Introduction au cours de droit fiscal (L2)

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On cherchera ici à définir le droit fiscal au travers de l’impôt.

L’adoption de la loi de finances pour 2023 constitue le fondement de l’action de l’administration fiscale, qui est ainsi autorisée pour cette année 2023 (depuis le 1er janvier) à percevoir l’ensemble des impôts consentis par les votants, conformément aux règles et dispositions en vigueur telles qu’elles sont codifiées au sein du Code général des impôts (CGI) complété par le Code des procédures fiscales (aussi appelé Livre des procédures fiscales).

Gaston Jèze donne au début du 20ème siècle la définition suivante de l’impôt :

”L’impôt est une prestation pécuniaire requise des particuliers, parfois de l’autorité, à titre définitif et sans contrepartie, dans le but d’assurer la couverture des charges publiques.”

Cette définition est d’une grande modernité : elle demeure tout à fait valable, alors même que la matière fiscale est repensée à chaque loi de finances.
La permanence de cette définition mérite le respect.

Les recherches effectuées par le professeur Olivier Négrin indiquent que cette définition n’a pas été donnée par Gaston Jèze.
Elle ne daterait pas du début du 20e siècle, mais elle aurait été donnée dans les années 1950-1960 par le doyen Duverger.

La doctrine a une grande importance en matière fiscale.
⚠️ Elle ne doit pas être confondue avec le terme de “doctrine”, très communément utilisé en droit fiscal, qui fait référence à la doctrine administrative.
La doctrine administrative, aussi appelée doctrine fiscale, correspond à l’ensemble des positions adoptées par l’administration fiscale, qui vont pouvoir lui être opposables par le contribuable en cas de différend.

La définition donnée par Gaston Jèze constitue le point de départ de la définition de l’impôt, même si elle mérite d’être complétée ou précisée sur certains points.

Section 1 : Les certitudes entourant la définition doctrinale de l’impôt

§ 1. L’impôt, un prélèvement pécuniaire

Les langages ont évolué : la notion de “prestation” dans la définition de Gaston Jèze est impropre à l’heure actuelle.
Il convient de lui substituer le terme de “prélèvement”.

L’impôt est, en pratique, payé en argent, mais ça n’a pas toujours été comme ça.
Le paiement en nature était tout à fait courant au Moyen-Âge ; l’impôt constitué par la corvée a subsisté sous l’Ancien Régime jusqu’en 1787.

La Révolution a prohibé le paiement en nature, mais cette logique survit encore dans notre droit positif par l’intermédiaire de l’article 1716 bis du Code général des impôts.
Cet article autorise les héritiers à remettre à l’État, après un agrément des ministres du budget et de la culture, des œuvres d’art en paiement de droits de succession.
C’est ce qu’on appelle une dation.
Un certain nombre de dations ont déjà été réalisées (par exemple : dations Picasso ou Chagall).

§ 2. L’impôt, un prélèvement obligatoire effectué par voie d’autorité

L’impôt est avant tout une manifestation de la souveraineté de l’État : la possibilité donnée à l’État de lever l’impôt constitue assurément l’une des manifestations susceptibles d’illustrer le mieux le pouvoir d’État (le « pouvoir régalien »).

C’est via le pouvoir fiscal de l’État que résident les plus belles prérogatives de puissance publique.

Cet impôt a pour caractéristiques principales d’être :
> établi de manière unilatérale ;
> levé en utilisant la contrainte.

Il existe un appareil de contraintes et de sanctions, dont l’objet est de faire pression sur le contribuable pour l’obliger à payer.
Objectif : que le contribuable s’acquitte de sa dette fiscale.

Si le contribuable ne respecte pas ses obligations fiscales, alors il s’expose à la mise en œuvre de ces prérogatives de puissance publique.

La fiscalité génère chez les contribuables des phénomènes passionnels, généralement hostiles : sentiments de spoliation, de confiscation, d’arbitraire…
On comprendra dès lors que ce pouvoir fiscal se doit d’être organisé et encadré.
→ Cet encadrement est la finalité première du droit fiscal.

