Chapitre 6 : Éléments de classification technique

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Les impôts sont multiples et sont traditionnellement classés en grandes catégories.
Ces classifications techniques ont pour mérite de préciser certaines définitions générales.

Section 1 : Impôts réels et impôts personnels

Le choix entre un impôt réel ou personnel consiste à se demander si, dans la détermination de la matière imposable, il faut uniquement considérer la matière imposable pour ce qu’elle est matériellement, ou si l’on doit aussi prendre en compte la situation personnelle du contribuable.

L’impôt réel est l’impôt qui frappe la matière imposable sans tenir compte du contribuable.
Conséquence directe : 2 contribuables ayant la même matière imposable vont payer le même impôt, peu importe la différence de situation qui peut exister entre eux.
→ Impôt efficace pour les caisses de l’État, mais pas un outil de justice fiscale.

Exemple : les impôts qui frappent la terre.

L’impôt personnel frappe le contribuable en tenant compte de sa situation personnelle.
Il adapte la charge fiscale à la situation individuelle de chaque contribuable.
Avantage : logique de justice fiscale.

La pratique moderne de la fiscalité tend au développement de la personnification de l’impôt au regard d’une logique de justice fiscale et même sociale.

L’impôt sur le revenu est l’impôt personnel par excellence : quand on détermine l’impôt dû au titre de l’IR, on prend en considération le foyer fiscal du contribuable.

L’impôt personnel se veut beaucoup plus perfectionné que l’impôt réel ; il nécessite donc un maniement plus délicat.
L’impôt réel convient dans la réalité à une matière imposable détachée du contribuable et qui est particulièrement ostensible → simple à contrôler.

Section 2 : Impôts synthétiques et impôts analytiques

L’imposition synthétique appréhende la matière imposable dans sa globalité : l’ensemble de la matière disponible du contribuable est frappée par l’impôt.
Exemple : l’IR, qui permet de saisir l’ensemble de la situation du contribuable.

Le revenu global du contribuable est de nature à constituer le meilleur élément d’assiette par celui qui va être révélateur de la vrai faculté contributive du contribuable.
Une fois que le revenu est appréhendé dans sa globalité, il est possible de procéder à une personnalisation prononcée de l’imposition.
→ Justice fiscale.

L’imposition synthétique peut se faire de manière occasionnelle ou régulière.
Cette imposition est pratiquée lors de la transmission du patrimoine par voie successorale : les droits de succession sont un impôt synthétique.

Jusqu’en 2018, l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) était une imposition synthétique pesant sur le patrimoine du contribuable.
L’ISF était née en 1989 sur les bases d’une autre impôt, institué à l’arrivée de la gauche en 1982 : l’impôt sur les grandes fortunes. Quand Mitterrand est réélu en 1988, il nomme un nouveau Premier ministre qui remplace l’IGF par l’ISF. L’ISF a été remplacé en 2018 par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI).

L’IFI est un impôt synthétique sur la fortune immobilière, mais ne l’est plus sur l’ensemble du patrimoine du contribuable.
Cet impôt est perçu tous les ans.

La TVA correspond à l’impôt synthétique de la dépense, car elle s’applique de manière uniforme à toutes les opérations de vente de marchandises et à toutes les prestations de service.

L’imposition analytique permet de taxer certaines catégories de matières qu’on estime pouvoir supporter une imposition plus prononcée.
Par exemple, en matière de revenus, le législateur s’efforce de taxer plus fortement les revenus issus du capital plutôt que ceux issus du travail. On opère une discrimination entre différentes catégories de revenus qui sont imposables.

En pratique, l’imposition synthétique des revenus – tout comme celle analytique – peuvent connaître un certain nombre de difficultés à se mettre en œuvre les unes par rapports aux autres.
Concrètement, des systèmes mixtes sont mis en œuvre pour permettre de concilier les avantages respectifs des deux approches.

L’IR est né en 1914 et 1917.
En 1914, on a commencé par mettre en place des impositions cédulaires, qui sont une imposition particulière qui permettait d’imposer différemment et proportionnellement les différentes catégories de revenus que l’on avait identifiées à l’époque.
Puis, en 1917, on met en place une deuxième strate d’imposition : une imposition globale, permettant d’appréhender l’ensemble des différents revenus qui avaient permis les impositions cédulaires et donc de permettre la mise en œuvre d’une surtaxation de nature synthétique et progressive.

En matière de patrimoine, il est particulièrement simple d’identifier tel ou tel élément du patrimoine susceptible de supporter une imposition spécifique.
Il y a de très nombreuses impositions analytiques en la matière, parce que c’est simple de faire peser sur des éléments du patrimoine un impôt particulier.
Exemples : piscines, voitures…

C’est la même logique en matière de dépense : il est très facile d’identifier tel ou tel produit pour lui faire subir une imposition particulière.
Aujourd’hui, on a en + de la TVA des droits particuliers, qu’on appelle droits d’accises et qui portent sur les alcool, les tabacs, et les pétroles.

Que ce soit en imposition synthétique ou en imposition analytique sur la dépense, les logiques sont limitées en raison de l’harmonisation européenne.
Le fait d’avoir une imposition générale (= synthétique) empêche d’en avoir d’autres.
De même, pour les logiques analytiques, les droits d’accise font aussi l’objet de mesures d’harmonisation (contrôle par les institutions européennes).

Section 3 : Impôts directs et impôts indirects

L’apposition entre fiscalité directe et fiscalité indirecte est fondamentale.
Cela s’exprime particulièrement au regard de l’assiette de l’impôt, dans la mesure où le législateur peut avoir 2 attitudes :

  1. Soit il s’attache aux facultés contributives de la personne : il regarde directement sa situation personnelle → un impôt direct va être privilégié (IR ou impôt sur le patrimoine).
  1. Soit le législateur appréhende indirectement la situation du contribuable : il regarde les actes / les opérations que réalise le contribuable et qui sont révélateurs de ses facultés contributives → un impôt indirect sur la dépense sera appliqué.

D’un point de vue juridique, l’impôt direct doit être considéré comme un impôt perçu par voie de rôle nominatif.
Au contraire, l’impôt indirect est considéré comme étant perçu sans mise en œuvre d’un rôle nominatif ; il est perçu à l’occasion d’évènements constatés par l’administration au fur et à mesure qu’ils se produisent.

Ce critère de rôle ou non ne se révèle pas toujours parfait en termes d’application, mais il détermine aussi la compétence juridictionnelle en cas de contentieux fiscal.
Le contentieux des impôts directs relève des juridictions administratives ; le contentieux des impôts indirects relève des juridictions judiciaires.
Exception notable : les taxes sur le chiffre d’affaires, qui prennent la TVA, sont des impôts indirects qui sont placés sous la compétence du juge administratif.

💡
Exemple : l’impôt sur le revenu est un impôt personnel + synthétique + direct.

Section 4 : Impôts de répartition et impôts de quotité

La détermination des taux en matière de liquidation est de nature à générer un choix entre impôts de répartition et impôts de quotité.

  1. Impôt de répartition :
    Le législateur ne fixe pas à l’avance le taux qu’il va pratiquer : il se contente de fixer une charge fiscale globale (= un montant) qui sera nécessaire à la couverture des dépenses publiques.
    Une fois qu’il a fixé cette charge fiscale globale, il n’a plus qu’à répartir cette charge entre les contribuables d’après leurs bases imposables respectives.

    Avantage : connaître exactement à l’avance le montant des rentrées fiscales qui vont être faites.
    Ce système a été pendant très longtemps le système en vigueur dans notre ordonnancement juridique. Les impôts directs d’État institués par la Révolution française étaient des impôts de répartition. Ce procédé exista jusqu’en 1981.

    2 défauts majeurs :

    1. Cette technique prive l’impôt de toute élasticité. Elle prive les caisses publiques de potentielles fluctuations à la hausse → le Trésor public se prive de rentrées fiscales.
    1. Cette technique génère des inégalités inacceptables entre contribuables.
      La répartition s’opère d’un point de vue territorial : le législateur fixai t un montant à percevoir au niveau national au titre de la taxe foncière ; ce montant était ensuite réparti entre chaque département, puis entre chaque département, puis à l’intérieur des arrondissements, entre communes.
      Même si on s’efforçait de proportionner, à chaque stade de la répartition, entre territoires riches et pauvres, un tel système ne pouvait qu’aboutir à d’énormes disproportions entre communes et donc entre contribuables.
  1. Impôt de quotité :
    Le législateur ne fixe pas un montant déterminé. En revanche, il fixe le taux de l’imposition.
    Ce taux est ensuite immédiatement appliqué aux bases d’imposition.

Le législateur a abandonné définitivement la répartition au profit de l’impôt de quotité.
Aujourd’hui, le droit commun en termes de détermination des taux réside dans le système de quotité, pour les impôts nationaux + locaux.
C’est cela qui permet aux collectivités territoriales, depuis 1981, de fixer les taux des principaux impôts locaux directs.

Cette classification est purement historique, mais elle mérite d’être évoquée pour comprendre les logiques de fiscalité locale.

Section 5 : Impôts proportionnels et impôts progressifs

La conception moderne de la fiscalité tend à faire jouer un rôle social à l’impôt.
L’établissement du tarif de l’impôt repose, en termes de liquidation, sur un moyen efficace : la variabilité des taux d’impositions.
Cette variabilité s’opère dans le cadre de la personnalisation de l’imposition, qui est + ou – poussée.
Cette personnalisation de l’impôt conduit à concevoir l’imposition :
> soit en termes de proportionnalité ;
> soit en termes de progressivité.

L’impôt proportionnel soumet la matière imposable à un taux constant, peu importe la quantité de matière imposable.
Par exemple, la TVA au taux normal de 20%.

On considère que l’impôt proportionnel n’est pas un impôt très juste pour la justice fiscale.
Pour autant, l’impôt croît avec la matière imposable : + il y a de matière imposable, + l’impôt est important.
Une voiture achetée 100 000 € génère une TVA de 20 000 €, alors qu’une voiture à 10 000 € génère TVA de 2 000 €.

Cela répond aux logiques révolutionnaires et aux logiques de proportionnalité dans la DDHC.
Pour les révolutionnaires, proportionnalité = égalité devant l’impôt.
Pour eux, il y a justice fiscale, car celui qui gagne + paie + d’impôts : c’est proportionnel, mais ça reste égalitaire.

Au contraire, l’impôt progressif voit son taux augmenter avec la matière imposable.
Exemple : pour l’impôt sur le revenu en France, le taux maximum d’imposition est de 45%.
Pour éviter l’absurdité d’un taux marginal d’imposition atteignant les 100% (qui risquerait de désespérer le contribuable), la progressivité de l’imposition doit être modulée et mesurée.
Il existe 3 modalités différentes d’aménagement de la progressivité :

  1. La progressivité directe correspond à la mise en œuvre d’un système dans lequel le taux de l’impôt s’élève de manière continue avec la matière imposable jusqu’à une limite posée par la loi.

    Ce système assure la continuité de la progressivité, mais a pour inconvénient de rendre le calcul de l’impôt très compliqué : pour chaque € gagné de revenu, on a 1 taux à appliquer.
    Ce système est égalitaire, mais est complexe à mettre en œuvre.

  1. La technique de la progressivité par classe consiste à répartir la matière imposable par classes.
    Des taux de + en + élevés sont appliqués aux classes renfermant les matières imposables de + en + importantes.

    Par exemple, on décide que lorsqu’un revenu est compris entre 0 et 5 000 €, il est taxé à 10% ; puis, entre 5 000 et 15 000 €, il est taxé à 20%…

    Par rapport au précédent, ce système a l’avantage de faire apparaitre immédiatement le taux qu’on applique à la matière imposable ; mais difficulté : il n’y a pas de continuité → quand on passe d’une classe à une autre, l’impôt s’élève brutalement → une différence d’1€ peut créer une profonde injustice.

  1. Une 3ème technique est donc privilégiée : la progressivité par tranches est en vigueur en France.
    Ce système s’efforce d’éviter les problèmes de sauts brutaux d’imposition.
    La matière imposable est décomposée en tranches (et non plus en classes), à chacune desquelles s’applique un taux de + en + élevé au fur et à mesure qu’on atteint les tranches supérieures.
    À chaque tranche de matière imposable, on applique le taux correspondant.
    L’imposition totale = la somme des impositions dues pour chaque tranche.

    Si on a un revenu de 10 000 € dans le système par classes, on paye 20% de 10 000.
    Dans le système par tranches, on paie 10% de 5 000 € + 20% de 5 000 €.

    Ce système a pour avantage de rendre la progressivité continue : seule la portion de la matière imposable comprise dans la tranche supérieure est frappée au taux le plus élevé, et pas tout le revenu.

    Ce système est utilisé en France dans le cadre de l’impôt sur le revenu.

Chapitre 5 : Éléments de technique fiscale

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Notre système fiscal est constitué de plusieurs impositions juxtaposées.
Idée : un impôt, en soi, ne saurait jamais être considéré de manière isolée : il prend place à côté d’autres impositions au sein d’un système fiscal qui se veut cohérent.

Ce système fiscal renvoie aussi à un certain nombre de règles qu’il doit systématiquement mettre en œuvre pour atteindre cette cohérence.
Un État n’est doté d’un système fiscal que dès lors que les règles d’assiette, de liquidation et de recouvrement des différentes impositions sont définies.

Section 1 : L’assiette de l’impôt

Asseoir l’impôt, c’est déterminer les bases de l’imposition.
La logique de l’assiette consiste à répondre à 2 questions :
1- Quelle est la matière imposable ?
2- Comment évaluer la teneur de cette matière imposable ?

§ 1. La détermination de l’assiette

A – Les personnes imposables

La distinction entre personnes morales et personnes physiques est pertinente d’un point de vue juridique.
En revanche, elle est beaucoup moins pertinente d’un point de vue économique. En effet, les entreprises vont nécessairement répercuter dans leurs coûts les impôts qu’elles versent, ce qui va peser sur leurs clients et donc sur les ménages → personnes physiques.

1) Les personnes physiques

💡
Ici, personnes physiques, particuliers et ménages sont synonymes.

Les personnes physiques sont les premiers contributeurs de l’impôt.
Cela est assez logique : ils sont les premiers bénéficiaires des services publics mis en place par la puissance publique.

Ces personnes physiques sont les premiers contributeurs au regard des prélèvements qui sont opérés au titre 1- de leur revenu ; mais aussi au regard des prélèvements qui sont opérés 2- au titre de leur patrimoine.

a) Impôt sur le revenu

Les particuliers s’acquittent principalement d’impôts sur les revenus qu’ils retirent de leur travail, mais auquel il faut ajouter les revenus qu’ils retirent de leur patrimoine.
Lorsqu’on paye un impôt sur le revenu, on appréhende par exemple aussi le revenu foncier dont bénéficie le particulier (par exemple, le loyer généré par un appartement dont on est propriétaire).

💡
L’impôt sur le revenu porte sur toutes les formes de revenus.
Il est indépendant de toute forme d’impôt qui est prélevé au titre du patrimoine.

L’impôt sur le revenu des personnes physiques, qu’on appelle aussi IR, représentait 97 milliards d’euros en 2023 (chiffre prévisionnel de la loi de finances pour 2023).
Il est directement affecté aux caisses de l’État.

C’est l’impôt “emblématique”, mais il convient de nuancer son importance : ce n’est pas l’impôt sur le revenu qui rapporte le + aux caisses publiques.
En effet, parallèlement à l’IR, les particuliers vont être aussi soumis à la contribution sociale généralisée (CSG), qui est aussi un impôt sur les revenus et qui a permis de rapporter en 2022 133 milliards d’euros qui ont été affectés directement et exclusivement à l’équilibre des comptes sociaux (= à la sécurité sociale).

Ce “faible” de l’IR par rapport à la CSG trouve son explication dans les techniques d’imposition mises en œuvre, et notamment dans l’appréhension de l’assiette.
Compte de l’appréhension de l’assiette, toutes les personnes physiques ne seront pas soumises à l’impôt sur le revenu.
En effet, on estime que, sur 100% des personnes qui sont susceptibles d’être soumises à l’IR, 55% ne le paient pas faute d’avoir un revenu suffisant ; seuls 45% sont redevables de cet impôt.
L’impôt sur le revenu fait l’objet d’une très forte concentration sur les foyer fiscaux les plus aisés, au regard des logiques de justice fiscale voulues par le législateur. 10% des foyers les plus aisés acquittent à eux seuls 70% du produit net de l’IR.

En revanche, pour la CSG, quasiment tous les revenus sans exception font l’objet d’une taxation : la CSG est payée sur tous les revenus de tous les contribuables.
→ Dans le cas de la CSG, quasiment aucun revenu n’échappe à la taxation.

Le fait que l’IR, censé être universel, ne soit en réalité payé que par moins de la moitié de ceux qui sont assujettis est souvent critiqué en France.

Mais on ne peut pas appréhender l’IR de manière isolée.
Ces 2 impôts couplés nous montrent que, certes, + de la moitié de la population ne s’acquitte pas de l’IR, mais qu’à travers la CSG toute la population (même ceux qui sont au chômage !) est soumise à cet impôt.

💡
L’objectif de la CSG est l’équilibre des comptes de la sécurité sociale.

La contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) est aussi un impôt sur le revenu.

b) Impôt sur le patrimoine

Ici, il s’agit d’impositions qui concernent directement le patrimoine (= les biens qu’ils possèdent), indépendamment des revenus provenant du patrimoine.

Ces impositions interviennent lors de la détention de ces biens, mais aussi lors de la transmission de ces biens.
Exemple : droits de succession lorsque l’on transmet des biens au profit des héritiers.

Il ne faut pas non plus oublier les impôts directs locaux qui sont versés par les ménages aux collectivités territoriales :
> les 2 taxes foncières (taxe foncière bâtie + taxe foncière non bâtie) ;
> la taxe d’habitation (désormais réservée aux seuls habitations secondaires).


2) Les personnes morales

Le droit fiscal est attaché à la nature juridique des personnes qu’il assujettit à l’impôt.
Pour autant, le droit fiscal se veut aussi très pragmatique, et est donc très attentif à la réalité du monde économique et du monde des affaires.

Historiquement, l’impôt sur le revenu, lorsqu’il a été créé pendant la Première Guerre mondiale, n’établissait aucune distinction entre les personnes morales et physiques.
Pourtant, en 1948, parallèlement à l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IR), on crée l’impôt sur les sociétés (IS) distinct.

Aujourd’hui, les sociétés sont soumises à cet impôt sur les sociétés.
Le CGI s’efforce de soumettre toutes les entreprises à l’impôt sur les sociétés.
Il y assimile aussi les professionnels qui exercent leur activité de manière indépendante.
Cela permet une application de règles d’imposition identique quel que soit leur statut juridique.

La plupart des personnes morales sont assujetties à l’IS, mais certaines personnes morales (notamment les sociétés de personnes) sont assujetties à l’IR.

Pour autant, qu’elles soient assujetties à l’IS ou à l’IR, toutes ces personnes morales se voient appliquer les mêmes règles d’assiette, qui permettent de déterminer leur bénéfice imposable.

Au-delà de l’imposition des bénéfices, les entreprises sont aussi soumises à des impôts commerciaux, et notamment à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui a une très grande importance budgétaire pour les caisses de l’État.

Les personnes morales versent aussi des impôts aux collectivités territoriales : la contribution économique territoriale a remplacé en 2010 l’ancienne taxe professionnelle.
C’est un impôt de production.

B – La matière imposable

L’impôt a toujours pour assiette la richesse : il n’y a pas d’impôt s’il n’y a pas de création de richesse.
Mais cette richesse n’a pas toujours la même nature économique.

Quel est le stade le + opportun pour frapper de l’impôt cette richesse ?
On a 3 temps économiques possibles :

  1. Lorsque la richesse pénètre dans le patrimoine du contribuable.
    C’est l’approche de l’impôt sur le revenu.
  1. Lorsque la richesse est une composante du patrimoine du contribuable.
    C’est l’approche de l’impôt sur le patrimoine, sur le capital et sur la fortune.
  1. Lorsque la richesse sort du patrimoine du contribuable.
    C’est l’approche de l’impôt sur la dépense.

1) Le revenu

La notion de revenu est une notion qui pose problème : elle a fait l’objet de définitions divergentes au fil du temps.
En effet, la notion de revenu a d’abord été définie par le droit civil → conception civiliste du revenu.
Le droit fiscal, pragmatique, a ensuite proposé une conception économique du revenu.

a) La conception civiliste du revenu

La conception civiliste du revenu est une approche très favorable pour le contribuable : elle tend à considérer le revenu comme une somme d’argent provenant d’une source permanente et de manière périodique.

Si on s’en tient aux termes des articles 582 et suivants du Code civil, qui ont été rédigés au début du 19e siècle, le revenu correspond :
> aux revenus de la terre ;
> aux revenus industriel ;
> et aux fruits civils (= les revenus des loyers, les intérêts des sommes exigibles et plus généralement “tout ce qu’une chose produit périodiquement sans altération dans sa substance”).

Dans cette conception, le revenu présente un caractère monétaire.
Dès lors, on ne saurait prendre ici en compte au titre de l’assiette de l’impôt les avantages en nature.
On ne saurait pas non plus prendre en compte les ressources exceptionnelles.

Cependant, dans cette conception civiliste, la permanence de la source du revenu n’implique pas sa pérennité.
Par exemple, la maison qui produit des loyers peut être détruite ou vendue ; l’individu qui touche un salaire peut être licencié ; la société qui verse normalement des dividendes (= revenus à ses actionnaires) peut faire faillite…

De la même manière, dans la conception civiliste, la périodicité du revenu n’implique pas non plus sa régularité.
Par exemple, les actions dans une société ne produisent pas des dividendes chaque année.

Dans cette conception civiliste, on ne tient compte qu’à minima des logiques économiques.
Une telle conception restrictive du revenu, qui date de la période révolutionnaire, se veut très minimaliste quant à son rendement.

Cette conception très datée ne peut plus satisfaire l’administration fiscale dans ses logiques et dans ses ambitions (elle est toujours à la recherche d’une assiette plus large et plus productive).
C’est pour ça que, dans notre histoire et dans notre droit, on est passés en matière fiscale d’une conception civiliste du revenu à une conception économique du revenu.

b) La conception économique du revenu

Dans la conception économique du revenu, le revenu est l’enrichissement réalisé par le contribuable.
Est considéré comme revenu toute ressource que l’agent économique peut affecter à l’accroissement de son patrimoine sans pour autant s’appauvrir.

Une telle approche a trois conséquences :

  1. Le caractère monétaire du revenu est étendu.
    La notion de revenu concerne aussi les revenus en nature (par exemple, logement / voiture de fonction).
    Le législateur peut aller très loin dans cette démarche, en étendant la notion de revenu aux revenus virtuels (= revenus qu’un contribuable n’a pas encaissé et qu’il aurait pu encaisser s’il aurait eu un autre comportement).
  1. Toutes les ressources exceptionnelles sont considérées comme des revenus. La périodicité n’est plus exigée.
    Dans le calcul de l’impôt sur le revenu, on donne au contribuable la possibilité d’étaler sur plusieurs exercices le paiement de l’impôt en cas de perception de revenu exceptionnel (exemple : écrivain qui reçoit le prix Goncourt une année).
  1. La distinction entre la source du revenu et le revenu lui-même tend à s’estomper, de manière problématique voire dangereuse.

    Le cas le plus symptomatique est la situation des plus-values (= différence entre le prix d’achat et le prix de vente).
    Ces plus-values sont réalisées lors de la vente d’un bien, donc d’un élément du capital.
    C’est le revenu tiré de la vente qui sera assujetti au titre de l’impôt sur le revenu, puisque les plus-values sont considérées comme un enrichissement.

De manière générale, l’objectif de justice fiscale fait de l’impôt sur le revenu un impôt très important dans les systèmes fiscaux des pays industrialisés.
Cet impôt pourra avoir un rendement très important dans certains pays et constitue parfois + de la moitié des recettes fiscales de ce pays (exemple : Danemark).
Cet impôt sur le revenu représente aussi jusqu’à un tiers des recettes fiscales dans la plupart des pays industrialisés (exemple : États-Unis).

Mais ce n’est pas le cas pour la France où l’impôt sur le revenu (hors CSG et CRDS) représente seulement ~20% des recettes fiscales de l’État.
À l’inverse, la TVA représente pour sa part + de 40% de ces mêmes recettes fiscales.

L’impôt sur le revenu en France mériterait d’avoir une assiette plus large, de manière à assurer un meilleur rendement pour les finances publiques.
⚠️ L’impôt sur le revenu ne présente pas que des avantages : il peut être une entrave à l’exercice du travail, dans la mesure où + le contribuable travaille, + il réussit dans ses entreprises, et + il est taxé.
L’impôt sur le revenu est souvent considéré comme un facteur de malthusianisme économique : il a un effet déflationniste en réduisant le pouvoir d’achat des contribuables et leur consommation.
”Trop d’impôts tue l’impôt”.

Autre problème posé par l’impôt sur le revenu : dès lors que l’on s’est fixé un objectif de justice fiscale prépondérant, il implique une très forte personnalisation.
Cet excès de personnalisation a pour effet de complexifier l’impôt.


2) Le patrimoine

La notion de revenu pose problème, mais il en est de même pour la notion de patrimoine.

Il convient de procéder à certaines distinctions :

Le capital correspond à une accumulation de revenus.
Elle est elle-même synonyme de source de revenus / profits.

Le patrimoine d’un contribuable est beaucoup + statique.
Au titre du patrimoine, l’ensemble des biens du contribuable sont concernés, qu’ils soient productifs ou non.

La fortune n’appréhende que des patrimoines d’une certaine importance.

Le système d’imposition varie en fonction de l’option retenue (patrimoine/capital/fortune).

L’impôt sur le capital a pour but de surimposer les revenus dérivant d’une richesse matérielle.
→ Idée : faire une distinction par rapport au revenu acquis par le travail.
Objectif : valoriser le travail “à la sueur de son front” par rapport à un capital qui génèrerait des revenus automatiques “sans se fatiguer”.

