Fiche d’arrêt : Cass. com., 15 septembre 2009, n°08-19.200

Décision : Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 15 septembre 2009, 08-19.200, Publié au bulletin

Faits : Une société exerçant une activité principale de négociant en vin loue, de manière répétée sur plusieurs années, un stand sur un salon ouvert 10 jours par an où elle vend ses produits. Elle est informée par la société organisatrice du salon qu’elle ne pourra plus participer aux éditions suivantes du salon.

Procédure : La société négociante en vin considère que cette décision est abusive et lui cause un grave préjudice et saisit donc la justice pour obtenir des dommages-intérêts au motif de rupture brutale des relations commerciales établies, sur le fondement de l’ex article L442-6, I, 5° du Code de commerce. La cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 12 juin 2008, lui donne raison. La société organisatrice du salon se pourvoit en cassation : elle soutient qu’il n’y avait pas en l’espèce de relation commerciale établie au sens de l’ex article L442-6, I, 5°.

Question de droit : Une succession de contrats ponctuels peut-elle être suffisante pour caractériser une relation commerciale établie au sens de l’ex article L442-6, I, 5° du Code de commerce ?

Solution : La chambre commerciale répond par la positive et rejette donc le pourvoi. Elle souligne que les juges du fond ont souverainement relevé que la relation commerciale établie entre les 2 parties sur la base d’une succession de contrats ponctuels était régulière, significative et stable ; elle pose ainsi 3 critères importants.

Fiche d’arrêt : Cass. com., 6 février 2007, n°04-13.178

Décision : Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 6 février 2007, 04-13.178, Publié au bulletin

Faits : Deux sociétés entretiennent des relations commerciales avec une société tierce. Cette dernière augmente sans préavis les tarifs qu’elle leur consent.

Procédure : Les deux sociétés acheteuses saisissent la justice pour obtenir des dommages-intérêts sur le fondement de l’ex article L442-6, I, 5° du Code de commerce : en effet, elles estiment que l’augmentation sans préavis des tarifs de la part de leur partenaire commercial constitue une rupture brutale des relations commerciales de la part de celui-ci. Celui-ci soulève l’incompétence territoriale du tribunal de commerce saisi ; la cour d’appel lui donne raison, en soulignant que “les relations habituelles et stables entre les parties depuis plusieurs années ont créé une situation contractuelle que l’une d’elle ne peut unilatéralement modifier sans préavis sans engager sa responsabilité contractuelle” et non délictuelle. Elle retient donc que ce sont les règles de compétence juridictionnelle en matière contractuelle qui ont vocation ici à s’appliquer. Les deux sociétés demanderesses se pourvoient en cassation.

Question de droit : Les dispositions de l’ex article L442-6, I, 5° créent-elles un régime de responsabilité contractuelle ou délictuelle ?

Solution : Dans un attendu de principe, la chambre commerciale pose le principe suivant lequel “le fait pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale […] engage la responsabilité délictuelle de son auteur”. Elle casse donc l’arrêt attaqué.

Fiche d’arrêt : Cass. com., 2 octobre 2019, n°18-15.676

Décision : Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 2 octobre 2019, 18-15.676, Publié au bulletin

Faits : Deux sociétés concluent un contrat de gérance-mandat d’une durée d’1 an avec tacite reconduction en vue de l’exploitation d’un magasin. La société mandante informe la société mandataire que le contrat ne serait pas reconduit. Cette dernière considère que la durée du préavis qui lui a donné était trop bref.

Procédure : La société mandataire saisit la justice pour obtenir le paiement de dommages-intérêts sur le fondement des dispositions de l’ex article L442-6 I 5°, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 24 avril 2019. Les juges d’appel rejettent la demande, en considérant que les dispositions de l’article L442-6 invoqué n’ont pas vocation à s’appliquer à la cessation des relations commerciales entre un gérant-mandataire et son mandant, qui sont régies par les dispositions spéciales de l’article L146-6 du Code de commerce. La société mandataire se pourvoit en cassation.

Question de droit : Les dispositions de l’ex article L442-6, I, 5° sont-elles applicables dans le cadre d’un litige relatif à la durée de préavis de rupture d’un contrat de gérance-mandat ?

Solution : La chambre commerciale répond par la positive. Elle souligne “qu’ont vocation à s’appliquer les règles de responsabilité instituées par l’article L442-6, I, 5° du [Code de commerce] lorsque le préavis consenti est insuffisant au regard de la durée de la relation commerciale établie entre les parties et des autres circonstances”. Elle casse donc l’arrêt attaqué.

Fiche d’arrêt : Cass. com., 6 février 2007, n°02-20.463

Décision : Chambre commerciale de la Cour de cassation, 6 févr. 2007, n° 03-20.463, Bull. 2007, IV, N° 20.

Faits : Une association entretient des relations commerciales avec une société. Cette dernière rompt ces relations d’une manière que l’association considère comme brutale.

