Introduction au cours de droit public des affaires (L3)

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Sophie Nicinski définit le droit public des affaires comme le droit des relations entre l'administration et les opérateurs économiques.
Le marché est défini comme un espace d'échanges et de rencontre entre une offre et une demande de bien ou de services.

Étudier le droit public des affaires conduit à s'intéresser à des problématiques économiques sous l’angle juridique des règles de droit public.

Cette matière est passionnante, à la frontière entre le droit et l'économie, entre le droit public et le droit privé.
Le droit économique transcende la summa divisio entre le droit public et le droit privé.
Le droit de l'UE irrigue toute la matière.

Cette matière sera étudiée dans ce cours sous 2 angles :

  1. La puissance publique en tant qu'opérateur ;
  1. La puissance publique en tant que régulateur.

Est-ce que ce rôle de la puissance publique dans l'économie est immuable ?
Ce sont plein de questions cruciales à explorer.

Section 1 : Précisions autour du droit public et des affaires

§ 1. La notion de droit public des affaires

A – Définition du droit public des affaires

1) Théorie

Le droit public des affaires se définit comme le droit des relations entre l'administration et les opérateurs économiques.
Cette définition de Sophie Nicinski est large et se justifie de 2 manières :

  1. Elle répond à un souci de modernité : le droit public des affaires est une notion plus moderne que celle de droit public économique, qui est l'intitulé historique de la matière.
  1. Elle permet de rendre compte des différents types de relations qu'entretiennent l'État et le marché.

Il renvoie à une diversité des modes d'intervention de la puissance publique dans le jeu économique.

On peut distinguer 3 grandes positions de l'État par rapport au marché.
À chacune de ces positions correspond un régime juridique particulier.

  1. L'État régulateur : l'État intervient comme autorité publique pour règlementer, diriger, influencer, protéger le marché.

    Ici, l'État est une autorité publique extérieure au marché qui y imprègne sa volonté.
    Cette figure renvoie à toutes les prérogatives de l'État pour limiter / encadrer l'accès au marché, son fonctionnement, préserver son caractère concurrentiel, aider les opérateurs…

  1. L'État opérateur : l'État est fournisseur de biens et de services sur le marché, en raison par exemple de la présence d'un service public ou de l'existence d'un opérateur public historique.

    Ici, l'État est offreur sur le marché, il n'est plus extérieur à lui.
    Les règles applicables au secteur public s'appliquent.

  1. L'État collaborateur : l'État peut être amené à collaborer avec les entreprises pour satisfaire ses propres besoins ou ceux de la population.

    Ici, l'État est demandeur sur le marché.
    Cet aspect ne sera pas étudié pendant ce cours ; il relève du droit de la commande publique, étudié en master 1.


2) Pratique

Exemple : le projet de fusion entre TF1 et M6, abandonné par Bouygues face à l'opposition apparente de l'Autorité de la concurrence.
Par le biais du contrôle des concentrations, l'État contrôle la structure du marché → État régulateur.

Exemple : l'ARCOM, nouvelle autorité publique indépendante, est créée par une loi du 25 octobre 2021. Elle est présentée comme un "supergendarme" de la régulation des médias et du numérique. Elle est dotée de nouvelles missions, telles que la lutte contre la désinformation, contre la haine en ligne…
L'État crée des institutions spécifiques pour réguler certains secteurs sensibles → État régulateur.

Exemple : la loi PACTE du 22 mai 2019 prévoyait la privatisation de 2 entreprises publiques : la Française des Jeux et Aéroports de Paris. Pour Aéroports de Paris, l'opposition a été trop forte et ADP est restée une entreprise publique appartenant au secteur public.
Ici, un État opérateur se sert des entreprises publiques pour participer au marché → État opérateur.

Exemple : la libéralisation du secteur ferroviaire, sous l'influence de l'Union européenne.
Quand la puissance publique organise la libération d'un secteur, cela relève de la figure de l’État régulateur.

Exemple : annonce de la "nationalisation" d'EDF suite à un discours de politique générale de la Première ministre Élisabeth Borne.
On dit d'une entreprise qu'elle est nationalisée quand + de 50% de son capital est entre les mains d'une entreprise publique. Or, à l'époque, EDF était déjà détenu à + de 80% par l'État.
Le fait que l'État soit actionnaire majoritaire est une illustration de l'État opérateur : il se sert des entreprises publiques pour intervenir directement dans le marché.

Ces crises récentes favorisent de nouvelles réflexions sur le rôle de l'État dans l'économie en période de crise et notamment sur le rôle de l'État régulateur.
Les crises suscitent un très fort interventionnisme de l'État dans l'économie.
Exemple : aides aux entreprises pendant la crise sanitaire, bouclier tarifaire pour contrer l’augmentation des prix de l'énergie.

Jacques Chevalier parle même "d'État brancardier".
Jean-Christophe Videlin estime que les relations entre le droit public des affaires et les crises peuvent s'analyser sous 2 angles :

  1. Le droit public des affaires offre les instruments adéquats pour tenter de résoudre les crises économiques ;
  1. Les crises contribuent à légitimer le DPA.
    La libéralisation de l'économie n'a pas signé la mort de l'interventionnisme économique : l'État est très loin de s'être désengagé de la sphère économique.
    → Les crises permettent de renouveler les réflexions sur le rôle de l'État dans l'économie.