Autre idée : cette logique consiste à asseoir l’impôt sur ce capital + en permettre le paiement avec les revenus de ce capital.
La fiscalité cherche à appréhender les plus-values, dans la mesure où les plus-values engendrent des mécanismes de spéculation.
Quand le législateur veut procéder à une redistribution des richesses, il ne faut pas un impôt sur le capital, mais un impôt sur le patrimoine, parce qu’il appréhende aussi les revenus qui ne sont pas productifs.

L’impôt sur le patrimoine, à la différence de l’impôt sur le capital, a pour logique d’un impôt assis sur le capital et prélevé sur celui-ci.
Conséquence : un tel impôt implique de vendre une partie du capital pour s’acquitter de l’impôt → il peut facilement devenir confiscatoire et peut même entraîner la disparition de ce capital.

💡
Imposition sur le capital = les revenus qui sont générés par les biens qui font l’objet d’une surtaxation, avec l’idée de permettre le paiement de cette imposition par les revenus générés par ce capital.
À l’inverse, dans l’impôt sur le patrimoine, peu importe que ce patrimoine soit bien géré ou mal géré : même s’il ne rapporte pas de revenus, il y a taxation ; pour payer cet impôt, il faut vendre pour payer l’impôt.
💡
La notion de patrimoine inclut le capital.
L’impôt sur le patrimoine taxe aussi les biens non productifs ; par exemple, une villa qui n’est louée et qui ne produit donc pas de revenus.

L’impôt sur la fortune : impôt sur le patrimoine qui écarte l’éventualité d’une disparition du patrimoine, en fixant un seuil en dessous duquel l’imposition ne s’opère pas.

Cette imposition fait l’objet de critiques permanentes en France.
Cette imposition globale sur la détention de la richesse est jugée trop hétérogène : il y a de nombreux impôts disparates.

De plus, l’imposition sur la détention de biens procure un rendement financier relativement faible même si nous pratiquons beaucoup plus cette imposition que nos voisins européens.
Cela entraîne une logique de délocalisation à l’étranger des français les + riches (qui, par exemple, s’expatrient en Belgique où il n’y pas d’impôt sur la fortune immobilière).

Enfin, cette forme d’imposition est d’une neutralité relative.
Les biens immobiliers sont taxés beaucoup + que les biens mobiliers (actions, obligations… qui génèrent des profits + importants mais qui sont + volatiles comparés aux biens mobiliers).
Il est difficile de surtaxer les biens mobiliers en raison de la liberté de circulation des capitaux.

De nombreux débats ont entouré le remplacement, en 2018, de l’ISF, qui a été remplacé par l’impôt sur la fortune immobilière.
Ces 2 impôts ne rapportent pas grand-chose à l’État : cette taxation n’est pas très efficace pour remplir les caisses de l’État.
Cette taxation génère beaucoup de débats, mais peu de résultats pour les caisses.

Il faut cependant relativiser cela avec les impôts sur les successions, qui génèrent des revenus importants pour les finances publiques et qui permettent de procéder à une véritable redistribution de la richesse.


3) La dépense

La dépense imposable est la consommation totale ou partielle d’un revenu acquis ou consolidé dans un patrimoine.

La dépense est un élément révélateur des facultés contributives d’une personne.
Plus ces facultés sont développées, plus la personne effectue des dépenses pour se procurer des biens et des services.
Logiquement, le législateur retient donc la dépense comme un élément privilégié de l’assiette de l’impôt.

Pourtant, cette notion de dépense n’est pas toujours simple à distinguer.

Il y a d’abord un problème de frontière entre un objet de consommation et un élément du patrimoine.
Par exemple, quand on achète une voiture ou un immeuble, est-ce une dépense de consommation ou une acquisition d’un élément de patrimoine ?

On voit que l’élément patrimonial semble prépondérant.
Quand on achète une maison, on peut être amené à payer l’impôt sur la fortune immobilière.
Mais il y a aussi une TVA immobilière, qui correspond à la dépense en tant que telle ; pareil quand on achète une voiture : la voiture est considérée comme un bien de consommation courant.

Pour l’achat d’une voiture, on a donc : TVA (= la voiture est vue comme un bien de consommation) + impôts sur la succession (= la voiture sera vue comme un élément intégré dans le patrimoine).

L’imposition sur la dépense est critiquée pour son injustice : elle frappe les riches comme les pauvres, sans discerner l’un de l’autre.
Cette imposition se différencie de la plupart des impôts par son caractère indirect → pas possible d’identifier le contribuable. Elle assure ainsi un excellent rendement financier : la TVA est, en France, l’impôt qui rapporte le plus à l’État.

§ 2. Les procédés d’évaluation de la matière imposable

Une fois qu’on a déterminé la matière à imposer, il reste à évaluer cette matière imposable.
Cette préoccupation peut sembler mineure, mais elle reste fondamentale et délicate à réaliser.

Difficulté : on touche à la connaissance des facultés contributives des personnes, ce qui semble être un tabou en France.

L’évaluation doit être exacte.
Une bonne méthode d’évaluation doit aussi être discrète pour éviter les phénomènes “d’inquisition fiscale”.

Ces 2 exigences, exactitude et discrétion, apparaissent comme contradictoires : en voulant privilégier l’exactitude de l’assiette, on risque de multiplier les indiscrétions.

4 techniques d’évaluation peuvent être mises en œuvre :

  1. L’évaluation réelle par l’intermédiaire d’une déclaration contrôlée ;
  1. L’évaluation forfaitaire ;
  1. L’évaluation indiciaire ;
  1. L’évaluation d’office.

A – L’évaluation réelle

L’évaluation réelle renvoie à la déclaration d’impôt.
C’est le procédé le plus simple de connaissance de la matière imposable : il consiste, pour tous les contribuables, à fournir spontanément et sous leur responsabilité les éléments constitutifs de leur situation fiscale.

En effet, le contribuable est le mieux placé pour connaître et fournir à l’administration la nature et quantité de ses revenus, de son héritage et de son chiffre d’affaires.

C’est le procédé normal / de droit commun pour connaître la réalité de la matière imposable.

Problème : ce procédé implique une collaboration entre l’administration et le contribuable.
L’administration a moins de travail, mais le contribuable apprécie beaucoup moins cette démarche, car un travail est demandé et il doit faire la publicité de certains éléments de sa vie privée → il peut y avoir quelques réticentes à exécuter cette déclaration.

Cette méthode déclarative implique, de la part de l’administration, la reconnaissance d’une présomption d’exactitude de la déclaration.
Elle implique aussi pour le contribuable un effort de sincérité dans la rédaction de la déclaration.
Le risque risque de fraude est sous-jacent ; la déclaration doit donc être contrôlée par l’administration.

L’efficacité d’une déclaration contrôlée réside dans l’instauration de mécanismes de déclaration double ou de déclaration croisée.
Ces mécanismes permettent de recouper la déclaration du contribuable avec d’autres sources de renseignements.
Exemple : croiser les sommes déclarées perçues par un contribuable salarié avec les sommes déclarées versées à ce contribuable par son employeur.

Dans ce phénomène déclaratif, c’est la déclaration qui émane d’un tiers qui apparaît comme la déclaration efficace.
Ce tiers sera tenu de déclarer les sommes versées au contribuable, dans la mesure où ces sommes viennent elles-mêmes en déduction de ses propres revenus / bénéfices.
Exemple : les salaires versés par l’employeur lui permettent de diminuer son impôt sur les sociétés.

Problème : la généralisation de la déclaration par un tiers n’est pas effective pour tous les revenus.
C’est facile pour les salariés et les employeurs, mais moins pour les indépendants.

En 2006, on met en œuvre une innovation, avec la mise en place d’une déclaration des revenus préremplie, qui soulage le travail des contribuables en faisant état des éléments communiqués par les tiers concernant les revenus qu’ils ont versé à ce contribuable.

Cette technique de déclaration est mise en œuvre en France depuis longtemps en matière de droits de succession et de droits d’enregistrement.
Il a été étendu à l’impôt sur le revenu lors de sa création en 1917.
Ce principe de la déclaration existe aussi pour l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) et existait aussi pour l’IFS.

Ces déclarations s’effectuent aujourd’hui en ligne.
Actualité : cette année, les contribuables doivent souscrire une nouvelle déclaration : la déclaration des biens immobiliers, en lien avec la suppression de la taxe d’habitation pour la résidence principale.

B – L’évaluation forfaitaire

L’évaluation forfaitaire est un mode d’évaluation administratif.
Ici, le contribuable fournit à l’administration quelques éléments, sur la base desquels l’administration procède à une évaluation forfaitaire de la matière imposable.
Après, le contribuable peut discuter de cette évaluation avec l’administration.

Dans ce système, l’administration renonce à une évaluation exacte, mais se contente d’une évaluation moyenne, qui est parfois trop forte ou trop faible, mais qui se rapproche de l’évaluation réelle.

La technique forfaitaire a pour effet de procéder systématiquement à une sous-évaluation de la matière imposable.
Cela conduit donc à des pertes d’imposition préjudiciables pour les caisses publiques + inacceptables en termes de justice fiscale.

Cette technique n’est plus beaucoup utilisée aujourd’hui.
Elle a connu son heure de gloire sous la 4ème République, où elle était mise en place pour les petits commerçants à la suite de la révolte du poujadisme.

Aujourd’hui, l’approche du forfait se limite aux régimes “micro” et pour la détermination du bénéfice agricole.

→ Technique limitée, car ne rapporte pas assez d’argent → on privilégie la déclaration.

C – L’évaluation indiciaire

L’indice est un signe extérieur facile à identifier et externe à la matière imposable.

L’évaluation peut donc être faite par l’administration sans avoir besoin du concours du contribuable.
Exemple : la piscine que l’on voit par un drone.

La fraude est plus difficile, sauf à masquer les indices.

Exemple le plus emblématique : impôt sur les portes et fenêtres, en vigueur jusqu’au début du 20ème siècle : on évaluait l’impôt en fonction du nombre de portes et de fenêtres sur la maison.
→ Caractère simpliste et limité.

Avantage : discrétion et simplicité.

Mais les inconvénients sont énormes :

  • L’estimation reste très approximative.
    Exemple : faible rendement de la taxe sur les piscines.
  • Cette logique indiciaire est souvent ponctuée d’arbitraire.
    Elle est dénuée de toute considération d’égalité.

Aujourd’hui, cette technique d’évaluation est très exceptionnellement mise en œuvre.
Elle existe à l’article 168 du CGI, qui prévoit que le revenu imposable d’un contribuable peut être évalué en fonction d’éléments de son train de vie “en cas de disproportions marquées entre son train de vie” et les éléments déclarés.

Cet article 168 distingue 12 indices : résidence secondaire, bateau de plaisance, cheval de course…
L’administration recense ces éléments du train de vie par l’administration (elle peut par exemple utiliser des drones), puis applique un barème.
Par exemple, la possession d’une résidence secondaire est censé correspondre à un revenu de 5 fois à sa valeur locative.

Le recours à cet article 168 est devenu très rare aujourd’hui, étant donné le caractère arbitraire et inquisitorial du processus.
Sa mise en œuvre a été entourée de garanties importantes données au contribuable ; il peut notamment apporter la preuve que ses revenus ou l’utilisation de son capital ou des emprunts qu’il a contractés lui ont permis d’assumer son train de vie.

⚠️ Ce ne sont pas des impôts sur ces 12 indices. On évalue simplement le revenu grâce à ces 12 indices.

D – L’évaluation d’office

L’évaluation d’office est une procédure d’exception qui donne entière liberté à l’administration pour évaluer la matière imposable.
→ Logique parfaitement arbitraire, mais qui suppose une attitude répréhensible du contribuable.

Pour sa mise en œuvre, l’évaluation d’office implique que le contribuable ait manifestement refusé de collaborer avec l’administration en refusant de satisfaire à ses obligations d’impositions.

Cette technique n’est utilisée qu’à titre de sanction contre des contribuables qui se sont mis dans une situation d’irrégularité vis-à-vis de l’administration.

Elle doit être expressément prévue par le législateur.
Les logiques de taxation d’office sont inscrites aux articles L66 et L69 du LPF.

💡
Il ne faut pas confondre l’évaluation de la matière imposable avec le recouvrement de l’impôt. Le prélèvement à la source suppose une déclaration, parce que l’administration doit savoir combien elle doit prélever.
Dans le prélèvement à la source, les sommes prélevées ne transitent pas par le patrimoine du contribuable.

Section 2 : La liquidation de l’impôt

Une fois qu’on a déterminé la matière imposable et son montant, il faut déterminer le montant de l’impôt dû par chaque contribuable.
Cela suppose qu’intervienne un élément créant l’obligation fiscale : on l’appelle le fait générateur → enclenche la liquidation.

§ 1. Le fait générateur de l’impôt

Le fait générateur est le fait par lequel les conditions légales sont réalisées, de manière à permettre à l’administration fiscale de demander l’exigibilité de l’imposition.

D’un point de vue juridique, il ne faut pas confondre ce fait générateur avec l’exigibilité.
Le fait générateur est un fait matériel (exemples : décès du contribuable, livraison d’une marchandise qui mènera à la TVA…). Chaque impôt a un fait générateur précis fixé et défini par le législateur.
C’est important, car ça déclenche le départ de certaines prescriptions.

⚠️ Ce n’est pas parce qu’on a un fait générateur que l’impôt est tout de suite exigible par l’administration.

§ 2. Les modalités de la liquidation

A – Les acteurs de la liquidation

Selon les cas, l’impôt est calculé :
> soit par l’administration ;
> soit par le contribuable lui-même ;
> soit par un tiers.

  1. L’administration procède au calcul de l’impôt quand il est recouvré par voie de rôle.
    Le rôle correspond à une liste alphabétique de contribuables qui sont soumis à l’imposition en question ; cette liste mentionne toutes les informations utiles relatives à la matière imposable de chaque contribuable.
    Tous les impôts directs (dont l’impôt sur le revenu) et les impôts locaux sont soumis à cette logique de rôle.
  1. Le contribuable calcule l’impôt sous le contrôle de l’administration pour les principaux impôts qu’une société verse à l’État : TVA et IS.
  1. Un tiers calcule l’impôt lorsque l’impôt est prélevé à la source (exemple : employeur qui calcule l’impôt pour un salarié avant de lui verser son salaire).

Lorsque le contribuable ou un tiers calcule l’impôt, il le fait sous le contrôle de l’administration.
Si l’administration voit une omission, elle contrôle et rectifie, voire sanctionne.

B – Le calcul du montant de l’impôt

On peut calculer impôt de différentes façons :

  1. On peut appliquer un taux.
    Exemple : la TVA.
    C’est facile à calculer.

    Le taux normal de TVA est à 20%.
    Taux réduit pour les restaurants : 10%.
    Produits de 1ère nécessité : 5%.
    Presse et médicaments : 2,2%.

  1. On peut appliquer un barème.
    Exemple : impôt sur le revenu.

    Barème de l’impôt sur le revenu : 0% d’impôts tant que le revenu inférieur à 10 777 € net par an (pour 1 personne au sein du foyer fiscal).
    Ensuite, 11% pour un revenu annuel allant de 10 777 à 27 478 €.
    Puis 30% entre 27 478 et 78 570 €.
    Puis 41% entre 78 570 € et 168 994 €.
    Puis 45% au-delà de 168 994 €.
    → Barème progressif de l’impôt sur le revenu.
    Cet impôt direct est calculé par l’administration.

  1. On peut appliquer un tarif.
    Exemple : tarif par mètre carré, par hectare…

Ces opérations de liquidation (= de calcul de l’imposition) sont complexifiés par la prise en compte d’éléments complémentaires : exonération, réduction, majoration…
En plus de complexifier les calculs, ces mécanismes entraînent de nombreux contentieux.

C – L’édiction des actes d’imposition

De nombreux impôts sont directement acquittés par les contribuables sans que l’administration n’ait à édicter le moindre acte d’imposition.
C’est notamment le cas concernant les impôts indirects, comme TVA.

À l’inversement, le rôle (= liste alphabétique) sert à édicter les avis d’imposition.
L’extrait doit préalablement être homologué par le préfet pour avoir force exécutoire.
L’extrait rappelle le montant de la dette fiscale à acquitter + les éléments qui permettent d’en opérer le calcul + les conditions d’exigibilité (notamment relatives aux délais de paiement).

→ Pour les impôt indirects, pas d’acte d’imposition.
→ Pour les impôts directs, actes d’imposition par l’administration.

Section 3 : Le recouvrement de l’impôt

Une fois que la dette fiscale a été rendue liquide (= qu’elle a été calculée), elle devient exigible (§ 1.) et par conséquent payable (§ 2).

§ 1. L’exigibilité de l’impôt

L’exigibilité fixe la date à partir de laquelle le paiement de l’impôt est dû.
C’est le moment où le Trésor public peut faire valoir ses droits à recouvrer l’impôt.

En pratique, cette exigibilité est souvent différée par rapport au fait générateur.
La date d’exigibilité correspond à la date à partir de laquelle l’impôt peut être demandée ; elle intervient après le fait générateur.

⚠️ La date d’exigibilité n’est pas synonyme de date de paiement.

Les délais de paiement sont très variables.
Pour les impôt perçus par voie de rôle (= impôts directs), l’avis d’imposition indique la date limite du paiement au-delà de laquelle une majoration sera pratiquée.

Pour les autres impôts, le contribuable doit acquitter sa dette spontanément, et au plus tard à la date d’exigibilité posée par les textes.
Par exemple, la TVA doit être payée par les commerçants tous les mois.
En matière d’IS (= impôt sur les sociétés), le paiement spontané s’effectue par acompte.

§ 2. Les modalités de paiement

A – Les acteurs du recouvrement

Il convient de distinguer :

  • Le contribuable est la personne au nom de laquelle la dette fiscale est juridiquement établie.
    La plupart du temps, c’est la personne qui supporte l’impôt en tant que tel.
  • Cependant, l’administration peut demander au redevable de payer l’impôt.
    Exemple : le propriétaire d’un logement peut être redevable de la taxe d’habitation lorsque le locataire a quitté le logement sans quitter l’impôt et qu’il est introuvable.

    Autre exemple : un rôle est exécutoire (→ l’impôt peut être demandé) aux ayants droits ou aux représentants du contribuable → d’autres personnes assumant la représentation ou les droits du contribuables.

  • L’assujetti est la personne supportant la charge juridique de l’impôt, mais qui n’en supporte pas la charge économique.
    Exemple : les commerçants sont assujettis à la TVA.

Aujourd’hui, c’est la DGFiP qui en charge de recouvrer tous les impôts, à l’exception de ceux dont le recouvrement est assuré par la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI).
Par mesure de simplification, des compétences sont actuellement transférées de la DGDDI à la DGFiP.

B – Les modes de paiement classiques

Depuis 2019, tout impôt prélevé par voie de rôle (= impôt direct) et qui est supérieur à 300 € doit être payé par voie dématérialisée (= en ligne).

Pendant longtemps, l’impôt était très rarement acquitté par voie de prélèvement à la source.
Depuis le 1er janvier 2019, l’article 204 C du CGI prévoit qu’un prélèvement à la source est opéré sur les salaires et les rentes viagères.

Cette retenue s’impute sur ses revenus au regard de la déclaration fiscale réalisée par le contribuable et vis-à-vis de laquelle il recevra un avis d’imposition.
Si la retenue pratiquée est excédentaire, l’excédent lui sera restitué.

On n’impute pas sur l’impôt sur l’impôt, sauf en matière de TVA (crédit de TVA).
Exceptionnellement, l’impôt peut être acquitté par remise de biens (dation pour protéger les trésors nationaux).

C – Le recouvrement forcé

En cas de retard ou défaut de paiement des impôts qui ne sont pas recouvrés par voie de rôle (= TVA ou IS), l’administration fiscale émet un avis de recouvrement.

Cet avis est un titre exécutoire qui constate la liquidité et l’exigibilité de la créance, sans devoir aller devant les tribunaux.
Il permet d’engager, comme pour les impôts perçus par voie de rôle, les poursuites.

Chapitre 4 : Les restrictions apportées aux libertés laissées au contribuable

Cliquer ici pour revenir au sommaire de ce cours complet de droit fiscal (L2).

La dissuasion a toujours accompagné le contribuable dans la réalisation de ses obligations fiscales.
Cette dissuasion a pris une dimension particulière dès lors que s’est imposée l’idée d’une régulation de la fiscalité.

Plutôt que d’interdire, le législateur et le juge privilégient une forme de standardisation des comportements, afin de mieux éviter les comportements les plus déviants.
Ces modèles de comportement proposés par le législateur et le juge doivent être suffisamment flexibles pour laisser une certaine marge d’appréciation et d’interprétation à l’administration fiscale.

En effet, il est nécessaire de faire face aux de nouveaux comportements qui pourront surgir dans la pratique, et il sera nécessaire de laisser toute latitude à l’administration fiscale, au juge et au législateur pour adapter leurs réponses à ces situations nouvelles.

Les approches développées visent à définir ou déterminer certains actes ou opérations auxquelles le contribuable devra s’abstenir de recourir de manière générale.
De la même manière, ces approches chercher à déterminer des mesures préventives de lutte contre l’évasion fiscale internationale.

Le législateur définit les “cas extrêmes” vers lesquels le contribuable ne doit pas aller, mais il le fait dans des approches suffisamment flexibles pour lui permettre de s’adapter.
Il faut à la fois se montrer très ferme sur l’interdiction de dépasser les bornes + assez souple pour réprimer les nouveautés qui pourraient intervenir.

Section 1 : L’inopposabilité de certains actes ou opérations par le contribuable

Au-delà de la liberté de gestion dont tout contribuable peut se prévaloir, l’administration peut, dans certains cas de figure, refuser certaines postures du contribuable, en invoquant un acte anormal de gestion.
De la même manière, cette administration peut éventuellement fait l’état d’un abus de droit, lorsque le contribuable utilise certains procédés dans le seul but de chercher à éviter l’impôt.

§ 1. L’acte anormal de gestion

L’administration fiscale ne peut pas se désintéresser totalement de la manière dont les entreprises décident de dépenser leur argent ou décident de renoncer à certains profits dans leurs relations et activités commerciales.
En effet, ces postures ont nécessairement des répercutions sur le résultat fiscal de l’entreprise et donc sur son imposition.
→ Certains actes sont anormaux du point de vue de la gestion.

Le législateur a établi une liste de charges pour l’entreprise qu’il considère comme somptuaires ; par exemple, il est interdit d’entretenir un yacht pour des particuliers puis d’en faire supporter le coût à l’entreprise sur le plan fiscal.
De la même manière, il refuse de voir déduit du résultat de l’entreprise certaines rémunérations qui seront jugées excessives par rapport aux rémunérations normales.

Les entreprises peuvent pratiquer des dépenses somptuaires ou des rémunérations excessives, mais cela ne doit pas peser sur les résultats : il faut les réintégrer au résultat fiscal de la société, qui donne lieu à impôt.

Au-delà des logiques inscrites dans la loi, le juge fiscal a développé la théorie de l’acte anormal de gestion.
Cette théorie permet à l’administration fiscale, en dehors de tout texte, de refuser la déduction de certaines charges + de réintégrer certains manques à gagner dans le bénéfice de l’entreprise.

Conseil d’État, 21 décembre 2018, Société Croë Suisse (n°402006) :
Le Conseil d’État définit ce qu’il entend par acte anormal de gestion : “l’acte par lequel une entreprise décide de s’appauvrir à des fins étrangères à son intérêts”.

Dans la pratique, cette notion d’acte anormal de gestion permet à l’administration de reprocher aux entreprises d’aller contre leurs propres intérêts.
Cette jurisprudence vise à limiter les conséquences fiscales des abus de biens sociaux.

Les abus de biens sociaux visent à satisfaire les intérêts personnels du responsable de l’entreprise ou d’un tiers qui lui est proche → l’administration fiscale ne veut pas subir les conséquences d’actes qui sont repréhensibles.

💡
Les abus de biens sociaux sont des frais de société détournés au profit des particuliers.
Ce sont des actes anormaux de gestion.

§ 2. L’abus de droit

La notion d’abus de droit rejoint la notion d’acte anormal de gestion.
En effet, en droit civil, cette notion d’abus de droit permet d’engager la responsabilité de celui qui use d’un droit de manière anormale ou excessive avec une intention de nuire.

Transposé au droit fiscal, l’abus de droit vise les cas dans lesquels un contribuable use d’un droit que la loi lui reconnaît, mais dans un but différent que celui prévu par la loi, afin d’éluder l’impôt.
L’article L64 du LPF en définit les contours :
”Afin d’en restituer le véritable caractère, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.”

Des actes qui dissimulent la vraie portée d’une convention, qui comporteraient des clauses qui donneraient ouverture à des prélèvements fiscaux moins importants.

Il y a 2 types d’abus de droit :

  1. L’abus de droit par simulation : mise en œuvre d’actes juridiques fictifs ;
  1. L’abus de droit par fraude à la loi : mise en œuvre d’actes juridiques réels, mais reposant sur des montages juridiques artificiels.

L’abus de droit est très sévèrement sanctionné : il y a une majoration des droits à hauteur de 80 %.
Il fait donc l’objet de garanties particulières pour le contribuable.

Il y a notamment un Comité consultatif pour la répression des abus de droit, qui est national ; en 2020, il a examiné 36 dossiers.
Il est composé d’un conseiller d’État + d’un conseiller à la Cour de cassation + d’un professeur agrégé de droit ou de science économique + 1 conseiller à la Cour des comptes + des spécialistes représentants des contribuables (notaire, avocat fiscaliste, expert comptable).

Jusqu’en 2019, la charge de la preuve incombait au contribuable.
Depuis 2019, c’est à l’administration qu’il revient la charge de démontrer qu’il y a abus de droit.

Section 2 : Les mesures préventives de lutte contre l’évasion fiscale internationale

Il ne sera ici question que de l’évasion fiscale internationale, et non de la fraude fiscale qui y est habituellement associée.
Il est important de bien comprendre la différence entre les deux notions.