Procédure : L’association saisit la justice pour obtenir le paiement de dommages-intérêts sur le fondement de l’ex article L442-6 I 5° du Code de commerce, qui prévoyait alors qu’engage sa responsabilité “tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers qui rompt brutalement une relation commerciale établie”. Les juges d’appel rejettent cette demande, en considérant “qu’il ne saurait être admis, sauf à pervertir le sens de la loi du 1er juillet 1901, qu’une association accomplisse, à titre habituel et quasi exclusif, des prestations commerciales”, et que dès lors le demandeur ne peut pas se prévaloir des dispositions de l’article L442-6. L’association se pourvoit en cassation.

Question de droit : Une association peut-elle se prévaloir des dispositions de l’ex article L442-6 I 5° du Code de commerce ?

Solution : La chambre commerciale répond par la positive. Dans un attendu de principe, elle souligne que les dispositions de l’ex article L442-6 I 5° “peuvent être mis en œuvre quel que soit le statut juridique de la victime du comportement incriminé” et casse donc l’arrêt attaqué.

Commentaire d’arrêt : Conseil d’État, 30 juillet 2021, n°439436

Cliquer ici pour lire la décision commentée.


“L’arrêt rendu sur la validité d’un décret d’extradition vers le Burkina Faso conduit à considérer à nouveau le sort des « promesses » émanant d’autorités étrangères. […] Qu’il n’y ait pas d’ambiguïté : je n’allègue pas que le juge devrait prendre en compte le droit étranger, je constate qu’il le fait déjà.” C’est ainsi que Carlo Santulli, professeur à l’université Paris II Panthéon-Assas, souligne les difficultés juridiques liées à la décision n°439436 rendue par le Conseil d’État le 30 juillet 2021.

En l’espèce, le gouvernement du Burkina Faso émet un mandat d’arrêt international contre le frère de l’ancien président de ce pays, qui y est poursuivi pour incitation à assassinat, puis demande son extradition à la France, pays où il a été interpellé. Le Premier ministre français autorise son extradition par décret ; celui-ci saisit le Conseil d’État pour demander l’annulation de ce décret.

En effet, celui-ci soutient que ce décret n’est pas motivé, qu’il méconnaît le principe d’impartialité, que la procédure dont il est le résultat est irrégulière, que son extradition est demandée dans un but politique, que l’action publique relative aux poursuites le concernant est prescrite, que le mandat d’arrêt émis contre lui par les autorités burkinabés est irrégulier, que son extradition méconnaîtrait les articles 3, 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (“Convention EDH”), et enfin que le gouvernement français aurait dû consulter le gouvernement de la Côte d’Ivoire, dont il est le ressortissant. Il soulève également, à l’occasion de ce recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’État, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), portant sur l’article 696-4 du Code de procédure pénale.

Après avoir étudié ces nombreux moyens, les juges du Palais-Royal concluent que ce décret n’est pas illégal ; la requête est donc rejetée. Ils concluent également qu’il n’y a pas lieu de transmettre la QPC soulevée au Conseil constitutionnel. Puisque qu’une décision d’extradition a des conséquences majeures sur la condition de l’individu concerné ainsi que sur ses droits et libertés, il semble important de s’attarder sur les motifs ayant conduit le juge à prendre une telle décision.

Dès lors, dans quelle mesure le Conseil d’État échoue-t-il ici à mettre en équilibre le principe de confiance entre les États liés par une convention d’extradition avec la nécessité de garantie des libertés fondamentales ?

Après avoir rejeté les moyens liés à la forme du décret, les juges du Conseil d’État réitèrent leur refus historique de se substituer plus que strictement nécessaire au législateur comme au gouvernement ; ils refusent également de contrôler les actes d’incrimination à l’origine de la demande d’extradition, avant de se fonder sur les garanties apportées par l’État requérant lui-même pour écarter les moyens liés à une méconnaissance des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme, ouvrant ainsi la voie à de potentielles atteintes graves aux libertés fondamentales qu’elle garantit. Il conviendra d’abord d’étudier le rappel par le juge administratif des limites de son office (I), avant de s’intéresser au rejet des moyens liés à une méconnaissance des libertés fondamentales (II).

I – Le rappel par le juge administratif des limites de son office

Pour rejeter certains des moyens qui lui sont soumis, le Conseil d’État se fonde sur les limites qu’il a lui-même fixées à sa compétence : il refuse ainsi de se substituer plus que strictement nécessaire au législateur et au gouvernement (A) et de contrôler les actes d’incrimination à l’origine de la demande d’extradition par l’État requérant (B).

A – Le refus de se substituer plus que strictement nécessaire au législateur ou au gouvernement

Le demandeur commence ici par soulever une question prioritaire de constitutionnalité : il soutient que l’article 696-4 du Code de procédure pénale, dans la rédaction de son alinéa 7 qui ne prévoit pas d’assurance de garanties fondamentales relatives à l’aménagement des peines, constitue une méconnaissance par le législateur de sa propre compétence (on parle alors “d’incompétence négative”). Le Conseil d’État refuse de transmettre cette question au Conseil constitutionnel, en relevant que l’incompétence négative ne peut pas être invoquée ici parce qu’elle tendrait à l’adoption d’une disposition portant sur un objet distinct du dispositif mis en place par le législateur dans cet alinéa 7. Cela illustre l’appréhension historique du juge administratif de devenir le juge de la loi, en limitant son contrôle sur le législateur au minimum. Cette appréhension peut paraître néanmoins dommageable, puisqu’elle ne permet pas ici l’étude de la question d’une potentielle méconnaissance par le législateur de sa propre compétence, qui semble pourtant essentielle au vu des lourdes conséquences qu’une telle méconnaissance aurait en matière de libertés individuelles.

