La constitutionnalisation de la parité en droit congolais : mésaventure juridique des mouvements féministes congolais et leçons à tirer de l’expérience française

Fiche proposée par Jean-Marcel ILUNGA KATAMBA – Président du Café juridique, association scientifique et culturelle des étudiants de la faculté de droit de l’université de Kinshasa en République démocratique du Congo ; jeune chercheur en droit international et science politique.


À toutes mes enseignantes, de l’école maternelle à l’université.

Voici un thème qui a fait l’objet des polémiques de tous genres lors des débats sur le vote de l’avant-projet de Constitution, en 2005, dans l’hémicycle congolais. Aussitôt sorti de cette cuisine politico-juridique, le texte présenté au peuple pour être adopté au référendum, s’il est vrai qu’il a retenu l’attention des lecteurs et analystes sur plusieurs autres points très controversés, la consécration de la parité en droit constitutionnel congolais a aussi fait l’objet de plusieurs débats. Certains hommes ont vite pensé que le constitutionnaliste congolais avait abrogé la galanterie et que Hommes et Femmes étant désormais égaux, aucun Homme n’était plus tenu de céder son siège ou d’ouvrir la porte à une dame…

Le mois de mars, dit mois de la femme, avec la journée du 08 comme journée mondiale de la femme, avait plus que raviver la question de cette consécration. D’un côté, les mouvements féministes essayaient de penser sur les modalités de la mise en pratique par une loi du principe constitutionnel nouvellement consacré, alors que de l’autre côté certains analystes et observateurs se posaient des questions sur l’opportunité de cette mise en pratique, ne se rendant même pas compte que le principe constitutionnel était déjà voté par les hommes en NISSAN X-TRAIL, adopté massivement par le peuple piéton et promulgué depuis le 18 février 2006 par le major (1) de la République.

Il ressortait de l’évidence, pour certains, qu’après chaque voyage effectué dans les nations prospères de l’hémisphère boréal, nos mères, sœurs et amies femmes reviennent toujours avec un concept qui dérange les hommes en costard. Jadis, c’était l’émancipation de la femme. Antan, on a retrouvé dans leurs malles l’approche gender. Aujourd’hui, c’est la fameuse parité. Pour l’avenir, nul n’ose s’imaginer la prochaine trouvaille. S’agissant de ce dernier bagage, elles sont parvenues à faire entrer dans la sainte bible des Etats modernes, la Constitution, leur trésor retrouvé. De quoi provoqué des cauchemars chez certains hommes, qui craignent de voir leurs femmes exiger sur base de la parité, une rotation dans les travaux ménagers : cuisine, vaisselle, lessive, etc.

Au regard de l’ensemble des données qui précèdent, la pertinence du thème suggéré par les mouvements féministes au constituant congolais suffit à fonder toute exploitation scientifique de la part de l’aspirant juriste que nous sommes, fut-elle « tardive » (2). Après tout, ce qui importe est le contenu d’une réflexion et non point son moment. Les dispositions constitutionnelles étant encore en vigueur, le débat sur la parité, même à la veille des scrutins présidentiels et législatifs, dont le calendrier sera connu fin avril selon une déclaration du représentant spécial de l’Union Européenne dans la région des Grands Lacs, Monsieur Aldo AJELLO et non de la Commission Electorale Indépendante, reste et demeure d’actualité.

Ce thème appelle, préalablement à toute analyse de fond, un éclairage conceptuel, c’est-à-dire définir, avec plus au moins de précision, ce que l’on peut entendre par la « parité ».

Assurément, la démarche tient à ce que l’on se fera au départ un compte exact sur ce qui sera développé par la suite. Il s’agira de saisir la signification des caractères essentiels et des qualités propres afin de fixer le sens du concept qui forme l’armature du thème. La « Parité » est justement cet élément à conceptualiser.

Par essence, la notion de parité relève du littéraire. Il apparaît ce faisant logique d’interroger le dictionnaire qui indique que l’on est là en présence d’un vocable latin, pars en l’occurrence, et se traduisant, en langue française, par le substantif Parité. De cette équivalence terminologique, on retiendra que la parité est une égalité parfaite, une conformité.

Quoique le terme parité ait une base sémantique littéraire, comme l’essentiel des mots français au demeurant, force est, a contrario, de reconnaître qu’il fait davantage l’objet d’une appropriation par le politique et le droit. Par conséquent, au sens politique et juridique qui semble beaucoup plus opérant ici, et non point littéraire qui évoque l’idée d’une simple égalité sans beaucoup plus de précision, la parité s’entend d’une répartition équitable de la souveraineté entre Homme et Femme, en assurant une composition parfaitement égalitaire des instances du débat et de la décision démocratique. C’est en somme ce que dans les Etats démocratiques modernes la philosophe Elisabeth SLEDZIEWSKI qualifie de « démocratie paritaire », dans laquelle le peuple citoyen est pris en compte « dans son identité duelle », c’est-à-dire sexuée.

Il serait par ailleurs loisible de préciser ce que la parité n’est pas. En effet, elle n’est pas une revendication au nom d’une différentiation Homme / Femme, mais seulement pour qu’une différence de traitement entre Homme et Femme ne soit plus acceptée. La parité proscrit donc le discours de différence des sexes, de féminin ou même de femme, préférant la notion de « genre », destinée à rendre compte du caractère construit et social de la féminité.

L’on ne doit non pas confondre sexe et genre. En effet, ce n’est pas au nom de la nature que les féministes revendiquent la parité, mais c’est au nom de l’histoire des relations entre hommes et femmes. Ce sont les rapports sociaux, les rôles imposés, et non une prétendue « nature féminine » qui fabriquent la division des sexes et la bipartition des individus. C’est le sens de la formule de Simone de Beauvoir : « on ne naît pas femme, on le devient ».

Avec le combat que mènent les femmes pour la parité, il s’agit plutôt d’écrire une autre histoire, pour que le genre qui structure la société humaine serve aussi à créer de l’égalité. Le genre n’est donc qu’une construction sociale, une réalité sociale. Il est une invention humaine destinée à tracer une frontière entre certains et d’autres afin de répartir inégalement biens et pouvoirs. C’est cette répartition inégale que la parité tend à corriger.

La notion de parité éclaircit, il serait à présent loisible de s’interroger sur son mythisme ou son réalisme juridique en droit congolais. La question ainsi posée peut paraître absurde à première vue. Etant déjà posée par la Constitution du 18 février 2006, comment peut-on encore s’interroger sur le réalisme de la parité dans l’ordre juridique congolais ? C’est ce que les lignes qui suivent tendront à démontrer.

D’entrée de jeu, soulignons que tout observateur attentif et averti de la société congolaise peut relever, sans forcement être un grand clerc, qu’en République démocratique du Congo, les inégalités entre Hommes et Femmes seraient plus politiques qu’économiques, la femme congolaise ayant acquis dans la vie sociale et économique du pays une grande importance, au point de devenir le facteur le plus dynamique de la croissance. En effet, nombreuses sont les femmes qui font vivre par leurs activités commerciales – petits commerces et grands négoces – leurs foyers, leurs conjoints, fonctionnaires, enseignants et militaires, etc. étant astreint à un salaire de misère et n’attendant plus que l’application du barème de Mbudi (3). Quand elles sont professeurs d’université, il paraîtrait que leur intelligence est comparable aux surdoués, pour ne pas dire qu’elles le sont. Dans le système médical, la quasi-totalité des infirmières sont femmes, et une bonne partie des médecins aussi. Au barreau, à la magistrature, dans les entreprises publiques ou privées, dans la fonction publique nationale ou internationale, bref on retrouve les femmes presque dans tous les secteurs de la vie en RDC. Qui plus est, elles ne cachent pas leurs visages avec des voiles…

Toutefois, les femmes se sont certainement rendues compte d’une évidence : leur sous représentation dans la politique. Avec le vent de la transition politique, elles s’évertueront à s’interroger sur les rapports entre pouvoir politique de la nouvelle République en accouchement pré ou post maturé. En fait, la démocratie exclue structurellement les femmes, leur exclusion de l’espace public constituant la condition même de l’universalisme abstrait républicain et démocratique. Il fallait, en quelque sorte, démocratiser la démocratie en RDC par les femmes.

Dans ce contexte, il était devenu urgent et impérieux pour les femmes congolaises de réfléchir sur les voies et moyens à mettre en œuvre pour la reconnaissance par elle, la reconnaissance par toute la société globale de leurs droits politiques. « Dis moi comment tu penses le monde, je te dirai comment tu penses le droit », dit Michel ALLIOT. La femme congolaise a pensé à une société politique où la répartition des postes se fera en parfaite égalité entre Hommes et Femmes. Et la Constitution congolaise du 18 février 2006 la leur a octroyé, du moins sur le plan de principes, quand elle déclare à l’article 14 alinéa 4: « La femme a droit à une représentation équitable au sein des institutions nationales, provinciales et locales. L’Etat garantit la mise en œuvre de la parité Homme-Femme dans lesdites institutions. La loi applique les modalités d’application de ces droits » (4).

La deuxième trame des questionnements que suscite cette réflexion apparaît alors à ce niveau: la question de la portée et celle de l’étendue de la constitutionnalisation de la parité en droit congolais.

Il serait loisible à ce niveau de relever que la constitutionnalisation de la parité Homme / Femme en droit congolais est une grande victoire dans la lutte millénaire de la femme pour retrouver sa place angélique perdue, semble t’il, à Eden. Mais il est tout à fait légitime de se poser certaines questions sur sa mise en œuvre par des lois d’application, quant à la représentation équitable de la femme au sein des institutions nationales, provinciales et locales. Le juriste, aspirant ou accompli, ne perdra pas de vue qu’une chose est de poser un principe général dans la Constitution, une autre chose est d’en faire application par une loi particulière. Dans le cas sous examen, l’article 14 in fine ne renvoie t’elle pas l’application de la parité à une loi ? L’interrogation qui se profile à ce niveau est donc celle de la mise en œuvre de la représentation équitable de la parité Homme-Femme au sein des institutions nationales, provinciales et locales.

