Chapitre 5 : L’État

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Introduction sur les sujets du droit international public

L'État est le 1er sujet du droit international : on parle de sujet primaire ou sujet originaire.
Il se démarque de tous les autres sujets par son statut : il est le seul qui dispose de la souveraineté.

Le 2ème grand sujet du droit international est les organisations internationales : on parle de sujets secondaires ou sujets dérivés.
CIJ, 1949, Réparation des dommages subis au service des Nations unies :
Dans cet avis, la CIJ considère que l'ONU a la personnalité juridique parce que :

  • Elle a la capacité d'être titulaire de droits et de devoirs internationaux ;
  • Elle a la capacité d'agir en justice.
    > Capacité active → de se prévaloir de ses droits par voie de réclamation internationale ;
    > Capacité passive → d'être attrait devant une juridiction internationale.

Le 3ème sujet est beaucoup plus récent : ce sont les personnes physiques ou morales de droit privé.
Initialement, c'étaient des objets du droit international : il parlait d'eux sans s'adresser à eux.
Avec l'évolution qu'a connu le droit international, il a commencé à leur conférer des droits et des devoirs et à créer des juridictions internationales devant lesquelles ils vont pouvoir être attraits.
Pour cela,
les États ont modifié la capacité des personnes privées pour leur permettre d'atteindre la personnalité juridique.

→ Les sujets de droit international ne sont pas identiques entre eux.
→ L'État est le sujet originaire du droit international.

Section 1 : La formation de l'État

Il n'y a pas vraiment de débat sur qu'est-ce qu'un Etat.

Jean Combacau explique que l'État entretient des relations contradictoires avec le droit international parce que :

  • En tant que réalité historique, il est antérieur au droit international ;
  • Mais en tant que phénomène juridique, il le constitue tout autant qu'il en procède.
    En effet, c’est le droit international lui-même qui permet de discerner si une collectivité répond à une définition de l'État et qui détermine les conditions d'émergence de l'État.

À l'origine, le droit international est européocentrique → c'est le droit des Etats européens.
Il faudra attendre les mouvements de décolonisation et l'apparition de nouveaux États, notamment à l'issue de la Seconde Guerre mondiale.

§ 1. Les conditions d'apparition de l'État

Le droit international détermine qui est un État.
La Commission d'arbitrage pour la paix en Yougoslavie, dans son 1er avis du 29 novembre 1991, a confirmé que seuls les principes du droit international permettent de définir à quelles conditions une entité constitue un État.
La question de l'apparition ou de la disparition d'un État est donc une question de fait.

La commission d'arbitrage poursuit en expliquant que l'État est communément défini comme une collectivité qui se compose

  1. d'un territoire et…
  1. d'une population…
  1. soumis à un pouvoir politique organisé.

A – Les éléments matériels

1) L’élément spatial : l'assise territoriale

Il n'existe pas d'État sans assise territoriale → il n'y a pas d'État sans territoire.
Il faut une assiette spatiale stable.

💡
On a beaucoup parlé d’un “État islamique”, mais était-ce vraiment un État ?
Laurent Fabius a expliqué que le groupe n’était pas un État, parce qu'il lui manquait cette assise territoriale.

Seuls les États ont un territoire.
Certaines entités ont une sorte de siège social ; par exemple, l'Église catholique ou des mouvements de libération nationale sont installés sur le territoire d'un État qui les accepte.
Ces entités n'accèdent pas à la qualité d'État parce qu'ils exercent un contrôle sur une population qui ne se situe pas sur leur territoire.

Les contours d'un territoire n'ont pas besoin d'être définis : s'il n'y a pas de délimitation ou si cette délimitation est imprécise, ça ne fait pas obstacle à la formation de l'État.
Il faut simplement une délimitation et une assise spatiale stable, dont les contours pourront être définis postérieurement.

La délimitation des frontières se modifie avec le temps : la France modifie encore aujourd’hui sa frontière avec ses États voisins !

La taille n'est pas un obstacle à l'apparition d'un État : il n'y ni taille minimale ni taille maximale pour être un État.
Par exemple, il y a des micro États comme Monaco.

L’assiette spatiale peut être discontinue : c'est notamment le cas des États archipélagiques.
Autre exemple : l'Alaska, qui fait partie des États-Unis.

Le territoire est l'espace terrestre, mais également l’espace maritime et aérien.

C’est le territoire qui permet à la population de s'établir sous l'autorité d'un pouvoir.
Les États bénéficient d’un droit à la souveraineté et au respect de son territoire

Une question actuelle qui se pose est celle de la disparition du territoire de certains États.
Certains États ont déjà perdu une partie de leur territoire du fait de la montée des eaux, et l’on sait que cette montée des eaux est irrémédiable et que certains États vont perdre la totalité de leurs territoires (exemples : Vanuatu, Kiribati…).
Même à notre échelle, des régions françaises risquent de disparaître, telles que le Cap Ferret ou l’Île de Ré.

Si l’État perd une partie de son territoire, ça ne remet pas en cause sa qualité d'État, en raison du principe de continuité de l'État.
Ainsi, même si une partie de l’État se sépare (sécession), l'État reste un État.

Mais si le territoire disparaît, comment fait-on pour le définir ? et que devient la population qui vit sur l'Etat ?

Des petits États tels que les Tuvalu revendiquent de + en + le droit du maintien de l'État, indépendamment du maintien du territoire.
Les Tuvalu ont commencé à obtenir de certains États la reconnaissance de la permanence de leur existence.
En 2023, dans une déclaration du Forum des îles du Pacifique (Pacific Island Forum), les États du Pacifique ont rappelé le principe du maintien de la qualité d'État.

Il y a donc 3 conditions pour qu'une entité puisse acquérir le statut d'État, mais la disparition de l'État ne prend pas en compte ces mêmes conditions.


2) L’élément humain : la population

Sur ce territoire vont se nouer des relations sociales qui vont être régies par l'État.
Le territoire doit donc être habité par des personnes qui y vivent de manière suffisamment stable.

C'est la seule condition posée par le droit international public.
Il n'est pas nécessaire d'avoir une homogénéité dans la population → l’État nation n’est qu’un modèle parmi d'autres.

Cette collectivité doit être organisée politiquement :

B – Une organisation politique indépendante

L’organisation politique doit être suffisante pour permettre l'exercice de la puissance sur l'ensemble du territoire.
Il faut donc :
1- une organisation politique ;
2- qui est indépendante.

1) Organisation politique effective

Le droit international pose des exigences minimales : il faut qu’il y ait un début d’organisation étatique.

L’État est une personne morale qui a un caractère corporatif : il faut des agents qui agissent au nom de l'État. Ces personnes doivent s’acquitter de l'ensemble des fonctions étatiques et doivent se faire obéir de façon régulière sur le territoire.

Il faut donc un début d'organisation politique effectif.
Dès que les conditions sont réunies, la collectivité devient un État.

Le droit international public n'impose aucune forme à cette structure.
Que cette organisation politique soit une démocratie ou une monarchie de droit divin, ça ne regarde pas le droit international public.

Assemblée générale des Nations unies, résolution 2625 :
Prévoit que tout État a le droit inaliénable de choisir son système politique, social et culturel sans aucune forme d'ingérence de la part des autres États.

💡
La résolution 2625 de l’Assemblée générale des Nations unies a été adoptée le 24 octobre 1970 .
Elle est intitulée
Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États.
Élaborée par consensus mais dépourvue de force obligatoire, elle énonce les principes structurants de l’ordre juridique international.

2) Indépendance

L’indépendance, c’est l'absence de soumission à une autre puissance.
C'est parce que le gouvernement est indépendant que l'État pourra être souverain.

On considère qu'une collectivité est indépendante à partir du moment où elle s'est émancipée de l'État qui l'assujettissait.

💡
Cette collectivité peut choisir de garder la même langue officielle, la même monnaie…
Ce ne sont que des choix d'organisation de la nouvelle collectivité, qui n’ont pas d’influence sur son indépendance.

L’indépendance est un fait de nature politique : elle doit exister aux yeux de la communauté internationale.
Par exemple, l’État peut apparaître quand une collectivité cesse d'obéir à un ordre juridique extérieur.
Ainsi, si l’État qui administrait auparavant le territoire ne le contrôle plus effectivement, on peut constater une indépendance de fait (→ le territoire s'administre tout seul).