B – Distinctions avec les notions voisines

1) Droit administratif de l'économie

Le droit public des affaires se distingue du droit administratif de l'économie.

L'expression droit administratif de l'économie a été notamment employée par A. De Laubadère et P. Weil.
Ces auteurs soutenaient qu'il y a bien des règles relatives à l'économie, mais qu'elles ne présentent pas de spécificité par rapport au droit administratif. Ils remarquaient simplement que certaines règles du droit administratif général s'appliquent à la matière économique.

Par exemple, les PGD ont été utilisés en matière économique : le principe d'égalité y a joué un rôle important.
Par exemple, les directives (aujourd'hui, lignes directrices) au sein de la jurisprudence Crédit foncier de France (1970) ont d'abord été développées en matière économique, avant d'être utilisées dans tous les pans du droit administratif.

Certes, le droit public des affaires mobilise des règles de droit administratif, mais cette idée est en réalité trop restrictive : il y a une pluralité de sources du droit public des affaires.


2) Droit public économique

La distinction entre le droit public des affaires et le droit public économique est ténue.
La notion de droit public des affaires est + moderne.

On peut observer des différences : pour les professeurs P. Colson et P. Idoux notent :

  1. Une différence de périmètre : le droit public économique ne renverrait qu'aux 2 premières figures de l'État.
    Le droit public des affaires ajoute une 3ème dimension : l'État collaborateur et le droit de la commande publique.
  1. Une différence de centre de gravité / d'idéologie : le droit public économique serait centré sur l'action publique et sur l'intervention de la puissance publique dans l'économie, tandis que le DPA serait davantage focalisé sur les opérateurs économiques (publics et privés).

3) Droit public de l'économie

Pour Pierre Delvolvé, le droit public de l'économie se définit comme "le droit de l'action des pouvoirs publics en matière économique". Il explique que ce droit englobe et dépasse le droit public des affaires.

Pour P. Delvolvé, le droit public de l'économie a donc un aspect très général, qui dépasserait le seul cadre des affaires.
Ce droit ne concerne pas que les relations entre l'administration et les opérateurs économiques, mais il concerne toute l'organisation et l'action des pouvoirs publics en matière économique.
Exemples : monnaie, crédit, urbanisme commercial…


4) Droit public de la régulation économique

On peut distinguer le droit public des affaires du droit public de la régulation économique.
Cette expression a été utilisée par B. Du Marais dans un ouvrage de 2004.
Il faut noter que la régulation n'est qu'un aspect du droit public des affaires → vision réductrice.


5) Droit public de la concurrence

L'expression "droit public de la concurrence" est née dans les années 1980, mais elle a été popularisée par S. Nicinski et B. Delaunay dans les années 2010.
On peut le définir comme le droit de l'influence de l'administration sur le jeu de la concurrence, et plus particulièrement sur les pratiques anticoncurrentielles. Il inclut les ententes et les abus de position dominante.

L'expression de droit public des affaires est donc + large.

§ 2. Les spécificités du droit public des affaires

A – Point de vue théorique

1) Confrontation de plus en plus vive entre le modèle français et le modèle européen.

À l'origine, le droit français admet assez largement les règlementations contraignantes imposées aux entreprises → tradition interventionniste française.

À l'inverse, le droit de l'Union européenne est fortement imprégné d'une doctrine libérale : chaque contrainte économique doit être fondée sur un objectif précis, qui sera contrôlé afin de ne pas porter une atteinte trop forte aux libertés économiques des opérateurs.

Une politique de libéralisation sous l'influence du droit de l'UE a bouleversé le modèle français, qui reposait historiquement sur un opérateur à statut public (EPIC) en situation de monopole national.


2) La préservation et la direction de l'économie sont des composantes de l'intérêt général

On considère que la préservation et la direction de l'économie sont des composantes de l'intérêt général.
C'est l'intégration de ces préoccupations et impératifs économiques au sein de l'intérêt général qui génèrent une branche économique du droit public et qui justifie l'intervention des pouvoirs publics.

Exemple : Conseil constitutionnel, 31 janvier 2020, Union des industries de la protection des plantes (UIPP) :
La protection de la santé et de l'environnement permet de justifier l'atteinte portée par le législateur à la liberté d'entreprendre.

C'est aussi ce qui permet de distinguer le droit privé des affaires du droit public des affaires : au-delà de l'intérêt des opérateurs économiques, il existe un intérêt supérieur, celui de l'économie toute entière. Le droit public ne peut pas y être indifférent.

B – Point de vue organique

Le plus souvent, des organes à compétence générale jouent un rôle économique en même temps que d'autres rôles.
On compte également de nombreuses institutions spécialisées qui jouent un rôle économique.
Cette multiplicité nuit à la clarté de l'intervention de l'État dans l'économie.

On peut classer ces institutions en 4 catégories :

1) Les institutions au niveau national : le Parlement et l'exécutif

Le rôle du Parlement en matière économique se concrétise de 2 manières :
> par le vote des lois de finances ; et
> par ses attributions définies à l'article 34 de la Constitution.