Le demandeur soutient aussi que le gouvernement français aurait dû consulter le gouvernement ivoirien avant de décider son extradition vers le Burkina Faso. L’accord en matière de justice signé entre la République française et la République de la Côte d’Ivoire de 1961, invoqué par le demandeur et cité dans les visas de cet arrêt, prévoit en effet que ces deux pays “instituent un échange régulier d’informations en matière d’organisation judiciaire”. Le Conseil d’État rejette ce moyen, en retenant que les stipulations de ce traité ne sont pas d’effet direct, puisqu’elles “créent seulement des obligations entre États”, et ne sont dès lors pas invocables par les justiciables. Si une telle conclusion était prévisible, puisqu’elle reprend la solution développée par les décisions “GISTI” du Conseil d’État de 1997 et de 2012, il peut sembler regrettable que le juge administratif se refuse ainsi à contrôler l’inexécution de cet engagement de l’État français malgré les conséquences réelles que celle-ci pourrait avoir sur les libertés des ressortissants ivoiriens tels que le demandeur.

Si le Conseil d’État refuse ainsi de contrôler ces potentiels manquements du législateur et de l’exécutif à leurs obligations, il décline aussi l’invitation qui lui est faite d’examiner les actes d’incrimination à l’origine de la demande d’extradition.

B – Le refus de contrôler les actes d’incrimination à l’origine de la demande d’extradition

Le demandeur soutient également que les actes par lesquels les poursuites le visant ont été rouvertes par les juridictions burkinabés sont irréguliers. Le Conseil d’État écarte ce moyen en affirmant qu’il ne lui appartient pas “d’apprécier la régularité des actes des autorités judiciaires étrangères pour l’exécution duquel l’extradition a été sollicitée”. Il en va de même lorsque, saisi du moyen dénonçant l’irrégularité du mandat d’arrêt émis contre le demandeur, le Conseil d’État se déclare incompétent en la matière en se contentant de souligner qu’il n’a pas été émis “dans des conditions contraires à l’ordre public français”. Ici encore, au vu des conséquences sérieuses d’une telle décision, cette limitation par le juge administratif de son propre office peut surprendre.

De plus, le requérant affirme aussi que son extradition est demandée dans un but politique, ce qui contreviendrait au principe fondamental reconnu par les lois de la République dégagé par le Conseil d’État dans son arrêt “M. Koné” de 1996. Pour rejeter ce moyen, les juges se contentent ici de répondre “qu’il ne ressort pas des éléments versés au dossier” que cette extradition ait été demandée dans un but politique. Le refus des juges d’étudier la légalité des actes sur lesquels sont fondées les poursuites peut donc sembler d’autant plus dommageable qu’ils se fondent sur ces mêmes actes pour rejeter le moyen tenant au but politique des poursuites.

Cette confiance dans les promesses de l’État requérant ne se limite cependant pas au rejet du moyen tenant à l’extradition demandée dans un but politique, mais est également utilisée pour écarter les moyens tenant à une méconnaissance des libertés fondamentales.

II – Le rejet des moyens tenant à une méconnaissance des libertés fondamentales

Pour rejeter les moyens tirés d’une méconnaissance des libertés fondamentales, le Conseil d’État ne semble prendre en compte que les seules garanties données par l’État requérant lui-même (A), avant de consacrer une atteinte aux libertés fondamentales qu’il estime justifiée (B).

A – La confiance en l’État requérant comme seule garantie

Le demandeur soutient ensuite que, si le décret d’extradition est appliqué, il serait alors exposé à une peine incompressible de réclusion perpétuelle sans réexamen possible, ce qui est contraire aux dispositions de l’article 3 de la Convention EDH qui interdit la torture et les traitements inhumains ou dégradants. On constate ici qu’il s’agit d’une situation de conflits entre deux traités, puisqu’un traité international est invoqué pour contester un acte administratif pris sur le fondement d’un autre traité. Dans sa décision « M. Kandyrine » de 2011, le Conseil d’État avait affirmé que, dans une telle situation, le juge doit d’abord chercher à concilier les stipulations des deux traités ; c’est cette méthode qu’il applique ici. Il ne retient en effet pour écarter ce moyen que le fait que le décret attaqué n’accorde l’extradition “que sous réserve que [le demandeur] puisse prétendre” à des dispositions du code burkinabé de procédure pénale prévoyant une potentielle libération conditionnelle après une période minimale de détention de vingt-cinq ans.