A ce sujet, nous nous sommes proposé de réfléchir à partir de l’expérience de la France, où à une certaine période l’on avait aussi assisté au débat sur la parité.

Bien évidemment, la constitution française du 04 octobre 1958 ne consacre pas explicitement la parité Homme / Femme. La première tentative d’introduction de l’idée de parité en droit français remonte à 1982, lorsque l’Assemblée Nationale française avait adopté à l’unanimité un texte qui prévoyait qu’aux municipales, les listes ne pourront pas comporter plus de 75% de candidats du même sexe, autrement dit : pas plus de 75% d’hommes ! Soit un quota d’au moins 1/4 de femmes. Cette loi avait été annulée la même année par le Conseil Constitutionnel. C’était un premier pas vers la parité, mais refusé car qualifié « d’anticonstitutionnel ».

Afin de contourner cette inconstitutionnalité soulevée par le gardien du contrôle de la constitutionnalité, la modification de la constitution deviendra impérieuse. Ainsi, en 1999, l’Assemblée Nationale française avait adopté un projet de révision constitutionnelle relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce qui est frappant dans la rédaction de l’article 3 modifié, c’est l’absence du concept « parité ». On lui préfère « égal accès ». D’autre part, le texte pour l’article 3 remplace « détermine » par « favorise » : là encore le sentiment est que l’on ne cherche plus à imposer ….La parité n’est plus qu’un objectif.

En application de l’article 3 de la Constitution, une loi dite loi sur la parité sera promulguée le 6 juin 2000. Ladite loi tend à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. Cette loi ne concerne que la répartition sexuée des candidats et non celle des élus ou des fonctions électives. De plus, elle ne s’applique qu’aux élections au scrutin de liste, en excluant les élections municipales dans les communes de moins de 3 500 habitants, et en sanctionnant financièrement les partis ne présentant pas 50 % de candidats de chaque sexe aux élections législatives. Désormais, les listes pour les élections municipales et régionales devaient comporter autant d’hommes que de femmes, par tranches de six candidats. Pour les listes aux sénatoriales (pour les sénateurs élus à la proportionnelle) et aux européennes, hommes et femmes devaient strictement alterner. Pour les législatives, les partis devaient présenter un nombre sensiblement égal d’hommes et de femmes, avec un écart maximal de 2%, sous peine de sanction financière. Cette obligation s’explique par le fait que le législateur ne pouvant opter que pour la répartition sexuée des candidats et non celle des élus, les partis politiques sont et demeurent les seules structures pouvant garantir au niveau des candidatures l’application du principe paritaire.
Si la loi sur la parité avait bien fonctionné jusqu’aux municipales de 2001, favorisant l’émergence de nombreuses femmes dans les conseils municipaux (de 22% on les a vues passer à 47,5%), il en fut tout autrement au moment des législatives de juin 2002. Alors que la loi prévoit une sanction financière pour les Partis ne présentant pas 50% de femmes aux législatives, les dirigeants des principaux partis, bafouant sans état d’âme un texte qu’ils avaient pourtant voté, ont préféré subir la sanction financière plutôt que de prendre le risque d’aligner des candidatures féminines qui allaient peut-être leur faire perdre certains sièges faute de popularité. Il est aussi évident que la politique, pour ceux qui y sont trempés jusque dans la moelle épinière, est considérée comme un club fermé où règne la loi de la sélection de la nature : seuls les plus forts, c’est-à-dire les plus résistants, y entrent. Les autres sont tout simplement avalés ou mieux, réduits à néant. Dans ce contexte, la galanterie serait une insulte grave en politique : comment demander à quelqu’un de renoncer à toutes ses chances et opportunités en l’offrant sur un plateau d’or à une autre personne, en contrepartie d’aucun avantage ? On préfère alors payer l’amende plutôt que de perdre le pouvoir. Après tout, celui-ci peut donner de quoi payer celle-là.
Un exemple pour le moins sibyllin, dans un pays où la parité était aussi à une certaine époque la chanson préférée des mouvements féministes, l’on ne compte dans le gouvernement français que 6 ministres femmes!. Alors que les études sociologiques tendent à démonter que les femmes seraient plus aptes à conduire des ministères tels que les affaires sociales et humanitaires, la défense revenant aux hommes, en France, le ministère de la défense est tenu des mains de fer par une femme, Michel ALLIOT MARIE. A ce propos, soutenons avec une forte conviction que c’est prendre le Pirée pour un homme que de chercher à enraciner le politique dans le biologique en disant par exemple que, par leur nature, les femmes seraient porteuses d’une autre vision.
Revenant en RDC, ou nous avons encore nos deux pieds sur terre, il apparaît donc clairement, à la lumière de l’expérience française, et cela ressort même de la logique de la matière analysée, qu’en droit congolais, l’application du principe posé par l’article 14 de la Constitution ne pourrait être réalisée que dans le cadre de la loi électorale.
La loi n° 06/006 du 09 mars 2006 portant organisation des élections présidentielles, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales constitue la loi électorale en RDC. Mais à sa lecture, on est frappé par le silence qu’il garde sur un principe sacro-saint ou démoniaque – cela dépend de l’angle d’observation – qu’il était censé appliquer. Curieusement et paradoxalement, l’article 13 de ladite loi, parlant des circonscriptions électorales à un seul siège, dispose que dans ces circonscriptions, les listes doivent être établies « en tenant compte, s’il échet, de la représentation paritaire homme et femme… » sans beaucoup plus de précision et sans faire mention des mesures d’application précises. Aucune sanction, fût-ce financière, n’est prévue comme en droit français. On peut légitimement se poser la question du caractère contraignant d’une telle obligation paritaire pour les partis politiques. En toute paradoxe d’ailleurs, l’article susmentionné in fine déclare que « … la non réalisation de la parité Homme-Femme au cours des prochaines échéances électorales n’est pas un motif d’irrecevabilité d’une liste » !. Non seulement aucune mesure précise et aucune sanction ne sont prévues dans la loi, mais cette dernière proclame elle-même que le non respect du principe qu’elle réaffirme ne souffrira d’aucune irrégularité ! (5)
A ce sujet, nous étions tenté d’aller fouiller si la mesure d’application de la loi électorale prise par la Commission Electorale Indépendante ne comporte pas quelques dispositions sur la parité. Relevons que dans l’affirmative, la démarche de l’institution présidée par le prélat de Butembo aurait été en marge du droit, non seulement parce que la Constitution ne renvoie l’application de la parité qu’à la loi et non aux mesures réglementaires (6), mais parce que aussi la loi elle-même a proclamé la régularité de toute liste violant ledit principe. Fort heureusement ou malheureusement, la Décision n° 003/CEI/BUR/06 du 09 mars 2006 portant mesures d’application de la loi susvisée ne fait pas elle-même mention de la parité.
Il est donc incontestable qu’à l’état actuel de notre législation, la parité n’est qu’un principe constitutionnel dépourvu de toute substance. Mieux, c’est une coquille vide, un concept creux dépourvu de tout contenu pratique. Elle apparaît comme un mythe, l’expression du paradis perdu que l’on retrouve dans les livres saints de certaines religions. C’est, à notre avis, une mésaventure juridique des mouvements féministes congolais, qui ont déployé toutes leurs énergies pour arracher du vent, un principe qui n’est même pas appliqué et dont on ne voit pas trop comment l’on pourrait s’en prévaloir devant un juge, constitutionnel, administratif ou judiciaire. C’est un mythe juridique !
A qui les mouvements féministes doivent-ils s’en prendre ? Au législateur, qui du temps où elle avait reçu la mission constitutionnelle, leur avait pourtant octroyé ce « pouvoir paritaire » ? Ou au promulgateur de la loi, qui pouvait s’y opposé selon la procédure déterminée par la Constitution (7) ? Ou plutôt au soi-disant parrain de la transition, le président sud-africain THABO MBEKI qui, chaque fois qu’il met ses pieds dans la capitale congolaise, opère des miracles, en exerçant on ne sait trop quelles pressions sur le législateur congolais qui se met à voter des textes malgré des nombreux amendements déposés par les députés et sénateurs ? C’est sûrement à ce dernier que les mouvements féministes doivent s’en prendre, car le parrain aurait estimé que l’on ne devait plus perdre du temps dans des discussions vaines frôlant la blague…
En effet, de par l’esprit et la lettre de l’article 14 alinéa 4 de la Constitution, la parité devaient être appliqué dans les institutions politiques nationales, provinciales et locales. L’accès à ces institutions étant désormais conditionné par des joutes électorales, seule la loi électorale pouvait en faire application. A moins que dans l’esprit de certains la parité ne puisse concerner que l’accès aux entreprises publiques, ce qui serait absurde, car ces dernières répondent plutôt à une autre logique. D’antan, le camp présidentiel ne s’était-il pas permis de bloquer les nominations dans les entreprises publiques sous prétexte que les autres composantes et entités de la transition n’avaient pas sur leurs listes tenues comptes de la parité ?
« Femmes congolaises, la Parité est un pouvoir : Elisons et faisons nous élire » est devenu la maxime des mouvements féministes congolais. Critiquant cette façon de penser, nous nous rendons compte que pour les mouvements féministes, la parité serait premièrement le droit pour les femmes d’élire, ce qui est complètement erroné, car c’est depuis l’indépendance que les femmes ont ce droit dans notre pays. Deuxièmement, toujours selon cette maxime, la parité serait le droit pour les femmes de se faire élire. Si l’éligibilité à des fonctions publiques est reconnue par la loi aux femmes et aux hommes remplissant certaines conditions, le dernier mot revient à l’électeur, qui choisit qui il veut, selon ses critères : sexe, richesse, beauté, ethnie, … Ce serait faucher le jeu démocratique que faire penser à l’électeur congolais – homme ou femme, peu importe – que la parité lui oblige de se prononcer pour les candidatures féminines.
Mais au delà de ces considérations, relevons que les grandes dames, qui ont marqué ou qui marquent encore l’histoire de leurs sociétés, ne sont pas devenues ce qu’elles sont grâce à la parité : Condoleezza RICE, THATCHER, ALBRIGHT, Marie Ange LUKIANA, Eve BAZAIBA, Ellen JOHNSON, etc. Bien au contraire, elles ont fait tout ce que tout être humain est appelé à faire : se battre. Cette lutte, en politique, doit être exempte des considérations sexuelles. D’ailleurs, puisque les mouvements féministes ont toujours soutenu que leurs revendications ne tiennent point compte des sexes, ils ne peuvent qu’épouser, sans réserve aucune, ce point de vue. A ce propos, pour ne pas donner à cette réflexion des allures machos, mieux, misogynes, paraphrasons une femme, la française Corinne GOLDBERG, qui pense, en toute objectivité, que « pour la république avec un grand R, il n’y a ni homme, ni femme, il n’y a que des citoyens sans distinction de sexe » (sic) !!!