L'article 34 ne mentionne pas expressément la politique économique, mais on y trouve de très nombreuses matières intéressant le domaine économique : nationalisations d'entreprises, création de catégories d'établissements publics…

L'exécutif a aussi un rôle à jouer.
Les choix économiques fondamentaux relèvent du président de la République, qui est souvent élu sur un programme assez largement économique.
Le Premier ministre, quant à lui, voit placés auprès de lui un certain nombre d'organismes :

  • France Stratégie est un service du Premier ministre qui a pour mission de concourir à la détermination des grandes orientations pour l'avenir de la nation.
  • Le Conseil d'analyse économique (CAE) a pour mission d'éclairer les choix du gouvernement en matière économique.
    💡 Jean Tirole en est membre.

Le ministre de l'Économie exerce des pouvoirs qui lui sont propres.
Par exemple, il a un pouvoir d'évocation dans le processus de contrôle des concentrations.

Ce sont surtout les directions générales placées sous la direction des ministères qui jouent des rôles importants. Par exemple :

  • La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) joue un rôle central en matière économique.
  • L'Agence France Trésor est chargée de gérer la dette et la trésorerie de l'État.
  • L'Agence des participations de l'État (APE) gère le portefeuille d'actions de l'État.

2) Les institutions au niveau local

Au niveau local, la région joue un rôle prépondérant en matière économique.


3) Les institutions spécialisées

Certaines institutions sont des organes de conseil, comme le Conseil économique, social et environnemental (CESE), qui est une assemblée consultative qui a pour mission de conseiller le gouvernement et le Parlement, notamment en matière économique, et qui a également pour mission de réaliser des consultations publiques et des conventions citoyennes.

Il existe aussi des organes de contrôle. On trouve notamment les autorités indépendantes de marché, qui sont un moyen assez privilégié d'accompagnement par l'État de l'économie de marché.
Exemples : l'ARCEP ; la Banque de France ; les chambres professionnelles telles que les CCI.


4) Les institutions de niveau international et européen

On peut ici citer le FMI, qui veille à la stabilité du système monétaire international.
Il a joué un rôle très important dans la crise financière de 2008.

On peut aussi citer la Banque mondiale, source de financements pour les pays en développement, ainsi que l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

Au niveau européen, on retrouve classiquement les 4 institutions européennes :

  1. Le Conseil de l’Union européenne ;
  1. La Commission, gardienne des traités, qui joue un rôle particulièrement important en droit de la concurrence ;
  1. Le Parlement européen ;
  1. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

C – Point de vue formel

La recherche d'un droit adapté à la matière économique favorise le recours à l'instrument contractuel pour rechercher l'adhésion des intéressés à l'action économique de l'administration.
Il peut s'agir de contrats administratifs ou de contrats de droit privé passés par l'administration ou les personnes de droit public.

Le recours au contrat n'a pas éclipsé le recours à l'acte administratif unilatéral.
Surtout, cette grande distinction entre les contrats et les actes administratifs unilatéraux n'ont pas éclipsé les autres procédés utilisés en droit public administratif tels que le droit souple.

Pierre Delvolvé décrit le droit public économique comme un droit flexible, mouvant.
Ce droit souple a très rapidement posé la question de sa contestabilité devant le juge : comment faire pour contester un acte de droit souple ?

Au fil du temps, le juge administratif a ouvert la voie du REP à l'encontre des actes de droit souple.
Il l'a notamment fait dans le célèbre arrêt
Conseil d'État, 2016, Fairvesta, puis par l'arrêt Conseil d'État, 2020, GISTI.

Illustration : Conseil d'État, 8 avril 2022, SNMP :
Une réponse de la CNIL sur une foire aux questions a été considérée comme pouvant être contestée par la voie du REP, par application de la jurisprudence GISTI (2020).

D – Point de vue contentieux

Ce qui caractérise le contentieux économique, ce n'est pas son unité, mais plutôt sa dispersion.
Il n'existe pas de juridiction spécialisée en matière économique. Le contentieux économique est éclaté entre le juge administratif et le juge judiciaire.

Le point de départ de cet éclatement est une célèbre décision du Conseil constitutionnel :
Conseil constitutionnel, 1987, Conseil de la concurrence :
En l’espèce, le Conseil constitutionnel était saisi d'une loi qui transférait au juge judiciaire (cour d'appel de Paris) le contentieux du Conseil de la concurrence.
Il pose un principe et une dérogation :

Principe : au nombre des PFRLR, il y a le principe de la compétence du juge administratif pour se prononcer sur l'annulation ou la réformation des décisions prises dans l'exercice de prérogatives de puissance publique.

Néanmoins, il admet une dérogation à ce principe : la loi peut déroger à ce principe de compétence du juge administratif "dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice", "par un aménagement précis et limité".
Objectif : permettre au législateur d'unifier au sein d'un même prétoire des contentieux qui semblent être de nature privée.

À l'époque, le Conseil de la concurrence est déjà une autorité administrative, donc ses décisions doivent être contestées devant le juge administratif.
Toutefois, le Conseil constitutionnel remarque que cet organe administratif est chargé d'appliquer le droit de la concurrence ; or le juge pénal, le juge civil et le juge commercial sont aussi appelés à mettre en œuvre ces règles.
Le Conseil constitutionnel a donc considéré que la loi qui lui était déférée avait bien pu unifier sous l'autorité du juge judiciaire le contentieux des actes du Conseil de la concurrence.

