
  1. L’action publique de certains autres crimes, lorsqu’ils sont commis sur des mineurs, se prescrit par trente années révolues à compter de la majorité de ces derniers.
    Exemples : meurtre, actes de torture et de barbarie, traite des êtres humains… commis sur des mineurs.
  1. S’il s’agit d’un viol, en cas de commission sur un autre mineur par la même personne, avant l’expiration de ce délai, d’un nouveau viol, d’une agression sexuelle ou d’une atteinte sexuelle, le délai de prescription de ce viol est prolongé, le cas échéant, jusqu’à la date de prescription de la nouvelle infraction.
  1. L’action publique des crimes mentionnés aux articles 211-1 à 212-3 du CPP est imprescriptible.
    Crimes contre l’humanité, génocide.

Pour les délits, il y a 6 règles distinctes :

  1. Le droit commun :
    Article 8 du Code de procédure pénale : l’action publique des délits se prescrit par six années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise.
  1. L’action publique de certains délits, lorsqu’ils sont commis sur des mineurs, se prescrit par dix années révolues à compter de la majorité de ces derniers.
    Exemples : délit de proxénétisme à l’égard d’un mineur, délit de recours à la prostitution d’un mineur…
  1. L’action publique de certains délits, lorsqu’ils sont commis sur des mineurs, se prescrit par vingt années révolues à compter de la majorité de ces derniers.
    Exemple : agressions sexuelles autres que le viol sur un mineur.
  1. S’il s’agit d’une agression sexuelle ou d’une atteinte sexuelle commise sur un mineur, en cas de commission sur un autre mineur par la même personne, avant l’expiration des délais prévus aux deuxième et troisième alinéas du présent article, d’une agression sexuelle ou d’une atteinte sexuelle, le délai de prescription de la première infraction est prolongé, le cas échéant, jusqu’à la date de prescription de la nouvelle infraction.
  1. L’action publique d’un certain délit (1 des hypothèses d’entrave à la saisine de la justice ; voir procès du cardinal Barbarin) se prescrit, lorsque le défaut d’information concerne une agression ou un atteinte sexuelle commise sur un mineur, par dix années révolues à compter de la majorité de la victime et, lorsque le défaut d’information concerne un viol commis sur un mineur, par vingt années révolues à compter de la majorité de la victime.
  1. L’action publique de certains délits se prescrivent par vingt années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise.
    Exemples : infractions relatives aux matières et aux armes nucléaires, actes de terrorisme…

Pour les contraventions :
Article 9 du Code de procédure pénale :
“L’action publique des contraventions se prescrit par une année révolue à compter du jour où l’infraction a été commise”.

Attention : pour certaines infractions, des textes spéciaux ont fixé des délais de prescription plus courts.
Exemple : en matière de presse, les infractions prévues par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse se prescrivent en principe après un délai de trois mois, à compter du jour où elles auront été commises ou du jour du dernier acte d’instruction ou de poursuite s’il en a été fait.


d) Les points de départ

Principe : le point de départ de la prescription est placé au jour de la commission de l’infraction.

Mais il y a des règles particulières :

  • Article 9-1 : le délai de prescription de l’action publique des crimes et délits mentionnés à l’article 706-47 du présent code et aux articles 222-10 et 222-12 du code pénal, lorsqu’ils sont commis sur un mineur, court à compter de la majorité de ce dernier.
    Exemple : violences sur un mineur.
  • Le délai de prescription de l’action publique du crime prévu à l’article 214-2 (→ crime de clonage reproductif), lorsqu’il a conduit à la naissance d’un enfant, court à compter de la majorité de ce dernier.
  • Le délai de prescription de l’action publique de l’infraction occulte ou dissimulée court à compter du jour où l’infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique, sans toutefois que le délai de prescription puisse excéder douze années révolues pour les délits et trente années révolues pour les crimes à compter du jour où l’infraction a été commise.

    Une infraction occulte est une infraction qui, en raison de ses éléments constitutifs, ne peut être connue ni de la victime ni de l’autorité judiciaire. La clandestinité est ici liée à la nature, à la qualification abstraite de l’infraction.

    Exemple : en matière d’abus de confiance, la jurisprudence fixe le point de départ du délai de prescription au moment où l’on peut constater le détournement ou la dissipation que le coupable avait jusqu’alors réussi à dissimuler par ses manœuvres ou son attitude dilatoire.