 La rédaction du présent article s’est inspiré de la conférence que l’auteur avait tenu le 10 mars 2006 dans l’amphithéâtre de la troisième année graduat / A Droit de l’Université de Kinshasa. L’auteur l’a enrichi par les questions, remarques et critiques de l’assistance.
 L’auteur est le Chancelier (Président) du Café juridique et membre de la Cassation Toge Noire, deux associations scientifico-culturelles des étudiants de la faculté de droit de l’Université de Kinshasa. Il est étudiant finaliste du deuxième cycle (cinquième année de droit).
(1) Major ne doit pas être pris dans le sens français d’officier militaire. Le terme ici est employé en latin et veut dire Grand, quoique…
(2) La constitution a été approuvée au référendum le 18 décembre 2005 et promulguée le 18 février 2006. Notre réflexion intervient à la fin du mois d’avril.
(3) Certains compatriotes disent même que le fonctionnaire congolais est atteint du Salaire Insignifiant Difficilement Acquis, SIDA en sigle.
(4) C’est nous qui soulignons.
(5) La loi électorale proclame aussi, dans son préambule, mettre en œuvre le principe de représentation paritaire Homme-Femme, on ne sait trop comment.
(6) L’article 122 litera b de la Constitution du 18 février 2006 classe d’ailleurs explicitement le régime électoral dans le domaine de la loi.
(7) Voir l’article 137 de la Constitution.

Le Comité judiciaire du Conseil privé de la Reine, juridiction constitutionnelle suprême de l’Île Maurice

Fiche rédigée par Parvèz Dookhy.

I. Introduction

1.1. Historique

Le Comité judiciaire du Conseil privé de Sa Majesté la Reine d’Angleterre fait partie de ces rares institutions qui ont pu peser lourdement sur le devenir des peuples. D’âge fort respectable 1, cet organe londonien 2 de dernier recours des colonies de l’Empire britannique était doté, avant la Seconde Guerre mondiale, d’une compétence juridictionnelle s’étendant à plus d’un cinquième des terres émergées, autrement dit, tout l’Empire britannique.
Le Conseil privé fut l’inventeur du contrôle juridictionnel des lois. Il avait pour mission de contrôler la conformité des lois adoptées dans les colonies de l’Empire aux grands principes de la Common Law dès le xviie siècle. Étaient sanctionnées les normes contraires aux principes de justice et de la bonne morale.

1.2. Place hiérarchique

Après la Seconde Guerre mondiale, un mouvement de suppression des structures impériales avait gagné les moyennes et petites colonies. Le Royaume-Uni avait attribué aux colonies qui accédaient à l’indépendance une Constitution écrite. Le Comité judiciaire devenait pour beaucoup d’États du Commonwealth une juridiction suprême et en matière constitutionnelle un tribunal supérieur, contrôlant les décisions des Cours nationales dites suprêmes 3.
L’île Maurice a maintenu la juridiction de Sa Majesté la Reine d’Angleterre bien qu’elle ait acquis le statut d’une République en 1992.

II. Fondements textuels

L’origine du Conseil privé remonte à la création même de la monarchie, la Couronne britannique. Le Roi Guillaume I avait introduit dès la conquête de l’Angleterre en 1066 la Curia Regis, le Conseil du Roi. Comme le Roi est la source de toute justice, le Conseil a exercé des attributions juridictionnelles.
Avec le développement de l’État, la Couronne a créé successivement au sein du Conseil privé des comités spécialisés chargés de statuer sur les recours au Roi. Le Comité judiciaire a été institué par une Loi britannique de 1833 et a été très peu modifiée depuis.
La Loi de 1833 fixe sa composition et ses compétences territoriales (c’est-à-dire, à l’égard de quels pays du Commonwealth le Conseil privé est compétent). Des Ordonnances en Conseil (Orders in Council) déterminent son fonctionnement et la procédure.
La Constitution de Maurice fait référence, notamment en son article 81, à la juridiction du Comité judiciaire et détermine ses compétences matérielles en droit mauricien. Cette constitutionnalisation du Comité judiciaire donne à ce dernier toute sa légitimité en droit interne.
Une Ordonnance royale de 1968 (The Mauritius Privy Council Order 1968) 4 précise en droit mauricien la procédure et les modes de saisine de l’institution.

III. Composition et organisation

3.1. Composition

La composition du Comité judiciaire est complexe du fait qu’il est un organe à l’intérieur du Conseil privé et emprunte principalement son personnel à d’autres institutions.
Le Comité judiciaire est composé premièrement du Lord-président du Conseil qui a rang d’un ministre d’État à la française (Senior minister). Le Lord-président n’est pas un magistrat. Il est membre du gouvernement. Il ne siège pas au Comité judiciaire bien qu’il préside celui-ci.
En vertu de la Loi de 1833 (modifiée), les membres actifs du Comité judiciaire sont les Lords judiciaires (Law Lords). Le terme Lords judiciaires désigne les membres juristes de la Chambre des Lords 5 siégeant normalement dans le Comité d’appel (Appellate Committee) de celle-ci. Ce sont les anciens Lord-Chanceliers 6 (Lord-Chancellors) et celui en fonction, les anciens Lords-Chef-Juges (Lord-Chief Justices) 7 et celui en fonction, les Lords d’appel en ordinaire (Lords of Appeal in Ordinary) à la retraite et en fonction.
Sont aussi membres de droit du Comité judiciaire, les Lords-Juges d’Appel (Lords Justices of Appeal), autrement dit, les magistrat de la Cour d’appel d’Angleterre. Ceux-ci ne siègent pratiquement en formation juridictionnelle du Comité judiciaire.
Enfin, les autres membres juristes du Conseil privé, parmi lesquels un certain nombre de juges ou d’anciens juges des pays du Commonwealth et des juges de la Haute-Cour de Justice anglaise, font partie du Comité judiciaire.
Dans la pratique, l’activité juridictionnelle du Comité judiciaire est exercée principalement par les Lords d’appel en ordinaire, les hauts magistrats de la Chambre des Lords. Dans des cas exceptionnels, un juge du Commonwealth, membre du Comité judiciaire, ou le Lord-Chancelier lui-même peut s’adjoindre aux Lords d’appel pour composer la formation de jugement.
En droit strict, tout membre du Conseil privé peut être destitué selon le bon vouloir du Souverain. Mais comme les juges du Comité judiciaire appartiennent à un autre corps, notamment la Chambre des Lords, et siègent à ce titre au Comité judiciaire, ils ne peuvent perdre leur qualité de juge à leur corps d’appartenance que par la procédure de mise en accusation (impeachment), procédure d’ailleurs très lourde à mettre en œuvre. Dans la pratique, ils sont inamovibles.
Le mandat est indéterminé au Comité judiciaire. Tous les membres sont nommés sans durée, ce qui apparente à une nomination à vie. Toutefois, depuis une Loi anglaise de 1993 sur la retraite des juges, les Lords judiciaires ne siègent plus à partir de l’âge de soixante-dix ans, sauf cas exceptionnels où ils peuvent être appelés en raison de leur compétence particulière sur un sujet ou déficit en personnel.
Les Lords judiciaires bénéficient d’une grande immunité du fait qu’ils sont a priori des membres de la deuxième chambre parlementaire britannique. En fait, la question de l’immunité des membres du Comité judiciaire est tout théorique et ne se pose même pas. Le Comité judiciaire est une juridiction extérieure à l’île Maurice tout en faisant partie des institutions mauriciennes et le gouvernement mauricien ne dispose d’aucun moyen de pression sur ses membres.
La nature de la fonction du Comité judiciaire est ambiguë et complexe. En principe, les membres du Comité judiciaire exercent leur fonction au nom du Conseil privé qui est un conseil de Sa Majesté. Le Comité judiciaire n’émet qu’un avis au Souverain 8 qui par la suite traduit la décision proposée en ordonnance. Les membres du Comité judiciaire ne sont que des conseillers du Souverain. Ils exercent en théorie une fonction administrative. Par ailleurs, comme le Comité judiciaire est principalement composé des Lords judiciaires, ceux-ci sont également membres de la formation politique de la Chambre des Lords. Ils sont des parlementaires qui peuvent prendre part aux débats politiques de la Chambre. Le Lord Chancelier est, nous l’avons vu, un ministre, le président de la Chambre des Lords et juge. La fonction de membre du Comité judiciaire n’est pas en soi incompatible avec celle de parlementaire ou de ministre. Toutefois, s’agissant de Maurice et depuis qu’elle est devenue une République, une ordonnance en Conseil du 15 juillet 1992 a substitué le système de justice déléguée à celui de justice retenue. Depuis cette date, les membres du Comité judiciaire sont de véritables juges à l’égard de Maurice. Ils n’occupent aucune fonction à Maurice.

