Chapitre 2 : Les juridictions françaises

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Section 1 : Les juridictions de l’ordre judiciaire

§ 1. Les juridictions civiles

Les juridictions civiles traitent des litiges entre personnes privées (physiques et morales).

Le problème de la compétence territoriale se pose : quel tribunal est juridiquement compétent ?
Principe : le tribunal compétent est celui du ressort dans lequel est située la résidence habituelle du défendeur au litige.
De nombreuses exceptions existent ; par exemple, si l’objet du litige est un immeuble, le tribunal est celui du ressort dans lequel se trouve le bien.

Les règles de compétence territoriale sont d’ordre public (= elles sont obligatoires).

Compétence matérielle / d’attribution : question relative au type de juridiction saisie, en fonction de la nature du litige.

A – Les juridictions civiles du 1er degré

1) Le tribunal judiciaire

a) Compétence du tribunal judiciaire

On oppose la juridiction de droit commun (le principe) et les juridictions d’exception / d’attribution.
La juridiction de droit commun est compétente pour connaître les litiges, sauf si un texte particulier attribue la compétence à une autre juridiction.
La juridiction d’attribution est une juridiction spécifiquement désignée par le législateur pour traiter tel ou tel contentieux.

Le tribunal judiciaire existe depuis le 01/01/2020.
Il est issu de la fusion du tribunal d’instance (juridiction accessible et proche des citoyens, à juge unique, avec comme rôle de pacifier les relations entre particuliers ; pour les litiges < 10 000€ ; environ 300 en France, 3/département) et du tribunal de grande instance (était la juridiction de droit commun ; 1/département). Cette fusion est organisée par la loi du 23 mars 2019.

Aujourd’hui : si le litige < 5 000€, le tribunal judiciaire statue « en 1er et dernier ressort ».
= l’appel est impossible

Parfois, le législateur prévoit expressément que tel ou tel contentieux appartient au tribunal judiciaire de Paris.

b) L’organisation du tribunal judiciaire

Tribunal judiciaire : 3 magistrats, en comptant le président.

Certains juges uniques sont rattachés au tribunal judiciaire pour certains types de contentieux ; ex : juge de l’exécution, juge des affaires familiales…

S’il y a plus de 5 juges, on va répartir les contentieux en plusieurs chambres pour spécialiser les affaires.

Les anciens tribunaux d’instance sont devenus les chambres de proximité du tribunal judiciaire.

En principe, tout jugement du tribunal judiciaire doit être rendu par une formation collégiale de 3 membres (pour éviter une égalité), mais de nombreuses exceptions existent.
Les audiences sont publiques, hormis dans certaines affaires.

Le président à la tête du tribunal judicaire est un magistrat investi de fonctions particulières.
Il assure le bon fonctionnement du tribunal et répartit les affaires entre les magistrats et les chambres.
Il a aussi des prérogatives juridictionnelles : il rend des ordonnances.
(ordonnances en référé : en cas d’urgence)


2) Le tribunal de commerce

Le tribunal de commerce est une juridiction spécialisée.
Elle juge en 1ère instance des affaires commerciales.
Est un acteur majeur de la vie des affaires.
Est composée de juges non professionnels : des commerçants élus par leurs pairs.

Ce sont les juridictions les plus anciennes car elles se sont développées au Moyen-Âge lors de grandes foires marchandes.

a) La compétence du tribunal de commerce

Du point de vue de la compétence territoriale, le tribunal compétent est celui du lieu de résidence du défendeur (lieu du siège social de la société).

En matière de pratique concurrentielle, seuls quelques tribunaux de commerce sont compétents (134).
En matière de pratique anti-concurrentielle, seulement 8.

Les règles de compétence territoriale ne sont pas d’ordre public : on peut y déroger par contrat.

Compétence matérielle : le tribunal de commerce est compétent quel que soit le montant du litige (qui dépend du montant réclamé par le demandeur).

Les jugements rendus sont à charge d’appel si le montant est > 5 000€.
Si le montant < 5 000€, il est toujours possible de former un pourvoi en cassation.

