Chapitre 1 : Les règles propres à l’élaboration de la norme fiscale

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Contenu

Section 1 : Les fondements constitutionnels du droit fiscal

La matière fiscale proprement dite est assez peu évoquée dans la Constitution de 1958, alors que dans d’autres constitutions, de nombreux articles portent sur la logique fiscale.

Depuis la célèbre décision Liberté d’association de 1971, le Conseil constitutionnel a élargi considérablement le champ des principes auxquels il se réfère lorsqu’il pratique ces contrôles de constitutionnalité.
Cette décision intègre au sein du bloc de constitutionnalité le préambule de la Constitution de 1946 et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

⚠️
La notion de « bloc de constitutionnalité » n’est qu’une doctrine universitaire, mais elle est importante en droit fiscal.

Au-delà de la décision Liberté d’association, le Conseil constitutionnel a rendu une autre décision tout aussi essentielle pour les fiscalistes :
Conseil constitutionnel, 27 décembre 1973, Taxation d’office (n°73-51 DC) :
Pour la 1ère fois, le Conseil d’État se réfère expressément à la DDHC.
→ Départ d’une jurisprudence essentielle en matière fiscale.

Cette jurisprudence en matière fiscale est venue dégager sur la base de la DDHC plusieurs grands principes qui façonnent désormais en profondeur le droit fiscal.

La réforme constitutionnelle essentielle de 1974 a donné la possibilité à 60 députés/sénateurs de saisir le Conseil constitutionnel au regard de la constitutionnalité d’une loi, par exemple fiscale.
Cette possibilité a soumis l’exercice législatif au risque permanent d’inconstitutionnalité qu’il faut impérativement prévenir.

La notion de loi fiscale désigne surtout les lois de finances, voire les LFSS.
Quasiment toutes les lois de finances font l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel.

Cette approche n’a fait que se renforcer depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, avec l’introduction de la QPC.
De très nombreuses QPC ont vu le jour en matière fiscale.

Contrôle de constitutionnalité classique + contrôle en matière de QPC ⇒ jurisprudence constitutionnelle abondante.

On va ici s’intéresser à 3 principes qui sont caractéristiques du droit fiscal :

  1. Le principe de légalité ;
  1. Le principe d’égalité ;
  1. Le principe de nécessité.

§ 1. Le principe de légalité

Le principe de légalité est susceptible de s’entendre de plusieurs façons.

  • En droit administratif, ce principe est utilisé de manière très généraliste pour désigner l’obligation qui pèse sur l’administration de se soumettre au droit.
  • En droit fiscal, il exprime l’idée que les règles qui forment ce droit fiscal ont été posées par le législateur.
    C’est plus précis, parce que cette idée procède directement du principe de consentement de l’impôt que l’on trouve exprimé par l’article 14 de la DDHC.

A – Le consentement de l’impôt, tel que formulé par l’article 14 de la DDHC

Consentir à l’impôt est une donnée majeure dans toute organisation politique : c’est par le paiement de l’impôt que se concrétise l’acte de soumission au pouvoir en place.
L’impôt et son acceptation sont le fruit d’un long processus de maturation des rapports sociaux, qui repose sur une distinction entre consentement à l’impôt et consentement de l’impôt.

Le consentement à l’impôt est de nature sociologique. Il traduit le degré d’acceptation de l’individu vis-à-vis du prélèvement fiscal.
Ce degré d’acceptation varie suivant l’époque et la nature de l’impôt mis en œuvre et traduit des logiques parfois peu rationnelles.

D’une manière générale, en France, le contribuable à plutôt tendance à s’en prendre et à manifester son désaveu vis-à-vis de l’impôt sur le revenu, alors qu’il ne représente que seulement ~20% des recettes fiscales de l’État.
Le contribuable a beaucoup + tendance à ne pas penser à l’imposition indirecte, et tout spécialement à la TVA, qui pèse elle beaucoup plus lourdement sur les ménages français (~45% des recettes fiscales de l’État).
Ce qui est intéressant, c’est que ce sentiment est directement lié à la technique fiscale utilisée : l’imposition directe est ressentie de manière beaucoup plus agressive.

On remarque des phénomènes oppositionnels qui, régulièrement mais ponctuellement, marquent l’histoire de notre pays.
Depuis la 2nde Guerre mondiale, il y a eu 1 mouvement important de révolte fiscale : le poujadisme.
Pierre Poujade monte en 1956 un mouvement qui a eu une importance pendant la 4e République, l’UDCA, qui va réclamer la fin de « l’inquisition fiscale » = pratiques jugées arbitraires de contrôle fiscal de l’administration.
Cela a participé à la chute de la 4e République. L’UCDA a ensuite été relayée par la CIDUNATI.

Plus proche de nous, les mouvements dits des bonnets rouges ou des gilets jaunes procèdent de ces mêmes approches.
Cela ne correspond pas tout à fait à du droit fiscal, mais passionne d’autres sciences comme la sociologie.

Mais le consentement à l’impôt n’est pas le consentement de l’impôt.
Le consentement de l’impôt est la forme seconde et extériorisée de l’acceptation de l’impôt.
En droit, le consentement de l’impôt suppose que soit explicitement acceptée la levée des prélèvements par ceux sur qui en retombe la charge ou par leurs représentants.

C’est ce qu’exprime l’article 14 de la DDHC :

« Tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ».

La logique juridique de consentement n’est donc pas une idée neuve : cette notion a joué un rôle fondamental dans l’existence de nos modèles constitutionnels.
Le régime parlementaire anglais puis le régime parlementaire américain doivent beaucoup à cette logique de consentement de l’impôt ; la Révolution française s’inscrit dans la continuité de ce qui s’est d’abord passé en Angleterre puis aux États-Unis.

→ Le fait de consentir l’impôt par les représentants du peuple est le point de départ du système démocratique, en rébellion contre le système monarchique.

Chronologie historique :

1) La révolution anglaise

Les logiques de la révolution anglaise sont bien connus : c’est le consentement qui est au centre du conflit.

Sous la féodalité, les postes de dépense ordinaires des barons d’Angleterre sont couverts par les recettes de leurs domaines respectifs (ils sont alors + riches que le roi).
Les dépenses exceptionnelles (ex : financement croisade/guerre, paiement d’une rançon…) doivent nécessiter le recours à l’impôt. Pour organiser ces paiements, le roi a besoin du consentement donné par les barons féodaux à de telles dépenses.
C’est ce processus qui est à l’origine du premier acte constitutionnel majeur : en pratique, pour contrôler les opérations royales, le roi Jean Sans Terre se voit imposer par les barons en 1215 le consentement de ses sujets représentés par les barons pour lever l’impôt → Magna Carta.

En 1297, le principe de consentement de l’impôt par le Parlement est confirmé comme loi fondamentale d’Angleterre.
Le Parlement n’était pas composé de représentants du peuple, mais uniquement de représentants aristocratiques. On y ajoute ensuite des contribuables (membres de la bourgeoisie), ce qui entraîne une scission du Parlement en 2, avec :
> la Chambre des lords : représentants exemptés du paiement de l’impôt ;
> la Chambre des communes : représentants concernés par le paiement de l’impôt.

Ce consentement de l’impôt gêne le roi. L’histoire des 13e-15e siècles britanniques est l’histoire d’un monarque qui, à chaque fois qu’il se sent suffisamment fort, cherche à revenir sur ce consentement.
L’histoire s’accélère au 17e siècle, alors Jacques 1er lève de nouveaux impôts sans en référer au Parlement. La Chambre des communes proteste et en 1628 vote une pétition des droits (→ Bill of Rights) réaffirmant qu’aucune taxe nouvelle ne peut être levée sans son consentement, que son autorisation donnée n’est que provisoire, et que le roi doit revenir régulièrement devant elle pour lui demander l’autorisation de continuer à lever l’impôt.

