Chapitre 6 : La condition des particuliers

Cliquer ici pour revenir au sommaire de ce cours complet de Droit international public (L3).

Section 1 : Le statut international de la personne privée

§ 1. La personnalité internationale de l'individu

A – Historique

La personnalité internationale des personnes privées a connu une évolution importante.

Initialement, les personnes privées étaient des objets du droit international.
Elles n’étaient pas titulaires de droits ni d'obligations.

À la suite d'une évolution importante, on leur a reconnu des droits puis une personnalité juridique.
Cette reconnaissance d'une personnalité juridique est cependant récente, puisqu’elle s'est opérée dans les années 2000.

Jusqu'à la moitié des années 1950, le droit international a envisagé les personnes privées comme des objets du droit et non comme des sujets.

On considérait tout de même que les États pouvaient déjà, par traité, donner des droits aux individus :
CPJI, 1928, Compétence des tribunaux de Dantzig :
Les États peuvent conférer, par traité, des droits aux particuliers.
Fondamentalement, ça n'est pas une vraie personnalité juridique.

À partir de la Seconde Guerre mondiale, les États mettent en place des commissions de réclamation, qui permettent aux personnes privées d'agir contre les États.
Ces commissions sont créées par des traités.
Les États confèrent donc des droits d'action directe aux personnes privées.

Exemple : Commission de conciliation franco-italienne, 1950, Affaire Ottoz :
”… et le rétablissement dans leurs droits découle directement du traité de paix conclu avec l'Italie”.
La commission reconnaît ainsi aux particuliers un droit d'action pour obtenir la réalisation d'un droit substantiel qui leur a été confié par les États.

→ Le droit international met en place, par traité, des règles qui s'adressent directement aux personnes privées pour leur donner des prérogatives juridiques.

Enfin, dernière évolution :
CIJ, 2001, LaGrand (Allemagne c. États-Unis d'Amérique) :
La CIJ utilise l'expression "droits internationaux individuels" : les personnes privées ont des droits individuels et sont bien titulaires de droits, il n'y a plus aucun doute.
Cette solution a été confirmée dans l'arrêt
CIJ, 2004, Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d'Amérique).

B – Effets positifs

La reconnaissance aux particuliers d’une personnalité a principalement des effets positifs dans deux domaines :

  1. Droits de l’homme :
    • Au niveau universel :
      > Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) de 1966 ;
      > Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) de 1966.
    • Au niveau régional :
      > Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de 1950 ;
      > Convention américaine des droits de l'homme de 1981 ;
      > Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981.

      Ces conventions utilisent le terme “reconnaissent”, ce qui est très important puisque cela montre qu’elles s’adressent aux personnes privées.

  1. Droit des investissements internationaux :
    • Traités de commerce et d’amitié ;
    • Traités bilatéraux de protection et de promotion des investissements (TBI), qui confèrent des droits aux investisseurs ressortissant d’1 des 2 États.

C – Effets négatifs

Les effets négatifs de la personnalité sont toutes les obligations qu'ont les individus en droit international.

Il y en a très peu, parce que les individus ne sont pas tenus d'obligations au sens civil en droit international (ou alors de manière très exceptionnelle) :

  • Les traités de protection des droits de l'homme ont un effet horizontal : ils doivent s'appliquer entre les personnes ; mais ça va souvent être le défaut de l'État qui va être recherché (par exemple, le fait d'avoir permis à un individu de violer la Convention EDH).
  • En droit international humanitaire, il y a des obligations, mais elles sont pensées pour être à la charge d'États ou d'armées régulières.
    Cependant, de plus en plus, ce droit humanitaire s'adresse à des groupes armés interétatiques (généralement, des groupes terroristes)
  • En matière d'investissements, il s'agit surtout de respecter le droit interne de l'État.

Cependant, il existe en droit international des incriminations pénales internationales limitées.

La répression se fait normalement sur le plan interne ; mais elle peut aussi se faire dans l’ordre international auprès de juridictions pénales internationales.
Dans cette hypothèse, des conventions d'incrimination uniformes vont permettre de définir de manière collective l'incrimination + de prévoir les règles de compétence pour lutter efficacement contre ces crimes.