    Une infraction dissimulée est une infraction dont l’auteur accomplit délibérément toute manœuvre caractérisée tendant à en empêcher la découverte.

    Exemple : en matière d’abus de biens sociaux, la prescription court à compter de la présentation des comptes annuels par lesquels les dépenses litigieuses sont mises indûment à la charge de la société, sauf dissimulation !

    Exemple récent : Crim., 12 avril 2022, n°21-83.696 :
    Une société est poursuivie du chef d’abandon et de dépôt illégal de déchets dangereux.
    Les juges relèvent que le dépôt de déchets avait un caractère occulte.

    Crim., 5 octobre 2022, n°21-82.339 :
    Le délit dissimulé s’entend de l’infraction pour laquelle le prévenu a eu recours à une manœuvre caractérisée destinée à camoufler l’infraction.
    → Il n’y a dissimulation qu’en cas d’action positive du prévenu.


    e) La prorogation à la faveur des causes d’interruption

    Article 9-2 du Code de procédure pénale :

    “Le délai de prescription de l’action publique est interrompu par :

    1. Tout acte, émanant du ministère public ou de la partie civile, tendant à la mise en mouvement de l’action publique ;
    1. Tout acte d’enquête émanant du ministère public, tout procès-verbal dressé par un officier de police judiciaire ou un agent habilité exerçant des pouvoirs de police judiciaire tendant effectivement à la recherche et à la poursuite des auteurs d’une infraction ;
    1. Tout acte d’instruction […] tendant effectivement à la recherche et à la poursuite des auteurs d’une infraction ;
    1. Tout jugement ou arrêt, même non définitif, s’il n’est pas entaché de nullité.”

3 précisions supplémentaires :

  1. Tout acte, jugement au arrêt mentionné par l’article 9-2 fait courir un délai de prescription d’une durée égale au délai initial.
  1. Cet article est applicable aux infractions connexes ainsi qu’aux auteurs ou complices non visés par l’un de ces mêmes acte, jugement ou arrêt.
  1. Le délai de prescription d’un viol, d’une agression sexuelle ou d’une atteinte sexuelle commis sur un mineur est interrompu par l’un des actes ou l’une des décisions mentionnés par l’article 9-2 intervenus dans une procédure dans laquelle est reprochée à la même personne une de ces mêmes infractions commises sur un autre mineur.

Ces termes sont interprétés largement par la jurisprudence.
D’une manière générale, c’est l’objet de l’acte qui est pris en considération et non l’organe qui l’a réalisé.

L’interruption de la prescription de l’action publique a pour effet d’anéantir tout le temps déjà écoulé avant sa survenance et de faire courir un nouveau délai.


f) La prorogation à la faveur des causes de suspension

Article 9-3 du Code de procédure pénale :
”Tout obstacle de droit, prévu par la loi, ou tout obstacle de fait insurmontable et assimilable à la force majeure, qui rend impossible la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique, suspend la prescription”.

Contrairement à l’interruption, la suspension de la prescription de l’action publique ne fait qu’arrêter le cours de la prescription.

Les obstacles de droit sont prévus par la loi.
Par exemple, la prescription de l’action publique est suspendue lors de la mise en œuvre par le procureur de la République d’une alternative aux poursuites.

Les obstacles de fait empêchent matériellement l’exercice de l’action publique.
Exemple : l’invasion du territoire par l’ennemi (Crim., 1 août 1919).

2) Les autres causes d’extinction

L’article 6 du Code de procédure pénale affirme que :

  • “L’action publique pour l’application de la peine s’éteint par la mort du prévenu, la prescription, l’amnistie, l’abrogation de la loi pénale et la chose jugée.”
  • “Elle peut, en outre, s’éteindre par transaction lorsque la loi en dispose expressément ou par l’exécution d’une composition pénale ; il en est de même en cas de retrait de plainte, lorsque celle-ci est une condition nécessaire de la poursuite”.
  1. Le décès / la dissolution :
    • Pour les personnes physiques :
      Article 121-1 du Code pénal : “nul n’est pénalement responsable que de son propre fait”.
      Le décès de la personne poursuivie éteint donc l’action publique.