Cette lutte ouverte entre le roi et la Chambre des communes débouche sur une guerre civile, dans laquelle les troupes du Parlement dirigées par Cromwell écrasent les troupes du roi.
C’est la Révolution britannique, qui débouche sur 10 ans de république avant le retour des rois sur le trône en 1660.

En 1688, révolution de palais : la dynastie des Hanovre remplace celle des Stuart.
Cette logique de remplacement de dynastie s’accompagne d’une nouvelle pétition des droits (Bill of Rights) en 1689, qui consacre explicitement ce principe du consentement de l’impôt régulièrement demandé au Parlement et élargit ce consentement à l’ensemble des recettes et dépenses fiscales.

Ce sont ces prérogatives financières qui permettent au Parlement de s’attribuer les pouvoirs législatifs.
Le développement des pouvoirs du Parlement + l’instauration du régime de responsabilité politique du Premier ministre et du gouvernement ⇒ sont directement à l’origine du pouvoir parlementaire.


2) La révolution américaine

Les colonies anglaises d’Amérique étaient initialement placées sous la tutelle du Parlement britannique ; celui-ci reproduit paradoxalement à l’égard des colonies anglais le modèle qu’il reprochait en Angleterre.

En 1765, la chambre des communes décide de créer de nouveaux droits indirects destinés à financer la guerre que l’Angleterre mène vis-à-vis de la France.
Cette décision provoque un tollé général outre Atlantique, où il existe depuis 1619 il existe des Parlements dans chacune des 13 colonies américaines.

Les américains décident de boycotter les produits en provenance d’Angleterre.
Les anglais renoncent à certaines taxes mais vont instituer une taxe plus modique sur le thé.
C’est cette taxe sur le thé qui est à l’origine d’un évènement significatif de l’histoire naissante des futurs États-Unis d’Amérique : la Boston Tea Party.
Un certain nombre de navires britanniques avaient accosté dans le port de Boston ; des américains déguisés en indien prennent d’assaut ces bateaux et jettent dans le port les cargaisons.
Cet évènement est le 1er de la guerre d’indépendance.

En 1776, la déclaration d’indépendance, crée un pouvoir central coordonnant les différents colonies.
Le roi d’Angleterre reconnaît beaucoup trop tardivement que la couronne anglaise ne peut décider d’aucun impôt sur les colonies sans leur consentement ; la paix est signée en 1783.

La constitution de 1787 affirme le principe du consentement à l’impôt après que le pouvoir central (le pouvoir fédéral) ait connu quelques difficultés pour voir les Etats fédérés accepter de leur verser des impôts.
→ La constitution américaine est très marquée par la logique de consentement.


3) La révolution française

Ce qui est intéressant ici, c’est de voir les liens qui existent entre la logique américaine/britannique et la logique française.

Le principe de consentement de l’impôt est tout autant présent au Moyen-Âge en France qu’en Angleterre. Ce principe a en effet été implicitement proclamé par les États généraux de 1314.

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Les États généraux sont, sous l’Ancien Régime, l’assemblée représentant les 3 grandes forces politiques du pays (aristocratie + bourgeoisie naissante + clergé).

En 1314, ce qui fonde une reconnaissance implicite de la logique de consentement, c’est la nécessité pour le roi (Philippe le Bel) de financer la guerre qu’il menait dans les Flandres.

L’évolution aurait pu être exactement la même que celle constatée en Angleterre, avec un processus de reconnaissance de + en + affirmé du consentement et l’évolution vers un régime de type parlementaire ; sauf que le pouvoir royal s’en est beaucoup mieux sorti en France et a résisté bien + plus longtemps à cette logique.

Il faudra attendre la révolution de 1789 – une révolution avant tout fiscale, si on regarde les livres de doléance – pour que ce principe de consentement de l’impôt soit consacré dans la DDHC.

Le système fiscal de la monarchie de l’Ancien Régime est très élaboré, mais profondément inégalitaire.
Comment la monarchie a-t-elle pu éviter que ce consentement de l’impôt ne génère autant de crispations qu’en Angleterre ?

Les rois de France réunissent le moins possible les États généraux : ils ne sont pas appelés à se réunir entre 1614 et 1788.
En 1789, la situation financière de la France est tellement désastreuse que le roi Louis 16 n’a plus d’autre solution que de réunir les États généraux pour lever de nouveaux impôts ; mais cette convocation intervient beaucoup trop tardivement.

Il faudra attendre la Restauration pour voir cette règle du consentement se mettre en œuvre dans le cadre parlementaire.
La Charte de 1814 dispose qu’aucun impôt ne peut être établi ni perçu s’il n’a été consenti par les 2 chambres et sanctionné par le roi.
Dès 1817, le contrôle parlementaire est étendu aux dépenses → 1817, c’est le début du droit budgétaire en tant que tel, avec des références essentielles au régime britannique.

Le droit fiscal, c’est d’abord un droit budgétaire.
La France se dote d’un régime parlementaire qui, en dépit de nombreuses vicissitudes et éclipses, a perduré depuis 1815.
La période 1814-1817 est importante : Louis 18, quand il revient, a vécu en Angleterre et s’est imprégné du régime britannique.

Il est clair que ce consentement donné par la représentation nationale est une donnée essentielle de notre ordonnancement juridique.
Ce consentement est aujourd’hui renouvelé chaque année à l’occasion du vote de la loi de finances.

La perception de l’impôt par l’autorité exécutive après autorisation législative s’opère aux termes de l’article 1er de chaque loi de finances de l’année, qui dispose invariablement que « la perception des ressources de l’État et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l’État est autorisée pendant l’année 2023 conformément aux lois et règlements et aux dispositions de la présente loi de finances ».

Cette formulation est essentielle. Elle a changé par rapport aux logiques antérieures : elle évoque les « ressources de l’État » (recettes fiscales, mais pas que) et les « impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l’État » (collectivités territoriales, mais pas que).
Elle est aussi intéressante parce qu’elle affirme « conformément aux lois et règlements et aux dispositions de la présente loi de finances » ⇒ chaque année, on valide le Code général des impôts + le Livre des procédures fiscales + les modifications de la loi fiscale dans la présente loi de finances.

Autrement dit, pour être à jour, il faut consulter : le Code + la loi de finances de l’année, qui va modifier certains points. Cela rend la loi de finances assez peu lisible

La loi fiscale, telle qu’elle est adoptée au travers de cet article 1er, constitue pour les agents de l’administration fiscale non seulement une autorisation de percevoir l’impôt, mais aussi une obligation.
Il existe d’une manière générale une obligation de l’impôt → l’administration est ici en situation de compétence liée, pour respecter le principe de l’égalité.

L’alinéa 5 de l’article 34 de la Constitution prévoit que la loi ne se borne pas à autoriser la perception de l’impôt ; elle en fixe également le statut :

B – « La loi fixe les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures » : article 34 al 5 de la Constitution

La Conseil constitutionnel a précisé que « les dispositions de l’article 14 de la Déclaration de 1789 sont mises en œuvre par l’article 34 de la Constitution« .
Il a mis en œuvre cette logique dans l’une des 1ères décisions QPC : QPC 18 juin 2010, n°2010-5, SNC Kimberly Clark.