Les entités commerciales sont tout autant soumises à ce prélèvement obligatoire : la définition de Jèze devrait donc être complétée.
En effet, les personnes morales paient aussi des impôts.
On préfère donc le terme de contribuable.

§ 3. L’impôt, un prélèvement définitif

Le caractère définitif de l’impôt permet de distinguer l’impôt de l’emprunt.
L’emprunt donne toujours lieu à un remboursement assorti d’intérêt ; au contraire, quand l’individu paie un impôt, il n’a plus aucune chance de voir l’État lui rembourser la chose assortie d’intérêts quelques années plus tard.

Or, depuis quelques années, il existe ce qu’on appelle l’emprunt forcé.
Celui-ci est imposé par l’État. Il se rapproche de l’impôt car dans ce cas, le souscripteur (= le contribuable) est dans l’obligation de souscrire, mais se voit reconnaître une créance contre l’État, qui produit donc des intérêts.

Par exemple, l’impôt sécheresse est institué en 1976 dans un contexte de grande sécheresse.
Pour aider les agriculteurs, l’État décide d’un emprunt sécheresse, qui est en réalité un emprunt forcé : à partir d’un certain niveau de revenu, les contribuables se voient imposer un montant supplémentaire, restitué quelques années plus tard.
Cet emprunt forcé, qui avait pris la dénomination d’impôt, a permis de régler une crise conjoncturelle → il peut donc se révéler utile.

§ 4. L’impôt, un prélèvement sans contrepartie déterminé

A- Le principe de la non-affectation de l’impôt à la couverture d’une dépense précise

D’un point de vue juridique, l’absence de contrepartie déterminée est l’un des éléments absolument essentiels de l’impôt.

Le principe d’universalité veut que l’on confonde en 1 seule masse l’ensemble des recettes, pour lui imputer ensuite l’ensemble des dépenses.
→ Impossible d’affecter un impôt à une dépense.

La contrepartie existe pourtant bien : même si le contribuable ne reçoit rien concrètement, il bénéficie de l’ensemble des services publics instaurés par les personnes publics.

Ce principe a des conséquences juridiques importantes :

  1. Le paiement de l’impôt n’est pas une condition de l’accès aux services publics : tout citoyen a un droit d’accès aux services publics, qu’il paie l’impôt ou non.
  1. Les conditions dans lesquelles le produit de l’impôt est utilisé ne peuvent être utilement contestées devant le juge de l’impôt.
    La notion d’impôt exclut que le contribuable puisse se prévaloir de l’absence de contrepartie pour refuser de s’acquitter de sa dette.

    Dans la jurisprudence, un contribuable estimait qu’il n’avait pas recours au service public d’enlèvement des ordures ménagères et ne voulait donc pas payer la taxe d’enlèvement.
    Le juge n’a pas accédé à sa demande.

B – La problématique des taxes fiscales et des impositions affectées

Il y a des exceptions à ce principe. Elles ne sont pas très nombreuses, mais elles concernent des volumes financiers très importants.

La taxe fiscale est différente de l’impôt.
Elle se définit comme un prélèvement pécuniaire perçu par l’État, une collectivité territoriale ou un établissement public sur le bénéficiaire d’un avantage particulier qui lui a été procuré à l’occasion du fonctionnement d’un service public.

La taxe se distingue ici de l’impôt par le fait qu’elle constitue nécessairement la contrepartie d’un service public.

Par exemple, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères est une ressource très importante pour les collectivités territoriales (7 milliards d’euros par an). Elle est due même si l’occupant de l’immeuble ne l’utilise pas.

⚠️
Il faut faire attention au terme de “taxe”.
Par exemple, la “taxe sur la valeur ajoutée » ne constitue pas une taxe fiscale, mais bien un impôt.

Une taxe fiscale vient de disparaître : la taxe audiovisuelle, qui était payée sur la détention d’une télévision.