De la même manière, pour écarter le moyen selon lequel les conditions de détention dans les prisons burkinabés et la situation personnelle du requérant l’exposeraient à des traitements inhumains ou dégradants en violation de ce même article 3 de la Convention EDH, le Conseil d’État ne se fonde ici que les “engagements sur le lieu et les conditions de détention” pris par le ministre de la Justice burkinabé et sur le fait que le décret attaqué n’accorde l’extradition “que sous réserve du respect des conditions reprenant les garanties apportées par les autorités burkinabè”. Le Conseil d’État, pour écarter ces deux moyens tirés de la supposée violation des dispositions de l’article 3 de la Convention EDH, ne semble dès lors se fonder que sur les garanties apportées par l’État requérant lui-même, sans réellement les contrôler. Une telle solution peut paraître contestable : en effet, même si la confiance entre les États liés par une convention d’extradition est essentielle, elle ne saurait écarter la nécessité pour les justiciables de bénéficier de garanties sérieuses quant à la protection de leurs libertés fondamentales.

Le Conseil d’État ne nie pas cependant que l’exécution du décret attaqué aurait pour conséquence une violation d’une liberté fondamentale consacrée par la Convention EDH.

B – Une atteinte aux libertés fondamentales considérée comme justifiée

Le requérant soutient enfin que son extradition porterait atteinte à ses droits et libertés garantis par l’article 8 de la Convention EDH, qui porte sur le droit au respect de la vie privée et familiale, parce que sa famille – et notamment son enfant mineur – vit en France. Pour écarter cet ultime moyen, le Conseil d’État se contente de rappeler sa jurisprudence constante, suivant laquelle cette atteinte est en effet probable, mais qu’elle est justifiée par “la nature même de la procédure d’extradition” et par “l’intérêt de l’ordre public”. 

En estimant ainsi que la protection de l’ordre public à laquelle contribue le décret d’extradition mis en cause justifie une telle atteinte à une liberté garantie par la Convention EDH, les juges du Palais-Royal concluent un arrêt dont la portée peut sembler discutable. En effet, dans un tel contexte d’extradition d’un proche d’un ancien chef d’État déchu vers une région politiquement instable, et étant donné les lourdes conséquences d’une procédure d’extradition sur la condition des individus concernés, un contrôle plus approfondi du juge sur le respect des garanties fondamentales aurait peut-être été souhaitable.

Commentaire d’arrêt : Tribunal des conflits, Centre hospitalier de Cadillac (2022)

Cette décision Centre hospitalier de Cadillac, rendue par le Tribunal des conflits le 11 avril 2022, porte sur l’épineuse question du domaine des contrats administratifs.

En l’espèce, une association et un centre hospitalier concluent une convention relative “à la mise en œuvre d’une initiative culturelle transversale” qui n’aurait “aucune dimension thérapeutique”. Le centre hospitalier saisit ensuite le tribunal administratif, en tant que juge du contrat, pour obtenir le retrait de vidéos diffusées en ligne dans le cadre de l’application de ce contrat. L’association attaquée conteste la compétence du juge administratif pour connaître des litiges relatifs à ce contrat ; ce dernier renvoie au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence.

La notion de contrat administratif et son périmètre ayant connu récemment, notamment depuis la décision Société Tropic Travaux Signalisation rendue en 2007 par le Conseil d’État, de profondes évolutions d’origine jurisprudentielle mais aussi législative, il semble pertinent de s’interroger sur la manière dont le Tribunal des conflits applique ces nouveaux critères. Dès lors, dans quelle mesure cette décision synthétise-t-elle 15 ans d’évolutions majeures en matière de détermination de l’administrativité des contrats ?

En se fondant sur une évolution législative récente, le Tribunal rappelle qu’un marché public doit nécessairement répondre aux besoins en produits ou service de la personne publique contractante pour être considéré comme tel ; il relève ensuite que le contrat mis en cause échappe à la qualification de contrat administratif en raison de son absence de lien suffisant avec la mission de service public incombant à la personne publique contractante, avant de conclure en rappelant le critère récemment renouvelé de prise en compte de l’intérêt général pour pouvoir appliquer le régime exorbitant des contrats administratifs. Il conviendra d’abord d’étudier le rejet de la qualification du contrat de marché public (I), avant de s’intéresser au refus similaire de le requalifier en contrat administratif (II).

I – Le rejet de la qualification de marché public

Sur la base de la définition législative en vigueur au moment des faits, qui était alors relativement récente (A), le Tribunal des conflits retient qu’un marché public doit obligatoirement répondre aux besoins de la personne publique contractante (B) et rejette donc cette qualification en l’espèce.

A – La seule prise en compte de la définition législative du marché public

Le Tribunal commence ici par se fonder, dans le paragraphe n°2 de cette décision, sur l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, qui était alors en vigueur au moment des faits et qui définit les marchés publics et le régime qui leur est applicable. Les juges relèvent notamment que son article 3 prévoit que “les marchés publics […] passés par des personnes morales de droit public sont des contrats administratifs” et que son article 4 dispose que les marchés publics sont passés ”par un ou plusieurs acheteurs […] pour répondre à leurs besoins”.

Il faut noter que ce texte, qui avait valeur légale et qui a aujourd’hui été codifié à l’article L6 du Code de la commande publique, est venu modifier les critères de qualification des marchés publics. En effet, les marchés publics étaient auparavant soumis à des critères jurisprudentiels, suivant lesquels il y avait des marchés publics de droit privé, jusqu’à ce que le législateur n’intervienne en 2001 par la loi MURCEF, qui disposait que tous les marchés publics “ont le caractère de contrats administratifs” avant que l’ordonnance de 2015 ne vienne modifier cette disposition pour restreindre la qualification de contrats administratifs aux seuls marchés publics passés par des personnes morales de droit public. Le Tribunal fait donc ici application d’un nouveau critère de qualification des marchés publics, qui trouve son origine dans un texte à valeur législative.