Problème : les interventions législatives destinées à unifier le contentieux se sont multipliées et n'ont pas du tout unifié les contentieux. Les interventions successives du législateur ont au contraire aggravé l'éclatement de ces contentieux.

Par exemple, pour l'Autorité de la concurrence : la cour d'appel de Paris n'est compétente que pour connaître des recours contre les autorités de cette autorité de la concurrence pour lesquelles sa compétence a été expressément reconnue par la loi.
Or cette compétence ne vaut qu'à l'égard des décisions de sanction (par exemple, pour la contestation des amendes). En dehors de ces cas, le Conseil d'État reste compétent (par exemple, en matière de contrôle des concentrations).

De la même manière, certaines décisions de l'AMF doivent être contestées devant le juge administratif et d'autres devant le juge judiciaire.

§ 3. Les enjeux du droit public des affaires

A – Un débat classique : l’existence d’un droit public économique ?

Historiquement, on ne parlait pas de droit public des affaires : la matière est née sous le nom de droit public économique.
Ce droit public économique a été très tôt remis en cause par certains auteurs, qui considéraient qu'il n'existait qu'un droit économique qui transcendait la distinction entre droit privé et droit public.

Dans les années 1970, des auteurs ont commencé à s'intéresser aux règles de droit qui avaient une influence sur l'économie.
Cette prise en considération juridique de questions économiques a conduit à élargir la sphère juridique et à mettre en place un droit économique.

Certains auteurs, et notamment Claude Champaud et Gérard Farjat, ont considéré que seul un droit économique existait, et non un droit public économique.
Selon eux, le droit économique abolit la frontière entre le droit public et le droit privé.
Claude Champaud écrivait en 1967 que "Le droit économique n'est ni publiciste ni privatiste".

L'argument est sans doute excessif, mais il n'est pas complètement dénué de pertinence.
Il est appuyé par l’exemple des SPIC : ces activités de nature industrielle et commerciale appellent souvent l'application du droit privé.

L'influence de l'Union européenne, d'où proviennent de nombreuses règles en matière économique – et notamment le droit de la concurrence – accrédite aussi cette idée d'un droit économique transcendant la frontière entre droit public et droit privé.
Le droit de l'UE ne connaît pas cette
summa divisio nationale : elle s'intéresse en revanche à l'activité exercée (activité économique ou non).

Néanmoins, la frontière entre le droit public et le droit privé n'est pas abolie : elle subsiste en matière économique.
Il est donc possible de s'intéresser aux règles de droit public économique.

Par exemple, à propos des SPIC : certes, leur nature industrielle et commerciale appelle largement l'application du droit privé ; mais il reste des dérogations, parce que le SPIC reste bien un service public chargé d’une mission d'intérêt général qui justifie une application ponctuelle des règles de droit administratif.
Ainsi, quand le SPIC est géré par une personne publique, 2 agents conservent leur statut d'agent public : le directeur général (
Conseil d’État, 1923, Lafrégeyre) et le trésorier (Conseil d'État, 1957, Jalencques de Labeau).

Même quand le SPIC est géré par une personne privée, les actes règlementaires pris pour l'organisation du service sont des actes administratifs unilatéraux (Tribunal des conflits, 1968, Époux Barbier).

Ce droit public économique est plus précis que le droit économique : il ne régit pas toutes les activités qui ont une incidence en matière économique, mais seulement celles qui manifestent une présence de la puissance publique.
Le droit public économique se caractérise avant tout par la présence active de la puissance publique dans le jeu économique.

Ainsi, le droit public économique existe et peut être étudié.
Mais une nouvelle problématique a émergé au fil du temps : ces logiques traditionnelles du droit public se déforment lorsqu'elles rencontrent la sphère économique :

B – Un débat contemporain : disparition ou renouvellement du droit économique ?

Le droit public économique a semblé être remis en cause sur au moins 5 niveaux :

  1. Les concepts clé du droit public économique semblent aujourd'hui être davantage imprégnés des logiques du droit privé que des logiques du droit public.
    On parle de concurrence, de privatisation, de rentabilité, d'efficacité… concepts qui étaient jusqu'alors ceux du droit privé.
  1. Les règles de droit privé s'appliquent de + en + aux personnes publiques.
    Exemple : Conseil d'État, 1997, Million et Marais : le juge administratif contrôle l'administration au regard du respect des règles du droit de la concurrence.
    Exemple : Conseil d'État, 2001, Société des eaux du Nord : le juge administratif applique le droit de la consommation.
  1. Les acteurs du droit de l'intervention économique sont touchés : on tente de réduire l'exorbitance de leurs statuts.
    Au fil du temps, la société anonyme a succédé à l'EPIC → mouvement de sociétisation des EPIC, sous la pression de l'Union européenne.
  1. Les actions publiques évoluent vers de nouvelles formes : le contrat remplace l'acte administratif unilatéral (→ contractualisation de l'action publique), la concurrence remplace les monopoles…
  1. Les contrôles qui s'exercent sur les activités économiques se modifient.
    Certaines formes classiques demeurent (par exemple, les autorisations et les sanctions administratives), mais la régulation tend à remplacer la règlementation autoritaire.