Les juristes diront que le principe de légalité fiscale ne doit pas être confondu avec le caractère légal de l’impôt auquel renvoient ces dispositions de la Constitution.
Cependant, le principe de légalité doit être entendu dans le sens le plus général : l’exigence de conformité de la norme inférieure à la norme supérieure.

Si l’impôt s’avère être une matière réservée au législateur (suivant l’article 34 al 5 de la Constitution), ce législateur ne bénéficie pas d’une compétence complètement exclusive.

D’abord, le pouvoir règlementaire s’exerce aussi en matière fiscale, mais il n’appartient au pouvoir exécutif que de fixer les détails d’application de la loi fiscale, sachant que le pouvoir règlementaire autonome est strictement limité.

Ensuite, ce pouvoir législatif peut également être conduit à partager sa compétence fiscale.
Il la partage notamment avec les collectivités territoriales, comme le prévoit l’article 72-2 alinéa 2 de la Constitution : « elles peuvent recevoir toute ou partie du produit des impositions de toute nature ; la loi peut les autoriser à fixer l’assiette ou le taux dans les limites qu’elle détermine ».
→ Le constituant permet aux collectivités territoriales d’exercer un certain pouvoir fiscal dérivé.

Ce pouvoir fiscal dérivé a pour fondement la libre administration des collectivités territoriales (article 72 de la Constitution).
Beaucoup considèrent que ce pouvoir fiscal conféré aux collectivités territoriales est bien trop limité et qu’il conviendrait de pouvoir étendre leur compétence en la matière.

« impositions de toute nature » peut être aussi interprété dans le sens « impositions d’État », mais aussi « impositions locales ».
Il existe un certain nombre d’impôts locaux (taxe foncière, taxe d’habitation…) qui sont des impositions qui font l’objet d’un prélèvement au profit des collectivités sur lesquelles elles n’ont aucun pouvoir. Il y a donc bel et bien un pouvoir fiscal conféré aux collectivités territoriales.

Le Conseil constitutionnel ne leur reconnaît aucunement la moindre autonomie fiscale (2009, Loi de finances pour 2010).

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Attention à ne pas confondre autonomie financière et autonomie fiscale des collectivités territoriales : l’article 72-2 de la Constitution ne fonde qu’une autonomie financière.

§ 2. Le principe d’égalité

Le principe d’égalité est au coeur même du droit fiscal, car il accompagne les réflexions qui sont menées autour de la théorie fiscale et de la justice fiscale qui y est inhérente.

Le principe d’égalité revêt une place considérable qui ne cesse de croître depuis que le Conseil constitutionnel s’y est référé pour la 1ère fois dans sa décision Taxation d’office (1973), qui marque le point de départ de sa jurisprudence en matière fiscale.

Ce principe se décline selon 2 articles de la DDHC : l’article 13 (égalité devant les charges publiques) + l’article 6 (égalité devant la loi fiscale ; invoqué moins fréquemment).

A – L’égalité devant les charges publiques au sens de l’article 13 de la DDHC

L’article 13 de la Déclaration de 1789 se veut avant tout l’expression de la puissance publique dans toute sa splendeur :

“Pour l’entretien de la force publique et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.”

Dans sa formulation, ce principe est marqué par une certaine forme d’obsolescence (voir introduction du cours).
Cette forme d’obsolescence a aussi permis au juge constitutionnel de faire évoluer le texte, en l’interprétant dans un sens qui correspond aux réalités contemporaines.

Quand il a fallu trancher, en matière d’imposition des revenus, le débat entre proportionnalité et progressivité, il a fallu prendre en compte la distinction capitale entre proportionnalité et progressivité.

Montesquieu, dans L’Esprit des lois, se faisait déjà le partisan de la progressivité de l’impôt, sur le fondement de la Grève antique.
Condorcet, pendant la Révolution, fait lui aussi valoir les mérites de la progressivité ; mais la DDHC impose une conception proportionnelle de l’impôt.

Pendant très longtemps, on a considéré que le principe de l’égalité devant l’impôt était satisfait par l’impôt proportionnel.
Idée : le tarif de l’impôt est le même pour tous, ce qui est égalitaire ; pour autant, le contribuable riche qui se voit appliquer ce tarif paiera plus d’impôts que le contribuable pauvre → la logique proportionnelle a incarné parfaitement la logique de justice fiscale.

Pour beaucoup cependant, il fallait aller beaucoup plus loin.
Certains considèrent que ce qui importe, ce n’est pas l’égalité arithmétique, mais qu’il il faut une égalité dans le sacrifice qui est réclamé par l’administration fiscale à chacun, que seul l’impôt progressif est à même de réaliser.

Par exemple, en matière d’impôt sur le revenu, on a aujourd’hui 5 seuils, qui vont de 0% à 45%.
→ Progressivité.
Si on avait un impôt sur le revenu proportionnel, chacun serait soumis au même taux.

L’égalité répondant à des impératifs de justice fiscale s’appuie sur des impôts progressifs plutôt que sur des impôts proportionnels.

Cette progressivité dans l’imposition est admise partout et est dorénavant érigée à hauteur de principe constitutionnel :

Conseil constitutionnel, 1993, Loi de finances rectificative pour 1993 :
Le Conseil constitutionnel, dans cette décision relative à la CSG, a jugé qu’il serait contraire à l’article 13 de la DDHC de remettre en cause le caractère progressif de l’imposition globale du revenu des personnes physiques en conférant à cette CSG une importance trop forte au travers de taux trop élevés.

💡
Il existe depuis 1917 un impôt sur le revenu dont la vocation est d’être progressif ; sauf qu’à la fin du 20ème siècle, on crée une qu’on a créé à la fin du 20e siècle la contribution sociale généralisée (CSG) sur les revenus, qui est une imposition proportionnelle.

Dans cette décision, le Conseil constitutionnel considère qu’on ne peut pas remettre en cause l’économie générale de l’imposition des revenus en conférant à la CSG une place trop importante, dès lors qu’elle a un caractère proportionnel.

→ En matière d’impôts sur le revenu, constitutionnellement, le prélèvement premier doit être de nature progressiste.

Le Conseil constitutionnel vérifie ici que la vision politique de l’égalité fiscale du législateur s’inscrit bien dans le respect de la Constitution.
Il recherche si le législateur n’a pas méconnu les dispositions de l’article 13 en s’assurant que les discriminations fiscales créées par le législateur sont conformes au principe d’égalité devant les charges publiques.

Il y a un certain paradoxe pour le Conseil constitutionnel en 1993 à se référer à l’article 13 pour concevoir en matière d’impôt sur le revenu un principe d’imposition progressif, alors même qu’en 1789 l’article 13 de la DDHC reposait sur le principe de proportionnalité.

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que d’une manière générale, les contours du principe d’égalité se veulent globalement flous.
Pour autant, le Conseil constitutionnel a entendu conférer au principe une certaine effectivité en matière fiscale, pour 1 raison : parce que le législateur tend à multiplier les dérogations et tend à accorder un régime particulier à certaines catégories de contribuables.

« Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que dans l’un et l’autre cas la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ».
Cette proposition de base du Conseil constitutionnel, inspirée de celle du juge administratif, n’a qu’une portée très relative.
Le juge constitutionnel autorise la mise en place de dispositifs fiscaux dérogatoires ou discriminatoires à 2 conditions :

  1. Il faut que la différence de traitement soit justifiée par un motif d’intérêt général en rapport avec l’objet de la loi fiscale.
    Le juge procède à un contrôle de cohérence au regard du dispositif légal.