  • Les litiges entre commerçants
    Incluent les banques et établissements de crédit.
    À partir du 1er janvier 2022, inclura également les artisans → il faut qu’ils soient parties au litige, non pas à titre privé, mais dans le cadre de leur activité commerciale.
  • Les litiges entre une partie qui a la qualité de commerçant et une partie qui ne l’a pas
    « Acte mixte »
    Le tribunal compétent dépend de la qualité du défendeur :
    > s’il n’a pas la qualité de commerçant, le demandeur doit saisir le tribunal judiciaire
    > s’il a la qualité de commerçant, le demandeur a le choix

Pour un acte de commerce par nature : le litige doit être porté devant le tribunal de commerce.
Il existe aussi des actes de commerce par la forme : certaines sociétés sont commerciales quelles que soient leurs activités (SA, SAS), donc tous les actes de ces sociétés sont des actes de commerce et relèvent donc de la compétence du tribunal de commerce.
Ainsi, les contestations relatives aux sociétés commerciales sont traitées par le tribunal de commerce.

Le tribunal de commerce est aussi compétent pour les procédures collectes : entreprises en difficulté financière (faillites, liquidations, …).

b) L’organisation du tribunal de commerce

Chaque tribunal de commerce est composé par des juges élus par des commerçants et artisans.
Ces juges sont élus pour 2 ans et peuvent se représenter pour 4 ans.
Après 4 mandats successifs, ils ne sont plus éligibles.
Le mandat se termine l’année de leurs 75 ans.

La loi du 18 novembre 2016 dispose que :

  • Les juges élus n’ont toujours pas de rémunération ni de formation préalable
  • Ils ne bénéficient d’aucun avancement
  • Ils ne peuvent pas être avocats, notaires, huissiers, commissaires-priseurs, représentants au parlement européen
    S’ils exercent une de ces activités, ils sont réputés démissionnaires.

Objectif : renforcer l’indépendance et l’impartialité des juges.
Le juge doit être indépendant et impartial, mais doit aussi présenter une apparence d’indépendance et d’impartialité.
Il n’a pas le droit de grève et a un devoir de réserve.
Il doit prévenir et mettre fin à toutes les situations de conflit d’intérêt.
En cas de faute grave, il est l’objet d’un pouvoir disciplinaire (Commission nationale de discipline).

Le tribunal de commerce est présidé par un président, qui prend en charge l’organisation administrative du tribunal.
Il rend des ordonnances de référé en cas d’urgence.

S’il y a beaucoup d’affaires, le tribunal est divisé en chambres spécialisées.
Les jugements sont rendus soit par un juge unique soit par une formation collégiale.

c) Les débats relatifs au tribunal de commerce

Est-ce qu’il est nécessaire que les juges soient spécialisés en matière commerciale ?
La compétence des juges est discutée : ils ne sont pas formés et leur niveau de connaissances juridiques est incertain. On soupçonne certains juge de malversions.

Solution concevable : l’échevinage.
Consiste à confier la présidence de la formation de jugement à un magistrat de carrière assisté de juges consulaires élus. Serait un gage de qualité, d’indépendance et d’impartialité.

Avantages des juges non-professionnels :
> moins coûteux pour l’État
> la justice est plus rapide comme ça
> les juges sont plus aptes à trouver des solutions qui contenteront tout le monde
> plus grande acceptabilité des décisions

De plus, si on transférait le contentieux des tribunaux de commerce vers les tribunaux judiciaires, cela conduirait à un engorgement.


3) Le conseil des prud’hommes

Autre juridiction d’exception.
Matière qui leur est soumise : le droit du travail.
Compétence : litiges nés d’un contrat de travail ou d’apprentissage.

Le rôle du juge est particulier : il doit concilier les parties.

Il existe 210 conseils des prud’hommes.
Il est prévu dans le Code du travail à l’article L1411-1.

La procédure est orale. Les parties peuvent être assistées par un avocat ou une autre personne, ou se défendre elles-mêmes.

a) La compétence du conseil des prud’hommes

Le conseil des prud’hommes est compétent pour connaître les différends intervenus dans le cadre de tout contrat de travail.
Sa compétence s’étend aux différends entre salariés.

On recherche d’abord la conciliation.
À défaut de conciliation, un jugement est rendu.

Il est compétent quel que soit le montant du litige, mais si le montant < 5 000€, l’appel n’est pas possible.

Pour qu’il soit compétent, il faut démontrer l’existence d’un contrat de travail.
→ Y a-t-il un lien de subordination ?