C’est sur la base de cette définition législative que le Tribunal étudie les clauses de la convention concernée pour refuser sa requalification en marché public.

B – Le critère retenu de la réponse aux besoins de la personne publique contractante

Dans le paragraphe n°3 de cette décision, le Tribunal des conflits affirme que “il ne ressort ni des termes de la convention […], ni des écritures des parties que cette convention […] ait eu pour objet de répondre aux besoins du centre hospitalier […]. Elle ne constitue donc pas un marché public”. Il déduit donc des termes de l’ordonnance précitée qu’un marché public doit nécessairement répondre aux besoins de l’acheteur, et il étudie en l’espèce les clauses de la convention pour écarter sa requalification en marché public, en considérant que même si l’activité prévue par la convention s’inscrit dans une politique de l’établissement (“dans le cadre de son projet culturel”), elle ne répond pas pour autant à ses besoins.

Une telle étude des clauses de la convention semble pertinente, puisqu’elle permet d’appliquer plus finalement la condition de réponse aux besoins ainsi dégagée et donc de limiter le champ des contrats administratifs, dont le régime est moins protecteur pour les contractants que le régime commun des contrats. L’absence de précision apportée à cette condition peut cependant sembler regrettable, puisque cela signifie que le Tribunal des conflits devra à nouveau être saisi à chaque fois qu’une question similaire se pose pour qu’il étudie les clauses de la convention mise en cause, sans qu’une solution systématiquement applicable ne soit clairement dégagée. 

Après avoir refusé de requalifier la convention attaquée en marché public, le Tribunal rejette plus largement la qualification de contrat administratif.

II – Le rejet de la qualification de contrat administratif

Pour rejeter la qualification de contrat administratif, le Tribunal retient que la convention mise en cause n’a pas de lien avec la mission de service public qui incombe à la personne publique contractante qui suffirait à la caractériser de contrat administratif (A), puis applique les conditions récemment modernisées de l’application du régime des contrats administratifs en raison de clauses contractuelles exorbitantes (B).

A – La nécessité d’un lien suffisant avec la mission de service public incombant à la personne publique contractante

Pour qualifier la convention liant l’association au centre hospitalier de contrat de droit privé, le Tribunal des conflits commence par souligner qu’elle “n’a pas pour objet l’organisation ou l’exécution d’une mission de service public”. Les juges rappellent ici le principe jurisprudentiel posé par la décision Époux Bertin du Conseil d’État de 1956, qui fait du service public l’un des critères du contrat administratif. Ils déterminent cependant, en se fondant ici encore sur les clauses de la convention mais aussi sur les missions de service public confiées par le législateur aux établissements de santé par l’article L6111-1 du Code de la santé publique, que les conditions ne sont pas réunies pour appliquer cette jurisprudence, en raison de l’absence d’un lien suffisant entre la convention et cette mission de service public.

Cette application restrictive du critère de la participation à l’exécution du service public par le cocontractant doit être approuvée, puisqu’elle permet de limiter le périmètre des contrats administratifs et ainsi de mieux protéger le cocontractants des personnes publiques. Elle peut néanmoins sembler curieuse, puisque le Tribunal lui-même relève que l’activité culturelle prévue par la convention relève bien d’une politique de l’établissement.

Si une convention peut être qualifiée de contrat administratif en raison de son lien avec une activité de service public, elle peut aussi l’être en raison de la présence de clauses exorbitantes.

B – Le critère récemment renouvelé des clauses exorbitantes

Le Tribunal conclut sa décision en notant que la convention attaquée “ne comporte aucune clause qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat, impliquerait, dans l’intérêt général, qu’elle relève du régime exorbitant des contrats administratifs”. Il s’agit ici d’une reprise mot pour mot du critère jurisprudentiel dégagé pour la première fois par le Tribunal des conflits dans sa décision SA Axa France IARD (2014), qui a mis fin au principe posé par la décision du Conseil d’État Société des granits porphyroïdes des Vosges (1912) selon laquelle tout contrat comportant une clause exorbitante du droit commun est administratif, en y ajoutant une condition d’intérêt général qui limite fortement les conditions dans lesquelles il s’applique.

En faisant application de ces nouvelles conditions encore relativement nouvelles, le Tribunal des conflits conclut une décision qui synthétise de nombreuses évolutions récentes légales comme jurisprudentielles en matière de requalification de contrats en contrats administratifs. Ces évolutions permettent de limiter le champ des contrats administratifs, dont le régime juridique se révèle être peu protecteur des cocontractants des personnes publiques, et doivent donc être saluées, même si elles ne contribuent malheureusement pas à une simplification du droit qui semblerait pourtant nécessaire en la matière.

Les 3 caractéristiques du droit administratif

Le droit administratif est un droit autonome, jurisprudentiel et d’équilibre.