     

    Cela a posé problème avec la « taxe Redbull » qui frappait les boissons énergisantes, annulée par le Conseil constitutionnel parce que « pour lutter contre l’alcoolisme » → incohérence entre l’institution de la taxe et l’objectif recherché (décision LFSS pour 2013).

  1. Il faut que la différence de traitement ne soit pas disproportionnée avec le but recherché.
    Autrement dit, le juge constitutionnel procède ensuite à un contrôle de proportionnalité au regard du but poursuivi.

     

    Dans sa décision Loi de finances pour 2013 rendue célèbre, le Conseil constitutionnel annule une taxation au regard de son caractère disproportionné.

→ Critères précis pour la mise en œuvre du principe d’égalité qui la rendent effective.

B – L’égalité devant la loi fiscale au sens de l’article 6 de la DDHC

“La loi est l’expression de la volonté générale ; elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse”.

Cet article 6 de la DDHC a vocation à s’appliquer bien au-delà de la loi fiscale, mais cette égalité doit s’apprécier tout particulièrement à l’égard des règles de procédure fiscale.

Le Conseil constitutionnel le fait dans sa décision Taxation d’office (1973), qui lance toutes les logiques d’égalité en matière fiscale.
Dans cette décision rendue par rapport à la loi de finances de 1974, il considère que le législateur, en introduisant une distinction entre les contribuables au regard de la procédure fiscale qui leur était applicable, « portait atteinte au principe d’égalité devant la loi contenu dans la déclaration des droits de l’homme de 1789 et solennellement réaffirmé par le préambule de la Constitution ».
En l’espèce, une partie particulière des contribuables se voyait seule ouverte la possibilité d’apporter la preuve contraire qui leur permettait de ne pas subir la taxation d’office.

Plus largement, le Conseil constitutionnel s’efforce de dégager un objectif d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi fiscale, qui est exprimé à travers le principe de nécessité :

§ 3. Le principe de nécessité

L’article 14 de la DDHC, qui pose le principe de consentement de l’impôt, se réfère à la « nécessité de la contribution publique » qui peut être constatée par les citoyens ou leurs représentants.
Cette nécessité suggère que le pouvoir fiscal connaît certaines limites qui ne peuvent pas être dépassées.
Les atteintes aux biens / à la propriété / aux libertés individuelles qu’impose la réalisation de l’intérêt général doivent rester strictement nécessaires, parce qu’elles sont indispensables.

L’article 13 évoque le fait qu’une « contribution commune est indispensable ».
Nécessaire ≠ indispensable.
Tout cela implique que, en la matière, il doit y avoir une logique de proportionnalité qui doit s’appliquer.

Les références à la nécessité de l’impôt sont très présentes dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, parce que cette référence permet tout autant aux juges de justifier les prérogatives exorbitantes de la puissance publique et par conséquent de limiter tout excès en la matière.
Autrement dit : ce principe de nécessité est un outil très utile pour le justiciable, parce qu’il permet la conciliation de 2 logiques contradictoires.

2 approches qui vont être développées ici :
1- la rétroactivité de la loi fiscale ;
2- l’intelligibilité / l’accessibilité de la loi fiscale.
Dans cette conciliation de 2 principes contradictoires, s’exprime 1 limite à la rétroactivité de la loi fiscale.

Il n’existe pas de principe général constitutionnel de non rétroactivité de la loi. Le Conseil constitutionnel a affirmé de nombreuses fois que ce principe de non rétroactivité de la loi n’a qu’une valeur législative.
Il l’a notamment affirmé en matière de loi fiscale :
Conseil constitutionnel, 1984, Loi de finances pour 1985 :
”Aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle ne s’oppose à ce qu’une disposition fiscale ait un caractère rétroactif ».

Il s’agit d’un processus assez récurrent en matière de droit fiscal : la matière fiscale a fréquemment recours à la rétroactivité, entraînant une insécurité juridique pour les contribuables.
Globalement, cette insécurité juridique est une plaie et est l’1 des principaux reproches formulés par les étrangers qui travaillent en France.

On estime qu’il y a entre 10 et 15 textes chaque année qui reviennent sur une disposition fiscale.
Cela se fait notamment par des lois de validation, qui valident a posteriori une interprétation de l’administration fiscale contestée (souvent par un jugement) et permettent ainsi d’éviter de potentielles catastrophes financières.

Le juge a posé un certain nombre de conditions quant à l’acceptabilité de la loi fiscale rétroactive.
4 conditions :

  1. Exigence d’un motif d’intérêt général suffisant.
    Le juge peut aller plus loin en exigeant un motif impérieux d’intérêt général selon les circonstances (Conseil constitutionnel, 2014, SELARL PJA / Maflow France).
  1. Interdiction de toute atteinte à l’autorité de la chose jugée.
    On ne peut pas remettre en cause par la loi une décision de justice qui bénéficierait à un contribuable.
  1. Interdiction de rétroactivité pour les situations où sont prononcées des sanctions fiscales plus sévères que celles existantes.
    Ici, le principe constitutionnel en la matière est posé par l’article 8 de la DDHC :
    « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée ».
    Ici aussi, on retrouve la logique de nécessité.
  1. Interdiction de méconnaître une quelconque règle à valeur constitutionnelle, sauf si le but d’intérêt général visé est lui-même de valeur constitutionnelle.

Le juge établit aussi une limite à l’inintelligibilité et à l’inaccessibilité de la loi fiscale :
Conseil constitutionnel, 2005, Loi de finances pour 2006 :
Le Conseil constitutionnel invalide des dispositifs fiscaux d’une complexité « à la fois excessive et non justifiée par des motifs d’intérêt général ».
(cette loi organisait le plafonnement des niches fiscales, mais avec un calcul extrêmement complexe)

Le juge fait découler cette exigence de la combinaison de plusieurs articles de la DDHC : en devenant illisible, la loi fiscale était susceptible de porter atteinte tout autant au principe du consentement de l’impôt comme au principe d’égalité.

Section 2 : Le droit fiscal international et européen

L’article 55 de la Constitution dispose que : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque accord ou traité de son application par l’autre partie ».

Cette disposition constitutionnelle est essentielle en droit fiscal, compte tenu des très nombreux traités ou conventions qui intéressent la fiscalité que la France a signé au regard du développement des échanges internationaux + de la construction européenne.
Si le législateur national est bien compétent pour élaborer la loi fiscale, cette dernière doit respecter les dispositions internationales et européennes qui lui sont supérieures.

Contrairement au droit interne, le droit fiscal international et européen ne fonde pas un système fiscal autonome → il n’y a pas d’impôt européen.
Ce droit fiscal international et européen ne confère pas de base fiscale aux décisions d’imposition.

À quelques exceptions près (harmonisation fiscale européenne), les sources externes du droit fiscal se contentent d’altérer les systèmes fiscaux nationaux et « conduisent à écarter sur tel ou tel point la loi fiscale nationale » (Conseil d’État, 2002, Schneider Electric).
Ces sources externes confèrent aux Etats beaucoup + d’obligations de ne pas faire que des obligations de faire.

§ 1. Les conventions fiscales internationales

La France est pionnière dans le domaine : elle fait partie des États qui ont le + signé avec d’autres États des conventions fiscales internationales, puisqu’elle possède un réseau d’environ 125 traités signés (sur les 200 États que répertorient les Nations Unies).
Historiquement, la 1ère convention fiscale internationale : 1843, entre la Belgique et la France.