Sont exclus de leur compétence :
> les litiges collectifs (ex : droit syndical)
> certains litiges individuels ; ex : sécurité sociale, accident de travail, etc.
> les litiges qui concernent les agents publics
> les différends qui naissent à l’occasion du contrat de travail d’un avocat salarié

Le rôle premier du conseil des prud’hommes est la conciliation, mais elle ne fonctionne que dans seulement 10% des cas.
L’affaire passe d’abord devant un bureau de conciliation et d’orientation.
C’est une formation bicéphale : elle comprend à la fois des représentants des salariés (1) et des employeurs (1).
En cas d’échec, l’affaire est portée en bureau de jugement (fréquent).

Le bureau de jugement est composé de 4 membres : 2 représentants des salariés et 2 représentants des employeurs.
Sa compétence est d’ordre public : les parties ne peuvent pas y déroger par contrat.

Compétence territoriale :

  • Si le travail est accompli dans un établissement de l’employeur, le conseil compétent est celui du ressort géographique où se trouve l’établissement en question.
  • Si le travail est accompli à domicile ou en-dehors de tout établissement :
    > si l’employeur porte le litige : lieu du domicile du salarié
    > si le salarié porte le litige : il décile entre le lieu de son domicile ou le lieu où l’employeur est établi

     

    b) L’organisation du conseil des prud’hommes

Le conseil des prud’hommes est composée à égalité d’employeurs et de salariés.
Ce sont des juges non-professionnels élus ; argument : ils sont plus aptes à donner confiance aux plaideurs, ce qui favorise la conciliation.

Jusqu’à récemment, les conseillers prud’hommaux étaient élus par leurs pairs.
L’ordonnance du 30 mars 2016 dispose que les conseillers sont élus pour 4 ans conjointement par le garde des sceaux et le ministre du travail.

La présidence du conseil est tournante : le président est un représentant des employeurs la moitié du temps et un représentant des salariés l’autre moitié du temps.

Le jugement doit être rendu par les 4 conseillers, ce qui peut mener à un blocage.
En cas de blocage, l’affaire est renvoyée devant le même bureau de jugement, mais ce bureau sera présidé par un magistrat du tribunal judiciaire : le juge départiteur (qui départage).

Les conseilleurs prud’hommaux sont soumis aux règles et obligations qui pèsent sur les magistrats de carrière : indépendance, impartialité, etc.
Ils peuvent être récusés pour conflit d’intérêt.
Ils sont dans une situation particulière car ils conservent leur activité professionnelle, ce qui peut être source de difficultés.
Ils sont rémunérés directement ou indirectement par l’État pour le temps consacré au conseil.

Salariés et employeurs sont répartis en 5 conseils selon les types d’activité.
→ meilleure spécialisation des conseillers
→ chacune de ces sections est dotée d’1 président et d’1 vice-président élus pour 1 an (avec alternance)

Le président n’a pas de compétences juridictionnelles propres.

B – La juridiction civile du 2nd degré : la cour d’appel

Tout plaideur ayant perdu un litige peut obtenir que le litige soit jugé une seconde fois.
Le réexamen va être fait par une juridiction supérieure (structure pyramidale).

Il existe 36 cours d’appel en France (métropole + outre-mer).
Chacune a un ressort (= compétence territoriale) qui englobe plusieurs départements.

1) La compétence de la cour d’appel

La cour d’appel a compétence pour les appels interjetés contre une décision d’une juridiction de 1ère instance de son ressort, quelle que soit cette juridiction.

Il faut qu’il y ait un enjeu suffisant ; si ça n’est pas le cas, il n’y a pas de second degré et un appel ne peut pas être interjeté (mais un pourvoi en cassation est toujours possible).
Le taux de ressort est fixé à 5 000€.

Il existe malgré tout des décisions rendues par le tribunal judiciaire qui sont nécessairement à charge d’appel, et au contraire des décisions qui sont forcément jugées en 1er et dernier ressort.


2) L’organisation de la cour d’appel

Les cours d’appel sont composées de conseillers, qui sont des magistrats d’un rang élevé.
Le nombre de magistrats dépend du volume de contentieux à traiter.