Ces infractions sont pour l'instant limitées à certains crimes.

On a aussi quelques rares cas de responsabilité civile organisée par le droit international.
Ce sont des conventions qui traitent de droit de l'environnement, où les Etats définissent qui est responsable et les obligations à la charge du responsable.
Exemple : Convention sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures.

Pourquoi les personnes privées sont-elles titulaires d’aussi peu d’obligations ?
Parce qu’elles se trouvent essentiellement sur le territoire d'un État et sont soumises à la compétence de cet État.

C'est l'un des problèmes de la personnalité juridique des personnes privées : la condition internationale de l'individu dépend de sa condition interne.
C'est quasiment toujours dans le droit interne que la personne privée fait d'abord valoir ses droits et qu’elle agit.
La personne privée est toujours attirée par l'ordre juridique interne, qui lui confère une pleine personnalité juridique.

Fondamentalement, le sujet interne est un sujet de droit dérivé, et non un plein sujet juridique : tout ce qu'il a, ses obligations comme ses droits, dépend toujours d'une convention internationale et de la volonté des États.
Les particuliers tiennent leur qualité de la volonté commune des États.

Il n’y a donc pas de statut unique de la personne privée en droit international : en fonction de l'endroit où elle se trouve, elle bénéficie de plus ou moins de droits.

Par exemple, si je suis sous la juridiction de la France, je bénéficie des garanties de la Convention EDH ; en revanche, si je suis français mais sur le territoire du Qatar, je ne bénéficie pas de ces mêmes garanties.

Évidemment, pour exercer ses droits, la personne privée doit toujours invoquer un traité et montrer qu'elle en bénéficie.

§ 2. La capacité internationale de l'individu

La capacité internationale de l’individu est de la même manière limitée.

A – La capacité substantielle

1) Actes juridiques

Ce qui est sûr, c'est que les personnes privées peuvent produire des actes juridiques.
Par exemple, la saisine d'une juridiction internationale est un acte juridique.

Cependant, les personnes privées n'ont pas la capacité de s'associer à un État ; autrement dit, elles ne peuvent pas conclure de traités ni de contrats qui seraient dans l'ordre juridique international.
→ Illustration du pouvoir d'attraction de l'ordre juridique interne.
→ Leur capacité à produire des actes juridiques internationaux est très limitée.

Pendant longtemps, une partie de la doctrine a soutenu que les contrats d'investissement, ("contrats d'État") sont internationalisés.
Idée : ils sont tellement conclus dans la forme et dans le fond entre 2 égaux qu'on ne peut pas considérer au droit interne.
En effet, les États ont conclu des "clauses parapluie" (ou "clauses de respect mutuel des engagements") dans les traités de protection des investissements, par lesquelles ils s'engagent internationalement à respecter les contrats conclus avec les investisseurs.
Ce faisant, ils confèrent à la personne privée des droits dans l'ordre juridique international et ne peuvent plus la traiter comme ils veulent.
→ Grands débats doctrinaux en la matière.

Pour autant, les personnes privées n'ont pas la capacité de faire du droit international : elles ne sont jamais productrices du droit international.
Leur seule présence fait que l'on n'est normalement pas dans un traité et ça ne relève pas de l'ordre juridique international.
→ Capacité extrêmement réduite.


2) Faits juridiques

De la même manière, les personnes privées peuvent dans certains cas être à l’origine de faits juridiques internationaux.

Par exemple, quand elles engagent leur responsabilité pénale.
Toutefois, il n’y a pas d’imputabilité des faits des personnes privées à l’État dans le cadre de la responsabilité pour fait internationalement illicite.

Cette capacité reste très limitée, puisqu’elle dépend toujours de la volonté des États : les personnes privées ne peuvent pas engager leur responsabilité au sens civil en dehors d'un texte.

B – La capacité processuelle

La capacité processuelle est la capacité de saisir une juridiction ou d'être attrait devant une juridiction. Elle contient 2 volets :

  1. La capacité processuelle active est la capacité de porter une réclamation, d'agir en justice et de saisir une juridiction internationale.
  1. La capacité processuelle passive est la capacité à être attrait devant une juridiction.