A – Un droit autonome

Le droit administratif est dans une situation d’autonomie par rapport aux autres branches du droit, parce qu’il n’entretient aucune relation avec ces autres branches (il n’en dépend pas, il ne les complète pas).

Cette autonomie est la plus remarquable vis-à-vis du droit privé.
Elle vient de la décision Blanco, qui fait référence aux “règles spéciales”.
Ces règles sont spéciales dans la mesure où elles sont dérogatoires au droit commun → ne sont pas les règles du droit privé.

On constate aussi une autonomie au sein même du droit : le droit administratif est une branche du droit public, mais chacune de ces branches ont leurs propres règles et sont autonomes les unes des autres.
On constate néanmoins dans les dernières années une influence accrue exercée par les unes à l’égard des autres ; le droit européen a pris une telle importance qu’elle influence le droit administratif (internationalisation).

Le droit administratif a aussi des bases constitutionnelles.
La création de la QPC en 2008 a rapproché le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État, puisque le Conseil d’État est chargé de transmettre ou non les QPC dont il est saisi.
Le Conseil constitutionnel est ainsi devenu un acteur du procès du juge administratif.

B – Un droit jurisprudentiel

Note : on parle parfois de droit prétorien.

Le droit administratif est un droit qui est pour l’essentiel composé par la jurisprudence (décisions de principe du Conseil d’État / du Tribunal des conflits), à l’inverse de la plupart des branches du droit qui sont fondées sur des règles de droit écrit.

Pourquoi ?
Parce que le droit administratif est né d’une décision du Tribunal des conflits et non de la volonté du législateur, au termine d’un processus long et en plusieurs étapes.

Les choses ont néanmoins évolué : les textes ont pris davantage de place en droit administratif, alors qu’ils étaient auparavant majoritairement inexistants, en raison d’une multiplication des textes susceptibles d’intéresser l’administration et les services publics : traités internationaux, directives européennes, Constitution, certaines lois…

L’ordonnance du 23 octobre 2015 crée le Code des relations entre le public et l’administration (CRPA), qui régit les “règles applicables aux relations que peuvent avoir le public [les personnes morales et physiques] avec l’administration”.

C – Un droit d’équilibre

Le droit administratif est un droit d’équilibre, parce qu’il tente de trouver le bon équilibre entre la nécessité pour l’administration d’avoir des pouvoirs étendus et la nécessité d’offrir des garanties aux personnes quand elles sont en relation avec l’administration.

Au début du 20ème siècle, le droit administratif incarne un droit qui protège les prérogatives exorbitantes de l’administration, plus que les droits des citoyens.
Aujourd’hui, nous avons de plus en plus de droits.

Le juge administratif, sur le fondement des règles de droit administratif, a dû trouver un équilibre entre les nécessités d’ordre public / de santé / de police / … et l’exercice de nos libertés fondamentales (individuelles ou collectives), qui ont souvent un rang constitutionnel.

Et aujourd’hui ?

Le droit administratif est-il toujours autonome ? Le droit administratif est-il toujours jurisprudentiel ? Quel est l’équilibre contemporain trouvé par le droit administratif ?
Le cours complet de droit administratif de L2 disponible gratuitement (et sans publicités ni inscription !) sur ce site tente de répondre à ces questions.

Droit administratif : conceptions organique et fonctionnelle (définitions et explications)

Le droit administratif est formé de l’ensemble des règles applicables à l’administration.
On peut définir l’administration par 2 conceptions différentes :

  1. Suivant la conception fonctionnelle, l’administration est l’ensemble des missions prises en charge de l’État pour répondre à nos besoins les plus essentiels.
    On parle de “missions d’intérêt général”, qui sont essentielles pour la cohésion sociale.

    Suivant la définition fonctionnelle, le droit administratif est donc l’ensemble des règles applicables aux missions d’intérêt général.

    Cette définition suppose un large champ d’application du droit administratif : peu importe qui prend en charge ces fonctions (État, personne privée…), la seule chose qui compte étant que la mission soit d’intérêt général.

  1. Suivant la conception organique, l’administration est l’ensemble des services, des institutions et des organes qui relèvent des personnes publiques.
    L’idée est la suivante : si un organisme relève d’une personne publique, alors il s’agit d’un service administratif.

    Suivant la définition organique, le droit administratif est donc l’ensemble des règles applicables aux services administratifs relevant des personnes publiques (État, collectivités territoriales, établissements publics…).

    Le droit administratif est alors inapplicable aux personnes privées.

Conférence d’Alain Juppé : faut-il défendre l’État de droit ?

Il s’agit ici d’une transcription de la conférence donnée par Monsieur Alain Juppé le mardi 22 novembre 2022 devant le Collège de droit de la Sorbonne. Les propos rapportés ont été légèrement édités pour plus de clarté.

“Il est essentiel de se poser cette question pour 2 raisons : d’abord, parce que l’État de droit est le garant des droits fondamentaux ; ensuite, parce que l’État de droit est aujourd’hui gravement attaqué de tous côtés.