Le « premier président » est le chef de la cour.
Il siège au sein d’une de ces chambres, mais il a aussi d’autres fonctions :

  • Fonction de représentation de la cour
  • Fonctions administratives importantes :
    > veiller au bon fonctionnement de la cour
    > distribue les affaires aux chambres
    > en charge de la discipline des magistrats
    > chargé de l’inspection des juridictions de 1ère instance de son ressort
  • Fonctions juridictionnelles : il est le juge des référés (= peut prendre des mesures provisoires si nécessaire durant l’instance d’appel).

Les cours d’appel sont composées de chambres spécialisées, avec un président de chambre.
Chaque chambre est un organe de la cour et rend ses décisions au nom de la cour d’appel dans son ensemble.
Le nombre de chambres dépend de la taille de la juridiction.
La cour doit comprendre une chambre sociale compétente dans le droit du travail et de la sécurité sociale.

Au sein de ces chambres, on distingue plusieurs formations :
> l’audience ordinaire : la formation habituelle de jugement ; formation collégiale de 3 juges, dont 1 président
> l’audience solennelle : pour les affaires les plus importantes, qui ont été censurées par la Cour de cassation
Les audiences sont en principe publiques.

§ 2. Les juridictions pénales

Les juridictions pénales sont chargées de la poursuite et de la répression des infractions.
Certaines prononcent également des peines à l’encontre des personnes poursuivies.

A – Les juridictions pénales de droit commun

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Certaines juridictions pénales sont de droit commun, mais des textes prévoient des juridictions pénales d’exception qui sont parfois contestées.
Il y en a en matière politique (ex : Haute Cour pour juger le chef de l’État ; Cour de justice de la République pour juger les membres du gouvernement).

Unité entre les juridictions civiles et pénales : tout est soumis à la Cour de cassation.
Le personnel judiciaire est le même : les mêmes juges peuvent être membres d’abord d’une juridiction civile puis d’une juridiction pénale.

Les juridictions pénales œuvrent pour l’intérêt général (idée : la société entière a intérêt à ce que les infractions soient réprimées).

Il faut d’abord instruire les affaires.
Ce ne sont pas les mêmes magistrats qui instruisent l’affaire et qui jugent les accusés.
Les juges d’instruction vont s’aider de la police ; ils peuvent placer des personnes en détention ; ils doivent faire la lumière sur les faits à charge et à décharge.

Si après toutes les enquêtes le juge estime qu’il y a trop peu d’éléments, il va rendre une ordonnance de non-lieu → pas de jugement.
S’il y a un procès, c’est à la juridiction de jugement de le juger coupable ou non.

1) Les juridictions d’instruction

L’instruction est une garantie de bonne justice.

La juridiction d’instruction intervient en 1er.
Elle n’est composée que d’une seule personne : le juge d’instruction.
C’est un juge du tribunal judiciaire qui a été nommé.
Sa mission : instruire l’affaire (= enquêter pour faire la lumière sur les faits, « tendre à la manifestation de la vérité »).

Soit le préfet a procédé à une enquête de police et a estimé qu’il y avait des éléments pour dire que telle personne peut être soupçonnée de telle ou telle infraction, et le parquet saisit le juge d’instruction, soit le juge d’instruction est saisi directement par une victime d’infraction qui se porte partie civile.

Pour les crimes (infractions les plus graves, avec des peines supérieures à 10 ans de réclusion), l’instruction est obligatoire.
Pour les contraventions (infractions les moins graves), il n’y a jamais d’instruction.
Pour les délits, l’instruction est facultative et dépend de la complexité des faits.

On rassemble tous les éléments de fait qui vont permettre à la juridiction de jugement de se prononcer.
Le juge d’instruction doit instruire à charge et à décharge.
Ex : interrogatoire de la personne poursuivie.

Le juge d’instruction peut la mettre en examen (on parlait auparavant d’inculpation) s’il a des indices graves et concordants que la personne a commis l’acte.
La mise en examen permet la mise en place de mesures coercitives à son encontre comme la privation de liberté.
La personne mise en examen a des garanties supplémentaires : l’accès au dossier, la possibilité d’être assistée par un avocat, …
⚠️ Être mis en examen ne préjuge pas de la culpabilité de la personne, parce que le principe est celui de la présomption d’innocence.