La qualité d'État résulte uniquement de faits qui seront ensuite appréciés par les autres États.
Il n'y a aucun acte juridique ni aucune procédure.

💡
Il peut simplement y avoir, dans des cas exceptionnels, un processus d'indépendance supervisé par la communauté internationale.

Une fois que ces conditions sont réunies, la collectivité devient un État par l'effet du droit.
Elle bénéficie alors du statut d'État, qui s’impose à elle.

Autrement dit, le nouvel État devra respecter les obligations dues à son statut (par exemple, l'interdiction du recours à la force).

Une fois qu'une collectivité est devenue un État, alors sa qualité d'État se maintient en vertu du principe de continuité légale de l’État.

§ 2. Les modalités d’apparition de l’État

Aujourd’hui, il n'est plus possible de voir apparaître des États ex nihilo.
L’apparition de l'État se fait désormais au détriment d'autres États ou par la modification d'États préexistants.

A – La sécession

La sécession est définie comme une "action d'une partie de la population d'un État visant à dissocier un territoire de l'État de la souveraineté duquel il relève".
L’État préexistant continue d'exister, mais il est amputé d'une partie de son territoire.

Il faut ici distinguer le cas général du cas particulier tiré de la décolonisation :

1) Le cas général

Il y a de très nombreux exemples de sécessions :
> la Belgique a fait sécession des Pays-Bas (1830) ;
> le Panama de la Colombie (1903) ;
> la Finlande de l'Empire russe ;
> le Bengladesh du Pakistan ;
> l’Érythrée de l'Éthiopie…

Aujourd'hui, il y a toujours de très nombreux mouvements sécessionistes, y compris en Europe.
Le droit encadre-t-il ces mouvements ?

CIJ, 2010, Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d'indépendance relative au Kosovo (avis) :
Jusqu'en 1989, le Kosovo avait un statut particulier d'autonomie par rapport à la Serbie au sein de la Yougoslavie. Ce régime prend fin, avec d'abord une période d'opposition pacifique, puis violente, entre les albanais du Kosovo et les autorités serbes.
Une guerre civile éclate en 1990 avec une épuration ethnique et des crimes contre l'humanité.
L’OTAN intervient militairement par une force internationale avec un volet militaire (maintien de la paix) et un volet civil (construction de la paix).
Cette mission civile doit statuer sur le statut du Kosovo et met en place un cadre constitutionnel provisoire, en instituant notamment des institutions parmi lesquelles une assemblée.
Le 17 février 2008, cette assemblée déclare l’indépendance du Kosovo, qui est immédiatement reconnu par une quarantaine d’États.
La Serbie considère que cela viole le droit international, la souveraineté et le droit à l'intégrité territoire de l'État.

Elle saisit la CIJ, en lui demandant : "la déclaration unilatérale d'indépendance du Kosovo est-elle conforme au droit international ?".
La Cour ne se prononce pas sur le point de savoir si le Kosovo est un État, mais vérifie simplement la conformité de la déclaration → elle regarde s'il existe une règle de droit international qui interdit à cette collectivité de se déclarer indépendante.

La CIJ considère que la déclaration d'indépendance ne contrevient à aucune règle internationale.

”La Cour estime que le droit international général ne comporte aucune interdiction applicable des déclarations d’indépendance. En conséquence, elle conclut que la déclaration d’indépendance du 17 février 2008 n’a pas violé le droit international général”.

→ Indifférence du droit international aux mouvements sécessionnistes.

La CIJ ajoute que la déclaration d'indépendance ne viole pas le droit à l'intégrité territoriale de l'État, parce que ce droit – qui découle de la souveraineté de l'État – ne s'applique qu'entre États.
Ce droit ne vaut que dans les relations interétatiques ; or
ici, quand la collectivité se déclare indépendante, elle n'est pas encore un État et n'est donc pas tenue de respecter le droit à l'intégrité territoriale des autres États.

Attention : il n’y a pas de droit à faire sécession !
L’État qui fait face à un mouvement de sécession peut réagir en l'interdisant.
Par exemple, une loi chinoise prohibe l'indépendance de Taïwan.

De plus, dans certains cas, la sécession ne sera pas prise en compte, parce qu'elle s'inscrit dans un certain contexte qui fait que l’on considère que cette déclaration d'indépendance viole le droit international.
La déclaration est alors ineffective.
Exemple : annexions forcées.


2) Le cas particulier : la décolonisation

La décolonisation est un phénomène ancien, qui a d'abord commencé au début du 19ème siècle en Amérique du Sud et en Amérique centrale.

Il a permis l'émergence du principe de l'uti possidetis jurisprincipe d'intangibilité des frontières.
C’est un principe général qui a pour but d'éviter que l'indépendance de nouveaux États ne soit mise en danger par les luttes fratricides nées de la contestation des frontières.

Ce principe signifie que des États nouvellement indépendants ou bien les belligérants d'un conflit conservent leurs possessions pour l'avenir ou à la fin dudit conflit, nonobstant les conditions de traités antérieurs.
Autrement dit, dans le contexte de la décolonisation, les frontières du nouvel État sont celles du territoire colonisé. Ce qui étaient auparavant des frontières internes au territoire colonisé deviennent des frontières internationales.

Aujourd’hui, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes est considéré comme l’un des principes fondamentaux du droit international.
Cette règle coutumière s'est affirmée avec le temps et est considérée aujourd’hui comme une règle erga omnes.

Le premier précédent de cette coutume est l'article 1 §2 de la Charte des Nations unies, qui prévoit que l'un des buts des Nations unies est de développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de légalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes.

Ensuite, la résolution 1514 de l’Assemblée générale des Nations unies marque un moment décisif en qualifiant de contraire à la Charte la sujétion des peuples à une domination ou à une exploitation étrangère.
Elle proclame le droit à la libre détermination à la fois interne et externe.
La résolution précise que le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes doit être obtenu sans délai.

Ce droit des peuples à disposer d'eux-mêmes figure aujourd’hui dans l'article 1er du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) :

“Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes.
En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel.”

Enfin, la résolution 2625 :

  • reconnaît le droit à l'autodétermination ;
  • confirme l'interdiction pour un État colonial d'empêcher l'exercice du droit à disposer d'eux-mêmes ;
  • et justifie la légitimité d'une intervention extérieure pour permettre à une colonie d'accéder à son indépendance.
💡
Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et le droit à l’autodétermination sont synonymes.
Ils désignent le principe issu du droit international selon lequel chaque peuple dispose ou devrait disposer du choix libre et souverain de déterminer la forme de son régime politique, indépendamment de toute influence étrangère.

Le droit à l’autodétermination a donné lieu à de nombreux avis :

CIJ, 1995, Timor oriental (Portugal c. Australie) :
Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est un droit opposable erga omnes.
Le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes avait été reconnu par la Charte des Nations Unies et dans la jurisprudence de la Cour, et c’est l’un des principes essentiels du droit international contemporain.

CIJ, 2019, Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965 :
Dans cet avis, la CIJ rappelle l'importance fondamentale du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
Elle rappelle le caractère coutumier du droit à l'intégrité d'un territoire non autonome : le peuple qui est sous le joug d'une puissance extérieure a non seulement le droit de devenir indépendant, mais a aussi le droit à l'intégrité du territoire de la colonie.

Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes est très limité.
Il n'est reconnu qu'à certains peuples (les peuples colonisés soumis à une domination étrangère) et non pas à tous les peuples.
Autrement dit, une région française ne pourrait pas invoquer ce droit.

Ce droit s'applique aux territoires sous tutelle qui sont non autonomes ou des territoires qui n'ont pas encore accédé à l'indépendance.
Par définition, ces territoires sont géographiquement séparés de celui de la métropole.

Cette conception territoriale font que le droit à l'autodétermination est très restreint.
Aujourd’hui, il ne s'applique quasiment plus ; une fois qu'on l'a exercé, on ne peut pas le réexercer.

Lorsqu'il exerce ce droit, le peuple est libre de choisir son statut politique
Fondamentalement, il a 3 choix :

  1. Il peut devenir un État indépendant ;
  1. Il peut être intégré à un autre État indépendant ;
  1. Il peut s'associer à un autre État.

La population choisit ces modalités : elle doit nécessairement être consultée.
Ce choix doit être l'expression de la volonté libre du peuple concerné.

