Sommaire : cours complet d’institutions juridictionnelles

Titre 1 : Le service public de la justice

Titre 2 : Les juridictions

Titre 3 : Le personnel de la justice

Chapitre 2 : Les auxiliaires de justice

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Les auxiliaires de justice sont des personnes qui ne sont pas magistrats, mais qui apportent leur concours au fonctionnement des institutions de justice, ou des personnes qui ont une activité proche du monde judiciaire.

Section 1 : Les avocats

L’avocat reçoit des clients en cabinet et les conseille pour des opérations juridiques.
Il peut rédiger ou négocier des contrats.
Il peut donner des consultations sur un point de droit.
Il prépare des actes de procédure au nom et pour le compte de son client.

C’est la loi du 31 décembre 1971 régit la profession d’avocat.

§ 1. La mission de l’avocat

La mission de l’avocat est double : assistance et représentation du client.

Assistance : l’avocat doit défendre les intérêts du client.
Exemple : plaidoirie le jour de l’audience, assistance aux mesures d’instruction, assistance d’une personne placée en garde à vue…
Cette mission s’étend à toutes les consultations données à son client.

Représentation : exercer un mandat au nom et pour le compte d’un client pour accomplir des actes qui sont nécessaires à une procédure juridictionnelle.
”Mandat ad litem” – vaut de manière générale pour les actes nécessaires à la procédure (pas de procuration nécessaire).
Limites de ce mandat :
> territorialité : la représentation par l’avocat peut seulement avoir lieu devant les cours d’appel dans le ressort desquelles l’avocat a une résidence professionnelle + les tribunaux judiciaires qui relèvent de cette cour d’appel
> tout avocat ne peut pas exercer de représentation devant le Conseil d’État et la Cour de cassation (seuls les avocats au conseil, qui ont suivi une formation et suivi un concours spécial)

§ 2. Le statut de l’avocat

Les avocats exercent à titre indépendant (profession libérale).
Ils sont soumis à un cadre : celui des ordres / des barreaux (= groupements d’avocats dotés d’une personnalité morale).

Il existe un barreau au sein de chaque tribunal judiciaire.
À la tête du barreau, il y a le bâtonnier, élu par l’AG des avocats de ce barreau.
Ses fonctions : la représentation et l’administration du barreau + fonctions disciplinaires.

L’AG du barreau établit également le Conseil de l’ordre, qui veille à ce que les avocats respectent bien leurs obligations.

Pour être avocat : il faut être inscrit à l’un des barreaux sur décision du conseil de l’ordre.
Avant d’exercer, l’avocat prête serment.
Le conseil de l’ordre vérifie que les conditions d’admission sont bien remplies et que le candidat présente toutes garanties de moralité.
La décision du conseil de l’ordre peut faire l’objet d’un recours devant la cour d’appel.

À l’échelon national, le CNB (Conseil national des barreaux) représente la profession auprès des pouvoirs publics.
Composé d’avocats élus.
Compétent pour prendre des dispositions générales pour l’unification des règles de la profession.

Pour être avocat (loi de 1971), il faut :
> avoir la nationalité française ou être ressortissant d’un État membre de l’UE
> ne pas avoir été condamné pénalement pour des faits contraires à l’honneur, à la probité, aux bonnes mœurs
> être titulaire d’un master 1 de droit ou diplôme équivalent
> avoir passé examen d’entrée dans un CRFPA

Dans ce centre de formation (CRFPA) : formation de 18 mois (enseignements et stages).
Puis épreuves du CAPA.
Puis inscription au barreau.

Modalités d’exercice de la profession d’avocat :
> à titre individuel
> dans le cadre d’une société (ex : sociétés pluriprofessionnelles d’exercice)
> plusieurs avocats peuvent former une association

Si l’avocat exerce dans une société, il peut :
> être associé du cabinet
> être collaborateur (= rémunéré par le cabinet et peut avoir sa propre clientèle)
> être salarié (= ne peut pas établir de clientèle personnelle)

Droits et obligations des avocats :
Ils ont un statut particulier.
Si on leur demande un témoignage en justice, ils ont le droit de garder le silence.
Ils disposent de l’immunité de la parole et de l’écrit : tout ce qu’ils affirment dans le cadre d’une affaire ne peut pas donner lieu à responsabilité pénale.
Les correspondances entre l’avocat et son client sont secrètes.

Aucune perquisition ne peut avoir lieu dans un cabinet d’avocat pour découvrir des documents qui établiraient la culpabilité d’un client.
Si l’avocat est lui-même visé par l’enquête, il peut y avoir perquisition, mais uniquement en présence du bâtonnier qui veille aux intérêts de l’avocat concerné et de ses clients.

L’avocat doit faire preuve de déférence envers le juge et de courtoisie envers ses collègues.
Il est tenu au secret professionnel.
Il doit conduire à leur terme toutes les affaires qui lui sont confiées.

Mais l’avocat peut être déchargé d’une affaire sur décision de son client et il peut cesser de prendre à sa charge les intérêts de son client s’il le prévient dans un délai raisonnable.

L’avocat doit s’abstenir de toute situation qui porterait atteinte aux intérêts de son client.

Incompatibilités qui s’imposent aux avocats : ils ne peuvent pas exercer de commerces, occuper d’emploi dans la fonction publique, occuper un emploi salarié par ailleurs.

En cas de manquement à ces devoirs, il peut y avoir des poursuites disciplinaires, civiles et pénales.
Disciplinaires : relèvent du conseil de discipline institué auprès de chaque cour d’appel → prononce un jugement pouvant faire l’objet d’un recours devant la cour d’appel.

Rémunération des avocats :
Un avocat peut demander des honoraires, qui couvrent l’ensemble de ses prestations.
Ces honoraires sont déterminés librement entre l’avocat et son client, en fonction de tarifs fixés par décret.
Interdit : acte de quota litis (= pourcentage sur le résultat d’une décision de justice à venir).

Section 2 : Les autres auxiliaires de justice

§ 1. Les auxiliaires assistant le juge

Le greffe d’une juridiction est chargé de :
> la mise en forme des décisions
> leur conservation
> leur notification aux parties
> l’ouverture et du traitement du dossier
> la consignation de tout ce qui est dit pendant l’audience
> la convocation des parties

Dans l’ordre judiciaire, toute juridiction comporte un greffe, qui est composé de fonctionnaires de l’État.
Le directeur de greffe (présent à l’audience) le gère sous l’autorité du chef de la juridiction.

Dans l’ordre administratif, chaque TA et CAA comporte un greffe.
Au Conseil d’État, la section du contentieux comporte un secrétaire du contentieux qui joue ce rôle.
Pour chaque chambre, le secrétaire du contentieux est assisté d’un greffier en tête de chambre.

Les magistrats sont aussi aidés d’assistants de justice (= personnes qui sont titulaires d’un master 1 de droit et qui exercent des fonctions pour 2 ans maximum).

+ des juristes assistants : travail de recherche et de préparation.

Des experts judiciaires peuvent aussi intervenir lorsque se présentent des questions techniques.
Exemple : en matière médicale, évaluation du préjudice subi par une personne.
⚠️ L’avis de l’expert ne lie pas le tribunal.

Ces experts figurent sur des listes établies par la cour d’appel.
Mais le juge peut tout à fait nommer quelqu’un d’autre, en expliquant pourquoi.

§ 2. Les officiers ministériels

Les officiers ministériels sont des personnes qui exercent une fonction avec un monopole (parce qu’un agréement leur est donné par l’État).
Ce sont des personnes privées qui ont acquis une charge (= fonction d’utilité publique) et non des fonctionnaires.

Ces charges sont transmissibles à condition que le successeur soit agréé par l’État et qu’il soit admis par la juridiction auprès de laquelle on exerce cette fonction.

Ils sont organisés en chambres (= corporations propres aux professions exercées).
Ils sont soumis à un régime disciplinaire strict.

Exemple : huissiers de justice
→ signifient des actes de procédure
→ procèdent à l’exécution forcée des décisions de justice
(ont un monopole pour cela)

Exemple : notaires
→ dressent des actes authentiques (”actes notariés”) qui ont une force probante plus importante
→ pour certaines opérations, il est obligatoire de voir un notaire

Chapitre 1 : Les magistrats

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Les magistrats sont des personnes investies d’un pouvoir au sein d’une juridiction.
Tous ne sont pas chargés de rendre des décisions (tâche réservée aux juges du siège).

Section 1 : Les juges judiciaires

Articles 64 et 65 de la Constitution.
Ordonnance du 22 décembre 1958 qui porte statut de la magistrature.

§ 1. Le recrutement des juges judiciaires

Ils sont nommés par le gouvernement, par décret du président de la République.
Ils prêtent serment devant la cour d’appel avant leur entrée en fonction.

Il existe 2 modes de recrutement :

  1. Le recrutement par la voie de l’ENM (École nationale de la magistrature) : concours qui débouche sur une formation professionnelle de 31 mois, qui inclut théorie et stages.
    C’est la voie d’accès pour les étudiants qui souhaitent devenir magistrats.
    L’ENM est un établissement public qui a son siège à Bordeaux.
    Étudiants sont appelés “auditeurs de justice”.
    Il existe plusieurs modalités d’accès à l’ENM :

     

    1. L’accès sur concours : le concours externe est ouvert aux non fonctionnaires – il faut avoir au plus 31 ans et un diplôme de bac+4 en droit ; le concours interne est réservé aux fonctionnaires ; + il existe un concours qui ont une expérience professionnelle de 8 ans dans le secteur privé ou mandat électif ou fonction juridictionnelle à titre non professionnel.
      Ces 3 concours ne peuvent être tentés que 3 fois.
    2. L’accès sur titre : personnes âgées de 31 à 40 ans qui justifient de possession de certains diplômes et l’exercice de certaines activités.

    Une fois qu’ils ont intégré l’ENM, ils appartiennent au corps judiciaire.
    À la sortie de l’ENM, classement : choisissent leur affectation en fonction.

  2. Le recrutement direct :
    1. Détachement ; ex : un professeur d’université détaché en juridiction ; durée de 5 ans non renouvelable.
    2. Service extraordinaire au sein de la Cour de cassation ; durée de 10 ans ; il faut justifier d’au moins 20 ans d’activité professionnelle ; personnes particulièrement qualifiées.
    3. Intégration définitive ; ex : avocats ou fonctionnaires du ministère de la justice.

§ 2. Le statut des juges judiciaires

Les juges judiciaires sont soumis à des interdictions de certaines activités :

  • lorsqu’il y a un secret des délibérations, ils doivent le conserver
  • ils ne doivent pas adopter un comportement qui serait contraire à l’honneur et à la probité
    → ils se doivent d’être exemplaires
  • ils doivent s’abstenir de toute activité ou démonstration de nature politique (→ incompatible avec leur devoir de réserve)
  • ils ne disposent pas du droit de grève ; ils doivent s’abstenir d’activités de nature à troubler le bon fonctionnement du service public de la justice
    leurs intérêts sont représentés par des syndicats
  • toute activité professionnelle extérieure est interdite (sauf enseignement et activités artistiques et littéraires)
    💡 ce principe ne s’applique pas aux magistrats non professionnels
  • ils ne peuvent exercer aucun mandat politique national ou européen
    ils peuvent exercer un mandat politique local (ex : région), mais pas dans le ressort où ils exercent

Dans le cadre de son devoir d’impartialité, il fait l’objet de certaines incapacités de juger :

  • Incapacités légales : sont automatiques
    > le lien de parenté ou d’alliance entre magistrats d’une même juridiction (cause de nullité du jugement)
    > le lien de parenté entre le magistrat et l’avocat de l’une des parties en cause
  • D’autres incapacités doivent être sollicitées par les parties : une des parties peut demander la récusation du juge s’il y a des raisons de mettre en doute son indépendance ; le juge peut choisir de se déporter volontairement
    > lien ou intérêt commun entre magistrat et partie au procès

La responsabilité du magistrat en cas de dysfonctionnement de la justice ne peut pas résulter du seul contenu d’une décision de justice.
On distingue :

  1. La responsabilité de l’État : la justice est un service public.
    1. Déni de justice
    2. Lenteur excessive de la justice
    3. Faute lourde du juge
      → définie par la Cour de cassation comme “fait ou série de faits traduisant l’inaptitude du service public de la justice à remplir sa mission”
      Exemple : collusion entre le juge et une partie, perte d’un élément du dossier, etc.
  2. La responsabilité du juge : le juge à l’origine du dysfonctionnement peut être poursuivi par l’État, après qu’il ait indemnisé la victime.
    Sur un plan civil et disciplinaire.
    Le justiciable (victime) ne peut pas agir directement contre le juge.
    Il faut que le juge ait commis une faute intentionnelle.

     

    En matière disciplinaire, c’est le CSM (Conseil supérieur de la magistrature) qui est compétent.

Il existe des régimes spéciaux d’indemnisation pour des personnes victimes de poursuites pénales injustifiées.
Elles peuvent percevoir une indemnité correspondant aux frais exposés pour sa défense.

S’il y a eu une détention provisoire, la personne peut obtenir une indemnisation intégrale pour le préjudice moral et matériel subi en raison de la détention.
Cette indemnisation est à la charge de l’État.

En cas d’erreur judiciaire (= condamnation pénale suivie d’un recours en révision qui aboutit à une réhabilitation), la personne peut également obtenir une indemnisation à la charge de l’État.

Section 2 : Les juges administratifs

§ 1. Le recrutement des juges administratifs

Le recrutement ordinaire se fait par la voie de l’ENA.
On distingue 3 concours distincts :

  1. Un concours externe, réservé aux étudiants
  2. Un concours interne, réservé aux fonctionnaires et agents de l’État
  3. Un concours pour élus d’assemblées et de collectivités territoriales

À l’ENA (basée à Strasbourg), la scolarité dure 24 mois, avec des stages.
L’ENA prépare à la fonction publique, et non à la seule fonction de juge administratif.
À la sortie de l’ENA, l’attribution des postes se fait en fonction du classement.

Il existe aussi un recrutement latéral : “tour extérieur”.

Le personnel tribunaux administratifs et cours administratives d’appel des forme un corps unique, et la gestion de ce corps est assurée par le vice-président du Conseil d’État.
En principe, ces magistrats sont d’anciens élèves de l’ENA.

§ 2. Le statut des juges administratifs

Avancement au sein du Conseil d’État : se fait au mérite, par décret du PR sur proposition du garde des Sceaux.
Mais sur présentation du vice-président du Conseil d’État, qui délibère avec les présidents de section.
Le plus souvent : à l’ancienneté.

Pour les tribunaux administratifs et cours administratives d’appel, corps unique avec 3 grades.
Leur avancement relève du CSTACAA.
Un passage au Conseil d’État est possible.

Le régime disciplinaire pour les membres du Conseil d’État : la procédure dépend de la gravité des sanctions encourues.
Avertissement, blâme, abaissement d’échelon, retrait de certaines fonctions, exclusion temporaire de toute fonction pour 6 mois, mise à la retraire d’office, révocation.

Pour les tribunaux administratifs et cours administratives d’appel : la discipline de leurs juges relève du CSTACAA.

Responsabilité personnelle des juges administratifs : subordonnée à une faute personnelle caractérisée.
En pratique, l’État est tenue d’indemniser la victime ; il peut ensuite se retourner contre le juge administratif.

Chapitre 2 : Les juridictions françaises

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Section 1 : Les juridictions de l’ordre judiciaire

§ 1. Les juridictions civiles

Les juridictions civiles traitent des litiges entre personnes privées (physiques et morales).

Le problème de la compétence territoriale se pose : quel tribunal est juridiquement compétent ?
Principe : le tribunal compétent est celui du ressort dans lequel est située la résidence habituelle du défendeur au litige.
De nombreuses exceptions existent ; par exemple, si l’objet du litige est un immeuble, le tribunal est celui du ressort dans lequel se trouve le bien.

Les règles de compétence territoriale sont d’ordre public (= elles sont obligatoires).

Compétence matérielle / d’attribution : question relative au type de juridiction saisie, en fonction de la nature du litige.

A – Les juridictions civiles du 1er degré

1) Le tribunal judiciaire

a) Compétence du tribunal judiciaire

On oppose la juridiction de droit commun (le principe) et les juridictions d’exception / d’attribution.
La juridiction de droit commun est compétente pour connaître les litiges, sauf si un texte particulier attribue la compétence à une autre juridiction.
La juridiction d’attribution est une juridiction spécifiquement désignée par le législateur pour traiter tel ou tel contentieux.

Le tribunal judiciaire existe depuis le 01/01/2020.
Il est issu de la fusion du tribunal d’instance (juridiction accessible et proche des citoyens, à juge unique, avec comme rôle de pacifier les relations entre particuliers ; pour les litiges < 10 000€ ; environ 300 en France, 3/département) et du tribunal de grande instance (était la juridiction de droit commun ; 1/département). Cette fusion est organisée par la loi du 23 mars 2019.

Aujourd’hui : si le litige < 5 000€, le tribunal judiciaire statue « en 1er et dernier ressort ».
= l’appel est impossible

Parfois, le législateur prévoit expressément que tel ou tel contentieux appartient au tribunal judiciaire de Paris.

b) L’organisation du tribunal judiciaire

Tribunal judiciaire : 3 magistrats, en comptant le président.

Certains juges uniques sont rattachés au tribunal judiciaire pour certains types de contentieux ; ex : juge de l’exécution, juge des affaires familiales…

S’il y a plus de 5 juges, on va répartir les contentieux en plusieurs chambres pour spécialiser les affaires.

Les anciens tribunaux d’instance sont devenus les chambres de proximité du tribunal judiciaire.

En principe, tout jugement du tribunal judiciaire doit être rendu par une formation collégiale de 3 membres (pour éviter une égalité), mais de nombreuses exceptions existent.
Les audiences sont publiques, hormis dans certaines affaires.

Le président à la tête du tribunal judicaire est un magistrat investi de fonctions particulières.
Il assure le bon fonctionnement du tribunal et répartit les affaires entre les magistrats et les chambres.
Il a aussi des prérogatives juridictionnelles : il rend des ordonnances.
(ordonnances en référé : en cas d’urgence)


2) Le tribunal de commerce

Le tribunal de commerce est une juridiction spécialisée.
Elle juge en 1ère instance des affaires commerciales.
Est un acteur majeur de la vie des affaires.
Est composée de juges non professionnels : des commerçants élus par leurs pairs.

Ce sont les juridictions les plus anciennes car elles se sont développées au Moyen-Âge lors de grandes foires marchandes.

a) La compétence du tribunal de commerce

Du point de vue de la compétence territoriale, le tribunal compétent est celui du lieu de résidence du défendeur (lieu du siège social de la société).

En matière de pratique concurrentielle, seuls quelques tribunaux de commerce sont compétents (134).
En matière de pratique anti-concurrentielle, seulement 8.

Les règles de compétence territoriale ne sont pas d’ordre public : on peut y déroger par contrat.

Compétence matérielle : le tribunal de commerce est compétent quel que soit le montant du litige (qui dépend du montant réclamé par le demandeur).

Les jugements rendus sont à charge d’appel si le montant est > 5 000€.
Si le montant < 5 000€, il est toujours possible de former un pourvoi en cassation.

  • Les litiges entre commerçants
    Incluent les banques et établissements de crédit.
    À partir du 1er janvier 2022, inclura également les artisans → il faut qu’ils soient parties au litige, non pas à titre privé, mais dans le cadre de leur activité commerciale.
  • Les litiges entre une partie qui a la qualité de commerçant et une partie qui ne l’a pas
    « Acte mixte »
    Le tribunal compétent dépend de la qualité du défendeur :
    > s’il n’a pas la qualité de commerçant, le demandeur doit saisir le tribunal judiciaire
    > s’il a la qualité de commerçant, le demandeur a le choix

Pour un acte de commerce par nature : le litige doit être porté devant le tribunal de commerce.
Il existe aussi des actes de commerce par la forme : certaines sociétés sont commerciales quelles que soient leurs activités (SA, SAS), donc tous les actes de ces sociétés sont des actes de commerce et relèvent donc de la compétence du tribunal de commerce.
Ainsi, les contestations relatives aux sociétés commerciales sont traitées par le tribunal de commerce.

Le tribunal de commerce est aussi compétent pour les procédures collectes : entreprises en difficulté financière (faillites, liquidations, …).

b) L’organisation du tribunal de commerce

Chaque tribunal de commerce est composé par des juges élus par des commerçants et artisans.
Ces juges sont élus pour 2 ans et peuvent se représenter pour 4 ans.
Après 4 mandats successifs, ils ne sont plus éligibles.
Le mandat se termine l’année de leurs 75 ans.

La loi du 18 novembre 2016 dispose que :

  • Les juges élus n’ont toujours pas de rémunération ni de formation préalable
  • Ils ne bénéficient d’aucun avancement
  • Ils ne peuvent pas être avocats, notaires, huissiers, commissaires-priseurs, représentants au parlement européen
    S’ils exercent une de ces activités, ils sont réputés démissionnaires.

Objectif : renforcer l’indépendance et l’impartialité des juges.
Le juge doit être indépendant et impartial, mais doit aussi présenter une apparence d’indépendance et d’impartialité.
Il n’a pas le droit de grève et a un devoir de réserve.
Il doit prévenir et mettre fin à toutes les situations de conflit d’intérêt.
En cas de faute grave, il est l’objet d’un pouvoir disciplinaire (Commission nationale de discipline).

Le tribunal de commerce est présidé par un président, qui prend en charge l’organisation administrative du tribunal.
Il rend des ordonnances de référé en cas d’urgence.

S’il y a beaucoup d’affaires, le tribunal est divisé en chambres spécialisées.
Les jugements sont rendus soit par un juge unique soit par une formation collégiale.

c) Les débats relatifs au tribunal de commerce

Est-ce qu’il est nécessaire que les juges soient spécialisés en matière commerciale ?
La compétence des juges est discutée : ils ne sont pas formés et leur niveau de connaissances juridiques est incertain. On soupçonne certains juge de malversions.

Solution concevable : l’échevinage.
Consiste à confier la présidence de la formation de jugement à un magistrat de carrière assisté de juges consulaires élus. Serait un gage de qualité, d’indépendance et d’impartialité.

Avantages des juges non-professionnels :
> moins coûteux pour l’État
> la justice est plus rapide comme ça
> les juges sont plus aptes à trouver des solutions qui contenteront tout le monde
> plus grande acceptabilité des décisions

De plus, si on transférait le contentieux des tribunaux de commerce vers les tribunaux judiciaires, cela conduirait à un engorgement.


3) Le conseil des prud’hommes

Autre juridiction d’exception.
Matière qui leur est soumise : le droit du travail.
Compétence : litiges nés d’un contrat de travail ou d’apprentissage.

Le rôle du juge est particulier : il doit concilier les parties.

Il existe 210 conseils des prud’hommes.
Il est prévu dans le Code du travail à l’article L1411-1.

La procédure est orale. Les parties peuvent être assistées par un avocat ou une autre personne, ou se défendre elles-mêmes.

a) La compétence du conseil des prud’hommes

Le conseil des prud’hommes est compétent pour connaître les différends intervenus dans le cadre de tout contrat de travail.
Sa compétence s’étend aux différends entre salariés.

On recherche d’abord la conciliation.
À défaut de conciliation, un jugement est rendu.

Il est compétent quel que soit le montant du litige, mais si le montant < 5 000€, l’appel n’est pas possible.

Pour qu’il soit compétent, il faut démontrer l’existence d’un contrat de travail.
→ Y a-t-il un lien de subordination ?

Sont exclus de leur compétence :
> les litiges collectifs (ex : droit syndical)
> certains litiges individuels ; ex : sécurité sociale, accident de travail, etc.
> les litiges qui concernent les agents publics
> les différends qui naissent à l’occasion du contrat de travail d’un avocat salarié

Le rôle premier du conseil des prud’hommes est la conciliation, mais elle ne fonctionne que dans seulement 10% des cas.
L’affaire passe d’abord devant un bureau de conciliation et d’orientation.
C’est une formation bicéphale : elle comprend à la fois des représentants des salariés (1) et des employeurs (1).
En cas d’échec, l’affaire est portée en bureau de jugement (fréquent).

Le bureau de jugement est composé de 4 membres : 2 représentants des salariés et 2 représentants des employeurs.
Sa compétence est d’ordre public : les parties ne peuvent pas y déroger par contrat.

Compétence territoriale :

  • Si le travail est accompli dans un établissement de l’employeur, le conseil compétent est celui du ressort géographique où se trouve l’établissement en question.
  • Si le travail est accompli à domicile ou en-dehors de tout établissement :
    > si l’employeur porte le litige : lieu du domicile du salarié
    > si le salarié porte le litige : il décile entre le lieu de son domicile ou le lieu où l’employeur est établi

     

    b) L’organisation du conseil des prud’hommes

Le conseil des prud’hommes est composée à égalité d’employeurs et de salariés.
Ce sont des juges non-professionnels élus ; argument : ils sont plus aptes à donner confiance aux plaideurs, ce qui favorise la conciliation.

Jusqu’à récemment, les conseillers prud’hommaux étaient élus par leurs pairs.
L’ordonnance du 30 mars 2016 dispose que les conseillers sont élus pour 4 ans conjointement par le garde des sceaux et le ministre du travail.

La présidence du conseil est tournante : le président est un représentant des employeurs la moitié du temps et un représentant des salariés l’autre moitié du temps.

Le jugement doit être rendu par les 4 conseillers, ce qui peut mener à un blocage.
En cas de blocage, l’affaire est renvoyée devant le même bureau de jugement, mais ce bureau sera présidé par un magistrat du tribunal judiciaire : le juge départiteur (qui départage).

Les conseilleurs prud’hommaux sont soumis aux règles et obligations qui pèsent sur les magistrats de carrière : indépendance, impartialité, etc.
Ils peuvent être récusés pour conflit d’intérêt.
Ils sont dans une situation particulière car ils conservent leur activité professionnelle, ce qui peut être source de difficultés.
Ils sont rémunérés directement ou indirectement par l’État pour le temps consacré au conseil.

Salariés et employeurs sont répartis en 5 conseils selon les types d’activité.
→ meilleure spécialisation des conseillers
→ chacune de ces sections est dotée d’1 président et d’1 vice-président élus pour 1 an (avec alternance)

Le président n’a pas de compétences juridictionnelles propres.

B – La juridiction civile du 2nd degré : la cour d’appel

Tout plaideur ayant perdu un litige peut obtenir que le litige soit jugé une seconde fois.
Le réexamen va être fait par une juridiction supérieure (structure pyramidale).

Il existe 36 cours d’appel en France (métropole + outre-mer).
Chacune a un ressort (= compétence territoriale) qui englobe plusieurs départements.

1) La compétence de la cour d’appel

La cour d’appel a compétence pour les appels interjetés contre une décision d’une juridiction de 1ère instance de son ressort, quelle que soit cette juridiction.

Il faut qu’il y ait un enjeu suffisant ; si ça n’est pas le cas, il n’y a pas de second degré et un appel ne peut pas être interjeté (mais un pourvoi en cassation est toujours possible).
Le taux de ressort est fixé à 5 000€.

Il existe malgré tout des décisions rendues par le tribunal judiciaire qui sont nécessairement à charge d’appel, et au contraire des décisions qui sont forcément jugées en 1er et dernier ressort.


2) L’organisation de la cour d’appel

Les cours d’appel sont composées de conseillers, qui sont des magistrats d’un rang élevé.
Le nombre de magistrats dépend du volume de contentieux à traiter.

Le « premier président » est le chef de la cour.
Il siège au sein d’une de ces chambres, mais il a aussi d’autres fonctions :

  • Fonction de représentation de la cour
  • Fonctions administratives importantes :
    > veiller au bon fonctionnement de la cour
    > distribue les affaires aux chambres
    > en charge de la discipline des magistrats
    > chargé de l’inspection des juridictions de 1ère instance de son ressort
  • Fonctions juridictionnelles : il est le juge des référés (= peut prendre des mesures provisoires si nécessaire durant l’instance d’appel).

Les cours d’appel sont composées de chambres spécialisées, avec un président de chambre.
Chaque chambre est un organe de la cour et rend ses décisions au nom de la cour d’appel dans son ensemble.
Le nombre de chambres dépend de la taille de la juridiction.
La cour doit comprendre une chambre sociale compétente dans le droit du travail et de la sécurité sociale.

Au sein de ces chambres, on distingue plusieurs formations :
> l’audience ordinaire : la formation habituelle de jugement ; formation collégiale de 3 juges, dont 1 président
> l’audience solennelle : pour les affaires les plus importantes, qui ont été censurées par la Cour de cassation
Les audiences sont en principe publiques.

§ 2. Les juridictions pénales

Les juridictions pénales sont chargées de la poursuite et de la répression des infractions.
Certaines prononcent également des peines à l’encontre des personnes poursuivies.

A – Les juridictions pénales de droit commun

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Certaines juridictions pénales sont de droit commun, mais des textes prévoient des juridictions pénales d’exception qui sont parfois contestées.
Il y en a en matière politique (ex : Haute Cour pour juger le chef de l’État ; Cour de justice de la République pour juger les membres du gouvernement).

Unité entre les juridictions civiles et pénales : tout est soumis à la Cour de cassation.
Le personnel judiciaire est le même : les mêmes juges peuvent être membres d’abord d’une juridiction civile puis d’une juridiction pénale.

Les juridictions pénales œuvrent pour l’intérêt général (idée : la société entière a intérêt à ce que les infractions soient réprimées).

Il faut d’abord instruire les affaires.
Ce ne sont pas les mêmes magistrats qui instruisent l’affaire et qui jugent les accusés.
Les juges d’instruction vont s’aider de la police ; ils peuvent placer des personnes en détention ; ils doivent faire la lumière sur les faits à charge et à décharge.

Si après toutes les enquêtes le juge estime qu’il y a trop peu d’éléments, il va rendre une ordonnance de non-lieu → pas de jugement.
S’il y a un procès, c’est à la juridiction de jugement de le juger coupable ou non.

1) Les juridictions d’instruction

L’instruction est une garantie de bonne justice.

La juridiction d’instruction intervient en 1er.
Elle n’est composée que d’une seule personne : le juge d’instruction.
C’est un juge du tribunal judiciaire qui a été nommé.
Sa mission : instruire l’affaire (= enquêter pour faire la lumière sur les faits, « tendre à la manifestation de la vérité »).

Soit le préfet a procédé à une enquête de police et a estimé qu’il y avait des éléments pour dire que telle personne peut être soupçonnée de telle ou telle infraction, et le parquet saisit le juge d’instruction, soit le juge d’instruction est saisi directement par une victime d’infraction qui se porte partie civile.

Pour les crimes (infractions les plus graves, avec des peines supérieures à 10 ans de réclusion), l’instruction est obligatoire.
Pour les contraventions (infractions les moins graves), il n’y a jamais d’instruction.
Pour les délits, l’instruction est facultative et dépend de la complexité des faits.

On rassemble tous les éléments de fait qui vont permettre à la juridiction de jugement de se prononcer.
Le juge d’instruction doit instruire à charge et à décharge.
Ex : interrogatoire de la personne poursuivie.

Le juge d’instruction peut la mettre en examen (on parlait auparavant d’inculpation) s’il a des indices graves et concordants que la personne a commis l’acte.
La mise en examen permet la mise en place de mesures coercitives à son encontre comme la privation de liberté.
La personne mise en examen a des garanties supplémentaires : l’accès au dossier, la possibilité d’être assistée par un avocat, …
⚠️ Être mis en examen ne préjuge pas de la culpabilité de la personne, parce que le principe est celui de la présomption d’innocence.

On procède à des perquisitions et des saisies, on fait pratiquer des expertises, etc.
Le juge d’instruction délègue certaines tâches à des OPJ (officiers de police judiciaire).
→ commission rogatoire : délégation du juge d’instruction

Le juge d’instruction peut délivrer des mandats, qui obligent des personnes à se mettre à la disposition de la justice : mandat de comparution, mandat d’amener, mandat d’arrêt.

Le juge d’instruction peut se prononcer sur la recevabilité des plaintes.
Si les charges ne paraissent pas suffisantes, il prend une ordonnance de non-lieu et le prévenu ne sera pas jugé.
Au contraire, si les charges paraissent justifiées, il prend une ordonnance de renvoi (qui ne signifie pas que la personne est coupable !).

La loi du 15 juin 2000 dispose que la détention provisoire est une mesure grave, qui devrait être exceptionnelle.
Elle met en place un juge des libertés et de la détention, qui sert de contre-pouvoir au juge d’instruction.

Un décret met en place des pôles d’instruction (= regroupement de plusieurs juges d’instruction dans des tribunaux judiciaires).
Objectif : éviter l’isolation du juge d’instruction.
Mais il n’y a pas pour autant de collégialité (parce que ça coûte trop cher) : plutôt que d’affecter plusieurs juges à l’instruction, on a préféré les regrouper dans certains tribunaux judiciaires qui sont alors compétents en matière de crimes.
Les décisions les plus graves sont prises par un collège d’instruction composé de ces magistrats regroupé.

Le second degré (appel sur l’action du juge d’instruction) est assuré par la chambre de l’instruction, qui est une formation spéciale de la cour d’appel.
Elle est composée de 3 conseillers, dont 1 président de chambre.
Sa fonction est d’exercer un contrôle au 2nd degré sur les actes de l’instruction et sur les ordonnances du juge d’instruction.


2) Les juridictions de jugement

a) Les juridictions de jugement en matière de contraventions et de délits

C’est le tribunal de police qui est compétent pour connaître les infractions (= peines inférieures ou égales à 1 500€).
C’est une juridiction à juge unique qui dépend du tribunal judiciaire.

C’est le tribunal correctionnel qui est compétent pour connaître les délits (= peine d’emprisonnement inférieure ou égale à 10 ans ; par exemple, le vol).
C’est aussi une formation spéciale du tribunal judiciaire.
Il est composé de 3 magistrats de carrière.

L’appel est possible, porté devant une chambre spécialisée de la cour d’appel qui a une compétence spéciale en la matière : la chambre des appels correctionnels.
Le ministère public peut interjeter appel.

En matière de contraventions, l’appel n’est ouvert que pour les infractions les plus graves.

b) La juridiction de jugement en matière de crimes : la cour d’assises

Les crimes sont les infractions les plus graves au regard de la peine (plus de 10 ans de privation de liberté).
On ne parle plus de « prison », mais de « réclusion criminelle ».

Ces crimes sont jugés par la cour d’assises, juridiction très particulière et traitée de façon spéciale.
Son fonctionnement est temporaire : elle siège par sessions.
Elle est composée de 3 magistrats professionnels (de la cour d’appel ou du tribunal judiciaire) : 1 président + 2 assesseurs.
+ 6 jurés.

La cour (magistrats + jurés) délibèrent et votent ensemble.
Une décision défavorable à l’accusé (condamnation) ne peut être prise qu’à une majorité qualifiée (6 voix sur 9) et nécessite donc au minimum 3 voix des jurés.

Auparavant, seul un pourvoi en cassation était possible (idée : le jury est l’expression de la volonté populaire, et le peuple a toujours raison).
Sous l’impulsion de la CEDH, il est possible de faire appel depuis 2000.
On peut donc porter l’affaire devant une autre cour d’assises.
L’appel porte sur le fait et le droit : l’affaire est entièrement rejugée.
→ appel circulaire et non hiérarchique

On passe à 9 jurés (= 12 membres au total).
Une condamnation nécessite 8 voix sur 12 minimum.

Traditionnellement, les décisions de la cour d’assises ne devaient pas être motivées, mais elles doivent maintenant l’être sous l’impulsion de la CEDH.

B – Les juridictions pénales pour les mineurs

Les mineurs ne sont pas suivis par les mêmes juridictions que les majeurs, en raison de l’aspect éducatif supplémentaire de la sanction et des situations plus particulières qui apparaissent.

C’était auparavant l’ordonnance du 2 février 1945 qui fixait les règles de procédure pénal relatives aux mineurs, mais elle a été abrogée par une ordonnance du 11 septembre 2019 qui crée le Code de la justice pénale des mineurs.

C’est le juge des enfants qui connaît des contraventions et des délits commis par des mineurs.
Les sanctions qu’il peut prononcer sont assez limitées.

La juridiction compétente pour les contraventions et les délits commis par des mineurs d’au moins 13 ans et les crimes commis par des mineurs de moins de 16 ans est le tribunal pour enfants.
C’est une juridiction collégiale qui comprend 1 juge des enfants.
Elle peut prononcer des peines éducatives, mais aussi des peines privatives et liberté et/ou des amendes.

Les crimes commis par des mineurs d’au moins 16 ans (entre 16 et 18 ans) sont jugés par la cour d’assises des mineurs.
Si le mineur a également commis des crimes ou délits avant ou après, ils sont aussi jugés par la cour d’assises des mineurs.
La cour d’assises des mineurs juge aussi les crimes et délits commis par leurs co-auteurs et complices majeurs.

§ 3. La Cour de cassation

La Cour de cassation est une juridiction unique à Paris, qui ne juge qu’en droit.
Elle s’assure que la loi est interprétée de manière uniforme sur l’ensemble du territoire.

Elle connaît des pourvois formés contre des jugements en dernier ressort et examine des violations de la loi de la part des juges du fond.
Elle ne peut pas trancher le litige.

Elle est composée de 5 chambres civiles au sens large (≠ criminelles) : 3 chambres civiles + 1 chambre commerciale + 1 chambre sociale + 1 chambre criminelle.

Le premier président de la Cour de cassation n’a pas de pouvoirs juridictionnels propres.
> Il préside les assemblées plénières et les chambres mixtes
> Il veille au bon fonctionnement de la cour
> Il répartit les magistrats entre les chambres

Les magistrats de la Cour de cassation sont très importants.
Ils sont généralement en fin de carrière après avoir gravi tous les échelons.
Ils sont assistés par des conseillers référendaires.

Le procureur général de la Cour de cassation est assisté par des avocats généraux.

En France, pour toute affaire, on a le droit de former un pourvoi.
Il n’y a pas sélection des pourvois.
Pour faire face à l’augmentation du nombre de pourvois, les pourvois abusifs (voués à l’échec et dépourvus de fondement) sont soumis à l’amende.

Une grande réforme est mise en place en 2019 sur la rédaction et la motivation des arrêts.
Les paragraphes sont désormais numérotés (pour que les arrêts soient plus faciles à citer).
Les parties sont séparées.
La Cour de cassation fait preuve de démagogie ; elle explique ce qu’elle fait.
Les arrêts les plus importants bénéficient d’une motivation enrichie : la Cour de cassation précise sa méthode d’interprétation des textes et montre bien le cheminement intellectuel pour mieux expliquer la solution.

Section 2 : Les juridictions de l’ordre administratif

Les juridictions de l’ordre administratif sont les organes juridictionnels qui tranchent les litiges de droit public ; exemple : communautés locales.

La loi du 24 mai 1872 accorde au Conseil d’État la justice déléguée.

§ 1. Le Conseil d’État

A – La compétence du Conseil d’État

Le Conseil d’État est consulté, parfois de façon facultative, sur les projets de lois, d’ordonnances et de décrets.
Il peut être une juridiction de 1er degré, d’appel ou de cassation, selon le type de contentieux.

En tant que juridiction du 1er degré, il traite souvent des recours contre des actes administratifs qui ont une portée nationale.
Exemple : recours en annulation contre les ordonnances du PR.

Avant les cours administratives d’appel, le Conseil d’État était le juge de droit commun en appel.

Le Conseil d’État peut également être une juridiction d’appel.
Exemple : dans un litige relatif aux élections municipales.

Le Conseil d’État est surtout compétent lorsqu’une cour administrative d’appel est saisie d’une question de droit nouvelle qui présente une difficulté sérieuse et qui se pose dans de nombreux litiges.
Elle demande alors au Conseil d’État son avis, qui influence la solution.

Le rôle le plus essentiel du Conseil d’État est juge de cassation.
Il peut rejeter le pourvoi si la solution est évidente.

Pour exercer un second pourvoi, il faut que l’intérêt de l’administration d’une bonne justice le justifie.
Si la cassation intervient à la suite d’un second pourvoi dans la même affaire, le Conseil d’État doit mettre fin au litige.
Cela permet d’uniformiser la jurisprudence administrative.

B – L’organisation du Conseil d’État

Le Conseil d’État est composé de magistrats qui ont des statuts différents.
De bas en haut de la hiérarchie :
> auditeurs
> maîtres des requêtes
> conseillers d’état
> présidents de section
> vice-président

Dans les faits, c’est le vice-président qui dirige le Conseil d’État, puisque le président du Conseil d’État est le premier ministre.
Parenthèse du prof : ce qui est curieux puisque ça semble contraire à la séparation des pouvoirs ?

Les conseillers d’état sont pour certains formés à l’ENA, tandis que d’autres sont des personnalités extérieures qui ont une expérience d’administration ou du service public.

Le Conseil d’État est composé de 2 types de formations :

  1. Les formations administratives, qui formulent un avis sur les actes administratifs
    Il existe différentes sections, chacune ayant un président et un champ de compétences défini (→ rattachement à différents ministères).
    Une section traite de la question des finances, une autre de l’intérieur, une des travaux publics, une du social, une de l’administratif, une du rapport et des études.
    L’avis peut émaner de plusieurs sections réunies, voire de l’assemblée générale du Conseil d’État en manière administrative (= toutes les sections).
  2. Les formations contentieuses, qui statuent sur les recours contentieux.
    Cette section ne se contente pas de rendre un avis, mais rend de véritables décisions juridictionnelles qui ont autorité de chose jugée.
    1 président avec 3 présidents adjoints à ses côtés.
    Divisée en 10 chambres.

Pour le jugement de l’affaire, plusieurs formations peuvent être envisagées selon la gravité et la complexité de l’affaire :
> la chambre qui a instruit cette affaire
> plusieurs chambres réunies
> la formation du contentieux (= toutes les chambres)
> l’assemblée du contentieux (la formation la plus solennelle)

Pendant longtemps, le Conseil d’État a été la seule juridiction de droit commun, mais sa compétence a été réduite face à l’accroissement du contentieux.
1953 : tribunaux administratifs.
1987 : cours administratives d’appel.

§ 2. Les tribunaux administratifs

Les tribunaux administratifs sont bien plus récents que le Conseil d’État.
Auparavant : conseils de préfecture, à la compétence négligeable. Ils sont supprimés en 1953 à l’occasion de la création des tribunaux administratifs.

§ 3. Les cours administratives d’appel

Entre 1953 et 1987, le Conseil d’État était la juridiction d’appel.

Compétence des cours administratives d’appel : examiner les appels interjetés contre les jugements rendus par les tribunaux administratifs du ressort de cette cour administrative d’appel.
C’est la juridiction de droit commun du 2nd degré pour l’ordre administratif.
Elles sont en principe compétentes pour toutes les affaires, sauf si elles sont exclues par un texte particulier.

La cour administrative d’appel est composée de conseillers.
Elle a à sa tête un président.
Elle est divisée en cours spécialisées et chacune dispose d’un président.
Les arrêts peuvent être rendus par une chambre, par plusieurs chambres réunies, ou par une formation plénière plus solennelle.

Section 3 : Les juridictions non rattachées à un ordre

§ 1. Le Tribunal des conflits

A – La compétence du Tribunal des conflits

Le Tribunal des conflits est une juridiction créée en 1872.
Elle n’appartient pas à l’un des 2 ordres.

Elle détermine qui est compétent pour traiter d’une affaire (le juge judiciaire ou administratif).

Ses décisions sont insusceptibles de recours.
Ses décisions s’imposent à toutes les juridictions.

3 types de compétences :

  1. Conflits de compétence : trancher des conflits entre l’ordre administratif et l’ordre judiciaire.
    On distingue :

     

    1. Les conflits de compétence positifs : lorsque l’administration conteste la compétence d’un tribunal de l’ordre judiciaire pour trancher un litige, en la personne du préfet de département.
      Cette contestation peut être élevée devant toutes les juridictions judiciaires, sauf la Cour de cassation.
      Cette contestation ne peut avoir lieu en matière pénale.
      Le tribunal de l’ordre judiciaire saisi est invité par l’administration (déclinatoire de compétence) à se dessaisir.
      Il peut rejeter ce déclinatoire de compétence → le préfet prend un arrêté de conflit → oblige le tribunal à surseoir à statuer et permet de saisir le Tribunal des conflits, qui a 3 mois pour statuer.
    2. Les conflits de compétence négatifs : une juridiction administrative et une juridiction judiciaire se sont toutes les 2 déclarées incompétentes pour juger d’une affaire.
  2. Contrariétés de jugement : les 2 ordres de juridiction se sont déclarés compétents et ont rendu des décisions incompatibles → conduit à un déni de justice.
    Le Tribunal des conflits juge lui-même au fond le litige.
    Existe depuis une loi de 1932, à la suite de l’affaire suivante :
    Personne blessée à la suite d’une collision entre 2 véhicules. L’un de ces véhicules appartenait à l’administration, l’autre à un particulier.
    Le juge judiciaire considère que la responsabilité incombe au conducteur de l’administration.
    Le juge administratif considère qu’elle incombe au conducteur privé.

    → les 2 administrations ont rendu des décisions incompatibles
  3. Responsabilité du fait de la durée des procédures : le Tribunal des conflits est compétent à titre exclusif pour une action d’indemnisation du préjudice subi par un justiciable en raison de la durée excessive des procédures.
    Depuis une loi de 2015.

B – L’organisation du Tribunal des conflits

Juridiction paritaire entre conseillers d’État et conseillers de la Cour de cassation.
En formation ordinaire : 4 conseillers de chaque.

Les élections des membres ont lieu tous les 3 ans dans le Conseil d’État et la Cour de cassation.
Le mandat peut être renouvelé 2 fois.

8 membres qui élisent un président pour 3 ans.
Président : alternance entre conseiller d’État et conseiller de la Cour de cassation.

+ 4 rapporteurs publics (représentants du ministère public).
2 appartiennent au Conseil d’État, 2 à la Cour de cassation.
Ils présentent leurs conclusions sur les affaires en toute indépendance.

Le Tribunal des conflits n’a pas de locaux propres.
Il se réunit dans les locaux du Conseil d’État (Palais-Royal).
Les audiences sont publiques.

En cas d’égalité après 2 délibérations, on réunit une formation élargie.

§ 2. Le Conseil constitutionnel

Depuis la 5ème République, la loi fait l’objet d’un contrôle juridictionnel de conformité à la Constitution (= norme suprême dans l’ordre juridique français).
Ce contrôle est confié au Conseil constitutionnel.

A – La compétence du Conseil constitutionnel

À l’origine : seulement chargé de vérifier que le législateur respecte les limites de loi (art 34 et 37 de la Constitution).

Aujourd’hui, effectue un contrôle a priori et a posteriori.
Voir Leçon 4 : Application des règles de droit

Le Conseil constitutionnel ne vérifie pas la conformité de la loi aux traités internationaux (c’est le rôle du juge ordinaire).

Il est également le juge des contentieux relatifs aux élections.

B – L’organisation du Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel est composé de 9 membres (les “sages”), nommés pour 9 ans et renouvelés par tiers tous les 3 ans.
Ils sont désignés par le PR, le président du Sénat et le président de l’Assemblée nationale.

Les anciens PR font également partie du Conseil constitutionnel à vie.

Cette composition est critiquée : ces membres ont un lien de dépendance avec le pouvoir politique qui les a nommés.
Même s’ils sont complètement indépendants, ils ne l’apparaissent pas forcément.

Pas de limite d’âge, pas de compétences juridiques exigées.

La fonction est incompatible avec celle de membre du gouvernement ou du Parlement.

Il comporte un président, désigné par le PR parmi les membres.
Il dispose de la voix prépondérante en cas de partage des voix.

Il faut motiver sa saisine auprès du Conseil constitutionnel.
L’un des conseillers rapporte l’affaire et propose une solution sur laquelle se prononce le Conseil.
La procédure est écrite, la délibération est secrète, le vote se fait à la majorité simple.

Les décisions données par le Conseil constitutionnel s’imposent à toutes les juridictions et sont insusceptibles de recours.

Chapitre 1 : Les juridictions internationales et européennes

Cliquer ici pour revenir au sommaire de ce cours complet d’institutions juridictionnelles.

💡
Une juridiction est un organe chargé de trancher des litiges.

Lorsqu’une décision est rendue par un tribunal, on parle de jugement ; par une cour, on parle d’un arrêt.

De nos jours, on ne peut pas tenir les juridictions internationales et européennes à l’écart, car leurs décisions peuvent avoir des conséquences dans l’ordre juridique français.
Elles n’émanent d’aucun État en particulier : elles reposent sur des conventions entre États.
Chaque État partie accepte de renoncer à une part de souveraineté pour reconnaître l’autorité de ces décisions.

§ 1. La CEDH

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) est une juridiction majeure, qui a un impact important sur le droit interne.

Elle est issue de la Convention européenne des droits de l’homme (1950), dans le cadre du Conseil de l’Europe.
Objectif : créer un droit commun des droits et libertés fondamentaux.
Efficace car d’application directe dans les États membres → elle peut être directement invoquée par les justiciables devant les juges internes de l’État membre.

Si l’État est condamné, il doit effacer les conséquences de cette violation.

A – La saisine de la CEDH

La CEDH peut être saisie par un État contre un autre État.
Elle peut aussi être saisie par des individus ou des groupes d’individus.

Le recours individuel ne peut être exercé que si toutes les voies de recours internes ont été suivies.
La requête ne doit pas être anonyme ni avoir déjà été examinée par la CEDH (sauf si des faits nouveaux).
La requête est déclarée irrecevable si elle est incompatible avec les dispositions de la Convention, si manifestement infondée, ou si le requérant n’a subi aucun préjudice important.

B – La composition de la CEDH

Un juge par État.
La Cour est donc composée de 47 juges, élus par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
Nommés pour 9 ans non renouvelables.
Élisent un président pour 3 ans.

1ère formation : juge unique, instaurée en 2010, pour traiter rapidement les affaires les plus simples.
2ème formation : comité de 3 juges qui se prononce sur la recevabilité de requêtes individuelles dans des cas plus complexes et aussi sur le fond s’il y a lieu. Décisions définitives, prises à l’unanimité.
3ème formation : chambre de 7 juges.
4ème formation : 17 juges.

C – Les arrêts rendus par la CEDH

Les arrêts rendus par la CEDH sont motivés abondamment → décisions très longues.
Ils incluent :
> les opinions dissidentes : les juges qui ne sont pas d’accord avec la décision rendue ;
> les opinions concordantes : les juges qui sont d’accord avec la décision rendue mais pas pour les mêmes raisons.

Ces décisions doivent être contraignants mais pas violer la souveraineté des États.

Article 46 de la Convention EDH : les États s’engagent à se conformer aux décisions de la CEDH dans les litiges où ils sont partis.
L’exécution est surveillée par le Conseil des ministres.

Mais l’arrêt de la CEDH ne vient pas invalider l’acte contesté, et ne peut pas obliger à réexaminer une affaire.
L’État condamné dispose d’une certaine liberté.
La France a instauré un réexamen des affaires des condamnations pénales définitives.

Si le droit interne de la CEDH ne suffit pas à effacer les conséquences de la violation, l’arrêt de la CEDH peut tout de même consacrer une satisfaction équitable de cette attente (par l’indemnisation de la victime).

La CEDH a développé la technique des arrêts pilote, qui sanctionnent une violation de la convention susceptible de priver de leurs droits une catégorie entière de particuliers.
Arrêt Broniowski c Pologne, 22 juin 2004 : la CEDH dicte quelles mesures devraient être prises par l’État polonais (mais c’est une exception).

Depuis, la CEDH n’hésite pas à réclamer certaines mesures de la part des États dans des arrêts de condamnation.
Par exemple : exiger la remise en liberté d’une personne.

Quelle est l’autorité de ces arrêts vis-à-vis des juridictions françaises ?
Les juges français ne sont pas obligés de suivre les arrêts de la CEDH, mais souvent ils le font.
Parfois, la Cour de cassation se réfère aux seuls textes de la CEDH dans le visa et dit qu’il y a une violation de la Convention EDH sans entre dans les détails de la jurisprudence.
Exemple : revirement de la jurisprudence 1992, voir Chapitre 1 : L’identification des personnes humaines
Parfois, elle fait référence à la CEDH sans dire précisément l’arrêt sur lequel elle s’appuie.

De plus en plus, la Cour de cassation se réfère précisément à des arrêts de la CEDH pour enrichir sa jurisprudence.
Exemple : arrêt de la Cour criminelle du 8 juillet 2020 :

Une personne est placée en détention provisoire.
Elle se pourvoit en cassation avec comme argument que ses conditions de détention constituaient un traitement inhumain et dégradant, violant l’article 3 de la Convention EDH.
La Cour se fonde explicitement sur un arrêt de la CEDH (JMB c France, 30 janvier 2020).

→ La Cour de cassation reconnaît de plus en plus largement l’influence de la CEDH sur le droit interne.

§ 2. Les juridictions pénales internationales

A – Les tribunaux pénaux internationaux

Les tribunaux pénaux internationaux (TPI) sont établis ponctuellement.
Exemple : le TPIY (Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie) est un tribunal créé par une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU de 1993.
Pareil pour le TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda).

Les TPI sont compétents pour juger les violations graves des règles internationales humanitaires.
Ils ne sont compétents que pour les personnes physiques.
Ils sont compétents uniquement sur le territoire où ils sont instaurés.

Pour être efficaces, ils doivent avoir la collaboration des États.
Pour la France, une loi de 1995 organise la collaboration avec les TPI.

Le TPIR n’est plus en activité depuis 2015 ; le TPIY n’est plus en activité depuis 2017.
Ils n’ont pas réellement pu achever leurs missions.

B – La Cour pénale internationale

La Cour pénale internationale (CPI) est créée par l’Assemblée générale de l’ONU, réunie à Rome en 1998.
Le statut de Rome (traité qui crée la CPI) est entré en vigueur en 2002.
Il est ratifié par plus de 200 États, mais pas par les États-Unis, la Chine, l’Inde et Israël.

La CPI traite de 4 types de crime : le génocide, le crime contre l’humanité, le crime de guerre, et le crime d’agression.

La CPI siège à La Haye (Pays-Bas).
Elle est compétente pour les infractions commises sur le territoire d’un État partie ou par un ressortissant d’un État partie, depuis 1er janvier 2002.

La compétence du CPI est subsidiaire, : elle est compétente uniquement si le criminel ne peut pas être jugé par les juridictions de son pays ou que celles-ci n’ont pas la volonté de juger.
→ pas de primauté des compétences du CPI sur les juridictions internes

Les juges sont élus par les États membres.
On recherche une parité hommes/femmes et une répartition équitable des juges en fonction de la région du globe dont ils proviennent.

Les enquêtes menées par un procureur chargé de soutenir l’accusation en toute indépendance.
Il est élu par l’assemblée des États parties.
Il peut être chargé par un État partie ou par le Conseil de sécurité de l’ONU.
Il peut dans certains cas se saisir d’office.
Il recherche les éléments à charge et à décharge.

Lorsqu’il existe selon lui des charges suffisantes, il soumet le dossier à une section préliminaire qui doit confirmer ces charges.
Si la section préliminaire confirme, le procès se poursuit en 1ère instance devant une chambre de jugement qui peut prononcer différentes peines (détention à vie ou à temps – maximum 30 ans).

En droit français, le législateur a intégré dans le Code de procédure pénale la coopération avec la CPI.
La loi prévoit les conditions d’arrestation des personnes poursuivies ou condamnées par la CPI sur le territoire français.

§ 3. La Cour internationale de Justice (CIJ)

La Cour internationale de Justice (CIJ) siège aussi à La Haye (Pays-Bas).
Elle a pour mission de se prononcer sur des différents entre États.

Ces conflits n’aboutissent pas à des guerres mais doivent être réglés.
La CIJ est créée après la Seconde Guerre mondiale.
Son statut est régit par la Charte de l’ONU : l’article 92 dispose que la CIJ est l’organe juridique principal des Nations Unies.

Tous les membres de l’ONU y sont automatiquement parties : ils ne peuvent pas se soustraire à la compétence de la CIJ.

La CIJ doit donner une solution aux conflits entre les États en appliquant différentes sources internationales.
Les conventions internationales sont donc le socle juridique pour les décisions de la CIJ.
Elle prend aussi en compte les coutumes internationales et les principes généraux du droit (principes qui ont une vocation universelle, commun à tous les systèmes juridiques).
Elle peut enfin recourir à l’équité si les États sont d’accord.

Son point faible est que les États peuvent formuler des réserves de compétence sur certains points.
La question de l’exécution des décisions face à un État récalcitrant se pose également : l’ONU ne peut pas contraindre un État à s’exécuter.
L’État vainqueur peut saisir le Conseil de sécurité de l’ONU.

§ 4. Les juridictions de l’UE

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les États européens souhaitent un rapprochement économique.

Le Traité de Rome de 1957 :
> prévoit la Communauté Économique Européenne (CEE)
> qui regroupe la France, l’Italien, la RFA et le Benelux
> objectif : constituer un marché unique (union douanière, libre circulation des biens et services, harmonisation des politiques économiques, libre concurrence)

⚠️ L’UE (successeur de la CEE) n’est pas une fédération d’États ; les pays membres restent des nations souveraines et ne font que transférer certaines de leurs compétences.

La particularité de l’UE est que les traités fondateurs mettent en place des institutions qui vont elles-mêmes produire des normes (règlements, directives…) : on parle de droit de l’UE dérivé.
Ce droit dérivé a un effet direct en droit interne et peut être invoqué par les citoyens devant les juridictions des États membres.

Le droit de l’UE prime sur le droit national (arrêt Costa contre Enel, 15 juillet 1964).

Les juridictions françaises considèrent que la Constitution prime sur le droit de l’UE (voir Leçon 4 : Application des règles de droit).

L’UE dispose d’1 institution juridictionnelle composée de 2 juridictions :
> la CJUE qui siège au Luxembourg
> le tribunal, adjoint à la CJUE face aux nombreux contentieux

Ces juridictions ne dépendent d’aucun État mais ne sont pas comparables aux juridictions internationales car intégrées à l’ordre juridique de l’UE.
Les États membres sont obligés de se soumettre aux juridictions : elles n’ont pas de restrictions de compétence.

Les personnes physiques et morales ont accès directement aux juridictions.
Les décisions rendues ont force obligatoire sur le territoire des États membres (on peut recourir à la force publique).

A – La Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE)

C’était au départ le seul organe de l’UE.
S’appelle à l’origine la Cour de justice des communautés européennes (CJCE).

Elle est composée d’1 juge par État membre et de 11 avocats généraux (leur rôle : proposer en toute indépendance une solution ; équivalent au ministère public des juridictions nationales).
Les juges et avocats généraux sont désignés pour 6 ans par les États membres.

La CJUE assure le droit de l’UE et préserve l’unité d’interprétation du droit de l’UE.

Les différentes attributions de la CJUE sont :

  • Consultative : les juridictions des États membres peuvent consulter la CJUE sur certains points.
    → saisine pour avis
  • Contentieux : la CJUE peut être saisie par des citoyens, par les commissions de l’UE ou par un autre État membre. Elle peut conclure qu’un État a commis un manquement (texte interne contraire au droit de l’UE).
  • Question préjudicielle : permet de connaître l’interprétation de la CJUE d’un texte.
    La CJUE est saisie par une juridiction nationale.
    → garantit l’interprétation unitaire du texte entre États
    ⚠️ Dans le cadre d’une question préjudicielle, la CJUE ne tranche pas le litige.
  • Recours contre les décisions du Tribunal.

B – Le Tribunal

Le Tribunal de l’Union Européenne est créé en 1988 par une décision du Conseil pour faire face à l’explosion du contentieux.

Il est composé de 2 juges par État membre.
Il connaît des recours introduits par des particuliers qui visent à l’annulation d’actes dont ils sont destinataires pris par des institutions de l’UE.
Il connaît aussi des recours des États membres contre la commission ou le conseil
→ effectue un contrôle de légalité

Chapitre 2 : Les principes gouvernant les institutions juridictionnelles

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Section 1 : Les principes d’organisation des institutions juridictionnelles

Difficulté de l’organisation de la justice : le contentieux est très varié.

§ 1. La spécialisation des juridictions

Il faut ici faire la distinction entre l’ordre judiciaire et l’ordre administratif (en fonction de la nature du litige : s’il implique ou non l’administration).

Au sein de l’ordre judiciaire, on distingue les juridictions civiles et les juridictions pénales.
Les juridictions civiles traitent des litiges entre personnes privées.
Les juridictions pénales (= répressives) ont pour objectif la recherche et la répression des infractions, qu’il y ait une victime ou non. Elles agissent lorsqu’il y a un comportement qui n’est pas toléré (= la société qui juge un comportement illicite).

Cette spécialisation est nécessaire car les juges ne font pas face aux mêmes problématiques.

Il y a aussi la distinction entre juges du siège et juges du parquet, particulièrement en matière pénale, parce que dans un procès pénal on retrouve 3 types de fonctions :
1- Fonction de poursuite : incombe au parquet
2- Fonction d’instruction : rechercher la vérité
Exemple : le juge d’instruction recherche des éléments à charge et à décharge. L’instruction est confiée à un juge du siège (= indépendant).
3- Fonction de jugement : incombe à un juge du siège


Devant les juridictions administratives, il existe également la distinction entre magistrats du siège et rapporteurs publics.
Les rapporteurs publics (auparavant appelés « commissaires du gouvernement ») sont des membres de la juridiction qui exercent temporairement la fonction de présenter publiquement et en toute indépendance la solution qui paraît s’imposer dans l’affaire.
→ Rôle comparable au parquet dans les juridictions civiles et pénales.

Difficulté : garantir un « procès équitable ».
Problème : avant, ce rapporteur participait au délibéré, donc on pouvait craindre que sa présence influence les magistrats en faveur de sa solution, alors que l’administré n’y participe pas.
La CEDH condamne la France à ce sujet : arrêt du 7 juin 2001, Kress contre France.
Décret du 1er août 2006 : réforme : le rapporteur public n’assiste plus au délibéré au tribunal administratif et à la cour administrative d’appel. Devant le Conseil d’État, il continue à participer au délibéré mais ne peut pas intervenir.

Traditionnellement, le rapporteur public concluait les débats. Aujourd’hui, les conclusions du rapporteur sont transmises aux parties à l’avance.

§ 2. La hiérarchie des juridictions

La hiérarchie entre les juridictions se justifie par :

  1. L’existence du double degré de juridiction : garantie importante de bonne justice.
    → possibilité de faire appel
    → hiérarchie entre les juridictions de 1er degré et les juridictions d’appel
  2. La jurisprudence doit être unifiée au maximum.
    La Cour de cassation est au sommet de l’ordre judiciaire. Lorsqu’une solution est dégagée par la Cour de cassation, les juridictions inférieures ont tendance à la suivre.
    (même schéma pour l’ordre administrative avec le Conseil d’État)

A – La hiérarchie des juridictions de l’ordre judiciaire

Dans l’ordre judiciaire, le litige est d’abord jugé par une juridiction de 1er degré.
On peut ensuite faire appel → l’affaire est rejugée par une cour d’appel (2nd degré).

Enfin, la Cour de cassation a un rôle spécifique : elle ne fait que vérifier l’application du droit.
→ Elle ne constitue donc pas un 3e degré de juridiction.

L’appel est en principe ouvert contre toute décision de 1er degré (« interjeter appel »).
Les potentielles exceptions doivent résulter d’un texte spécifique.

Lorsqu’il est interjeté, l’appel a un effet suspensif (= la décision de 1ère instance est suspendue).
L’appel a aussi un effet dévolutif : la même affaire est rejugée entièrement en fait et en droit.

En matière civile, l’appel est possible en principe.
En réalité, il n’est possible qu’à partir d’un certain montant (« taux de ressort » : fixé à 5000€).
L’appel doit être formé dans un délai d’1 mois à compter de la signification de la décision attaquée.

En matière pénale, l’appel est possible, y compris contre les décisions des cours d’assises (qui jugent les crimes).
Avant 2000, il n’y avait pas d’appel possible contre les décisions des cours d’assises, qui sont composées de citoyens.

Règle spécifique en matière pénale : si 1 seule partie fait appel, la cour d’appel ne peut pas modifier la décision de 1ère instance de manière défavorable.

Contrairement à l’appel, le pourvoi en cassation n’est ouvert que dans les cas expressément prévus par la loi, et uniquement si toutes les voies de recours ont été exercées.

2 solutions : rejet ou cassation.
Si le pourvoi est rejeté, l’affaire s’arrête.
Si la Cour de cassation casse le jugement, l’affaire est renvoyée devant une autre cour d’appel ou une juridiction de même nature.

B – La hiérarchie des juridictions de l’ordre administratif

1) L’appel

L’appel est possible en principe contre toute décision rendue en 1ère instance par un tribunal administratif.
Il n’est pas possible contre certains jugements de moindre importance.
Dans tous les cas, même si l’appel est impossible, le pourvoi en cassation reste possible.

Ici, l’appel n’est pas suspensif du jugement du tribunal administratif.
Il est tout de même possible de solliciter un sursis à exécution (l’exécution du jugement est suspendue tant que le juge d’appel n’a pas statué).

Si la procédure suivie en 1ère instance n’a pas été régulière, le jugement est annulé et l’affaire retourne devant le tribunal administratif.
Limite : si les parties ont aussi présenté des conclusions sur le fond et que le juge d’appel dispose des informations nécessaires, il peut statuer lui-même sur le fond → pas de renvoi en 1ère instance.


2) Pourvoi en cassation

Le pourvoi en cassation est porté devant le Conseil d’État.
Ce recours est toujours ouvert, contre toutes les décisions.
On parle de recours ordinaire (≠ dans l’ordre judiciaire).
Il faut qu’aucune autre voie de recours ne soit possible.

Toute partie au procès peut exercer ce recours.
Il doit être exercé dans un délai de 2 mois à partir de la signification de la décision attaquée.
Le recours porte uniquement sur le droit, et non sur les faits.

Chefs de cassation :
> incompétence de la juridiction
> violation de la loi
> violation de la procédure

Le recours en cassation n’a pas d’effet suspensif, mais on peut solliciter un sursis à exécution.

Selon l’issue du recours, le Conseil d’État doit renvoyer le litige à la juridiction qui avait rendu la décision attaquée.
Le Conseil d’État peut aussi trancher le litige au fond pour des raisons de bonne administration de la justice.

§ 3. L’impartialité des juridictions

L’impartialité des juridictions est un enjeu capital dans le système juridictionnel.
La CEDH pose cette exigence d’impartialité au titre des règles sur le procès équitable établies dans l’article 6-1 de la CEDH.

On attend du juge qu’il soit indépendant, impartial et compétent.

L’impartialité est une exigence inhérente à la qualité de juge.
Elle est doublement garantie :

  • Impartialité subjective : se rapporte au sujet de droit, à la personne.
    Le juge ne doit pas avoir de parti pris dans une affaire.
    Cette impartialité est supposée.
  • Impartialité objective : le juge doit avoir l’air impartial.
    Il ne doit pas donner l’impression d’avoir de parti pris.
    Critères : composition de la juridiction (le juge ne doit pas avoir déjà auparavant jugé dans cette affaire à un autre titre).

Si problème d’impartialité : le juge lui-même doit se déporter / renoncer à juger.
S’il ne le fait pas, les parties peuvent demander la récusation du juge.
> Si une partie pense que le juge ou son conjoint aurait un intérêt personnel à la contestation.
> S’il existe un lien de subordination entre le juge ou son conjoint et une des parties.
> Etc.

§ 4. La collégialité des juridictions

Une affaire doit-elle être jugée par un seul juge ou plusieurs (= formation collégiale) ?
Cette question se pose essentiellement pour les juridictions de 1ère instance.

Le principe de collégialité n’a pas de valeur constitutionnelle, selon le Conseil constitutionnel.
Le législateur doit définir les cas où il y a un juge unique.

Arguments en faveur de la collégialité :

  • Lorsqu’une décision est collégiale : elle a été discutée par plusieurs magistrats.
    → décisions + abouties, + réfléchies
    → justice de meilleure qualité
  • Avoir plusieurs magistrats permet une meilleure impartialité et indépendance.
  • La collégialité permet à des jeunes magistrats d’être au contact d’autres magistrats + expérimentés.

Arguments en faveur d’un juge unique :

  • Argument budgétaire
  • Permet une justice + rapide
  • Le contentieux augmente rapidement → on peut y faire + facilement face avec un juge unique

 

Solution retenue par le législateur : traditionnellement, le principe = collégialité.
Mais il n’y a pas de disposition générale à ce sujet.

Le juge unique est de + en + répandu.
En matière civile, le tribunal judiciaire est la principale juridiction.
L‘article L112-1 du Code de l’organisation judiciaire pose le principe de la collégialité au tribunal judiciaire.
Cependant, le tribunal judiciaire statue parfois à juge unique. Tout dépend de l’objet du litige et de la nature des questions à juger.

Il y a des matières dans lesquelles le législateur a donné compétence à un juge unique spécialisé.
Exemple : en matière familiale, le juge de l’exécution et le juge des enfants.

En matière pénale, il existe de nombreuses juridictions à juge unique.
Par exemple, le juge d’instruction : son rôle n’est pas de se prononcer sur la culpabilité de l’accusé, mais d’instruire l’affaire (rechercher des éléments à charge et à décharge).

Le mode de fonctionnement du juge d’instruction a été remis en cause par l’affaire Outreau.
> Concerne des abus sexuels sur mineurs
> Plusieurs accusés sont mis en examen par le juge d’instruction et emprisonnés en attendant le procès (détention provisoire)
> Ils finissent par être acquittés après plusieurs années en prison
> On parle de « catastrophe judiciaire »

Loi du 5 mars 2007 : prévoit la collégialité des juridictions d’instruction.
→ prévue à l’horizon 2010
→ entrée en vigueur reportée à 4 reprises, puis dispositions abrogées en 2016

Les juridictions de jugement statuent à juge unique pour les infractions les moins importantes (par exemple, les contraventions → tribunal de police).

Au-dessus des contraventions : les délits (infractions pour lesquelles on encourt jusqu’à 10 ans d’emprisonnement).
Sont jugés par le tribunal correctionnel.
Liste de délits pour lesquels on statue à juge unique ; ex : vol, recel, faux, etc.


Dans l’ordre administratif, le principe est celui de la collégialité, selon l’article L3 du Code de justice administrative.
Des exceptions sont posées par des textes ponctuels, pour éviter que les juridictions ne soient trop encombrées.

Section 2 : Les principes de fonctionnement des institutions juridictionnelles

§ 1. Le principe de continuité des institutions juridictionnelles

Article L111-4 du Code de l’organisation judiciaire :

La permanence et la continuité du service public de la justice demeurent toujours assurées.

Le service public de la justice fonctionne donc sans interruption.

Les magistrats de l’ordre judiciaire ne peuvent pas faire grève.
Les magistrats de l’ordre administratif sont des fonctionnaires et ont donc le droit de faire grève.

La continuité implique l’accessibilité du juge.
Des mesures sont prises pour faciliter l’accessibilité concrète du juge : loi du 18 novembre 2016 : fonde le service d’accueil unique du justiciable (SAUJ), qui a pour objectif d’informer les personnes sur les procédures qui les concernent.

Le législateur a aussi mis en place dans chaque tribunal judiciaire un bureau d’aide aux victimes d’infractions pénales.
Objectif : faciliter la communication entre les justiciables et les juridictions.

Question qui se pose : la localisation des juridictions.
Si on place trop de juridictions sur un même territoire, certaines vont tourner au ralenti.
Si on n’en place pas assez, ça réduit l’accès de certaines personnes au tribunal, et ils se retrouvent surchargés.

Le principe de continuité du service public a été malmené par la « crise sanitaire » liée au Covid-19.
De nombreuses mesures liées à l’état d’urgence sanitaire :

  • Transfert de compétence : on peut transférer l’activité d’une juridiction vers une autre
  • Atteinte au principe de la publicité des débats : le juge ou le président peut décider, avant l’ouverture de l’audience, que les débats se feront à publicité restreinte ou à huis clos
  • Atteinte à la collégialité : le président de la juridiction peut décider que cette juridiction statuera à juge unique
  • Recours au distanciel : le juge peut décider d’une audience en visioconférence ; il faut tout de même qu’on puisse s’assurer de l’identité des personnes qui participent et garantir la qualité des échanges entre parties et avocats
  • La procédure sans audience : le juge peut décider cela quand les parties sont assistées par un avocat

§ 2. Le principe de gratuité des institutions juridictionnelles

A – Les différents frais de justice

Objectif : garantir un libre accès des justiciables aux tribunaux (qu’ils n’y ait pas d’obstacle financier).

Le principe est la gratuité du service public de la justice.
Aujourd’hui, les juges sont des fonctionnaires.
≠ Ancien Régime : les juges sont rémunérés par les plaideurs.

Le droit d’agir en justice est gratuit, mais il faut relativiser cette gratuité.
Elle est assurée selon les modalités fixées par la loi (article L111-2 du Code de l’organisation judiciaire).

Il existe 3 types de frais en matière civile :

  1. Les coûts fixes de fonctionnement du service public de la justice : coûts des locaux, paiement des agents, des magistrats, etc.
    = pris en charge par l’État
  2. Les dépens : frais indispensables au déroulement de l’instance (frais tarifés par décision judiciaire ou par le législateur).
    Exemple : actes d’huissier de justice, traduction d’actes, etc.
    Ils sont à la charge du perdant de l’instance (les siens + ceux de l’adversaire).
    En matière pénale, les frais de justice sont à la charge de l’État, sans recours aux condamnés ni aux parties civiles.
  3. Les frais irrépétibles : frais qui ne sont pas compris dans les dépens → que chaque partie choisit d’engager pour défendre au mieux ses intérêts.
    Donc 2 principes : gratuité de la justice + libre choix de la défense.
    Ces frais sont à la charge de la partie qui les a engagés.
    Mais l’article 700 du Code de procédure civile et l’article L761-1 du Code de justice administrative octroient au juge le pouvoir d’ordonner le versement de frais irrépétibles à la partie qui a gagné le procès, au motif de l’équité.
    → permet d’éviter que le gagnant du procès supporte l’ensemble des frais liés à sa défense

La gratuité est donc seulement partielle.

Il existe une aide à la prise en charge du procès de façon à ce que les plus démunis puissent faire valoir leurs droits :

B – L’aide juridictionnelle

La loi du 10 juillet 1991 instaure un système d’aide d’accès à la justice.
Ce système est nécessaire car l’aide juridictionnelle est un droit consacré par la CEDH + par l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE (garantit le droit à un recours effectif).

Cette aide est une contribution de l’État aux frais de justice, qui ne sont pas gratuits (frais d’expertise, rétribution des avocats, …).
L’aide peut être totale (si revenus < 1000€/mois), ou partielle (si revenus < 1500€/mois).
Les conditions de ressources ne sont pas exigées pour les victimes de crimes ou dans le cadre d’atteintes volontaires à la vie ou à l’intégrité de la personne.

L’aide juridictionnelle peut être accordée en demande comme en défense.
Elle s’applique en matière civile, pénale et administrative, devant toutes les juridictions nationales.

Les frais dépensés avant le procès sont également pris en charge.
Si l’action est visiblement infondée ou irrecevable, on ne peut pas bénéficier de l’aide juridictionnelle.

Une fois que l’aide est accordée, elle est conservée pour l’ensemble des voies de recours.
En pratique, l’aide doit être demandée devant le bureau d’aide juridictionnelle (BAJ) établi au siège de chacun des tribunaux judiciaires et qui doit se prononcer sur les demandes d’aide.

Si cette demande est satisfaite, le justiciable peut choisir ses auxiliaires de justice (avocats, huissiers, etc.).
S’il ne les choisit pas, le BAJ peut en désigner un, qui sera rémunéré par le barreau dont il dépend.
Si l’aide est partielle, le bénéficiaire négocie avec l’auxiliaire choisi le reste de sa rémunération.

L’aide juridictionnelle peut être retirée par le BAJ :
1- si les ressources du bénéficiaire ont augmenté ;
2- en cas de fausse déclaration du bénéficiaire
→ on lui demande alors de restituer immédiatement toutes les sommes fournies

Développement d’une pratique : l’assurance de protection juridique.
L’assureur prend en charge les frais de procès.
La loi du 10 juillet 1991 dispose que l’aide juridictionnelle n’est pas accordée si le demandeur dispose déjà d’une assurance.

§ 3. Le principe d’égalité devant la justice

Le principe d’égalité devant la justice est une application particulière du principe d’égalité, prévu par l’article 6 de la DDHC (= valeur constitutionnelle).
Elle signifie une égalité devant les juridictions, les règles de procédure et les règles de droit.

  1. Égalité devant les juridictions : les justiciables doivent bénéficier des mêmes juges.
    Il n’y a donc plus de privilèges de juridiction.
    Les citoyens poursuivis pour les mêmes infractions ne peuvent pas être jugés par des juridictions différentes.
    Les juridictions spécialisées ne sont pas interdites, mais ont une compétence d’attribution justifiée par la nature du litige et pas par la qualité d’une personne.
  2. Égalité devant les règles de procédure : tous les justiciables qui sont dans la même situation doivent être jugés suivant les mêmes règles.
    L’article 6-1 de la CEDH impose aux États le droit à un procès équitable → nécessite une égalité des armes aux parties du litige.
    L’État doit offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter ses arguments dans des conditions qui ne présentent aucun désavantage face à l’adversaire.
  3. Égalité devant les règles de droit : la loi a un caractère général et abstrait.

§ 4. Le principe d’accessibilité des décisions de justice

Open data : dans quelle mesure les décisions de justice sont-elles en accès libre ?
Article 15 de la DDHC :

La société a le droit de demander des comptes à tout agent public de son administration.

Dans cette optique, la loi du 7 octobre 2016 cherche à rendre la justice plus transparente.
L’accès aux décisions de justice permet une meilleure information des tiers et de la jurisprudence par les professionnels du droit.

Principe posé par l’article L111-13 du Code de l’organisation judiciaire : les décisions des juridictions sont mises à disposition du public gratuitement.
Cette mise à disposition est faite sous forme électronique.

Cette règle est strictement encadrée pour garantir le respect de la vie privée des personnes : les décisions publiées doivent être anonymisées (nom et prénom).
Il faut aussi que l’on ne puisse pas faire de statistiques sur les décisions de justice en fonction des magistrats ou des greffiers qui sont présents (→ délit pénal sanctionné de 5 ans d’emprisonnement).
→ la justice prédictive ne peut s’appuyer que sur les données du litige et les règles applicables

Les tiers peuvent demander la communication d’une copie de la décision au greffe.
Cette copie peut être communiquée par voie électronique.
Elle est anonymisée.

Un calendrier est défini par un arrêt du 28 avril 2021 pour l’organisation globale des décisions de justice :
> Pour la Cour de cassation, dispositif déjà en place : Judilibre, depuis le 1er octobre 2021
> Pour les décisions de cour d’appel : au plus tard le 30 avril 2022
> Pour les conseils de prud’hommes : 30 juin 2023
> Pour les tribunaux de commerce : 31 décembre 2024

En attendant, des entreprises privées (legaltech) y travaillent déjà.
L’avocat doit garantir le respect des données personnelles et la sécurité de son client.

Chapitre 1 : Institutions juridictionnelles et séparation des pouvoirs

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La séparation des pouvoirs est un principe fondamental d’organisation de l’État.
Prend son origine dans les courants de pensée du 18e siècle.
Théorisée par Locke et Montesquieu pour lutter contre l’absolutisme.
Idées consacrées à la Révolution (dans la DDHC notamment).

Article 16 de la DDHC :

Toute Société dans laquelle […] la séparation des Pouvoirs [n’est pas] déterminée n’a point de Constitution.

La DDHC a la même valeur que la Constitution.
Le principe de séparation des pouvoirs a donc la même valeur que la Constitution.

Il trouve cependant application dans des lois.
La loi des 16 et 24 août 1790 distingue les 3 pouvoirs : judiciaire, exécutif, législatif.
(à l’époque, expression d’une méfiance envers le pouvoir juridique)

Idée : pas une séparation étanche/absolue, mais plutôt un équilibre entre les pouvoirs.

Section 1 : La justice et le pouvoir législatif

Au 19ème siècle : méfiance à l’égard du juge.
Il est chargé uniquement d’appliquer la loi (il est « la bouche de la loi » → Montesquieu).
Une hiérarchie est donc établie : le rôle le plus noble serait celui du législateur, et ensuite le rôle du juge qui ne serait que d’appliquer.
Parce que dans la pensée révolutionnaire, le législateur = l’émanation du peuple souverain = est tout puissant.

§ 1. La non immixtion du juge dans l’exercice du pouvoir législatif

A – L’interdiction des immixtions négatives

Les juges ne peuvent pas s’opposer à l’application d’une loi → ça serait une immixtion dans la fonction législative.
Si une loi est en vigueur, le juge est obligé de l’appliquer.

Un tribunal étatique n’a pas le droit de statuer en équité.

Et si une loi est contraire à la Constitution ?
Le juge ne peut de son propre chef écarter une loi même contraire à la Constitution, car s’il le fait il se pose en contrôle de la Constitution.
Or seul le Conseil constitutionnel peut vérifier la conformité des lois à la Constitution.
Le juge ordinaire ne peut que transmettre une QPC.

Et si une loi est contraire à un traité international ?
Un juge peut écarter la loi lorsqu’elle lui paraît contraire à un traité international signé et ratifié par la France.
→ Il peut contrôler la loi au regard de ce traité.
Contrôle de conventionnalité rendu possible par l’article 55 de la Constitution qui pose le principe de la supériorité du traité sur la loi

Situation assez fréquente, notamment avec le droit de l’UE.
La CJUE affirme que le droit de l’UE doit primer sur le droit national.
→ Le juge judiciaire et le juge administratif se réservent le droit d’écarter la loi interne contraire au droit de l’UE.

B – L’interdiction des immixtions positives

Le juge ne peut pas créer une loi (il ne peut pas entrer dans la compétence du législateur).
L’article 5 du Code civil prohibe les arrêts de règlements.

Article 1355 du Code civil : la décision de justice a seulement autorité entre les parties au procès et dans le litige donné.
On ne revient pas sur un jugement, la décision s’impose aux parties.
Mais la solution apportée par le juge ne s’applique pas à un autre litige, même identique.

En France, le juge n’est pas lié par la règle du précédent : ce n’est pas parce qu’un juge a donné une solution dans un procès qu’il va donner la même dans un autre procès identique.
Un revirement de jurisprudence est donc toujours possible.

Le rôle du juge n’est tout de même pas négligeable. Il est souvent capital dans l’élaboration des normes.
En effet, la loi ne peut pas tout prévoir, et le juge ne peut pas refuser de statuer.
Le juge est donc amené à interpréter la loi en raisonnant par analogie, à contrario, etc.
Exemple : en matière de responsabilité civile, le Code civil de 1804 ne pouvait pas prévoir les accidents actuels. Le droit de la responsabilité est devenu au 20e siècle un droit jurisprudentiel.

§ 2. La non immixtion du législateur dans la fonction de juger

Le Parlement ne peut pas s’immiscer dans une affaire.
Une fois qu’une affaire est portée devant les juridictions, le droit applicable ne peut pas être modifié (sauf lois rétroactives).
→ La loi ne s’applique pas à des situations antérieures à son entrée en vigueur.

Ce principe est constitutionnel en matière de droit pénal.

En droit civil, il est fondé sur l’article 2 du Code civil.
Il a donc valeur de loi.
→ On peut donc y déroger par une autre loi.

Plusieurs situations existent :

  • Loi expressément rétroactive
    Arrêt de la Cour de cassation en assemblée plénière du 23 janvier 2004 : ça n’est pas possible, sauf en cas de « motif impérieux d’intérêt général« .
    Décision fondée sur l’article 6 de la CEDH.
  • Loi interprétative
    Clarifie une loi antérieure : est par définition rétroactive.
  • Loi de validation
    Valide une situation auparavant irrégulière.
    Pratique parfois utile mais discutable lorsqu’elle intervient en cours de procès et influe sur l’issue du litige.
    28 octobre 1999 : la France est condamnée par la CEDH. Arrêt : le Parlement ne peut pas voter de loi de validation pour influer sur l’issue d’un litige sauf motif impérieux d’intérêt général.

Section 2 : La justice et le pouvoir exécutif

§ 1. La non immixtion du juge dans l’exercice du pouvoir exécutif

La loi des 16 et 24 août 1790 pose la séparation des pouvoirs.
Elle interdit au juge d’intervenir dans l’administration.
→ Le juge judiciaire ne peut pas contrôler l’administration.

Mais l’administration ne peut pas rester sans contrôle.
Les administrés ne peuvent pas rester sans recours.
Au départ, on doit exercer un recours auprès du supérieur hiérarchique de celui qui a pris la décision contestée.
Théorie du ministre juge, appliquée au 19e siècle.

Problème : le ministre fait partie de l’administration. Il est donc à la fois juge et partie.

Mais le Conseil d’État s’est vite organisé comme une véritable juridiction.
Les ministres ont vite suivi de façon systématique l’avis du Conseil d’État.
Loi du 24 mai 1872 : reconnaît une autorité souveraine aux décisions du Conseil d’État.
→ Développement du droit administratif.

Le juge a souvent montré beaucoup de retenue à l’égard de l’administration.
À la fin du 19e siècle, il s’est interdit de donner des injonctions à l’administration (ne pouvait pas prendre d’actes administratifs à la place de l’administration).
Exemple : ouvrage public, édifié de façon illégale. Le juge ne peut pas ordonner la destruction de l’ouvrage.

Cette timidité avait des conséquences négatives.
Exemple : si l’administration a construit illégalement des bâtiments sur mon terrain, le juge ne pouvait pas lui ordonner de les détruire.

Aujourd’hui, la situation a évolué.
Loi du 8 février 1995, le juge administratif peut ordonner à l’administration d’exécuter une décision de justice, même sous astreinte.
Loi du 30 juin 2000 : sur les référés administratifs, le juge peut ordonner la suspension d’un acte administratif + le juge peut ordonner toute mesure nécessaire en cas d’urgence et sous certaines conditions notamment quant à l’illégalité de l’acte.

Aujourd’hui, il existe une dualité d’ordre de juridiction : l’ordre judiciaire et l’ordre administratif.

Parfois, on ne sait pas trop quel ordre est compétent.
Le Tribunal des conflits est chargé des conflits de compétence entre le juge judiciaire et le juge administratif.
1. Les conflits positifs : le juge judiciaire et le juge administratif s’estiment tous deux compétents.
2. Les conflits négatifs : aucun des juges ne s’estime compétent (→ risque de déni de justice).
Le Tribunal des conflits désigne le juge compétent.
→ Assure l’articulation entre les 2 ordres de juridiction.

Les 2 ordres peuvent être amenés à statuer sur des problématiques semblables voir identiques.
Parfois, les solutions rendues sont contraires/incompatibles.

§ 2. La non immixtion du pouvoir exécutif dans la fonction de juger

L’article 64 de la Constitution prévoit le principe de non immixtion : les gouvernements ne peuvent pas donner d’ordres aux magistrats, ni exercer de pressions.

Il existe néanmoins certaines limites à ce principe :

  • Le pouvoir d’interprétation du juge : le juge peut recourir à des réponses ministérielles (données lors des séances de questions au gouvernement au Parlement ; elles portent souvent sur l’interprétation donnée à telle ou telle loi).
    L’opinion du ministre n’a pas de valeur normative et ne s’impose pas au juge, mais a tendance à influencer le juge.
  • Les circulaires administratives : des textes qui ont pour objet de donner des explications ou des instructions de la part d’un chef de service à son personnel.
    Elles n’ont pas de valeur contraignante.
    Elles ne peuvent pas se substituer à une loi ou un règlement (si une circulaire est contraire à une loi ou un règlement, elle est illégale).
    Par la circulaire, le ministre fait savoir comment il convient d’interpréter une loi. Le juge n’est pas tenu d’appliquer la circulaire, mais il peut être influencé par elle.
  • Certains magistrats sont des fonctionnaires nommés par l’État, ce qui pose un problème concernant l’indépendance du juge (garantie par l’article 64 de la Constitution et l’article 6 de la CEDH).
    • Pour les magistrats de l’ordre judiciaire, c’est un sujet sensible, car c’est l’ordre judiciaire qui permet aux membres de l’exécutif de répondre de leurs actes devant la justice. Ils doivent pouvoir être jugés par un tribunal indépendant, mais l’on craint un gouvernement des juges.
      Ici, il faut faire la distinction entre les magistrats du siège et les magistrats du parquet. Ils sont liés car ce sont des magistrats recrutés par les mêmes voies.
      Les magistrats du siège siègent dans la salle d’audience, rendent la justice, tranchent les litiges.
      Les
      magistrats du parquet (ceux qui se tiennent debout) veillent à la bonne application de la loi → défendent les intérêts de la société.

      Garanties d’indépendance :

       

      • Les magistrats du siège bénéficient de l’indépendance : ce sont des magistrats professionnels qui sont inamovibles.
        En matière d’avancement, des organismes consultatifs (CSM) interviennent pour garantir leur indépendance.
      • Les magistrats du parquet sont des agents auprès des tribunaux. Ils sont sous le contrôle d’une hiérarchie, avec au sommet le garde des Sceaux.
        Le garde des Sceaux peut donner des instructions dans certaines matières, comme l’ordre de poursuivre certaines personnes.
        Loi du 25 juillet 2013 : fin de la possibilité d’instruction individuelle du garde des Sceaux. Ses instructions ne peuvent désormais plus qu’être générales.
      • Le parquet (= le ministère public) maîtrise les poursuites pénales.
        Il décide de poursuivre les auteurs d’infraction et des les renvoyer vers le tribunal.
        Le lien entre le parquet et le garde des Sceaux est contrôlé :
        Arrêt 10 juillet 2008 Medvedyev v France : les membres du parquet ne sont pas considérés comme des juges par la CEDH.
      • Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) est l’organe garant de l’indépendance du juge judiciaire à l’égard de l’exécutif.
        Il est lui-même indépendant.
        Son rôle : faire écran entre l’exécutif et les magistrats.
        → mobilité des magistrats
        → discipline des magistrats
        → promotion des magistrats
        A son mot à dire dans les décisions les + importantes de l’évolution des magistrats.
        Avant 2008, le PR était le président du CSM. Aujourd’hui, c’est le président de la Cour de cassation.
    • Les magistrats de l’ordre administratif n’ont eu pendant longtemps aucune garantie d’inamovibilité, ni aucun organe comparable au CSM.
      Le lien entre le juge administratif et l’administration le rend susceptible de pression.
      Loi du 6 janvier 1986 : donne à certains juges administratifs (tribunaux administratifs + cours administratives d’appel) un statut protecteur : inamovibilité, transparence dans l’avancement + organe chargé de veiller à l’indépendance des magistrats (équivalent CSM) : le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel.
      Le Conseil d’État n’en bénéficie pas, parce que l’on considère que les conseillers d’État bénéficient déjà de ce statut protecteur grâce aux coutumes et au prestige du Conseil d’État.

Introduction au cours d’institutions juridictionnelles

Cliquer ici pour revenir au sommaire de ce cours complet d’institutions juridictionnelles.

Lorsqu’il y a un litige (= un problème) concernant l’application d’une règle de droit, on saisit des juridictions (= des juges).

Il existe des juridictions spécifiques pour chaque type de litige.
Chacune de ces juridictions a un domaine et un fonctionnement propre.

Toutes ces juridictions sont soumises à des principes généraux.


Éléments introductifs

Institutions juridictionnelles : ce qui a été mis en place / institué par les hommes.
Même racine que « statué » : établir et poser quelque chose.
Juris dixio : le faire de dire le droit en latin.

Les juridictions doivent dire le droit dans une affaire donnée. Elles vont trancher les litiges qui leur sont soumis en appliquant des règles de droit préétablies.

Il existe une multiplicité de juridictions.
Distinction fondamentale entre 2 ordres :
l’ordre judiciaire tranche les litiges entre personnes
l’ordre administratif tranche les litiges impliquant les personnes publiques (État, collectivités…)

On assiste aujourd’hui à une explosion du contentieux, avec de + en + de litiges. Le rôle des juridictions prend donc de l’importance : en 2017, + de 3 millions de décisions rendues par les juridictions françaises.

Ces décisions viennent prolonger la règle de droit.
L’application de la règle de droit est liée à des considérations politiques et sociales.

La règle de droit détermine ce qui est acceptable ou non.
Les juridictions jouent un rôle : elles appliquent les règles et les construisent d’une certaine manière.

Le statut du juge est différent dans un État démocratique ou autoritaire.
Le juge est un tiers : il est neutre. C’est un spécialiste de la question que l’on va solliciter.
Garantie de bonne justice : le litige est tranché selon de bonnes pratiques par quelqu’un sans intérêt dans l’affaire.
→ l’État rétablit la justice plutôt que de recourir à la vengeance privée (c’est son devoir)

L’article 4 du Code civil impose à l’État et aux juridictions de rendre la justice quand c’est demandé.
Le juge doit trancher le litige ; s’il refuse, il se rend coupable de déni de justice (le justiciable peut alors obtenir une indemnisation et le juge peut avoir des sanctions pénales et disciplinaires).

L’État a le monopole de la justice : il est le seul à pouvoir l’exercer.

L’autorité de la chose jugée : une solution rendue par les tribunaux ne peut pas être remise en cause lorsqu’elle est définitive.
La décision rendue par un tribunal étatique a force exécutoire : décision que l’on peut appliquer en ayant recours à la force publique.
→ rendre la justice ne concerne pas que des intérêts particuliers, cela concerne l’intérêt général

Imperium : pouvoir ordonner le concours de la force publique pour faire exécuter les décisions.
Seul l’État est détenteur de la force publique.

Ce monopole de la justice étatique est affecté d’une certaine limite : l’arbitrage (quand les parties d’un litige donnent le pouvoir de trancher ce litige à un ou plusieurs particuliers).
L’arbitrage n’est pas rare notamment dans le contentieux des affaires (article 1442 et suivants du Code civil).
On va demander à des experts de trancher cette contestation.
L’arbitrage repose sur une convention (= un contrat) entre les parties, qui renoncent à saisir une juridiction étatique en cas de litige.

Ce recours à l’arbitrage est une renonciation au service public (→ dérogation au monopole étatique de la justice) et est donc encadré. Doit être prévu par un contrat.
Ce contrat peut être conclu après la survenance d’un litige (compromis).
Les parties peuvent aussi prévoir l’arbitrage en amont, avant même qu’un litige s’élève.

Avantages de l’arbitrage :

  • a un caractère plus transactionnel, moins contentieux : en affaires, les relations peuvent donc continuer alors qu’avec un juge les relations pourraient être dégradées ;
  • la confidentialité : le public n’a pas connaissance des décisions du tribunal d’arbitrage ;
  • c’est + pratique : la procédure est moins coûteuse et plus rapide (face aux tribunaux engorgés) ;
  • le tribunal d’arbitrage est composé de personnes très réputées dans le domaine concerné par le litige et prennent donc des décisions de meilleure qualité → rend plus facile pour les parties d’accepter la décision en cas de perte.

Un tribunal d’arbitrage est composé exprès pour le litige et se réunit 1 fois pour rendre 1 décision → une sentence arbitrale.

Lorsqu’un juge statue, il applique la règle de droit (il statue en droit)
≠ un tribunal arbitral peut statuer en équité

La sentence est obligatoire pour les parties : si on perd devant le tribunal arbitral, on ne peut pas remettre en cause la décision devant un tribunal étatique.

L’arbitre a la juris dixio mais pas l’imperium
la décision n’a pas force exécutoire

Pour pallier à cela, la partie qui a bénéficié de la sentence peut s’adresser au juge étatique si elle n’obtient pas l’exécution de la sentence.
Le tribunal judiciaire composé d’un juge unique va délivrer la force exécutoire manquante à la décision des arbitres : exequatur (= procédure visant à donner, dans un État, force exécutoire à un jugement rendu à l’étranger ou à une sentence arbitrale).
Il faut prouver que la sentence a été rendue par une procédure régulière et cette sentence devient alors un véritable jugement.

Le monopole n’a donc pas une porte absolue mais la dérogation (arbitrage) n’est pas absolue non plus : seul l’État a l’imperium.


Éléments historiques

Sous l’Ancien Régime, les juridictions sont royales et seigneuriales.
Le roi détient le pouvoir de juger, qu’il tient de Dieu.

Il y avait également des juridictions canoniques qui traitaient de certaines questions (ex : mariage, état-civil).

Les parlements sont des juridictions d’appel.
Dans chaque province, les litiges sont traités par une juridiction (royale, seigneuriale ou canonique), avec possibilité d’appel aux parlements.
Le Parlement de Paris est le plus important (couvre 1/3 du royaume).

Ces parlements peuvent rendre des arrêts de règlement : jugements de valeur législative, rendus au nom du roi.
Le seul recours possible contre ces arrêts est devant le Conseil du roi.

Ces parlements se sont octroyés un rôle politique.
Il y a souvent des conflits entre le roi et le parlement car ce dernier dépassait le loi en légiférant.
Les parlements pouvaient adresser des remarques au roi et pouvaient enregistrer des lois royales. Ils avaient donc un certain contrôle sur les lois royales.
Pour passer outre ce contrôle, le roi pouvait assister à une séance du parlement (« lit de justice »).

À partir du 17e siècle, les juges et membres du parlement sont dans une logique d’opposition au roi.
Ces juridictions sont contestées sur la fin de l’Ancien Régime, parce que très nombreuses et parce que la justice est lente et complexe.

Ces fonctions juridictionnelles (« office ») avaient un statut particulier.
Les officiers étaient inamovibles.
Les offices étaient transmissions par hérédité.
Les offices pouvaient être vendus (vénalité des offices).

Les juges n’étaient pas rémunérés par l’État mais par les justiciables (don d’abord volontaire, puis tarifé).

Autre problème : les privilèges de juridiction.
On n’était pas jugé par les mêmes juridictions suivant sa classe sociale.

Dans la nuit du 4 août 1789, le système juridictionnel change.
> Fin des privilèges de juridiction
> Vénalité des offices abolie
> Juridictions seigneuriales abolies

Novembre 1789 : fin des parlements.

Loi des 16 et 24 août 1790 : grands bouleversements.
Pose des grands principes que l’on retrouve encore aujourd’hui.
> Principe de séparation des pouvoirs
> Principe de l’égalité devant la justice
> Principe de la gratuité de la justice
> Règle du double degré de juridiction (pouvoir exercer un recours)

Met en place un pouvoir judiciaire qui traite des affaires civiles et pénales.
Mais le juge ne peut pas connaître de litiges qui impliquent l’administration, ni empiéter sur le rôle du législateur (→ séparation des pouvoirs).

L’Assemblée constituante :

  • crée de nouvelles juridictions ;
  • met en place un appel, qui devait être fait devant une juridiction du même degré ;
  • au niveau pénal, organise les tribunaux en fonction de la gravité des affaires (comme aujourd’hui) ;
  • instaure une procédure qui laisse une place aux droits de la défense ;
  • abolit la torture ;
  • met en place l’élection des juges ;
  • supprime le corps des avocats (on pouvait être défendu par n’importe qui).

+ début d’organisation pyramidale, avec des juridictions de 1er et 2nd degré.

Dans les années 1790, des juridictions supérieures sont créées : « Tribunal de cassation« .
Objectif : sanctionner la mauvaise application de la règle de droit + uniformiser l’application de la règle de droit (se désintéresse des faits).

1804 : rétablissement de la fonction d’avocat.

Il y avait une très forte méfiance envers les juges, à cause des parlements d’avant.
→ on veut encadrer leurs fonctions

Sous l’Ancien Régime, les parlements pouvaient rendre des décisions de portée générale.
article 5 du Code civil :

Il est défendu aux juges de prononcer par voie de dispositions générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises.

→ Le pouvoir du juge = trancher le litige, et c’est tout.

Pour l’administration : elle intervient directement dans la résolution des litiges qui la concernent.
→ parce que la séparation des pouvoirs l’impose
→ à la fois juge et partie

Au 19ème siècle, ce système reste inchangé, mais certaines juridictions particulières sont créées : conseil des prud’hommes, juge des mineurs.

Aussi au 19e : apparition de la justice administrative.
Avant : un administré mécontent devait saisir le ministre concerné directement.
Ensuite : apparition du Conseil d’État, juridiction qui peut condamner l’administration.
Loi du 24 mai 1872 : le Conseil d’État peut rendre des décisions souveraines.

Par la suite, le pouvoir du Conseil d’État s’est accru : il augmente son contrôle sur les décisions du gouvernement.
Au fur et à mesure, un droit administratif autonome par rapport au Code civil se construit.
Ce droit jurisprudentiel est appelé droit administratif.

Au 20ème siècle, après la Seconde Guerre mondiale, l’organisation judiciaire devient insuffisante car les contentieux se multiplient.
1958 : instauration de la 5ème République
→ suppression de certains tribunaux
→ précision des statuts des juges
→ création de l’ENM

Il faut que la durée des litiges reste raisonnable : c’est un impératif de la CEDH, qui garantit le droit à un procès équitable.
→ Il faut rationnaliser l’organisation judiciaire.

Certaines tâches sont transférées à d’autres professions ; ex : divorce sans juge.
Les procédures sont simplifiées. + de procédures orales.
On favorise des modes alternatifs de résolution des litiges (médiation).

Loi du 23 mars 2019 : fusion des tribunaux d’instance et de grande instance → tribunal judiciaire.

Prochaine évolution : justice prédictive.
On utilise l’IA : rassembler des données pour prédire l’issue d’un litige.
→ limite le délai d’un litige
→ limite l’aléa

Décret du 27 mars 2020 : crée un traitement automatisé des données (DataJust : référentiel indicatif sur l’indemnisation du dommage corporel).

Les sources des institutions juridictionnelles :
Les textes les plus élevés hiérarchiquement sont les textes constitutionnels.
Constitution de 1958 : on parle d’autorité judiciaire (et non de pouvoir judiciaire).
→ on essaie de faire en sorte que le juge soit à un niveau légèrement inférieur à l’exécutif et au législatif (essentiellement symbolique)

Article 64 de la Constitution :

Le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire.
Il est assisté par le Conseil supérieur de la magistrature.
Une loi organique porte statut des magistrats.
Les magistrats du siège sont inamovibles.

L’article 65 traite du Conseil supérieur de la magistrature.

Dans le Code de l’organisation judiciaire, on trouve les textes relatifs à l’organisation des juridictions, mais il s’agit des juridictions de droit commun (tribunaux judiciaires et cours d’appel).
Les juridictions spécialisées sont organisées par les codes (ex : Code du commerce).

Ordonnance du 22 décembre 1958 : porte sur le statut de la magistrature.
Loi du 31 décembre 1971 : porte sur la profession d’avocat.