3.2. Procédure

Le Comité judiciaire statue sur des décisions de justice attaquées devant lui. Le pourvoi à son prétoire est une voie de recours grave. La réglementation de sa saisine est stricte.
L’action, la procédure pour être entendu, comprend deux phases bien distinctes: d’abord celle de l’autorisation de saisine de l’institution, puis celle du déroulement de l’instance.
Le pourvoi à Londres est soumis à la condition d’une autorisation de saisine. Celle-ci peut être délivrée par la Cour suprême de Maurice. La Constitution de Maurice, constitutionnalisant la pratique du Comité judiciaire, prévoit que le juge local doit obligatoirement donner une autorisation (le droit de recours est dit de droit [as of right]) dans toutes les affaires impliquant l’interprétation d’une norme constitutionnelle, en matière législative et des litiges d’un montant élevé. Dans toutes les autres affaires, la cour délivre une permission de saisine si le litige relève d’une « grande importance générale ou publique ou autrement » ce qui traduit l’idée d’une difficulté juridique.
Si la cour locale a refusé de délivrer une autorisation, le demandeur au pourvoi peut saisir le Comité judiciaire d’une demande d’autorisation. Le Comité judiciaire accorde généralement une autorisation dès lors que le litige soulève une question d’intérêt général (matters of dominant public interest). Le Comité judiciaire peut également donner une autorisation de pourvoir contre une décision d’une juridiction inférieure à la Cour suprême.
La procédure de l’instance est très formaliste et suit les règles applicables aux juridictions de droit commun et doit respecter scrupuleusement le contradictoire. L’État ne sera qu’une partie au procès comme les autres dans les litiges constitutionnels.
Le Comité judiciaire n’est pas divisé en chambre. Il appartient au Lord Chancelier de désigner les juges qui statueront sur chaque affaire. Ils siègent en formation de jugement de trois, cinq ou sept membres 9, selon l’importance de l’affaire.
Le jour de l’audience de l’affaire, une importance fondamentale est accordée aux débats oraux, qui peuvent durer plusieurs séances. Les avocats font des observations et plaident.
À la fin de l’audience, le président de séance indique d’habitude que le Comité « réservera sa décision », autrement dit que l’affaire sera mise en délibéré.
Au Comité judiciaire, contrairement à la Chambre des Lords, l’arrêt (la décision majoritaire) est unique mais il peut être accompagné d’une ou plusieurs opinions dissidentes. Les opinions concurrentes (concurring opinions) majoritaires ne sont pas permises.
Le style d’une décision au Comité judiciaire est très fécond et vivant. Les juges motivent très longuement leur raisonnement juridique. En raison de l’importance de l’oralité des débats devant les Lords, ceux-ci font référence, dans leur décision, aux arguments et moyens de droit étayés par les avocats. Ils analysent longuement les textes de lois, précédents, la Rapports réalisés pour les Congrès de l’ACCPUF et les décisions étrangères.

3.3. Organisation

Le secrétaire-greffier (The Registrar) a en charge l’administration du Conseil privé sous les directives éventuelles du Lord-Président. Le Secrétariat comprend très peu de personnel.
Le traitement des Lords relève des Fonds consolidés, ligne qui n’est pas soumis au débat au Parlement. Les frais de fonctionnement et d’administration sont pris en charge par l’État britannique uniquement.

IV. Compétences

4.1. Contrôle des actes

Le Comité judiciaire peut contrôler la constitutionnalité de tout acte interne créateur de droit 10. Il n’y a pas en droit mauricien et dans les pays du Commonwealth de théorie de type la Loi fait écran à la constitutionnalité d’un règlement.
Le système de contrôle de constitutionnalité pratiqué par le Comité judiciaire regroupe des éléments des modèles américain et européen 11.La Haute Instance londonienne peut contrôler la norme interne par la voie d’action (direct control of legislative action). Le recours peut être intenté par toute personne justifiant d’un intérêt. Les article 17 et 83 de la Constitution de Maurice permettent à la Cour suprême de prendre toute mesure appropriée pour faire cesser toute violation des droits fondamentaux. La cour exerce ce pouvoir sous le contrôle du Conseil privé, qui, peut alors statuer en deuxième et dernière instance. Selon la lecture de ces deux articles, le contrôle peut être mis en œuvre avant la promulgation de l’acte. Mais le juge a toujours privilégié le contrôle a posteriori pour ne pas s’immiscer dans le processus législatif.
La norme litigieuse peut aussi être contestée à l’occasion d’un procès, c’est-à-dire par la voie de l’exception d’inconstitutionnalité. L’article 84-1 de la Constitution dispose que lorsqu’une question d’interprétation de la Constitution est soulevée devant un tribunal inférieur à la Cour, il doit surseoir à statuer et renvoyer la question devant celle-ci. Le Comité judiciaire est bien entendu compétent en appel. Par ailleurs, l’exception d’inconstitutionnalité peut être invoquée pour la première fois devant la Cour suprême et même le Comité judiciaire dans tous procès. Souvent, elle est en cassation un moyen de droit accepté par le juge londonien.

4.2. Autres recours possibles

En droit mauricien, le Comité judiciaire est le juge suprême de droit commun. Il est compétent en toutes matières. La Constitution prévoit expressément qu’il est le juge (en appel) des élections législatives et du fonctionnement de l’Assemblée nationale. Le Comité judiciaire est la seule instance compétente en matière de la responsabilité disciplinaire des hauts magistrats (Judges) de la Cour suprême.
En droit anglais, le Comité judiciaire a conservé des compétences disparates. Il est chargé de statuer sur des questions ecclésiastiques, de la responsabilité des médecins et dentistes. Du fait que Sa Majesté la Reine est l’autorité suprême de certaines grandes universités britanniques, et, en tant que conseil de celle-ci, le Comité judiciaire 12 tranche les contestations y relatives. Le Conseil privé peut également agir comme un conseil juridique du gouvernement qui peut lui soumettre pour avis toute question.
Pour le Royaume-Uni, le Comité judiciaire est désormais, depuis la mise en vigueur de la loi de 1998 sur les droits de l’homme (Human Rights Act 1998), la cour investie de contrôler la conformité des normes élaborées par le Parlement du Pays de Galles et celui de l’Ecosse à cette loi qui reprend les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme. Il peut trancher toute question issue des lois des deux parlements susmentionnés sur la dévolution des compétences à ces deux pays.

4.3. Saisine de la juridiction

Le Comité judiciaire est saisi en appel ou cassation selon la procédure décrite supra. Il peut être saisi par toute personne justifiant d’un intérêt à agir (locus standi). Cette notion d’intérêt n’est pas appliquée rigoureusement dans les litiges d’intérêt public. Le juge exige un intérêt à agir d’autant plus réduit que la violation de la Loi fondamentale apparaît importante. En ce sens, les citoyens et groupes politiques peuvent faire contrôler la constitutionnalité des Lois et l’action gouvernementale. Aucune autorité publique n’est expressément investie. En défense, le gouvernement est représenté par les services de son conseil juridique, l’Attorney-General 13.

V. Nature et effets des jugements

Le Comité judiciaire pratique la technique de l’interprétation constructive et neutralisante afin de rendre conforme autant que possible la norme contestée à la Constitution.
Dans les cas où le juge ne peut émettre une réserve d’interprétation, il invalide la norme litigieuse. La décision d’inconstitutionnalité peut connaître deux cas de figure. L’article 2 de la Constitution dit bien que toute loi non conforme à elle est, dans la mesure de sa non-conformité, nulle et non avenue (void). À l’occasion d’un contrôle par la voie d’action, le Comité judiciaire peut invalider la norme qui disparaît de l’ordre juridique. La décision produit ses effets erga omnes et possède une valeur de res judicata. Par contre, une incertitude théorique subsiste lorsque le Comité judiciaire statue par la voie d’exception. Dans certains cas, le Comité judiciaire ne fait que déclarer que la norme est inconstitutionnelle et écarte son application. Il ne prononce pas son annulation. Théoriquement, une telle affirmation ne produit qu’un effet inter partes. Cependant, en vertu du principe du précédent, une telle jurisprudence s’impose à toutes les autorités juridictionnelles.
L’invalidation d’une norme peut être partielle. Le juge apprécie le caractère détachable (severable) des dispositions inconstitutionnelles. L’invalidation totale peut également être prononcée.

VI. Publication des décisions

Les grandes décisions du Comité judiciaire en droit mauricien sont publiées dans les grands recueils de jurisprudence (ex. The Law Reports, Appeal Cases, All England Reports et Weekly Law Reports) britanniques. Certaines décisions sont publiées dans le recueil édicté par la Cour suprême de Maurice (Mauritius Reports). Par ailleurs, l’auteur des présentes lignes a entrepris la publication des décisions du Conseil privé en droit mauricien depuis 1977 et le recueil s’intitule The Mauritius Privy Council Reports.
Les décisions du Comité judiciaire ne sont pas diffusées sur internet bien que le Département du Lord Chancelier assure la publication sur la toile des arrêts des juridictions supérieures en Grande-Bretagne.

La justice mauricienne : la cour suprême

Fiche rédigée par Jamil Kureemun.

I. INTRODUCTION

1.1. Historique

L’histoire de l’Ile Maurice a marqué le développement de son système juridique. Les premiers colonisateurs étaient français mais en 1810, ils cédèrent l’Ile aux anglais à la suite de l’Acte de capitulation de 1810.
Au plan judiciaire, les anglais ont introduit une procédure et un système de preuve essentiellement d’origine anglaise. Parallèlement à la création de la Cour suprême actuelle, ils ont consacré l’usage de l’anglais – proclamé langue officielle – et imposé aux avocats de suivre la formation organisée par les « Inns of Court » de Londres.
La présence française, peu importante dans le judiciaire, est demeurée très vigoureuse au niveau du droit privé à travers les codes napoléoniens perpétuant l’existence d’un droit mixte à l’Ile Maurice. Ce phénomène influence indirectement l’utilisation par les juges des sources anglaises.