On procède à des perquisitions et des saisies, on fait pratiquer des expertises, etc.
Le juge d’instruction délègue certaines tâches à des OPJ (officiers de police judiciaire).
→ commission rogatoire : délégation du juge d’instruction

Le juge d’instruction peut délivrer des mandats, qui obligent des personnes à se mettre à la disposition de la justice : mandat de comparution, mandat d’amener, mandat d’arrêt.

Le juge d’instruction peut se prononcer sur la recevabilité des plaintes.
Si les charges ne paraissent pas suffisantes, il prend une ordonnance de non-lieu et le prévenu ne sera pas jugé.
Au contraire, si les charges paraissent justifiées, il prend une ordonnance de renvoi (qui ne signifie pas que la personne est coupable !).

La loi du 15 juin 2000 dispose que la détention provisoire est une mesure grave, qui devrait être exceptionnelle.
Elle met en place un juge des libertés et de la détention, qui sert de contre-pouvoir au juge d’instruction.

Un décret met en place des pôles d’instruction (= regroupement de plusieurs juges d’instruction dans des tribunaux judiciaires).
Objectif : éviter l’isolation du juge d’instruction.
Mais il n’y a pas pour autant de collégialité (parce que ça coûte trop cher) : plutôt que d’affecter plusieurs juges à l’instruction, on a préféré les regrouper dans certains tribunaux judiciaires qui sont alors compétents en matière de crimes.
Les décisions les plus graves sont prises par un collège d’instruction composé de ces magistrats regroupé.

Le second degré (appel sur l’action du juge d’instruction) est assuré par la chambre de l’instruction, qui est une formation spéciale de la cour d’appel.
Elle est composée de 3 conseillers, dont 1 président de chambre.
Sa fonction est d’exercer un contrôle au 2nd degré sur les actes de l’instruction et sur les ordonnances du juge d’instruction.


2) Les juridictions de jugement

a) Les juridictions de jugement en matière de contraventions et de délits

C’est le tribunal de police qui est compétent pour connaître les infractions (= peines inférieures ou égales à 1 500€).
C’est une juridiction à juge unique qui dépend du tribunal judiciaire.

C’est le tribunal correctionnel qui est compétent pour connaître les délits (= peine d’emprisonnement inférieure ou égale à 10 ans ; par exemple, le vol).
C’est aussi une formation spéciale du tribunal judiciaire.
Il est composé de 3 magistrats de carrière.

L’appel est possible, porté devant une chambre spécialisée de la cour d’appel qui a une compétence spéciale en la matière : la chambre des appels correctionnels.
Le ministère public peut interjeter appel.

En matière de contraventions, l’appel n’est ouvert que pour les infractions les plus graves.

b) La juridiction de jugement en matière de crimes : la cour d’assises

Les crimes sont les infractions les plus graves au regard de la peine (plus de 10 ans de privation de liberté).
On ne parle plus de « prison », mais de « réclusion criminelle ».

Ces crimes sont jugés par la cour d’assises, juridiction très particulière et traitée de façon spéciale.
Son fonctionnement est temporaire : elle siège par sessions.
Elle est composée de 3 magistrats professionnels (de la cour d’appel ou du tribunal judiciaire) : 1 président + 2 assesseurs.
+ 6 jurés.

La cour (magistrats + jurés) délibèrent et votent ensemble.
Une décision défavorable à l’accusé (condamnation) ne peut être prise qu’à une majorité qualifiée (6 voix sur 9) et nécessite donc au minimum 3 voix des jurés.

Auparavant, seul un pourvoi en cassation était possible (idée : le jury est l’expression de la volonté populaire, et le peuple a toujours raison).
Sous l’impulsion de la CEDH, il est possible de faire appel depuis 2000.
On peut donc porter l’affaire devant une autre cour d’assises.
L’appel porte sur le fait et le droit : l’affaire est entièrement rejugée.
→ appel circulaire et non hiérarchique

On passe à 9 jurés (= 12 membres au total).
Une condamnation nécessite 8 voix sur 12 minimum.

Traditionnellement, les décisions de la cour d’assises ne devaient pas être motivées, mais elles doivent maintenant l’être sous l’impulsion de la CEDH.

B – Les juridictions pénales pour les mineurs

Les mineurs ne sont pas suivis par les mêmes juridictions que les majeurs, en raison de l’aspect éducatif supplémentaire de la sanction et des situations plus particulières qui apparaissent.

