Bref historique du droit pénal

Fiche rédigée par Philippe Idelovici, professeur agrégé d’économie-gestion et professeur de droit des assurances.

Avant l’ancien droit (avant le 15ème siècle)

Dans les populations primitives coexistaient deux formes de répression aux conséquences souvent aussi tragiques. A l’intérieur des clans, certains tabous se sont érigés, la transgression était souvent synonyme de mort. De groupe à groupe, la répression, règlement de compte, était tout aussi meurtrière. Il n’existait pas d’autorité supérieure capable d’arbitrer ou de tempérer les instincts guerriers.
Ces techniques expéditives, fort coûteuses, ont été peu à peu remplacées par d’autres :
– L’abandon noxal : on abandonne aux adversaires, le coupable d’une agression.
– Le talion : la fameuse loi du talion limitait en fait la vengeance (de venger qui provient du latin vindicare : « réclamer en justice »).
– La composition pécuniaire : on paie une somme d’argent pour éviter de subir la vengeance du clan de la victime.
L’église prend également au cours de cette période une place qui va devenir cruciale. L’église devient un sanctuaire (comme les universités), certaines fêtes religieuses sont considérées comme des trêves de dieu. Cette évolution se termine au 16ème siècle, « la vengeance est interdite aux hommes. Il n’y a que le Roi qui la puisse exercer par ses officiers, en vertu du pouvoir qu’il tient de dieu » (Argou, criminaliste de l’époque).

L’ancien droit (16ème-18ème siècle)

En matière pénale, cette période se caractérise par l’arbitraire et la rigueur de la répression. La procédure est pour l’essentiel inquisitoire.


Exemple : Affaire Calas (Géo octobre 1989).Le 13 octobre 1761, le fils de Jean Calas est trouvé mort assassiné devant la maison de son père. Aussitôt les catholiques accusent le père, protestant, du meurtre de son fils (qui voulait se convertir?). Le 10 mars 1762, il subit le supplice de la roue : le bourreau lui broie successivement les quatre membres, après deux heures de souffrance, il est étranglé puis brûlé sous les applaudissements.


Les conquêtes légalistes

Les philosophes et certains juristes mettent en avant certains principes qui seront consacrés à la suite de la Révolution (cf. déclaration des droits de l’homme et du citoyen). Il faut que le citoyen connaisse à l’avance la liste des infractions et les peines qui y sont rattachées. Cela suppose un texte, qui ne peut être qu’une loi, expression de la volonté générale.
Le principe de légalité sort donc du principe d’égalité. Les peines doivent être modérées. Le principe de l’Habeas corpus est retenu, tout homme est présumé innocent, jusqu’à ce qu’il soit reconnu coupable. La procédure doit donc être accusatoire, c’est-à-dire publique et contradictoire.

Les codes napoléoniens

Le principe de légalité est maintenu, mais la modération de la répression est abandonnée. La procédure est inquisitoriale au niveau de l’instruction, et accusatoire au niveau du jugement.

Depuis la période napoléonienne

Les philosophes du droit, les criminologues discutent encore le fondement de la responsabilité individuelle de l’homme social, du rôle de la sanction et de l’aptitude réelle du système carcéral à amender les « déviants ». L’individualisation de plus en plus poussée de la peine conduit en fait à un risque d’arbitraire.
Quelques questions se posent pour mener à bien une réflexion sur le rôle de la peine dans la société (Cf. la chronique de Ph Jestaz la sanction ou l’inconnue du droit D. 86 Ch. 197) :

– Le taux de récidive est voisin de 50 %, les détenus sont ils amendables ?
– Il y a surpopulation carcérale, peut-on ou doit-on isoler encore plus de délinquants ?
– Tout le monde devient-il délinquant ?
– L’opinion publique n’est elle pas sensible à la délinquance, que lorsque celle ci la concerne de près ? (exaspération contre la petite délinquance)

Quelles sont les différences entre une démocratie directe et une démocratie indirecte ?

Ce tableau présente les différentes caractéristiques des démocraties indirecte et directe afin de permettre de les comparer.