1.2. Place hiérarchique dans le système judiciaire

Placée à la tête du système judiciaire, la Cour suprême a renforcé sa position en obtenant le contrôle de la magistrature assise et debout, et le pouvoir disciplinaire au sein de celle-ci et des professions de justice.

II. FONDEMENTS TEXTUELS

Les articles 76-84 de la Constitution de l’Ile Maurice entérinent le pouvoir judiciaire dans l’Ile. Pour ce qui est de la procédure, ce sont les dispositions du Courts Act qui régissent le droit mauricien, alimentées par des Rules of Court qui sont rédigées par les juges.

III. COMPOSITION ET ORGANISATION

3.1. Le Conseil privé

Exception faite à une compétence « ratione materiae » du Conseil privé, la Cour suprême reste la juridiction suprême de l’Ile Maurice.

L’appel devant le Conseil privé

Le Conseil privé, juridiction d’appel, fixe librement sa compétence soit contre l’avis de législateur mauricien malgré les termes de la Constitution, soit contre celui de la Cour suprême par le biais du « special leave ». En pratique il suit les règles de compétence fixées depuis longtemps, avant même l’indépendance du pays, par sa jurisprudence, particulièrement au pénal. En matière civile et constitutionnelle, le Conseil intervient directement sans l’écran d’une Cour d’appel mauricienne quand la Cour suprême statue en premier et dernier ressort. Cette situation exceptionnelle n’est pas sans danger selon l’avis même du Conseil privé.

3.2. La Cour suprême

a. Composition

La Cour suprême se compose essentiellement du « Chief Justice » (chef juge), du « Senior Puisne Judge et de cinq « Juges Puisne. Le chef juge est nommé par le président de la République, tenu de suivre ici l’avis du Premier ministre. Le président désigne aussi le « Senior Puisne Judge sur avis du chef juge ainsi que les « Juges Puisne en accord avec la Commission du Service judiciaire et légal (Judicial and Legal Service Commission). Si une condition de recrutement d’un « Law Lord anglais est qu’il doit avoir pratiqué comme avocat pendant au moins quinze ans, à Maurice cinq ans de pratique professionnelle suffiraient. L’âge moyen d’entrée en fonction est relativement jeune: 46 ans contre 60 ans pour les « Lords. Les juges mauriciens restent en fonction entre 10 et 20 ans en moyenne avec un âge de départ à la retraite fixé à 62 ans.
Les juges mauriciens, tous formés en Grande-Bretagne, suivent un long cursus de carrière « à la française au sein de la magistrature assise et au parquet. Ce fait ne semble pas avoir eu d’impact sur l’indépendance du judiciaire. À partir de 1986, une formation tout à fait mauricienne fut rendue possible par la création d’un « Council of Legal Education à Maurice.

b. Organisation judiciaire

La Cour suprême à travers trois formations différentes connaît des appels de ses sections statuant en premier ressort et des Cours inférieures.
1) En ce qui concerne les juridictions inférieures : Cour intermédiaire, Cours de district, Tribunaux spécialisés, il s’agit de la Cour d’appel en matière civile et criminelle. Elle se compose généralement de deux juges, trois en cas de désaccord.
2) La Cour d’appel criminelle connaît uniquement des appels dirigés contre les jugements de la Cour d’assise. Signe de son importance, trois juges y participent dont le chef juge ou son adjoint qui en assurent la présidence.
3) La Cour d’appel en matière civile traite des décisions rendues par la Cour suprême statuant en premier ressort à travers un juge unique. Ce dernier ne participe pas à la juridiction d’appel comprenant deux ou trois juges.
Dans des cas exceptionnels, la Cour suprême agira non pas comme une Cour d’appel mais comme une sorte de Cour de cassation liée par les faits constatés par la juridiction statuant en premier ressort. Il s’agit d’une procédure assez particulière nomme « by way of case stated. Dans ce cas, elle se prononce uniquement sur un ou plusieurs points de droit. Elle a trois possibilités : confirmation, cassation avec renvoi à la juridiction de première instance, cassation sans renvoi. Ces possibilités sont expressément prévues dans le Court Acts, article 126, envers les décisions des Cours de district et de la Cour intermédiaire et en ce qui concerne les affaires de la compétence de la Cour d’appel en matière civile, par l’article 4 du Courts of Civil Appeal de 1963.

c. Organisation administrative

Aucun membre de la Cour suprême ne peut avoir une autre fonction rémunérée au sein du gouvernement ni exercer une activité commerciale. Les juges doivent se consacrer exclusivement à leurs obligations judiciaires. Un membre de la Cour suprême reste normalement en fonction jusqu’à l’âge de 62 ans, mais il peut être révoqué pour incapacité ou pour faute grave par le président à la suite d’une requête formulée par l’Assemblée nationale.
Le chef juge préside toutes les audiences de la Cour auxquelles il assiste. C’est à lui qu’incombe la répartition des affaires de la Cour.
La Cour suprême tient trois sessions par an. La première session commence le premier lundi de janvier et se termine fin mars; la deuxième commence le premier lundi de mai et continue jusqu’à la fin du mois de juillet; et la troisième commence le premier lundi de septembre pour se terminer le dernier vendredi de novembre. Les dates d’ouverture prévues par la loi peuvent être modifiées à condition que soit donné le préavis requis.
La Cour siège uniquement à Port Louis et ses audiences sont toujours ouvertes au public. Lorsqu’elle est en session, la Cour siège du lundi au vendredi, de 10 h 15 à 12 h 30 et de 14 h à 16 h. Le quorum est de cinq membres pour les recours, mais la plupart des affaires sont tranchées par un collège de deux ou trois juges.
Sauf dispense spéciale de la Cour, les seules personnes qui peuvent plaider devant celle-ci, en dehors des parties elles-mêmes, sont des avocats dûment inscrits au barreau mauricien.
La décision de la Cour peut être rendue à l’issue d’une audience. Mais dans la plupart des cas, elle est mise en délibéré pour permettre aux juges de rédiger des attendus après mûre réflexion. Les arrêts de la Cour n’ont pas besoin d’être rendus à l’unanimité; la majorité peut se prononcer, tandis que la minorité peut exprimer ses motifs de dissension. Chaque juge peut, dans tous les cas, mettre par écrit, s’il le souhaite, les motifs sur lesquels il s’est fondé.
Responsable directement devant le chef juge, le Master and Registrar a la charge de tout le travail administratif de la Cour.
Cela comprend le contrôle du personnel de la Cour, la gestion de la bibliothèque et du greffe, et la publication des rapports de la Cour suprême. Le Master and Registrar et le Deputy Master and Registrar sont nommés par la Judicial and Legal Service Commission. Le personnel de la Cour suprême comprend environ 150 employés qui sont tous des agents du service public nommés par la Public Service Commission.
Chaque juge de la Cour dispose d’un secrétaire pour gérer efficacement ses activités professionnelles.

IV. COMPETENCES

La compétence de la Cour suprême est exceptionnellement étendue. En droit public, elle possède d’importantes attributions en matière constitutionnelle et électorale fixées par la Constitution. En droit privé, la Cour exerce à la fois une juridiction d’exception et de droit commun. Au sein du système judiciaire mauricien, la Cour suprême associe les fonctions de juridiction de première instance à celles de juridiction d’appel.

4.1. Contrôle de constitutionnalité

La Cour suprême détient le monopole du contrôle de constitutionnalité dans le système mauricien.
Elle possède une compétence d’attribution générale jouant même contre toute clause contraire à la Constitution. En application du principe de séparation des pouvoirs notamment, la Cour reconnaît une large autonomie au législateur et à l’exécutif, par exemple: l’application du droit de propriété. Elle exerce dans ce cas un contrôle minimum. Ce dernier dans la matière prise en exemple est d’autant plus restreint que la Cour introduit une « quasi présomption de constitutionnalité en faveur de l’exécutif.
La Cour, alors qu’elle favorise le contrôle a posteriori, a expressément rejeté dans des conditions difficiles le contrôle a priori. Le contrôle a priori est expressément prévu par l’article 17(2) de la Constitution qui admet le simple risque vraisemblable d’une violation des droits fondamentaux, sans définir la nature du risque, loi ou projet de loi.

• Les modalités d’exercice de la compétence constitutionnelle
Chargée du contrôle de constitutionnalité, la Cour suprême mauricienne dispose à cette fin d’un large éventail de voies de recours issu en principe de l’Angleterre mais qui peut être adapté à la situation mauricienne.
Dans l’examen des décisions des commissions spécialisées ou disciplinaires, la Cour suprême exerce soit sur la base de l’article 119, soit en cas d’excès de pouvoir manifeste un simple contrôle de légalité.

• En matière administrative
À l’Ile Maurice, les voies de recours conventionnelles anglaises de droit public tels que « certioriari ont été régulièrement utilisées afin de contrôler les commissions spécialisées disciplinaires. Cette compétence en matière administrative s’appuie sur les articles 76(1) de la Constitution et 15 du Courts Act de 1945. Ce dernier, qui attribuait à la Cour suprême les mêmes pouvoirs que ceux possédés par la Haute-Cour d’Angleterre, a été modifié en 1981. Désormais les juges mauriciens exercent tous les pouvoirs nécessaires à l’application des lois mauriciennes.
La Constitution distingue d’une part le contrôle par voie d’action avec deux voies de droit: article 17 pour les libertés fondamentales, article 83 pour le reste de la Constitution; et d’autre part, le contrôle par voie d’exception à travers l’article 84. L’opposition entre l’article 17 et l’article 83 possède sa raison d’être: il s’agit d’assurer une protection plus grande aux libertés fondamentales en facilitant la saisine de la Cour. Le faible nombre d’instances justifie la souplesse de la Cour au niveau des conditions de forme. Elle n’a pas besoin d’utiliser les dispositions plus restrictives de l’article 83 afin de dissuader les plaideurs. La réforme de 1990, en supprimant la distinction, renforce la capacité d’intervention de la Cour en particulier dans le domaine des relations entre les pouvoirs.