C’était auparavant l’ordonnance du 2 février 1945 qui fixait les règles de procédure pénal relatives aux mineurs, mais elle a été abrogée par une ordonnance du 11 septembre 2019 qui crée le Code de la justice pénale des mineurs.

C’est le juge des enfants qui connaît des contraventions et des délits commis par des mineurs.
Les sanctions qu’il peut prononcer sont assez limitées.

La juridiction compétente pour les contraventions et les délits commis par des mineurs d’au moins 13 ans et les crimes commis par des mineurs de moins de 16 ans est le tribunal pour enfants.
C’est une juridiction collégiale qui comprend 1 juge des enfants.
Elle peut prononcer des peines éducatives, mais aussi des peines privatives et liberté et/ou des amendes.

Les crimes commis par des mineurs d’au moins 16 ans (entre 16 et 18 ans) sont jugés par la cour d’assises des mineurs.
Si le mineur a également commis des crimes ou délits avant ou après, ils sont aussi jugés par la cour d’assises des mineurs.
La cour d’assises des mineurs juge aussi les crimes et délits commis par leurs co-auteurs et complices majeurs.

§ 3. La Cour de cassation

La Cour de cassation est une juridiction unique à Paris, qui ne juge qu’en droit.
Elle s’assure que la loi est interprétée de manière uniforme sur l’ensemble du territoire.

Elle connaît des pourvois formés contre des jugements en dernier ressort et examine des violations de la loi de la part des juges du fond.
Elle ne peut pas trancher le litige.

Elle est composée de 5 chambres civiles au sens large (≠ criminelles) : 3 chambres civiles + 1 chambre commerciale + 1 chambre sociale + 1 chambre criminelle.

Le premier président de la Cour de cassation n’a pas de pouvoirs juridictionnels propres.
> Il préside les assemblées plénières et les chambres mixtes
> Il veille au bon fonctionnement de la cour
> Il répartit les magistrats entre les chambres

Les magistrats de la Cour de cassation sont très importants.
Ils sont généralement en fin de carrière après avoir gravi tous les échelons.
Ils sont assistés par des conseillers référendaires.

Le procureur général de la Cour de cassation est assisté par des avocats généraux.

En France, pour toute affaire, on a le droit de former un pourvoi.
Il n’y a pas sélection des pourvois.
Pour faire face à l’augmentation du nombre de pourvois, les pourvois abusifs (voués à l’échec et dépourvus de fondement) sont soumis à l’amende.

Une grande réforme est mise en place en 2019 sur la rédaction et la motivation des arrêts.
Les paragraphes sont désormais numérotés (pour que les arrêts soient plus faciles à citer).
Les parties sont séparées.
La Cour de cassation fait preuve de démagogie ; elle explique ce qu’elle fait.
Les arrêts les plus importants bénéficient d’une motivation enrichie : la Cour de cassation précise sa méthode d’interprétation des textes et montre bien le cheminement intellectuel pour mieux expliquer la solution.

Section 2 : Les juridictions de l’ordre administratif

Les juridictions de l’ordre administratif sont les organes juridictionnels qui tranchent les litiges de droit public ; exemple : communautés locales.

La loi du 24 mai 1872 accorde au Conseil d’État la justice déléguée.

§ 1. Le Conseil d’État

A – La compétence du Conseil d’État

Le Conseil d’État est consulté, parfois de façon facultative, sur les projets de lois, d’ordonnances et de décrets.
Il peut être une juridiction de 1er degré, d’appel ou de cassation, selon le type de contentieux.

En tant que juridiction du 1er degré, il traite souvent des recours contre des actes administratifs qui ont une portée nationale.
Exemple : recours en annulation contre les ordonnances du PR.

Avant les cours administratives d’appel, le Conseil d’État était le juge de droit commun en appel.

Le Conseil d’État peut également être une juridiction d’appel.
Exemple : dans un litige relatif aux élections municipales.

Le Conseil d’État est surtout compétent lorsqu’une cour administrative d’appel est saisie d’une question de droit nouvelle qui présente une difficulté sérieuse et qui se pose dans de nombreux litiges.
Elle demande alors au Conseil d’État son avis, qui influence la solution.