1) La capacité processuelle active

En priorité, les personnes privées saisissent les juridictions internes pour demander l'application du droit international.
Les règles en matière d'applicabilité directe et d'effet direct s'appliquent.
Ce sont ces juridictions internes qui sont responsables de l'application du droit international.

La capacité processuelle active a été marquée par une évolution importante :

  1. Historiquement, les personnes privées n'étaient pas du tout capables de saisir des juridictions internationales.
    Les différends qui concernaient une personne privée étrangère étaient donc réglés par
    l'action en protection diplomatique.
  1. On a ensuite assisté à la création d’un droit d’action directe par traité au profit des personnes privées.
  1. Enfin, on a leur reconnu une voie de droit particulière : la représentation.

L'action en protection diplomatique est symptomatique de la manière dont le droit international conçoit la personne privée.
Aujourd'hui, elle existe toujours ; c'est une prérogative de l'État ; elle est simplement résiduelle en termes quantitatifs, parce que les droits d'action directe sont désormais valorisés.

L'action en protection diplomatique oppose deux États : le sujet interne n'est qu'un objet.
Les tribunaux ont une compétence purement interétatique.

L'action en protection diplomatique est le mécanisme par lequel l'État prend fait et cause pour son national (= son ressortissant).
Il endosse la réclamation pour la porter sur le plan international.

L'endossement est le mécanisme par lequel un dommage existant en droit interne est élevé en droit international. Par l'endossement, la réclamation change : ce n'est plus la même affaire.
L'État fait valoir son droit propre, qui est un droit qui lui appartient : le droit de voir le droit international respecté en la personne de ses ressortissants.

L'État qui agit en protection diplomatique ne fait pas valoir le droit de son national, mais le sien propre.
Par le biais de son national, il a subi un dommage médiat.

CPJI, 1924, Concessions Mavrommatis en Palestine :
"En prenant fait et cause pour l'un des siens, en mettant en mouvement en sa faveur l'action diplomatique, cet État fait, à vrai dire, valoir son droit propre, le droit qu'il a de faire respecter en la personne de ses ressortissants, le droit international".

Le droit international coutumier définit un standard minimum de traitement, en-deçà duquel on ne peut pas aller.
La manière dont l'Etat traite le ressortissant permet de prouver qu'il a violé ce standard minimum.

⚠️
Cette action très importante est toujours utilisée aujourd'hui.
Quand on n'a pas d'action directe fondée sur un traité, on n'a que l'action en protection diplomatique, parce qu'une personne privée ne peut pas intenter une action contre un État dans l'ordre juridique international.

L'exercice de la protection diplomatique est discrétionnaire pour l'État : il choisit d'agir ou non en pure opportunité politique et n'a aucune obligation de le faire.
→ Un national n'a jamais droit à l'exercice de la protection diplomatique.

Il y a donc des centaines de sentences arbitrales portant sur l'exercice de la protection diplomatique sur des affaires parfaitement insignifiantes.

Comité des Droits de l'Homme des Nations unies, 2007, Schmidl c. Allemagne :
Le comité rappelle que le droit de la protection diplomatique appartient aux États, et non aux individus.

La réparation est due à l'État national et non au ressortissant, puisque c'est lui qui est la victime en droit international. On répare le dommage de l’État national, qui correspond à la violation du droit international à son égard.
L'État peut ensuite décider, s'il en a envie, de la rétrocéder à son ressortissant.
Il y a parfois des règlementations internes qui prévoient une obligation pour l'État de transmettre la réparation au ressortissant lésé.

Il y a 2 conditions de recevabilité pour la protection diplomatique :

  1. La personne en cause doit avoir la nationalité de l'État de manière continue depuis le préjudice subi jusqu'au moment de l'action ;
  1. La personne en cause doit avoir épuisé les voies de recours interne disponibles.

