Chapitre 6 : Éléments de classification technique

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Les impôts sont multiples et sont traditionnellement classés en grandes catégories.
Ces classifications techniques ont pour mérite de préciser certaines définitions générales.

Section 1 : Impôts réels et impôts personnels

Le choix entre un impôt réel ou personnel consiste à se demander si, dans la détermination de la matière imposable, il faut uniquement considérer la matière imposable pour ce qu’elle est matériellement, ou si l’on doit aussi prendre en compte la situation personnelle du contribuable.

L’impôt réel est l’impôt qui frappe la matière imposable sans tenir compte du contribuable.
Conséquence directe : 2 contribuables ayant la même matière imposable vont payer le même impôt, peu importe la différence de situation qui peut exister entre eux.
→ Impôt efficace pour les caisses de l’État, mais pas un outil de justice fiscale.

Exemple : les impôts qui frappent la terre.

L’impôt personnel frappe le contribuable en tenant compte de sa situation personnelle.
Il adapte la charge fiscale à la situation individuelle de chaque contribuable.
Avantage : logique de justice fiscale.

La pratique moderne de la fiscalité tend au développement de la personnification de l’impôt au regard d’une logique de justice fiscale et même sociale.

L’impôt sur le revenu est l’impôt personnel par excellence : quand on détermine l’impôt dû au titre de l’IR, on prend en considération le foyer fiscal du contribuable.

L’impôt personnel se veut beaucoup plus perfectionné que l’impôt réel ; il nécessite donc un maniement plus délicat.
L’impôt réel convient dans la réalité à une matière imposable détachée du contribuable et qui est particulièrement ostensible → simple à contrôler.

Section 2 : Impôts synthétiques et impôts analytiques

L’imposition synthétique appréhende la matière imposable dans sa globalité : l’ensemble de la matière disponible du contribuable est frappée par l’impôt.
Exemple : l’IR, qui permet de saisir l’ensemble de la situation du contribuable.

Le revenu global du contribuable est de nature à constituer le meilleur élément d’assiette par celui qui va être révélateur de la vrai faculté contributive du contribuable.
Une fois que le revenu est appréhendé dans sa globalité, il est possible de procéder à une personnalisation prononcée de l’imposition.
→ Justice fiscale.

L’imposition synthétique peut se faire de manière occasionnelle ou régulière.
Cette imposition est pratiquée lors de la transmission du patrimoine par voie successorale : les droits de succession sont un impôt synthétique.

Jusqu’en 2018, l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) était une imposition synthétique pesant sur le patrimoine du contribuable.
L’ISF était née en 1989 sur les bases d’une autre impôt, institué à l’arrivée de la gauche en 1982 : l’impôt sur les grandes fortunes. Quand Mitterrand est réélu en 1988, il nomme un nouveau Premier ministre qui remplace l’IGF par l’ISF. L’ISF a été remplacé en 2018 par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI).

L’IFI est un impôt synthétique sur la fortune immobilière, mais ne l’est plus sur l’ensemble du patrimoine du contribuable.
Cet impôt est perçu tous les ans.

La TVA correspond à l’impôt synthétique de la dépense, car elle s’applique de manière uniforme à toutes les opérations de vente de marchandises et à toutes les prestations de service.

L’imposition analytique permet de taxer certaines catégories de matières qu’on estime pouvoir supporter une imposition plus prononcée.
Par exemple, en matière de revenus, le législateur s’efforce de taxer plus fortement les revenus issus du capital plutôt que ceux issus du travail. On opère une discrimination entre différentes catégories de revenus qui sont imposables.

En pratique, l’imposition synthétique des revenus – tout comme celle analytique – peuvent connaître un certain nombre de difficultés à se mettre en œuvre les unes par rapports aux autres.
Concrètement, des systèmes mixtes sont mis en œuvre pour permettre de concilier les avantages respectifs des deux approches.

L’IR est né en 1914 et 1917.
En 1914, on a commencé par mettre en place des impositions cédulaires, qui sont une imposition particulière qui permettait d’imposer différemment et proportionnellement les différentes catégories de revenus que l’on avait identifiées à l’époque.
Puis, en 1917, on met en place une deuxième strate d’imposition : une imposition globale, permettant d’appréhender l’ensemble des différents revenus qui avaient permis les impositions cédulaires et donc de permettre la mise en œuvre d’une surtaxation de nature synthétique et progressive.

En matière de patrimoine, il est particulièrement simple d’identifier tel ou tel élément du patrimoine susceptible de supporter une imposition spécifique.
Il y a de très nombreuses impositions analytiques en la matière, parce que c’est simple de faire peser sur des éléments du patrimoine un impôt particulier.
Exemples : piscines, voitures…

C’est la même logique en matière de dépense : il est très facile d’identifier tel ou tel produit pour lui faire subir une imposition particulière.
Aujourd’hui, on a en + de la TVA des droits particuliers, qu’on appelle droits d’accises et qui portent sur les alcool, les tabacs, et les pétroles.

Que ce soit en imposition synthétique ou en imposition analytique sur la dépense, les logiques sont limitées en raison de l’harmonisation européenne.
Le fait d’avoir une imposition générale (= synthétique) empêche d’en avoir d’autres.
De même, pour les logiques analytiques, les droits d’accise font aussi l’objet de mesures d’harmonisation (contrôle par les institutions européennes).

Section 3 : Impôts directs et impôts indirects

L’apposition entre fiscalité directe et fiscalité indirecte est fondamentale.
Cela s’exprime particulièrement au regard de l’assiette de l’impôt, dans la mesure où le législateur peut avoir 2 attitudes :

  1. Soit il s’attache aux facultés contributives de la personne : il regarde directement sa situation personnelle → un impôt direct va être privilégié (IR ou impôt sur le patrimoine).
  1. Soit le législateur appréhende indirectement la situation du contribuable : il regarde les actes / les opérations que réalise le contribuable et qui sont révélateurs de ses facultés contributives → un impôt indirect sur la dépense sera appliqué.

D’un point de vue juridique, l’impôt direct doit être considéré comme un impôt perçu par voie de rôle nominatif.
Au contraire, l’impôt indirect est considéré comme étant perçu sans mise en œuvre d’un rôle nominatif ; il est perçu à l’occasion d’évènements constatés par l’administration au fur et à mesure qu’ils se produisent.

Ce critère de rôle ou non ne se révèle pas toujours parfait en termes d’application, mais il détermine aussi la compétence juridictionnelle en cas de contentieux fiscal.
Le contentieux des impôts directs relève des juridictions administratives ; le contentieux des impôts indirects relève des juridictions judiciaires.
Exception notable : les taxes sur le chiffre d’affaires, qui prennent la TVA, sont des impôts indirects qui sont placés sous la compétence du juge administratif.

💡
Exemple : l’impôt sur le revenu est un impôt personnel + synthétique + direct.

Section 4 : Impôts de répartition et impôts de quotité

La détermination des taux en matière de liquidation est de nature à générer un choix entre impôts de répartition et impôts de quotité.

  1. Impôt de répartition :
    Le législateur ne fixe pas à l’avance le taux qu’il va pratiquer : il se contente de fixer une charge fiscale globale (= un montant) qui sera nécessaire à la couverture des dépenses publiques.
    Une fois qu’il a fixé cette charge fiscale globale, il n’a plus qu’à répartir cette charge entre les contribuables d’après leurs bases imposables respectives.

    Avantage : connaître exactement à l’avance le montant des rentrées fiscales qui vont être faites.
    Ce système a été pendant très longtemps le système en vigueur dans notre ordonnancement juridique. Les impôts directs d’État institués par la Révolution française étaient des impôts de répartition. Ce procédé exista jusqu’en 1981.

    2 défauts majeurs :

    1. Cette technique prive l’impôt de toute élasticité. Elle prive les caisses publiques de potentielles fluctuations à la hausse → le Trésor public se prive de rentrées fiscales.
    1. Cette technique génère des inégalités inacceptables entre contribuables.
      La répartition s’opère d’un point de vue territorial : le législateur fixai t un montant à percevoir au niveau national au titre de la taxe foncière ; ce montant était ensuite réparti entre chaque département, puis entre chaque département, puis à l’intérieur des arrondissements, entre communes.
      Même si on s’efforçait de proportionner, à chaque stade de la répartition, entre territoires riches et pauvres, un tel système ne pouvait qu’aboutir à d’énormes disproportions entre communes et donc entre contribuables.
  1. Impôt de quotité :
    Le législateur ne fixe pas un montant déterminé. En revanche, il fixe le taux de l’imposition.
    Ce taux est ensuite immédiatement appliqué aux bases d’imposition.

Le législateur a abandonné définitivement la répartition au profit de l’impôt de quotité.
Aujourd’hui, le droit commun en termes de détermination des taux réside dans le système de quotité, pour les impôts nationaux + locaux.
C’est cela qui permet aux collectivités territoriales, depuis 1981, de fixer les taux des principaux impôts locaux directs.

Cette classification est purement historique, mais elle mérite d’être évoquée pour comprendre les logiques de fiscalité locale.

Section 5 : Impôts proportionnels et impôts progressifs

La conception moderne de la fiscalité tend à faire jouer un rôle social à l’impôt.
L’établissement du tarif de l’impôt repose, en termes de liquidation, sur un moyen efficace : la variabilité des taux d’impositions.
Cette variabilité s’opère dans le cadre de la personnalisation de l’imposition, qui est + ou – poussée.
Cette personnalisation de l’impôt conduit à concevoir l’imposition :
> soit en termes de proportionnalité ;
> soit en termes de progressivité.

L’impôt proportionnel soumet la matière imposable à un taux constant, peu importe la quantité de matière imposable.
Par exemple, la TVA au taux normal de 20%.

On considère que l’impôt proportionnel n’est pas un impôt très juste pour la justice fiscale.
Pour autant, l’impôt croît avec la matière imposable : + il y a de matière imposable, + l’impôt est important.
Une voiture achetée 100 000 € génère une TVA de 20 000 €, alors qu’une voiture à 10 000 € génère TVA de 2 000 €.

Cela répond aux logiques révolutionnaires et aux logiques de proportionnalité dans la DDHC.
Pour les révolutionnaires, proportionnalité = égalité devant l’impôt.
Pour eux, il y a justice fiscale, car celui qui gagne + paie + d’impôts : c’est proportionnel, mais ça reste égalitaire.

Au contraire, l’impôt progressif voit son taux augmenter avec la matière imposable.
Exemple : pour l’impôt sur le revenu en France, le taux maximum d’imposition est de 45%.
Pour éviter l’absurdité d’un taux marginal d’imposition atteignant les 100% (qui risquerait de désespérer le contribuable), la progressivité de l’imposition doit être modulée et mesurée.
Il existe 3 modalités différentes d’aménagement de la progressivité :

  1. La progressivité directe correspond à la mise en œuvre d’un système dans lequel le taux de l’impôt s’élève de manière continue avec la matière imposable jusqu’à une limite posée par la loi.

    Ce système assure la continuité de la progressivité, mais a pour inconvénient de rendre le calcul de l’impôt très compliqué : pour chaque € gagné de revenu, on a 1 taux à appliquer.
    Ce système est égalitaire, mais est complexe à mettre en œuvre.

  1. La technique de la progressivité par classe consiste à répartir la matière imposable par classes.
    Des taux de + en + élevés sont appliqués aux classes renfermant les matières imposables de + en + importantes.

    Par exemple, on décide que lorsqu’un revenu est compris entre 0 et 5 000 €, il est taxé à 10% ; puis, entre 5 000 et 15 000 €, il est taxé à 20%…

    Par rapport au précédent, ce système a l’avantage de faire apparaitre immédiatement le taux qu’on applique à la matière imposable ; mais difficulté : il n’y a pas de continuité → quand on passe d’une classe à une autre, l’impôt s’élève brutalement → une différence d’1€ peut créer une profonde injustice.

  1. Une 3ème technique est donc privilégiée : la progressivité par tranches est en vigueur en France.
    Ce système s’efforce d’éviter les problèmes de sauts brutaux d’imposition.
    La matière imposable est décomposée en tranches (et non plus en classes), à chacune desquelles s’applique un taux de + en + élevé au fur et à mesure qu’on atteint les tranches supérieures.
    À chaque tranche de matière imposable, on applique le taux correspondant.
    L’imposition totale = la somme des impositions dues pour chaque tranche.

    Si on a un revenu de 10 000 € dans le système par classes, on paye 20% de 10 000.
    Dans le système par tranches, on paie 10% de 5 000 € + 20% de 5 000 €.

    Ce système a pour avantage de rendre la progressivité continue : seule la portion de la matière imposable comprise dans la tranche supérieure est frappée au taux le plus élevé, et pas tout le revenu.

    Ce système est utilisé en France dans le cadre de l’impôt sur le revenu.

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