Le rôle le plus essentiel du Conseil d’État est juge de cassation.
Il peut rejeter le pourvoi si la solution est évidente.

Pour exercer un second pourvoi, il faut que l’intérêt de l’administration d’une bonne justice le justifie.
Si la cassation intervient à la suite d’un second pourvoi dans la même affaire, le Conseil d’État doit mettre fin au litige.
Cela permet d’uniformiser la jurisprudence administrative.

B – L’organisation du Conseil d’État

Le Conseil d’État est composé de magistrats qui ont des statuts différents.
De bas en haut de la hiérarchie :
> auditeurs
> maîtres des requêtes
> conseillers d’état
> présidents de section
> vice-président

Dans les faits, c’est le vice-président qui dirige le Conseil d’État, puisque le président du Conseil d’État est le premier ministre.
Parenthèse du prof : ce qui est curieux puisque ça semble contraire à la séparation des pouvoirs ?

Les conseillers d’état sont pour certains formés à l’ENA, tandis que d’autres sont des personnalités extérieures qui ont une expérience d’administration ou du service public.

Le Conseil d’État est composé de 2 types de formations :

  1. Les formations administratives, qui formulent un avis sur les actes administratifs
    Il existe différentes sections, chacune ayant un président et un champ de compétences défini (→ rattachement à différents ministères).
    Une section traite de la question des finances, une autre de l’intérieur, une des travaux publics, une du social, une de l’administratif, une du rapport et des études.
    L’avis peut émaner de plusieurs sections réunies, voire de l’assemblée générale du Conseil d’État en manière administrative (= toutes les sections).
  2. Les formations contentieuses, qui statuent sur les recours contentieux.
    Cette section ne se contente pas de rendre un avis, mais rend de véritables décisions juridictionnelles qui ont autorité de chose jugée.
    1 président avec 3 présidents adjoints à ses côtés.
    Divisée en 10 chambres.

Pour le jugement de l’affaire, plusieurs formations peuvent être envisagées selon la gravité et la complexité de l’affaire :
> la chambre qui a instruit cette affaire
> plusieurs chambres réunies
> la formation du contentieux (= toutes les chambres)
> l’assemblée du contentieux (la formation la plus solennelle)

Pendant longtemps, le Conseil d’État a été la seule juridiction de droit commun, mais sa compétence a été réduite face à l’accroissement du contentieux.
1953 : tribunaux administratifs.
1987 : cours administratives d’appel.

§ 2. Les tribunaux administratifs

Les tribunaux administratifs sont bien plus récents que le Conseil d’État.
Auparavant : conseils de préfecture, à la compétence négligeable. Ils sont supprimés en 1953 à l’occasion de la création des tribunaux administratifs.

§ 3. Les cours administratives d’appel

Entre 1953 et 1987, le Conseil d’État était la juridiction d’appel.

Compétence des cours administratives d’appel : examiner les appels interjetés contre les jugements rendus par les tribunaux administratifs du ressort de cette cour administrative d’appel.
C’est la juridiction de droit commun du 2nd degré pour l’ordre administratif.
Elles sont en principe compétentes pour toutes les affaires, sauf si elles sont exclues par un texte particulier.

La cour administrative d’appel est composée de conseillers.
Elle a à sa tête un président.
Elle est divisée en cours spécialisées et chacune dispose d’un président.
Les arrêts peuvent être rendus par une chambre, par plusieurs chambres réunies, ou par une formation plénière plus solennelle.

Section 3 : Les juridictions non rattachées à un ordre

§ 1. Le Tribunal des conflits

A – La compétence du Tribunal des conflits

Le Tribunal des conflits est une juridiction créée en 1872.
Elle n’appartient pas à l’un des 2 ordres.

Elle détermine qui est compétent pour traiter d’une affaire (le juge judiciaire ou administratif).

Ses décisions sont insusceptibles de recours.
Ses décisions s’imposent à toutes les juridictions.