Les États ont normalement l'obligation d'aider les peuples à devenir indépendants en exerçant leur droit à l'autodétermination.

B – Substitution : la fusion et la scission

On parle de fusion quand plusieurs États se regroupent pour ne constituer plus qu'un seul État.
→ Les anciens États disparaissent au profit d'une entité étatique unique.

Exemple : les États-Unis sont issus de la fusion des différents États d'Amérique du Nord.
Exemple : la Tanzanie est issue de la fusion du Zanzibar et du Tanganyika.

On parle de scission quand un État unique éclate pour donner naissance à plusieurs nouveaux États.
→ L'État d'origine disparaît.

La question a surtout des enjeux en termes de succession.
La succession de l'État s'entend des hypothèses de substitution d'un État à un autre dans les relations internationales : est-ce que le nouvel État hérite de l’ancien (de sa qualité de membre d'une relation internationale, de partie aux traités, de partie aux différents…) ?

L’État continuateur conserve l'intégralité des droits de l'État prédécesseur (= l'État qui disparaît).

Ici, on applique le principe de la liberté de l'État successeur, notamment en matière de traités où il existe le principe d’intransmissibilité des traités.
On "fait table rase" : le nouvel État est libre, au nom de la souveraineté.
→ Le nouvel État n'est pas tenu par les engagements de l'ancien.

La Commission du droit international explique que l'État nouvellement indépendant est libre de toute obligation d'appliquer les traités en vigueur à l'égard de son territoire.

Le nouvel État est tiers aux traités conclus par son prédécesseur, en raison de l’effet relatif des traités.
S'il souhaite devenir partie à un traité bilatéral, il faut qu'il demande à l'autre partie s'il peut hériter du traité.
Pour les traités multilatéraux, très souvent, si le traité ne prévoit rien, alors la notification de succession suffit pour que l'État successeur prenne la place de l'État prédécesseur.

Il existe une exception importante pour les traités territoriaux : pour tous les traités qui mettent en place un régime territorial (par exemple, une frontière), l'État successeur sera tenu par le traité → la succession de l'État ne porte pas atteinte à une frontière établie par traité.

§ 3. Constat de l’apparition : la reconnaissance

Une fois que les 3 conditions sont remplies, le statut d'État est acquis et devient opposable à tous.
L'État nouvellement formé peut demander le respect de son statut d'État.

L'Etat a le droit de défendre les droits qu'il tire de ce statut.
→ Convention de Montevideo sur les droits et les devoirs des États (1933).

Il n'existe pas d'autorité compétente pour constater l'existence de l'État
Par conséquent, ce sont les autres États qui vont chacun – et uniquement pour eux-mêmes – apprécier si l'État nouveau est bien un État.
Les autres États vont individuellement reconnaître ou non l'entité comme un État ; on parle de reconnaissance d'État.

La reconnaissance est un acte unilatéral par lequel un État atteste de l'existence à son égard d'une situation de fait, et s'engage à tirer les conséquences que le droit attache à son existence.
Ici, un État reconnaît un autre comme son semblable et s'engager à le traiter comme tel.

A – Effets de la reconnaissance

On distingue 2 courants doctrinaux :

  1. Pour certains, la reconnaissance est constitutive : elle permet de réellement constituer l'État ;
  1. Pour d'autres, elle est uniquement déclarative : l'État existe, qu'il soit reconnu ou non.

Aujourd'hui, le droit international considère que la reconnaissance est purement déclarative.
→ La reconnaissance ne crée pas l'État.

Tribunal arbitral mixte (TAM), 1929, Deutsche Continental Gas Gesellchaft c. Etat polonais :
L'État existe par lui-même ; la reconnaissance n'est rien d'autre que l'attestation de son existence, reconnue par les États dont elle émane.

La reconnaissance n'attribue pas la personnalité juridique : l'État dispose déjà de la personnalité juridique internationale d'État dès l'instant où il satisfait les conditions.

La reconnaissance a un effet rétroactif : elle porte ses effets à compter de l'existence de l'État reconnu, et non pas à la date de la reconnaissance.

Cela permet aussi des rapports intersubjectifs : tous les États ne sont pas reconnus par tous les autres sans que ça remette en cause leur statut juridique ou leur qualité d'Etat.
Sauf qu’un État non reconnu n'est pas grand chose : l'entité existe objectivement, mais elle ne pourra rien faire, faute d'avoir des partenaires.
Un État non reconnu est ainsi dans l'impossibilité de conclure des traités, de défendre ses nationaux, de défendre ses droits…
→ La reconnaissance permet d'entrer en relation avec les autres.

B – Forme de la reconnaissance

La reconnaissance peut être individuelle ou collective.
C'est toujours un acte unilatéral
, mais parfois plusieurs États reconnaissent un État en même temps.

Par exemple, les États européens ont décidé de se coordonner et d'adopter une position commune sur le processus de la reconnaissance des nouveaux États en Europe orientale et en Union soviétique : la Déclaration de 1991 de la Communauté européenne et des Etats membres portant sur les lignes directrices en matière de reconnaissance fixe des critères, parmi lesquels l’obligation de respecter des règles internationales.

La reconnaissance peut être expresse ou implicite :

  • La reconnaissance implicite est celle qui se déduit du comportement d'un État, des actes qu'il a adoptés ou des relations qu'il a dû établir avec un autre État.
    Le traitement en tant que semblable est une reconnaissance implicite.
    Exemples : envoi d'un ambassadeur, conclusion d'un traité…

    Il faut qu'il n'y ait aucun doute sur cette reconnaissance implicite : la volonté de reconnaître doit être incontestable.
    La participation d'une entité à une organisation internationale n'implique pas la reconnaissance de cette entité comme un État par les États membres.

C – Caractère discrétionnaire de la reconnaissance

1) Principe : la liberté de reconnaître

Les États n'ont aucune obligation de reconnaître.

Les États sont reconnus ou non reconnus essentiellement pour des raisons politiques.

Les États peuvent même reconnaître un autre État de manière anticipée, alors que les conditions ne sont pas encore réellement réunies : on parle de reconnaissance prématurée.
Ces reconnaissances étaient très fréquentes en matière de décolonisation, pour encourager l'exercice du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes par les peuples colonisés.
L'État choisit alors le moment de la reconnaissance ; elle produira des effets rétroactifs.


2) Limite : l'interdiction de reconnaître une situation illicite

Il est interdit de reconnaître une situation qui résulte d'un usage illicite de la force.
Par exemple, une annexion.

Cette limite a été initiée par les USA en 1932 suite à la crise de la Mandchourie : on parlait alors de doctrine Stimson.
Idée en 1932 : il ne faut absolument pas admettre la licéité d'une situation ni reconnaître tout traité ou accord conclu avec ce nouvel État, parce que cette situation porte atteinte à l'intégrité de la République de Chine.

On retrouve cette règle dans de nombreuses résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité des Nations unies.
La résolution 2625 de l'AGNU stipule notamment :
"Aucune acquisition territoriale résultant de la menace ou de l'emploi de la force ne saurait être reconnue".

Exemple : résolution 662 du Conseil de sécurité sur l'annexion du Koweït par l'Irak.
Exemple : résolution 12458 de l’AGNU sur l'annexion de l'Ukraine par la Russie (octobre 2022).

Cette règle est aussi formulée à l'article 41 du Projet d’articles sur la responsabilité internationale de l'État (projet élaboré par la CDI en 2001).

Section 2 : Le statut de l'État

§ 1. Un sujet de droit

A – Personnalité juridique

1) Un sujet de plein droit

L’État est un sujet de plein droit : sa personnalité ne lui est conférée par aucun acte de droit international.
L'Etat est donc un sujet primaire / un sujet originaire du droit international public (c'est le seul !).

Il n'est jamais l'objet de normes qui traiteraient de lui sans s'adresser à lui : il est le destinataire de ces normes en tant qu'elles affectent toute sa situation juridique.


2) Un être corporatif

L'État est aussi un être corporatif : c'est une personne morale qui n'agit que par l'intermédiaire de ses composantes qu'il englobe et dépasse.
Autrement dit, il constitue un corps distinct de chacun de ses organes et éléments constitutifs.