Mais, tout d’abord, qu’est-ce que l’État de droit ? On distingue 2 piliers fondamentaux :

  1. La séparation des pouvoirs ;
    Montesquieu affirme que « c’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est amené à en abuser », que « pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir » et que « lorsque dans la même personne la puissance législative est réunie à la puissance exécutive, il n’y a pas de liberté ».
  1. Le respect de la hiérarchie des normes, avec au sommet la Constitution, dont l’adoption et la révision est soumise à des règles solennelles (posées par l’article 89 de la Constitution), puis en dessous la loi et enfin les actes règlementaires.

Des juridictions indépendantes contrôlent à chaque niveau le respect de cette hiérarchie.

Le Conseil constitutionnel, dont je suis membre, est prévu par le titre 7 de la Constitution.

Son fonctionnement au quotidien est assez simple : il siège au Palais-Royal, où chacun de ses membres a un bureau. Nous nous réunissons en collège le mardi matin en audience publique pour écouter les observations des avocats sur les QPC ; le délibéré a ensuite lieu le jeudi.

Nos délais de jugement sont très contraints – pour le contrôle à priori, 1 mois ; pour le contrôle à posteriori, 3 mois.

Nos décisions sont sans appel et s’imposent à toutes les autorités de la République.

Le Conseil constitutionnel compte une cinquantaine de personnes, avec notamment un service juridique très pointu.
Un rapporteur est nommé sur chaque proposition.

Historiquement, l’évolution du Conseil constitutionnel s’est faite en 4 temps :

  1. En 1958, on innove et crée pour la 1ère fois le Conseil constitutionnel. Son objet est alors différent d’aujourd’hui : il vise à éviter le retour au régime d’assemblée et protéger les autorités gouvernementales contre les empiètements du Parlement.
    Le Conseil constitutionnel est le « chien de garde de l’exécutif » : à l’origine, il ne peut être saisi que par le Président de la République, le Premier ministre ou les présidents des assemblées.
  1. En 1971, dans sa décision Liberté d’association du 16 juillet, le Conseil constitutionnel, de manière prétorienne, élargit les normes de référence en fonction desquelles il juge la conformité des lois.
  1. En 1974, sur l’initiative de Valéry Giscard d’Estaing, la saisine du Conseil constitutionnel est étendue à 60 députés ou 60 sénateurs ; cela donne un nouveau pouvoir à l’opposition.
  1. En 2008, la réforme constitutionnelle voulue par le président Sarkozy aboutit à une révolution dans la compétence du Conseil constitutionnel : le nouvel article 61-1 de la Constitution instaure la QPC.
    Il s’agit d’une possibilité donnée à tout citoyen, à l’occasion de n’importe quel procès, de soulever l’inconstitutionnalité d’une loi – même ancienne – dont on considère qu’elle n’est pas conforme à la Constitution.
    Un filtre est inscrit dans la Constitution : le Conseil d’État et la Cour de cassation s’assurent que les conditions de saisine sont remplies.

La QPC est une révolution dans la charge de travail du Conseil constitutionnel.

Avant la QPC, il rendait ~10 décisions par an, contre 100 aujourd’hui. Les QPC représentent 80% de son activité.

C’est aussi une révolution dans le rôle du Conseil constitutionnel, puisque le contrôle de la QPC porte sur les libertés et droits que la Constitution garantit.
Le Conseil constitutionnel devient le garant des libertés et droits garantis par la Constitution.

Attention : aucune de ces libertés n’est absolue. La loi peut fixer des normes au nom de l’intérêt général.
Par exemple, dans le cadre du confinement national en raison de la Covid-19, le Conseil constitutionnel a dû apprécier la conciliation entre intérêts contradictoires. Dans ce cas précis, il a jugé que les garanties apportées étaient suffisantes.

2 précisions :

  1. Nous ne sommes pas juges de la conventionnalité des lois.
    Nous ne jugeons pas in concreto, mais in abstracto.
  1. Nous n’avons pas un pouvoir d’appréciation et de précision de même nature que le Parlement.
    C’est pour ça qu’il n’y a pas de gouvernement des juges. Le Conseil constitutionnel exerce un contrôle restreint : au final, il appartient à la représentation nationale de trancher.

    Exemple : lors d’une QPC récente portant sur une interruption de traitement qui porterait atteinte à la dignité de la personne humaine et à la liberté personnelle de l’individu, le Conseil a affirmé que :
    « Il n’appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, de substituer son appréciation à celle du législateur sur les conditions dans lesquelles […] dès lors que ces conditions ne sont pas manifestement inappropriées à l’objectif poursuivi ».

Le Conseil constitutionnel est aussi chargé de veiller à la régularité des élections présidentielles.
Il statue aussi sur les conditions des élections législatives, règlementaires, etc.

Enfin, l’article 11 de la Constitution prévoit qu’il contrôle le bon déroulement du référendum d’initiative populaire.

Aujourd’hui, l’État de droit est menacé.
Ces menaces sont d’abord internes, avec notamment la crise de la démocratie représentative, en France comme ailleurs : les moins de 25 ans se sont abstenus à 84% aux dernières élections municipales !

Le déclin des partis de gouvernement s’accompagne d’un discrédit de la classe politique, parce que les français ont le sentiment que les politiques mentent et sont inefficaces.