Des secteurs entiers bénéficient de prélèvements fiscaux qui, par nature, leur sont affectées.
La CSG (contribution sociale généralisée) et la CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale) en constituent les plus beaux exemples.
💡 Le montant de la CSG est aujourd’hui supérieur au montant de l’impôt sur le revenu.

→ Les finances sociales bénéficient de ressources qui lui sont affectées.

Comment expliquer ce processus de fiscalisation de la sécurité sociale ?
Les besoins sont devenus tellement importants que le mode classique de financement n’arrivait plus à couvrir les prestations sociales.
Dans un 1er temps, on a créé des impositions spécifiques pour assurer cette couverture, notamment la CSG (à des taux très bas).
On a ensuite augmenté le taux de cette CSG.

Les cotisations sociales sont perçues sur les salaires des personnes qui travaillent.
Autrement dit, c’est un prélèvement qui est limité, qui s’est construit sur l’emploi et qui a dès lors pour conséquence de surenchérir le coût du travail.

Pour compenser la perte de la taxe foncière, on a dû trouver une recette de substitution pour les départements ne percevant plus la taxe foncière.
On a voulu utiliser la CSG, mais on n’a pas pu, puisque sinon on n’aurait plus eu assez pour financer la sécurité sociale.

On considère que ces exceptions au principe, notamment en matière sociale, ont un intérêt particulier : la création ou l’augmentation des impôts est plus facile à réaliser pour les autorités publiques vis-à-vis des contribuables, dès lors que ces mêmes contribuables savent à quoi va servir le nouvel impôt que l’on crée.

Par exemple, les augmentations sur le tabac (très importantes et récurrentes) ont moins de difficultés à être mises en œuvre dès lors que l’on fait passer dans l’opinion publique l’idée qu’elles sont corrélées à la couverture de santé qui ne cesse d’augmenter en raison de l’augmentation du nombre de cancers des poumons dus au tabac.

De la même manière, on constate la mise en œuvre de logiques fiscales « pollueurs payeurs », qui génèrent des ressources affectées à des organismes qui agissent en faveur de la transition énergétique tels que l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie).

L’article 2 de la LOLF a été grandement précisé pour beaucoup mieux encadrer ces affectations.

Ces impositions affectées posent problème d’un point de vue politique, en faisant croire qu’il y aurait des dépenses plus légitimes que d’autres.
Cela pose aussi problème, car on risque d’arriver dans une situation où le contribuable n’accepte l’impôt que s’il sait à quoi sert cet impôt.

§ 5. L’impôt, un prélèvement destiné au financement des charges publiques

Il s’agit de l’élément constitutif de la définition de Jèze qui a le plus mal vieilli et pour lequel il faut apporter un certain nombre de précisions.

La fonction première de l’impôt, de manière classique, est celle du financement des charges publiques ; mais l’impôt exerce aujourd’hui d’autres fonctions.

A – Le principe de la fonction budgétaire classique de l’impôt

La notion de charge publique utilisée par Jèze a pour résultat de faire que l’impôt est perçu exclusivement au profit des personnes morales de droit public (État, collectivités territoriales, établissements publics).

Cela pose problème parce que, en droit français, des organismes de droit privé sont susceptibles d’être bénéficiaires d’impositions de toute nature.

La couverture des charges publiques est certes l’objet essentiel et premier de l’impôt.
Cette expression renvoie à une autre expression de Gaston Jèze restée célèbre en droit des finances publiques selon laquelle « il y a des dépenses, il faut les couvrir ».
Idée : la couverture des dépenses publiques est l’objet de l’impôt → conception de l’État qui, économiquement, se voulait et se faisait neutre.

La neutralité de l’impôt permettait d’en restreindre l’importance.
Objectif : que l’impôt ne pèse pas trop sur les finances des contribuables, libres dès lors d’utiliser les fonds ainsi disponibles comme ils l’entendaient à leurs entreprises personnelles.

B – La problématique des autres fonctions contemporaines de l’impôt

Les fonctions de l’impôt moderne se veulent autant sociales qu’économiques.