Cela a 2 conséquences :

  1. L’imputation de l'acte des agents à l'État : les agents agissent au nom de l'État et leur identité importe peu.
  1. La permanence de l'État, indépendamment des mutations internes.
    On parle de principe de l'identité dans le temps de l'État, aussi appelé principe de la continuité de l'État.

B – Capacité juridique

L’État bénéficie aussi d'une pleine capacité juridique.
La capacité, c'est le pouvoir de s’engager (
capacité substantielle) et la capacité de réclamer (capacité processuelle).

1) Capacité substantielle de l’État

L'État est le 1er producteur des règles de droit.
Tous les États sont capables de conclure des traités, par lesquels ils pourront s'autolimiter par leur propre consentement.

A chaque fois que l'État exerce sa capacité substantielle en s'engageant internationalement, il ne limite pas sa souveraineté : il en tire simplement les conséquences.

CPJI, 1923, Affaire du Vapeur Wimbledon :
La conclusion d'un traité par lequel un État s'engage à faire ou à ne pas faire quelque chose n'est en aucune manière un abandon de souveraineté. Ce n'est pas davantage une limitation de souveraineté.
En effet, la faculté de contracter des engagements internationaux est précisément un attribut de la souveraineté de l'État !

L'État est l'auteur de tous types d'actes (conventionnels, coutumiers, unilatéraux…).


2) Capacité processuelle de l’État

L’État a aussi une pleine capacité processuelle : il peut faire respecter ses droits.

Les États disposent tous d'un pouvoir de légation.
> Pouvoir de légation positif : droit d'envoyer des représentants.
>
Pouvoir de légation négatif : droit de recevoir les représentants des puissances étrangères.

Il peut recourir à des modes de règlement alternatifs des différents.
Il peut introduire des actions contentieuses devant une juridiction internationale.

La seule limite est le respect du principe du consensualisme.
Il n'existe pas de juridiction obligatoire : il faut que le demandeur et que le défendeur acceptent dans les mêmes termes, pour le même différent, de soumettre ce différend à la compétence d'une juridiction.

§ 2. Un souverain

L'État bénéficie de la souveraineté.

A – Définition

L’article 2 §1 de la Charte des Nations unies, qui reprend le Pacte de la Société des Nations, prévoit que l'organisation est fondée sur l'égalité souveraine de tous ses membres.

De la même manière, la résolution 2625 de l'AGNU rappelle que :

"Tous les États jouissent de l’égalité souveraine. Ils ont des droits et des devoirs égaux et sont des membres égaux de la communauté internationale, nonobstant les différences d’ordre économique, social, politique ou d’une autre nature."

Fondamentalement, la notion de souveraineté peut prendre de nombreux sens différents, selon que l'on se place dans l'ordre interne ou dans l'ordre international :

1) Souveraineté interne

Au regard du droit interne, la souveraineté est le pouvoir suprême.
L’État souverain est plus puissant en droit qu'aucune de ses collectivités publiques et qu'aucun de ses sujets.


2) Souveraineté internationale

Dans la sphère internationale, la souveraineté est le droit de ne pas être soumis.
Une puissance est souveraine quand elle n’est soumise à aucune autre.
En droit international, le souverain admet des égaux.

L’État est souverain parce qu'il n'existe aucune autorité qui lui soit supérieure : il n'est le sujet de personne.

Toutes les règles de droit international s'expliquent par la souveraineté.
Par exemple, les règles entre États doivent être négociées parce qu'ils sont égaux → l’État n'est jamais soumis à une chose quand il ne l'a pas acceptée.

La souveraineté a un corollaire : le principe d'égalité entre États :

B – Égalité entre États

1) Principe

En droit international, aucun État n'est légalement supérieur à un autre.

La souveraineté est essentiellement territorialisée.
La souveraineté, ce n'est pas le pouvoir de faire tout ce que l'on veut ; la souveraineté, c'est davantage la faculté de faire ce qui est compatible avec l'égale souveraineté des autres États.
→ Ce qui est permis, c'est ce qui n'est pas contraire aux droits des autres États.

L’article 4 de la Convention de Montevideo (1933) qui concerne les droits et devoirs des États stipule que :
"Les États sont juridiquement égaux, ils jouissent de droits égaux et ont une égale capacité pour les exercer. Les droits de chaque État ne dépendent pas du pouvoir dont il dispose pour en assurer l'exercice, mais du simple fait de son existence comme personne du Droit international."

La souveraineté masque les inégalités de puissance.
Elle permet la coexistence entre des États puissants et des États qui ne le sont pas.

C'est une égalité juridique, et non une égalité factuelle : les États savent qu'ils ont des inégalités de puissance, mais la souveraineté vient les neutraliser.

Parfois, on trouve des "inégalités" juridiques entre États, lorsqu'on accorde plus de droits à un État qu'à un autre dans un régime conventionnel.
Exemple : le Conseil de sécurité de l'ONU est composé de 15 membres dont seulement 5 ont un droit de véto, alors que l’ONU compte 193 États membres.
Exemple : à l'OMC, des États peuvent bénéficier d'un régime préférentiel en raison de leur niveau de développement.

Les États peuvent donc mettre en place des régimes déséquilibrés, mais parce qu'ils y ont consenti.

Concrètement, cette égalité se manifeste à travers un certain nombre de règles :


2) Exemptions et immunités

La souveraineté est l'impossibilité de soumettre.
Les exemptions et les immunités en sont une conséquence, parce qu'elles empêchent un État d'appliquer son droit national.

Les rapports entre États sont exclusivement régis par le droit international, qui est un droit consenti.
Les États peuvent agir sur le territoire d'un autre État (par exemple, lorsqu'ils ont une ambassade, un ministre en déplacement…).
Dans ces cas-là, le droit interne des États s'adapte, et parfois ne s'applique pas, pour respecter la souveraineté.
→ Les exemptions et les immunités soustraient au droit national certaines situations qui concernent les États.

Normalement, le droit d'un État est d'application territoriale : le droit de l'État s'applique sur le territoire de l'État.
Cette situation n'est pas compatible avec la souveraineté, donc le droit international a prévu un régime d'exemptions et d'immunités.

L'exemption consiste à soustraire un État étranger aux règles substantielles dont l'application serait incompatible avec l'exercice de fonctions étatiques.

L'exemption porte sur des règles de fond : on considère qu'il est impossible d'appliquer la loi d'un autre État à un État étranger ou à ses agents.

Un exemple d’exemption est l'impossibilité d'imposer les agents diplomatiques et consulaires.
De la même façon, les militaires en stationnement sur un territoire national relèvent du droit de leur État.

Il existe aussi des exemptions pour les lieux.
Par exemple, il existe une règle d’inviolabilité des locaux diplomatiques : l'ambassade, le consulat… sont protégés de l'application des règles territoriales afin de permettre l'exercice de sa puissance par l'État.

CIJ, 1980, Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran :
En 1979, des groupes d'étudiants entrent dans l'ambassade américaine à Téhéran et prennent en otage le personnel diplomatique. Le gouvernement iranien ne fait rien.
La CIJ est saisie et rappelle que l'État iranien, en tant qu'État accréditaire (= qui héberge les agents consulaires), a l'obligation de prendre des mesures appropriées pour protéger l'ambassade.

Ces règles existent pour protéger la souveraineté.

Il y a aussi des exemptions pour les biens.
Ainsi, les navires et aéronefs de guerre bénéficient d'une exemption quasi absolue et d'une inviolabilité totale.
Ce principe a été rappelé dans 2 ordonnances du Tribunal international du droit de la mer dans l'affaire de l’Ara-Libertad et dans l'affaire relative à l’immobilisation de 3 navires ukrainiens.

TIDM, 2019, Immobilisation de trois navires militaires ukrainiens (Ukraine c. Fédération de Russie) :
Le tribunal explique que le navire de guerre est l'expression de la souveraineté de l'État dont il bat pavillon. Il est protégé de toute mesure susceptible de nuire à la dignité et à la souveraineté de l'État.


Les immunités sont des exceptions procédurales.
L'immunité permet de soustraire l'État et ses agents des voies légales.

Autrement dit, c'est une forme particulière d'exemption en ce qu'elle empêche l'application des règles nationales relatives à la compétence des juridictions et des mesures d'exécution forcée.
→ Le droit de l'immunité régit uniquement l'exercice du pouvoir de juridiction de l'État.

L'immunité s’exprime au stade de la procédure.
Concrètement, elle se traduit par une décision d'irrecevabilité.