Condition n°1 : la nationalité :

La nationalité définit l'intérêt à agir pour l'État demandeur : il ne peut agir que pour ses ressortissants !
La nationalité doit présenter certains caractères :

  • La nationalité doit être opposable aux autres États : elle doit répondre aux conditions définies par le droit international pour être reconnue par les autres États ;
  • La nationalité doit être continue : la nationalité ne doit pas avoir changé entre le moment de l'intervention du dommage (qui correspond à la naissance du droit à réparation) et le moment de l'introduction de la réclamation.
⚠️
Concernant les personnes binationales : l'État de nationalité peut agir contre l'autre l'État, sauf celui-ci est aussi un État de nationalité de la personne concernée.

Condition n°2 : l'épuisement des voies de recours internes :

L'action en protection diplomatique n'est recevable que si le national victime a préalablement épuise les voies de recours offertes par l'ordre juridique de l'État dont la responsabilité est recherchée.
C'est une condition de recevabilité, mais également une condition de réalisation du fait illicite international.

Le national victime ne doit pas saisir toutes les voies internes, mais uniquement les voies de recours internes susceptibles de lui donner satisfaction : on exclut ainsi les recours illusoires ou futiles.
Il faut aussi que la saisine soit réelle (→ effectuée avec diligence). Le national doit saisir les juridictions avec efficacité.

Cette condition vient de la définition du standard de traitement minimum des étrangers : l'individu doit pouvoir avoir accès aux juridictions internes, mais l'État doit pouvoir remédier au violation du standard dans son ordre juridique interne.

Problème : l'exercice de l'action en protection diplomatique oppose les États et multiplie les différends entre eux.
Solution : les États ont décidé de créer, par traité, des juridictions internationales pour les personnes privées → c'est ce qu'on appelle l'action directe.


L'action directe est ouverte directement aux personnes privées devant un organe international (par exemple, une juridiction) dont l'existence repose sur un traité international.

Cette action vise uniquement à permettre la réalisation des droits internationaux des personnes privées : les conditions d'accès dépendent toujours de la volonté des États et des traités.

Il y a une grande variété d'actions directes.

Les tribunaux arbitraux mixtes (TAM) ont été mis en place par le traité de Versailles pour ouvrir une action aux particuliers qui avaient été dépossédés par l'un des États belligérants lors de la Première Guerre mondiale.

De manière plus connue, la CEDH et la Cour interaméricaine des droits de l'homme sont compétentes en cas de violation de leurs conventions respectives.
Il y a eu d'abord la Convention EDH, puis ensuite l'ouverture d'une action directe pour les personnes qui se trouvent sur la juridiction d'un État partie.

Enfin, un droit d'action directe devant un tribunal arbitral en matière d'investissements internationaux a été créé dans les traités de protection et de promotion des investissements.

Ces droits d’action directe permettent de neutraliser les effets un peu pervers de la protection diplomatique.
Les conditions du droit d’action directe sont fixées librement par les États dans le traité.


L’action en représentation est récente.
Ici, c’est l'État qui agit en représentation de son ressortissant.
C'est une action introduire entre États, mais ce qu'entend faire l'État demandeur, c'est d'agir pour son ressortissant.

L'action en représentation est utilisée pour les droits internationaux individuels.

Il n'y a pas de responsabilité civile en droit international pour les individus.
L'action des individus est prise en compte uniquement quand il est possible de rattacher à l'État leurs actions.

L’action en représentation est mise en œuvre principalement à travers des conventions destinées à incriminer des infractions et prévoir des règles de compétence et sanctions (corruption, trafic d'êtres humains…).
Les États transposent ces conventions dans leur droit pénal.

Plus récemment et de manière plus limitée, on a aussi la possibilité pour une personne privée d'être traduite devant des organes juridictionnels répressifs.
Cette possibilité a été ouverte avec le tribunal de Nuremberg et le tribunal de Tokyo, qui ont pour rôle de juger les auteurs de certains crimes très spécifiques et de les condamner pénalement.
Ce mouvement s'est poursuivi avec la création des tribunaux pénaux internationaux (pour le Rwanda et pour l'ex-Yougoslavie), et enfin avec la Cour pénale internationale (CPI).
La CPI n'est compétente que pour certains crimes :
> crime d'agression ;
> crime de guerre ;
> crime contre l'humanité ;
> crime de génocide.

→ Les individus ont une capacité substantielle et processuelle limitée, toujours encadrée par un traité.