Le contribuable, qu’il soit particulier ou entreprise, est libre de ses affaires et mouvements avec l’étranger.
Toutefois, ces mouvements et affaires donnent lieu à des pratiques que l’administration fiscale n’approuve pas, alors même qu’elles n’ont pas de caractère frauduleux.

La délocalisation du domicile fiscal et la délocalisation de revenus ou de bénéfices constituent les principales formes d’évasion fiscale qu’il convient de prévenir.

§ 1. Les délocalisations de domicile fiscal

Les délocalisations de domicile fiscal constituent un phénomène qu’il est difficile de prévenir, notamment au sein de l’Union européenne, car toute mesure de dissuasion en la matière est prohibée par les grandes libertés économiques de l’UE → liberté d’établissement + de circulation.

La seule vraie parade efficace que le législateur puisse mettre en œuvre consiste à accorder les mêmes allègements fiscaux que ceux qui seraient susceptibles d’être trouvés à l’étranger.
Mais ces logiques de
dumping fiscal ne permettent rapidement plus de remplir les caisses publiques.

La France a donc créé une taxe de sortie (exit tax).
Mise en place en 2011, elle consiste en une imposition des plus values latentes (= plus values pas forcement réalisées, mais qui pourraient se réaliser si le contribuable vendait ses titres boursiers).

Le législateur, à l’article 167 bis du CGI, n’a réservé ce dispositif qu’aux seuls dirigeants et actionnaires qui possèdent d’importantes participations dans une société (+ de 1 % des parts sociales ou une valeur > 1,3 millions d’€).

Ce dispositif est assortie d’un mécanisme de sursois au paiement : l’exit tax ne peut être effectivement versée que s’il y a une section effective des titres.

Ce régime a été assoupli en 2019 : désormais, l’exit tax n’est plus due au-delà d’un délai de 2 ans (ou de 5 ans si la valeur des titres > 2,5 millions d’€).
Cette modification va à contre-courant de la directive européenne ATAD, qui impose depuis 2016 à l’ensemble des pays européen d’avoir ce type d’exit tax.

→ Cette exit tax est une limite préventive.

§ 2. Les délocalisations de revenus et bénéfices

Ici, on se heurte à la problématique de la détermination des prix de transfert.
Lorsqu’une société mère et et une filiale se transfèrent des transactions réciproques, le prix de transfert entre la société mère et la filiale est tout à fait libre.
→ Énorme possibilité de faire échapper de nombreux flux financiers à l’impôt.

Ces prix de transfert répondent souvent à des stratégies fiscales qui permettent des délocalisations de revenus ou bénéfices, qui se verront moins imposés dans certaines filiales implantées à l’étranger.
Objectif : maximiser ou minimiser le bénéfice imposable de chacune des filiales, en fonction de la pression fiscale qu’elles subissent dans chaque pays d’établissement.

Cette question est largement prise en compte par le droit fiscal international.
Le plus souvent, on s’inspire de la logique de pleine concurrence : les prix pratiqués au sein de ces groupes doivent se rapprocher des prix qui auraient été mis en œuvre entre des entreprises indépendantes les unes des autres.
L’administration fiscale recherche donc si les prix de transferts pratiqués au sein d’un même groupe correspondent à des prix de pleine concurrence.

En droit français, cette logique est mise en œuvre à l’article 57 du CGI, qui s’apparente à la technique de l’acte anormal de gestion.
Si l’administration constate que les prix de transfert sont irréguliers, elle réintègre au bénéfice de l’entreprise française le bénéfice qui aura été transféré à l’étranger du fait d’une majoration ou d’une minoration du prix de vente.

Au-delà de cet article, il existe de nombreux dispositifs au sein du CGI qui instituent une présomption d’anormalité pour les contribuables et les entreprises qui entretiennent des relations avec les États à fiscalité privilégiée.
Articles 238 A + 209 B + 123 bis du CGI : le contribuable français est dans l’obligation de démontrer que les opérations qu’il mène à l’étranger sont bien des opérations réelles et qu’elles n’ont pas un caractère exagéré et anormal.

Depuis 2010, l’administration dresse une liste d’États et de territoires non coopératifs (ETNC), qui sont la désignation des paradis fiscaux d’un point de vue juridique.
Ces sont des États ou territoires qui se caractérisent par leur refus délibéré de se doter des standards internationaux d’échanges d’information fiscale entre États.
Il y a de nombreuses répressions vis-à-vis des ENTS au niveau français et international.

Depuis le 1er janvier 2020, on considère que l’on est dans l’évasion dès que le gain que l’on obtient en délocalisant est d’au moins 40% par rapport à la France.

Chapitre 3 : Les droits et garanties reconnus au contribuable

Cliquer ici pour revenir au sommaire de ce cours complet de droit fiscal (L2).

Section 1 : Les droits fondamentaux protégés par la Constitution

Voir 1ère partie de ce cours.

Le juge constitutionnel est principalement intervenu pour :

  1. Limiter la rétroactivité de la loi fiscale répressive ;
  1. Défendre les droits fondamentaux en matière de sanctions fiscales ;
    La loi doit avoir suffisamment déterminé son objet et son montant, et avoir surtout respecté une juste proportion entre l’objet et le montant de la sanction.

    De manière générale, la loi doit respecter toutes les garanties de procédure au bénéfice des personnes poursuivies en matière pénale : respect de la contradiction, possibilité de se faire assister…

  1. Défendre les libertés individuelles.

    Conseil constitutionnel, 29 décembre 1983, Loi de finances pour 1984 (n°83-164 DC) :
    Présenté à la 1ère version du régime des visites et saisies domiciliaires (= perquisitions fiscales), le Conseil constitutionnel annule le régime initialement voté par le Parlement pour violation de l’article 66 de la Constitution.
    Il considère qu’il n’y avait pas de garanties suffisantes offertes au niveau du juge judiciaire, notamment au regard de l’inviolabilité de principe du domicile privé du contribuable.

Section 2 : Les garanties conférées par le législateur

§ 1. La liberté laissée dans les choix de gestion

Conseil d’État, arrêt de principe du 7 juillet 1958 :
”Le contribuable n’est jamais tenu de tirer des affaires qu’il traite le maximum de profit que les circonstances lui aurait permis de réaliser”.
→ Une liberté est laissée au contribuable dans ces choix de gestion.

Conséquence : l’administration ne peut pas s’immiscer dans la gestion des entreprises.

Conseil d’État, 2015, Société Rottapharm :
”Il n’appartient pas à l’administration de se prononcer sur l’opportunité des choix arrêtés par une entreprise de sa gestion”.
→ L’administration ne peut plus critiquer la gestion d’un particulier de son patrimoine privé.

Le contribuable, qu’il soit particulier ou société, peut faire le choix de la voie la moins imposée, dès lors que ce choix s’opère dans le cadre de la loi fiscale.
Il s’agit du juste milieu trouvé pour le respect du libre choix du contribuable par l’administration.

Si le contribuable est certes d’abord placé dans une situation légale et réglementaire de sujétion (tenu de supporter le prélèvement fiscal mis à sa charge par la loi), il est tout autant conduit par le législateur à exercer un certain nombre de choix.
La loi fiscale comporte de nombreux mécanismes optionnels laissés à l’appréciation et au choix du contribuable.

Cette offre de choix peut aller loin : elle peut permettre à une personne normalement exclue du champ d’application d’une imposition d’y être rattachée sur demande.
Par exemple, payer la TVA permet d’exercer le droit à déduction du montant de la TVA acquitté sur les achats du contribuable → cela peut légitimement susciter une demande d’assujettissement à la TVA.

L’option est l’acte de volonté par lequel le contribuable exerce (sur le fondement d’un texte fiscal) un choix juridique conduisant à écarter l’application de la règle fiscale qui lui serait normalement applicable, au profit de celle d’une autre règle fiscale.
Ce mécanisme permet de consacrer la liberté laissée au contribuable dans les choix de sa gestion.

§ 2. Les mécanismes de sécurité fiscale

A – L’opposabilité à l’administration de sa propre doctrine

La doctrine fiscale a une grande importance.

Le législateur confère au contribuable une garantie contre les changements de doctrine administrative.
Ici, l’administration est liée par l’interprétation des textes telle qu’elle a pu faire connaître (par voie d’instruction, de circulaire, ou dans une réponse individuelle adressée au contribuable vérifié).

Ainsi, il est impossible pour l’administration fiscale d’effectuer un redressement si le contribuable a appliqué la doctrine en vigueur au moment des faits, même si cette doctrine a été ensuite modifiée ou rapportée (article 80 A du LPF).

Article 80 B du LPF : “l’administration est également liée lorsqu’elle a formellement pris position sur l’appréciation d’une situation de fait au regard d’un texte fiscal”.

Ces dispositifs sont pertinent au vu des fluctuations dans la doctrine ; mais garantir ainsi le contribuable contre des changements de doctrine pose des problèmes.
Cela permet souvent de maintenir des situations fiscales illégales mais conformes à la doctrine.
Un simple commentaire d’un agent administratif permet parfois de sauvegarder des situations contraires aux textes eux-mêmes.

Le Conseil d’État applique donc les articles L80 A et L80 B avec beaucoup de prudence : la mise en œuvre de ce mécanisme fait l’objet d’une interprétation très stricte, qui s’efforce d’en restreindre le champ.
Ainsi, sont concernés par cette protection contre les changements de doctrine les commentaires administratifs relatifs aux modalités de taux, d’assiette et de recouvrement, mais pas les commentaires administratifs portant sur la procédure d’imposition.

B – Les garanties conférées par un rescrit

Les rescrits manifestent le souci du législateur d’apaiser les relations conflictuelles entre le contribuable et l’administration, plus particulièrement quand le contribuable est une entreprise.
Objectif : privilégier la prévention des difficultés en les anticipant, plutôt que de rechercher un règlement souvent douloureux via un contrôle fiscal.

Il existe plusieurs catégories de rescrits :

  1. Le rescrit général est prévu par l’article L80 B-1 du LPF.
    Il permet au contribuable de provoquer une prise de position expresse de l’administration sur une question particulière qu’il pose à l’administration afin de purger le conflit potentiel.

    Si le contribuable suit à la lettre la réponse de l’administration (il n’est pas obligé de le faire), il verra son comportement fiscal garanti contre toute remise en cause ultérieure.

    L’administration est donc liée par sa réponse, qu’elle doit fournir dans les 3 mois, même si cette réponse est erronée.

    Les articles L80 B-2 et suivants prévoient plusieurs procédures de rescrits qui permettent aux entreprises d’obtenir une prise de position de l’administration fiscale sur leur situation, au regard de textes fiscaux particuliers.
    Objectif pour le contribuable : obtenir des accords tacites.
    Le plus souvent, sont en cause les situations où l’entreprise souhaite vérifier que sa situation lui permet de bénéficier d’un régime fiscal privilégié.

  1. Les rescrits anti-abus de droit sont prévus par l’article L64 B du LPF.
    Ils sont mis en œuvre par les contribuables qui craignent les procédures de répression des abus de droit.
    Ils permettent de consulter l’administration vis-à-vis de certains montages pour savoir s’ils sont licites.

    En cas de licéité approuvée, le contribuable ne pourra pas voir son montage remis en cause par l’administration fiscale.

  1. Concernant les prix de transfert :
    Les groupes de sociétés voient leur bénéfice dépendre des prix auxquels sont pratiqués des achats ou ventes de prestations entre entités d’un même groupe.
    Ces rescrits ont vocation à obtenir un accord préalable de l’administration sur ces prix de transfert.
    ⚠️ L’éventuel silence de l’administration ne vaut pas acceptation de la demande.
  1. Les rescrits contrôles sont mis en œuvre dans le cas d’une vérification de comptabilité ou d’une EFSP.
    L’article L80 B-10 du LPF prévoit que :
    ”Le contribuable peut solliciter par écrit et avant même l’envoi de toute proposition de rectification un rescrit sur un point particulier examiné par le vérificateur”.
  1. L’article L80 A-2 met en place une forme de rescrit abstention, qui vise les situations où le vérificateur a pris position lors d’un contrôle, et ce en toute connaissance de cause.

§ 3. Les garanties inhérentes aux procédures de contrôle fiscal

Le législateur a entendu reconnaître un certain nombre de garanties aux contribuables, notamment avec :
> la loi du 2 avril 1955 ;
> la loi du 29 décembre 1977 relative aux contrôles fiscaux ;
> la loi du 8 juillet 1987.

Une vérification de comptabilité ne peut pas être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l’envoi d’un avis de vérification, qui doit préciser les années soumises à vérification et indiquer – sous peine de nullité de la procédure – que le contribuable a la possibilité de se faire assister par une personne de son choix (article L47 du LPF).

Avant la loi de 1987, l’administration, pour favoriser “un meilleur climat de compréhension”, adressait au contribuable, en même temps que cet avis de vérification, une brochure intitulée La charte du contribuable vérifié.
Aujourd’hui, elle s’intitule Charte des droits et obligations du contribuable vérifié.
Cette charte est, suivant l’article L10 du LPF, opposable à l’administration.

L’envoi de l’avis de vérification doit être fait en temps utile, pour permettre l’assistance du conseil.
Selon la doctrine fiscale, cet avis doit être envoyé par lettre recommandé avec A/R environ 15 jours avant la 1ère intervention (mais ce n’est qu’indicatif).

Cette logique pose tout de même un vrai souci, parce que dans certains cas, un tel envoi effectué trop longtemps à l’avance peut enlever une partie de son efficacité du contrôle (parfois, le contrôle doit être inopiné pour être efficace).

Cette difficulté a été contournée par l’article L47 du LPF, qui prévoit l’envoi ou la remise d’un avis de vérification → cet article prévoit donc la possibilité d’un contrôle inopiné : le doucement peut être remis de la main à la main, pour permettre un contrôle inopiné.

Le juge de l’impôt a montré un certain nombre de réticences sur la rédaction de l’article L47.
Le législateur a limité la remise en main propre aux “cas de contrôles inopinés tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l’exploitation ou de l’existence et de l’état des documents comptables”.

Donc s’il y a contrôle inopiné, le vérificateur ne pourra pas procéder à l’examen au fond des documents comptables. Cet examen ne pourra commencer qu’à l’issue d’un délai raisonnable, pour permettre au contribuable de se faire assister.

La vérification de comptabilité doit se dérouler sur place.
C’est un principe essentiel, fondé sur l’obligation imposée à l’administration de garantir au contribuable un débat oral et contradictoire avec son vérificateur.

Seule atténuation possible : la vérification peut se faire au bureau du comptable de l’entreprise, avec l’accord du contribuable ou à sa demande.
→ Approche très limitée de l’atténuation.

Cette obligation emporte pour le vérificateur interdiction d’emporter avec lui des documents comptables ; le cas échant, la vérification sera entachée d’irrégularité.
Le vérificateur ne peut emporter les documents que sur demande écrite du contribuable ; il devra remettre au contribuable un reçu détaillé des pièces qu’il a emporté. Cela ne doit pas priver le contribuable d’avoir un débat oral et contradictoire avec son vérificateur.
Le caractère contradictoire de la procédure fiscale a été consacré comme un principe général du droit (PGD).

Le législateur permet aux petites entreprises qui souhaitent respecter leurs obligations fiscales mais qui estiment que le dialogue par écrit ou dans les bureaux de l’administration ne les éclaire pas suffisamment de demander à l’administration d’intervenir sur place pour les aider à bien appliquer les règles fiscales (article L13 C du LPF).

Le législateur permet à toutes les entreprises de régulariser leur situation durant un contrôle sur place de l’administration, sans attendre la proposition de rectification.
Intérêt : voir les intérêts de retard réduits de 70 % aux termes de l’article L62 du LPF.

La loi prévoit certaines dispositions qui limitent la durée des vérifications de comptabilité sur place à 3 mois (article L52 du LPF).
C’est une garantie essentielle, qui est accordée pour tenir compte de la gêne matérielle et des pesanteurs psychologiques qu’entraine une vérification de comptabilité, notamment pour les petites et moyennes entreprises et pour les professionnels astreints à la tenue d’une comptabilité.

On retrouve les mêmes dispositions pour l’examen de la situation fiscale personnelle :

  • Obligation posée à l’administration d’adresser un avis au contribuable ;
  • + de lui laisser un délai suffisant pour lui permettre de s’assurer de l’assistance d’un conseil ;
  • + remise de la charte.

Cette ESFP ne peut pas s’étendre sur une durée supérieure à 1 an à compter de la réception de l’avis.
Ce qui change, c’est que l’ESFP n’a pas vocation à se mettre en œuvre sur place (= au domicile du contribuable), contrairement à la vérification fiscale de comptabilité.
Dans le cadre d’une ESFP, les vérificateurs doivent s’efforcer d’organiser les entretiens nécessaires aux opérations de contrôle dans les locaux de l’administration. La chartre du contribuable indique que l’ESFP se “déroule normalement au bureau du vérificateur” → objectif : respecter la vie privée du contribuable.

Il y a beaucoup de pragmatisme : tout est fait pour qu’il y ait un débat oral et contradictoire et une adaptation.

La loi prévoit, dès lors que la procédure s’est normalement déroulée, que l’administration ne peut pas renouveler une vérification de comptabilité qu’elle a déjà effectué pour une période déterminée et cela au regard d’un impôt spécifique (article L51 du LPF).
Conséquence : si, au-delà des 3 mois, l’administration n’a pas examiné tous les éléments, elle ne peut pas revenir dessus.

L’administration est aussi obligée d’indiquer au contribuable le montant des droits et pénalités qui résultent du contrôle pratiqué : c’est l’article L48 du LPF qui oblige ainsi l’administration à informer le contribuable des résultats de la vérification.
L’article L49 prévoit que l’administration doit en porter les résultats à la connaissance du contribuable même en l’absence de redressement.
De la même manière, l’article L50 rend impossible pour l’administration, après avoir achevé un ESFP, de procéder à des redressements pour la même période ou pour le même impôt, à moins que le contribuable lui ait fourni des éléments incomplets ou inexactes.

Section 3 : L’amélioration des relations entre le contribuable et l’administration

Les conséquences particulièrement négatives de la perception chez le contribuable de ce que peut produire le contrôle fiscal ont fait réagir l’administration sur la nécessité pour elle d’améliorer ses relations avec le contribuable.

On ne part pas de rien : il existait déjà des marges de négociation entre l’administration et le contribuable.
Globalement, ces marges de négociation ont eu tendance à augmenter.

§ 1. L’existence de marges de négociation avec l’administration

Ce n’est pas simple, parce qu’à priori les principes de légalité et d’égalité s’opposent à ce que de telles marges de négociations existent, tant dans l’établissement de l’impôt que pour son paiement.

Pourtant, il est bien nécessaire qu’un règlement des différents puisse se mettre en œuvre, afin d’éviter de s’en remettre systématiquement au juge de l’impôt.
Il faut éviter d’aller au contentieux, ce qui engorgerait encore d’avantage les juridictions.

De manière très pragmatique, le droit fiscal a dû aménager des modes alternatifs de règlement des différents.
Le législateur permet ainsi à l’administration d’accorder des remises gracieuses au contribuable qui en fait la demande
; cela est prévu depuis 1982 à l’article L247 du LPF (avant, c’était autorisé par décret).

Article L247 : “L’administration peut accorder sur la demande du contribuable : 1° Des remises totales ou partielles d’impôts directs régulièrement établis lorsque le contribuable est dans l’impossibilité de payer par suite de gêne ou d’indigence”.
→ Cas de détresse matérielle avérée.

Cet article L247 prévoit aussi la possibilité de remise totale ou partielle portant sur les pénalités, en particulier sur les sanctions devenues définitives, sur les intérêts de retard ou encore une atténuation des amendes fiscales ou des majorations d’impôt lorsqu’elles ne sont pas devenues définitives, et cela par voie de transaction.
→ C’est une juridiction gracieuse.

En pratique, cette juridiction gracieuse est très fréquemment mise en œuvre.
En 2019, 780 000 demandes ont été accueillies ; 66% ont été accueillies favorablement, entraînant une ristourne moyenne de 700 €.

Au-delà de ces demandes, les négociations sont parfois beaucoup plus importantes lorsque d’importantes sommes sont en jeu ; ces négociations permettent d’aboutir à de véritables accords transactionnels entre les parties.

En aucun cas il ne peut exister de principe général à la contractualisation en matière fiscale : il y a pour l’administration une interdiction de transaction sur l’impôt en principal, au nom des principes de légalité et d’égalité.
Pour autant, la pratique des contrôles se veut fondamentalement contradictoire : c’est un débat qui doit être mis en œuvre entre les parties. Dans le cadre de ces contrôles, l’intérêt de l’administration réside dans l’obtention d’un accord qui fait que, de son côté, l’administration va accepter d’abandonner un part des redressements ou de minorer le montant des pénalités.

Cela a des conséquences importantes prévues à l’article R194-1 al 1 du LPF, qui prévoit que si malgré l’accord, le contribuable décide en fin de compte d’aller devant le juge de l’impôt, c’est à lui qu’il reviendra de prouver le caractère exagéré du redressement.
Les transactions sur les pénalités sont d’usage courant : il y en a eu 1 317 en 2019.
Ces transactions deviennent définitives une fois acceptées par l’administration et exécutées par le contribuable (article L251 du LPF).

Il existe par ailleurs un régime fiscal fondé sur la négociation qu’il convient de présenter : le régime de détermination du bénéfice agricole dans le cadre de l’impôt sur le revenu qui, pour les exploitants agricoles, fait l’objet d’une négociation avec l’administration.
💡 L’agriculture en France a toujours bénéficié d’un régime fiscal allégé.

Le législateur a créé des régimes forfaitaires d’imposition susceptibles de faire l’objet d’une négociation permettant in fine de minorer l’imposition due par les agriculteurs au titre de l’impôt sur le revenu.
Ce régime qui concerne des exploitations dont les recettes annuelles sont inferieures à 85 800 € pendant 3 ans en moyenne et consécutivement.
On détermine leurs bénéfices de manière forfaitaire avec l’administration, en prenant en considération un bénéfice moyen par hectare pour chaque région, type de culture ou d’élevage, et en l’adaptant individuellement pour chaque exploitation agricole.

Ces négociations sont conduites dans le cadre des commissions départementales des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires.
Ce processus de négociation, qui n’existe pour aucune autre profession, conduit à une moindre imposition, qui prend en compte les spécificités de l’agriculteur et la nécessité de l’aider.

Il existe d’autres situations particulières dans lesquelles il peut y avoir des négociations.
Exemple : en matière de droits de succession ou de dations, le CGI prévoit une possibilité de négociation avec l’admiration.
Les rescrits et leur développement participent à cette négociation.

§ 2. Les termes du dialogue avec l’administration

Ces mesures témoignent d’une amélioration notable du droit fiscal permettant de le rendre plus acceptable aux yeux du contribuable.
Mais il était cependant nécessaire d’aller plus loin dans l’acceptabilité, en se plaçant sous l’angle des comportements (de l’administration + des contribuables).
Autrement dit, il était nécessaire de modifier la perception des règles de droit, pour en obtenir une toute autre mise en œuvre.

L’administration fiscale s’est donc lancée dans une entreprise ambitieuse d’introspection, afin de dégager un certain nombre de dispositions – souvent très formelles – mais de nature à pacifier les relations avec le contribuable.
Beaucoup de ces approches ont ensuite été relayées par le législateur, qui s’est efforcé de reprendre dans les textes de loi les bonnes dispositions de l’administration fiscale.

Cette approche s’est traduite par le fait de privilégier l’explication plutôt que l’injonction.
Cela s’est traduit par une information beaucoup plus importante et plus pédagogue qui a été apportée au contribuable, notamment sur ses droits avec l’élaboration de la charte largement diffusée.
La Charte du contribuable vérifié, qui date de 1975, est annexée au LPF et est désormais opposable à l’administration.
Indépendamment du contrôle fiscal, il existe aussi la Charte du contribuable, qui date de 2005

Cette approche s’est aussi matérialisée au travers de la concertation qui s’est instaurée, tout particulièrement avant que ne soit saisi le juge de l’impôt.
On a vu apparaître de nombreux organismes paritaires, tels que la Commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires.

Ces organismes se sont développés et se sont institutionnalisés, car on trouve un équivalent : les Commissions départementales de conciliation, qui sont compétentes pour les autres impôts (ISF , IFI, droits d’enregistrements, taxe de publicité foncière → tous les impôts qui vont devant le juge judicaire).
Cette commission départementale de conciliation est placée sous la présidence d’un magistrat de l’ordre judiciaire (article 1653 A du LPF).

Il existe aussi un certain nombre de commissions au niveau national : la Commission des infractions fiscales, le Comité de l’abus de droit fiscal

Des mécanismes plus modernes ont aussi été institués, comme le conciliateur départemental fiscal, que le contribuable mécontent d’une première réponse de l’administration pourra saisir.
Il y a aussi un médiateur fiscal au niveau national, qui a été institué par décret et qui va résider au ministère de l’Économie et des finances ; son activité est conséquente : en 2019, il a fait l’objet de 1 200 saisines.

Enfin, cette approche d’amélioration du dialogue entre administration et contribuables s’est enfin traduite par l’instauration de “relations de confiance” avec les entreprises.
Depuis 2019, un partenariat fiscal a été mis en place avec les grandes entreprises.
Un service spécifique leur est désormais dédié au sein de l’administration : le Service partenaire des entreprises (SPE), qui réunit des experts dédiés, qui doivent régler en temps réel les questions fiscales à fort enjeux financiers auxquelles ces entreprises sont confrontés.

Cette démarche a été déclinée pour les PME au travers d’un accompagnement fiscal personnalisé.
Ici, il s’agit pour l’administration d’aider ces PME à identifier les risques fiscaux qu’elles encourent.
Ces PME peuvent aussi obtenir de la part de l’administration des analyses de leur situation selon leurs besoins.

Cela se traduit aussi par la mise en place d’un service de “mise en conformité du service fiscal”, pour permettre aux entreprises de corriger leur situation fiscale par rapport à des risques identifiés, et ce sans encourir de pénalités.