Le droit fiscal international est fondé sur des conventions fiscales bilatérales, c’est-à-dire négociées et signées entre 2 États.

A – Le double objet des conventions fiscales internationales

Les conventions fiscales ont un double objet, comme l’illustrent leurs titres : « convention entre le gouvernement de la République française et [État] en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscale ».

1) Prévenir les situations de double imposition

L’impôt est vieux comme le monde, mais l’émergence d’une problématique fiscale internationale est beaucoup plus récente.
Dans le cadre du développement des échanges internationaux est apparue la problématique de la double imposition, résultant de l’appréhension d’une même matière imposable par 2 États qui entendent l’un comme l’autre pouvoir exercer leur souveraineté fiscale.

Dans la pratique, un contribuable voit son revenu être imposé 2 fois dans l’État où va être né ce revenu (État de la source) + dans l’État où il réside (État de résidence).
Cela est évidemment insupportable pour le contribuable. Il est clair qu’une telle réalité se veut profondément néfaste pour le développement des activités et échanges économiques.

Le recours à des règles de droit s’avère ici absolument indispensable.
La convention fiscale a pour objet d’organiser le partage de l’imposition entre les 2 juridictions fiscales.
Objectif : que les États s’entendent entre eux pour se partager le gâteau.

💡 Il ne s’agit pas ici de concevoir de nouvelles règles fiscales, mais de déterminer quelle est la règle de droit qui s’applique en fonction de la nature du revenu ou du bénéfice qui aura été réalisé.
→ Organiser la répartition des compétences fiscales entre 2 Etats qui sont en situation de concurrence.

Objectif : éviter un sentiment de spoliation du contribuable + éviter que la multiplication de ce phénomène entraîne un tarissement de l’activité économique.


2) Lutter contre la fraude et l’évasion fiscale internationales

L’autre objectif principal poursuivi par cette convention fiscale internationale est de lutter contre les phénomènes de fraude et d’évasion fiscale en évitant qu’un contribuable ne paie pas d’impôts ou paie moins d’impôts dans chacun des 2 États concernés en se servant (souvent en toute légalité) des législations fiscales différentes et plus favorables d’un État vis-à-vis de l’autre.

Les États développent des instruments de coopération entre administrations fiscales.
Ces coopérations entre États se matérialiser en échange de renseignements ou en aide au recouvrement des impositions.

Au-delà de ces approches, ces conventions fiscales intègrent aussi des « dispositifs anti-abus », généralement en vigueur dans les droits nationaux.
Objectif : empêcher les contribuables de bénéficier des avantages procurés par la convention au travers de montages totalement artificiels.

Ont pu aussi être insérées dans des conventions certaines clauses qui se veulent aussi protectrices des intérêts et des droits des contribuables.
Exemple : clauses de non discrimination sur la nationalité dans les conventions internationales.

B – L’élaboration des conventions fiscales internationales

1) Le modèle conventionnel OCDE

Le développement de ces logiques conventionnelles correspond à la fin de la Première Guerre mondiale.
C’est la Société des Nations (SDN) qui est à l’origine de ce processus, dans la mesure où l’élaboration de ce droit conventionnel est favorisée par les travaux des organisations internationales qui vont se succéder (SDN → ONU → OCDE).

Originellement, la SDN voit dans la solidarité économique le meilleur moyen d’éviter un nouveau conflit mondial ; elle cherche donc à éliminer le plus d’obstacles de nature à limiter les échanges commerciaux internationaux, notamment les doubles impositions.
Dès 1921, elle décide d’engager des travaux relatifs à la double imposition. En 1928, il est décidé de mettre en place un projet de convention type pour éliminer ces problèmes de double imposition.
Ce projet est présenté en 1943, porté par des pays émergents ; il est repris et présenté à Londres en 1946.
En raison de l’opposition entre pays développés et en développement, le projet est abandonné.

L’OECE, fondée en 1948 pour gérer les fonds du Plan Marshall, devient OCDE en 1961, reprend ce travail de conception d’un modèle en matière de double imposition.
En 1963, un 1er modèle est proposé en matière de revenus et de fortune ; depuis 1971, ce modèle est régulièrement remis à jour.

La France, pour élaborer ses conventions fiscales, utilise le modèle de l’OCDE.

Les pays en développement ont de leur côté tenté, de la même manière, mais dans le cadre plus général des Nations Unies, de développer un modèle permettant de mieux appréhender les relations fiscales entre pays développés et pays en développement.
Le modèle de l’ONU est adopté en 1979 et est mis à jour régulièrement.

Le principal intérêt de ce modèle ONU est de donner la possibilité d’apporter un certain nombre de correctifs aux conventions fiscales bilatérales signées avec un État en développement afin de leur permettre d’accéder plus largement à la faculté d’imposer les revenus trouvant leur source sur leur territoire.
→ Le modèle ONU est un instrument de développement économique des États en développement.


2) Conventions bilatérales et conventions multilatérales

L’OCDE estimait en 2019 le nombre de conventions fiscales bilatérales signées à travers le monde à 4500, ce qui est considérable.

Une convention très récente et originale a été préparée par l’OCDE et signée en 2017, que l’on a qualifié d’instrument multilatéral : MLI.
L’objet de cet instrument multilatéral est de permettre de modifier d’un seul tenant l’ensemble des conventions fiscales bilatérales auxquelles sont parties les États signataires.
En effet, la signature ou la re-signature d’une convention est un processus très lent, alors même que le développement des modèles de l’OCDE est rapide. De plus, la révolution numérique est un processus de nature à dénaturer le droit consigné dans les modèles conventionnels.
Il est donc nécessaire d’avoir un instrument multilatéral permettant de modifier mécaniquement les conventions bilatérales antérieurement signées.

Cela permet d’intégrer à l’ensemble des conventions bilatérales les nouveaux dispositifs de lutte contre l’érosion de la base imposable et les transferts de bénéfices proposés par l’OCDE.
Cet instrument permet d’être particulièrement efficace dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale internationales.

C – La portée des conventions fiscales internationales

Les conventions fiscales signées par la France se doivent d’être ratifiées ou approuvées pour entrer en vigueur, aux termes de l’article 53 de la Constitution :
« Les traités qui modifient la loi ou qui engagent les finances de l’État ne peuvent être ratifiées ou approuvées qu’en vertu d’une loi ».

Autrement dit, la signature d’une convention fiscale internationale impose que, d’un point de vue formel, le Parlement la ratifie.
L’exercice se veut purement formel : il ne peut modifier aucun des termes d’une convention entre 2 États.

D’un point de vue protocolaire / diplomatique, il conviendra d’échanger les instruments de ratification. Juridiquement, ce n’est qu’à partir du moment que cet échange a lieu que la convention existe.

En droit français, il faut que la convention fasse l’objet d’une publication au Journal officiel → marque l’entrée en vigueur de la convention.

Dès lors que cette convention est entrée en vigueur, d’un point de vue juridique, cette convention fiscale se veut supérieure à la loi fiscale nationale (article 55 de la Constitution).
Pour autant, le juge fiscal (= le Conseil d’État) fait prévaloir une conception singulière, qui semble contredire au 1er abord la lettre de l’art 55 de la Constitution.
Cela résulte de la traduction que fait le juge fiscal du principe de subsidiarité dans l’appréhension et dans son application aux conventions fiscales.