Section 2 : La nationalité de la personne privée

La nationalité est un lien de droit qui unit un État déterminé à une personne physique ou morale, un objet ou un bien.
Autrement dit, la nationalité est un lien de rattachement d'un État à un sujet interne.

La nationalité est d'abord et avant tout une qualité interne, conférée par un acte unilatéral de l'État.
En règle générale, le droit international laisse les États déterminer comment et à qui ils veulent être rattachés.

Ici, on distingue entre les personnes physiques, les personnes morales et les engins :

§ 1. La nationalité des personnes physiques

Il faut distinguer l'acquisition de la nationalité de son opposabilité.
On acquiert la nationalité soit parce qu'on l'a à l'origine (nationalité de naissance) soit parce qu’on l’a acquise ultérieurement.

À l'origine, il y a 2 grandes modalités d’acquisition de la nationalité de naissance :

  1. La nationalité jus sanguinis : la nationalité par le sang.
    L’enfant a la même nationalité que ses parents ou que l'un de ses parents.
  1. La nationalité jus soli : par le lien avec le territoire.
    L’enfant a la nationalité de l'État sur le territoire duquel il naît.

Les États sont libres de décider des modalités d'attribution de leur nationalité ; ils font souvent un mélange de ces modalités.
→ L'État attribue sa nationalité comme il l'entend.

La nationalité originaire est importante, parce qu'elle a souvent un mérite de bonne foi : elle ne dépend pas d'actions que l'on mène, mais de lois qui opèrent à la naissance.
En revanche, quand il y a une acquisition ultérieure de la nationalité, la question se pose différemment.

Chaque personne peut être amenée à changer de nationalité, soit parce qu'elle change de statut (ex : mariage), soit parce qu'elle demande une naturalisation.
Une autre possibilité de changement de nationalité découle de la disparition de l'État : quand un État disparaît, on perd sa nationalité et on acquiert souvent la nationalité de l'État qui le remplace.

Il n'existe pas en droit international un droit à la nationalité, mais il y a des conditions qui limitent les cas d'apatridie, parce qu'un apatride ne peut bénéficier de la protection d'aucun État.
En France, c'est l'OPFRA qui donne aux apatrides une protection spéciale et leur permet d'obtenir un état civil et des documents qui leur permettent de circuler.

Il y a de très nombreux États qui considèrent qu'il n'est pas possible d'être binational, parce que la nationalité est un lien de droit privilégié avec l'État.

Beaucoup de droits internes prévoient que si une personne commet un certain acte, alors ils vont perdre la nationalité. On parle de déchéance de nationalité.

Dans tous les cas, c'est la loi interne de l'État qui fixe ces règles.
Par exemple, en droit français, une loi décidait précédemment que "tout français qui prend service militaire à l'étranger perdra sa qualité de français et ne pourra rentrer en France qu'avec l'autorisation du Roi" (article 21 du Code civil de 1804).

La nationalité intéresse le droit international dès lors qu'on cherche à l'invoquer contre un autre État. C'est la question de l'opposabilité.
En effet, le droit international ne va jamais remettre en cause une nationalité acquise en droit interne – ça ne le regarde pas.

CIJ, 1955, Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala) :
La Cour explique ce qu'est la nationalité :
"La nationalité est un lien juridique ayant à sa base un fait social de rattachement, une solidarité effective d'existence, d'intérêts, de sentiments jointe à une réciprocité de droits et de devoirs. Elle est, peut-on dire, l'expression juridique du fait que l'individu auquel elle est conférée, soit directement par la loi, soit par un acte de l'autorité, est, en fait, plus étroitement rattaché à la population de l’État qui la lui confère qu'à celle de tout autre État. Conférée par un État, elle ne lui donne titre à l'exercice de la protection vis-à-vis d'un autre État que si elle est la traduction en termes juridiques de l'attachement de l'individu considéré à l’État qui en a fait son national. "

Il faut donc qu'il y ait un lien étroit entre la personne qui l'a demandée et son nouvel État national.
→ La nationalité doit être effective.