Il y a aussi une aspiration croissante des citoyens à participer aux décisions qui les concernent.
Cela illustre la division entre démocratie d’autorisation et démocratie de participation.

Malheureusement, les remèdes sont limités : faut-il faire des tirages au sort ? des conventions citoyennes ?

Il y a un vrai défaut d’évaluation des politiques publiques : on vote des lois, on ne regarde jamais ce qu’elles donnent.

Les menaces sont aussi externes, avec notamment le terrorisme, les fanatismes, les sectes.

Le développement des technologies numériques engendre des dangers pour les libertés individuelles.
Nous sommes tracés dans tous les actes de notre vie quotidienne, comme l’illustre la disparition du paiement en espèces.
Des régimes mal intentionnés pourraient imposer une société de surveillance.

Ces réseaux sont aussi extrêmement vulnérables, notamment aux cyberattaques.

Ces technologies nous apportent des opportunités fantastiques, mais sont aussi des poisons.
Il faut reprendre la main sur ces technologies pour remettre l’humain au centre.

Pour l’heure, des réglementations européennes et la jurisprudence des tribunaux ont posé un certain nombre de limites à l’utilisation de ces technologies.”

Les enjeux politiques de l’État de droit

“Aujourd’hui, on constate un recul général des valeurs démocratiques. On a le sentiment que les régimes sécuritaires sont plus efficaces pour faire face aux défis du monde que la démocratie.

Il y a aujourd’hui un profond clivage entre les tenants des valeurs humanistes et démocratiques d’un côté et les propagandistes des régimes autoritaires et dictatoriaux de l’autre.

M. Poutine parle d’excès du libéralisme. Cela illustre-t-il une refragmentation du monde ?

Nos valeurs républicaines (liberté, égalité, fraternité) ne sont plus universellement acceptées.
Est-ce que pour autant nous devons renoncer à ces valeurs
Évidemment non ! Ce sont les nôtres, nous devons en rester fiers.”

Questions/réponses

Note : seules les réponses d’Alain Juppé aux questions sont reproduites.

  • Il n’y a pas de gouvernement des juges. C’est un fantasme. Les juges appliquent la loi.
  • Il y a trop d’amendements aujourd’hui. Il faut légiférer moins mais légiférer mieux.
    L’objectif est de convaincre les citoyens qu’on ne se contente pas de voter la loi, mais qu’on se préoccupe de son application.
  • Oui, c’est une bonne idée qu’on soit à la fois parlementaire et maire d’une ville petite ou moyenne, pour avoir plus les pieds dans le réel.
  • Aujourd’hui, on met en place des règles sur les réseaux sociaux.
    2 décisions prouvent que le Conseil constitutionnel n’est pas insensible à la régulation du net :

    • la loi Avia aurait permis à l’autorité administrative de faire retirer un contenu en 1h ; la disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel parce qu’elle ne présentait pas des garanties suffisantes.
    • Mais ensuite, un autre texte qui présentait plus de garanties a été validé.
  • Les interventions d’associations à l’occasion de procédures devant le Conseil constitutionnel sont utiles et sont diffusées au sein du Conseil.
  • Concernant la critique faite au Conseil de ne pas être une vraie juridiction et de ne pas respecter le principe du contradictoire, Alain Juppé nous indique qu’un nouveau règlement adopté récemment renforce le principe du contradictoire.
  • Concernant la procédure de nomination du Conseil constitutionnel, il y a aujourd’hui 6 juristes sur 9 au sein du Conseil.
    Mais il y a aussi d’anciens parlementaires et d’anciens ministres, ce qui est aussi essentiel, parce que le Conseil constitutionnel est aussi le juge du bon fonctionnement des services publics.
  • Toujours concernant la nomination des membres du Conseil constitutionnel, “il n’y a pas de bon système”.
    Alain Juppé a pour sa part été nommé par la présidente de l’Assemblée nationale qui était socialiste, alors qu’il ne l’est pas.
    > Neutralité : il n’a jamais vu intervenir des prises de position politiques.
    > Devoir d’ingratitude : les membres du Conseil ne doivent rien à ceux qui les ont nommés.
    > Le mandat non renouvelable de 9 ans fait qu’ils n’attendent rien à leur sortie ; il n’ont pas à ménager les autorités qui les ont nommés.
    > Ils sont tous âgés et en fin de carrière.
  • Le Conseil constitutionnel refuse de publier des opinions dissidentes, parce qu’il pense que cela entraînerait une politisation du Conseil.

Conclusion

“Il ne faut pas croire ceux qui disent que c’était mieux avant.
Je suis un baby boomer, je pourrais vous dire que c’était mieux avant, mais c’est faux.

Le siècle qui vient ne sera pas un chemin de roses : il faudra arrêter le dérèglement climatique, lutter contre les inégalités (ce qui sera nécessaire pour maîtriser les mouvements de population) et lutter pour nos valeurs contestées un peu partout.

Mais on peut y arriver : il faut avoir confiance en nous et dans les autres.”

Sommaire : cours complet de Droit pénal général (L2)

Ce cours complet de Droit pénal général est inspiré de celui donné par le professeur Emmanuel Dreyer à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne lors de l’année 2022-2023.