1) Le principe de subsidiarité des conventions fiscales

Pour comprendre la position du Conseil d’État, il faut mettre en œuvre un raisonnement assez subtil.
Selon le juge français, les conventions fiscales ne peuvent bénéficier que d’une application subsidiaire. Cela signifie que le Conseil d’État se préoccupe d’abord de la loi nationale, avant de s’intéresser à la mise en œuvre de la convention fiscale.
→ Le droit international intervient dans un second temps.

Le juge vérifie d’abord que l’imposition contestée a été établie en respectant fidèlement la loi nationale. Ce n’est qu’en cas de réponse positive que, dans un second temps, il vérifie que la qualification de la situation qui résulte de la loi se veut conforme ou pas aux stipulations de la convention internationale (= que la loi nationale ne viole pas la convention).

La position du Conseil d’État tient dans son refus d’apprécier directement l’éventuelle contrariété d’un acte d’imposition à une convention internationale, et cela compte tenu précisément de son objet général :


2) L’appréhension de la convention fiscale par le juge de l’impôt

Conseil d’État, 2002, Schneider Electric :
Une convention fiscale « ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l’imposition ». « Elle ne peut au moins que conduire à écarter sur tel ou tel point la loi fiscale nationale ».

Derrière ces formulations sont perceptibles toutes les limites de ce droit fiscal international, reposant essentiellement sur ces conventions fiscales bilatérales.
Ces conventions ne peuvent déroger aux dispositions du droit national que pour aller dans le sens d’une limitation de la double imposition.

La convention fiscale bilatérale ne peut donner un fondement autonome à l’application de l’impôt.
Autrement dit, cette convention a besoin de la loi nationale.
→ Caractère subsidiaire de la convention.

Il convient donc pour le juge d’appliquer prioritairement la loi nationale, et de faire subsidiairement en échec ses effets dans l’hypothèse où une convention fiscale s’opposerait à ses dispositions.
→ Respect de l’article 55 de la Constitution.

§ 2. Le droit fiscal de l’Union européenne

Le droit fiscal national porte de + en + la marque du droit fiscal européen, dans la mesure où les règles fiscales qui s’imposent au contribuable ont de + en + pour origine le droit de l’UE.

A – Le droit primaire

Le droit fiscal de l’UE fait peser d’importantes contraintes sur les États membres.
Cela s’exprime en particulier dans le cadre du droit primaire au regard des dispositions prévues par les traités, et notamment par le premier d’entre eux : le traité de Rome, signé en 1955.

Ces contraires s’expriment au regard des interdictions fiscales posées + des grandes libertés définies. Pour l’essentiel, c’est la CJUE qui se veut être la garante de leur respect.

1) Les interdictions fiscales posées par les Traités

Les concepteurs du traité de Rome avaient pour aspiration de créer un marché commun, sans aucune restriction.
Or la fiscalité constitue une entrave à la réalisation de ce marché commun.

Exemple : la prohibition des législations fiscales des États membres qui produisent des effets équivalents à des droits de douane (parce que le marché commun fait tomber les barrières douanières).

Exemple : la prohibition des impositions intérieures qui se veulent discriminatoires des étrangers (souvent sur le fondement de la nationalité).

Exemple : la prohibition des règlementations nationales de nature à générer des entraves fiscales.

Exemple : l’encadrement très strict des aides d’État prises en la forme fiscale et de nature à fausser la libre concurrence qui caractérise ce grand marché commun.

Ces obligations de ne pas faire en matière fiscale sont expressément prévues par le texte pour que les États ne mettent pas, par l’intermédiaire de la fiscalité, des mécanismes qui entravent la mise en œuvre du marché commun.


2) Le respect des grandes libertés définies par les Traités

On part ici de l’idée que d’une manière générale la fiscalité reste une compétence importante des États membres.
Pour autant, ils se doivent de respecter les grandes libertés qui sont définies dans l’article 26 du TFUE :
”Le marché intérieur comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée selon les dispositions des traités.”

Sont ainsi garanties :

  • La libre circulation des marchandises (articles 28 à 37 du TFUE) ;
  • des personnes (articles 26 et 67 du TFUE) et notamment des travailleurs (articles 45 à 48) ;
  • des services (articles 56 à 62 du TFUE) ;
  • des capitaux (articles 63 à 66 du TFUE) ;
  • la liberté d’établissement (articles 49 à 55 du TFUE).

En termes de droit primaire, le juge européen dispose de sources d’interprétation lui permettant de garantir le respect de ces logiques.

B – Le droit dérivé

1) L’harmonisation de la fiscalité indirecte

Le Traité (le TFUE, auparavant le Traité de Rome) ne prévoit expressément que l’harmonisation des taxes sur le chiffre d’affaires (TCA ; inclut notamment la TVA) et autres impositions indirectes assises sur les transactions économiques (article 113).

Parmi les plus belles réalisations de l’Europe, il y a certainement l’harmonisation remarquable réalisée en matière de TVA.
Cette harmonisation résulte des termes de la « 6ème directive TVA » (17 mai 1977), qui a harmonisé l’ensemble des assiettes pour tous les États membres de l’UE en matière de TVA, laissant aux États la seule possibilité de fixer le taux de TVA, avec une contrainte essentielle : si la France décide de modifier le taux de TVA, elle doit préalablement obtenir l’unanimité en la matière de la part de l’ensemble des autres pays membres de l’UE.

Pour passer la TVA à 10% pour les restaurateurs, le président Chirac a dû passer 10 ans à convaincre ses partenaires !

Les droits d’accises désignent la création de taxes complémentaires à la TVA susceptibles de frapper la consommation de tel ou tel produit spécifique (ex : droits particuliers sur le tabac, les alcools, le pétrole…).
Cette logique de création de taxes complémentaires à la TVA est fortement encadrée par une autre directive du 28 novembre 2006.
Sans cette directive, il y aurait un risque à voir les États créer des fiscalités indirectes particulières sur de nombreux produits, qui pourrait compromettre toutes les logiques d’harmonisation en matière de TVA.
On se contente donc d’impôts très emblématiques sur quelques produits particuliers, sous contrôle très poussé de l’Union européenne.


2) Les rapprochements en termes de fiscalité directe

Les impôts directs qui frappent le revenu ou la fortune n’ont pas à faire l’objet du même processus d’harmonisation, parce que les traités ne le prévoient pas.
Pourquoi ? Parce que les États sont trop soucieux de leur souveraineté fiscale, mais aussi parce que les impositions directes ne contrarient pas à priori les logiques d’échanges commerciaux (donc l’UE ne peut pas s’en prévaloir).

L’harmonisation existe pourtant à minima, en particulier au regard des logiques d’impôt sur les sociétés. Cette harmonisation est poussée par l’UE et concerne principalement certains aspects de la fiscalité des groupes de sociétés.
Par exemple, le “régime mère-fille” a fait l’objet d’une directive du 23 juillet 1990, dans le contexte du développement du marché intérieur.

La Commission européenne tente de promouvoir certains projets de directives qui permettraient une imposition homogène des bénéfices des entreprises pour l’ensemble de leurs activités européennes.
On peut notamment citer le projet de directive ACCIS (”assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés”).


3) Les avancées dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale internationale

La directive du 19 décembre 1977 oblige les administrations fiscales nationales à s’assister mutuellement dans l’échange d’informations, en matière de fiscalité indirecte ou directe.

La directive du 9 décembre 2014 met en place un principe d’automaticité de transmission des informations en matière fiscale, ce qui change tout (par rapport notamment au grand duché du Luxembourg !).