      CEDH, 12 avril 2012, Lagardère contre France :
      ”Il existe une règle fondamentale du droit pénal, selon laquelle la responsabilité pénale ne survit pas à l’auteur de l’acte délictueux. […] Hériter de la culpabilité du défunt n’est pas compatible avec les normes de la justice pénale dans une société régie par la prééminence du droit.”

      ⚠️ L’effet extinctif ne vaut que pour la personne décédée et ne s’étend pas aux complices ou coauteurs de l’infraction.

    • Pour les personnes morales :
      Il ne faut pas oublier que la personnalité juridique de la personne morale survit pendant la période de liquidation judiciaire.
  1. L’amnistie est une mesure prise par le législateur qui ôte rétroactivement à certains faits commis lors d’une période déterminée leur caractère délictueux.
  1. L’abrogation de la loi pénale :

    Aucune personne ne peut être poursuivie/condamnée du chef d’une infraction prévue par un texte à la date des faits mais qui aurait été abrogé après la commission des faits. C’est une application du principe de rétroactivité de la loi pénale de fond plus douce.

    Cette abrogation peut être l’œuvre du législateur mais également du Conseil constitutionnel qui, saisi d’une QPC, déciderait d’une abrogation à effet immédiat ou différé.

  1. La chose jugée :

    Il n’est pas possible de reprendre des poursuites contre une personne qui a déjà fait l’objet d’une décision sur le fond devenue définitive, en application du principe ne bis in idem + de l’article 4.1 du protocole additionnel n°4 à la Convention EDH.

  1. La transaction pénale est un accord entre une personne susceptible de faire l’objet de poursuites et une autorité légalement investie du droit d’engager ces poursuites.
  1. La composition pénale est prévue par l’article 41-2 du CPP.
    Elle peut être proposée “à une personne physique qui reconnaît avoir commis [les faits]” et consiste en des interdictions et obligations diverses.
  1. Le retrait de la plainte de la victime est en principe sans effet sur l’action publique ; mais, dans certaines hypothèses, la plainte est une condition préalable nécessaire à l’exercice de l’action publique.

B – Les cas de subordination de l’action publique

Les poursuites peuvent être subordonnées :

  • À une dénonciation officielle de l’État étranger, en cas d’infraction commise à l’étranger par un français ou sur un français ;
  • À l’avis préalable d’une autorité (par exemple : en matière boursière pour les délits d’initiés, le ministère public doit recueillir l’avis de l’AMF) ;
  • À une mise en demeure préalable (exemple : infractions à la règlementation en matière d’hygiène et de sécurité des travailleurs) ;
  • À une plainte préalable.
    Pour certaines infractions de faible gravité et qui ne portent atteinte qu’à des intérêts privés (injures, diffamations, atteintes à la vie privée), on exige une plainte préalable de la victime, à peine de nullité de l’action publique.

III – L’exercice de l’action publique

A – Le principe de l’opportunité des poursuites

1) L’information préalable du procureur de la République

Le procureur de la République peut être informé de la commission des infractions par les victimes, témoins, ou par toute personne qui en aurait appris l’existence. Il a l’obligation légale de recevoir les plaintes et dénonciations, d’apprécier la suite à leur donner et d’aviser l’auteur de la plainte de la suite qu’il lui a réservée.

Les fonctionnaires de police et militaires de la gendarmerie ont la même obligation de recevoir toutes les plaintes.

La dénonciation est aussi obligatoire pour toute personne ayant connaissance d’un crime dont il est possible de prévenir ou de limiter les effets ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés (Code pénal, article 434-1), sauf pour les bénéficiaires d’une immunité familiale et les personnes tenues au secret professionnel.

La principe source d’informations est cependant constituée par les enquêtes de la police judiciaire (placée sous la direction du procureur de la République → article 12 du CPP) qui a l’obligation de lui transmettre ses procès-verbaux (article 19 du CPP).

Presque tous les parquets ont aujourd’hui recours au traitement en temps réel des procédures (les OPJ rendent compte téléphoniquement au parquet de certaines infractions).

2) La mise en œuvre du principe

Le ministère public est chargé de mettre en mouvement et d’exercer l’action publique.
Il dispose de la liberté d’appréciation la plus large : c’est lui qui apprécie la suite à donner aux plaintes et dénonciations (article 40 du Code de procédure pénale).