4.2. Compétences autres que le contrôle de constitutionnalité

• Juridiction de première instance
À côté de sections spécialisées – faillites, Cour d’assise – la Cour possède une compétence de droit commun en matière civile et une compétence d’attribution en matière constitutionnelle.

• Les attributions en matière de droit privé
En matière civile, en plus d’une compétence exclusive dans certains cas – contrats de mariage, adoption, interdiction, séparation de corps, divorce, état des personnes, successions, actions contre les principaux auxiliaires de justice (avocats, avoués, notaires) – la Cour possède une compétence générale. Celle-ci est exclusive dans le cas des affaires dont l’intérêt est supérieur ou égal à 500 000 Rs. L’affaire est traitée soit par un juge unique siégeant en chambre ou en Cour, soit par une juridiction collégiale – de deux ou de trois juges en cas de désaccord – si elle est plus complexe. Dans les autres cas, elle est partagée avec les Cours inférieures aux risques et périls du demandeur moindre qui en cas d’échec paiera des dépenses plus élevées, au taux de la Cour suprême.

• Juridiction en matière pénale
En matière pénale, la Cour d’assise mauricienne diffère sur de nombreux points de celle fonctionnant en France. À côté d’un juge unique, le jury de neuf membres était composé exclusivement d’hommes jusqu’en 1990. L’instruction d’une affaire se réalise à l’audience, le juge d’instruction n’existant pas à Maurice. La Cour d’assise utilise la procédure anglaise. Le juge qui préside le procès n’assiste pas à la délibération du jury sur les faits. La Cour d’assise ne traite désormais que les affaires les plus graves: meurtres, assassinats et les délits de trafic de stupéfiants. Dans ce dernier cas, l’audience se déroule devant le juge unique sans jury.

• Juridiction en matière commerciale
En matière commerciale, la section des faillites possède une compétence exclusive sur tout ce qui concerne la faillite, l’insolvabilité et la liquidation des sociétés. Le Master and Registrar de la Cour suprême détient cette juridiction. Il exerce, en la matière, de véritables pouvoirs de juge, ce qui a amené F. Boula à le qualifier de « super greffier.

• Les modalités d’exercice de la compétence autre que le contrôle de constitutionnalité
La Cour suprême à travers les règles de procédure et les conditions de recevabilité de la saisine dispose d’un arsenal juridique considérable propre à rejeter tous les recours abusifs. Cette juridiction, contrairement à d’autres du Commonwealth, a usé libéralement de ses pouvoirs pour engager sur le fond le débat constitutionnel, tout en étant moins audacieuse sur ce dernier plan. En application de cette politique d’ouverture, elle a simplifié l’exercice des recours en inconstitutionnalité – tout en minimisant la portée des règles de forme et des différences existant entre les diverses voies de recours ad hoc créant un contrôle de type objectif.

Cameroun : L’effacement des condamnations pénales

Fiche rédigée par ESSOMBA E. JACKSON.

On parle d’effacement des condamnations lorsque cette dernière est considérée comme n’avoir jamais existée ni été prononcée. Cela peut être possible dans deux cas de figures : la réhabilitation (I) et l’amnistie (II).

I / LA RÉHABILITATION

La réhabilitation efface la condamnation pour une infraction et met fin à toute peine accessoire et à toute mesure de sûreté, à l’exception de l’internement dans une maison de santé et de la fermeture de l’établissement. Selon les cas de figures, la réhabilitation peut être de droit(A) ou judiciaire (B), mais nécessitent toutes que le condamné ait purgé ses peines principales et payé ses frais dus au Trésor et indemnisé la partie civile.

A / LA RÉHABILITATION DE DROIT

Le condamné doit justifier d’une absence de nouvelle condamnation à l’emprisonnement dans les délais ci-après :
-5ans, lorsqu’on est coupable d’une amende ;
-10ans, lorsqu’on était puni d’un emprisonnement n’excédent pas 6mois ;
-15ans, lorsque sa détention ne dépasse pas 2ans ;
-20ans, lorsque sa détention n’excède pas 5ans.
Pour les condamnations à l’amende, les délais courent du jour du paiement ou de la prescription acquise et pour les condamnations privatives de liberté du jour de l’expiration de la peine subie.

B / LA RÉHABILITATION JUDICIAIRE

La réhabilitation demandée en justice par le condamné est possible après un délai de 5ans pour les condamnés pour crime et de 3ans pour ceux condamnés pour délit. Ce délai court du jour de la libération pour les condamnés à une peine privative de liberté et du jour du paiement de l’amende .En cas de décès ultérieur du condamné, la demande réhabilitation peut être formée par son conjoint ou ses héritiers dans le délai d’un an à compter du décès.

II / L’AMNISTIE

En vertu de la constitution, l’amnistie ne peut résulter que d’une loi. Dans le respect des intérêts civils, l’amnistie efface la condamnation et met fin à toute peine principale et accessoire et à toute mesure de sûreté, à l’exception de l’internement dans une maison de santé et de la fermeture de l’établissement.

Cameroun : Les délais dans la procédure de l’acte administratif unilatéral

Fiche rédigée par ESSOMBA E. JACKSON.

Eléments d’introduction :
Problème juridique : Les délais s’imposent-ils à l’administration ?
Contexte : les lenteurs administratives.

1 / LES DELAIS PREVUS PAR UN TEXTE

Ces délais ont en principe un caractère indicatif (A) et exceptionnellement un caractère impératif (B).

A / LES DELAIS INDICATIFS
Lorsqu’un texte prévoie qu’une décision doit intervenir dans un délai déterminé, il est cependant, de principe que l’administration n’est pas tenue de respecter ce délai à peine de nullité. Pour les décisions individuelles, l’inobservation des délais est sans effet sur la régularité de l’acte. Par exemple, l’expiration du délai de deux mois imparti au maire de statuer sur une demande de permis de construire ne lui interdit pas de se prononcer postérieurement sur cette demande : arrêt 26 mai 1965aff. Ministre de la construction c/ Epoux Fau.

B / LES DELAIS IMPÉRATIFS
Cela est possible dans deux cas : s’il s’agit d’un délai de substitution ou de délégation de compétence ou s’il s’agit d’un délai constituant une garantie pour les administrés.
Les délais de substitution de compétence tel des lois d’habilitation qui prévoient que durant une période déterminée, le gouvernement peut prendre par voie d’ordonnance des mesures qui relèvent normalement du domaine de la loi.
Les délais de garantie pour les administrés :La jurisprudence l’admet en matière de décision implicite par exemple. Après un délai écoulé, l’autorité administrative est supposée avoir pris une décision. La procédure dite du silence vise à interdire les manœuvres dilatoires de l’administration à l’égard des administrés(Charles Debbasch : Les modes non formels d’expression de la volonté de l’administration). La règle est que le silence de l’administration hors délai est réputé comme valant rejet de la requête et permet à l’administré de se pourvoir au contentieux.

II / LES DELAIS IMPOSES PAR LA JURISPRUDENCE

Le juge conditionne la régularité de la procédure soit en interdisant à l’administration de prendre une décision avant un certain moment (A), soit en lui prescrivant de le faire avant une certaine limite(B).

A / LES DELAIS UTILES
En imposant certains délais à l’administration, le juge entend donner une substance aux droits de la défense. Le délai utile est la période minimale permettant à l’intéressé non seulement de recevoir communication de son dossier, mais encore de préparer et de faire parvenir à l’autorité compétente ses observations. Pour sa recevabilité, ce délai doit remplir 3 conditions :
-il doit permettre à l’intéressé de demander communication de son dossier ;
-il doit laisser un temps suffisant à l’intéressé pour présenter ses observations relatives aux griefs formulés à son égard ;
-il doit laisser la possibilité à l’autorité compétente de prendre connaissance et de tenir compte des moyens de défense présentés par l’intéressé.

B / LES DELAIS RAISONNABLES
Les délais raisonnables ou délais maximaux sont les délais d’édition d’un acte que l’administration ne peut dépasser. Aussi, l’acte doit être un acte normatif régulièrement émis. Ensuite, que l’absence de mesure d’application ait pour effet de rendre impossible l’application du texte en vigueur. Et enfin, que l’administration ait compétence liée.
L’instauration des délais raisonnables a pour effet d’éviter cette carence de l’administration et de faire ainsi respecter le principe de juridicité. L’inobservation de ces délais constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l’administration : arrêt 1964, Cavom.

Cameroun, droit pénal : « Pas d’infraction sans texte »

Fiche rédigée par ESSOMBA E. JACKSON.

Le principe « pas d’infraction sans texte » signifie qu’un fait, pour être qualifié comme une infraction et réprimé comme tel, il faut au préalable que la loi l’ait prévu. Une infraction suppose un élément légal qui est le texte. L’article 17 du Code pénal camerounais en fait une exigence lorsqu’il dispose que : « Les peines et les mesures sont fixées par la loi et ne sont prononcées qu’à raison des infractions légalement prévues ».

L’existence du principe se justifient par la volonté de protéger l’individu contre l’arbitraire du pouvoir politique et ensuite par la nécessité de respecter la règle de la séparation des pouvoirs qui interdit au juge de statuer sur ce qui relève du domaine du législatif. Au Cameroun, ce principe a une valeur constitutionnelle en ce sens qu’il est prévu dans le préambule de la constitution du 18 janvier 1996 et fait partie du bloc de constitutionnalité.

Le principe de la légalité des infractions entraîne certaines conséquences(S1), mais est quelque peu émietté du fait de l’existence de certaines hypothèses de disparition de l’élément légal(S2).