La Commission multiplie les initiatives, notamment pour faire adopter par les États la directive ATAD (Anti Tax Avoidance Directive) qui vise à prévenir les comportements d’évasion fiscale agressive, notamment en interdisant les montages artificiels permettant les évasions fiscales vers des paradis fiscaux.

§ 3. Le droit de la Convention européenne des droits de l’homme

A – L’article 6 §1 de la Convention EDH ou le droit au procès équitable

Article 6 §1 de la Convention EDH :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

Ces conditions ont entraîné plusieurs condamnations de la France, jusqu’à ébranler durement le Conseil d’État, qui a été obligé de repenser son organisation et notamment le rôle du commissaire du gouvernement après le célèbre arrêt Kress contre France.

En matière fiscale, l’article 6 paragraphe 1 a notamment trouvé à s’appliquer en matière de sanctions fiscales.
C’est d’autant plus vrai que la CEDH a décidé d’écarter le contentieux de l’établissement de l’impôt à l’application de cet article 6 paragraphe 1 → tout ce qui concerne l’application de l’impôt ne peut pas être invoqué devant le juge européen.

Arrêt essentiel : CEDH, 2001, Ferrazzini contre Italie :
Limite la portée de l’article 6-1 dans la sphère fiscale.

B – L’article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention EDH ou le droit au respect des biens

Au vu du caractère confiscatoire que présente l’impôt, un certain nombre d’affaires ont été évoquées devant la CEDH.

L’article 1er du 1er protocole additionnel prévoit que :
”Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ; nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international”.

Ici encore, l’article précise que ce dispositif ne remet pas en cause « le droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois […] pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes ».

Exemple : le fisc fait usage de son droit de préemption sur un immeuble acquis par des particuliers pour insuffisance de prix payé (article 688 du CGI, abrogé en 1996 suite à la condamnation de la France par la CEDH avec l’arrêt Hentrich contre France de 1994).
Ici, le fisc a fait valoir son droit d’acheter un bien avec une logique de minoration du prix qui aurait normalement dû être demandé et obtenu dans le cas d’une vente à un particulier.

Section 3 : La loi fiscale

Il s’agira ici de tirer toutes les conséquences de l’article 34 alinéa 5 de la Constitution, qui confère au législateur le soin de fixer les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature.

§ 1. La législation fiscale

A – Lois ordinaires et lois de finances

La compétence fiscale s’exerce par le biais de la loi ordinaire, qui est soumise à la procédure habituelle de discussion parlementaire.

Pour autant, il est d’usage normal que le législateur adopte des dispositions à caractère fiscal dans les lois de finances (lois de finances initiales + lois de finances rectificatives + loi de financement de la sécurité sociale + LFSS rectificatives), car ce sont des dispositions qui affectent chaque année l’équilibre budgétaire et financier développés dans ces textes.

Le fait, pour le gouvernement, d’insérer un dispositif dans une loi de finances plutôt que dans une loi ordinaire est tout sauf anodin, car cela lui assure que la mesure sera adoptée au terme d’un délai limité et que la mesure pourra être adoptée plus facilement au regard des logiques de vote (le processus de navette entre les chambres est interdit en matière de lois de finances).

Cela s’effectue au détriment d’une discussion beaucoup plus approfondie et d’un meilleur consentement démocratique.
C’est pour ça que de nombreuses lois ordinaires contiennent aussi des dispositions à caractère fiscal, le plus souvent pour permettre d’atteindre les objectifs poursuivis par la loi, qui peuvent être de nature économiques, sociaux, environnementaux, …

Dès lors, ces dispositifs fiscaux peuvent aussi figurer dans des codes législatifs qui sont différents du seul Code général des impôts.
Par exemple, il y a des dispositions fiscales dans le Code de la sécurité sociale, dans le Code de l’environnement, dans le Code général des collectivités territoriales

B – Les processus de codification

Le Code général des impôts (CGI) est aujourd’hui constitué d’1 partie législative suivie de 4 annexes regroupant les textes règlementaires.

En 1981, les dispositions relatives aux procédures et aux recours ont été détachées du CGI pour figurer dans un autre code appelé Livre des procédures fiscales (LPF).
Ce LPF est divisé en 3 parties : la partie législative + la partie règlementaire des décrets + la partie règlementaire des arrêtés.

Cet ensemble de textes qui figurent dans le CGI et dans le LPF se veut très complexe et très technique. Au fil du temps, il est devenu illisible.

Il faut préciser que la situation a récemment évolué au regard du processus de réorganisation du recouvrement en matière fiscale.
La Direction générale des douanes et des droits indirects a vu ses compétences diminuées pour mettre en œuvre une mesure de simplification administratives → mise en place d’un « guichet unique ».

Le gouvernement a ainsi organisé le transfert de la DGDDI au profit de la DGFiP de la compétence pour le recouvrement des accises que constituent les droits sur les tabacs, les alcools et les huiles minérales.

Ce transfert s’est accompagné d’une réforme de certaines procédures fiscales, qui se voient alignées sur le régime applicable à la TVA.

Un nouveau code a été créé : le Code d’imposition des biens et services (CIBS).
Il a pour objectif de consolider en 1 seul ensemble de nombreux textes qui n’étaient pas codifiés, en limitant leur volume et en présentant les impositions par secteur d’activité.
Cette approche a été centrée dans un 1er temps sur les énergies/alcools/tabacs/industries ; il a ensuite été étendu à la TVA et aux autres impositions sectorielles sur les biens et services.

§ 2. L’application de la loi fiscale

A – L’application dans le temps

Il est quasiment impossible d’avoir une loi fiscale non rétroactive, sauf en matière de sanction fiscale.

En effet, l’application de la loi fiscale dépend nécessairement de faits générateurs.
Ici, un fait générateur est un évènement ou un acte juridique dont la particularité est de faire naître la dette fiscale.

Pour de très nombreux impôts, le fait considéré comme juridiquement générateur de l’impôt vient en pratique venir clôturer une période (le plus souvent, 1 année civile, aussi appelée 1 exercice).
Le 31 décembre de l’année considérée va correspondre précisément à ce fait générateur ; l’impôt va être calculé en fonction du droit applicable au 31 décembre.

Par exemple, l’article 1er de la loi de finances pour 2023, datée du 30 décembre 2022, dispose qu’elle s’applique :
« 1° À l’impôt sur le revenu dû au titre de l’année 2022 et des années suivantes ;
2° À l’impôt sur les sociétés dû au titre des exercices clos à compter du 31 décembre 2022″.

Cela veut dire que le texte va s’appliquer à tous les actes économiques et à toutes les décisions de gestion qui ont été pris depuis le 1er janvier 2022, sur la base d’une règlementation en vigueur qui avait été déterminée par la loi de finances 2022.

Autrement dit, aujourd’hui, le contribuable qui pensait être imposé le 1er janvier sur la base d’une règlementation en place à l’époque verra s’appliquer in fine une nouvelle règlementation qui se met en œuvre rétroactivement et qui ne procure pas forcément les mêmes avantages.

Pour l’impôt sur le revenu + sur les sociétés : il y a une rétroactivité inhérente aux actes économiques et de gestion pris par l’individu ou la société.

Aujourd’hui, on prend une décision sur la base du droit existant qui a été adopté dans le cadre de la loi de finances pour 2023, tout en sachant que cette loi pourra voir son régime être remis en cause dans la loi de finances pour 2024.

B – L’application dans l’espace

En matière fiscale, le principe de territorialité est soumis à quelques particularismes.