CEDH, 2001, Al-Adsani c. Royaume-Uni :
Il faut considérer l'octroi d'une immunité non comme un tempérament à un droit matériel, mais comme un obstacle procédural à la compétence des cours et tribunaux pour statuer sur ce droit.

On distingue 2 principaux types d'immunités, qui n'obéissent pas aux mêmes règles :

  1. L’immunité de juridiction ;
  1. L’immunité d’exécution.

L’immunité de juridiction concerne l'exercice du pouvoir juridictionnel par l'État national.
Elle concerne toutes les mesures d'exécution forcée et l'exercice de tout pouvoir de contrainte.
Ses règles sont coutumières ; un projet de codification a été lancé en 2004, mais la convention n'est jamais entrée en vigueur.

Dans le droit interne français, on retrouve uniquement les immunités dans la jurisprudence, et non dans la loi → la France a laissé la détermination exacte des immunités aux juges.

Exemple : Cour de cassation, 1849, Gouvernement espagnol c/ Lambège et Pujol :
La Cour de cassation explique que l'indépendance réciproque des États est “l'un des principes les plus universellement reconnus en droit des gens” (= droit international).
Elle déduit qu'il résulte de ce principe qu'
un gouvernement ne peut pas être soumis, pour les engagements qu'il contracte, à la juridiction d'un État étranger.

L'immunité de juridiction de l'État s'applique à l'État, mais aussi à ses organes, à ses services centraux et à ses émanations.
💡 L'immunité de juridiction s'applique quand on souhaite attaquer l'État en justice.

On distingue entre 2 types d’actes :

  1. Les actes jure gestionis = de l’État commerçant → l’État se comporte comme une personne privée.
  1. Les actes jure imperii = de l’État souverain → l’État fait usage de ses prérogatives de puissance publique.

On réserve l’immunité de juridiction aux actes jure imperii, c'est-à-dire aux actes accomplis par l'État en tant que souverain.

Par exemple, un ébéniste engagé pour réaliser des meubles dans une ambassade et que l'État ne paie pas peut attraire l’État en justice.
Dès lors que l'État agit comme un particulier, il n'y a pas d'immunité.

Exemple : la décision de créer la Sorbonne Abu Dhabi est lié au service public de l'éducation et est donc un acte non détachable de l'État → acte jure imperii → immunité de l’État.

La difficulté se trouve donc dans le fait de savoir si l'on est dans un acte de prérogative de puissance publique.
On regarde l'activité ou le contrat mis en cause : est-ce que le contrat contient des clauses exorbitantes du droit commun ? ou est-ce qu’il s’agit d’un rapport de droit privé ?

On prend aussi en compte la nature de l'activité.
Par exemple, une standardiste peut être employée par n'importe quelle personne ; mais la traductrice de documents officiels ou le comptable qui engage les finances publiques sont dans un rapport spécial avec l'État.

Les juridictions françaises ont déjà reconnu l'immunité d'État à des États qui n'étaient pas reconnus par la France, parce que l'immunité découle de la souveraineté.
Des juridictions ont donc déjà déclaré des requêtes irrecevables parce que le défendeur était un État, alors même que cet État n'était pas reconnu par la France.

L'immunité de juridiction vaut aussi pour les agents de l'État, à raison de leur fonction et de leur qualité.
Cette immunité qui s'attache à un agent est appelée immunité personnelle.
💡 Ici, on attaque une personne.

Ainsi, y a de très nombreux exemples où ont été recherchée devant les juridictions françaises la responsabilité de chefs d'États.

Cour de cassation, 2010, Kadhafi :
”La coutume internationale qui s'oppose à la poursuite des États devant les juridictions pénales s'étend aux organes et entités ainsi qu'à leurs agents à raison d'actes qui relèvent de la souveraineté de l'État”.

Tous les agents ne vont pas avoir la même immunité.
L'immunité est totale pour le chef de l'État et le chef de gouvernement.

Il faut s'intéresser à la qualité des agents : on regarde quelles sont les fonctions et s’il a besoin, pour l’exercice de ces fonctions, d'une immunité à l'étranger.
L'immunité vaut généralement pour la durée des fonctions et s'arrête après
→ l'immunité n'est pas synonyme d'impunité.

On a des immunités très importantes pour les membres des missions diplomatiques.
L'ambassadeur a l'immunité la plus importante ; l'immunité sera moins importante pour le consul et le personnel consulaire.

L'immunité protège l'agent en tant qu'il personnifie l'État.
Elle couvre tous ses actes, y compris les actes privés.

L'immunité d'exécution protège l'État contre toutes les opérations matérielles qui comportent un élément de contrainte avec l'exercice de la puissance souveraine.
Autrement dit, il n'y a pas de voies d'exécution pour les États étrangers.
Elle vaut aussi pour les agents.

À l'origine, l'immunité d'exécution était absolue : on considérait qu'elle était celle qui devait être la plus importante, puisque l'atteinte à la souveraineté était plus grave.
Idée : saisir les biens de l'État, c'est plus grave que de laisser sa juridiction trancher un différend.

Cependant, on a choisi de distinguer certains biens.
Cour de cassation (Civ. 1), 1984, Eurodif :
On considère que les biens qui, par origine ou destination, revêtent un caractère privé ne peuvent pas bénéficier de l'immunité d'exécution.

Imaginons que la France ait une dette envers Mathieu, de nationalité équatorienne.
Mathieu a un titre de créance contre la France.
Peut-il demander à saisir les biens de l'université Paris 1 ? Non, parce que c'est un bien affecté à un service public non commercial.
→ À chaque fois, il faut aller vérifier à chaque fois sert le bien.

Il faut vérifier que le bien que l'on veut saisir relève d'une activité économique et commerciale d'une personne privée.
La Cour de cassation a affirmé qu'on ne pouvait jamais saisir les sommes présentes sur les comptes bancaires des missions diplomatiques, qui sont présumées servir aux besoins de la mission de souveraineté de l'État.

La renonciation :

Est-ce que l'État peut renoncer à ses immunités ?

Oui, la renonciation est toujours possible.
Il faut ici distinguer l'immunité de l'État de l'immunité des agents :

Immunité de l'État :

  • La renonciation se fait par un acte unilatéral ou collectif.
  • La renonciation à l’immunité de juridiction peut être expresse ou implicite.
  • La renonciation à l’immunité d'exécution doit être expresse.

Immunité des agents :

  • La renonciation se fait par un acte unilatéral ou collectif.

    Exemple de renonciation par un acte collectif :
    L’article 27 du Statut de la Cour pénale internationale prévoit que les personnes ne peuvent pas invoquer leur immunité devant la Cour pénale internationale (mais seulement pour les États qui sont parties).

  • Seul l'État peut renoncer à l'immunité de ses agents et représentants.

On a ainsi vu le droit positif ; mais ce droit positif est aujourd'hui remis en cause.
En effet, le droit des immunités entre en contradiction avec certains droits de l'homme.
Les immunités peuvent-elles toujours jouer dans toutes les situations, ou est-ce que dans certains cas, en raison de certains droits, les États seraient privés de leurs immunités ?

Fondamentalement, l'immunité empêche une juridiction d'examiner l'affaire au fond.
Cela rentre immédiatement en contradiction avec le droit à un tribunal et le droit à un procès équitable.
Cela entre aussi en contradiction avec les règles de
jus cogens, qui sont certaines règles dont on dit qu'elles ont une nature particulière en raison de leur importance.

Rapport entre les immunités et les règles de jus cogens :

💡
Exemple de règle de jus cogens : l’interdiction de la torture.

C'est sur ce point que le droit coutumier est le plus remis en cause par la pratique de certains États.
Par exemple, les États-Unis ont modifié leurs lois sur les immunités pour inclure des exceptions à l'immunité lorsque l'État a violé les normes relatives aux droits de l'homme ou à l'ordre public en matière de terrorisme. L'Italie en a fait de même.
→ Mouvement de contestation des juridictions nationales.

Cela a donné lieu à 2 arrêts :

  1. CIJ, 2012, Immunités juridictionnelles de l'État (Allemagne c. Italie) :

    Après 1943, l'Allemagne a occupé une partie de l'Italie, où ses troupes ont commis des exactions.
    Des dispositifs ont été mis en place pour indemniser les victimes, et notamment pour les personnes qui avaient été soumises à un service de travail obligatoire.
    Cependant, certains ressortissants italiens n'entraient pas dans les critères ; ils saisissent les juridictions italiennes et obtiennent gain de cause → condamnation de l'Allemagne avec saisie des biens détenus sur le territoire.