Le principe d’opportunité des poursuites est une liberté, qui s’oppose au principe de la légalité des poursuites, en vigueur dans certains pays, qui oblige le ministère public à poursuivre dès qu’il a connaissance d’une infraction constituée.

Le ministère public a le droit de poursuite d’office, sans qu’un ordre, une dénonciation ni une plainte ne soient nécessaires.
Cette décision ne peut pas être critiquée.

À l’inverse, le ministère public a le droit, même lorsqu’il est saisi d’une plainte, de laisser celle-ci sans suite dès lors que les circonstances particulières liées à la commission des faits le justifient – même si le fait dénoncé comportait une qualification pénale !

En principe, le ministère public choisit librement le moyen par lequel il met en mouvement l’action publique, sauf lorsque la loi décide que le recours à l’information judiciaire est obligatoire.

B – Le classement sans suite

Le choix de ne pas poursuivre constitue une décision de classement sans suite.
C’est une décision purement administrative qui ne peut pas faire l’objet d’un recours juridictionnel.

Les motifs d’un classement sans suite sont divers :
> absence d’infraction ou infraction suffisamment caractérisée ;
> absence de préjudice, faible trouble à l’ordre public, comportement de la victime…

Le ministère public peut toujours revenir sur une décision de classement sans suite sans avoir à justifier de faits nouveaux jusqu’à l’expiration du délai de prescription, sauf si une cause d’extinction de l’action publique est survenue entre-temps.

Une décision de la classement sans suite ne peut pas faire échec à l’ouverture d’une information sur plainte avec constitution de partie civile.

Article 40-2 du CPP : le procureur de la République est tenu d’informer la victime en cas de classement sans suite, en indiquant les raisons juridiques ou d’opportunité qui justifient cette décision de classement sans suite.

La personne ayant dénoncé les faits dispose du droit de former contre cette décision de classement sans suite un recours devant le procureur général. Celui-ci peut :
> soit enjoindre au procureur de la République d’engager des poursuites ;
> soit, s’il estime le recours infondé, en informer l’intéressé (article 40-3 du CPP).
→ Consécration du recours hiérarchique auprès du procureur général près la cour d’appel, reconnu par la pratique.

La personne ayant dénoncé les faits peut aussi se constituer partie civile si le procureur de la République lui fait savoir qu’il n’engagera pas lui-même de poursuites.

C – Les mesures alternatives au poursuites

Rapidement, les parquets ont développé des modes de réponses pénales qui leur permettaient de soumettre leur classement sans suite au respect d’une condition qu’ils fixaient à la personne impliquée : avertissement, rappel à la loi, menaces de poursuites en cas de réitération de l’infraction, obligation de réparer le préjudice causé par l’infraction, médiation pénale, suivi de soins, et régularisation d’une situation constitutive d’une infraction, …

Le législateur, par la loi du 23 juin 1999 renforçant l’efficacité de la procédure pénale, a tenté de régir ces solutions alternatives + ajouté la possibilité de la composition pénale.

Les mesures alternatives aux poursuites peuvent être mises en œuvre par le procureur de la République quelle que soit l’infraction commise, que l’auteur de celle-ci soit majeur ou mineur.
La mesure doit être susceptible d’assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l’infraction, ou de contribuer au reclassement de l’auteur des faits.

En principe, le recours aux mesures alternatives aux poursuites est réservé aux faits de faible gravité qui ne justifient ni l’engagement de poursuites ni le recours à une composition pénale.

(article 41-1 du CPP)

En particulier :

  1. La médiation n’est possible qu’à la demande ou avec l’accord de la victime.
    Elle consiste en un accord entre l’auteur des faits et la victime.
    → Les parties se substituent à la justice étatique.
  1. La composition pénale consiste à proposer à une personne majeure ou mineure qui reconnaît avoir commis un ou plusieurs délits punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans, d’exécuter des mesures qui auront pour conséquence d’éteindre l’action publique.

D – Les modalités d’engagement des poursuites

1) En matière correctionnelle et/ou contraventionnelle

a) Avertissement

Article 389 du CPP :
”L’avertissement, délivré par le ministère public, dispense de citation, s’il est suivi de la comparution volontaire de la personne à laquelle il est adressé.
Il indique le délit poursuivi et vise le texte de loi qui le réprime.”