Démocratie directeDémocratie indirecte
Objet de représentationle peuplela nation
Type de souverainetépopulaire : chaque citoyen est titulaire d’une partie de la souveraineté. Idée de Rousseau, « le Contrat social ».nationale : la nation est indivisible, ce sont les individus vivant sur un territoire mais aussi les expériences et les projets, les morts et ceux qui vont naître.
CaractèresLe peuple agit et s’exprime lui-même. Existence de représentants pour simplifier la vie politique.La nation est une abstraction, elle ne peut ni agir, ni s’exprimer. Il faut des représentants qui auront pour mission d’agir pour elle.
Conception de l’électoratL’électorat-droit : tout citoyen étant titulaire d’une fraction de l’autorité souveraine, il a donc le droit de s’exprimer. Cette théorie appelle forcément le suffrage universel.L’électorat fonction : Les citoyens n’ont aucun droit naturel à s’exprimer car la souveraineté réside en dehors d’eux. Leur fonction est de désigner les personnes qui parleront pour eux.
Statut des représentantsMandat impératif : le peuple désigne ses représentants, l’élu n’est pas libre, il exécute les instructions reçues par le peuple. Il est subordonné au peuple. Il est privé de toute initiative autonomeMandat représentatif : le représentant agit sans contrôle. Sa liberté est totale tant que dure le mandat. Sa sanction : la non réélection. Il dispose donc d’une compétence générale mais il y a le danger d’un transfert de souveraineté.
Type de mandatMandat court : permet d’éviter les abus de pouvoir, les fossés entre représentants et représentés. Facilite le contrôle du peuple.Mandat long : évite la lassitude des élections, donne plus de liberté d’esprit, symbolise la continuité de l’Etat par le chef de l’Etat, permet l’apprentissage des élus.

Commentaire corrigé : « Commissaire de la République de l’Ille-et-Vilaine », Conseil d’État, 18 avril 1986

Fiche rédigée par Hugo.

Le sujet

CE 18 avril 1986 « Commissaire de la République d’Ille-et-Vilaine »

Sur la recevabilité du déféré du commissaire de la République de l’llle-et-Vilaine

Considérant qu’aux termes de l’article 3 de la loi n°82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, dans sa rédaction issue de la loi n° 82-263 du 22 juillet 1982 : « le représentant de l’Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés au paragraphe II de l’article précédent qu’il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission  » ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le commissaire-adjoint de la République de Fougères a adressé le 16 février 1984 au maire de cette commune une lettre par laquelle il lui exposait que la délibération du 12 janvier 1984 était entachée d’illégalité et lui demandait de soumettre à nouveau le barème de tarification des restaurants d’enfants au conseil municipal : qu’en l’absence de dispositions législatives ou réglementaires organisant une procédure particulière en la matière, cette demande doit être regardée comme constituant un recours gracieux qui, ayant été formé dans le délai du recours contentieux, a interrompu ce délai ; qu’ainsi le déféré du commissaire de la République de l’Ille-et-Vilaine, enregistré le 20 mars 1984 au greffe du tribunal administratif de Rennes, n’était pas tardif ; que c’est dès lors à tort que les premiers juges ont rejeté ce déféré comme irrecevable et que leur jugement, en date du 12 juillet 1984 doit être annulé ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le commissaire de la République de l’Ille-et-Vilaine devant le tribunal administratif de Rennes :

Sur la légalité interne de la délibératioon du conseil municipal de Fougères, en date du 12 janvier 1984 :
Sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen de la requête :

Considérant qu’aux termes de l’article premier de l’arrêté du commissaire de la République de l’Ille-et-Vilaine, en date du 28 décembre 1983 : « les prix des prestations de services à caractère administratif rendues par les collectivités locales (…) peuvent être majorés de 5 % à compter du 1er janvier 1984 ; cette hausse ne pourra être appliquée qu’aux prestations dont le dernier relèvement est antérieur au 31 août 1983 » ;

Considérant qu’il ressort des pièces versées au dossier que, par arrêté du 30 juin 1983 le maire de Fougères avait relevé le tarif des cantines scolaires à compter du 8 septembre suivant ; qu’ainsi, en vertu de l’arrêté préfectoral précité, une nouvelle hausse ne pouvait intervenir à compter du 1er janvier 1984 ; que la délibération du 12 janvier 1984, dès lors qu’elle a pour effet de relever les tarifs pour certains élèves, alors même que cette hausse serait accompagnée de la baisse du tarif appliqué à d’autres élèves, a donc contrevenu aux prescriptions de cet arrêté préfectoral et doit être annulée ;

Annulation.