    Cela Donne lieu à un différend diplomatique entre l'Allemagne et l'Italie. L’affaire est portée devant la CIJ.
    L’Allemagne est-elle en droit d'invoquer les immunités alors que sont en cause la violation de règles de
    jus cogens ?
    L’Allemagne soutient que oui : les règles d'immunité s'appliquent en tous lieux et pour tous les faits ; au contraire, l'Italie soutient que quand sont en cause des règles de
    jus cogens, alors la règle des immunités ne doit pas jouer.

    Dans sa décision, la CIJ reprend tout le régime des immunités.
    Elle rappelle que ce sont des règles de droit coutumier ; que l'État bénéficie d'une immunité de juridiction restreinte ; elle distingue les actes
    jure imperi et jure gestionis.
    Elle explique que ces expressions n'impliquent pas que les activités soient licites, mais indique seulement qu'elles doivent être appréciées au regard des règles régissant l'exercice du pouvoir souverain :
    > est-ce que ce sont des actes que seul un État souverain fait ? ou
    > est-ce que ce sont des actes régissant des rapports d'ordre privé ou commercial ?

    L’immunité ne joue que pour les actes jure imperi ; or l'activité d'une armée est toujours un acte d'un souverain → on entre ici dans le cadre de l'immunité jure imperi.

    La Cour conclut qu'en l'état actuel du droit international coutumier, un État n'est pas privé de l'immunité pour la seule raison qu'il est accusé de violations de violations graves du droit international des droits de l'homme ou du droit international des conflits armés.
    → Pas d'exception tirée de la violation des règles de jus cogens.

    Ce qui est intéressant dans cette décision, c'est que la CIJ explique son raisonnement : elle explique la relation entre la norme de jus cogens et celle de l'immunité.
    Elle explique que l'immunité de juridiction est une règle procédurale, alors que la norme de jus cogens est une règle de fond (= qui prohibe certains comportements) → ces 2 normes ne peuvent jamais entrer en conflit.

  1. CEDH, 2001, Al-Adsani c. Royaume-Uni :
    Un ressortissant britannique et koweïtien retourne au Koweït pour défendre le pays contre l'Irak. Il y reste et détient des cassettes vidéos compromettantes qui mettent en scène un cheik apparenté à l'émir du Koweït. Le contenu de ces cassettes vidéo est rendu public et M. Al-Adsani est tenu pour responsable.
    Il est détenu, torturé et battu, puis relâché après avoir signé des faux aveux. Ensuite, il est conduit une nouvelle fois dans une voiture officielle dans un palais de justice où il est torturé.
    Il finit par s'échapper et il veut obtenir réparation devant les juridictions britanniques, mais celles-ci appliquent la règle de l'immunité et refusent de statuer sur le fond.

    Il décide de saisir la CEDH pour savoir si le Royaume-Uni, en appliquant la règle des immunités, a violé ses obligations au titre de l'article 3 de la CEDH.

    La CEDH considère que l'interdiction de la torture est une règle de jus cogens, mais elle considère qu'il est impossible de conclure de la pratique qu'une violation de cette pratique empêcherait l'application de l'immunité.
    Ainsi, il n'y a pas d'exception à la règle de l'immunité de l'État quand sont en cause la violation de règles de jus cogens.

Qu'en est-il quand l'action est dirigée contre un agent de l'État ?
La tendance générale va plutôt dans le sens d'une absence d'exception.

Il existe quelques exceptions (par exemple, l'affaire Pinochet auprès de la Chambre des Lords), mais elle ne sont pas assez nombreuses pour modifier la règle coutumière.
S'il y a une contestation, celle-ci n'a pas remis en cause le droit coutumier, mais ça pourrait être le cas à l'avenir !

Par exemple, en France : Cour de cassation (Crim.), 2001, Kadhafi :
La coutume internationale s'oppose à ce que les chefs d'État puissent, en l'absence de disposition internationale contraires, faire l'objet de poursuites devant les juridictions pénales d'un autre État.
La chambre criminelle ajoute que c'est à la communauté internationale de fixer les limites à la règle d'immunité des agents, notamment lorsqu’elle peut être confrontée à d'autres valeurs reconnues par cette communauté.

Rapport entre les immunités et le droit à un procès équitable :

Comment se concilient l'immunité et les exigences du droit d'accès à un tribunal (reconnu par le droit international) ?

Les règles en jeu ici sont de mêmes natures : ce sont des règles de procédure, de sorte qu'elles peuvent pas entrer en contrariété.
Problème : il n'existe pas de principe hiérarchique pour savoir laquelle des 2 règles prime.

CEDH, 2001, Al-Adsani c. Royaume-Uni :
Cette question se posait également dans l'affaire Al-Adsani → la CEDH a vérifié si l'État avait méconnu sa marge de manœuvre.
En effet,
l'article 6 de la Convention EDH admet des limitations au droit à un procès équitable, mais précise qu’il faut que ces limitations poursuivent un but légitime et qu'elles soient proportionnées (elle retient que ces limitations ne doivent pas atteindre la substance même du droit).

Elle relève que l’application de l'immunité favorise la courtoisie et les bonnes relations entre États → appliquer la règle des immunités poursuit un but légitime.
Elle vérifie ensuite que cette application est proportionnée au cas d'espèce (→ contrôle de proportionnalité).

Exemple : CEDH, 2010, Cudak c. Lithuanie :
Était en cause le licenciement d'une secrétaire et standardiste de l'ambassade de Pologne à Vilnius. Les juridictions lithuaniennes ont appliqué la règle des immunités.
La CEDH vérifie quelles étaient les fonctions de Mme. Cudak : elle s'aperçoit qu'elle ne remplissait pas de fonctions qui relèvent de l'exercice de la puissance publique → l’immunité ne s’applique pas.
La CEDH conclut qu’il y a eu ici violation de
l'article 6 de la Convention EDH, parce que le droit international n'obligeait pas l'Etat à reconnaître l'immunité → atteinte à la substance même du droit.

À chaque fois que l’on met en balance la règle des immunités et le droit à un procès équitable garanti par l'article 6, la CEDH vérifie quel est le but poursuivi et quelle est la teneur du droit international.
Si le droit international n'obligeait pas l'État à appliquer la règle des immunités, alors la CEDH considère qu'il y a une violation de l'article 6.

De la même manière, les juridictions françaises considèrent que l'octroi d'une immunité conformément au droit international ne constitue pas une restriction au droit d'un particulier d'avoir accès un tribunal.


3) Non-ingérence

Le principe de non-ingérence, ou principe de non-intervention, constitue une autre règle particulièrement importante du droit international.

Le principe de non-ingérence est un devoir d'abstention des autres États.

Cette règle est rappelée à de très nombreuses reprises.
Par exemple,
l'article 2 paragraphe 7 de la Charte des Nations unies prévoit qu'aucune disposition de la Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un État.

Le principe de non-intervention est souvent utilisé comme synonyme du principe de non ingérence. Pourtant, on les distingue, puisque ces deux principes ne protègent pas la même chose :

  • Le principe de non-intervention protège l'État d'une intervention sur son territoire.
    Il est lié à l'intégrité territoriale de l'État.
  • Le principe de non-ingérence protège l'indépendance de l'État.

Souvent, le même comportement viole les 2 principes.

Le principe de non-intervention interdit à un État de méconnaître l'intégrité territoriale d'un autre.
L'intervention implique un élément matériel : il y a une contrainte directe ou indirecte qui constitue une violation de l'interdiction du recours à la force.
On lie directement l'article 2 paragraphe 4 au principe de non intervention.

La résolution 2625 rappelle le principe que les États s'abstiennent, dans leurs relations, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale, soit contre l'indépendance politique.