Si le prévenu ne comparaît pas, le tribunal n’est pas saisi.


b) Citation directe

Article 390 du CPP :

La citation directe consiste à assigner directement l’auteur présumé des faits devant le tribunal correctionnel ou le tribunal de police.
Elle peut être utilisée lorsque le dossier est en état d’être jugé, pour tous les délits et pour toutes les contraventions, mais jamais pour les crimes.

La partie lésée dispose elle aussi du droit de citer directement devant le tribunal correctionnel ou le tribunal de police l’auteur d’une infraction qui lui a causé un préjudice.


c) Convocation par greffier, chef d’établissement pénitentiaire, officier ou agent de police judiciaire

Article 390-1 du CPP :

Ce moyen consiste, pour le procureur de la République, à faire convoquer devant la juridiction répressive l’auteur présumé en lui faisant notifier les faits reprochés par un officier ou agent de police judiciaire, un greffier ou un chef d’établissement pénitentiaire.

Elle vaut citation à personne : si le prévenu ne comparaît pas à l’audience, il sera jugé contradictoirement.


d) Ordonnance pénale

L’ordonnance pénale consiste, pour le procureur de la République, à communiquer directement le dossier de la procédure au président du tribunal avec ses réquisitions quant à la ou aux peines qui doivent être prononcées.

Le président statue sans débat préalable par une ordonnance portant relaxe ou condamnation à une amende ou à une ou plusieurs des peines complémentaires encourues.

L’ordonnance est ensuite transmise au ministère public qui doit la faire notifier au prévenu et à la partie civile qui disposent d’un délai de quarante-cinq jours pour former opposition.

Cette procédure n’est applicable qu’à certains délits, dont la liste complexe ne sera pas détaillée ici.


e) Comparution immédiate

Article 394 du CPP :

Le procureur de la République, après que la personne mise en cause lui a été présentée au parquet, lorsqu’il lui apparaît que les charges réunies sont suffisantes et que l’affaire est en état d’être jugée, peut :

  • soit inviter la personne à comparaître devant le tribunal dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours ou supérieur à deux mois ;
  • soit, s’il s’agit d’un délit réprimé d’une peine d’au moins 6 mois d’emprisonnement (délits flagrants) ou 2 ans d’emprisonnement (délits non flagrants), faire traduire l’intéressé devant le tribunal correctionnel suivant la procédure de comparution immédiate.

f) Comparution à délai différé

La loi du 23 mars 2019 a créé la comparution à délai différé au nouvel article 397-1-1 du CPP.

Dans les cas prévus à l’article 395, s’il existe contre la personne des charges suffisantes pour la faire comparaître devant le tribunal correctionnel, mais que l’affaire n’est pas en état d’être jugée selon la procédure de comparution immédiate parce que n’ont pas encore été obtenus les résultats de réquisitions, d’examens techniques ou médicaux déjà sollicités, le procureur de la République peut, si le prévenu est assisté par un avocat, le poursuivre devant le tribunal correctionnel selon cette procédure.

Le procureur présente le prévenu au JLD pour le placer sous contrôle judiciaire, en assignation à résidence sous surveillance électronique ou encore en détention provisoire.


g) Procédure de comparution sur reconnaissance préalable

La procédure de comparution sur reconnaissance préalable, instituée par la loi du 9 mars 2004 aux articles 495-7 à 495-16 du CPP, consiste pour le procureur de la République, pour les délits, à proposer à la personne déférée, convoquée ou citée qui reconnaît les faits qui lui sont reprochés d’exécuter 1 ou plusieurs des peines encourues.

La peine d’emprisonnement proposée ne peut pas être supérieure à la moitié de la peine encourue + ne peut pas être supérieure à 3 ans.
Le montant de la peine d’amende proposée ne peut pas être supérieur à celui de l’amende encourue.

Il est possible d’effectuer une convocation en justice du prévenu simultanément.

Cette procédure peut être mise en œuvre à l’issue :
> d’une enquête préliminaire ;
> d’une enquête de flagrance ;
> d’une information judiciaire.

La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité s’applique à tous les délits, sauf aux atteintes à l’intégrité des personnes + aux agressions sexuelles punies d’une peine d’emprisonnement supérieure à 5 ans.