La dimension sociale se fait particulièrement sentir au regard des logiques de redistribution que l’impôt comporte désormais.
→ Considérations de justice et d’égalité fiscale.

On constate un mouvement de personnalisation de l’imposition, avec une différenciation progressive au regard des capacités contributives de chacun.

L’impôt est un outil particulièrement efficace pour soutenir les activités économiques en général.
Cela se matérialise souvent au travers d’exonérations fiscales.
Cela remet en cause l’objectif premier évoqué dans la définition de Gaston Jèze (→ la couverture des charges publiques).

On a développé la fiscalité incitative (ou fiscalité comportementale), destinée via l’impôt à infléchir dans un certain sens le comportement du contribuable en société.

L’impôt “écologique” en constitue un exemple typique.
Il vise à faire disparaître une pollution ; mais en faisant cesser la pollution, on fait cesser l’activité, il n’y a donc plus d’impôt.
La fiscalité écologique a donc vocation à disparaître.

Par exemple, les impôts sur le carburant ont vocation à faire disparaître à terme les voitures.
→ Approche éloignée de la préoccupation de couverture des charges publiques.

Section 2 : Les incertitudes entourant la définition légale de l’impôt

Paradoxalement, ce n’est pas la notion d’impôt qui est aujourd’hui retenue au sein de l’ordonnancement juridique.
Le constituant de 1958 a préféré la notion de “impositions de toutes natures”, alors que la Constitution de 1946 parlait bien “d’impôts”.

Cette notion d’impositions de toutes natures n’est pas arrivée à convaincre depuis son instauration.
La notion de prélèvements obligatoires semble être privilégiée : en effet, c’est cette notion que le législateur organique utilise dans la LOLF de 2001.

Idée : on cherche ici à appréhender le plus largement possible la matière fiscale.
L’enjeu est loin d’être neutre : derrière ce qui apparaît comme une bataille sémantique, c’est la compétence du législateur qui est en question, conformément à l’article 34 de la Constitution.

§ 1. La référence constitutionnelle aux impositions de toute nature

Il y a ici à l’évidence une volonté d’élargir le champ d’application de l’impôt, jugé trop restreint au regard de la conception traditionnelle (= conception de Gaston Jèze).

A – La notion d’impositions de toutes natures inscrite dans la Constitution de 1958

C’est très volontairement que le constituant de 1958 utilise l’expression « impositions de toutes natures ».

Les rédacteurs de la Constitution de la 5e République ont reçu des avis et conseils particulièrement éclairés, notamment de la part de Gilbert Devaux, directeur du Budget à l’époque.
Celui-ci a proposé à la commission constitutionnelle du Conseil d’État en charge de l’examen du projet de constitution d’écarter la notion d’impôt, qu’il estimait beaucoup trop restrictive dans un contexte interventionniste.
Idée : l’impôt ne va pas permettre à l’interventionnisme étatique de s’exprimer pleinement.

En effet, il considère que le contexte économique nécessite un interventionnisme important, qui sera de nature à générer des prélèvements obligatoires qui ne correspondent pas exactement à la définition juridique de l’impôt tel que classiquement entendu.

Au-delà de cette inscription dans la Constitution, il n’a pas été fait usage dans la pratique de la notion d’impositions de toutes natures conforme à l’idée du constituant.
Cette notion, telle que précisée par Gilbert Devaux, avait vocation à « viser toutes les obligations de payer une somme d’argent qui ne résulte ni d’une obligation contractuelle, ni d’un contrat, ni du Code civil, ni du Code de commerce, ni du Code pénal ».
Il s’agit d’une définition par défaut (ex : les amendes ne sont pas incluses dans la liste, donc ne sont pas considérées comme des impôts).

B – Impôts, taxes et parafiscalité

Les impositions de toutes natures ne sont pas les seuls prélèvements auxquels il faut se soumettre.
La notion de soumission est ici importante, car elle renvoie à la logique d’obligation.

Dans la pratique, ces nouvelles impositions de toute natures correspondent aux impôts, mais aussi aux taxes fiscales.