Ces 5 éléments alimentent l'idée d'une banalisation du droit public économique, voire de sa disparition.
En réalité, les règles sont continuellement adaptées pour faire face aux nouvelles mutations de l'interventionnisme économique.

2 exemples de cette adaptation :

  1. De plus en plus, les personnes publiques ont été autorisées à intervenir dans le domaine concurrentiel, alors que c’était traditionnellement un domaine réservé au secteur privé.

    Conseil d'État, 1930, Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers :
    Autorise les personnes publiques à investir la sphère économique, sans alignement des régimes, mais plutôt une évolution des règles de concurrence pour tenir compte des spécificités des personnes publiques.

    Conseil d'État, 2006, Ordre des avocats au barreau de Paris :
    Confirme qu’il n’y a pas d'alignement total sur le droit privé.

  1. Le droit de la concurrence a bien été intégré par le juge administratif au bloc de légalité administratif (Conseil d'État, 1997, Million et Marais).

    Depuis, le juge administratif utilise les notions de "ressource essentielle", de "marché pertinent"…
    Laurent Richer s'est demandé si le juge administratif n'était pas devenu économiste.

    En réalité, le juge administratif adapte ce droit de la concurrence aux spécificités de l'action publique. Il n'a pas renoncé à son rôle de gardien de la légalité administrative dans son ensemble.

Ainsi, il n'y a pas eu de disparition du droit public économique, mais plutôt un renouvellement.
En résumé, le droit public économique peut être défini comme l'ensemble des règles régissant les interventions publiques dans le domaine économique.

C – Un débat actuel : le rôle modèle joué par le droit public des affaires

On observe une extension du droit public des affaires à des domaines inattendus, et notamment à l'environnement.
La régulation économique a été utilisée en matière environnementale, et notamment en matière de lutte contre les changements économiques.

De prime abord, le droit de l'environnement présente une nature "anti-économique". Comment faire pour monétiser la fonte des glaces ?

Le droit de l'environnement repose sur des actes administratifs unilatéraux, sur des contrats… mais également sur des outils économiques.
Parmi ces outils économiques figure la technique de marché.
Ce sont d'abord les économistes qui ont prôné l'utilisation de techniques économiques dans le domaine de l'environnement, et notamment Arthur Pigou et John Dales.

Arthur Pigou prônait l'utilisation de l'instrument prix : pour lui, les pollueurs doivent être taxés proportionnellement aux dommages causés.
Idée : utiliser la fiscalité (on a parlé de taxe Pigou) pour lutter contre la pollution → forcer les pollueurs à intégrer le coût de l'externalité négative liée à la pollution.

John Dales a proposé la création d'un marché pour protéger l'environnement.
Il considérait qu'il fallait transformer l'objectif de protection de l'environnement en un ensemble de droits de pollution échangeables.

Ces travaux ont inspiré les pouvoirs publics, qui se sont efforcés de mettre en place cette logique de marché en droit de l'environnement, en conférant un prix à un fait qui n'était pas pris en compte dans la détermination du prix de marché.
Cela a abouti à la mise en place d'un marché de quotas de gaz à effet de serre par le protocole de Kyoto (signé en 1997, entré en vigueur en 2005).

📖
En résumé :

  • Le droit public des affaires existe.
  • C'est un droit public qui s'est adapté aux préoccupations tirées de l'économie sans renier les logiques propres au droit public.
  • Il exporte désormais ses solutions dans d'autres champs comme l'environnement.

Section 3 : L’évolution historique des relations entre l’État et le marché

L'État français a oscillé entre 2 traditions :
1- une tradition interventionniste ; et
2- une tradition plus libérale, qui tend à limiter le rôle de l'État dans l'économie.

Pendant longtemps, ces 2 tendances se sont succédées.
Depuis quelques années, on assiste à une forme de compromis entre ces deux doctrines, qui se matérialise par une nouvelle figure de l'État.
Selon Sophie Nicinski, ce compromis est la figure de l'État régulateur.

§ 1. L’Ancien droit

A – Le Moyen Âge : l’État prédateur

Un auteur a parlé d'un "prince prédateur" pour désigner cette période.
À l'époque, le pouvoir politique cherchait déjà à favoriser le développement de l'activité économique privée, mais pour mieux en profiter.
L'action de l'État consiste alors à détourner une partie des ressources au profit du Roi ou du Prince.

À partir de l'an 1100, on observe un embryon de politique économique menée par le Roi, avec les foires, organisées sur les terres des princes : les marchands s'acquittaient de taxes pour pouvoir y vendre.

Autre exemple d'embryon de politique économique : le droit de battre monnaie est alors monopolisé par le pouvoir politique.

Enfin, pour certaines activités économiques, on observe une volonté d'évincer les opérateurs privés.
Exemple : le pouvoir politique s'est octroyé le monopole de l'extraction minière à partir du 16ème siècle.

Ce qu'on observe à cette époque, c'est l'accumulation de la richesse entre les mains du roi, dans l'idée de lui assurer la puissance politique.
Le roi reste alors un prédateur de la vie économique.