Ces règles ont une valeur coutumière.
Cette valeur coutumière a été affirmée par la CIJ en 1986 :

CIJ, 1986, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique) :
Paragraphe 202 de la décision.
Pendant la guerre froide, une politique interventionniste américaine veut éviter que des gouvernements communistes ne s'installent sur le continent américain.
Un changement politique au Nicaragua déplaît aux États-Unis et un mouvement d'opposition tente de renverser le régime politique.
Des contras, des groupes armés militaires composé de nicaraguayens et largement financés, entraînés et équipés par les États-Unis, agissent depuis la frontière pour renverser le gouvernement en place.
La CIJ devait ici vérifier si les actes de ces contras sont imputables aux États-Unis.

La CIJ tient pour établi que le président des États-Unis a autorisé un organisme gouvernemental américain à aider à poser, ou à poser directement, des mines dans des ports du Nicaragua. Ces mines ont été posées sous la supervision et avec l'appui d'agents des États-Unis.
Y a-t-il violation du principe de non-ingérence ?

La CIJ explique que ce principe interdit à tout État ou à tout groupe d'État d'intervenir directement ou indirectement dans les affaires intérieures ou extérieures d'un autre État.
Elle précise que l'intervention interdite doit porter sur des matières à propos desquelles le principe de souveraineté de l'État permet à chacun d'eux de se décider librement ; par exemple, le choix du système politique, économique, social et culturel, ou encore la formulation des relations extérieures.

La CIJ conclut que le fait de poser des mines était nécessairement contraire à la souveraineté du Nicaragua. Elle ajoute que le gouvernement américain, par son soutien, entendait exercer une pression sur le Nicaragua dans les domaines où chaque État jouit d'une liberté de décision.

Donc quand un État apporte son appui à des bandes armées qui visent à renverser un gouvernement, cela équivaut à violer le principe de non-ingérence, et ce quel que soit le but politique recherché par l'État.

Cette décision mêle l'intervention et l'ingérence.
Il faut retenir que la non-intervention protège l'intégrité du territoire, tandis que la non-ingérence protège le domaine réservé de l'État et ses affaires intérieures (définies par la Cour comme "les matières dans lesquelles l'État est libre de se décider").
💡 Le domaine réservé de l'État correspond à toutes les matières dans lesquelles il n'a pas souscrit d'engagement international.

Comment savoir si une matière entre ou non dans le domaine réservé d’un État ?
CPJI, 1923, Décrets de nationalité promulgués en Tunisie et au Maroc (avis) :
C’est une question essentiellement relative, qui dépend du développement des rapports internationaux.

Le champ d’application du principe de non-ingérence :

Toutes les ingérences ne sont pas illicites : elles ne sont illicites que quand elles portent atteinte à une liberté d'un État (par exemple, le libre choix de son régime politique économique et social).
→ L’ingérence est illicite si elle porte sur un domaine où l’État reste libre.

La violation du principe de non-ingérence implique la violation d'un autre droit : le droit du non recours à la force, le droit à l'autonomie constitutionnelle…

L'ingérence n’est illicite que quand elle utilise des moyens de contrainte.
C'est une question de seuil qu'il est difficile d'appréhender : en effet, dans les relations internationales, il y a systématiquement des pressions exercées (oppositions idéologiques…).

Exemple : le droit international public, en tant que tel, n'impose pas à un État d'être démocratique, mais les États démocratiques ont érigé la démocratie comme étant le modèle que l'État doit suivre et exercent des pressions sur les autres États pour qu’ils organisent ainsi leur pouvoir politique.

Rien n’interdit à un État d’exercer une certaine influence sur un État tiers pour tenter d’orienter son comportement.
Il peut donc être difficile de déterminer au cas par cas s'il y a violation du principe de non-ingérence.

L'ingérence peut aussi être immatérielle ou verbale, sans forcément impliquer une atteinte au territoire de l'État ; par exemple, une influence sur le processus électoral.
Ainsi, lors des élections présidentielles de 2016 aux États-Unis, le président sortant Barack Obama avait pris des mesures de rétorsion en procédant à l'expulsion de diplomates russes.

Les sanctions, qui visent à faire pression sur l’État ou sur les personnes proches du gouvernement pour le pousser à modifier son comportement (sur l'organisation d'élections, sur l’organisation de son pouvoir politique…) ne sont pas nécessairement illicites.

L’ingérence vise à protéger le statut d’État.
Il y a donc ingérence dès lors que l'on porte atteinte au statut de l'État, c’est-à-dire dès lors qu'il y a une contrainte forte sur l'État et qu'il ne peut plus agir autrement.

Existe-t-il des cas où il y aurait une autorisation de s'ingérer, ou même une obligation d'intervenir ?

Parfois, des États justifient une atteinte au principe de non-ingérence par des raisons humanitaires ; par exemple, parce qu'il y a des suspicions de crimes contre l'humanité, ou encore parce que leurs ressortissants sont visés sur le territoire.

CIJ, 1986, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique) :
La CIJ rappelle que le droit international contemporain ne prévoit aucun droit général d'intervention en faveur de l'opposition existant dans un autre État.
"L'intervention est illicite lorsque à propos de ces choix [du système politique, économique, social et culturel et de la formulation des relations extérieures], qui doivent demeurer libres, elle utilise des moyens de contrainte".
“Cet élément de contrainte, constitutif de l'intervention prohibée et formant son essence même, est particulièrement évident dans le cas d'une intervention utilisant la force, soit sous la forme directe d'une action militaire soit sous celle, indirecte, du soutien à des activités armées subversives ou terroristes à l'intérieur d'un autre État”.
Cela se comprend vis-à-vis de la souveraineté de l'État.

Section 3 : Les compétences de l'État

Les compétences sont un pouvoir juridique conféré ou reconnu par le droit international à un État afin de connaître d'une affaire, de prendre une décision ou de régler un différend.

Les compétences s'exercent principalement dans un espace donné : elles se rattachent toujours à un espace territorial. Cet espace peut être le territoire d'un État, mais aussi un territoire qui n'appartient à aucun État (= une zone internationale).

Il existe 3 principaux types de compétences que l'État peut invoquer pour justifier son action :

  1. La compétence territoriale : l'État compétent est l'État sur le territoire duquel se trouve la situation ;
  1. La compétence personnelle : l'État compétent est l'État dont la personne concernée est le ressortissant ;
  1. La compétence universelle : l'État peut agir hors de son territoire et hors de ses sujets.

Cela implique nécessairement que les États invoquent des titres de compétence pour agir.
Cela implique également l'existence de conflits de compétence.

Le droit international public a donc prévu des règles de distribution des compétences relatives à la compétence des États.
Ces règles dépendent fondamentalement d'une certaine conception de la souveraineté.

→ Pourquoi et comment un État doit-il se soumettre au droit international pour pouvoir agir ?

§ 1. La théorie de l’autolimitation de l’État : la conciliation entre statut et qualité de souverain

A – Notions

La souveraineté exclut la soumission d'un État à un ordre juridique interne, mais la souveraineté est compatible avec la soumission à un droit produit par une action commune.

C'est là qu'intervient la notion clé de l'autolimitation, qui permet de concilier le statut de souverain avec sa soumission au droit international public.

Ici, on ne parle pas du fondement du droit international : on se contente d'expliquer comment un souverain est soumis au droit international à travers la notion d'autolimitation.

L'autolimitation, c'est le fait de n'obéir qu'à des normes qu'on s'est données à soi-même.
Si l'État peut s'autolimiter, c’est parce qu'il est souverain : comme il est souverain, il peut choisir en pleine opportunité les situations et les obligations qu'il veut respecter.
Les États ont donc une liberté d'agir à leur convenance dans les limites qu'ils se sont fixés.

Il résulte de ce principe d'autolimitation que le droit international consiste, pour chaque État, en la somme des restrictions qu'il consent.
Autrement dit, l’État a une véritable liberté d'agir, hormis les règles prohibitives qui protègent le statut de l'État.

B – Une présomption de liberté

Il existe donc une présomption de liberté en droit international.

L’arrêt fondateur, très important en la matière, a été rendu dans l’affaire du Lotus :
CPJI, 1927, Affaire du "Lotus" (France c. Turquie) :
En 1926, il y a une collision entre un navire français, le Lotus, et un navire turc en haute-mer.
L’équipage français sauve les membres de l'équipage turc, dont 8 meurent, et poursuit sa route jusqu'à Constantinople.
L'officier et le capitaine français sont arrêtés par la police turque. Les autorités françaises protestent et demandent la restitution des 2 hommes pour les juger elles-mêmes.