Le « corrigé »

Note importante

« corrigé » est mis ici entre guillemets pour que toutes les précautions soient prises par le lecteur internaute. En effet, pour des raisons de droit d’auteur il nous est impossible de reproduire ici le corrigé d’un professeur ou d’un chargé de TD comme de toute autre personne autre que nous. C’est pourquoi nous mettons ici en ligne nos devoirs, avec les erreurs que nous avons pu commettre. Nous faisons cependant attention à ne pas prendre des devoirs jugés mauvais, ou hors sujet, et ne prenons que ceux qui nous ont satisfait le plus pleinement.

Ce devoir a n’a pas été rendu. Le plan de correction proposé par le chargé de TD était plus centré sur le recours gracieux et sa prorogation, alors que le plan proposé ici se découpe plus en sens-valeur-portée.

Introduction

Dans cet arrêt le Conseil d’Etat devait se prononcer sur un différent juridique opposant le commissaire de la République (préfet) de la région Bretagne et du département d’Ile et Vilaine à la commune de Fougères. Cette commune avait pris une décision d’augmentation des prix des restaurants scolaires le 12 janvier 1986 en méconnaissance d’un arrêté préfectoral du 28 décembre 1983 interdisant une telle décision, si une augmentation était intervenu après le 1er septembre de l’année concernée. Le préfet a tout d’abord demandé gracieusement le 16 février 1986 au maire de la commune de soumettre à nouveau à délibération le barème des restaurants scolaires. Puis finalement, il a décidé de déférer cette décision au tribunal administratif.

Le tribunal administratif, saisi donc de sa demande d’annulation de l’acte pour excès de pouvoir, estima que l’action était irrecevable car exercé hors des délais fixés par la loi pour l’exercice du déféré préfectoral. Estimant ce jugement non conforme au droit, le préfet a interjeté appel de ce jugement. C’est sur cet appel que le Conseil d’Etat se prononce dans cette décision.

Le commissaire de la République, le préfet, prétend que l’irrecevabilité prononcée n’est nullement justifiée, du fait de la demande qu’il avait adressé, en tant que recours gracieux, au maire de la commune et qui avait pour effet d’interrompre le délai dans lequel il pouvait déférer l’acte mis en cause. Il prétend de plus, que la décision d’augmentation des tarifs, prise par la commune est entaché d’illégalité du fait du non respect de l’arrêté préfectoral du 28 décembre 1983, et conclut donc à son annulation.
Au vue de ces prétentions le Conseil d’Etat doit se prononcer sur la question de savoir si un recours gracieux a pour effet, dans le délai du déféré préfectoral, d’interrompre le délai dans lequel un tel recours est recevable. Si tel est le cas, alors le Conseil se prononcera sur la légalité de la décision communale.

Dans son arrêt, le Conseil d’Etat estime que le recours gracieux a bel et bien pour effet d’interrompre le délai de recevabilité du déféré préfectoral, et qu’ainsi le commissaire de la République était en droit, en l’espèce, de déférer l’acte, que son action était recevable. Il estime de plus, suivant les conclusions du demandeur, que la décision de la commune est entachée d’illégalité et doit donc, de ce fait, être annulée.

Cet arrêt nous permet ainsi de dépasser une portée pratique déjà considérable du fait de l’exercice du déféré préfectoral. En effet, dans cet arrêt le Conseil d’Etat établi un principe, ou plutôt étend l’application du principe du recours gracieux à la procédure du déféré préfectoral. Cette reconnaissance, extension est loin d’être sans conséquence. Elle a une incidence considérable sur les délais dans lesquels une telle procédure est applicable. En cela, le Conseil d’Etat veut adapter le droit pour permettre au système institué par la décentralisation de prendre son maximum d’efficacité dans le respect des lois, même si cette jurisprudence peut paraître dangereuse car augmentant les pouvoirs du préfet, et se rapprochant ainsi de l’idée de tutelle.

Pour ces diverses raisons nous étudierons dans une première partie l’élargissement des pouvoirs du préfet dans le cadre du déféré préfectoral, avant d’aborder dans une seconde partie la justification de cet élargissement par la nécessité d’un contrôle de légalité efficace.

I – Un élargissement des pouvoirs du préfet dans le cadre du déféré préfectoral

Le déféré préfectoral est un recours juridictionnel, dont il faut d’abord préciser les modalités (A.) avant d’observer que le délai de ce recours est par cette décision prolongé (B.)

A – La procédure du déféré préfectoral

1) Une procédure nécessitée par l’État de droit
a. L’exercice des prérogatives de puissance publique réservées à l’État

– Etat est unitaire, c’est lui qui a le droit d’édicter des normes, d’user de la force… qui détient donc la puissance publique
– On ne peut tolérer exercice de prérogatives de puissance publique par collectivités sans contrôle de l’Etat

b. Il doit donc toujours pouvoir contrôler les pouvoirs qu’il délègue

– Etat doit être informé des décisions des collectivités locale. Cause d’inconstitutionnalité de loi de 1982 (Conseil Constitutionnel 25 février 1982.) Pour acte grave transmission obligatoire (loi du 2 mars 1982)
– Possibilité d’interrompre rapidement la violation de l’Etat de droit, grâce à demande de sursis à exécution.

2) Les conditions d’exercice
a. la procédure du déféré préfectoral

– Quand préfet estime que acte est illégal, il le défère au tribunal administratif. pour contrôle de la légalité (article 3 loi du 2 mars 1982). Possibilité de sursis à exécution si moyen sérieux. Sursis en urgence si moyen sérieux sur libertés
– Procédure limitée au seul représentant de l’Etat, en raison du caractère dérogatoire de l’action

b. délais identiques à recours pour excès de pouvoir : 2 mois

– Si procédure est dérogatoire elle se rapproche du régime du recours pour excès de pouvoir
– Ainsi délai de recours est limité à deux mois par le législateur

B – L’extension du délai de validité de cette procédure

1. La reconnaissance de la validité du recours gracieux
a. La pratique courante du recours gracieux, non limité au déféré

– le recours gracieux est un recours administratif (comme recours hiérarchiques), donc différent de contentieux. Peut être, et parfois doit être, exercé avant un recours contentieux..
– Ce recours est de plus en plus exercé et demandé avant les recours juridictionnels..

b. Une pratique efficace, car évite action en justice

– Cette exigence découle du fait que si ce le recours abouti, alors il n’y aura pas d’intervention du juge..
– D’où, économie pour la justice, gain de temps pour les intéressés…

2) Des conséquences importantes sur les délais de validité
a. Efficacité de cette pratique dépend de sa possibilité d’exercice

– Mais un tel recours n’aboutit pas forcément à une solution. Il n’est que supplétif, il faut donc ne pas pénaliser ceux qui l’utilisent..
– Cela entraîne qu’il faut admettre à ces personnes la possibilité d’agir juridictionnellement ensuite.

b. Elle a pour conséquence d’interrompre le délai de recours

– Possibilité d’agir suppose nouvelle condition de délai. Nécessité de pouvoir réfléchir sur la réponse implique interruption du délai et non suspension..
– Nouveau délai de deux mois, donc, après la réponse. Si réponse très longue à obtenir, cas des décisions implicites de rejet, alors, le délai peut atteindre 8 mois à partir de la prise de l’acte considéré illégal.

Cette augmentation du délai, par la reconnaissance de la validité du recours gracieux, a pour conséquence nécessaire un accroissement des pouvoirs du préfet en matière de déféré préfectoral. Cette augmentation peut paraître dangereuse pour le principe de décentralisation, mais elle est justifiée et ce danger apparaît limité.

II – Une justification par la nécessité du contrôle de légalité dans le cadre de la décentralisation

Cet accroissement des pouvoirs du préfet peut être envisagé comme un danger de retour vers un pouvoir de tutelle (A.). Cependant ce danger, limité, est justifié par le principe de légalité (B.)

A – Un danger de retour vers un pouvoir de tutelle

1) Recours gracieux peut devenir une menace
a. Par le recours gracieux annonce de l’opinion du préfet

– recours sera effectué sur motif d’illégalité, avec des motifs précis
– dans un recours pour excès de pouvoir connaissance des prétentions seulement au moment du recours, qui est irréversible

b. Pour éviter un éventuel conflit collectivité locale modifiera son acte

– Connaissance des motifs par recours  » amiable  » peut entraîner leur prise en compte dans l’effet d’éviter un recours  » sanction « 
– Mais actes ne sont pas forcément illégaux, on veut juste éviter le risque des effets d’un déféré préfectoral

2) Décisions sont alors  » confirmées  » par le préfet, qui n’a plus la contrainte de déférer
a. Cela implique alors une sorte de confirmation des actes de la commune

– Dès lors que le fait d’éviter ces risques devient une pratique courante alors le préfet est titulaire d’une sorte de pouvoir de confirmation ou d’annulation des actes de la commune
– Un tel pouvoir s’appelle le pouvoir de tutelle, le préfet se comportant comme juge de la légalité

b. Ce qui remet totalement en question le principe de décentralisation

– Or la décentralisation a pour principal but de supprimer ce pouvoir de tutelle, afin d’affranchir les collectivités territoriales de tout pouvoir hiérarchique
– Il y a donc remise en cause totale du principe de décentralisation

B – Un danger justifié et limité par la décentralisation

1. L’existence d’une possibilité de refuser les injonctions du préfet à respect de la loi
a. Recours gracieux ne créé pas d’obligation

– C’est juste une demande, aimablement présentée, elle n’a pas la force d’une décision juridictionnelle ou de la loi
– Elle n’a donc pas de caractère obligatoire, on peut refuser d’y faire droit

b. Il y a donc possibilité de faire stricte application de la loi

– Un refus serait une application stricte des dispositions de la loi de décentralisation, qui ne pourrait leur être reproché
– Les autorités décentralisées n’ont donc à faire face qu’à leur responsabilité, ne doivent que soutenir leur décision, si elle leur paraît légale, ce qui est dans la nature des choses.

2) La nécessité d’un contrôle efficace des actes des collectivités locales
a. L’inutilité d’une procédure contentieuse

– lorsque actes manifestement dûs à une erreur reconnue par son auteur, il est abusif de porter le litige devant le tribunal administratif
– Surcroît de travail qui empêche de contrôler plus précisément des actes plus délicats

b. La nécessité du délai supplémentaire

– Dialogue doit s’instaurer entre les collectivités locales et l’Etat, suppose donc possibilité de réfléchir à la réponse donnée par la collectivités locale
– Ce dialogue justifie donc le délai supplémentaire, et non l’inverse. Le recours contentieux ne doit pas être utilisé en vue d’avoir plus de temps pour estimer la légalité d’un acte (contraire à la loi qui a fixé un délai). Circulaire du 17.11.86, interprétant la décision du conseil va en ce sens.

Commentaire corrigé : Conseil d’État, 10 juin 1994, « R.O.C. »

Fiche rédigée par Hugo.

Le sujet

CE, 10 juin 1994, « R.O.C. » :

Considérant qu’il ressort clairement des stipulations de l’article 189 du traité du 25 mars 1957 que les directives du Conseil des communautés européennes lient les Etats membres « quant au résultat à atteindre » ; que si, pour atteindre ce résultat, les autorités nationales, qui sont tenues d’adapter leur législation et leur règlementation aux directives qui leur sont destinées, restent seules compétentes pour décider de la forme à donner à l’exécution de ces directives et pour fixer elles-mêmes, sous le contrôle des juridictions nationales, les moyens propres à leur faire produire leurs effets en droit interne, ces autorités ne peuvent légalement, après l’expiration des délais impartis, ni édicter des dispositions réglementaires qui seraient contraires aux objectifs définis par les directives, ni laisser subsister des dispositions réglementaires qui ne seraient plus compatibles avec ces objectifs, ni davantage se refuser à modifier des dispositions règlementaires dans l’hypothèse où une telle modification est nécessaire pour assurer la transposition dans l’ordre interne des objectifs prescrits par une directive ;
Considérant que selon les dispositions de l’article 4 de la directive du conseil n° 79-409 du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages publiée au Journal officiel des Communautés européennes du 25 avril 1979, les Etats membres ont l’obligation  » d’adopter des mesures de conservation spéciale concernant l’habitat des espèces d’oiseaux énoncées à l’annexe I afin d’assurer leur survie et leur reproduction dans leur aire de distribution  » ; que le bruant ortolan figure au nombre des espèces relevant de l’annexe I telle qu’elle a été complétée par la directive n° 85-411 du 25 juillet 1985 publiée au Journal officiel précité du 30 août 1985 ;

Considérant qu’indépendamment des objectifs définis dans son article 4, la directive impose, dans son article 5, aux Etats membres de prendre les mesures nécessaire pour instaurer un régime général de protection de toutes les espèces d’oiseaux vivant naturellement à l’état sauvage, comportant notamment l’interdiction de les tuer ou de les capturer intentionnellement, quelle que soit la méthode employée ; que si selon l’article 7 de la même directive, les espèces énumérées à l’annexe II, partie I peuvent néanmoins être chassées dans les Etats membres pour lesquels elles sont mentionnées, aucune de ces exceptions ne concerne le bruant ortolan ; que la chasse de cette espèce doit par suite être interdite, sans préjudice de la protection prévue à son profit par l’article 4 de la directive n° 79-409 ;

Considérant que l’arrêté du ministre de l’Environnement du 26 juin 1987, qui fixe limitativement la liste des espèces de gibier dont la chasse est autorisée, a pour conséquence nécessaire d’interdire la chasse de celle des espèces qui n’y sont pas mentionnées et en particulier celle du bruant ortolan ; que si se trouve par suite assuré, s’agissant de cette espèce, le respect des dispositions combinées des articles 5 et 7 de la directive n° 79-409, l’interdiction de chasser ne permet pas à elle seule de satisfaire aux objectifs spécifiques de protection découlant de l’article 4 de la directive ; qu’il suit de là que c’est en méconnaissance de ces objectifs que le ministre de l’Environnement a refusé de faire figurer le bruant ortolan parmi les espèces d’oiseaux auxquelles s’appliquent les mesures de protection fixées à l’article 2 de la loi du 10 juillet 1976, repris à l’article L. 211-1 du code rural, et visant l’interdiction de la destruction ou l’enlèvement des oeufs ou des nids ; que le « Rassemblement des Opposant à la Chasse » est par suite fondé à demander l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du ministre de l’Environnement rejetant la demande qu’il avait présentée le 14 juin 1990 aux fins de compléter l’arrêté du 17 avril 1981 modifié fixant la liste des oiseaux protégés sur l’ensemble du territoire ;

Annulation.

Le « corrigé »

Note importante

« corrigé » est mis ici entre guillemets pour que toutes les précautions soient prises par le lecteur internaute. En effet, pour des raisons de droit d’auteur il nous est impossible de reproduire ici le corrigé d’un professeur ou d’un chargé de TD comme de toute autre personne autre que nous. C’est pourquoi nous mettons ici en ligne nos devoirs, avec les erreurs que nous avons pu commettre. Nous faisons cependant attention à ne pas prendre des devoirs jugés mauvais, ou hors sujet, et ne prenons que ceux qui nous ont satisfait le plus pleinement.

Ce devoir a été rendu le 6.12.1997 à la séance de td n° 5. Note : 9 – 10 ( / 20 ).
Des imprécisions et incompréhensions ont été relevées par le correcteur. On reproche également au devoir de ne pas avoir assez cité le texte de l’arrêt et d’omettre l’arrêt Alitalia (qui a été remis sur la version mis en ligne).
En « défense », il faut dire que la correction était sévère, peu de notes ayant été donnés au dessus de 11 en commentaire d’arrêt, et que l’arrêt Alitalia n’avait pas été vu en cours ou en td (comme quoi il faut bosser à coté du cours aussi). La note attribuée, au vu de ces précisions semble donc correcte.

Introduction

Une directive (modifiée par une autre, le 25 juillet 1985) est édictée en vue de la protection entre autre d’une espèce d’oiseau, le bruant ortolan, et de la conservation de son habitat en vue d’assurer sa survie et sa reproduction. Un arrêté (26 juin 1987) intervient pour interdire la chasse de cet oiseau, mais le ministre de l’Environnement refuse la demande d’une association contre la chasse tendant à inclure cet oiseau dans la liste, fixée par l’arrêté du 17 avril 1981 de ce même ministre, des espèces dont on ne peut détruire les oeufs et les nids.

Estimant cet arrêté illégal, le  » Rassemblement des opposants à la chasse  » forme un recours pour excès de pouvoir contre la décision du ministre de l’Environnement de rejet de la demande de cette association.
Le  » rassemblement des opposants à la chasse  » prétend que le ministre de l’Environnement a méconnu les objectifs de la directive du 2 avril 1979 en refusant de modifier la liste des oiseaux protégés. Le principe étant que les directives s’imposent aux Etats membres, le refus est donc par conséquent illégal et doit être annulé. Le ministre de l’Environnement estime quant à lui que si les directives s’imposent aux Etats membres, elles ne peuvent être invoquées par les ressortissants que lors de l’édiction d’un acte de transposition des objectifs de cette directive. Ainsi, elle sont inopposables à une décision refusant la modification d’un arrêté, dès lors qu’il n’y a pas par cette décision édiction d’un acte réglementaire. Le ministre estime de plus que les exigences de la directive ont été satisfaites par le droit français qui a interdit la chasse de cet oiseau. Le ministre conclu donc à la légalité de sa décision, parce que non saisie par le principe d’application des directives, et ainsi au rejet de la requête.

Il s’agit donc pour le Conseil d’Etat de statuer sur la question de savoir si une directive sur la protection d’une espèce d’oiseau ne fait obstacle qu’à l’édiction de nouvelle norme contraire aux dispositions de cette directive ou oblige également les autorités à répondre à toutes demandes relatives à la mise en conformité du droit interne avec cette norme européenne.

Dans son arrêt, rendu le 10 juin 1994, le Conseil d’Etat énonce que si comme il a déjà été dit la directive s’impose aux Etats et que toutes décisions contraires seraient écartées ou annulées, le principe de la supériorité du droit international sur le droit interne interdit aux autorités de l’Etat de refuser la modification d’un acte contraire aux stipulations d’une directive. En l’espèce le Conseil d’Etat estime que si l’arrêté du 26 juin 1987 est bien conforme aux exigences de la directive, la décision de refus de l’arrêté du 17 avril 1981 est quant à elle contraire aux dispositions de la directive. Le Conseil d’Etat décide donc d’annuler la décision de refus.

Cet arrêt est ainsi très intéressant car il s’attache à distinguer deux problèmes distincts pour leur donner la même solution. Dans la première partie de sa décision le Conseil d’Etat rappelle le principe de l’opposabilité des objectifs des directives aux actes de transpositions contraires, puis dans une seconde partie étend ce principe considérablement en disposant que les autorités ne peuvent refuser de modifier ou abroger une disposition contraires à une directive sans que leur refus soit entaché d’illégalité. L’étude de cet arrêt nous permettra ainsi de dégager les modalités de ces deux types de contrôle, qui conduisent à la même affirmation : le droit communautaire doit prédominer sur le droit interne, ici plus particulièrement sur les règlements.

Nous verrons donc dans une première partie, un arrêté d’interdiction de chasse pris conformément à la directive européenne, pour aborder dans une seconde partie, un arrêté de protection d’espèce protégées laissé en non conformité aux dispositions de la directives.

I. Un arrêté d’interdiction de chasse pris conformément à la directive européenne

Le Conseil d’Etat s’attache tout d’abord à définir la hiérarchie des normes (A.) avant d’énoncé les sanctions que cette hiérarchie implique concernant la sanction des règlements nouveaux (B.) sanction qui n’a pas lieu d’être en l’espèce.

A. Le principe de la supériorité de la directive sur le règlement interne

1) Le principe de la supériorité du traité sur le règlement
a. L’application directe du traité
  • Un principe indépendant de la supériorité du traité sur la loi
  • Une reconnaissance de ce principe dans l’arrêt du Conseil d’Etat  » Dame Kirkwood  » de 1952
b. Le problème de l’application directe du droit dérivé
  • Pas de problème pour le droit international originaire parce que ratifié
  • Mais le droit dérivé est directement émis par les organes européens
2) Une supériorité étendue à la directive
a. Une lente reconnaissance du droit dérivé par le juge administratif
  • Le droit dérivé a été pris en compte par la juridiction administrative très tôt par la reconnaissance des règlements communautaires (Arrêt de Conseil d’Etat du 22 décembre 1978  » Syndicat viticole des Hautes Graves de Bordeaux  » )
  • Reconnaissance ensuite des directives dans l’arrêt Palazzi de 1991. Le Conseil d’Etat reconnaîtra même la supériorité du droit dérivé sur les lois (Arrêts Boisdet de 1990 et Rothman de 1992)
b. Les caractères de cette supériorité des directives
  • Des caractères définis par le traité international (traité de Rome du 25 mars 1957, article 189) : directives lient les Etats quant au résultat à atteindre.
  • Ces dispositions ne sont pas de simples déclarations d’intentions, elles ont des conséquence très pratiques