Enfin, une procédure “d’examen de conformité fiscale par un tiers de confiance” a été instituée en 2021.
Objectif : sécuriser en amont les déclarations fiscales des entreprises.
Un expert comptable est choisi par l’entreprise et est chargé de se prononcer sur la conformité des règles fiscales mises en œuvre par cette entreprise dans sa déclaration.
Ici, l’administration n’intervient qu’en cas de difficultés.

Cette procédure a été critiquée, car certains y ont vu une manière pour l’administration d’externaliser sa fonction.

On constate donc que, vis-à-vis de l’entreprise, l’administration va au delà de l’amélioration des termes du dialogue pour proposer des initiatives permettant de pacifier les relations avec les entreprises.
Cela illustre que l’entreprise est la cible principale des contrôles fiscaux.
→ Processus de régulation, pour atténuer les effets d’une règlementation pesante.

Chapitre 2 : Les règles propres à l’application de la norme fiscale

Cliquer ici pour revenir au sommaire de ce cours complet de droit fiscal (L2).

Introduction

Après l’élaboration des règles propres au droit fiscal, nous nous attaquons aux règles propres à l’élaboration de la norme fiscale.

Ces règles sont particulièrement importantes au regard de la matière fiscale, dans la mesure où elles expriment les prérogatives de puissance publique déjà évoquées, exorbitantes au droit commun, à la disposition de l’administration fiscale pour faire respecter le droit fiscal.

Le fisc dispose de pouvoirs de contrôle et de rectification importants, pour vérifier si les contribuables ont bien rempli leurs obligations fiscales.
Au-delà de ce pouvoir de contrôle et de rectification, en cas de problème dument constaté par cette administration, elle dispose d’un important pouvoir de répression / de sanction.
Ce pouvoir de sanction joue un rôle déterminant en tant que garantie dans l’effectivité du droit.

De tels pouvoirs vont immanquablement être de nature à déclencher du contentieux.
Ce chapitre présente 3 types de procédures :
1- les procédures de contrôle et de rectification ;
2- les procédures répressives ;
3- les procédures juridictionnelles.

Section 1 : Les procédures de contrôle et de rectification

Le système fiscal français se veut principalement déclaratif : la plupart des impositions sont établies sur la base des déclarations fournies par les contribuables.
Il est donc légitime que le fisc puisse en contrôler l’exactitude.

C’est une exigence démocratique, au risque de se voir développer une fraude fiscale considérable qui serait de nature à remettre en cause le principe d’égalité des contribuables devant l’impôt.
→ Les contrôles fiscaux sont tout à fait essentiels et légitimes, même s’ils développent souvent des débats passionnels.

L’administration s’est vue reconnaître en parallèle un droit de reprise, qui se définit comme le pouvoir reconnu à l’administration de réparer les inexactitudes / omissions commises par les contribuables (de bonne foi) ; ce droit de reprise est limité dans le temps (§ 2).

Cs rectifications sont généralement conduites sous des règles précises qui mettent en œuvre le principe du contradictoire (§ 3).
Pour autant, dans certains cas extrêmes dans lesquels le contribuable fait preuve d’une particulière mauvaise volonté, des procédures d’imposition d’office peuvent être mises en œuvre (§ 4).

§ 1. Les contrôles fiscaux

A – Les pouvoirs d’investigation de l’administration

Ces pouvoirs d’investigation se veulent plus ou moins contraignantes pour le contribuable.
On distingue 3 logiques :

1) Les demandes de renseignements, d’éclaircissements et de justifications

L’article L10 du LPF prévoit d’abord que l’administration fiscale peut adresser au contribuable une simple demande d’informations, qui ne présente aucun caractère contraignant.
Le contribuable n’est pas tenu de répondre à cette demande d’informations ou de renseignements.

Cependant, en cas de défaut de réponse ou de réponse imprécise ou incomplète, il s’expose à une procédure de demande de justifications prévue à l’article L16 du LPF.

L’article L16 distingue entre demande d’éclaircissements et demande de justifications :

  • La demande d’éclaircissements peut porter sur un point quelconque de la déclaration de revenus.
    Elle a pour objet de provoquer des explications de la part du contribuable sur les énonciations de sa déclaration ou sur les discordances relevées par l’administration.
    Exemple : discordances par rapport aux déclarations de l’année passée ou aux déclarations des tiers.
  • La demande de justifications a quant à elle un objet limité par la loi à 5 cas précis :
    1. Par rapport à la situation personnelle / à la situation de famille ;
    1. À propos des charges qu’on a retranchées de notre revenu global ou qui vont ouvrir droit à des réductions d’impôts ;
    1. À propos des avoirs ou revenus d’avoir que l’on a à l’étranger ;
    1. Au regard d’un certain nombre d’éléments servant de base à la détermination du revenu foncier / des gains de cessions de valeurs mobilières / des plus values ;
    1. Lorsque l’administration a réuni des éléments qui indiquent que le contribuable a des revenus plus importants que ceux qu’il a déclarés.

Le contribuable a 2 mois pour fournir sa réponse.
Sous peine de nullité de la procédure, les demandes ainsi formulées par l’administration doivent comporter l’indication des conséquences du défaut de réponse : l’imposition d’office.

Article L16-1 du LPF : lorsque le contribuable a répondu de façon insatisfaisante, l’administration lui adresse une mise en demeure l’invitant à compléter sa réponse dans un délai de 30 jours, en précisant les compléments de réponse qu’elle souhaite obtenir.


2) Le droit de communication

Le droit de communication est le droit reconnu à l’administration fiscale de prendre connaissance de documents détenus par des contribuables ou par des tiers (compagnies d’assurance, organismes de sécurité sociale…).
Il est organisé par les articles L81 et suivants du LPF.

En droit comme en fait, il existe une grande confusion entre droit de communication et demandes de renseignements, d’éclaircissements ou de justifications.
La différence réside dans la capacité de demander aux tiers.

Seuls les contribuables qui sont astreints à la tenue d’une comptabilité commerciale + certains assujettis non commerçants (officiers ministériels, professions libérales) sont soumis à un droit de communication.
Les simples particuliers ne sont pas tenus au droit de communication. L’administration fiscale ne peut leur demander que des renseignements ou des attestations.

En pratique, il faut comprendre que le champ du droit de communication est quasiment sans limites.
Le secret professionnel n’est pas opposable (c’est un principe de droit non écrit, qui est parfois expressément formulé vis-à-vis de certains tiers).
Il n’y a que les membres des professions médicales qui peuvent opposer aux agents du fisc une obligation de secret, mais qui ne s’applique que de manière très stricte.


3) Les visites et les saisies domiciliaires

Même si le terme de perquisition n’est pas présent dans la loi, le législateur a institué un véritable pouvoir de perquisition.
C’est important, parce que la visite des locaux professionnels + du domicile du contribuable constitue une violation particulièrement grave des libertés fondamentales.

L’article L16-B du LPF autorise l’administration fiscale à procéder – sous le contrôle de l’autorité judiciaire – à la visite à des fins fiscales de tous locaux, même privés, et à la saisie de pièces et de documents susceptibles d’être détenus et de constituer la preuve d’agissements fiscaux délictueux.
Il s’agit d’une procédure commune à l’impôt sur le revenu, sur les sociétés et à la TVA.
Seuls les contribuables qui sont astreints à la tenue d’une comptabilité sont concernés.

On ne déclenche pas une telle visite domiciliaire facilement : les dispositions relatives à ce droit de visite ne s’appliquent qu’à des conditions bien précises.
Elle ne peut être déclenchée que si le contribuable est présumé coupable de certains agissements délictueux.
La loi énumère les cas de présomptions de fraude pour lesquelles l’autorité judiciaire autorise l’administration fiscale à pratiquer cette visite + faire des saisies.
Exemples : achat ou vente sans facture, opérations fictives, omission d’écriture, passation d’écritures inexactes…

Le lieu d’exercice de la perquisition doit être défini de manière très précise, mais il peut être très large.
La perquisition peut même être opérée dans les locaux d’une personne en relation avec le contribuable et susceptible de détenir les éléments compromettants pour ce contribuable (en pratique, souvent un conseil ou un avocat).
L’ordonnance par laquelle le juge judiciaire autorise l’administration à procéder à la perquisition doit individualiser de manière très exacte et précise le local où cette visite aura lieu.

C’est le juge des libertés et de la détention qui autorise l’administration à effectuer cette visite.
Il doit vérifier concrètement la demande de l’administration, en appréciant les éléments qu’elle lui apporte.
Il doit motiver sa décision par l’indication des éléments de fait et de droit qu’il retient et qui laissent présumer en l’espèce l’existence d’éléments frauduleux dont la preuve est recherchée.

Cette ordonnance qui autorise la visite est susceptible d’un appel (non suspensif) devant la cour d’appel.
L’ordonnance du 1er président de la cour d’appel est elle-même susceptible d’un recours en cassation.

Cette visite ne peut pas être commencée avant 6h du matin et avoir lieu après 21h.
Elle est effectuée par des agents des impôts nommément désignés par l’ordonnance, qui ont au moins le grade d’inspecteurs, et qui sont habilités par le directeur général des finances publiques à procéder à la visite et à la saisie.

Ces opérations sont placées pendant leur déroulement sous l’autorité et le contrôle du juge qui en a donné l’autorisation.
Le juge peut, s’il l’estime utile, se rendre dans les locaux pendant l’intervention et peut, à tout moment, décider de suspendre ou d’arrêter la visite.

Le juge aura par ailleurs désigné un OPJ, chargé d’assister aux opérations et de le tenir informé de leur déroulement.
→ Le juge est chargé de veiller au respect des droits de la défense.

Lorsque la visite ne peut pas se dérouler en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant, l’OPJ requiert la présence de 2 témoins indépendants.
Un PV de la visite doit être dressé sur le champ par l’agent de l’administration fiscale.
S’il y a lieu, un inventaire des pièces et documents saisis est annexé au PV.
Objectif : relater les modalités et le déroulement de la procédure + consigner les constatations qui auront pu être effectuées.

Ces documents sont signés par l’agent de l’administration, l’occupant des lieux ou son représentant, et éventuellement les 2 témoins.
Ces documents sont adressées au juge ; une copie est donnée à l’occupant des lieux ou à son représentant.

Les pièces et documents saisis sont restitués à l’occupant des locaux dans les 6 mois qui suivent la visite. Cependant, quand des poursuites pénales sont engagées, cette restitution des pièces et documents doit être autorisée par l’autorité judiciaire.
Les informations recueillies ne sont opposables au contribuable qu’une fois qu’elles lui ont été restituées.

Il s’agit d’une procédure particulièrement attentatoire aux libertés publiques, elle est donc très encadrée.
La France a fait l’objet de condamnations de la part de la CEDH, notamment avec la décision importante Ravon contre France du 21 février 2008, qui a entraîné la réécriture de l’article L16-B du LPF pour permettre un appel de l’ordonnance.

Le législateur a aussi autorisé l’administration à intervenir dans une entreprise pour y exercer un droit d’enquête spécifique à la TVA.
L’administration peut ainsi se présenter de manière inopinée dans l’entreprise pour se faire présenter les pièces comptables pour en vérifier la facturation.
Cela est prévu par l’article L80-F du LPF.

Enfin, l’article L16-0 BA du LPF institue un dispositif de flagrance fiscale.
Ce dispositif permet à l’administration, lors d’une procédure de type visite domiciliaire, dès la découverte d’activités manifestement frauduleuses, de dresser immédiatement un procès-verbal qui permettra d’effectuer une saisie conservatoire des sommes correspondant aux impositions évitées + correspondant au montant de l’amende dans un tel cas de figure.
Ce dispositif permet d’éviter de voir des sociétés éphémères disparaître avant le dépôt de toute déclaration fiscale.

B – Contrôles sommaires et approfondis

Le pouvoir de contrôle de l’impôt se présente sous plusieurs formes.
D’une part, il y a des contrôles que l’on qualifie de sommaires :
> le contrôle formel ;
> le contrôle sur pièces.
D’autre part, il y a des contrôles plus approfondis :
> la vérification de comptabilité ;
> l’examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques (ESFP).

Les contrôles sommaires sont des contrôles internes : ils s’exercent dans les bureaux de l’administration.

  • Le contrôle formel recouvre un certain nombre d’interventions qui ont pour objet de rectifier des erreurs matérielles évidentes.
    Exemples : vérification de l’identité, de l’adresse…
  • Le contrôle sur pièces consiste en un examen critique des déclarations fournies par le contribuable, que l’administration conduit au regard d’un certain nombre de renseignements consignés dans le dossier du contribuable.
    Exemple : éléments relatifs à son patrimoine, à son train de vie / …

Ces contrôles sont effectués sans que le contribuable en ait connaissance.
Si la déclaration déposée a l’air sincère, l’administration n’exercera pas son pouvoir de rectification.

À la différence de ces 2 formes de contrôle (contrôle formel + sur pièces), la vérification de comptabilité permet au service fiscal de confronter la sincérité des déclarations avec les éléments extérieurs en se rendant sur place → contrôles externes.

1) La vérification de comptabilité

L’article L13 alinéa 1 du LPF prévoit que « les agents de l’administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables”.

Cette vérification de comptabilité est définie par la doctrine administrative : il s’agit d’un « ensemble d’opérations qui a pour objet d’analyser sur place la comptabilité d’une entreprise et de la confronter à certaines données de fait ou matérielles afin de contrôler les déclarations souscrites et d’assurer éventuellement les rectifications nécessaires ».

On distingue parmi les différentes vérifications de comptabilité :

  • Elle est générale si le même agent vérifie la situation fiscale de l’entreprise au regard de tous les impôts déclaratifs ;
  • Elle est simple dans tous les autres cas.
  • Elle est complète lorsqu’elle porte sur toute la période non prescrite ;
  • Elle est ponctuelle lorsque la période vérifiée est plus courte que le délai de reprise, ou que le contrôle ne porte que sur un point de la situation fiscale de l’entreprise ou sur un impôt déterminé.
  • Elle est étendue lorsqu’en parallèle à la vérification de la comptabilité de l’entreprise est vérifiée la situation fiscale de l’exploitant individuel ou des principaux dirigeants de l’entreprise (par exemple, on engage une ESFP vis-à-vis de l’exploitant individuel).

Ces contrôles approfondis, que l’on appelle couramment « contrôle fiscal », sont ~40 000 par an.

Principe essentiel : ces vérifications s’effectuent sur place, pour permettre l’expression du principe du contradictoire.
On organise un débat avec le responsable de la société.

Comme le dit l’article L13, seuls les contribuables soumis à l’obligation de tenir une comptabilité peuvent être soumis à une vérification de comptabilité.
Cette obligation intègre les comptabilités de type commercial, mais aussi les professions libérales, les exploitants agricoles…

Les documents soumis à vérification sont maintenant le plus souvent sous forme dématérialisée (c’est une évolution du droit intéressante).

Le juge, l’administration fiscale et le législateur ont une conception extensive des documents soumis à vérification.
Par exemple, des relevés de carte bancaire seront considérés comme des documents comptables même lorsqu’ils retracent partiellement des opérations de caractère privé.

De la même manière, des contrôles matériels pourront intervenir au sein de ces entités, notamment quand il s’agit de commerces ou d’entreprises.
Ces contrôles matériels existent notamment afin de vérifier l’état des stocks.

La vérification de comptabilité débouche fréquemment sur un examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques :


2) L’examen contradictoire de la situation des personnes physiques (ESFP)

L’examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques (ESFP) désigne ce que l’on appelle classiquement le « contrôle fiscal ».

Le législateur a été amené à encadrer de + en + fortement les éléments de ce « contrôle fiscal ».
Loi importante : loi du 8 juillet 1987, sur la base des travaux de la commission dirigée par Maurice AICARDI.

En pratique, cette loi du 8 juillet 1987 a remplacé la procédure qui existait originellement, qui s’appelait la procédure de vérification approfondie de la situation fiscale d’ensemble du contribuable (VASFE) et qui était très mal vécue par les contribuables qui les subissaient.

Cette VASFE n’avait aucun fondement législatif, ce qui posait problème.
La loi de 1987 codifie dans le LPF ce qui devient dorénavant l’examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques (l’ESFP).

L’ESFP a pour objectif de vérifier la cohérence entre le train de vie du contribuable et ses déclarations fiscales.

La procédure de vérification de comptabilité ne peut s’appliquer qu’aux contribuables astreints à la tenue d’une comptabilité, et donc qu’aux revenus qui sont soumis à cette comptabilité.
Au-delà de cette vérification de comptabilité, l’ESFP est mise en œuvre pour apprécier le revenu global de ces contribuables (revenus fonciers, revenus salariaux…).

On fait aussi une ESFP pour les contribuables qui ne sont pas tenus à la tenue d’une comptabilité.
Exemple : salariés.

💡
La vérification de comptabilité et l’ESFP sont des procédures indépendantes, qui correspondent l’une et l’autre à ce qu’on appelle couramment « contrôle fiscal ».

Il y a environ 3 000 ESFP par an.

L’ESFP se déroule dans les locaux de l’administration, et non sur place chez le contribuable.
Pour autant, le principe est le même :
permettre l’instauration d’un débat entre le contribuable et l’administration fiscale → permettre l’expression du contradictoire au sein de cette procédure.

§ 2. Le droit de reprise et les délais de reprise

➡️
On passe ici au stade suivant : après les contrôles, l’administration veut reprendre son acte d’imposition initial.

En principe, l’administration ne peut remettre en cause un acte d’imposition que dans le cadre d’un délai de reprise.
L’article L169 du LPF précise que :
”Pour l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l’administration des impôts s’exerce jusqu’à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due.”

Le droit de reprise signifie donc que l’administration a la possibilité de rectifier à posteriori, à la suite de ses interventions et contrôles et sans intervention du juge fiscal, les revenus ou les bénéfices déclarés par le contribuable, et de lui réclamer par conséquent un complément d’imposition.

Dans la plupart des cas, le délai de reprise s’exercera jusqu’à la fin de la 3ème année.
Cela signifie qu’un revenu déclaré au titre de l’année 2022 pourra être remis en cause par l’administration jusqu’au 31 décembre 2025.

Nuance : pour l’impôt sur la fortune immobilière, la règle est la même à l’égard des contribuables ayant souscrit à leur obligation de déclaration ; en revanche, elle est portée à 6 ans en absence de déclaration.

Dans d’autres cas de figure, cette prescription est portée à 10 ans.

Pour les impôts directs locaux qui pèsent sur les ménages, la prescription court jusqu’au 31 décembre de l’année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due.

§ 3. Les procédures de rectification contradictoires

Jusqu’en 2004, on parlait de procédures de redressement.

La procédure de droit commun s’applique lorsque l’administration fiscale constate “une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts” (article L55 du LPF).
Pour autant, la procédure de rectification est animée par le souci d’instaurer un véritable débat contradictoire entre l’administration et le contribuable.

Une proposition de rectification est d’abord adressée au contribuable par l’administration.
Cette proposition doit être motivée, “de manière à lui permettre de formuler ses observations ou faire connaître son acception” (article L57 du LPF).

Suivant la jurisprudence constante du Conseil d’État, une proposition de rectification est suffisamment motivée lorsqu’elle indique clairement la nature des rectifications envisagées, le montant de ces rectifications distinctement identifié par catégories de revenus + par chef de redressement, l’impôt et l’année d’imposition, et que les motifs sont suffisamment explicites pour permettre au contribuable d’engager cette discussion contradictoire.

L’administration, dans cette proposition de rectification, doit indiquer que ces observations ou son acceptation de l’imposition doit lui être retournée dans un délai de 30 jours.
+ Autre mention obligatoire : “le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix pour discuter cette proposition” (L54-B du LPF).
Ce délai de 30 jours ouvre donc le champ à une discussion avec l’administration, sans que celle-ci puisse mettre en recouvrement l’imposition supplémentaire pendant ces 30 jours.
Le délai de 30 jours peut être porté à 60 jours à la demande expresse du contribuable.

En revanche, une absence de réponse vaut accord tacite du contribuable.
La notification de cette proposition de rectification a aussi pour effet d’interrompre le cours de la prescription applicable au droit de reprise de l’administration.

En cas de refus partiel ou total des rectifications par le contribuable, l’administration a l’obligation d’y répondre de manière motivée.
Cette réponse aux observations du contribuable doit indiquer si celui-ci a la possibilité de demander, dans un délai de 30 jours, à ce que le litige soit soumis à la Commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires.

Cette commission est composée de 6 membres : 3 représentants des contribuables choisis parmi des professionnels, tels que des experts-comptables + 2 fonctionnaires de l’administration fiscale + le président du tribunal administratif.
Le président de la commission a voix prépondérante.

Au niveau national, il existe une Commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires pour les très grosses sociétés.

Cette commission a un rôle consultatif : elle rend un avis.
Elle n’est compétente que pour se prononcer sur des questions de fait → elle ne peut pas se prononcer sur des questions de droit.
Mais le législateur a reconnu la possibilité pour ces commissions d’examiner les questions de fait lorsqu’elles concourent à la qualification juridique des opérations.
De même, ces commissions peuvent dorénavant se prononcer sur le caractère anormal d’un acte de gestion ou sur le caractère déductible de certains travaux… → on a étendu leurs compétences.

L’article L59 du LPF indique que, si le désaccord persiste entre l’administration et le contribuable, l’administration – si le contribuable le demande – doit soumettre le litige à la commission.

L’administration peut aussi saisir d’elle-même la commission.
Le rapport qu’elle adresse à la commission est mis à la disposition du contribuable 20 jours avant la réunion de la commission ; le contribuable pourra s’y faire assister par le conseil de son choix.

La loi du 8 juillet 1987 a posé le principe que l’administration supporte la charge de la preuve, quel que soit l’avis de la commission.
Conséquence : l’avis de la commission n’a plus aucune conséquence ; mais on constate dans la pratique que dans la majorité des cas l’administration fiscale préfère se ranger derrière l’avis de la commission.

Le contribuable de bonne foi peut également, aux termes de l’article L62 du LPF, régulariser directement sa situation lorsque lui est notifiée la proposition de régularisation.
Pour ce contribuable de bonne foi, l’engagement de cette régularisation spontanée lui permet d’échapper à toute pénalité. Il devra cependant s’acquitter des intérêts de retard (qui ne sont pas une pénalité au sens fiscal).

§ 4. Les procédures d’imposition d’office

Les procédures d’imposition d’office (+ procédures d’évaluation d’office) sont exorbitantes au droit commun évoqué à l’instant.
Elles ne peuvent être mises en œuvre que dans des cas limitativement énumérés par le LPF (articles L66 et L73).

Pour l’essentiel, on met ces procédures d’imposition d’office en œuvre lorsque le contribuable a omis de déposer, ou a déposé avec retard, les déclarations prescrites par la loi, ou encore lorsque le contribuable s’abstient de répondre aux demandes d’éclaircissement ou de justification adressées par l’administration fiscale.

Les procédures d’imposition d’office et d’évaluation d’office ont pour caractéristique principale de ne pas être contradictoires.
Le contribuable qui s’est placé volontairement dans l’illégalité n’est plus invité à présenter ses observations en défense.
Devant une juridiction, la charge de la preuve lui incombe.

Néanmoins, l’administration est tenue de lui communiquer les éléments retenus pour l’imposition d’office.
Par ailleurs, s’agissant de l’impôt sur le revenu, le contribuable est autorisé à régulariser sa situation dans les 30 jours qui suivent la 1ère mise en demeure.

Section 2 : Les procédures répressives

La sanction joue un rôle déterminant en droit fiscal, en tant que garantie apportée à l’effectivité de ce droit.
Dans un système reposant sur une logique de déclaration, il est essentiel qu’une répression fiscale tout autant effective que dissuasive puisse juguler le phénomène de fraude fiscale.

Il existe 2 grandes catégories de sanctions :

  1. Les sanctions fiscales, qui sont des sanctions pécuniaires appliquées par l’administration elle-même sous le contrôle du juge de l’impôt ;
  1. Les sanctions pénales, qui sont des peines correctionnelles appliquées par les tribunaux de l’ordre judiciaire pour réprimer les délits les plus graves, et notamment le délit de fraude fiscale prévu au CGI.

§ 1. Les pénalités fiscales

⚠️
Les intérêts de retard ne possèdent pas de caractère répressif → ce ne sont pas une sanction.
Le législateur n’a jamais défini la sanction fiscale.
Mais le juge considère comme une sanction fiscale la décision qui vise à réprimer une infraction commise par le contribuable, indépendamment de toute réparation du préjudice financier subi par le Trésor.

A – Les intérêts de retard

L’intérêt de retard a pour seul objet de couvrir le préjudice subi par le Trésor du fait du retard ou de l’insuffisance de paiement par le contribuable → il est indépendant de la sanction fiscale.
Le contribuable de bonne foi échappe à toute sanction, mais il devra s’acquitter des intérêts de retard.

La loi du 8 juillet 1987 a mis de l’ordre en la matière en instituant un intérêt de retard unique, fixé à 0,20% par mois, soit 2,4% par an. Il n’est dû qu’en cas de paiement tardif ou insuffisant, quel que soit la nature de l’impôt concerné ou la nature de l’infraction commise.
L’article 1627 du CGI dispose ainsi que : “Toute créance de nature fiscale, dont l’établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n’a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d’un intérêt de retard.”

B – Les sanctions fiscales

Aux termes de la loi du 10 juillet 1987, seules présentent le caractère de sanction fiscale :
1- les majorations ;
2- les amendes.

  1. Les majorations fiscales sont calculées sur le montant des droits.
    Elles sont proportionnelles aux droits dus par le contribuable.

     

    • Il existe une majoration de 10% qui sanctionne un défaut ou un retard du paiement de l’impôt perçu par voie de rôle.
    • Il existe une majoration de 10% en cas d’inexactitude ou d’omission dans une déclaration, ou plus généralement en cas de manquement délibéré. Elle atteint 80% en cas de manœuvres frauduleuses ou d’abus de droits. Elle atteint 100% dans le cadre d’une procédure d’évaluation d’office.
  1. Les amendes fiscales viennent sanctionner un défaut de diligence ponctuel du contribuable ; exemple : absence de production ou production tardive de documents, fausses factures…
    Elles sont sans lien avec les droits, donc beaucoup plus difficiles à expliciter.