Cette procédure n’est pas applicable :
> aux mineurs ;
> en matière de délits de presse ;
> en matière de délits d’homicide involontaire ;
> en matière de délits politiques ;
> en matière de délits dont la poursuite est prévue par une loi spéciale.

Les avocats Christophe Ingrain et Paul Mallet relèvent que cette procédure, initialement créée pour les “affaires simples et en état d’être jugées”, est désormais applicable à des délits complexes.

Article 495-8 du CPP : l’assistance d’un avocat est obligatoire tout au long de cette procédure.
”La personne ne peut renoncer à son droit d’être assistée par un avocat.”

Si la personne accepte, elle est présentée devant un juge du siège qui, après avoir vérifié la réalité des faits et leur qualification juridique, peut soit homologuer les peines proposées, soit refuser de les homologuer.

En cas d’homologation, l’ordonnance du juge vaut jugement de condamnation → elle est immédiatement exécutoire.
Respect du principe d’individualisation des peines.

Si la personne refuse la proposition de peine du procureur de la République ou si le président du tribunal ou son délégué refuse d’homologuer l’accord entre le parquet et le prévenu, le procureur peut :
> saisir la juridiction pénale ;
> requérir l’ouverture d’une information judiciaire.

Article 495-14 du CPP : ni le ministère public ni les parties ne peuvent faire état devant la juridiction d’instruction ou de jugement des déclarations faites ou des documents remis au cours de la procédure.

Il n’est pas possible de faire un recours contre l’ordonnance refus d’homologation des peines proposées par le procureur de la République dans le cadre d’une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (Conseil constitutionnel, 18 juin 2021, n°2021-918 QPC).

Crim., 17 mai 2022, n°21-86.131 :
Après un refus d’homologation, il n’est pas possible de mettre en œuvre une autre comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Au moment de sa création, cette procédure a été vivement critiquée par les professionnels du droit.
Dans les 1ères années, 90% des propositions étaient homologuées par les magistrats du siège → pour certains, ils n’étaient devenus qu’une “chambre d’enregistrement” (”secrétaires du Parquet”).

Raisons pour lesquelles le président du tribunal ou son délégué pourrait refuser d’homologuer l’accord intervenu entre le parquet et le prévenu :

  1. Article 495-9 du CPP : il doit vérifier la réalité des faits et leur qualification juridique ;
  1. Article 495-11 : l’ordonnance doit être motivée par les constatations :
    • que la personne, en présence de son avocat, reconnaît les faits qui lui sont reprochés et accepte la ou les peines proposées par le procureur de la République ;
    • + que cette ou ces peines sont justifiées au regard des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur.
  1. Article 495-11-1 (issu de la loi du 23 mars 2019, qui cherche à rééquilibrer la procédure) :
    ”Le président peut refuser l’homologation s’il estime que la nature des faits, la personnalité de l’intéressé, la situation de la victime ou les intérêts de la société justifient une audience correctionnelle ordinaire ou lorsque les déclarations de la victime entendue en application de l’article 495-13 apportent un éclairage nouveau sur les conditions dans lesquelles l’infraction a été commise ou sur la personnalité de son auteur”.

2) En matière correctionnelle ou criminelle : le réquisitoire introductif

L’action publique est mise en mouvement devant le juge d’instruction par le réquisitoire du procureur de la République ou par la constitution de partie civile.

L’instruction est obligatoire dans un certain nombre de cas : mise en cause d’un mineur de 18 ans, en matière de crime, lorsque l’action publique a été mise en mouvement par une constitution de partie civile…

Le réquisitoire introductif est l’acte par lequel le procureur de la République requiert le juge d’instruction d’informer sur un ou plusieurs faits susceptibles de constituer des infractions à la loi pénale ou exceptionnellement en vue de rechercher les causes d’un décès ou d’une disparition demeurées inconnues.

Le réquisitoire supplétif est l’acte par lequel le procureur de la République requiert, au cours de l’information et après avoir reçu communication du dossier, l’extension de cette information à des faits non visés au réquisitoire introductif.
Il produit les mêmes conséquences que le réquisitoire introductif.

On parle de réquisitoire définitif lorsque le procureur de la République estime que l’instruction est complète.

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