Normalement, le territoire fiscal de la France correspond à son territoire étatique.
On constate cependant que les collectivités d’outre-mer (auparavant territoires d’outre-mer) ne sont pas soumises au Code général des impôts.
En effet, les collectivités d’outre-mer bénéficient d’une certaine autonomie en matière fiscale, à tel point que la France, pour respecter cette autonomie fiscale, conclut avec elles des conventions fiscales visant à éviter les doubles impositions (comme elle le fait avec des États étrangers).

Exemples : Nouvelle-Calédonie, mais aussi dans une certaine mesure la Corse…

D’une manière générale, certains endroits font l’objet de discriminations positives, prévues au Code général des impôts.

La nationalité du contribuable importe peu : le Code général des impôts développe une conception mondialiste du revenu du contribuable qu’il entend frapper dans toutes ses dimensions (nationale ou étrangère).
Autrement dit, pourront être imposées chaque année en France l’ensemble des revenus d’origine française ou étrangère perçus par toute personne française ou étrangère qui a son domicile fiscal en France.

Cette conception maximaliste s’estompera dès lors que la situation du contribuable correspondra à l’une des situations prises en compte par une convention fiscale internationale signée par la France.
Objectif : éviter que le contribuable se fasse imposer 2 fois (dans le pays étranger + dans le pays dans lequel il développe ses activités).

Section 4 : Les sources d’origine règlementaire

Il ne faut pas oublier que le pouvoir règlementaire garde un pouvoir d’édiction de normes qui se veut essentiel.

§ 1. Les textes fiscaux règlementaires

A – Les dispositions règlementaires nationales

Les dispositions règlementaires nationales regroupent l’ensemble des décrets et arrêtés ministériels susceptibles d’intervenir en matière fiscale.
Ces actes doivent être conformes à la loi dont ils assurent l’application + sont inférieurs à la loi.

Autrement dit, si le contribuable estime qu’un tel acte est illégal, il saisit le juge administratif par un REP ou en soulevant une expression d’illégalité.

Le droit fiscal n’est pas uniquement composé de règles d’imposition : il comporte tout autant des règles de procédure qui sont suivies par l’administration fiscale.
En ce qui concerne les règles de procédure, il convient d’établir une distinction :

  • D’une part, il y a les règles relatives à la procédure contentieuse, qui vont s’appliquer en cas de contestation de l’imposition par le contribuable ;
  • D’autre part, il y a les règles de procédure non contentieuses, c’est-à-dire les règles d’établissement de l’imposition par l’administration.

Conseil constitutionnel, 14 mai 1980, n°80-113 L :
Concernant les règles de la procédure contentieuse, « les dispositions de la procédure à suivre devant les juridictions civiles ou administratives relèvent de la compétence règlementaire ».

Conseil constitutionnel, 2 décembre 1980, n°80-119 L :
Les règles de procédure non contentieuse (= règles relatives à l’établissement de l’imposition) sont indissociables de l’imposition auxquelles elles se rapportent ; elles relèvent dès lors de la compétence du législateur.

Conseil constitutionnel, 4 avril 1968, n°68-51 L :
Les dispositions qui organisent de manière interne l’administration fiscale relèvent de la compétence de l’autorité règlementaire.

B – Les dispositions règlementaires locales

Les dispositions règlementaires locales sont les délibérations qui sont adoptées en matière fiscale par les collectivités locales dans le cadre de leur libre administration (→ principe constitutionnel garanti à l’article 72 de la Constitution).

En matière locale, on retrouve les modes classiques d’organisation de la vie démocratique : c’est l’assemblée délibérante (conseil municipal/départemental…) qui prépare le budget.
Un certain nombre de décisions interviennent en matière de fiscalité locale ; certaines sont des décisions qui reviennent chaque année : le Code général des impôts, à son article 1636B sexies, indique que l’assemblée délibérante des collectivités compétentes détermine chaque année – dans les limites imposées par la loi – les taux des taxes foncières, de la taxe d’habitation, de la cotisation foncière des entreprises.

Le législateur peut aussi laisser à la collectivité territoriale la possibilité de créer ou d’aménager une imposition qu’il a lui-même créée.
Exemple : la taxe de séjour, que chaque collectivité peut instituer ou pas (article L2333-26 du CGCT).

Le CGCT laisse aussi les collectivités choisir entre la taxe fiscale ou la redevance pour financer leurs services de ramassage des ordures ménagères.

§ 2. L’interprétation du droit fiscal par l’administration

La doctrine administrative en matière fiscale est particulièrement riche.

A – La notion de doctrine administrative ou fiscale

Ce phénomène de doctrine administrative n’est absolument pas un phénomène récent, puisque dès la période révolutionnaire le pouvoir central a exprimé le besoin d’expliciter les nouveaux textes fiscaux qui venaient d’être adoptés.
En effet, tout gouvernement doit expliquer à ses agents la législation qu’ils sont chargés de mettre en œuvre et d’appliquer.

La complexité des textes fiscaux explique parfaitement qu’un effort de pédagogie soit opéré.
Cette doctrine cache ainsi la délivrance d’un « mode d’emploi » des lois fiscales.

Cette démarche permet aussi d’appliquer uniformément la loi fiscale sur l’ensemble du territoire → respect matériel du principe d’égalité devant l’impôt pour les contribuables.

Cette doctrine se distingue de la loi fiscale par sa clarté.
C’est cette clarté de la doctrine qui explique pourquoi les agents de l’administration fiscale ont pris l’habitude de d’abord s’y référer plutôt que de se référer à la loi fiscale.

Cela pose des problématiques d’opposabilité de la doctrine : derrière cette doctrine, il y a une prise de position de l’administration fiscale vis-à-vis de laquelle le contribuable a pu se référer et sur le fondement de laquelle il a pu construire sa situation fiscale.
Dès lors, une telle prise de position par l’administration est de nature à conférer des droits aux contribuables.

B – Les différents types d’interprétations réalisées par l’administration

Cette doctrine est le produit de 2 formes d’interprétation :

  1. Une interprétation des textes fiscaux par l’administration de manière spontanée.

    Celle-ci s’exprime principalement au travers des instructions, circulaires et autres notes publiées au Bulletin officiel des impôts (BOI).
    Elles sont rédigées en forme générale et impersonnelle par les services centraux de Bercy, à destination de tous les agents des impôts.
    Elles ont vocation à assurer la mise en œuvre de la loi fiscale en apportant précisions et commentaires.
    Elles sont assortis de conseils, d’exemples, de précautions…
    Ce sont des textes qui s’imposent aux agents de l’administration et qui n’ont pas de caractère contraignant à l’égard du contribuable, mais qui ont en pratique une portée considérable parce qu’il est nécessaire de s’y référer.

    On en compte environ 200 par an → volume considérable.
    L’administration publie tous les ans un précis de fiscalité à destination de ses agents, qui regroupe l’essentiel des dispositions que ces agents doivent appliquer.
    Les réponses ministérielles apportées aux questions des parlementaires sont intégrées à cette doctrine dès lors qu’elles sont publiées au JORF.

  1. Une interprétation qui se réalise à la demande du contribuable et qui est formulée par rapport à sa situation personnelle.

    Cette forme tend aujourd’hui à se développer de façon importante.
    Ici, l’administration interprète une situation de fait.

    Derrière cette forme d’interprétation, on trouve tout ce qui concerne les rescrits, qui sont des prises de position formelles de l’administration fiscale sur l’application d’une norme à une situation de fait décrite loyalement dans une demande présentée par un contribuable.
    Il y a ~20 000 rescrits émis par la DGFIP chaque année.

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