La France soutient que le seul État compétent est l'État français, parce que c'est l'État de nationalité et de pavillon du navire. Elle considère qu'elle a un titre de compétence. Elle soutient que les autorités turques peuvent agir à la condition qu'elles prouvent qu'elles ont un titre de compétence.
La Turquie soutient que rien ne lui interdit d'agir – il n'y a aucune règle qui prohibe son action et elle peut donc être compétente pour juger.

L'affaire va devant la CPJI, qui explique que :
"Le droit international régit les rapports entre des États indépendants. Les règles de droit liant les États procèdent donc de la volonté de ceux-ci, volonté manifestée dans des conventions ou dans des usages acceptés généralement comme consacrant des principes de droit et établis en vue de régler la coexistence de ces communautés indépendantes ou en vue de la poursuite de buts communs. Les limitations de l’indépendance des États ne se présument donc pas".

Ici, la Cour adopte une approche très volontariste et répond à la question qui lui est posée.
Elle affirme que "la limitation primordiale qu’impose le droit international à l’État est celle d’exclure – sauf l’existence d’une règle permissive contraire – tout exercice de sa puissance sur le territoire d’un autre État. Dans ce sens, la juridiction est certainement territoriale".

La CPJI retient une présomption de liberté qui ne peut être renversée que par la preuve d'une règle de droit international qui la limiterait.

⚠️ Il ne faut pas déduire de l'affaire du Lotus l'idée que tout ce qui n'est pas interdit est permis.
En réalité, ça n'est pas aussi simple : dans de nombreux cas, on est dans une zone floue.

Exemple : CIJ, 1996, Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires (avis) :
La CIJ explique que, compte tenu de l'état actuel du droit international, elle ne peut pas répondre de façon définitive à la question de savoir s'il est licite ou illicite d'utiliser les armes nucléaires.

➡️
En résumé : conséquences sur la conception des compétences de l’État :
  1. Il y a 2 conceptions des compétences : elles découlent de la condition d’État ou d’une habilitation par le droit international public.
  1. La compétence est limitée : soit par une règle prohibitive du droit international public ; soit par une règle spéciale (= une convention).
  1. Solution : l’État doit faire reconnaître son rattachement (personnel, territorial ou matériel) pour pouvoir exercer ses compétences.

§ 2. Les différents titres de compétence

A – La compétence territoriale

Toute activité, quelle qu'elle soit, se situe sur un territoire donné : territoire terrestre, aérien, maritime…
Le territoire est normalement le lieu d'exercice des compétences de l'État, qui a compétence exclusive sur son propre territoire.

Cour permanente d’arbitrage, 1928, Île de Palmas :
”L’État détient sur son territoire le droit exclusif de déployer les activités étatiques”.
”La souveraineté, dans les relations entre États, signifie l’indépendance. L’indépendance relativement à une partie du globe est le droit d’y exercer,
à l’exclusion de tout autre État, les fonctions étatiques.”
”Le développement du droit international a établi le principe de la compétence exclusive de l’État en ce qui concerne son propre territoire”.

Cela est très important, parce que ça montre la plénitude de la compétence territoriale liée à l'exercice de sa souveraineté par l'État.
L’État déploie son autorité sur des personnes, des objets ou des situations en ce que ces éléments sont spatialement rattachés à son territoire.

Sur son territoire, l’État a une compétence exclusive et prioritaire !
Le rattachement territorial est suffisant, puisque c’est une compétence prioritaire.

Ainsi, sur son territoire, l'État a :

  1. La compétence normative, c’est-à-dire la compétence pour édicter des normes.
    Il s’agit de l’exercice de pouvoir législatif + de la compétence juridictionnelle.
  1. La compétence opérationnelle, c’est-à-dire l'exercice par les autorités nationales des pouvoirs de contrainte et de police → fonctions régaliennes.

L’État est pleinement compétent pour toutes ses compétences sur son territoire : il fait ce qu'il veut sur son territoire dans la limite des engagements qu'il a pris.
Ce titre territorial est suffisant + cette compétence est prioritaire (elle prime sur toutes les autres).

Il y a donc une interdiction de l'intervention + un principe de l'inviolabilité du territoire + un droit au respect de son intégrité territoriale.
L'État ne peut pas mener de missions opérationnelles sur le territoire d'un autre État, et ce pour n'importe quelle raison, sans l’accord de cet autre État.
Par exemple, si un État décide à procéder à l'entretien d'une rivière, il ne peut pas intervenir sur le territoire de l'autre État pour enlever des sédiments ou replanter des arbres.

L'exclusivité de la compétence territoriale protège le territoire.
Il faut voir le territoire comme une sorte d'espace sacré qui n'appartient qu'à l'État.

Problème : les États veulent aussi faire produire à leurs législations des effets au-delà de leurs territoires (par exemple, en voulant régir le statut personnel de leurs ressortissants).
Ils vont parfois avoir des buts beaucoup moins nobles, tels que s'ingérer dans les affaires d'un autre État en prenant des législations qui ont des effets au-delà de leurs frontières..

Normalement, les législations qui ont un effet extraterritorial sont interdites par le droit international en raison de l'exclusivité de la compétence territoriale : cette exclusivité a pour conséquence l'interdiction qui est faite aux États de laisser leur territoire être utilisé pour nuire aux autres Etats.
Cette règle est aussi appelée principe de l'utilisation non dommageable du territoire.

CIJ, 1949, Détroit de Corfou (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord c. Albanie) :
Un navire anglais explose sous l'effet de mines ; le Royaume-Uni est surpris, parce que normalement le détroit avait été déminé.
Il s'aperçoit que des mines ont été posées dans la mer territoriale de l'Albanie.
Il demande dans un 1er temps à l'Albanie de procéder au déminage et, en attendant, d'indiquer la position des mines, mais l'Albanie ne le fait pas.
Les britanniques décident donc d'entrer dans la mer territoriale pour procéder au déminage.

La CIJ est saisie. Le Royaume-Uni ne conteste pas être entré sur le territoire et y avoir exercé une compétence matérielle.
La Cour retient qu'il y a bien une compétence territoriale de l’Albanie, mais que chaque État doit s'assurer que son territoire ne soit pas utilisé pour nuire à d'autres États.
Elle fixe donc une obligation positive à la charge de l'État de ne pas laisser utiliser son territoire aux fins d’actes contraires aux droits d’autres États.

Ce principe de l'utilisation non dommageable du territoire est aujourd'hui très important en droit de l'environnement.
→ Au-delà de ses engagements, l'État ne peut pas faire tout ce qu'il veut en droit international.

B – La compétence personnelle

La compétence personnelle est la compétence de l'État envers ses nationaux.
Elle est exclusivement liée à la nationalité ou à un autre lien de rattachement (tel que le pavillon).

La nationalité est un facteur de rattachement presque aussi important que la territorialité.
Ici, la compétence est principalement normative (→ passe par l’édiction d’une règlementation).

En matière pénale, on distingue :

  1. La compétence personnelle active : l’auteur de l’infraction est un ressortissant de l’État ;
  1. La compétence personnelle passive : la victime est un ressortissant de l’État.

Que se passe-t-il en cas de conflit entre compétence personnelle et compétence territoriale ?
Plusieurs titres de compétence peuvent entrer en conflit, par exemple quand un ressortissant étranger commet un crime ou en est victime.

La compétence territoriale est prioritaire : l’État de rattachement ne peut engager de poursuites que si l’État sur lequel l’infraction a été commise ne l’a pas déjà fait.
La compétence personnelle est souvent contestée.

💡 Dans un espace international (par exemple, la haute mer), la compétence personnelle est la seule à jouer : le seul État compétent est l’État de nationalité.

C – La compétence universelle

La compétence universelle permet aux systèmes judiciaires nationaux de poursuivre les auteurs présumés de certains crimes graves quel que soit le lieu où ces crimes ont été commis et la nationalité des auteurs présumés ou de leurs victimes.

Cette compétence est admise dans de très rares hypothèses et de façon subsidiaire.
Elle se justifie par les intérêts en cause :

  • Soit l’État exerce sa compétence dans la protection des intérêts de la communauté internationale dans son ensemble (piraterie, crimes contre l’humanité…) ;
  • Soit l’État exerce sa compétence dans la protection de ses intérêts nationaux.
    Exemple : faux monnayeurs qui agissent depuis l’étranger.

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