Ce n'est que si la nationalité est effective qu'elle pourra produire des effets en droit international.
Cela implique de se replacer au moment de la naturalisation.

En l’espèce, la CIJ regarde si, au moment de sa naturalisation, M. Nottebohm était particulièrement rattaché au Liechtenstein ou si c’était simplement une façade.
Il faut prendre en compte la procédure suivie, l'existence ou non d'intérêts particuliers que l’individu aurait avec cet État (famille, intérêt économique), le lieu de résidence…

§ 2. La nationalité des personnes morales

La logique d'ensemble est la même : le droit international laisse les États déterminer la manière dont ils attribuent leur nationalité aux personnes morales.
La nationalité est donc interne par son origine : ce sont ses effets qui seront internationaux.

Il existe 2 systèmes d'attribution de la nationalité aux personnes morales :

  1. Le système du siège social réel : selon ce système, les sociétés dont le centre de direction effectif ou l'établissement principal est sur le territoire de l'État ont la nationalité de cet État.
  1. Le système d'incorporation : ce système accorde la nationalité aux sociétés constituées en personnes morales et immatriculées conformément à la législation locale.
    Il n’y a donc pas de prise en compte du siège social ou des activités, mais simplement de l'immatriculation de la société.

Il existe un 3ème système : celui du contrôle, qui prévoit que la nationalité serait déterminée par celles et ceux qui la contrôlent (par exemple, les détenteurs du capital social ou les dirigeants).
Ici, ça correspond à la dynamique actuelle de la mondialisation.
On essaie de considérer l'unité de la réalité économique du groupe.
Ce système de contrôle n'est pas un système considéré comme classique : ce sont seulement les 2 premiers systèmes qui permettent de faire produire à la nationalité un effet directement opposable.

En matière d'opposabilité, on a une règlementation plus favorable aux entreprises qu'aux personnes privées.
On considère que le choix de nationalité est un objectif légitime pour ceux qui créent des sociétés.
Autrement dit, on considère qu'il est légitime de se placer sous la loi la plus favorable.

💡 Il arrive très souvent que des entreprises changent de nationalité pour se placer sous des lois plus favorables.

Dès lors que la société change de nationalité pour rendre possible une réclamation internationale ou pour qu'un État agisse en protection diplomatique, alors on considère que l'on est dans de la fraude.

C'est l'État de la nationalité qui agit en protection diplomatique.
Il faudra un texte spécifique pour que l'État agisse en protection des actionnaires ; si leurs intérêts sont lésés, ils devront prouver qu'ils sont lésés en tant qu'actionnaires et non pas en tant que société.

→ La nationalité est beaucoup plus simple pour les personnes morales.

§ 3. La nationalité des engins

En principe, les biens ont la nationalité de leurs propriétaires ; mais certains véhicules comme les avions, les navires et les engins spatiaux ont besoin du rattachement à un État parce que c'est ce rattachement qui détermine quels sont les États compétents et les États qui doivent réparer les dommages.

Les navires doivent faire l'objet d'une immatriculation sur un registre national, ce qui leur donne un pavillon.
Ils seront soumis à la législation interne de l'État du pavillon.

Les États décident à quelles conditions ils attribuent leur pavillon.

L'immatriculation aura des conséquences :

  1. L’État dispose d’une compétence exclusive sur les navires battant son pavillon ;
  1. L’État doit exercer sa juridiction et son contrôle dans les domaines techniques, administratif et social.
    Les autres États vont demander des comptes à l'État de pavillon, notamment concernant les obligations de sécurité.
    → Le lien de rattachement permet aux autres État d'agir.

Section 3 : La condition internationale de la personne privée

Les relations transnationales (ou relations mixtes) sont les relations entre un État et un sujet interne.
Ces relations appartiennent avant tout à un ordre juridique interne ; cependant, puisqu’il y a une nationalité étrangère, alors il y a un rattachement du droit international, qui impose notamment des obligations de traitement.

Avant de voir quelles sont ces obligations, il convient de faire un rappel :

§ 1. Identification des États compétents

Il faut toujours avoir un lien de rattachement compétent, c'est-à-dire non fortuit.