3 types de compétences :

  1. Conflits de compétence : trancher des conflits entre l’ordre administratif et l’ordre judiciaire.
    On distingue :

     

    1. Les conflits de compétence positifs : lorsque l’administration conteste la compétence d’un tribunal de l’ordre judiciaire pour trancher un litige, en la personne du préfet de département.
      Cette contestation peut être élevée devant toutes les juridictions judiciaires, sauf la Cour de cassation.
      Cette contestation ne peut avoir lieu en matière pénale.
      Le tribunal de l’ordre judiciaire saisi est invité par l’administration (déclinatoire de compétence) à se dessaisir.
      Il peut rejeter ce déclinatoire de compétence → le préfet prend un arrêté de conflit → oblige le tribunal à surseoir à statuer et permet de saisir le Tribunal des conflits, qui a 3 mois pour statuer.
    2. Les conflits de compétence négatifs : une juridiction administrative et une juridiction judiciaire se sont toutes les 2 déclarées incompétentes pour juger d’une affaire.
  2. Contrariétés de jugement : les 2 ordres de juridiction se sont déclarés compétents et ont rendu des décisions incompatibles → conduit à un déni de justice.
    Le Tribunal des conflits juge lui-même au fond le litige.
    Existe depuis une loi de 1932, à la suite de l’affaire suivante :
    Personne blessée à la suite d’une collision entre 2 véhicules. L’un de ces véhicules appartenait à l’administration, l’autre à un particulier.
    Le juge judiciaire considère que la responsabilité incombe au conducteur de l’administration.
    Le juge administratif considère qu’elle incombe au conducteur privé.

    → les 2 administrations ont rendu des décisions incompatibles
  3. Responsabilité du fait de la durée des procédures : le Tribunal des conflits est compétent à titre exclusif pour une action d’indemnisation du préjudice subi par un justiciable en raison de la durée excessive des procédures.
    Depuis une loi de 2015.

B – L’organisation du Tribunal des conflits

Juridiction paritaire entre conseillers d’État et conseillers de la Cour de cassation.
En formation ordinaire : 4 conseillers de chaque.

Les élections des membres ont lieu tous les 3 ans dans le Conseil d’État et la Cour de cassation.
Le mandat peut être renouvelé 2 fois.

8 membres qui élisent un président pour 3 ans.
Président : alternance entre conseiller d’État et conseiller de la Cour de cassation.

+ 4 rapporteurs publics (représentants du ministère public).
2 appartiennent au Conseil d’État, 2 à la Cour de cassation.
Ils présentent leurs conclusions sur les affaires en toute indépendance.

Le Tribunal des conflits n’a pas de locaux propres.
Il se réunit dans les locaux du Conseil d’État (Palais-Royal).
Les audiences sont publiques.

En cas d’égalité après 2 délibérations, on réunit une formation élargie.

§ 2. Le Conseil constitutionnel

Depuis la 5ème République, la loi fait l’objet d’un contrôle juridictionnel de conformité à la Constitution (= norme suprême dans l’ordre juridique français).
Ce contrôle est confié au Conseil constitutionnel.

A – La compétence du Conseil constitutionnel

À l’origine : seulement chargé de vérifier que le législateur respecte les limites de loi (art 34 et 37 de la Constitution).

Aujourd’hui, effectue un contrôle a priori et a posteriori.
Voir Leçon 4 : Application des règles de droit

Le Conseil constitutionnel ne vérifie pas la conformité de la loi aux traités internationaux (c’est le rôle du juge ordinaire).

Il est également le juge des contentieux relatifs aux élections.

B – L’organisation du Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel est composé de 9 membres (les “sages”), nommés pour 9 ans et renouvelés par tiers tous les 3 ans.
Ils sont désignés par le PR, le président du Sénat et le président de l’Assemblée nationale.

Les anciens PR font également partie du Conseil constitutionnel à vie.

Cette composition est critiquée : ces membres ont un lien de dépendance avec le pouvoir politique qui les a nommés.
Même s’ils sont complètement indépendants, ils ne l’apparaissent pas forcément.

Pas de limite d’âge, pas de compétences juridiques exigées.

La fonction est incompatible avec celle de membre du gouvernement ou du Parlement.

Il comporte un président, désigné par le PR parmi les membres.
Il dispose de la voix prépondérante en cas de partage des voix.

Il faut motiver sa saisine auprès du Conseil constitutionnel.
L’un des conseillers rapporte l’affaire et propose une solution sur laquelle se prononce le Conseil.
La procédure est écrite, la délibération est secrète, le vote se fait à la majorité simple.

Les décisions données par le Conseil constitutionnel s’imposent à toutes les juridictions et sont insusceptibles de recours.

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