La notion de taxe parafiscale n’est pas comprise dans les impositions de toutes natures.
Elle n’existe plus, ayant été supprimée par la LOLF de 2001.
La taxe parafiscale était à l’époque décrite par l’article 4 de l’ordonnance de 1959 (= texte antérieur à la LOLF, abrogé le 1er janvier 2005) comme étant opérée « dans un but économique et social, au profit d’une personne morale de droit public ou privé, autre que l’État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics administratifs ».

D’un point de vue organique, ce sont globalement des EPIC (= personnes publiques) + des organismes de droit privé qui bénéficient de ces taxes parafiscales.
La nature juridique de l’organisme bénéficiaire constitue la principale caractéristique de la notion.

La taxe parafiscale ne comporte aucune contrepartie directe et immédiate → elle répond à toutes les autres définitions et logiques propres à l’impôt.

Ce concept de parafiscalité est directement issu de l’interventionnisme économique propre à l’époque et à son développement tous azimuts.
La taxe parafiscale était imaginée pour permettre l’intervention économique :

  • Des personnes morales de droit public qui mettent en œuvre des mécanismes de gestion privée (jurisprudence Conseil d’État, 1921, Bac d’Eloka) ;
  • Et des organismes de droit privé qui sont requis pour certaines missions de service public (jurisprudence Conseil d’État, 1935, Etablissements Vézia).

Il y a de nombreux exemples, qui sont propres à cette période de l’après-guerre, et notamment les offices professionnels.
Par exemple, l’Office national des céréales perçoit une taxe pour le financement des actions dans le secteur céréaliers.

Cet interventionnisme économique a une certaine légitimité quand il s’agit de personnes publiques, mais est plus compliqué quand ce sont des personnes privées investies d’une personne publique qui prélèvent ces taxes très proches de l’impôt.

Dès la création de la notion, beaucoup de taxes parafiscales ont été instituées, notamment au profit d’organismes de droit privé, pour remplir ces nouvelles missions de service public.
Contexte : interventionnisme politique tous azimuts de l’État, qui essaie de répondre au mieux à l’explosion de la demande consécutive à la reconstruction + aux Trente Glorieuses.

Centres techniques industriels, comités internes professionnels… sont des exemples de personnes morales de droit privé chargées de missions de service public.
Exemples de missions qui leur sont conférées : recherche de nouveaux débouchés professionnels, recherche de financements pour faire évoluer certaines techniques, …

L’article 4 de l’ordonnance de 1959 prévoyait que les taxes parafiscales étaient établies par décret en Conseil d’État pris sur le rapport du ministre des Finances et du ministre intéressé.
→ Intervention initiale de l’autorité règlementaire.

Bien plus tard, un décret du 30 octobre 1980 est venu appréhender cette réalité qui avait tendance à se surdévelopper, en limitant la durée de vie de ces taxes parafiscales à 5 ans.
Cependant, certaines taxes parafiscales ont perduré au-delà de 5 ans ensuite…

prévoyait que le législateur intervienne au travers d’une autorisation annuelle, en votant un état spécifique annexé à la loi de finances répertoriant l’ensemble des taxes parafiscales.

La notion de taxe parafiscale s’inscrivait donc dans un régime hybride : l’initiative d’une taxe parafiscale relève d’une autorité règlementaire, mais celle-ci est votée par le Parlement.

  • Un exemple de taxe parafiscale : la “redevance” audiovisuelle

    On parlait de « redevance » alors même que la logique relevait de la taxe parafiscale.
    Cette qualification est une aberration, parce que tous les éléments constitutifs de ce prélèvement auraient dû la faire ressortir dans la catégorie de taxes fiscales à proprement parler.

    Cette qualification de taxe parafiscale relève de la décision n°60-8 DC du 11 août 1960 du Conseil constitutionnel et illustre son manque d’indépendance vis-à-vis de l’exécutif à l’époque.
    💡 À l’époque, le Conseil constitutionnel est perçu comme un instrument de pouvoir visant à limiter les prérogatives du Parlement.