     

    Le CGI contient plus de 200 pénalités fiscales différentes.

§ 2. Les sanctions pénales

L’administration fiscale disposait seule du pouvoir de différer à l’autorité judiciaire, via le dépôt d’une plainte préalable, les auteurs d’infractions passibles de l’application des sanctions pénales en matière fiscale. On appelait ça le verrou de Bercy.

Ce “verrou de Bercy” a été assoupli par la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude.
Désormais, les affaires réputées les plus graves (suivant les critères fixés par le législateur) sont transmises automatiquement au parquet.

Cette évolution a permis un doublement du nombre de dossiers transmis à l’autorité judiciaire entre 2018 (956 dossiers transmis) et 2019 (1826, dont 965 automatiquement).

Cette réforme s’est révélée éminemment positive, parce qu’il est heureux que le juge judiciaire soit saisi largement. Ce pouvoir discrétionnaire laissé à l’administration était problématique en termes d’égalité de traitement des contribuables, surtout au vu des peines encourues.

  • Pourquoi aussi peu de transmissions auparavant ?

    La plainte ne peut être déposée vis-à-vis du juge judiciaire qu’après un avis conforme rendu par le Commission des infractions fiscales.
    L’administration est liée par cet avis ; dès lors qu’elle a rendu cet avis, elle ne peut refuser d’engager les poursuites pour lesquelles la commission a émis un avis conforme. Mais elle reste libre de soumettre le dossier à la commission. C’est ce qui explique que l’administration ne soumettait pas tous les dossiers à la commission.

A – Les délits inscrits au CGI

1) Le délit de fraude fiscale

L’article 1741 du CGI définit le délit de fraude fiscale : “quiconque s’est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement total ou partiel des impôts”.

Ce délit suppose donc la constitution de faits matériels tendant à éluder l’impôt + qu’il y ait une intention délibérée de fraude.
Exemple : falsification de comptabilité.

La fraude fiscale ne doit pas être confondue avec l’évasion fiscale, qui est une utilisation de la loi fiscale la plus favorable sans pour autant la contourner (→ on élude l’impôt sans violer la loi).


2) Les autres délits

  • Article 1743 du CGI : délit de passation d’écriture inexactes ;
  • Article 16-0 BA du LPF : délit de flagrance fiscale ;
  • Article 1741-1 du CGI : délit d’opposition à fonction.

B – Les peines

Les peines encourues devant le juge pénal peuvent aller, pour une personne physique, à 5 ans d’emprisonnement et 500 000 € d’amende (ou une amende tirée du double de l’infraction si supérieure à 500 000 €).
Pour la fraude en bande organisée ou en cas de récidives, l’emprisonnement peut aller jusqu’à 7 ans et 3 millions d’€.

Pour les personnes morales, le plafond des amendes est 5 fois supérieur : maximum 2,5 millions d’€ (faute aggravée : 5 millions d’€).

Peu de peines de prison sont prononcées : environ 40 par an (surtout pour les récidivistes).

Le Conseil constitutionnel considère que le principe qui consiste à ne pas voir le même fait sanctionné 2 fois ne s’applique pas aux sanctions financières pénales et fiscales, parce que seuls les contribuables auteurs des manquements les plus graves peuvent faire l’objet d’une accumulation de sanctions.
Cette logique est d’autant plus vraie du fait de l’automaticité de la saisine du juge en matière de fiscalité.

Section 3 : Les procédures juridictionnelles

Étant donné le caractère complexe, cette loi fiscale peut entraîner des difficultés d’application.
Chaque année, 3 à 4 millions de réclamations contentieuses sont adressés à l’administration fiscale, mais moins de 20 000 aboutissent.

⚠️ Le contentieux fiscal, c’est le contentieux portant sur l’imposition elle-même.
Les règles de procédure applicables obéissent à des logiques différentes.

§ 1. Le contentieux de l’assiette

Le contentieux fiscal en général, et celui de l’assiette en particulier, est original, parce que la procédure impose que soit mise en œuvre une phase administrative avant la phase juridictionnelle.

A – La nature du contentieux

Le contentieux fiscal présente un caractère objectif : la dette du contribuable doit être appréciée par rapport à la loi d’impôt qui en détermine le principe, le montant et les modalités de paiement.

C’est pour ça que le juge de l’impôt doit être doté de pouvoirs qui excèdent ceux du juge de la seule légalité.
Le juge ne se content pas de mettre en œuvre un simple pouvoir d’annulation de l’acte administratif litigieux : il exerce aussi un pouvoir de reformation de la dette fiscale (→ contentieux de pleine juridiction).

Conseil d’État, 29 juin 1962, Société des aciéries de Pompéi :
”Les réclamations et recours formés en matière fiscale relèvent par nature du plein contentieux”.
→ Le juge peut prononcer la décharge ou la réduction de l’imposition ou permettre au contribuable de bénéficier de bénéfices tels qu’un crédit d’impôt.

B – La phase administrative du contentieux fiscal

Préalablement à une éventuelle phase devant l’autorité juridictionnelle, une phase administrative est incluse dans la procédure : c’est la réclamation préalable, qui peut être assortie d’une demande de sursis au paiement de l’impôt.

1) La réclamation préalable

Conseil d’État, 31 octobre 1975, Société Coq-France :
”Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l’administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu’elles tendent à obtenir soit la réparation d’erreurs commises dans l’assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d’un droit résultant d’une disposition législative ou réglementaire”.
Cette solution est aujourd’hui codifiée à l’article L190 du LPF.

La réclamation préalable joue un rôle de filtre en imposant un dialogue qui permet de purger le litige.
Cette réclamation peut être rédigée sur papier libre, avec la signature manuscrite de son auteur.
Elle est adressée par lettre recommandée et doit mentionner l’imposition contestée + contenir un exposé sommaire des moyens et conclusions auxquelles on aspire → le contribuable doit faire valoir une argumentation à l’appui de ses prétentions.

Elle se distingue des demandes gracieuses, qui tendent à solliciter des remises d’impôt ou des remises de pénalité.
L’administration est tenue de se prononcer sur cette réclamation.

L’administration dispose d’un délai de 6 mois pour instruire et statuer ; si elle en informe le contribuable, elle peut s’imposer un délai complémentaire de 3 mois maximum.

Au-delà du délai, le silence de l’administration vaut rejet ; le contribuable peut donc saisir le juge compétent sans qu’aucune délai ne soit imposé.
Les décisions de rejets doivent être motivées par l’administration.


2) Le sursis de paiement

Le contribuable qui fait valoir son droit de sursis doit le préciser dans sa réclamation préalable.
Le sursis au paiement de l’impôt est accordé au terme de l’article L277 du LPF, dès lors que le contribuable offre des garanties qui sont de nature à assurer le recouvrement fiscal.
Aucune garantie n’est requise lorsque que le litige porte sur une somme inférieure à 4 500 €.

Ce sursis n’est pas accordé si les garanties offertes ne sont pas jugées suffisantes par le comptable public chargé du recouvrement.
Cette appréciation est source de contentieux, qui est réglé par la procédure d’urgence : le référé fiscal.

Le référé fiscal est une procédure qui permet au contribuable d’adresser une requête sous 15 jours au juge des référés, qui doit se prononcer dans un délai d’1 mois sur les garanties.

C – La phase juridictionnelle du contentieux fiscal

L’examen de cette phase impose d’avoir réglé la problématique de la répartition juridictionnelle du contentieux fiscal : depuis la Révolution française, il est divisé entre les juridictions administratives et judicaires.

1) La répartition des compétences entre juridictions administratives et judiciaires

La Révolution a organisé le contentieux fiscal par :
> la loi du 22 frimaire de l’an 7 ;
> et la loi du 28 pluviôse de l’an 8.

La loi de l’an 7 (1799) prévoit qu’en matière d’enregistrement, “l’introduction et l’instruction des instances auront lieu devant les départements civils du département ; la connaissance et la décision sont interdites à toute autre autorités constituées ou administratives”.

Ces dispositions ont par la suite été étendues à tous les impôts indirects (= impôts qui ne sont pas susceptibles d’être perçus par voie de rôle).

La loi de l’an 8 (1800) prévoit que le conseil de préfecture, juge administratif d’attribution, “se prononcera sur les demandes des particuliers tendant à obtenir la décharge ou la réduction de leur cote de contribution directe”.

Cette répartition s’explique par des considérations politiques et historiques.
En effet, le système fiscal de l’Ancien Régime était très développé, même si très inégalitaire.
Les révolutionnaires prennent le pouvoir avec la volonté de faire table rase du système fiscal ; ils suppriment donc tous les impôts indirects de l’Ancien Régime, jugés injustes, pour ne garder que les impôts directs.

Cela se matérialise à travers l’adoption de 4 vieilles contributions, qui sont devenues les 4 impôts locaux directs jusqu’en 2010 :
1- la taxe professionnelle ;
2- la taxe d’habitation ;
3- la taxe foncière bâtie ;
4- la taxe foncière non bâtie.

Malgré la disparition des impôts indirects, on n’a pas pour autant été supprimé les droits d’enregistrement, car ces droits sont la preuve que l’on possède tel ou tel bien.
Ils sont attribués au juge judiciaire, car à l’époque il n’y a que lui qui existe.

Lorsque les nécessités financières contraignirent le rétablissement des impôts indirects, seules les juridictions judiciaires pouvaient agir, car ces tribunaux avaient été proclamés comme les gardiens de la propriété et des libertés individuelles → on leur confie le contentieux de l’enregistrement et des impôts indirects.

Aujourd’hui, le juge administratif est compétent en matière d’impôts directs ; par exception, il connaît aussi du contentieux des taxes sur le chiffre d’affaire (dont fait partie la TVA).
→ L’essentiel du contentieux fiscal relève aujourd’hui de la juridiction administrative.

En 2019, la direction générale des finances publiques a défendu 15 187 affaires devant les tribunaux administratifs, contre 699 devant les juridictions judiciaires.


2) Le déroulement de l’instance devant les juridictions administratives

Le contribuable adresse sa requête au tribunal administratif dans les 2 mois suivant la notification de la décision administrative.

Il peut invoquer tous nouveaux moyens pertinents.
La procédure est écrite ; le demandeur n’est pas obligé d’avoir un avocat.

La procédure se concrétise par l’échange de mémoires classiques.
Cette procédure répond aux règles de procédure prévues par le Code de justice administrative.

L’appel du contribuable devant la cour administrative d’appel doit être interjeté dans les 2 mois qui suivent la notification du jugement.
Idem pour le pourvoi en cassation devant le Conseil d’État.


3) Le déroulement de l’instance devant les juridictions judiciaires

Le juge judiciaire est compétent pour l’assiette et la perception des impôts indirects au sens large : taxe de publicité foncière, droit de timbre, d’enregistrement, de succession, de mutation, impôt sur la fortune immobilière, droits indirects à l’exception des taxes sur le chiffre d’affaire…

Difficultés : la CSG et CRDS relèvent soit du juge administratif soit du juge judiciaire.

Tribunal des conflits, 27 octobre 1931, Société Pannier :
Plénitude de juridiction des tribunaux judiciaires en matière fiscale (actes administratifs individuels et règlementaires), contrairement au juge de droit commun.

Devant le juge civil, le contribuable assigne l’administration dans les deux mois suivant sa décision, par acte d’huissier l’invitant à comparaitre devant le juge.

La procédure commence par la remise au secrétaire et au greffe du tribunal d’une copie de l’assignation dans les 4 mois suivant la décision administrative.

Le demandeur n’est pas obligé d’avoir un avocat ; les parties échangent les conclusions par voie de mémoire et peuvent invoquer tous nouveaux moyens.

Les appels et pourvois se font sous 2 mois.

§ 2. Le contentieux du recouvrement

Le recouvrement de l’impôt est susceptible d’alimenter un propre contentieux.
Ce contentieux est provoqué par les mesures au moyens desquelles l’administration tend à assurer l’exécution de l’obligation de paiement de la dette fiscale du contribuable.

Ici, il n’est pas question de discuter de la dette fiscale au fond ; la contestation porte :
> soit sur la régularité en la forme des actes de poursuite ;
> soit sur l’existence de l’obligation ;
> soit sur le montant ou l’exigibilité de la somme réclamée.

La contestation peut aussi porter sur les mesures de recouvrement forcé que l’administration peut effectuer.
En effet, si un recouvrement à l’amiable n’est pas possible, l’administration procède par voie de recouvrement forcé.
Si le contribuable reçoit ce type d’acte, il peut y faire opposition en prétendant que l’acte est entaché d’une irrégularité de forme.

Le juge compétent dans le cas d’une opposition à contrainte est déterminé selon les règles classiques de partage d’imposition → selon la nature de l’impôt, soit le juge administratif, soit le juge judiciaire sera compétent (article L281 du LPF).

§ 3. Les contentieux connexes

Il est possible d’exercer un REP pour demander l’annulation d’un acte administratif illégal ; ici, il ne s’agit pas de contester directement l’imposition qui lui est réclamée (cela relève du juge de l’impôt).
Ici, le contribuable conteste la légalité d’une décision ou d’une circulaire relevant de la loi et qui sort de la logique légale fiscale.

Le REP peut aussi être mis en œuvre à l’égard de décisions individuelles considérés comme détachables de la procédure même d’imposition.
Par exemple, on peut contester par REP la décision de l’administration qui refuse un agrément fiscal.

De la même manière, des recours en responsabilité sont susceptibles d’être engagés par le contribuable lorsque l’administration fiscale a commis une faute lors de l’exécution d’opérations se rattachant à l’établissement ou au recouvrement de l’impôt.
Pour cela, il faut qu’il y ait une faute qui a causé directement un préjudice au contribuable.
Cette faute et ce préjudice sont bien distincts du contentieux porté devant le juge de l’impôt.

Conseil d’État, 21 mars 2011, Krupa :
Abandonne l’exigence d’une faute lourde en matière fiscale : une simple faute suffit pour demander à l’administration la réparation du préjudice subi en raison de son activité administrative d’établissement ou de recouvrement de l’impôt.

Chapitre 1 : Les règles propres à l’élaboration de la norme fiscale

Cliquer ici pour revenir au sommaire de ce cours complet de droit fiscal (L2).

Section 1 : Les fondements constitutionnels du droit fiscal

La matière fiscale proprement dite est assez peu évoquée dans la Constitution de 1958, alors que dans d’autres constitutions, de nombreux articles portent sur la logique fiscale.

Depuis la célèbre décision Liberté d’association de 1971, le Conseil constitutionnel a élargi considérablement le champ des principes auxquels il se réfère lorsqu’il pratique ces contrôles de constitutionnalité.
Cette décision intègre au sein du bloc de constitutionnalité le préambule de la Constitution de 1946 et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

⚠️
La notion de « bloc de constitutionnalité » n’est qu’une doctrine universitaire, mais elle est importante en droit fiscal.

Au-delà de la décision Liberté d’association, le Conseil constitutionnel a rendu une autre décision tout aussi essentielle pour les fiscalistes :
Conseil constitutionnel, 27 décembre 1973, Taxation d’office (n°73-51 DC) :
Pour la 1ère fois, le Conseil d’État se réfère expressément à la DDHC.
→ Départ d’une jurisprudence essentielle en matière fiscale.

Cette jurisprudence en matière fiscale est venue dégager sur la base de la DDHC plusieurs grands principes qui façonnent désormais en profondeur le droit fiscal.

La réforme constitutionnelle essentielle de 1974 a donné la possibilité à 60 députés/sénateurs de saisir le Conseil constitutionnel au regard de la constitutionnalité d’une loi, par exemple fiscale.
Cette possibilité a soumis l’exercice législatif au risque permanent d’inconstitutionnalité qu’il faut impérativement prévenir.

La notion de loi fiscale désigne surtout les lois de finances, voire les LFSS.
Quasiment toutes les lois de finances font l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel.

Cette approche n’a fait que se renforcer depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, avec l’introduction de la QPC.
De très nombreuses QPC ont vu le jour en matière fiscale.

Contrôle de constitutionnalité classique + contrôle en matière de QPC ⇒ jurisprudence constitutionnelle abondante.

On va ici s’intéresser à 3 principes qui sont caractéristiques du droit fiscal :

  1. Le principe de légalité ;
  1. Le principe d’égalité ;
  1. Le principe de nécessité.

§ 1. Le principe de légalité

Le principe de légalité est susceptible de s’entendre de plusieurs façons.

  • En droit administratif, ce principe est utilisé de manière très généraliste pour désigner l’obligation qui pèse sur l’administration de se soumettre au droit.
  • En droit fiscal, il exprime l’idée que les règles qui forment ce droit fiscal ont été posées par le législateur.
    C’est plus précis, parce que cette idée procède directement du principe de consentement de l’impôt que l’on trouve exprimé par l’article 14 de la DDHC.

A – Le consentement de l’impôt, tel que formulé par l’article 14 de la DDHC

Consentir à l’impôt est une donnée majeure dans toute organisation politique : c’est par le paiement de l’impôt que se concrétise l’acte de soumission au pouvoir en place.
L’impôt et son acceptation sont le fruit d’un long processus de maturation des rapports sociaux, qui repose sur une distinction entre consentement à l’impôt et consentement de l’impôt.

Le consentement à l’impôt est de nature sociologique. Il traduit le degré d’acceptation de l’individu vis-à-vis du prélèvement fiscal.
Ce degré d’acceptation varie suivant l’époque et la nature de l’impôt mis en œuvre et traduit des logiques parfois peu rationnelles.

D’une manière générale, en France, le contribuable à plutôt tendance à s’en prendre et à manifester son désaveu vis-à-vis de l’impôt sur le revenu, alors qu’il ne représente que seulement ~20% des recettes fiscales de l’État.
Le contribuable a beaucoup + tendance à ne pas penser à l’imposition indirecte, et tout spécialement à la TVA, qui pèse elle beaucoup plus lourdement sur les ménages français (~45% des recettes fiscales de l’État).
Ce qui est intéressant, c’est que ce sentiment est directement lié à la technique fiscale utilisée : l’imposition directe est ressentie de manière beaucoup plus agressive.

On remarque des phénomènes oppositionnels qui, régulièrement mais ponctuellement, marquent l’histoire de notre pays.
Depuis la 2nde Guerre mondiale, il y a eu 1 mouvement important de révolte fiscale : le poujadisme.
Pierre Poujade monte en 1956 un mouvement qui a eu une importance pendant la 4e République, l’UDCA, qui va réclamer la fin de « l’inquisition fiscale » = pratiques jugées arbitraires de contrôle fiscal de l’administration.
Cela a participé à la chute de la 4e République. L’UCDA a ensuite été relayée par la CIDUNATI.

Plus proche de nous, les mouvements dits des bonnets rouges ou des gilets jaunes procèdent de ces mêmes approches.
Cela ne correspond pas tout à fait à du droit fiscal, mais passionne d’autres sciences comme la sociologie.

Mais le consentement à l’impôt n’est pas le consentement de l’impôt.
Le consentement de l’impôt est la forme seconde et extériorisée de l’acceptation de l’impôt.
En droit, le consentement de l’impôt suppose que soit explicitement acceptée la levée des prélèvements par ceux sur qui en retombe la charge ou par leurs représentants.

C’est ce qu’exprime l’article 14 de la DDHC :

« Tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ».

La logique juridique de consentement n’est donc pas une idée neuve : cette notion a joué un rôle fondamental dans l’existence de nos modèles constitutionnels.
Le régime parlementaire anglais puis le régime parlementaire américain doivent beaucoup à cette logique de consentement de l’impôt ; la Révolution française s’inscrit dans la continuité de ce qui s’est d’abord passé en Angleterre puis aux États-Unis.

→ Le fait de consentir l’impôt par les représentants du peuple est le point de départ du système démocratique, en rébellion contre le système monarchique.

Chronologie historique :

1) La révolution anglaise

Les logiques de la révolution anglaise sont bien connus : c’est le consentement qui est au centre du conflit.

Sous la féodalité, les postes de dépense ordinaires des barons d’Angleterre sont couverts par les recettes de leurs domaines respectifs (ils sont alors + riches que le roi).
Les dépenses exceptionnelles (ex : financement croisade/guerre, paiement d’une rançon…) doivent nécessiter le recours à l’impôt. Pour organiser ces paiements, le roi a besoin du consentement donné par les barons féodaux à de telles dépenses.
C’est ce processus qui est à l’origine du premier acte constitutionnel majeur : en pratique, pour contrôler les opérations royales, le roi Jean Sans Terre se voit imposer par les barons en 1215 le consentement de ses sujets représentés par les barons pour lever l’impôt → Magna Carta.

En 1297, le principe de consentement de l’impôt par le Parlement est confirmé comme loi fondamentale d’Angleterre.
Le Parlement n’était pas composé de représentants du peuple, mais uniquement de représentants aristocratiques. On y ajoute ensuite des contribuables (membres de la bourgeoisie), ce qui entraîne une scission du Parlement en 2, avec :
> la Chambre des lords : représentants exemptés du paiement de l’impôt ;
> la Chambre des communes : représentants concernés par le paiement de l’impôt.

Ce consentement de l’impôt gêne le roi. L’histoire des 13e-15e siècles britanniques est l’histoire d’un monarque qui, à chaque fois qu’il se sent suffisamment fort, cherche à revenir sur ce consentement.
L’histoire s’accélère au 17e siècle, alors Jacques 1er lève de nouveaux impôts sans en référer au Parlement. La Chambre des communes proteste et en 1628 vote une pétition des droits (→ Bill of Rights) réaffirmant qu’aucune taxe nouvelle ne peut être levée sans son consentement, que son autorisation donnée n’est que provisoire, et que le roi doit revenir régulièrement devant elle pour lui demander l’autorisation de continuer à lever l’impôt.

Cette lutte ouverte entre le roi et la Chambre des communes débouche sur une guerre civile, dans laquelle les troupes du Parlement dirigées par Cromwell écrasent les troupes du roi.
C’est la Révolution britannique, qui débouche sur 10 ans de république avant le retour des rois sur le trône en 1660.

En 1688, révolution de palais : la dynastie des Hanovre remplace celle des Stuart.
Cette logique de remplacement de dynastie s’accompagne d’une nouvelle pétition des droits (Bill of Rights) en 1689, qui consacre explicitement ce principe du consentement de l’impôt régulièrement demandé au Parlement et élargit ce consentement à l’ensemble des recettes et dépenses fiscales.

Ce sont ces prérogatives financières qui permettent au Parlement de s’attribuer les pouvoirs législatifs.
Le développement des pouvoirs du Parlement + l’instauration du régime de responsabilité politique du Premier ministre et du gouvernement ⇒ sont directement à l’origine du pouvoir parlementaire.


2) La révolution américaine

Les colonies anglaises d’Amérique étaient initialement placées sous la tutelle du Parlement britannique ; celui-ci reproduit paradoxalement à l’égard des colonies anglais le modèle qu’il reprochait en Angleterre.

En 1765, la chambre des communes décide de créer de nouveaux droits indirects destinés à financer la guerre que l’Angleterre mène vis-à-vis de la France.
Cette décision provoque un tollé général outre Atlantique, où il existe depuis 1619 il existe des Parlements dans chacune des 13 colonies américaines.

Les américains décident de boycotter les produits en provenance d’Angleterre.
Les anglais renoncent à certaines taxes mais vont instituer une taxe plus modique sur le thé.
C’est cette taxe sur le thé qui est à l’origine d’un évènement significatif de l’histoire naissante des futurs États-Unis d’Amérique : la Boston Tea Party.
Un certain nombre de navires britanniques avaient accosté dans le port de Boston ; des américains déguisés en indien prennent d’assaut ces bateaux et jettent dans le port les cargaisons.
Cet évènement est le 1er de la guerre d’indépendance.

En 1776, la déclaration d’indépendance, crée un pouvoir central coordonnant les différents colonies.
Le roi d’Angleterre reconnaît beaucoup trop tardivement que la couronne anglaise ne peut décider d’aucun impôt sur les colonies sans leur consentement ; la paix est signée en 1783.

La constitution de 1787 affirme le principe du consentement à l’impôt après que le pouvoir central (le pouvoir fédéral) ait connu quelques difficultés pour voir les Etats fédérés accepter de leur verser des impôts.
→ La constitution américaine est très marquée par la logique de consentement.


3) La révolution française

Ce qui est intéressant ici, c’est de voir les liens qui existent entre la logique américaine/britannique et la logique française.

Le principe de consentement de l’impôt est tout autant présent au Moyen-Âge en France qu’en Angleterre. Ce principe a en effet été implicitement proclamé par les États généraux de 1314.

💡
Les États généraux sont, sous l’Ancien Régime, l’assemblée représentant les 3 grandes forces politiques du pays (aristocratie + bourgeoisie naissante + clergé).

En 1314, ce qui fonde une reconnaissance implicite de la logique de consentement, c’est la nécessité pour le roi (Philippe le Bel) de financer la guerre qu’il menait dans les Flandres.

L’évolution aurait pu être exactement la même que celle constatée en Angleterre, avec un processus de reconnaissance de + en + affirmé du consentement et l’évolution vers un régime de type parlementaire ; sauf que le pouvoir royal s’en est beaucoup mieux sorti en France et a résisté bien + plus longtemps à cette logique.

Il faudra attendre la révolution de 1789 – une révolution avant tout fiscale, si on regarde les livres de doléance – pour que ce principe de consentement de l’impôt soit consacré dans la DDHC.

Le système fiscal de la monarchie de l’Ancien Régime est très élaboré, mais profondément inégalitaire.
Comment la monarchie a-t-elle pu éviter que ce consentement de l’impôt ne génère autant de crispations qu’en Angleterre ?

Les rois de France réunissent le moins possible les États généraux : ils ne sont pas appelés à se réunir entre 1614 et 1788.
En 1789, la situation financière de la France est tellement désastreuse que le roi Louis 16 n’a plus d’autre solution que de réunir les États généraux pour lever de nouveaux impôts ; mais cette convocation intervient beaucoup trop tardivement.