  1. Compétence territoriale : il faut un titre territorial suffisant (exclusif pour l'exercice d'une compétence opérationnelle sur le territoire de l'État).
  1. Compétence personnelle : il faut un titre personnel.
    Cette compétence personnelle agit comme un frein à la compétence de l’État territorial, car il va être limité dans son action par le respect de la nationalité du ressortissant limité et des obligations découlant du standard minimum de traitement des étrangers.
  1. Pour l'exercice d'une compétence personnelle ou universelle sur le territoire d'un autre État en cas de crime, il faut un rattachement suffisant avec le territoire de l'État qui souhaite exercer sa compétence.
    L'exercice de ce type de compétence est prévu par des conventions internationales (qui définissent l'infraction, organisent les compétences…) et pas par la coutume.

    En droit français, la compétence universelle n'est prévue que pour certains crimes (par exemple, la torture ou les infractions graves au droit humanitaire) et est conditionnée par la résidence sur le territoire.
    L’article 689-11 du Code de procédure pénale dispose que "la personne soupçonnée doit avoir une résidence habituelle sur le territoire français, celle-ci se définissant par un lien de rattachement suffisant avec la France".
    La chambre criminelle de la Cour de cassation rappelle qu'il faut, pour que la France puisse exercer sa compétence, que la résidence soit suffisamment établie. En l'espèce, un ressortissant étranger était sur le territoire depuis 3 mois et se comportait comme un résident.

La personne soupçonnée d'avoir commis un crime sur le territoire d'un autre État doit par exemple se trouver sur le territoire de l'État qui souhaite exercer sa compétence personnelle passive ou universelle.

§ 2. Pouvoirs des États compétents

Les règles qui encadrent les pouvoirs de l'État compétent sont de 2 natures :

  1. Les règles traditionnelles régissent des rapports strictement interétatiques et qui concernent des étrangers ;
  1. Les règles qui s’adressent directement aux personnes privées et qui ne tiennent pas à la condition d'étranger, mais à la condition d’homme.
    Le droit international permet aux êtres humaines d'être titulaires d'un ensemble de droits humains : ces règles s'appliquent indifféremment à toute personne, qui se trouve sur le territoire étranger ou non.

Il existe en effet un ensemble de règles relatives aux êtres humains, qui sont conférées par les États indépendamment de la nationalité.
Ces droits sont inhérents à la qualité humaine.
Par exemple, la Convention européenne des droits de l'homme s'applique à toute personne qui est sous la juridiction d'un État membre ; elle permet à des chinois de saisir la CEDH s'ils sont détenus par des autorités françaises.

De plus, le droit international humanitaire et le droit de la guerre regroupent des règles qui ont été créées dans le but de réduire les souffrances causées par la guerre.
Ces règles sont aujourd’hui coutumières.
On agit dans la protection de l'intérêt commun de l'humanité.
La condition de réciprocité disparaît : il n’y a pas d'exception d'inexécution.

Ainsi :

  • Pour les droits de l'homme, il faut passer par des textes ;
  • Pour le droit humanitaire, ce sont des règles coutumières.

§ 3. La condition des étrangers (la nationalité comme critère de discrimination)

Comment traite-t-on ceux qui ne sont pas nos ressortissants mais qui sont sur notre territoire ?
L’État territorial a l’obligation de respecter le droit international + l’État national a le droit d’exercer sa protection diplomatique.

A – L’accès au territoire

Les États sont libres de réglementer l'accès à leur territoire.
Ils peuvent fixer librement les conditions d'entrée, de séjour et de sortie, à la condition de respecter les limites posées par le droit international.
Les États peuvent refuser discrétionnairement des visas (sous réserve d'engagements internationaux contraires).

Dans certains cas, et pour certains sujets, les États peuvent avoir des obligations conventionnelles particulières.
C’est notamment le cas en matière de réfugiés, où la Convention de Genève de 1951 impose aux États de respecter le principe du non refoulement. Suivant ce principe, le réfugié (qualité définie internationalement) doit pouvoir déposer une demande d'asile sur le territoire dans lequel il vient d'arriver ; ce n'est qu'à l'issue de l'examen de cette demande qu'il peut être envoyé ailleurs.