    En étudiant la question du prélèvement opéré sur la détention d’une télévision, le Conseil constitution refuse de lui reconnaître la nature de taxe fiscale, qui l’aurait fait tomber dans l’escarcelle du pouvoir législatif au titre de l’article 34.
    Pour faire plaisir au pouvoir exécutif, il préfère le qualifier de taxe parafiscale et ainsi lui faire bénéficier de ce régime hybride.
    La télévision était, à l’époque, un outil majeur de communication du gouvernement…

§ 2. La référence organique aux prélèvements obligatoires

La loi organique du 1er août 2001 (la LOLF) abroge l’ordonnance de 1959 à compter du 1er janvier 2005.
Ce nouveau texte se réfère à la notion “d’impositions de toutes natures”, mais fait aussi état d’une nouvelle notion : celle de “prélèvements obligatoires”.

A – La notion de prélèvements obligatoires inscrite dans la LOLF de 2001

La LOLF introduit une modification conséquente et essentielle : la notion d’impôt y est remplacée par la notion d’impositions de toutes natures.
Elle corrige un paradoxe de l’ordonnance de 1959, qui n’intégrait pas dans sa rédaction cette notion d’impositions de toutes natures et continuait à se référer à la notion d’impôt.

L’article 3 de la LOLF, au titre des mesures budgétaires de l’État, parle ainsi “d’impositions de toutes natures » et respecte donc la préférence constitutionnelle.

Mais cela ne veut pas dire que cette notion d’impositions de toutes natures a « enfin gagné la partie ».
Parallèlement, l’article 52 de la LOLF prévoit que le gouvernement présente au Parlement, à l’ouverture de la session ordinaire, un rapport dit « de la nation » qui retrace “l’ensemble des prélèvements obligatoires ainsi que leur évolution”.
Donc parallèlement à l’officialisation de la notion d’impositions de toutes natures, on consacre juridiquement la notion de prélèvements obligatoires, qui jusqu’à présent était utilisée pour ne refléter que des réalités exclusivement économiques (elle était utilisée notamment par l’Insee).
→ Juridicisation du concept, ce qui ne va pas sans poser un certain nombre de difficultés.

La notion de prélèvements obligatoires est assez commune.
Elle était notamment utile pour la mesure, à l’échelle des pays, du ratio entre l’ensemble de leurs prélèvements obligatoires et leur PIB.

Le Conseil des impôts, organisme associé à la Cour des comptes et chargé de réaliser certaines études en termes de fiscalité, a été créé par décret en 1971.
Il a évolué dans sa nature, dans son fonctionnement et dans son nom pour devenir aujourd’hui le Conseil des prélèvements obligatoires.
→ Autre forme de juridicisation du processus.

B – Impôts, taxes et prélèvements sociaux

La notion de prélèvements obligatoires intègre les cotisations sociales.

⚠️
Il ne faut pas confondre les cotisations sociales et les impôts affectés à la Sécurité sociale. Ce sont 2 logiques totalement différentes.

La consécration des prélèvements obligatoires aura eu pour mérite de permettre la mise en valeur d’une catégorie d’impositions dont la caractéristique principale est de se voir affecter au régime de sécurité sociale.
Cette catégorie porte le nom d’impôts et taxes affectées (ITAF).

Les ITAF se distinguent des cotisations sociales en suivant le même régime juridique que celui des impôts et des taxes fiscales.
Ils relèvent par conséquent de la compétence du législateur, alors que le montant des cotisations sociales relève de la compétence du pouvoir règlementaire.

Section 3 : Les conséquences de l’absence de définition normative de l’impôt

Le législateur ne définit pas la notion d’impôt : il a laissé à la doctrine le soin de le faire.
En conséquence, bon nombre de prélèvements se voient exclus de la catégorie des impôts, alors même qu’ils auraient pu éventuellement prétendre à être concernés.
Par ailleurs, il existe des zones grises où existent des prélèvements fiscaux innomés/sui generis, qui sont inclassables.