Il faudra attendre la Restauration pour voir cette règle du consentement se mettre en œuvre dans le cadre parlementaire.
La Charte de 1814 dispose qu’aucun impôt ne peut être établi ni perçu s’il n’a été consenti par les 2 chambres et sanctionné par le roi.
Dès 1817, le contrôle parlementaire est étendu aux dépenses → 1817, c’est le début du droit budgétaire en tant que tel, avec des références essentielles au régime britannique.

Le droit fiscal, c’est d’abord un droit budgétaire.
La France se dote d’un régime parlementaire qui, en dépit de nombreuses vicissitudes et éclipses, a perduré depuis 1815.
La période 1814-1817 est importante : Louis 18, quand il revient, a vécu en Angleterre et s’est imprégné du régime britannique.

Il est clair que ce consentement donné par la représentation nationale est une donnée essentielle de notre ordonnancement juridique.
Ce consentement est aujourd’hui renouvelé chaque année à l’occasion du vote de la loi de finances.

La perception de l’impôt par l’autorité exécutive après autorisation législative s’opère aux termes de l’article 1er de chaque loi de finances de l’année, qui dispose invariablement que « la perception des ressources de l’État et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l’État est autorisée pendant l’année 2023 conformément aux lois et règlements et aux dispositions de la présente loi de finances ».

Cette formulation est essentielle. Elle a changé par rapport aux logiques antérieures : elle évoque les « ressources de l’État » (recettes fiscales, mais pas que) et les « impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l’État » (collectivités territoriales, mais pas que).
Elle est aussi intéressante parce qu’elle affirme « conformément aux lois et règlements et aux dispositions de la présente loi de finances » ⇒ chaque année, on valide le Code général des impôts + le Livre des procédures fiscales + les modifications de la loi fiscale dans la présente loi de finances.

Autrement dit, pour être à jour, il faut consulter : le Code + la loi de finances de l’année, qui va modifier certains points. Cela rend la loi de finances assez peu lisible

La loi fiscale, telle qu’elle est adoptée au travers de cet article 1er, constitue pour les agents de l’administration fiscale non seulement une autorisation de percevoir l’impôt, mais aussi une obligation.
Il existe d’une manière générale une obligation de l’impôt → l’administration est ici en situation de compétence liée, pour respecter le principe de l’égalité.

L’alinéa 5 de l’article 34 de la Constitution prévoit que la loi ne se borne pas à autoriser la perception de l’impôt ; elle en fixe également le statut :

B – « La loi fixe les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures » : article 34 al 5 de la Constitution

La Conseil constitutionnel a précisé que « les dispositions de l’article 14 de la Déclaration de 1789 sont mises en œuvre par l’article 34 de la Constitution« .
Il a mis en œuvre cette logique dans l’une des 1ères décisions QPC : QPC 18 juin 2010, n°2010-5, SNC Kimberly Clark.

Les juristes diront que le principe de légalité fiscale ne doit pas être confondu avec le caractère légal de l’impôt auquel renvoient ces dispositions de la Constitution.
Cependant, le principe de légalité doit être entendu dans le sens le plus général : l’exigence de conformité de la norme inférieure à la norme supérieure.

Si l’impôt s’avère être une matière réservée au législateur (suivant l’article 34 al 5 de la Constitution), ce législateur ne bénéficie pas d’une compétence complètement exclusive.

D’abord, le pouvoir règlementaire s’exerce aussi en matière fiscale, mais il n’appartient au pouvoir exécutif que de fixer les détails d’application de la loi fiscale, sachant que le pouvoir règlementaire autonome est strictement limité.

Ensuite, ce pouvoir législatif peut également être conduit à partager sa compétence fiscale.
Il la partage notamment avec les collectivités territoriales, comme le prévoit l’article 72-2 alinéa 2 de la Constitution : « elles peuvent recevoir toute ou partie du produit des impositions de toute nature ; la loi peut les autoriser à fixer l’assiette ou le taux dans les limites qu’elle détermine ».
→ Le constituant permet aux collectivités territoriales d’exercer un certain pouvoir fiscal dérivé.

Ce pouvoir fiscal dérivé a pour fondement la libre administration des collectivités territoriales (article 72 de la Constitution).
Beaucoup considèrent que ce pouvoir fiscal conféré aux collectivités territoriales est bien trop limité et qu’il conviendrait de pouvoir étendre leur compétence en la matière.

« impositions de toute nature » peut être aussi interprété dans le sens « impositions d’État », mais aussi « impositions locales ».
Il existe un certain nombre d’impôts locaux (taxe foncière, taxe d’habitation…) qui sont des impositions qui font l’objet d’un prélèvement au profit des collectivités sur lesquelles elles n’ont aucun pouvoir. Il y a donc bel et bien un pouvoir fiscal conféré aux collectivités territoriales.

Le Conseil constitutionnel ne leur reconnaît aucunement la moindre autonomie fiscale (2009, Loi de finances pour 2010).

⚠️
Attention à ne pas confondre autonomie financière et autonomie fiscale des collectivités territoriales : l’article 72-2 de la Constitution ne fonde qu’une autonomie financière.

§ 2. Le principe d’égalité

Le principe d’égalité est au coeur même du droit fiscal, car il accompagne les réflexions qui sont menées autour de la théorie fiscale et de la justice fiscale qui y est inhérente.

Le principe d’égalité revêt une place considérable qui ne cesse de croître depuis que le Conseil constitutionnel s’y est référé pour la 1ère fois dans sa décision Taxation d’office (1973), qui marque le point de départ de sa jurisprudence en matière fiscale.

Ce principe se décline selon 2 articles de la DDHC : l’article 13 (égalité devant les charges publiques) + l’article 6 (égalité devant la loi fiscale ; invoqué moins fréquemment).

A – L’égalité devant les charges publiques au sens de l’article 13 de la DDHC

L’article 13 de la Déclaration de 1789 se veut avant tout l’expression de la puissance publique dans toute sa splendeur :

“Pour l’entretien de la force publique et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.”

Dans sa formulation, ce principe est marqué par une certaine forme d’obsolescence (voir introduction du cours).
Cette forme d’obsolescence a aussi permis au juge constitutionnel de faire évoluer le texte, en l’interprétant dans un sens qui correspond aux réalités contemporaines.

Quand il a fallu trancher, en matière d’imposition des revenus, le débat entre proportionnalité et progressivité, il a fallu prendre en compte la distinction capitale entre proportionnalité et progressivité.

Montesquieu, dans L’Esprit des lois, se faisait déjà le partisan de la progressivité de l’impôt, sur le fondement de la Grève antique.
Condorcet, pendant la Révolution, fait lui aussi valoir les mérites de la progressivité ; mais la DDHC impose une conception proportionnelle de l’impôt.

Pendant très longtemps, on a considéré que le principe de l’égalité devant l’impôt était satisfait par l’impôt proportionnel.
Idée : le tarif de l’impôt est le même pour tous, ce qui est égalitaire ; pour autant, le contribuable riche qui se voit appliquer ce tarif paiera plus d’impôts que le contribuable pauvre → la logique proportionnelle a incarné parfaitement la logique de justice fiscale.

Pour beaucoup cependant, il fallait aller beaucoup plus loin.
Certains considèrent que ce qui importe, ce n’est pas l’égalité arithmétique, mais qu’il il faut une égalité dans le sacrifice qui est réclamé par l’administration fiscale à chacun, que seul l’impôt progressif est à même de réaliser.

Par exemple, en matière d’impôt sur le revenu, on a aujourd’hui 5 seuils, qui vont de 0% à 45%.
→ Progressivité.
Si on avait un impôt sur le revenu proportionnel, chacun serait soumis au même taux.

L’égalité répondant à des impératifs de justice fiscale s’appuie sur des impôts progressifs plutôt que sur des impôts proportionnels.

Cette progressivité dans l’imposition est admise partout et est dorénavant érigée à hauteur de principe constitutionnel :

Conseil constitutionnel, 1993, Loi de finances rectificative pour 1993 :
Le Conseil constitutionnel, dans cette décision relative à la CSG, a jugé qu’il serait contraire à l’article 13 de la DDHC de remettre en cause le caractère progressif de l’imposition globale du revenu des personnes physiques en conférant à cette CSG une importance trop forte au travers de taux trop élevés.

💡
Il existe depuis 1917 un impôt sur le revenu dont la vocation est d’être progressif ; sauf qu’à la fin du 20ème siècle, on crée une qu’on a créé à la fin du 20e siècle la contribution sociale généralisée (CSG) sur les revenus, qui est une imposition proportionnelle.

Dans cette décision, le Conseil constitutionnel considère qu’on ne peut pas remettre en cause l’économie générale de l’imposition des revenus en conférant à la CSG une place trop importante, dès lors qu’elle a un caractère proportionnel.

→ En matière d’impôts sur le revenu, constitutionnellement, le prélèvement premier doit être de nature progressiste.

Le Conseil constitutionnel vérifie ici que la vision politique de l’égalité fiscale du législateur s’inscrit bien dans le respect de la Constitution.
Il recherche si le législateur n’a pas méconnu les dispositions de l’article 13 en s’assurant que les discriminations fiscales créées par le législateur sont conformes au principe d’égalité devant les charges publiques.

Il y a un certain paradoxe pour le Conseil constitutionnel en 1993 à se référer à l’article 13 pour concevoir en matière d’impôt sur le revenu un principe d’imposition progressif, alors même qu’en 1789 l’article 13 de la DDHC reposait sur le principe de proportionnalité.

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que d’une manière générale, les contours du principe d’égalité se veulent globalement flous.
Pour autant, le Conseil constitutionnel a entendu conférer au principe une certaine effectivité en matière fiscale, pour 1 raison : parce que le législateur tend à multiplier les dérogations et tend à accorder un régime particulier à certaines catégories de contribuables.

« Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que dans l’un et l’autre cas la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ».
Cette proposition de base du Conseil constitutionnel, inspirée de celle du juge administratif, n’a qu’une portée très relative.
Le juge constitutionnel autorise la mise en place de dispositifs fiscaux dérogatoires ou discriminatoires à 2 conditions :

  1. Il faut que la différence de traitement soit justifiée par un motif d’intérêt général en rapport avec l’objet de la loi fiscale.
    Le juge procède à un contrôle de cohérence au regard du dispositif légal.

     

    Cela a posé problème avec la « taxe Redbull » qui frappait les boissons énergisantes, annulée par le Conseil constitutionnel parce que « pour lutter contre l’alcoolisme » → incohérence entre l’institution de la taxe et l’objectif recherché (décision LFSS pour 2013).

  1. Il faut que la différence de traitement ne soit pas disproportionnée avec le but recherché.
    Autrement dit, le juge constitutionnel procède ensuite à un contrôle de proportionnalité au regard du but poursuivi.

     

    Dans sa décision Loi de finances pour 2013 rendue célèbre, le Conseil constitutionnel annule une taxation au regard de son caractère disproportionné.

→ Critères précis pour la mise en œuvre du principe d’égalité qui la rendent effective.

B – L’égalité devant la loi fiscale au sens de l’article 6 de la DDHC

“La loi est l’expression de la volonté générale ; elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse”.

Cet article 6 de la DDHC a vocation à s’appliquer bien au-delà de la loi fiscale, mais cette égalité doit s’apprécier tout particulièrement à l’égard des règles de procédure fiscale.

Le Conseil constitutionnel le fait dans sa décision Taxation d’office (1973), qui lance toutes les logiques d’égalité en matière fiscale.
Dans cette décision rendue par rapport à la loi de finances de 1974, il considère que le législateur, en introduisant une distinction entre les contribuables au regard de la procédure fiscale qui leur était applicable, « portait atteinte au principe d’égalité devant la loi contenu dans la déclaration des droits de l’homme de 1789 et solennellement réaffirmé par le préambule de la Constitution ».
En l’espèce, une partie particulière des contribuables se voyait seule ouverte la possibilité d’apporter la preuve contraire qui leur permettait de ne pas subir la taxation d’office.

Plus largement, le Conseil constitutionnel s’efforce de dégager un objectif d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi fiscale, qui est exprimé à travers le principe de nécessité :

§ 3. Le principe de nécessité

L’article 14 de la DDHC, qui pose le principe de consentement de l’impôt, se réfère à la « nécessité de la contribution publique » qui peut être constatée par les citoyens ou leurs représentants.
Cette nécessité suggère que le pouvoir fiscal connaît certaines limites qui ne peuvent pas être dépassées.
Les atteintes aux biens / à la propriété / aux libertés individuelles qu’impose la réalisation de l’intérêt général doivent rester strictement nécessaires, parce qu’elles sont indispensables.

L’article 13 évoque le fait qu’une « contribution commune est indispensable ».
Nécessaire ≠ indispensable.
Tout cela implique que, en la matière, il doit y avoir une logique de proportionnalité qui doit s’appliquer.

Les références à la nécessité de l’impôt sont très présentes dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, parce que cette référence permet tout autant aux juges de justifier les prérogatives exorbitantes de la puissance publique et par conséquent de limiter tout excès en la matière.
Autrement dit : ce principe de nécessité est un outil très utile pour le justiciable, parce qu’il permet la conciliation de 2 logiques contradictoires.

2 approches qui vont être développées ici :
1- la rétroactivité de la loi fiscale ;
2- l’intelligibilité / l’accessibilité de la loi fiscale.
Dans cette conciliation de 2 principes contradictoires, s’exprime 1 limite à la rétroactivité de la loi fiscale.

Il n’existe pas de principe général constitutionnel de non rétroactivité de la loi. Le Conseil constitutionnel a affirmé de nombreuses fois que ce principe de non rétroactivité de la loi n’a qu’une valeur législative.
Il l’a notamment affirmé en matière de loi fiscale :
Conseil constitutionnel, 1984, Loi de finances pour 1985 :
”Aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle ne s’oppose à ce qu’une disposition fiscale ait un caractère rétroactif ».

Il s’agit d’un processus assez récurrent en matière de droit fiscal : la matière fiscale a fréquemment recours à la rétroactivité, entraînant une insécurité juridique pour les contribuables.
Globalement, cette insécurité juridique est une plaie et est l’1 des principaux reproches formulés par les étrangers qui travaillent en France.

On estime qu’il y a entre 10 et 15 textes chaque année qui reviennent sur une disposition fiscale.
Cela se fait notamment par des lois de validation, qui valident a posteriori une interprétation de l’administration fiscale contestée (souvent par un jugement) et permettent ainsi d’éviter de potentielles catastrophes financières.

Le juge a posé un certain nombre de conditions quant à l’acceptabilité de la loi fiscale rétroactive.
4 conditions :

  1. Exigence d’un motif d’intérêt général suffisant.
    Le juge peut aller plus loin en exigeant un motif impérieux d’intérêt général selon les circonstances (Conseil constitutionnel, 2014, SELARL PJA / Maflow France).
  1. Interdiction de toute atteinte à l’autorité de la chose jugée.
    On ne peut pas remettre en cause par la loi une décision de justice qui bénéficierait à un contribuable.
  1. Interdiction de rétroactivité pour les situations où sont prononcées des sanctions fiscales plus sévères que celles existantes.
    Ici, le principe constitutionnel en la matière est posé par l’article 8 de la DDHC :
    « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée ».
    Ici aussi, on retrouve la logique de nécessité.
  1. Interdiction de méconnaître une quelconque règle à valeur constitutionnelle, sauf si le but d’intérêt général visé est lui-même de valeur constitutionnelle.

Le juge établit aussi une limite à l’inintelligibilité et à l’inaccessibilité de la loi fiscale :
Conseil constitutionnel, 2005, Loi de finances pour 2006 :
Le Conseil constitutionnel invalide des dispositifs fiscaux d’une complexité « à la fois excessive et non justifiée par des motifs d’intérêt général ».
(cette loi organisait le plafonnement des niches fiscales, mais avec un calcul extrêmement complexe)

Le juge fait découler cette exigence de la combinaison de plusieurs articles de la DDHC : en devenant illisible, la loi fiscale était susceptible de porter atteinte tout autant au principe du consentement de l’impôt comme au principe d’égalité.

Section 2 : Le droit fiscal international et européen

L’article 55 de la Constitution dispose que : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque accord ou traité de son application par l’autre partie ».

Cette disposition constitutionnelle est essentielle en droit fiscal, compte tenu des très nombreux traités ou conventions qui intéressent la fiscalité que la France a signé au regard du développement des échanges internationaux + de la construction européenne.
Si le législateur national est bien compétent pour élaborer la loi fiscale, cette dernière doit respecter les dispositions internationales et européennes qui lui sont supérieures.

Contrairement au droit interne, le droit fiscal international et européen ne fonde pas un système fiscal autonome → il n’y a pas d’impôt européen.
Ce droit fiscal international et européen ne confère pas de base fiscale aux décisions d’imposition.

À quelques exceptions près (harmonisation fiscale européenne), les sources externes du droit fiscal se contentent d’altérer les systèmes fiscaux nationaux et « conduisent à écarter sur tel ou tel point la loi fiscale nationale » (Conseil d’État, 2002, Schneider Electric).
Ces sources externes confèrent aux Etats beaucoup + d’obligations de ne pas faire que des obligations de faire.

§ 1. Les conventions fiscales internationales

La France est pionnière dans le domaine : elle fait partie des États qui ont le + signé avec d’autres États des conventions fiscales internationales, puisqu’elle possède un réseau d’environ 125 traités signés (sur les 200 États que répertorient les Nations Unies).
Historiquement, la 1ère convention fiscale internationale : 1843, entre la Belgique et la France.

Le droit fiscal international est fondé sur des conventions fiscales bilatérales, c’est-à-dire négociées et signées entre 2 États.

A – Le double objet des conventions fiscales internationales

Les conventions fiscales ont un double objet, comme l’illustrent leurs titres : « convention entre le gouvernement de la République française et [État] en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscale ».

1) Prévenir les situations de double imposition

L’impôt est vieux comme le monde, mais l’émergence d’une problématique fiscale internationale est beaucoup plus récente.
Dans le cadre du développement des échanges internationaux est apparue la problématique de la double imposition, résultant de l’appréhension d’une même matière imposable par 2 États qui entendent l’un comme l’autre pouvoir exercer leur souveraineté fiscale.

Dans la pratique, un contribuable voit son revenu être imposé 2 fois dans l’État où va être né ce revenu (État de la source) + dans l’État où il réside (État de résidence).
Cela est évidemment insupportable pour le contribuable. Il est clair qu’une telle réalité se veut profondément néfaste pour le développement des activités et échanges économiques.

Le recours à des règles de droit s’avère ici absolument indispensable.
La convention fiscale a pour objet d’organiser le partage de l’imposition entre les 2 juridictions fiscales.
Objectif : que les États s’entendent entre eux pour se partager le gâteau.

💡 Il ne s’agit pas ici de concevoir de nouvelles règles fiscales, mais de déterminer quelle est la règle de droit qui s’applique en fonction de la nature du revenu ou du bénéfice qui aura été réalisé.
→ Organiser la répartition des compétences fiscales entre 2 Etats qui sont en situation de concurrence.

Objectif : éviter un sentiment de spoliation du contribuable + éviter que la multiplication de ce phénomène entraîne un tarissement de l’activité économique.


2) Lutter contre la fraude et l’évasion fiscale internationales

L’autre objectif principal poursuivi par cette convention fiscale internationale est de lutter contre les phénomènes de fraude et d’évasion fiscale en évitant qu’un contribuable ne paie pas d’impôts ou paie moins d’impôts dans chacun des 2 États concernés en se servant (souvent en toute légalité) des législations fiscales différentes et plus favorables d’un État vis-à-vis de l’autre.

Les États développent des instruments de coopération entre administrations fiscales.
Ces coopérations entre États se matérialiser en échange de renseignements ou en aide au recouvrement des impositions.

Au-delà de ces approches, ces conventions fiscales intègrent aussi des « dispositifs anti-abus », généralement en vigueur dans les droits nationaux.
Objectif : empêcher les contribuables de bénéficier des avantages procurés par la convention au travers de montages totalement artificiels.

Ont pu aussi être insérées dans des conventions certaines clauses qui se veulent aussi protectrices des intérêts et des droits des contribuables.
Exemple : clauses de non discrimination sur la nationalité dans les conventions internationales.

B – L’élaboration des conventions fiscales internationales

1) Le modèle conventionnel OCDE

Le développement de ces logiques conventionnelles correspond à la fin de la Première Guerre mondiale.
C’est la Société des Nations (SDN) qui est à l’origine de ce processus, dans la mesure où l’élaboration de ce droit conventionnel est favorisée par les travaux des organisations internationales qui vont se succéder (SDN → ONU → OCDE).

Originellement, la SDN voit dans la solidarité économique le meilleur moyen d’éviter un nouveau conflit mondial ; elle cherche donc à éliminer le plus d’obstacles de nature à limiter les échanges commerciaux internationaux, notamment les doubles impositions.
Dès 1921, elle décide d’engager des travaux relatifs à la double imposition. En 1928, il est décidé de mettre en place un projet de convention type pour éliminer ces problèmes de double imposition.
Ce projet est présenté en 1943, porté par des pays émergents ; il est repris et présenté à Londres en 1946.
En raison de l’opposition entre pays développés et en développement, le projet est abandonné.

L’OECE, fondée en 1948 pour gérer les fonds du Plan Marshall, devient OCDE en 1961, reprend ce travail de conception d’un modèle en matière de double imposition.
En 1963, un 1er modèle est proposé en matière de revenus et de fortune ; depuis 1971, ce modèle est régulièrement remis à jour.

La France, pour élaborer ses conventions fiscales, utilise le modèle de l’OCDE.

Les pays en développement ont de leur côté tenté, de la même manière, mais dans le cadre plus général des Nations Unies, de développer un modèle permettant de mieux appréhender les relations fiscales entre pays développés et pays en développement.
Le modèle de l’ONU est adopté en 1979 et est mis à jour régulièrement.

Le principal intérêt de ce modèle ONU est de donner la possibilité d’apporter un certain nombre de correctifs aux conventions fiscales bilatérales signées avec un État en développement afin de leur permettre d’accéder plus largement à la faculté d’imposer les revenus trouvant leur source sur leur territoire.
→ Le modèle ONU est un instrument de développement économique des États en développement.


2) Conventions bilatérales et conventions multilatérales

L’OCDE estimait en 2019 le nombre de conventions fiscales bilatérales signées à travers le monde à 4500, ce qui est considérable.

Une convention très récente et originale a été préparée par l’OCDE et signée en 2017, que l’on a qualifié d’instrument multilatéral : MLI.
L’objet de cet instrument multilatéral est de permettre de modifier d’un seul tenant l’ensemble des conventions fiscales bilatérales auxquelles sont parties les États signataires.
En effet, la signature ou la re-signature d’une convention est un processus très lent, alors même que le développement des modèles de l’OCDE est rapide. De plus, la révolution numérique est un processus de nature à dénaturer le droit consigné dans les modèles conventionnels.
Il est donc nécessaire d’avoir un instrument multilatéral permettant de modifier mécaniquement les conventions bilatérales antérieurement signées.

Cela permet d’intégrer à l’ensemble des conventions bilatérales les nouveaux dispositifs de lutte contre l’érosion de la base imposable et les transferts de bénéfices proposés par l’OCDE.
Cet instrument permet d’être particulièrement efficace dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale internationales.

C – La portée des conventions fiscales internationales

Les conventions fiscales signées par la France se doivent d’être ratifiées ou approuvées pour entrer en vigueur, aux termes de l’article 53 de la Constitution :
« Les traités qui modifient la loi ou qui engagent les finances de l’État ne peuvent être ratifiées ou approuvées qu’en vertu d’une loi ».

Autrement dit, la signature d’une convention fiscale internationale impose que, d’un point de vue formel, le Parlement la ratifie.
L’exercice se veut purement formel : il ne peut modifier aucun des termes d’une convention entre 2 États.

D’un point de vue protocolaire / diplomatique, il conviendra d’échanger les instruments de ratification. Juridiquement, ce n’est qu’à partir du moment que cet échange a lieu que la convention existe.

En droit français, il faut que la convention fasse l’objet d’une publication au Journal officiel → marque l’entrée en vigueur de la convention.

Dès lors que cette convention est entrée en vigueur, d’un point de vue juridique, cette convention fiscale se veut supérieure à la loi fiscale nationale (article 55 de la Constitution).
Pour autant, le juge fiscal (= le Conseil d’État) fait prévaloir une conception singulière, qui semble contredire au 1er abord la lettre de l’art 55 de la Constitution.
Cela résulte de la traduction que fait le juge fiscal du principe de subsidiarité dans l’appréhension et dans son application aux conventions fiscales.

1) Le principe de subsidiarité des conventions fiscales

Pour comprendre la position du Conseil d’État, il faut mettre en œuvre un raisonnement assez subtil.
Selon le juge français, les conventions fiscales ne peuvent bénéficier que d’une application subsidiaire. Cela signifie que le Conseil d’État se préoccupe d’abord de la loi nationale, avant de s’intéresser à la mise en œuvre de la convention fiscale.
→ Le droit international intervient dans un second temps.

Le juge vérifie d’abord que l’imposition contestée a été établie en respectant fidèlement la loi nationale. Ce n’est qu’en cas de réponse positive que, dans un second temps, il vérifie que la qualification de la situation qui résulte de la loi se veut conforme ou pas aux stipulations de la convention internationale (= que la loi nationale ne viole pas la convention).

La position du Conseil d’État tient dans son refus d’apprécier directement l’éventuelle contrariété d’un acte d’imposition à une convention internationale, et cela compte tenu précisément de son objet général :


2) L’appréhension de la convention fiscale par le juge de l’impôt

Conseil d’État, 2002, Schneider Electric :
Une convention fiscale « ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l’imposition ». « Elle ne peut au moins que conduire à écarter sur tel ou tel point la loi fiscale nationale ».

Derrière ces formulations sont perceptibles toutes les limites de ce droit fiscal international, reposant essentiellement sur ces conventions fiscales bilatérales.
Ces conventions ne peuvent déroger aux dispositions du droit national que pour aller dans le sens d’une limitation de la double imposition.

La convention fiscale bilatérale ne peut donner un fondement autonome à l’application de l’impôt.
Autrement dit, cette convention a besoin de la loi nationale.
→ Caractère subsidiaire de la convention.