Est-ce que les États doivent respecter des règles pour la sortie des étrangers sur leur territoire ?
Aujourd'hui, il existe plusieurs procédures selon que l'étranger a été régulièrement admis ou non sur le territoire.
L'État peut expulser les étrangers qui sont sur leur territoire, à la condition que cette condition soit conforme au standard minimum de traitement des étrangers et à ses engagements conventionnels.
Par exemple, en France il n'est pas possible d'expulser une personne vers un pays où elle risque de subir des traitements inhumains ou dégradants (par le jeu de la Convention EDH).

Le standard minimum de traitement des étrangers veut que l'expulsion s'appuie sur des considérations d'ordre public : l'État doit expliquer pourquoi il expulse une personne sur son territoire.
Exemple :
Sentence arbitrale, 1898, Ben Tillett :
💡 C’est du droit coutumier, donc rien n’empêche d’illustrer avec des arrêts anciens.
On accusait M. Ben Tillet de menacer l'ordre public sur le territoire, parce qu'il était venu participer uniquement à des manifestations interdites. Le gouvernement britannique a estimé que son arrestation et sa détention n’étaient pas nécessaires et que certaines circonstances de difficulté qui les ont accompagnées étaient totalement excessives par rapport à ce qui pouvait être justifié comme étant incident au droit d’expulsion.

Il faut aussi que la manière d'expulser ne soit pas contraire au standard minimum de traitement des étrangers.
Autrement dit, elle ne doit pas être inutilement rapide, brutale ou vexatoire. Il faut laisser à l'étranger le temps de se préparer, d'organiser la vente de ses biens…

B – Le traitement international minimum

Ce qui limite l'action de l'État, c'est le standard international de traitement minimum des étrangers, qui est conçu comme la conséquence de l'exclusivité territoriale.

Cour permanente d’arbitrage, 1928, Île de Palmas :
L'exclusivité de la compétence territoriale a pour corollaire un devoir : l'obligation de protéger à l'intérieur du territoire les droits des autres États, en particulier le droit à l'intégrité et à l'inviolabilité en temps de paix et en temps de guerre, aussi bien que les droits dont chaque État peut réclamer le bénéfice pour ses nationaux séjournant en territoire étranger.

Le standard minimum de protection des étrangers lie tous les États, indépendamment de la manière dont ils traitent leurs propres ressortissants.
Le standard de protection des étrangers peut donc constituer une discrimination positive pour les étrangers, qui pourraient bénéficier d'une protection plus favorable que les ressortissants.

Il est très difficile d'établir précisément le contenu précis du standard.
Il varie en fonction des circonstances ; par exemple, il peut souffrir de circonstances exceptionnelles liées à une situation de guerre.

Souvent, on le trouve défini par l'expression "protection générale contre l'arbitraire" ; mais ça n'est pas tout à fait exact : le traitement arbitraire que l'État fait subir à un étranger manifeste la violation du standard.
L'étranger en lui-même n'a pas de droit : c'est son État qui a un droit à un certain traitement pour ses ressortissants.

Le standard minimum de traitement des étrangers contient des obligations positives + des obligations de faire et de ne pas faire + des garanties administratives.
Ces règles concernent les personnes étrangères et leurs biens.

Idée : il faut traiter de manière convenable les étrangers ; on prohibe l'exercice d'une contrainte injustifiée (interdiction des arrestations sans fondement, des détentions arbitraires, traitements anormaux ou vexatoires…).

Une obligation de diligence pèse sur l'État, qui doit assurer autant que possible la sécurité des étrangers sur son territoire.
Cette obligation de diligence s’étend à la recherche et la poursuite des auteurs d'une éventuelle atteint : il faut que l'étranger puisse avoir accès à un tribunal interne pour faire valoir ses droits + qu’il puisse bénéficier d'un vrai procès rendu par une juridiction indépendante et impartiale.

💡
Le contenu du standard minimum de traitement des étrangers varie en fonction des circonstances. Dès lors, l’obligation de diligence sera diminuée vis-à-vis d’un État en crise.

Le standard minimum de traitement des étrangers est protégé par l’action en protection diplomatique.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *