Introduction au cours d’institutions juridictionnelles

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Lorsqu’il y a un litige (= un problème) concernant l’application d’une règle de droit, on saisit des juridictions (= des juges).

Il existe des juridictions spécifiques pour chaque type de litige.
Chacune de ces juridictions a un domaine et un fonctionnement propre.

Toutes ces juridictions sont soumises à des principes généraux.


Éléments introductifs

Institutions juridictionnelles : ce qui a été mis en place / institué par les hommes.
Même racine que « statué » : établir et poser quelque chose.
Juris dixio : le faire de dire le droit en latin.

Les juridictions doivent dire le droit dans une affaire donnée. Elles vont trancher les litiges qui leur sont soumis en appliquant des règles de droit préétablies.

Il existe une multiplicité de juridictions.
Distinction fondamentale entre 2 ordres :
l’ordre judiciaire tranche les litiges entre personnes
l’ordre administratif tranche les litiges impliquant les personnes publiques (État, collectivités…)

On assiste aujourd’hui à une explosion du contentieux, avec de + en + de litiges. Le rôle des juridictions prend donc de l’importance : en 2017, + de 3 millions de décisions rendues par les juridictions françaises.

Ces décisions viennent prolonger la règle de droit.
L’application de la règle de droit est liée à des considérations politiques et sociales.

La règle de droit détermine ce qui est acceptable ou non.
Les juridictions jouent un rôle : elles appliquent les règles et les construisent d’une certaine manière.

Le statut du juge est différent dans un État démocratique ou autoritaire.
Le juge est un tiers : il est neutre. C’est un spécialiste de la question que l’on va solliciter.
Garantie de bonne justice : le litige est tranché selon de bonnes pratiques par quelqu’un sans intérêt dans l’affaire.
→ l’État rétablit la justice plutôt que de recourir à la vengeance privée (c’est son devoir)

L’article 4 du Code civil impose à l’État et aux juridictions de rendre la justice quand c’est demandé.
Le juge doit trancher le litige ; s’il refuse, il se rend coupable de déni de justice (le justiciable peut alors obtenir une indemnisation et le juge peut avoir des sanctions pénales et disciplinaires).

L’État a le monopole de la justice : il est le seul à pouvoir l’exercer.

L’autorité de la chose jugée : une solution rendue par les tribunaux ne peut pas être remise en cause lorsqu’elle est définitive.
La décision rendue par un tribunal étatique a force exécutoire : décision que l’on peut appliquer en ayant recours à la force publique.
→ rendre la justice ne concerne pas que des intérêts particuliers, cela concerne l’intérêt général

Imperium : pouvoir ordonner le concours de la force publique pour faire exécuter les décisions.
Seul l’État est détenteur de la force publique.

Ce monopole de la justice étatique est affecté d’une certaine limite : l’arbitrage (quand les parties d’un litige donnent le pouvoir de trancher ce litige à un ou plusieurs particuliers).
L’arbitrage n’est pas rare notamment dans le contentieux des affaires (article 1442 et suivants du Code civil).
On va demander à des experts de trancher cette contestation.
L’arbitrage repose sur une convention (= un contrat) entre les parties, qui renoncent à saisir une juridiction étatique en cas de litige.

Ce recours à l’arbitrage est une renonciation au service public (→ dérogation au monopole étatique de la justice) et est donc encadré. Doit être prévu par un contrat.
Ce contrat peut être conclu après la survenance d’un litige (compromis).
Les parties peuvent aussi prévoir l’arbitrage en amont, avant même qu’un litige s’élève.

Avantages de l’arbitrage :

  • a un caractère plus transactionnel, moins contentieux : en affaires, les relations peuvent donc continuer alors qu’avec un juge les relations pourraient être dégradées ;
  • la confidentialité : le public n’a pas connaissance des décisions du tribunal d’arbitrage ;
  • c’est + pratique : la procédure est moins coûteuse et plus rapide (face aux tribunaux engorgés) ;
  • le tribunal d’arbitrage est composé de personnes très réputées dans le domaine concerné par le litige et prennent donc des décisions de meilleure qualité → rend plus facile pour les parties d’accepter la décision en cas de perte.

Un tribunal d’arbitrage est composé exprès pour le litige et se réunit 1 fois pour rendre 1 décision → une sentence arbitrale.

Lorsqu’un juge statue, il applique la règle de droit (il statue en droit)
≠ un tribunal arbitral peut statuer en équité

La sentence est obligatoire pour les parties : si on perd devant le tribunal arbitral, on ne peut pas remettre en cause la décision devant un tribunal étatique.

L’arbitre a la juris dixio mais pas l’imperium
la décision n’a pas force exécutoire

Pour pallier à cela, la partie qui a bénéficié de la sentence peut s’adresser au juge étatique si elle n’obtient pas l’exécution de la sentence.
Le tribunal judiciaire composé d’un juge unique va délivrer la force exécutoire manquante à la décision des arbitres : exequatur (= procédure visant à donner, dans un État, force exécutoire à un jugement rendu à l’étranger ou à une sentence arbitrale).
Il faut prouver que la sentence a été rendue par une procédure régulière et cette sentence devient alors un véritable jugement.

Le monopole n’a donc pas une porte absolue mais la dérogation (arbitrage) n’est pas absolue non plus : seul l’État a l’imperium.


Éléments historiques

Sous l’Ancien Régime, les juridictions sont royales et seigneuriales.
Le roi détient le pouvoir de juger, qu’il tient de Dieu.

Il y avait également des juridictions canoniques qui traitaient de certaines questions (ex : mariage, état-civil).

Les parlements sont des juridictions d’appel.
Dans chaque province, les litiges sont traités par une juridiction (royale, seigneuriale ou canonique), avec possibilité d’appel aux parlements.
Le Parlement de Paris est le plus important (couvre 1/3 du royaume).