Il convient donc pour le juge d’appliquer prioritairement la loi nationale, et de faire subsidiairement en échec ses effets dans l’hypothèse où une convention fiscale s’opposerait à ses dispositions.
→ Respect de l’article 55 de la Constitution.

§ 2. Le droit fiscal de l’Union européenne

Le droit fiscal national porte de + en + la marque du droit fiscal européen, dans la mesure où les règles fiscales qui s’imposent au contribuable ont de + en + pour origine le droit de l’UE.

A – Le droit primaire

Le droit fiscal de l’UE fait peser d’importantes contraintes sur les États membres.
Cela s’exprime en particulier dans le cadre du droit primaire au regard des dispositions prévues par les traités, et notamment par le premier d’entre eux : le traité de Rome, signé en 1955.

Ces contraires s’expriment au regard des interdictions fiscales posées + des grandes libertés définies. Pour l’essentiel, c’est la CJUE qui se veut être la garante de leur respect.

1) Les interdictions fiscales posées par les Traités

Les concepteurs du traité de Rome avaient pour aspiration de créer un marché commun, sans aucune restriction.
Or la fiscalité constitue une entrave à la réalisation de ce marché commun.

Exemple : la prohibition des législations fiscales des États membres qui produisent des effets équivalents à des droits de douane (parce que le marché commun fait tomber les barrières douanières).

Exemple : la prohibition des impositions intérieures qui se veulent discriminatoires des étrangers (souvent sur le fondement de la nationalité).

Exemple : la prohibition des règlementations nationales de nature à générer des entraves fiscales.

Exemple : l’encadrement très strict des aides d’État prises en la forme fiscale et de nature à fausser la libre concurrence qui caractérise ce grand marché commun.

Ces obligations de ne pas faire en matière fiscale sont expressément prévues par le texte pour que les États ne mettent pas, par l’intermédiaire de la fiscalité, des mécanismes qui entravent la mise en œuvre du marché commun.


2) Le respect des grandes libertés définies par les Traités

On part ici de l’idée que d’une manière générale la fiscalité reste une compétence importante des États membres.
Pour autant, ils se doivent de respecter les grandes libertés qui sont définies dans l’article 26 du TFUE :
”Le marché intérieur comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée selon les dispositions des traités.”

Sont ainsi garanties :

  • La libre circulation des marchandises (articles 28 à 37 du TFUE) ;
  • des personnes (articles 26 et 67 du TFUE) et notamment des travailleurs (articles 45 à 48) ;
  • des services (articles 56 à 62 du TFUE) ;
  • des capitaux (articles 63 à 66 du TFUE) ;
  • la liberté d’établissement (articles 49 à 55 du TFUE).

En termes de droit primaire, le juge européen dispose de sources d’interprétation lui permettant de garantir le respect de ces logiques.

B – Le droit dérivé

1) L’harmonisation de la fiscalité indirecte

Le Traité (le TFUE, auparavant le Traité de Rome) ne prévoit expressément que l’harmonisation des taxes sur le chiffre d’affaires (TCA ; inclut notamment la TVA) et autres impositions indirectes assises sur les transactions économiques (article 113).

Parmi les plus belles réalisations de l’Europe, il y a certainement l’harmonisation remarquable réalisée en matière de TVA.
Cette harmonisation résulte des termes de la « 6ème directive TVA » (17 mai 1977), qui a harmonisé l’ensemble des assiettes pour tous les États membres de l’UE en matière de TVA, laissant aux États la seule possibilité de fixer le taux de TVA, avec une contrainte essentielle : si la France décide de modifier le taux de TVA, elle doit préalablement obtenir l’unanimité en la matière de la part de l’ensemble des autres pays membres de l’UE.

Pour passer la TVA à 10% pour les restaurateurs, le président Chirac a dû passer 10 ans à convaincre ses partenaires !

Les droits d’accises désignent la création de taxes complémentaires à la TVA susceptibles de frapper la consommation de tel ou tel produit spécifique (ex : droits particuliers sur le tabac, les alcools, le pétrole…).
Cette logique de création de taxes complémentaires à la TVA est fortement encadrée par une autre directive du 28 novembre 2006.
Sans cette directive, il y aurait un risque à voir les États créer des fiscalités indirectes particulières sur de nombreux produits, qui pourrait compromettre toutes les logiques d’harmonisation en matière de TVA.
On se contente donc d’impôts très emblématiques sur quelques produits particuliers, sous contrôle très poussé de l’Union européenne.


2) Les rapprochements en termes de fiscalité directe

Les impôts directs qui frappent le revenu ou la fortune n’ont pas à faire l’objet du même processus d’harmonisation, parce que les traités ne le prévoient pas.
Pourquoi ? Parce que les États sont trop soucieux de leur souveraineté fiscale, mais aussi parce que les impositions directes ne contrarient pas à priori les logiques d’échanges commerciaux (donc l’UE ne peut pas s’en prévaloir).

L’harmonisation existe pourtant à minima, en particulier au regard des logiques d’impôt sur les sociétés. Cette harmonisation est poussée par l’UE et concerne principalement certains aspects de la fiscalité des groupes de sociétés.
Par exemple, le “régime mère-fille” a fait l’objet d’une directive du 23 juillet 1990, dans le contexte du développement du marché intérieur.

La Commission européenne tente de promouvoir certains projets de directives qui permettraient une imposition homogène des bénéfices des entreprises pour l’ensemble de leurs activités européennes.
On peut notamment citer le projet de directive ACCIS (”assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés”).


3) Les avancées dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale internationale

La directive du 19 décembre 1977 oblige les administrations fiscales nationales à s’assister mutuellement dans l’échange d’informations, en matière de fiscalité indirecte ou directe.

La directive du 9 décembre 2014 met en place un principe d’automaticité de transmission des informations en matière fiscale, ce qui change tout (par rapport notamment au grand duché du Luxembourg !).

La Commission multiplie les initiatives, notamment pour faire adopter par les États la directive ATAD (Anti Tax Avoidance Directive) qui vise à prévenir les comportements d’évasion fiscale agressive, notamment en interdisant les montages artificiels permettant les évasions fiscales vers des paradis fiscaux.

§ 3. Le droit de la Convention européenne des droits de l’homme

A – L’article 6 §1 de la Convention EDH ou le droit au procès équitable

Article 6 §1 de la Convention EDH :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

Ces conditions ont entraîné plusieurs condamnations de la France, jusqu’à ébranler durement le Conseil d’État, qui a été obligé de repenser son organisation et notamment le rôle du commissaire du gouvernement après le célèbre arrêt Kress contre France.

En matière fiscale, l’article 6 paragraphe 1 a notamment trouvé à s’appliquer en matière de sanctions fiscales.
C’est d’autant plus vrai que la CEDH a décidé d’écarter le contentieux de l’établissement de l’impôt à l’application de cet article 6 paragraphe 1 → tout ce qui concerne l’application de l’impôt ne peut pas être invoqué devant le juge européen.

Arrêt essentiel : CEDH, 2001, Ferrazzini contre Italie :
Limite la portée de l’article 6-1 dans la sphère fiscale.

B – L’article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention EDH ou le droit au respect des biens

Au vu du caractère confiscatoire que présente l’impôt, un certain nombre d’affaires ont été évoquées devant la CEDH.

L’article 1er du 1er protocole additionnel prévoit que :
”Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ; nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international”.

Ici encore, l’article précise que ce dispositif ne remet pas en cause « le droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois […] pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes ».

Exemple : le fisc fait usage de son droit de préemption sur un immeuble acquis par des particuliers pour insuffisance de prix payé (article 688 du CGI, abrogé en 1996 suite à la condamnation de la France par la CEDH avec l’arrêt Hentrich contre France de 1994).
Ici, le fisc a fait valoir son droit d’acheter un bien avec une logique de minoration du prix qui aurait normalement dû être demandé et obtenu dans le cas d’une vente à un particulier.

Section 3 : La loi fiscale

Il s’agira ici de tirer toutes les conséquences de l’article 34 alinéa 5 de la Constitution, qui confère au législateur le soin de fixer les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature.

§ 1. La législation fiscale

A – Lois ordinaires et lois de finances

La compétence fiscale s’exerce par le biais de la loi ordinaire, qui est soumise à la procédure habituelle de discussion parlementaire.

Pour autant, il est d’usage normal que le législateur adopte des dispositions à caractère fiscal dans les lois de finances (lois de finances initiales + lois de finances rectificatives + loi de financement de la sécurité sociale + LFSS rectificatives), car ce sont des dispositions qui affectent chaque année l’équilibre budgétaire et financier développés dans ces textes.

Le fait, pour le gouvernement, d’insérer un dispositif dans une loi de finances plutôt que dans une loi ordinaire est tout sauf anodin, car cela lui assure que la mesure sera adoptée au terme d’un délai limité et que la mesure pourra être adoptée plus facilement au regard des logiques de vote (le processus de navette entre les chambres est interdit en matière de lois de finances).

Cela s’effectue au détriment d’une discussion beaucoup plus approfondie et d’un meilleur consentement démocratique.
C’est pour ça que de nombreuses lois ordinaires contiennent aussi des dispositions à caractère fiscal, le plus souvent pour permettre d’atteindre les objectifs poursuivis par la loi, qui peuvent être de nature économiques, sociaux, environnementaux, …

Dès lors, ces dispositifs fiscaux peuvent aussi figurer dans des codes législatifs qui sont différents du seul Code général des impôts.
Par exemple, il y a des dispositions fiscales dans le Code de la sécurité sociale, dans le Code de l’environnement, dans le Code général des collectivités territoriales

B – Les processus de codification

Le Code général des impôts (CGI) est aujourd’hui constitué d’1 partie législative suivie de 4 annexes regroupant les textes règlementaires.

En 1981, les dispositions relatives aux procédures et aux recours ont été détachées du CGI pour figurer dans un autre code appelé Livre des procédures fiscales (LPF).
Ce LPF est divisé en 3 parties : la partie législative + la partie règlementaire des décrets + la partie règlementaire des arrêtés.

Cet ensemble de textes qui figurent dans le CGI et dans le LPF se veut très complexe et très technique. Au fil du temps, il est devenu illisible.

Il faut préciser que la situation a récemment évolué au regard du processus de réorganisation du recouvrement en matière fiscale.
La Direction générale des douanes et des droits indirects a vu ses compétences diminuées pour mettre en œuvre une mesure de simplification administratives → mise en place d’un « guichet unique ».

Le gouvernement a ainsi organisé le transfert de la DGDDI au profit de la DGFiP de la compétence pour le recouvrement des accises que constituent les droits sur les tabacs, les alcools et les huiles minérales.

Ce transfert s’est accompagné d’une réforme de certaines procédures fiscales, qui se voient alignées sur le régime applicable à la TVA.

Un nouveau code a été créé : le Code d’imposition des biens et services (CIBS).
Il a pour objectif de consolider en 1 seul ensemble de nombreux textes qui n’étaient pas codifiés, en limitant leur volume et en présentant les impositions par secteur d’activité.
Cette approche a été centrée dans un 1er temps sur les énergies/alcools/tabacs/industries ; il a ensuite été étendu à la TVA et aux autres impositions sectorielles sur les biens et services.

§ 2. L’application de la loi fiscale

A – L’application dans le temps

Il est quasiment impossible d’avoir une loi fiscale non rétroactive, sauf en matière de sanction fiscale.

En effet, l’application de la loi fiscale dépend nécessairement de faits générateurs.
Ici, un fait générateur est un évènement ou un acte juridique dont la particularité est de faire naître la dette fiscale.

Pour de très nombreux impôts, le fait considéré comme juridiquement générateur de l’impôt vient en pratique venir clôturer une période (le plus souvent, 1 année civile, aussi appelée 1 exercice).
Le 31 décembre de l’année considérée va correspondre précisément à ce fait générateur ; l’impôt va être calculé en fonction du droit applicable au 31 décembre.

Par exemple, l’article 1er de la loi de finances pour 2023, datée du 30 décembre 2022, dispose qu’elle s’applique :
« 1° À l’impôt sur le revenu dû au titre de l’année 2022 et des années suivantes ;
2° À l’impôt sur les sociétés dû au titre des exercices clos à compter du 31 décembre 2022″.

Cela veut dire que le texte va s’appliquer à tous les actes économiques et à toutes les décisions de gestion qui ont été pris depuis le 1er janvier 2022, sur la base d’une règlementation en vigueur qui avait été déterminée par la loi de finances 2022.

Autrement dit, aujourd’hui, le contribuable qui pensait être imposé le 1er janvier sur la base d’une règlementation en place à l’époque verra s’appliquer in fine une nouvelle règlementation qui se met en œuvre rétroactivement et qui ne procure pas forcément les mêmes avantages.

Pour l’impôt sur le revenu + sur les sociétés : il y a une rétroactivité inhérente aux actes économiques et de gestion pris par l’individu ou la société.

Aujourd’hui, on prend une décision sur la base du droit existant qui a été adopté dans le cadre de la loi de finances pour 2023, tout en sachant que cette loi pourra voir son régime être remis en cause dans la loi de finances pour 2024.

B – L’application dans l’espace

En matière fiscale, le principe de territorialité est soumis à quelques particularismes.

Normalement, le territoire fiscal de la France correspond à son territoire étatique.
On constate cependant que les collectivités d’outre-mer (auparavant territoires d’outre-mer) ne sont pas soumises au Code général des impôts.
En effet, les collectivités d’outre-mer bénéficient d’une certaine autonomie en matière fiscale, à tel point que la France, pour respecter cette autonomie fiscale, conclut avec elles des conventions fiscales visant à éviter les doubles impositions (comme elle le fait avec des États étrangers).

Exemples : Nouvelle-Calédonie, mais aussi dans une certaine mesure la Corse…

D’une manière générale, certains endroits font l’objet de discriminations positives, prévues au Code général des impôts.

La nationalité du contribuable importe peu : le Code général des impôts développe une conception mondialiste du revenu du contribuable qu’il entend frapper dans toutes ses dimensions (nationale ou étrangère).
Autrement dit, pourront être imposées chaque année en France l’ensemble des revenus d’origine française ou étrangère perçus par toute personne française ou étrangère qui a son domicile fiscal en France.

Cette conception maximaliste s’estompera dès lors que la situation du contribuable correspondra à l’une des situations prises en compte par une convention fiscale internationale signée par la France.
Objectif : éviter que le contribuable se fasse imposer 2 fois (dans le pays étranger + dans le pays dans lequel il développe ses activités).

Section 4 : Les sources d’origine règlementaire

Il ne faut pas oublier que le pouvoir règlementaire garde un pouvoir d’édiction de normes qui se veut essentiel.

§ 1. Les textes fiscaux règlementaires

A – Les dispositions règlementaires nationales

Les dispositions règlementaires nationales regroupent l’ensemble des décrets et arrêtés ministériels susceptibles d’intervenir en matière fiscale.
Ces actes doivent être conformes à la loi dont ils assurent l’application + sont inférieurs à la loi.

Autrement dit, si le contribuable estime qu’un tel acte est illégal, il saisit le juge administratif par un REP ou en soulevant une expression d’illégalité.

Le droit fiscal n’est pas uniquement composé de règles d’imposition : il comporte tout autant des règles de procédure qui sont suivies par l’administration fiscale.
En ce qui concerne les règles de procédure, il convient d’établir une distinction :

  • D’une part, il y a les règles relatives à la procédure contentieuse, qui vont s’appliquer en cas de contestation de l’imposition par le contribuable ;
  • D’autre part, il y a les règles de procédure non contentieuses, c’est-à-dire les règles d’établissement de l’imposition par l’administration.

Conseil constitutionnel, 14 mai 1980, n°80-113 L :
Concernant les règles de la procédure contentieuse, « les dispositions de la procédure à suivre devant les juridictions civiles ou administratives relèvent de la compétence règlementaire ».

Conseil constitutionnel, 2 décembre 1980, n°80-119 L :
Les règles de procédure non contentieuse (= règles relatives à l’établissement de l’imposition) sont indissociables de l’imposition auxquelles elles se rapportent ; elles relèvent dès lors de la compétence du législateur.

Conseil constitutionnel, 4 avril 1968, n°68-51 L :
Les dispositions qui organisent de manière interne l’administration fiscale relèvent de la compétence de l’autorité règlementaire.

B – Les dispositions règlementaires locales

Les dispositions règlementaires locales sont les délibérations qui sont adoptées en matière fiscale par les collectivités locales dans le cadre de leur libre administration (→ principe constitutionnel garanti à l’article 72 de la Constitution).

En matière locale, on retrouve les modes classiques d’organisation de la vie démocratique : c’est l’assemblée délibérante (conseil municipal/départemental…) qui prépare le budget.
Un certain nombre de décisions interviennent en matière de fiscalité locale ; certaines sont des décisions qui reviennent chaque année : le Code général des impôts, à son article 1636B sexies, indique que l’assemblée délibérante des collectivités compétentes détermine chaque année – dans les limites imposées par la loi – les taux des taxes foncières, de la taxe d’habitation, de la cotisation foncière des entreprises.

Le législateur peut aussi laisser à la collectivité territoriale la possibilité de créer ou d’aménager une imposition qu’il a lui-même créée.
Exemple : la taxe de séjour, que chaque collectivité peut instituer ou pas (article L2333-26 du CGCT).

Le CGCT laisse aussi les collectivités choisir entre la taxe fiscale ou la redevance pour financer leurs services de ramassage des ordures ménagères.

§ 2. L’interprétation du droit fiscal par l’administration

La doctrine administrative en matière fiscale est particulièrement riche.

A – La notion de doctrine administrative ou fiscale

Ce phénomène de doctrine administrative n’est absolument pas un phénomène récent, puisque dès la période révolutionnaire le pouvoir central a exprimé le besoin d’expliciter les nouveaux textes fiscaux qui venaient d’être adoptés.
En effet, tout gouvernement doit expliquer à ses agents la législation qu’ils sont chargés de mettre en œuvre et d’appliquer.

La complexité des textes fiscaux explique parfaitement qu’un effort de pédagogie soit opéré.
Cette doctrine cache ainsi la délivrance d’un « mode d’emploi » des lois fiscales.

Cette démarche permet aussi d’appliquer uniformément la loi fiscale sur l’ensemble du territoire → respect matériel du principe d’égalité devant l’impôt pour les contribuables.

Cette doctrine se distingue de la loi fiscale par sa clarté.
C’est cette clarté de la doctrine qui explique pourquoi les agents de l’administration fiscale ont pris l’habitude de d’abord s’y référer plutôt que de se référer à la loi fiscale.

Cela pose des problématiques d’opposabilité de la doctrine : derrière cette doctrine, il y a une prise de position de l’administration fiscale vis-à-vis de laquelle le contribuable a pu se référer et sur le fondement de laquelle il a pu construire sa situation fiscale.
Dès lors, une telle prise de position par l’administration est de nature à conférer des droits aux contribuables.

B – Les différents types d’interprétations réalisées par l’administration

Cette doctrine est le produit de 2 formes d’interprétation :

  1. Une interprétation des textes fiscaux par l’administration de manière spontanée.

    Celle-ci s’exprime principalement au travers des instructions, circulaires et autres notes publiées au Bulletin officiel des impôts (BOI).
    Elles sont rédigées en forme générale et impersonnelle par les services centraux de Bercy, à destination de tous les agents des impôts.
    Elles ont vocation à assurer la mise en œuvre de la loi fiscale en apportant précisions et commentaires.
    Elles sont assortis de conseils, d’exemples, de précautions…
    Ce sont des textes qui s’imposent aux agents de l’administration et qui n’ont pas de caractère contraignant à l’égard du contribuable, mais qui ont en pratique une portée considérable parce qu’il est nécessaire de s’y référer.

    On en compte environ 200 par an → volume considérable.
    L’administration publie tous les ans un précis de fiscalité à destination de ses agents, qui regroupe l’essentiel des dispositions que ces agents doivent appliquer.
    Les réponses ministérielles apportées aux questions des parlementaires sont intégrées à cette doctrine dès lors qu’elles sont publiées au JORF.

  1. Une interprétation qui se réalise à la demande du contribuable et qui est formulée par rapport à sa situation personnelle.

    Cette forme tend aujourd’hui à se développer de façon importante.
    Ici, l’administration interprète une situation de fait.

    Derrière cette forme d’interprétation, on trouve tout ce qui concerne les rescrits, qui sont des prises de position formelles de l’administration fiscale sur l’application d’une norme à une situation de fait décrite loyalement dans une demande présentée par un contribuable.
    Il y a ~20 000 rescrits émis par la DGFIP chaque année.

Introduction au cours de droit fiscal (L2)

Cliquer ici pour revenir au sommaire de ce cours complet de droit fiscal (L2).

On cherchera ici à définir le droit fiscal au travers de l’impôt.

L’adoption de la loi de finances pour 2023 constitue le fondement de l’action de l’administration fiscale, qui est ainsi autorisée pour cette année 2023 (depuis le 1er janvier) à percevoir l’ensemble des impôts consentis par les votants, conformément aux règles et dispositions en vigueur telles qu’elles sont codifiées au sein du Code général des impôts (CGI) complété par le Code des procédures fiscales (aussi appelé Livre des procédures fiscales).

Gaston Jèze donne au début du 20ème siècle la définition suivante de l’impôt :

”L’impôt est une prestation pécuniaire requise des particuliers, parfois de l’autorité, à titre définitif et sans contrepartie, dans le but d’assurer la couverture des charges publiques.”

Cette définition est d’une grande modernité : elle demeure tout à fait valable, alors même que la matière fiscale est repensée à chaque loi de finances.
La permanence de cette définition mérite le respect.

Les recherches effectuées par le professeur Olivier Négrin indiquent que cette définition n’a pas été donnée par Gaston Jèze.
Elle ne daterait pas du début du 20e siècle, mais elle aurait été donnée dans les années 1950-1960 par le doyen Duverger.

La doctrine a une grande importance en matière fiscale.
⚠️ Elle ne doit pas être confondue avec le terme de “doctrine”, très communément utilisé en droit fiscal, qui fait référence à la doctrine administrative.
La doctrine administrative, aussi appelée doctrine fiscale, correspond à l’ensemble des positions adoptées par l’administration fiscale, qui vont pouvoir lui être opposables par le contribuable en cas de différend.

La définition donnée par Gaston Jèze constitue le point de départ de la définition de l’impôt, même si elle mérite d’être complétée ou précisée sur certains points.

Section 1 : Les certitudes entourant la définition doctrinale de l’impôt

§ 1. L’impôt, un prélèvement pécuniaire

Les langages ont évolué : la notion de “prestation” dans la définition de Gaston Jèze est impropre à l’heure actuelle.
Il convient de lui substituer le terme de “prélèvement”.

L’impôt est, en pratique, payé en argent, mais ça n’a pas toujours été comme ça.
Le paiement en nature était tout à fait courant au Moyen-Âge ; l’impôt constitué par la corvée a subsisté sous l’Ancien Régime jusqu’en 1787.

La Révolution a prohibé le paiement en nature, mais cette logique survit encore dans notre droit positif par l’intermédiaire de l’article 1716 bis du Code général des impôts.
Cet article autorise les héritiers à remettre à l’État, après un agrément des ministres du budget et de la culture, des œuvres d’art en paiement de droits de succession.
C’est ce qu’on appelle une dation.
Un certain nombre de dations ont déjà été réalisées (par exemple : dations Picasso ou Chagall).

§ 2. L’impôt, un prélèvement obligatoire effectué par voie d’autorité

L’impôt est avant tout une manifestation de la souveraineté de l’État : la possibilité donnée à l’État de lever l’impôt constitue assurément l’une des manifestations susceptibles d’illustrer le mieux le pouvoir d’État (le « pouvoir régalien »).

C’est via le pouvoir fiscal de l’État que résident les plus belles prérogatives de puissance publique.

Cet impôt a pour caractéristiques principales d’être :
> établi de manière unilatérale ;
> levé en utilisant la contrainte.

Il existe un appareil de contraintes et de sanctions, dont l’objet est de faire pression sur le contribuable pour l’obliger à payer.
Objectif : que le contribuable s’acquitte de sa dette fiscale.

Si le contribuable ne respecte pas ses obligations fiscales, alors il s’expose à la mise en œuvre de ces prérogatives de puissance publique.

La fiscalité génère chez les contribuables des phénomènes passionnels, généralement hostiles : sentiments de spoliation, de confiscation, d’arbitraire…
On comprendra dès lors que ce pouvoir fiscal se doit d’être organisé et encadré.
→ Cet encadrement est la finalité première du droit fiscal.

Les entités commerciales sont tout autant soumises à ce prélèvement obligatoire : la définition de Jèze devrait donc être complétée.
En effet, les personnes morales paient aussi des impôts.
On préfère donc le terme de contribuable.

§ 3. L’impôt, un prélèvement définitif

Le caractère définitif de l’impôt permet de distinguer l’impôt de l’emprunt.
L’emprunt donne toujours lieu à un remboursement assorti d’intérêt ; au contraire, quand l’individu paie un impôt, il n’a plus aucune chance de voir l’État lui rembourser la chose assortie d’intérêts quelques années plus tard.

Or, depuis quelques années, il existe ce qu’on appelle l’emprunt forcé.
Celui-ci est imposé par l’État. Il se rapproche de l’impôt car dans ce cas, le souscripteur (= le contribuable) est dans l’obligation de souscrire, mais se voit reconnaître une créance contre l’État, qui produit donc des intérêts.

Par exemple, l’impôt sécheresse est institué en 1976 dans un contexte de grande sécheresse.
Pour aider les agriculteurs, l’État décide d’un emprunt sécheresse, qui est en réalité un emprunt forcé : à partir d’un certain niveau de revenu, les contribuables se voient imposer un montant supplémentaire, restitué quelques années plus tard.
Cet emprunt forcé, qui avait pris la dénomination d’impôt, a permis de régler une crise conjoncturelle → il peut donc se révéler utile.