B – Le colbertisme : l’État organisateur

Au 17ème siècle, Jean-Baptiste Colbert, ministre de l'Économie de Louis 14, initie une tradition interventionniste dont la France ne s'écartera jamais totalement.
On considère parfois que le droit public économique trouve ses racines dans le colbertisme.

Colbert applique les thèses mercantilistes (idée : la puissance du roi repose sur l'or).
Le roi doit s'appuyer sur la classe des marchands, favoriser l'essor industriel et commercial de la nation pour qu'un excédent commercial entraîne l'entrée de métaux précieux.
Autrement dit, le but est d'essayer de vendre davantage à l'étranger plutôt que d'acheter.

Une des manifestations du colbertisme a été la création de nouvelles structures.
3 nouvelles structures se mettent en place sous le colbertisme :

1) La création des corporations

Le phénomène corporatif est apparu dès le Moyen-Âge, où l'on voit apparaître des formes d'associations et de regroupements.

Sous Colbert, le pouvoir royal utilise ces corporations pour tenter de renforcer son autorité.
La création des corporations dépend du roi, qui doit homologuer leurs statuts.
Peu à peu, elles sont étendues à toutes les professions commerciales, et les règles deviennent de plus en plus strictes : c'est l'ancêtre des professions règlementées.


2) La création des manufactures

Les manufactures sont assez proches d'entreprises d'État à capitaux publics.
Parmi ces manufactures, on trouve par exemple la grande manufacture des Gobelins.

Les manufactures bénéficient de protections : monopoles, subventions…

Ainsi, sous l'influence de Colbert, l'État interventionniste se développe.
Certaines caractéristiques du modèle français ont été présents dès lors que l'État a commencé à s'intéresser à la maîtrise de son économie.
→ Racines de la conception du rôle de l'État dans l'économie.

En 1789, la Révolution française constitue une véritable rupture avec le modèle antérieur et met un terme à la politique de l'Ancien régime.
En 1791, la Constituante anéantit toute l'organisation économique de l'Ancien Régime mise en place par Colbert.

§ 2. L’époque moderne

A – L’État gendarme (18ème siècle : libéralisme)

Au début du 18ème siècle, les idées de la physiocratie se développent sous la pensée de Quesnay et Mirabeau.
Ils développent le libéralisme économique : "laissez-faire, laissez-passer".
Ils prônent l'abstention du pouvoir politique dans le domaine économique.

Dans une certaine mesure, la pensée des physiocrates inspire une certaine école de pensée qui, par la suite, défendra l'harmonie d'un ordre naturel fondé sur l'initiative individuelle et la régulation économique par le marché lui-même.
On retrouve ici les idées d'Adam Smith, avec la théorie de la "main invisible" du marché (Richesse sur la nature et les causes de la richesse des nations).
Pour Adam Smith, la sphère économique fonctionne par une sorte d'autorégulation qui rend l'intervention de l'État inutile voire nuisible.

Mais attention : il faut quand même remarquer que même les plus farouches libéraux ne concevaient pas un effacement total de l'État.
L'État doit se contenter de maintenir l'ordre, ce qui a conduit rétrospectivement à parler
d'État gendarme.
Cela implique que l'État protège les libertés sur lesquelles se fonde le libéralisme.
Dès l'origine, l'intervention de l'État comme garant et protecteur de l'économie est légitimée.

Au moment de la Révolution française, ces idées libérales sont incorporées dans les textes :

  • La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (DDHC) insiste particulièrement sur la protection de la propriété privée (articles 2 et 17) ;
  • Le décret d'Allarde des 2 et 17 mars 1791 proclame la liberté du commerce et de l'industrie ;
  • La loi Le Chapelier du 14 juin 1791 abolit les corporations.

→ Rupture vis-à-vis de la période précédente.

Quel bilan tirer de cette période qui imprègne le 18ème siècle ?
La réduction du rôle de l'Etat dans l'économie a conduit à parler rétrospectivement d'un État gendarme.
Cette conception accorde aux pouvoirs publics une mission essentielle : la prescription de l'ordre. Sauf exception, l'État n'est pas agent économique.

Les interventions de l'État gendarme dans l'économie se résument à peu de choses : la frappe de la monnaie, la perception des droits de douane, la détention de certains monopoles tels que le monopole du tabac et des allumettes.

B – L’État providence (19ème et 20ème siècles : interventionnisme)

Aux 19ème et 20ème siècles, le rôle de l'État providence est très différent de l'État gendarme qui a précédé.
La mission essentielle de cet État providence est la prestation de services publics économiques.
L'État devient un acteur indispensable au service de la solidarité nationale.
→ Rupture idéologique avec le libéralisme antérieur.

D'un point de vue chronologique, les prémices de cet État providence se trouvent sous la monarchie de Juillet (1830-1848), pendant laquelle on crée de nouveaux départements ministériels : ministère du commerce, des travaux publics, de l'agriculture… qui illustrent un élargissement de l'action des pouvoirs publics.

Sous la 3ème République, les activités économiques des personnes publiques prennent principalement la forme de concessions de service public.