S1/ LES CONSEQUENCES DU PRINCIPE DE LA LEGALITE DES INFRACTIONS

Ce principe emporte, de la loi pénale, une interprétation restrictive(1), une application non rétro-active(2) et dans ses limites territoriales(3).

1/ L’ INTERPRETATION RESTRICTIVE DE LA LOI PENALE

Si la loi est obscure, le juge doit, dans le doute, relaxer plutôt que condamner. Cette interprétation exclut dans son principe le raisonnement par analogie(A) et développe en marge des aménagements(B).

A/ L’ EXCLUSION DU RAISONNEMENT PAR ANALOGIE

Raisonner par analogie, c’est étendre l’application de la loi à des cas autres non expressément prévus, mais qui présentent une ressemblance avec les cas prévus. Il s’agit de l’extension d’un texte à une situation voisine mais non expressément prévue. Il s’agit d’une situation formellement prohibée par la loi, dont la jurisprudence a néanmoins apporté des tempéraments.

B/ LIMITES A L’EXCLUSION DU RAISONNEMENT PAR ANALOGIE

Ces limites tiennent à ce qu’il faut faire prévaloir l’esprit du législateur sur la lettre : arrêt Crim.8 mars 1930.D.P.1930.I.101,G.P.1930.I.663. En présence d’une loi obscure, cette règle n’autorise pas un refus d’interprétation de la part du juge . Cette règle ne lui interdit pas de rectifier une erreur matérielle ou de rédaction. En outre, le juge peut appliquer un texte à des situations qui ne pouvaient être à l’époque de la rédaction de celui-ci. Par exemple, la jurisprudence française aux soustractions d’énergie électrique les peines de vol alors que le vol suppose l’appréhension illicite de d’un objet matériel, mais était inconnue par le Code Pénal de 1810. Ce raisonnement qui permet de moderniser un texte s’appelle une interprétation téléologiqu e. Enfin, cette règle ne vaut que pour les lois pénales de fond et non celles de formes ou de procédure.

2/LE PRINCIPE DE LA NON RETRO-ACTIVITE DE LA LOI PENALE

Ce principe emporte un contenu(A) et des exceptions(B).

A/ EXPOSE DE LA REGLE

On ne peut reprocher à un individu d’avoir violé une loi qui n’existait pas encore quand il a agi. En effet, la sécurité juridique exige que chacun soit certain qu’il lui suffit de respecter les lois existantes au moment de son acte pour se mettre à l’abri de toute poursuite pénale ultérieure. Cela est vrai tant que la condamnation n’est pas encore définitive. La règle étant entendue, elle s’impose au juge, mais non au législateur.

B/ LES EXCEPTIONS AU PRINCIPE

Nous envisagerons 5 hypothèses de la rétro-activité de la loi pénale.

a)La loi nouvelle est plus douce que la loi ancienne : a.4 C.P.

b)La loi nouvelle est une loi de procédure ou de compétence.

c)La loi nouvelle est une loi de sûreté ou de police :a.5C.P.

d)La loi nouvelle prévoie expressément qu’elle est d’application immédiate

e)La loi nouvelle est une loi interprétative.

3/ LA TERRITORIALITE DES LOIS PENALES

En vertu du principe de la souveraineté, chaque Etat édicte ses lois pénales.L’a.7(1)C.P. énonce : « La loi pénale de la République s’applique à tout fait commis sur son territoire ».La loi pénale s’impose donc à tout individu résidant sur le sol camerounais.

Cependant, ce principe est en crise. En effet, notre régime connaît une variété d’immunités notamment les immunités diplomatiques et consulaires, parlementaires ,et surtout politiques avec l’inviolabilité du Président de la République. Cela est certainement justifié par le prestige de leurs fonctions.

S2/ LES FAITS JUSTIFICATIFS

Un fait justificatif est une circonstance qui enlève qui enlève son caractère illégal à un acte volontaire contraire à l’ordre social, acte qui, sans cette circonstance, devrait constituer une infraction, mais qui, avec cette circonstance apparaît comme l’exercice d’un droit ou même l’accomplissement d’un devoir.

Le seul fait justificatif légal est l’exécution de la loi. L’a.76C.P. prévoie : « Ne constitue aucune infraction, le fait ordonné ou autorisé par la loi et accompli conformément à la loi ».

La loi peut autoriser dans certaines circonstances et selon certaines modalités :

-L’entrée de certains fonctionnaires dans le domicile des particuliers contre leur gré ;

-Ordonner des arrestations ;

-Ordonner l’usage de la force par les agents de la force publique et même par des particuliers tel celui qui empêcherait la fuite d’un criminel.

Cameroun, droit pénal : La complicité

Fiche rédigée par ESSOMBA E. JACKSON.

Dans une participation criminelle, plusieurs personnes contribuent à la commission d’infraction. On peut y distinguer des co-auteurs et des complices. Les co-auteurs jouent un rôle de 1er. plan en participant directement aux actes matériels constitutifs de l’infraction. Par contre, les complices sont des comparses, relégués au 2nd plan de la scène. Selon l’a.97 C.P., ils ne commettent pas eux-mêmes tous les faits incriminés, mais ils s’associent à sa conception, à ses préparatifs ou à son exécution.

Pour une meilleure compréhension du libellé, nous envisagerons tour à tour les conditions de la complicité (S1) et sa répression (S2).

S1 / LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DE LA COMPLICITE

La notion de complicité, consubstantielle à une infraction principale (I), nécessite un acte de complicité (II) et un élément moral (III).

I / L’INFRACTION PRINCIPALE

Les auteurs principaux doivent avoir commis ou tenté de commettre une infraction. La complicité de suicide, par ex., n’est pas punie puisque le C.P. camerounais ne reconnaît pas au suicide le caractère d’une infraction pénale. De même pour les complices d’une infraction qui a cessé d’exister parce que prescrite. Cependant, la jurisprudence se réfère au fait principal et non aux auteurs. Les complices peuvent donc être condamnés sans obtenir au préalable la condamnation des auteurs principaux. Tel est le cas d’un auteur gracié, amnistié, mort ou en fuite. L’infraction principale étant entendue, passons maintenant à l’élément matériel de la complicité.

II / L’ ELEMENT MATERIEL DE LA COMPLICITE

L’acte de complicité, s’inscrivant dans le temps, peut prendre place soit avant l’infraction principale (A), soit concomitante à l’exécution principale (B), mais inopérable postérieurement.

A / AVANT L’INFRACTION PRINCIPALE

Elle peut se faire soit par la fourniture des moyens, soit par une aide, soit par provocation, soit par des instructions.

La fourniture des moyens en vue de la commission de l’infraction, même par l’entremise d’un intermédiaire est délictueuse : la complicité de la complicité. C’est donc la connaissance de cause que punit l’a. 97 C.P.

B / LORS DE LA COMMISSION DE L’INFRACTION PRINCIPALE

Le complice doit accomplir un acte positif. C’est le cas de celui qui tient une échelle utilisée par un cambrioleur dans son escalade. Mais la jurisprudence ne punit pas la simple présence même si elle a encouragé l’auteur principal, ni la complicité d’imprudence ou de négligence.

III / LA NECESSITE D’UN ELEMENT MORAL

Les complices doivent avoir agi en connaissance de cause. Aussi, l’armurier, qui vend une arme, ne peut être complice s’il ignore que son client l’achète pour commettre un meurtre.

S2 / LA REPRESSION DE LA COMPLICITE

La complicité est sanctionnée dans le respect d’un principe légal (I) qui accepte un assouplissement et des circonstances aggravantes (II) selon les espèces.

I / LE PRINCIPE LEGAL

La sanction de la complicité est pré vue par l’a.98(1) C.P. qui dispose que :

« Les complices sont passibles sont passibles de la même peine que l’auteur principal, sauf dans le cas où la loi en dispose autrement. »

Le complice connaît des mêmes peines que l’auteur principal. Cette solution, sévère, a connu des modifications dans la pratique.

II / LES AMENAGEMENTS AU PRINCIPE DE L’EMPRUNT DE CRIMINALITE.

Ces aménagements sont appréhendés soient par l’assouplissement du principe, soient par les circonstances aggravantes.

A / L’ALLEGEMENT DE LA REPRESSION

Sans sortir des limites légales, la jurisprudence opte pour le minimum de la peine légale envers le complice et le maximum à l’encontre de l’auteur. Les circonstances atténuantes sont, ici prises en compte, écartées devant les circonstances d’aggravation des peines.

B / LE DURCISSEMENT DE LA REPRESSION

Les circonstances aggravantes sont personnelles, réelles ou mixtes. L’intuitu personae s’attache à la personne seule du participant. Aussi, l’auteur principal récidiviste n’aggrave point la situation du complice : a.98(2) C.P. Cela est juste, car le complice n’emprunte que la criminalité du fait principal et non celle des auteurs principaux.

Par contre, les circonstances réelles modifient la nature d’une infraction. En effet, l’a.98(3) C.P. prévoit que le sort du complice serait s’il pouvait les prévoir. Dans l’hypothèse d’un vol avec effraction, le complice sera puni de vol aggravé s’il pouvait envisager que l’entrée dans la maison ne serait effectuée qu’après effraction.

Cameroun : L’accès à la profession de commerçant

Fiche réalisée par Slim J. Nzonteu.

Depuis le 1er janvier 2000, tout commerçant (personne physique et morale) est contraint de se soumettre à l’Acte Uniforme portant Droit Commercial Général (A.U.D.C.G). Toutefois, cet Acte Uniforme ne réglemente pas expressément l’accès à la profession de commerçant, il se contente seulement d’en poser les limites. Dès lors au Cameroun, la Loi n°90/031 du 10 août 1990 réglementant l’accès à ladite profession, laquelle loi reprenant en réalité les dispositions du l’ancien Code de Commerce de 1808, a été maintenue.