§ 4. L’impôt, un prélèvement sans contrepartie déterminé

A- Le principe de la non-affectation de l’impôt à la couverture d’une dépense précise

D’un point de vue juridique, l’absence de contrepartie déterminée est l’un des éléments absolument essentiels de l’impôt.

Le principe d’universalité veut que l’on confonde en 1 seule masse l’ensemble des recettes, pour lui imputer ensuite l’ensemble des dépenses.
→ Impossible d’affecter un impôt à une dépense.

La contrepartie existe pourtant bien : même si le contribuable ne reçoit rien concrètement, il bénéficie de l’ensemble des services publics instaurés par les personnes publics.

Ce principe a des conséquences juridiques importantes :

  1. Le paiement de l’impôt n’est pas une condition de l’accès aux services publics : tout citoyen a un droit d’accès aux services publics, qu’il paie l’impôt ou non.
  1. Les conditions dans lesquelles le produit de l’impôt est utilisé ne peuvent être utilement contestées devant le juge de l’impôt.
    La notion d’impôt exclut que le contribuable puisse se prévaloir de l’absence de contrepartie pour refuser de s’acquitter de sa dette.

    Dans la jurisprudence, un contribuable estimait qu’il n’avait pas recours au service public d’enlèvement des ordures ménagères et ne voulait donc pas payer la taxe d’enlèvement.
    Le juge n’a pas accédé à sa demande.

B – La problématique des taxes fiscales et des impositions affectées

Il y a des exceptions à ce principe. Elles ne sont pas très nombreuses, mais elles concernent des volumes financiers très importants.

La taxe fiscale est différente de l’impôt.
Elle se définit comme un prélèvement pécuniaire perçu par l’État, une collectivité territoriale ou un établissement public sur le bénéficiaire d’un avantage particulier qui lui a été procuré à l’occasion du fonctionnement d’un service public.

La taxe se distingue ici de l’impôt par le fait qu’elle constitue nécessairement la contrepartie d’un service public.

Par exemple, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères est une ressource très importante pour les collectivités territoriales (7 milliards d’euros par an). Elle est due même si l’occupant de l’immeuble ne l’utilise pas.

⚠️
Il faut faire attention au terme de “taxe”.
Par exemple, la “taxe sur la valeur ajoutée » ne constitue pas une taxe fiscale, mais bien un impôt.

Une taxe fiscale vient de disparaître : la taxe audiovisuelle, qui était payée sur la détention d’une télévision.

Des secteurs entiers bénéficient de prélèvements fiscaux qui, par nature, leur sont affectées.
La CSG (contribution sociale généralisée) et la CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale) en constituent les plus beaux exemples.
💡 Le montant de la CSG est aujourd’hui supérieur au montant de l’impôt sur le revenu.

→ Les finances sociales bénéficient de ressources qui lui sont affectées.

Comment expliquer ce processus de fiscalisation de la sécurité sociale ?
Les besoins sont devenus tellement importants que le mode classique de financement n’arrivait plus à couvrir les prestations sociales.
Dans un 1er temps, on a créé des impositions spécifiques pour assurer cette couverture, notamment la CSG (à des taux très bas).
On a ensuite augmenté le taux de cette CSG.

Les cotisations sociales sont perçues sur les salaires des personnes qui travaillent.
Autrement dit, c’est un prélèvement qui est limité, qui s’est construit sur l’emploi et qui a dès lors pour conséquence de surenchérir le coût du travail.

Pour compenser la perte de la taxe foncière, on a dû trouver une recette de substitution pour les départements ne percevant plus la taxe foncière.
On a voulu utiliser la CSG, mais on n’a pas pu, puisque sinon on n’aurait plus eu assez pour financer la sécurité sociale.

On considère que ces exceptions au principe, notamment en matière sociale, ont un intérêt particulier : la création ou l’augmentation des impôts est plus facile à réaliser pour les autorités publiques vis-à-vis des contribuables, dès lors que ces mêmes contribuables savent à quoi va servir le nouvel impôt que l’on crée.

Par exemple, les augmentations sur le tabac (très importantes et récurrentes) ont moins de difficultés à être mises en œuvre dès lors que l’on fait passer dans l’opinion publique l’idée qu’elles sont corrélées à la couverture de santé qui ne cesse d’augmenter en raison de l’augmentation du nombre de cancers des poumons dus au tabac.

De la même manière, on constate la mise en œuvre de logiques fiscales « pollueurs payeurs », qui génèrent des ressources affectées à des organismes qui agissent en faveur de la transition énergétique tels que l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie).

L’article 2 de la LOLF a été grandement précisé pour beaucoup mieux encadrer ces affectations.

Ces impositions affectées posent problème d’un point de vue politique, en faisant croire qu’il y aurait des dépenses plus légitimes que d’autres.
Cela pose aussi problème, car on risque d’arriver dans une situation où le contribuable n’accepte l’impôt que s’il sait à quoi sert cet impôt.

§ 5. L’impôt, un prélèvement destiné au financement des charges publiques

Il s’agit de l’élément constitutif de la définition de Jèze qui a le plus mal vieilli et pour lequel il faut apporter un certain nombre de précisions.

La fonction première de l’impôt, de manière classique, est celle du financement des charges publiques ; mais l’impôt exerce aujourd’hui d’autres fonctions.

A – Le principe de la fonction budgétaire classique de l’impôt

La notion de charge publique utilisée par Jèze a pour résultat de faire que l’impôt est perçu exclusivement au profit des personnes morales de droit public (État, collectivités territoriales, établissements publics).

Cela pose problème parce que, en droit français, des organismes de droit privé sont susceptibles d’être bénéficiaires d’impositions de toute nature.

La couverture des charges publiques est certes l’objet essentiel et premier de l’impôt.
Cette expression renvoie à une autre expression de Gaston Jèze restée célèbre en droit des finances publiques selon laquelle « il y a des dépenses, il faut les couvrir ».
Idée : la couverture des dépenses publiques est l’objet de l’impôt → conception de l’État qui, économiquement, se voulait et se faisait neutre.

La neutralité de l’impôt permettait d’en restreindre l’importance.
Objectif : que l’impôt ne pèse pas trop sur les finances des contribuables, libres dès lors d’utiliser les fonds ainsi disponibles comme ils l’entendaient à leurs entreprises personnelles.

B – La problématique des autres fonctions contemporaines de l’impôt

Les fonctions de l’impôt moderne se veulent autant sociales qu’économiques.

La dimension sociale se fait particulièrement sentir au regard des logiques de redistribution que l’impôt comporte désormais.
→ Considérations de justice et d’égalité fiscale.

On constate un mouvement de personnalisation de l’imposition, avec une différenciation progressive au regard des capacités contributives de chacun.

L’impôt est un outil particulièrement efficace pour soutenir les activités économiques en général.
Cela se matérialise souvent au travers d’exonérations fiscales.
Cela remet en cause l’objectif premier évoqué dans la définition de Gaston Jèze (→ la couverture des charges publiques).

On a développé la fiscalité incitative (ou fiscalité comportementale), destinée via l’impôt à infléchir dans un certain sens le comportement du contribuable en société.

L’impôt “écologique” en constitue un exemple typique.
Il vise à faire disparaître une pollution ; mais en faisant cesser la pollution, on fait cesser l’activité, il n’y a donc plus d’impôt.
La fiscalité écologique a donc vocation à disparaître.

Par exemple, les impôts sur le carburant ont vocation à faire disparaître à terme les voitures.
→ Approche éloignée de la préoccupation de couverture des charges publiques.

Section 2 : Les incertitudes entourant la définition légale de l’impôt

Paradoxalement, ce n’est pas la notion d’impôt qui est aujourd’hui retenue au sein de l’ordonnancement juridique.
Le constituant de 1958 a préféré la notion de “impositions de toutes natures”, alors que la Constitution de 1946 parlait bien “d’impôts”.

Cette notion d’impositions de toutes natures n’est pas arrivée à convaincre depuis son instauration.
La notion de prélèvements obligatoires semble être privilégiée : en effet, c’est cette notion que le législateur organique utilise dans la LOLF de 2001.

Idée : on cherche ici à appréhender le plus largement possible la matière fiscale.
L’enjeu est loin d’être neutre : derrière ce qui apparaît comme une bataille sémantique, c’est la compétence du législateur qui est en question, conformément à l’article 34 de la Constitution.

§ 1. La référence constitutionnelle aux impositions de toute nature

Il y a ici à l’évidence une volonté d’élargir le champ d’application de l’impôt, jugé trop restreint au regard de la conception traditionnelle (= conception de Gaston Jèze).

A – La notion d’impositions de toutes natures inscrite dans la Constitution de 1958

C’est très volontairement que le constituant de 1958 utilise l’expression « impositions de toutes natures ».

Les rédacteurs de la Constitution de la 5e République ont reçu des avis et conseils particulièrement éclairés, notamment de la part de Gilbert Devaux, directeur du Budget à l’époque.
Celui-ci a proposé à la commission constitutionnelle du Conseil d’État en charge de l’examen du projet de constitution d’écarter la notion d’impôt, qu’il estimait beaucoup trop restrictive dans un contexte interventionniste.
Idée : l’impôt ne va pas permettre à l’interventionnisme étatique de s’exprimer pleinement.

En effet, il considère que le contexte économique nécessite un interventionnisme important, qui sera de nature à générer des prélèvements obligatoires qui ne correspondent pas exactement à la définition juridique de l’impôt tel que classiquement entendu.

Au-delà de cette inscription dans la Constitution, il n’a pas été fait usage dans la pratique de la notion d’impositions de toutes natures conforme à l’idée du constituant.
Cette notion, telle que précisée par Gilbert Devaux, avait vocation à « viser toutes les obligations de payer une somme d’argent qui ne résulte ni d’une obligation contractuelle, ni d’un contrat, ni du Code civil, ni du Code de commerce, ni du Code pénal ».
Il s’agit d’une définition par défaut (ex : les amendes ne sont pas incluses dans la liste, donc ne sont pas considérées comme des impôts).

B – Impôts, taxes et parafiscalité

Les impositions de toutes natures ne sont pas les seuls prélèvements auxquels il faut se soumettre.
La notion de soumission est ici importante, car elle renvoie à la logique d’obligation.

Dans la pratique, ces nouvelles impositions de toute natures correspondent aux impôts, mais aussi aux taxes fiscales.

La notion de taxe parafiscale n’est pas comprise dans les impositions de toutes natures.
Elle n’existe plus, ayant été supprimée par la LOLF de 2001.
La taxe parafiscale était à l’époque décrite par l’article 4 de l’ordonnance de 1959 (= texte antérieur à la LOLF, abrogé le 1er janvier 2005) comme étant opérée « dans un but économique et social, au profit d’une personne morale de droit public ou privé, autre que l’État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics administratifs ».

D’un point de vue organique, ce sont globalement des EPIC (= personnes publiques) + des organismes de droit privé qui bénéficient de ces taxes parafiscales.
La nature juridique de l’organisme bénéficiaire constitue la principale caractéristique de la notion.

La taxe parafiscale ne comporte aucune contrepartie directe et immédiate → elle répond à toutes les autres définitions et logiques propres à l’impôt.

Ce concept de parafiscalité est directement issu de l’interventionnisme économique propre à l’époque et à son développement tous azimuts.
La taxe parafiscale était imaginée pour permettre l’intervention économique :

  • Des personnes morales de droit public qui mettent en œuvre des mécanismes de gestion privée (jurisprudence Conseil d’État, 1921, Bac d’Eloka) ;
  • Et des organismes de droit privé qui sont requis pour certaines missions de service public (jurisprudence Conseil d’État, 1935, Etablissements Vézia).

Il y a de nombreux exemples, qui sont propres à cette période de l’après-guerre, et notamment les offices professionnels.
Par exemple, l’Office national des céréales perçoit une taxe pour le financement des actions dans le secteur céréaliers.

Cet interventionnisme économique a une certaine légitimité quand il s’agit de personnes publiques, mais est plus compliqué quand ce sont des personnes privées investies d’une personne publique qui prélèvent ces taxes très proches de l’impôt.

Dès la création de la notion, beaucoup de taxes parafiscales ont été instituées, notamment au profit d’organismes de droit privé, pour remplir ces nouvelles missions de service public.
Contexte : interventionnisme politique tous azimuts de l’État, qui essaie de répondre au mieux à l’explosion de la demande consécutive à la reconstruction + aux Trente Glorieuses.

Centres techniques industriels, comités internes professionnels… sont des exemples de personnes morales de droit privé chargées de missions de service public.
Exemples de missions qui leur sont conférées : recherche de nouveaux débouchés professionnels, recherche de financements pour faire évoluer certaines techniques, …

L’article 4 de l’ordonnance de 1959 prévoyait que les taxes parafiscales étaient établies par décret en Conseil d’État pris sur le rapport du ministre des Finances et du ministre intéressé.
→ Intervention initiale de l’autorité règlementaire.

Bien plus tard, un décret du 30 octobre 1980 est venu appréhender cette réalité qui avait tendance à se surdévelopper, en limitant la durée de vie de ces taxes parafiscales à 5 ans.
Cependant, certaines taxes parafiscales ont perduré au-delà de 5 ans ensuite…

prévoyait que le législateur intervienne au travers d’une autorisation annuelle, en votant un état spécifique annexé à la loi de finances répertoriant l’ensemble des taxes parafiscales.

La notion de taxe parafiscale s’inscrivait donc dans un régime hybride : l’initiative d’une taxe parafiscale relève d’une autorité règlementaire, mais celle-ci est votée par le Parlement.

  • Un exemple de taxe parafiscale : la “redevance” audiovisuelle

    On parlait de « redevance » alors même que la logique relevait de la taxe parafiscale.
    Cette qualification est une aberration, parce que tous les éléments constitutifs de ce prélèvement auraient dû la faire ressortir dans la catégorie de taxes fiscales à proprement parler.

    Cette qualification de taxe parafiscale relève de la décision n°60-8 DC du 11 août 1960 du Conseil constitutionnel et illustre son manque d’indépendance vis-à-vis de l’exécutif à l’époque.
    💡 À l’époque, le Conseil constitutionnel est perçu comme un instrument de pouvoir visant à limiter les prérogatives du Parlement.

    En étudiant la question du prélèvement opéré sur la détention d’une télévision, le Conseil constitution refuse de lui reconnaître la nature de taxe fiscale, qui l’aurait fait tomber dans l’escarcelle du pouvoir législatif au titre de l’article 34.
    Pour faire plaisir au pouvoir exécutif, il préfère le qualifier de taxe parafiscale et ainsi lui faire bénéficier de ce régime hybride.
    La télévision était, à l’époque, un outil majeur de communication du gouvernement…

§ 2. La référence organique aux prélèvements obligatoires

La loi organique du 1er août 2001 (la LOLF) abroge l’ordonnance de 1959 à compter du 1er janvier 2005.
Ce nouveau texte se réfère à la notion “d’impositions de toutes natures”, mais fait aussi état d’une nouvelle notion : celle de “prélèvements obligatoires”.

A – La notion de prélèvements obligatoires inscrite dans la LOLF de 2001

La LOLF introduit une modification conséquente et essentielle : la notion d’impôt y est remplacée par la notion d’impositions de toutes natures.
Elle corrige un paradoxe de l’ordonnance de 1959, qui n’intégrait pas dans sa rédaction cette notion d’impositions de toutes natures et continuait à se référer à la notion d’impôt.

L’article 3 de la LOLF, au titre des mesures budgétaires de l’État, parle ainsi “d’impositions de toutes natures » et respecte donc la préférence constitutionnelle.

Mais cela ne veut pas dire que cette notion d’impositions de toutes natures a « enfin gagné la partie ».
Parallèlement, l’article 52 de la LOLF prévoit que le gouvernement présente au Parlement, à l’ouverture de la session ordinaire, un rapport dit « de la nation » qui retrace “l’ensemble des prélèvements obligatoires ainsi que leur évolution”.
Donc parallèlement à l’officialisation de la notion d’impositions de toutes natures, on consacre juridiquement la notion de prélèvements obligatoires, qui jusqu’à présent était utilisée pour ne refléter que des réalités exclusivement économiques (elle était utilisée notamment par l’Insee).
→ Juridicisation du concept, ce qui ne va pas sans poser un certain nombre de difficultés.

La notion de prélèvements obligatoires est assez commune.
Elle était notamment utile pour la mesure, à l’échelle des pays, du ratio entre l’ensemble de leurs prélèvements obligatoires et leur PIB.

Le Conseil des impôts, organisme associé à la Cour des comptes et chargé de réaliser certaines études en termes de fiscalité, a été créé par décret en 1971.
Il a évolué dans sa nature, dans son fonctionnement et dans son nom pour devenir aujourd’hui le Conseil des prélèvements obligatoires.
→ Autre forme de juridicisation du processus.

B – Impôts, taxes et prélèvements sociaux

La notion de prélèvements obligatoires intègre les cotisations sociales.

⚠️
Il ne faut pas confondre les cotisations sociales et les impôts affectés à la Sécurité sociale. Ce sont 2 logiques totalement différentes.

La consécration des prélèvements obligatoires aura eu pour mérite de permettre la mise en valeur d’une catégorie d’impositions dont la caractéristique principale est de se voir affecter au régime de sécurité sociale.
Cette catégorie porte le nom d’impôts et taxes affectées (ITAF).

Les ITAF se distinguent des cotisations sociales en suivant le même régime juridique que celui des impôts et des taxes fiscales.
Ils relèvent par conséquent de la compétence du législateur, alors que le montant des cotisations sociales relève de la compétence du pouvoir règlementaire.

Section 3 : Les conséquences de l’absence de définition normative de l’impôt

Le législateur ne définit pas la notion d’impôt : il a laissé à la doctrine le soin de le faire.
En conséquence, bon nombre de prélèvements se voient exclus de la catégorie des impôts, alors même qu’ils auraient pu éventuellement prétendre à être concernés.
Par ailleurs, il existe des zones grises où existent des prélèvements fiscaux innomés/sui generis, qui sont inclassables.

§ 1. L’exclusion par nature des prélèvements non fiscaux

Certaines prélèvements se voient exclus de la catégorie des impôts parce qu’ils ne sont pas obligatoires (comme les redevances) ou parce qu’ils relèvent expressément du pouvoir exécutif (comme les cotisations sociales).

A – Impôts versus redevance pour services rendus

L’article 5 de l’ordonnance de 1959 définit la redevance comme la « somme versée par les usagers (⚠️ ≠ contribuables) d’un service public ou d’un ouvrage public ».

La redevance se distingue de l’impôt au regard de la logique non obligatoire inhérente à la notion : on n’est absolument pas dans l’obligation d’utiliser le service public ou l’ouvrage public.

L’autre différence est que la contrepartie est directe et immédiate.
Il doit y avoir une utilisation effective de l’ouvrage + une équivalence de la redevance ainsi demandée et de la valeur du service ainsi rendu.
Cette condition a été posée par un arrêt : Conseil d’État, 1958, Syndicat national des transporteurs aériens.

Ces éléments et cette théorie permettent de distinguer la redevance de la taxe fiscale (→ pas d’équivalence).
Problème : cette théorie établie en 1958 est quelque peu remise en cause au travers d’un certain nombre de décisions plus récentes du Conseil d’État, dans la mesure où la définition que le juge administratif va donner de la redevance emporte de moins en moins référence à cette théorie de l’équivalence financière.

Exemple : Conseil d’État, 2003, Commune de St-Paul c/ Mme Carier :
« Considérant que constitue une redevance pour service rendu, toute redevance demandée à des usagers en vue de recouvrir les charges d’un service public ou les frais d’établissement et d’entretien d’un ouvrage public et qui trouve sa contrepartie directe dans les prestations fournies par le service ou dans l’utilisation de l’ouvrage ».
→ Plus aucune référence à la logique d’équivalence financière.

La collectivité territoriale met en œuvre la taxe d’enlèvement des ordures ménagères ; sauf qu’il existe aussi à côté une redevance pour enlèvement des ordures, déchets et résidus, qui va entraîner la suppression de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.
Ici, cette redevance a un champ d’application + étendu que cette taxe. Cette mission est souvent confiée à une entreprise privée.
Cette solution est loin d’être indifférente pour les usagers, parce que la redevance est calculée en fonction de l’importance du service rendu.
Conséquence : si on n’a pas besoin de ce service offert par la collectivité, alors on n’aura pas à payer la redevance, contrairement à la taxe d’enlèvement des ordures ménagères qui est payée sans lien avec le niveau des ordures jetées.

L’article 5 de ordonnance 1959 a posé le principe d’une compétence règlementaire en matière de redevances pour services rendus → le coût de la redevance n’a pas à être autorisé par l’autorité législative.
Une redevance au niveau de l’État ne peut être perçue qu’avec un décret en Conseil d’État, pris sur le rapport du ministre des Finances et du ministre intéressé.

La LOLF ne modifie pas la nature règlementaire de la redevance, même si elle prévoit une petite nouveauté : les décrets créant ces redevances deviennent caduques s’ils ne font pas l’objet d’une ratification par la plus prochaine loi de finances afférente à l’année de leur constitution.

B – Impôts versus cotisations sociales obligatoires

L’ordonnance du 4 octobre 1945 a instauré un régime général de sécurité sociale.
Ce régime, d’un point de vue organique, entraîne une particularité : un certain nombre d’organismes locaux (caisses régionales et caisses primaires → organismes de droit privé) se superposent à des organismes nationaux (établissements publics administratifs type CNAM).

Le droit aux prestations sociales octroyé par ces structures est lié d’une part à l’affiliation obligatoire des personnes aux différents régimes de sécurité sociale et d’autre part au versement de cotisations sociales aux organismes gestionnaires.

Le produit des cotisations ne s’effectue pas au profit de personnes publiques, mais d’organismes privés (caisses primaires).

Au contraire de l’impôt, qui normalement n’est pas affecté à un régime spécifique, ces cotisations sociales le sont tout spécialement pour la couverture des dépenses sociales.

Si l’on revient à la définition de taxe parafiscale, il y a 2 conditions : un but social + le fait qu’elle soit versée à des organismes de droit privé.
Donc les cotisations sociales répondaient à l’époque parfaitement aux caractéristiques de l’article 4 de l’ordonnance du 2 janvier 1959, puisque ce sont bien des prélèvements prélevés dans un but social au profit d’une personne morale de droit privé.

Pourtant, il n’y a pas eu d’affiliation des cotisations sociales aux taxes parafiscales, pour une raison assez ubuesque : une liste des prélèvements bénéficiant aux organismes a bel et bien été constitué, sauf que cette liste a été constituée sur la base d’organismes bénéficiaires qui échappaient jusqu’alors au contrôle de la Cour des comptes.
Or, il s’avère que les organismes de sécurité sociale étaient soumis, depuis l’ordonnance de 1945, au contrôle de la Cour des comptes.
Assez logiquement, les organismes de sécurité sociale et les cotisations sociales n’ont pas été concernées par le recensement ainsi opéré dans cette période.

La détermination du taux des cotisations sociales relève, selon une pratique constante depuis 1945, du pouvoir règlementaire, dans la mesure où ce pouvoir règlementaire est amené à intervenir après ou pendant les négociations sur le sujet intervenant entre partenaires sociaux.
La sécurité sociale relève d’une gestion tripartite au regard précisément de cette intervention du gouvernement.

L’article 34 de la Constitution dit que le législateur est compétent pour fixer les principes fondamentaux de la sécurité sociale et ses seuls principes fondamentaux.
Les modalités échappent à la compétence du législateur et relèvent donc du pouvoir règlementaire.

La jurisprudence du Conseil constitutionnel est venue ici préciser ce qu’il fallait entendre par « principes fondamentaux de la sécurité sociale ».
En matière de cotisations, elle a considéré que relevait de ces principes fondamentaux :
> la création des cotisations ;
> la détermination des personnes assujetties ;
> la fixation des règles d’assiette et de recouvrement ;
mais qu’en revanche ne relevait pas des principes :
> la fixation des taux de cotisation, qui appartient par conséquent à l’autorité gouvernementale.
Une information est faite en termes de PLFSS.

Au regard de la logique de taxes parafiscales : il n’y a plus rien à regretter quand au fait qu’éventuellement les cotisations auraient pu y être intégrées, puisque la LOLF en 2001 a procédé à la suppression de toutes ces taxes.
Elles ont fait l’objet de transformations : le ministère des Finances a procédé à leur fiscalisation.
Par exemple, la taxe parafiscale audiovisuelle (appelée « redevance » !) est logiquement devenue taxe fiscale.

💡
En conclusion, la notion d’impositions de toutes natures correspond à la réunion des impôts et des taxes fiscales.
Les redevances sont exclues en raison de leur caractère non obligatoire et les cotisations sociales sont exclus en raison de vicissitudes historiques et jurisprudentielles.

§ 2. L’existence de prélèvements fiscaux innommés, sui generis

La jurisprudence plus récente du Conseil constitutionnelle témoigne d’une tendance à considérer de manière restrictive la compétence règlementaire en la matière.
Quand les contours d’un prélèvement sont indécis, il fait basculer par défaut le prélèvement en cause dans la catégorie des impositions de toute nature.

Cette jurisprudence a permis de limiter le nombre des impositions « quasi fiscales » ou « innommées ».
Ce cours ne rentre pas dans le détail, parce qu’elle sont de moins en moins fréquentes. Il y en a un certain nombre au niveau local, notamment dans tout ce qui a trait à la voirie urbaine.

Il existe ainsi toute une série de prélèvements pour lesquels on a des difficultés à savoir s’ils relèvent de la fiscalité ou de la redevance.
Le Tribunal des conflits rend de nombreux arrêts en la matière.

Sommaire : cours complet de droit fiscal (L2)

Ce cours complet de droit fiscal est inspiré de celui donné par Matthieu Conan à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne en 2023.

Partie 1 : Notions fondamentales du droit fiscal

Titre 1 : La réglementation fiscale

Titre 2 : La régulation fiscale

Partie 2 : Techniques et régimes d’imposition

Titre 1 : Les procédés de répartition de la charge fiscale entre les différents contribuables

Titre 2 : Les principaux régimes d’imposition constitutifs du système fiscal contemporain

Cette partie du cours n’a pas été abordée en 2023.