B. Une sanction des actes réglementaires édictés contrairement aux dispositions d’une directive

1) Un principe établi avec la jurisprudence Cohn Bendit du 22 décembre 1978 (reprise par Palazzi 8.7.1991)
a. L’énoncé de ce principe dans l’arrêt
  • Parce que les directives doivent être efficaces, utiles, elles doivent avoir une application en droit interne
  • Une formulation constante dès arrêt Cohn Bendit 22.12.78 :  » autorité ne peuvent légalement, après expiration des délais, édicter des dispositions réglementaire qui seraient contraires aux objectifs définis par les directives « 
b. Le respect de la jurisprudence Cohn-Bendit du Conseil d’Etat du 22 décembre 1978
  • L’arrêt Cohn-Bendit interdisait invocation d’une directive contre un acte individuel. Il ne reconnaissait pas d’effets  » directs  » à la directive
  • Ici sanction seulement des actes édictants des dispositions générales contraire aux objectifs d’une directive, donc reconnaissance uniquement d’effets indirects
2) Un principe non appliqué en l’espèce à l’arrêté du 26 juin 1987
a. L’existence d’une obligation générale d’interdiction de chasse
  • L’énoncé de la directive du 25 avril 1979 complétée par son annexe de 1985
  • Une directive interdisant la prise de mesure permettant la chasse de cette espèce
b. La non violation de ce principe par l’arrêté du 26 juin 1987
  • Arrêté fixe limitativement les espèces que l’on peut chasser donc entre dans le champ d’application de cette directive
  • Il exclu ainsi de la chasse, en ne l’y faisant pas figurer, l’espèce protégée. Il n’est donc pas contraire à la directive.

Cependant si cet arrêté n’est pas contraire au principe de non édiction d’acte contraire à une directive, il semble que la décision refusant la modification de l’arrêté de 1981 soit elle entachée d’illégalité par l’effet d’une conséquence de ce principe.

II. Un arrêté de protection d’espèce protégées laissé en non conformité aux dispositions de la directive.

En effet si la directive énonce des mesures de protection générale contre la chasse elle énonce également des mesures spéciales. Le Conseil d’Etat estime sanctionnable une décision de refus de modification d’un arrêté non conforme à une directive (A) pour mieux s’attacher ensuite à vérifier cette confirmation dans le cas d’espèce (B)

A. Une obligation sanctionnable de mise en conformité du droit interne au droit européen

1) Le rappel du principe de l’arrêt Alitalia
a. Un principe sanctionnant une non conformité postérieure
  •  » ni laisser subsister  » différent de  » légalement prendre « , ici on met en oblige à mettre en conformité ce qui est différent du fait d’obliger à respecter.
  • Ainsi on sort ici du principe même d’effet indirect des directives pour utiliser, de manière complémentaire, le principe dégagé par l’arrêt Alitalia.
b. Un principe existant déjà pour la hiérarchie des normes en droit interne
  • Un principe : la théorie du changement de circonstance (fait/droit) énoncé dans l’arrêt Despujol du Conseil d’Etat du 10 janvier 1930
  • Principe ancien destiné aux lois et règlement est appliqué aux règlement interne et directives
2) Les justifications d’un tel principe
a. L’effectivité incomplète des directives
  • Principe de non édiction de normes contraires évite juste les nouvelles entorses au droit européen fixé par les directives
  • Principe n’empêche pas de laisser le droit en contradiction, jusqu’à ce que l’Etat décide de prendre compte de la directive
b. Un nécessaire complément à cette effectivité
  • Principe de arrêt Palazzi (non édiction d’acte contraire) laisse subsister des inégalités au sein de la communauté européenne
  • Le principe rappelé ici écarte cet inconvénient et oblige les autorités à prendre les mesures nécessaires à la transposition sous peine de l’intervention du juge administratif pour l’y contraindre

B. Un arrêté de protection devenu illégal du fait du changement des circonstances de droit

1) Un changement de circonstance de droit
a. Les conditions d’un tel changement
  • Une modification du droit de référence : la loi ou en l’espèce le droit communautaire dérivé. La directive ayant des objectifs, ceux ci doivent être appliqués.
  • Une modification de ce droit de référence postérieure à l’acte contrôlé
b. L’existence d’un tel changement en l’espèce
  • Un arrêté de 1981 s’appliquant sur une directive de 1979.
  • Mais une annexe modifiée par une directive de 1985 change les circonstance de droit
2) Une contradiction entre la directive et l’arrêté conséquente
a. Des dispositions européennes non appliquées
  • La protection de l’habitat des espèces et de leurs oeufs ordonnées par la directives
  • Un arrêté ministériel ne tenant pas compte de cette exigence
b. Un refus de mise en conformité sanctionné
  • Une demande du 14 juin 1990 de modification de cet arrêté ministériel refusée sans doute tacitement
  • L’application du principe entraîne, logiquement, l’annulation de ce refus. L’arrêté est donc reconnu illégal.