On considère que c'est surtout la période entre la Première Guerre mondiale et les années 1970 qui a été l'âge d'or de l'État providence.
Plusieurs éléments manifestent bien ce retour de l'État dans l'économie.
On peut distinguer 2 grandes périodes :

1) Les années 1920 et le développement du socialisme municipal

À partir des décrets-lois Poincaré de 1926 se développe le mouvement du socialisme municipal, qui promeut un interventionnisme économique au niveau communal.
Les communes se mettent à créer et à exploiter de multiples services publics (SPIC) pour fournir à la classe moyenne émergente un certain nombre de prestations.
Exemples : bains-douches municipaux, lavoirs, cabinets médicaux, soins dentaires…

On est sans aucun doute face à des services publics économiques.
Néanmoins, l'activité poursuivie est très fortement marquée par des préoccupations sociales.

Les idées socialistes de l'époque n'ont pas eu les faveurs du Conseil d'État.
Évolution en 3 temps du Conseil d’État sur ce point :

  1. Conseil d’État, 1901, Casanova :
    À l'origine, le Conseil d'État soumettait l'intervention économique des personnes publiques à des conditions extrêmement strictes.
  1. Conseil d’État, 1930, Chambre du commerce en détail de Nevers : assouplissement ;
  1. Conseil d’État, 2006, Ordre des avocats au barreau de Paris (OABP) : reformulation.

Ces 3 arrêts seront fondamentaux pour la suite de ce cours.


2) Le tournant de l’entre-deux-guerres et l’après Seconde Guerre Mondiale

La crise de 1929 et la Seconde Guerre mondiale ont encore renforcé la légitimité de l'intervention de l'État dans l'économie.
Les crises constituent un facteur de légitimation de l'intervention économique des personnes publiques.

Entre les 2 guerres mondiales, on parle d'une économie administrée, dirigée par les pouvoirs publics.
La crise de 1929 joue un rôle amplificateur
: on adhère aux idées de l'économiste J. M. Keynes pour qui, en période de récession, l'Etat doit venir injecter des capitaux dans le circuit économique, principalement grâce aux dépenses publiques.

On voit ici la "main visible" de l'État qui remplace la "main invisible" du marché.
On peut relever 4 grands exemples de ce remplacement :

  1. Les prérogatives interventionnistes de l'État passent par des outils traditionnels : la loi et le règlement, qui sont mis au service d'une règlementation de l'économie.
    Exemple typique : l'ordonnance du 30 juin 1945, ancêtre du droit de la concurrence moderne, relative à la règlementation générale des prix.
  1. Un encadrement institutionnel se met en place.
    Le ministère de l'Economie est puissant et les chambres de commerce jouent à l’époque un rôle important.

    On voit aussi apparaître à cette époque les toutes 1ères autorités administratives indépendantes (AAI), avec par exemple la Commission de contrôle des banques en 1941.

  1. Un vaste secteur public se constitue.

    L'État participe directement à l'économie par le biais d'entreprises publiques, issues de 3 grandes vagues de nationalisations :

    1. En 1936, le Front populaire arrive au pouvoir et la SNCF est créée en 1938 par la fusion-nationalisation de 5 entreprises privées.
    1. Après la Seconde Guerre mondiale, on forme de grands groupes nationaux dans des secteurs stratégiques pour le développement économique : EDF, GDF, Charbonnages de France, un certain nombre de banques, Renault (nationalisation sanction)…
    1. En 1982, juste après l'arrivée au pouvoir de Mitterrand et de la gauche, 5 gros groupes industriels (St Gobain, Thomson, CGE…) et 2 compagnies financières et banques sont nationalisées → expansion du secteur public.
  1. Une planification de l'économie se met en place.

    L'idée d'un plan a émargé dès le 19ème siècle, mais le 1er plan français date de 1946, sous l'impulsion de Jean Monet.
    La même année est créé le Commissariat général au plan, devenu aujourd'hui France Stratégie.

    La planification était une politique de prévision, d'harmonisation et de programmation dans le temps des objectifs de production économique élaborés en concertation avec les acteurs.
    Les plans se sont succédés jusque dans les années 1990. Ils étaient d'abord destinés à la reconstruction du pays, puis ont été peu à peu destinés à son développement économique et social.

    Les plans étaient pour l'État une occasion privilégiée de réfléchir à l'évolution de l'économie française à moyen terme et reste un très fort symbole de l'interventionnisme économique.
    Ces plans français se distinguaient de la planification soviétique : le contenu du plan était indicatif, et non obligatoire, comme affirmé par le Conseil constitutionnel dans une décision du 27 juillet 1982.

    Aujourd'hui, le plan de la nation est tombé en désuétude, parce qu'il avait une connotation politique et idéologique qui rendait son utilisation anachronique face à la montée en puissance du crédo libéral et de l'Union européenne.
    Une partie de l'esprit de ce plan de la nation subsiste aujourd'hui à travers les contrats de plan, les contrats État-région ou ceux État-entreprises publiques → logique de planification.
    Les lois de programmation pluriannuelles des finances publiques rejoignent aussi cette idée de planification.

    Surtout, en période de crise, l'adoption de plans de relance de l'économie témoigne de l'utilisation d'un plan comme moyen d'orientation et de direction de l'économie.
    Il ne faut pas les confondre avec les anciens plans de la nation, car ils ne définissent pas des plans à moyen terme.

    Par un décret du 1er septembre 2020, un haut-commissaire au plan a été créé.
    On peut :

    • Soit considérer que cela rappelle l'ancienne planification de l'économie ;
      Jacques Chevallier considère ainsi que l'économie de guerre mise en place au moment de la crise de la Covid-19 a justifié le recours à des instruments que l'on croyait de l'ancien temps.
    • Soit considérer que cette institution d’un haut-commissaire au plan est une tribune pour un homme politique qui, pour des raisons que l'on connaît, avait été empêché de faire partie du gouvernement.

    Enfin, la planification écologique se développe.

C – L’État régulateur (depuis 1970)

Au milieu des années 1970, la croissance s'essouffle et les partisans du keynésianisme ne parviennent pas à trouver un remède.
Dès 1979, des politiques néolibérales commencent à être mises en œuvre avec l'arrivée de Tchatcher (Royaume-Uni) et de Reagan (États-Unis).
Idée : les décisions de l'État viennent surtout perturber celles des opérateurs économiques.

En France, l'alternance politique de 1986 marque le retour de la droite au pouvoir (1ère cohabitation entre Mitterrand et Chirac).
Le retour de la droite à cette époque enclenche un vaste mouvement de désengagement de l'État vis-à-vis de l'économie.
On observe à cette période une forme de synthèse entre les 2 conceptions précédentes de l'État, qui a donné lieu à une nouvelle figure de l'État : l'État régulateur.

Le droit public des affaires de cette période est marqué par 3 grandes tendances : la libéralisation, la régulation et la mondialisation.

  1. La libéralisation de l'économie, notamment sous l'effet du droit de l'Union européenne.
    Cela entraîne des vagues de privatisation, qui visent 65 entreprises en 1986 → contraction du secteur public.

    Aujourd'hui, on assiste à de nouvelles vagues de privatisation : la loi PACTE de 2019 a prévu la privatisation de la Française des Jeux et d'Aéroports de Paris.
    L'ordonnance du 1er décembre 1986, qui crée le droit de la concurrence moderne, vient rétablir la liberté des prix. La planification est abandonnée.
    Dans les années 1990, on observe l'ouverture à la concurrence de secteurs qui aient auparavant sous monopole public.

  1. La régulation de l'économie : des autorités de régulation voient le jour pendant cette période charnière. Elles utilisent notamment des procédés de droit souple.

    Plus récemment, on observe un mouvement qui tend à imposer aux entreprises une mission de vigilance sur elles-mêmes.
    C’est l’idée de la notion de compliance : les acteurs doivent mettre en place une sorte d'auto régulation sur eux-mêmes et par eux-mêmes. La compliance, c'est le fait pour les entreprises d'internaliser les buts de la régulation.

  1. La mondialisation de l'économie.
    Les économies sont de + en + interreliées entre elles ; on en voit les conséquences avec les crises financières ou la crise de la Covid-19.

Ces 3 grandes tendances contribuent à sortir du cadre étatique.
Cela ne signifie pas pour autant l'élimination de l'État ou la fin du droit public des affaires : la puissance publique continue d'édicter des règles d'encadrement et de contrôle qui relèvent du droit public.

D – Le cas particulier des périodes de crise : l’État sauveteur

Les périodes de crise continuent de légitimer l'intervention de l'État dans l'économie.
Pendant les périodes de crise, on assiste à la montée en puissance d'un “État brancardier" (J. Chevalier) ou "État pompier" (S. Nicinski).

À propos de la crise sanitaire due au Covid-19, plus de 100 milliards d'euros ont été débloqués via le plan France Relance (→ logique du "quoi qu'il en coûte").
Le législateur a mis en place un certain nombre de dispositifs : une garantie d'emprunt accordé par l'Etat aux entreprises ; la mise en place d'un fond de solidarité au bénéfice de certaines entreprises, le financement du chômage partiel, des subventions accordées aux PME.

Idée : le droit public des affaires s'est montré adapté pour répondre à cette crise et en ressort légitimé.

Face à cette crise énergétique, plusieurs mesures ont été mises en place pour lutter contre la hausse des prix de l'énergie.
On trouve principalement ces mesures dans la loi "Pouvoir d'achat" du 16 août 2022.
Elle contient notamment une mesure qui a été contestée à priori devant le Conseil constitutionnel :

Conseil constitutionnel, 12 août 2022, Pouvoir d’achat :
EDF est obligée de vendre à ses concurrents ("fournisseurs alternatifs d'électricité") une partie de sa production d'électricité nucléaire à des prix règlementés, qui sont souvent inférieurs aux prix de marché. C'est ce que l'on appelle l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH), mis en place par la loi NOME du 7 décembre 2010 et qui doit prendre fin en 2025.
Les parlementaires ont considéré qu'il y avait là une atteinte à la liberté d'entreprendre d'EDF, qui est forcé à subventionner ses propres concurrents à des prix qui lui font perdre de l'argent.
Le Conseil constitutionnel décide que la mesure constitue bel et bien une atteinte à la liberté d'entreprendre d'EDF, mais considère que cette atteinte est justifiée par un objectif d'intérêt général et est proportionné → valide la mesure.

On voit ici que l'État régulateur peut adopter des mesures allant potentiellement à l'encontre de l'État opérateur.
Certains auteurs vont jusqu’à parler d'un "État schizo" !

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