§ 1. L’exclusion par nature des prélèvements non fiscaux

Certaines prélèvements se voient exclus de la catégorie des impôts parce qu’ils ne sont pas obligatoires (comme les redevances) ou parce qu’ils relèvent expressément du pouvoir exécutif (comme les cotisations sociales).

A – Impôts versus redevance pour services rendus

L’article 5 de l’ordonnance de 1959 définit la redevance comme la « somme versée par les usagers (⚠️ ≠ contribuables) d’un service public ou d’un ouvrage public ».

La redevance se distingue de l’impôt au regard de la logique non obligatoire inhérente à la notion : on n’est absolument pas dans l’obligation d’utiliser le service public ou l’ouvrage public.

L’autre différence est que la contrepartie est directe et immédiate.
Il doit y avoir une utilisation effective de l’ouvrage + une équivalence de la redevance ainsi demandée et de la valeur du service ainsi rendu.
Cette condition a été posée par un arrêt : Conseil d’État, 1958, Syndicat national des transporteurs aériens.

Ces éléments et cette théorie permettent de distinguer la redevance de la taxe fiscale (→ pas d’équivalence).
Problème : cette théorie établie en 1958 est quelque peu remise en cause au travers d’un certain nombre de décisions plus récentes du Conseil d’État, dans la mesure où la définition que le juge administratif va donner de la redevance emporte de moins en moins référence à cette théorie de l’équivalence financière.

Exemple : Conseil d’État, 2003, Commune de St-Paul c/ Mme Carier :
« Considérant que constitue une redevance pour service rendu, toute redevance demandée à des usagers en vue de recouvrir les charges d’un service public ou les frais d’établissement et d’entretien d’un ouvrage public et qui trouve sa contrepartie directe dans les prestations fournies par le service ou dans l’utilisation de l’ouvrage ».
→ Plus aucune référence à la logique d’équivalence financière.

La collectivité territoriale met en œuvre la taxe d’enlèvement des ordures ménagères ; sauf qu’il existe aussi à côté une redevance pour enlèvement des ordures, déchets et résidus, qui va entraîner la suppression de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.
Ici, cette redevance a un champ d’application + étendu que cette taxe. Cette mission est souvent confiée à une entreprise privée.
Cette solution est loin d’être indifférente pour les usagers, parce que la redevance est calculée en fonction de l’importance du service rendu.
Conséquence : si on n’a pas besoin de ce service offert par la collectivité, alors on n’aura pas à payer la redevance, contrairement à la taxe d’enlèvement des ordures ménagères qui est payée sans lien avec le niveau des ordures jetées.

L’article 5 de ordonnance 1959 a posé le principe d’une compétence règlementaire en matière de redevances pour services rendus → le coût de la redevance n’a pas à être autorisé par l’autorité législative.
Une redevance au niveau de l’État ne peut être perçue qu’avec un décret en Conseil d’État, pris sur le rapport du ministre des Finances et du ministre intéressé.

La LOLF ne modifie pas la nature règlementaire de la redevance, même si elle prévoit une petite nouveauté : les décrets créant ces redevances deviennent caduques s’ils ne font pas l’objet d’une ratification par la plus prochaine loi de finances afférente à l’année de leur constitution.

B – Impôts versus cotisations sociales obligatoires

L’ordonnance du 4 octobre 1945 a instauré un régime général de sécurité sociale.
Ce régime, d’un point de vue organique, entraîne une particularité : un certain nombre d’organismes locaux (caisses régionales et caisses primaires → organismes de droit privé) se superposent à des organismes nationaux (établissements publics administratifs type CNAM).

Le droit aux prestations sociales octroyé par ces structures est lié d’une part à l’affiliation obligatoire des personnes aux différents régimes de sécurité sociale et d’autre part au versement de cotisations sociales aux organismes gestionnaires.

Le produit des cotisations ne s’effectue pas au profit de personnes publiques, mais d’organismes privés (caisses primaires).

