Cameroun, droit pénal : « Pas d’infraction sans texte »

Fiche rédigée par ESSOMBA E. JACKSON.

Le principe « pas d’infraction sans texte » signifie qu’un fait, pour être qualifié comme une infraction et réprimé comme tel, il faut au préalable que la loi l’ait prévu. Une infraction suppose un élément légal qui est le texte. L’article 17 du Code pénal camerounais en fait une exigence lorsqu’il dispose que : « Les peines et les mesures sont fixées par la loi et ne sont prononcées qu’à raison des infractions légalement prévues ».

L’existence du principe se justifient par la volonté de protéger l’individu contre l’arbitraire du pouvoir politique et ensuite par la nécessité de respecter la règle de la séparation des pouvoirs qui interdit au juge de statuer sur ce qui relève du domaine du législatif. Au Cameroun, ce principe a une valeur constitutionnelle en ce sens qu’il est prévu dans le préambule de la constitution du 18 janvier 1996 et fait partie du bloc de constitutionnalité.

Le principe de la légalité des infractions entraîne certaines conséquences(S1), mais est quelque peu émietté du fait de l’existence de certaines hypothèses de disparition de l’élément légal(S2).

S1/ LES CONSEQUENCES DU PRINCIPE DE LA LEGALITE DES INFRACTIONS

Ce principe emporte, de la loi pénale, une interprétation restrictive(1), une application non rétro-active(2) et dans ses limites territoriales(3).

1/ L’ INTERPRETATION RESTRICTIVE DE LA LOI PENALE

Si la loi est obscure, le juge doit, dans le doute, relaxer plutôt que condamner. Cette interprétation exclut dans son principe le raisonnement par analogie(A) et développe en marge des aménagements(B).

A/ L’ EXCLUSION DU RAISONNEMENT PAR ANALOGIE

Raisonner par analogie, c’est étendre l’application de la loi à des cas autres non expressément prévus, mais qui présentent une ressemblance avec les cas prévus. Il s’agit de l’extension d’un texte à une situation voisine mais non expressément prévue. Il s’agit d’une situation formellement prohibée par la loi, dont la jurisprudence a néanmoins apporté des tempéraments.

B/ LIMITES A L’EXCLUSION DU RAISONNEMENT PAR ANALOGIE

Ces limites tiennent à ce qu’il faut faire prévaloir l’esprit du législateur sur la lettre : arrêt Crim.8 mars 1930.D.P.1930.I.101,G.P.1930.I.663. En présence d’une loi obscure, cette règle n’autorise pas un refus d’interprétation de la part du juge . Cette règle ne lui interdit pas de rectifier une erreur matérielle ou de rédaction. En outre, le juge peut appliquer un texte à des situations qui ne pouvaient être à l’époque de la rédaction de celui-ci. Par exemple, la jurisprudence française aux soustractions d’énergie électrique les peines de vol alors que le vol suppose l’appréhension illicite de d’un objet matériel, mais était inconnue par le Code Pénal de 1810. Ce raisonnement qui permet de moderniser un texte s’appelle une interprétation téléologiqu e. Enfin, cette règle ne vaut que pour les lois pénales de fond et non celles de formes ou de procédure.

2/LE PRINCIPE DE LA NON RETRO-ACTIVITE DE LA LOI PENALE

Ce principe emporte un contenu(A) et des exceptions(B).

A/ EXPOSE DE LA REGLE

On ne peut reprocher à un individu d’avoir violé une loi qui n’existait pas encore quand il a agi. En effet, la sécurité juridique exige que chacun soit certain qu’il lui suffit de respecter les lois existantes au moment de son acte pour se mettre à l’abri de toute poursuite pénale ultérieure. Cela est vrai tant que la condamnation n’est pas encore définitive. La règle étant entendue, elle s’impose au juge, mais non au législateur.

B/ LES EXCEPTIONS AU PRINCIPE

Nous envisagerons 5 hypothèses de la rétro-activité de la loi pénale.

a)La loi nouvelle est plus douce que la loi ancienne : a.4 C.P.

b)La loi nouvelle est une loi de procédure ou de compétence.

c)La loi nouvelle est une loi de sûreté ou de police :a.5C.P.

d)La loi nouvelle prévoie expressément qu’elle est d’application immédiate

e)La loi nouvelle est une loi interprétative.

3/ LA TERRITORIALITE DES LOIS PENALES

En vertu du principe de la souveraineté, chaque Etat édicte ses lois pénales.L’a.7(1)C.P. énonce : « La loi pénale de la République s’applique à tout fait commis sur son territoire ».La loi pénale s’impose donc à tout individu résidant sur le sol camerounais.

Cependant, ce principe est en crise. En effet, notre régime connaît une variété d’immunités notamment les immunités diplomatiques et consulaires, parlementaires ,et surtout politiques avec l’inviolabilité du Président de la République. Cela est certainement justifié par le prestige de leurs fonctions.

S2/ LES FAITS JUSTIFICATIFS

Un fait justificatif est une circonstance qui enlève qui enlève son caractère illégal à un acte volontaire contraire à l’ordre social, acte qui, sans cette circonstance, devrait constituer une infraction, mais qui, avec cette circonstance apparaît comme l’exercice d’un droit ou même l’accomplissement d’un devoir.

Le seul fait justificatif légal est l’exécution de la loi. L’a.76C.P. prévoie : « Ne constitue aucune infraction, le fait ordonné ou autorisé par la loi et accompli conformément à la loi ».

La loi peut autoriser dans certaines circonstances et selon certaines modalités :

-L’entrée de certains fonctionnaires dans le domicile des particuliers contre leur gré ;

-Ordonner des arrestations ;

-Ordonner l’usage de la force par les agents de la force publique et même par des particuliers tel celui qui empêcherait la fuite d’un criminel.

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