I- LE PRINCIPE DU LIBRE ACCES A LA PROFESSION COMMERCIALE

Ce principe signifie que l’accès à la profession de commerçant est libre. Il a été posé depuis le décret d’Allarde de 1791 en son article 9 : « (…) il sera permis à toute personne de faire telle négoce pour exercer telle profession ou métier qu’elle trouvera bon, sous réserve de payer une patente et de se soumettre au règle de police ». A l’analyse de la loi camerounaise de 1990, il ressort que cette liberté concerne d’une part les personnes et les activités qu’elles entreprennent de faire, et d’autre part les modes, les modalités et le cadre géographique d’exercice.

A- La liberté d’accès est relative aux personnes et aux activités
1) Les personnes
Toute personne physique (de sexe masculin ou féminin) ou morale, de nationalité camerounaise ou étrangère est libre d’exercer la profession de commerçant.
2) Les activités
Le commerçant est libre de constituer une entreprise (article 5, Loi de 1990) ; il est aussi libre d’exercer toute activité de production, d’échange de biens et de services.

B- La liberté d’accès est aussi relative aux modes, modalités et cadres géographiques d’exercice de la profession
1) Les modes d’exercice
Le commerçant est libre de fixer leur politique de production, de distribution et de commercialisation de leurs produits. Il est également libre de commercialiser ses produits en gros ou en détails ou des produits similaires, à condition de tenir une comptabilité distincte (article 6, Loi de 1990). Il est enfin libre d’importer ou d’exporter dans le cadre de leur objet social et dans le respect des lois et règlements en vigueur (article 7, Loi de 1990).
2) Les modalités d’exercice
La loi de 1990 dispose que c’est le du pouvoir réglementaire qui fixe les modalités d’exercice de la profession de commerçant. Par exemple, un décret du 22 novembre 1993 définit les conditions d’exercice de la profession d’exportation, de vente en gros, de vente en détail, de commerce sédentaire, de commerce ambulant, de vente à la sauvette, d’exploitation des gargotes, d’exploitation artisanale, etc. Dans le même sens, voir l’article 6 du décret ci-dessus
3) Le cadre géographique
Le commerçant est libre de choisir le site d’implantation de son établissement. Toutefois, une Loi du 8 juillet 1976 impose aux entreprises installées au Cameroun d’y fixer leur siège social.

II- MAIS LE PRINCIPE DU LIBRE ACCES CONNAIT DES LIMITES

Ces limites visent non pas à interdire l’accès à la profession commerciale des individus, mais elles visent surtout à protéger d’abord les commerçants eux-mêmes et ensuite l’intérêt général.

A- La protection des commerçants eux-mêmes ou règles de capacité
Ces règles de capacité visent à protéger les mineurs, la femme mariée à un commerçant et les majeurs incapables.
1) Le cas du mineur non émancipé
Il « ne peut avoir la qualité de commerçant ni effectuer des actes de commerce » : article 7 al.1er de l’A.U.D.C.G. Il ne jouit pas de la capacité civile pour exercer le commerce. Mais tel n’est pas le cas du mineur émancipé, les conditions d’émancipation étant prévues à l’article 476 et suivants du Code Civil camerounais, édition 2000
2) Le cas de la femme mariée à un commerçant
Dans l’ancien Droit camerounais, à l’origine, la femme mariée était totalement incapable. Mais des Lois du 18 février 1938 et du 22 septembre 1942, en leur article 4 sont intervenues plus tard et disposaient que la femme peut être commerçante à condition d’ obtenir l’autorisation préalable de son mari et d’exercer un commerce séparé de celui de son époux.
Aujourd’hui, l’article 7 al.2 de l’A.U.D.C.G a abrogé toutes ces législations nationales et pose seulement l’exigence d’un commerce séparé de celui du mari.
3) Le cas du majeur incapable
On se réfère aux dispositions du Code Civil parce que l’ancien Code de Commerce camerounais et l’Acte Uniforme ne contiennent aucune disposition sur ces personnes. Ainsi, s’il s’agit d’un majeur représenté placé sous-tutelle, il est soumis au régime du mineur non émancipé ; tandis que si c’est un majeur assisté placé sous-curatelle, il peut exercer le commerce à condition d’être continuellement assisté de leur curateur.

B- Protection de l’intérêt général
Les règles y relatives sont les règles d’incompatibilité, les interdictions et déchéances et les autorisations préalables.
1) Les incompatibilités : article 8 et 9 A.U.D.C.G
Il ressort de ces articles La profession de commerçant est incompatible la profession de fonctionnaires, de personnels des collectivités publiques et des entreprises à participation publique, d’officiers ministériels et auxiliaires de justice, d’experts comptables agréés, de commissaires aux comptes de conseils juridiques, et plus généralement de toutes professions dont l’exercice fait l’objet d’une réglementation interdisant le cumul de cette activité avec l’exercice d’une profession commerciale.
2) Les interdictions et déchéances : article 10 et 11 A.U.D.C.G
Les personnes condamnées pour crime ou délit ou à des peines privatives de liberté d’au moins 3 mois et les personnes condamnées, etc sont interdites d’exercer toute activité commerciale. La déchéance quant à elle intervient automatiquement dès le jugement de condamnation, sa durée ne peut être inférieure à 5 ans.
3) Les autorisations
Elles sont requises pour les nationaux au début de l’exploitation d’une activité commerciale et elles portent des appellations différentes mais synonymes : licence d’exploitation, agrément, autorisation, diplôme, etc.
Mais en ce qui concerne les étrangers qui souhaite exercer la profession de commerçant, l’A.U.D.C.G ne traite pas spécialement de leurs cas. Si on se réfère à la législation nationale, on doit décider que l’étranger doit avoir un agrément de l’autorité administrative (le ministre en charge du commerce) et il doit obtenir une carte spéciale de commerçant, distincte de la carte de séjour : voir l’article 9 de la Loi de 1990.

L’évolution constitutionnelle au Cameroun

Fiche rédigée par Gerald Afuba.

Depuis son indépendance, le Cameroun a connu 4 constitutions, ce qui traduit une richesse de l’histoire du Droit constitutionnel et donne à la récente constitution une dimension nouvelle.

Le 1er janvier 1960, l’ex – Cameroun oriental, alors sous administration française, acquiert une autonomie politique et surtout constitutionnelle, marquée par l’adoption de sa première Constitution le 3 mars 1960. Cette constitution sera de courte durée puisqu’en 1961 la partie occidentale, alors sous administration britannique, est ralliée à la « République du Cameroun » et formant ainsi la « République fédérale du Cameroun ». Après un référendum d’approbation de la fusion des deux Etats fédérés (francophone et anglophone) la Constitution de la République fédérale entre en vigueur le 1er octobre 1961.

Cette constitution aura beau durer plus de 10 ans, mais dans l’esprit du premier président Ahmadou Ahidjo, elle était transitoire, car son objectif était de réaliser l’unification du Cameroun qui interviendra quelques années plu tard à l’occasion du referendum du 20 mai 1972. La Constitution de la République Unie du Cameroun qui entre en vigueur le 2 juin 1972 connaîtra d’innombrables modifications dont la dernière a donné lieu à la Constitution révisée du 18 janvier 1996 qui est d’ailleurs la plus importante.

Cette révision « supposée » a été en réalité un véritable changement des options constitutionnelles de 1972. Ainsi, au lieu d’une simple révision de la constitution, on a plutôt assisté à l’écriture d’une nouvelle constitution votée par le parlement, ce qui trahit les principes qui fondent l’action du pouvoir constituant (seul habilité à changer la constitution), et on est en droit de parler d’une fraude à la constitution.

Cameroun : La responsabilité du Président de la République

Fiche rédigée par DJEG.

La notion de la responsabilité du Président de la République Camerounaise se résume dans la question de savoir si le Président de la République devrait répondre des actes posés dans l’exercice de ses fonctions. Il convient de distinguer ici la responsabilité au plan politique et la responsabilité au plan pénal du Président de la République.

Sur le plan politique, le Président de la République Camerounaise est traditionnellement irresponsable ; le parlement ne pouvant l’obliger à démissionner. Cette irresponsabilité politique du Président de la République est d’abord liée à la nature du régime et ensuite justifiée par le souci d’éviter des conflits politiques pouvant déstabiliser le régime.
En outre, dans le système politique camerounais, l’institution du contreseing (tel qu’en France par exemple) qui fonde l’irresponsabilité du Président suivant une lecture parlementaire est inexistante ; le Président de la République Camerounaise exerce par conséquent des pouvoirs importants, sinon la totalité des pouvoirs, et bénéficie du même coup d’une immunité absolue sur le plan politique.
Cependant on peut voir d’abord dans le mode d’élection du Président de la République (suffrage universel direct à un tour), «… un engagement de celui-ci vis-à-vis de son peuple. » (1er P.R Ahmadou Ahidjo, 1965), et par conséquent sa responsabilité certaine envers l’opinion publique. Ensuite l’article 11 al. 2 de la Constitution du 18 janvier 1996 consacre la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale, ce qui laisse entrevoir une responsabilité indirecte du chef de l’Etat puisque c’est lui qui définit la politique de la nation que le gouvernement qu’il forme est chargé d’exécuter (article 11 al. 1er, Constitution de 1996).

Sur le plan pénal interne, le Président de la République Camerounaise est pénalement responsable devant la Haute Cour de Justice, en cas de haute trahison, conformément à l’article 53 de la Constitution de 1996. On regrette seulement que ni la constitution, ni les lois ultérieures n’aient défini le contenu exacte de la l’infraction de « Haute trahison ».
Au plan international, la mise en œuvre de la responsabilité du Président de la République est rendue désormais possible avec l’avènement de la Cour Pénale Internationale, créée par le Statut de Rome et entrée en vigueur en juillet 2002. Toutefois, les plénipotentiaires camerounais avaient signé ladite convention, mais le Parlement ne l’a pas encore ratifiée.