Au contraire de l’impôt, qui normalement n’est pas affecté à un régime spécifique, ces cotisations sociales le sont tout spécialement pour la couverture des dépenses sociales.

Si l’on revient à la définition de taxe parafiscale, il y a 2 conditions : un but social + le fait qu’elle soit versée à des organismes de droit privé.
Donc les cotisations sociales répondaient à l’époque parfaitement aux caractéristiques de l’article 4 de l’ordonnance du 2 janvier 1959, puisque ce sont bien des prélèvements prélevés dans un but social au profit d’une personne morale de droit privé.

Pourtant, il n’y a pas eu d’affiliation des cotisations sociales aux taxes parafiscales, pour une raison assez ubuesque : une liste des prélèvements bénéficiant aux organismes a bel et bien été constitué, sauf que cette liste a été constituée sur la base d’organismes bénéficiaires qui échappaient jusqu’alors au contrôle de la Cour des comptes.
Or, il s’avère que les organismes de sécurité sociale étaient soumis, depuis l’ordonnance de 1945, au contrôle de la Cour des comptes.
Assez logiquement, les organismes de sécurité sociale et les cotisations sociales n’ont pas été concernées par le recensement ainsi opéré dans cette période.

La détermination du taux des cotisations sociales relève, selon une pratique constante depuis 1945, du pouvoir règlementaire, dans la mesure où ce pouvoir règlementaire est amené à intervenir après ou pendant les négociations sur le sujet intervenant entre partenaires sociaux.
La sécurité sociale relève d’une gestion tripartite au regard précisément de cette intervention du gouvernement.

L’article 34 de la Constitution dit que le législateur est compétent pour fixer les principes fondamentaux de la sécurité sociale et ses seuls principes fondamentaux.
Les modalités échappent à la compétence du législateur et relèvent donc du pouvoir règlementaire.

La jurisprudence du Conseil constitutionnel est venue ici préciser ce qu’il fallait entendre par « principes fondamentaux de la sécurité sociale ».
En matière de cotisations, elle a considéré que relevait de ces principes fondamentaux :
> la création des cotisations ;
> la détermination des personnes assujetties ;
> la fixation des règles d’assiette et de recouvrement ;
mais qu’en revanche ne relevait pas des principes :
> la fixation des taux de cotisation, qui appartient par conséquent à l’autorité gouvernementale.
Une information est faite en termes de PLFSS.

Au regard de la logique de taxes parafiscales : il n’y a plus rien à regretter quand au fait qu’éventuellement les cotisations auraient pu y être intégrées, puisque la LOLF en 2001 a procédé à la suppression de toutes ces taxes.
Elles ont fait l’objet de transformations : le ministère des Finances a procédé à leur fiscalisation.
Par exemple, la taxe parafiscale audiovisuelle (appelée « redevance » !) est logiquement devenue taxe fiscale.

💡
En conclusion, la notion d’impositions de toutes natures correspond à la réunion des impôts et des taxes fiscales.
Les redevances sont exclues en raison de leur caractère non obligatoire et les cotisations sociales sont exclus en raison de vicissitudes historiques et jurisprudentielles.

§ 2. L’existence de prélèvements fiscaux innommés, sui generis

La jurisprudence plus récente du Conseil constitutionnelle témoigne d’une tendance à considérer de manière restrictive la compétence règlementaire en la matière.
Quand les contours d’un prélèvement sont indécis, il fait basculer par défaut le prélèvement en cause dans la catégorie des impositions de toute nature.

Cette jurisprudence a permis de limiter le nombre des impositions « quasi fiscales » ou « innommées ».
Ce cours ne rentre pas dans le détail, parce qu’elle sont de moins en moins fréquentes. Il y en a un certain nombre au niveau local, notamment dans tout ce qui a trait à la voirie urbaine.

Il existe ainsi toute une série de prélèvements pour lesquels on a des difficultés à savoir s’ils relèvent de la fiscalité ou de la redevance.
Le Tribunal des conflits rend de nombreux arrêts en la matière.

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