Ces parlements peuvent rendre des arrêts de règlement : jugements de valeur législative, rendus au nom du roi.
Le seul recours possible contre ces arrêts est devant le Conseil du roi.

Ces parlements se sont octroyés un rôle politique.
Il y a souvent des conflits entre le roi et le parlement car ce dernier dépassait le loi en légiférant.
Les parlements pouvaient adresser des remarques au roi et pouvaient enregistrer des lois royales. Ils avaient donc un certain contrôle sur les lois royales.
Pour passer outre ce contrôle, le roi pouvait assister à une séance du parlement (« lit de justice »).

À partir du 17e siècle, les juges et membres du parlement sont dans une logique d’opposition au roi.
Ces juridictions sont contestées sur la fin de l’Ancien Régime, parce que très nombreuses et parce que la justice est lente et complexe.

Ces fonctions juridictionnelles (« office ») avaient un statut particulier.
Les officiers étaient inamovibles.
Les offices étaient transmissions par hérédité.
Les offices pouvaient être vendus (vénalité des offices).

Les juges n’étaient pas rémunérés par l’État mais par les justiciables (don d’abord volontaire, puis tarifé).

Autre problème : les privilèges de juridiction.
On n’était pas jugé par les mêmes juridictions suivant sa classe sociale.

Dans la nuit du 4 août 1789, le système juridictionnel change.
> Fin des privilèges de juridiction
> Vénalité des offices abolie
> Juridictions seigneuriales abolies

Novembre 1789 : fin des parlements.

Loi des 16 et 24 août 1790 : grands bouleversements.
Pose des grands principes que l’on retrouve encore aujourd’hui.
> Principe de séparation des pouvoirs
> Principe de l’égalité devant la justice
> Principe de la gratuité de la justice
> Règle du double degré de juridiction (pouvoir exercer un recours)

Met en place un pouvoir judiciaire qui traite des affaires civiles et pénales.
Mais le juge ne peut pas connaître de litiges qui impliquent l’administration, ni empiéter sur le rôle du législateur (→ séparation des pouvoirs).

L’Assemblée constituante :

  • crée de nouvelles juridictions ;
  • met en place un appel, qui devait être fait devant une juridiction du même degré ;
  • au niveau pénal, organise les tribunaux en fonction de la gravité des affaires (comme aujourd’hui) ;
  • instaure une procédure qui laisse une place aux droits de la défense ;
  • abolit la torture ;
  • met en place l’élection des juges ;
  • supprime le corps des avocats (on pouvait être défendu par n’importe qui).

+ début d’organisation pyramidale, avec des juridictions de 1er et 2nd degré.

Dans les années 1790, des juridictions supérieures sont créées : « Tribunal de cassation« .
Objectif : sanctionner la mauvaise application de la règle de droit + uniformiser l’application de la règle de droit (se désintéresse des faits).

1804 : rétablissement de la fonction d’avocat.

Il y avait une très forte méfiance envers les juges, à cause des parlements d’avant.
→ on veut encadrer leurs fonctions

Sous l’Ancien Régime, les parlements pouvaient rendre des décisions de portée générale.
article 5 du Code civil :

Il est défendu aux juges de prononcer par voie de dispositions générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises.

→ Le pouvoir du juge = trancher le litige, et c’est tout.

Pour l’administration : elle intervient directement dans la résolution des litiges qui la concernent.
→ parce que la séparation des pouvoirs l’impose
→ à la fois juge et partie

Au 19ème siècle, ce système reste inchangé, mais certaines juridictions particulières sont créées : conseil des prud’hommes, juge des mineurs.

Aussi au 19e : apparition de la justice administrative.
Avant : un administré mécontent devait saisir le ministre concerné directement.
Ensuite : apparition du Conseil d’État, juridiction qui peut condamner l’administration.
Loi du 24 mai 1872 : le Conseil d’État peut rendre des décisions souveraines.

Par la suite, le pouvoir du Conseil d’État s’est accru : il augmente son contrôle sur les décisions du gouvernement.
Au fur et à mesure, un droit administratif autonome par rapport au Code civil se construit.
Ce droit jurisprudentiel est appelé droit administratif.

Au 20ème siècle, après la Seconde Guerre mondiale, l’organisation judiciaire devient insuffisante car les contentieux se multiplient.
1958 : instauration de la 5ème République
→ suppression de certains tribunaux
→ précision des statuts des juges
→ création de l’ENM

Il faut que la durée des litiges reste raisonnable : c’est un impératif de la CEDH, qui garantit le droit à un procès équitable.
→ Il faut rationnaliser l’organisation judiciaire.

Certaines tâches sont transférées à d’autres professions ; ex : divorce sans juge.
Les procédures sont simplifiées. + de procédures orales.
On favorise des modes alternatifs de résolution des litiges (médiation).

Loi du 23 mars 2019 : fusion des tribunaux d’instance et de grande instance → tribunal judiciaire.

Prochaine évolution : justice prédictive.
On utilise l’IA : rassembler des données pour prédire l’issue d’un litige.
→ limite le délai d’un litige
→ limite l’aléa

Décret du 27 mars 2020 : crée un traitement automatisé des données (DataJust : référentiel indicatif sur l’indemnisation du dommage corporel).

Les sources des institutions juridictionnelles :
Les textes les plus élevés hiérarchiquement sont les textes constitutionnels.
Constitution de 1958 : on parle d’autorité judiciaire (et non de pouvoir judiciaire).
→ on essaie de faire en sorte que le juge soit à un niveau légèrement inférieur à l’exécutif et au législatif (essentiellement symbolique)

Article 64 de la Constitution :

Le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire.
Il est assisté par le Conseil supérieur de la magistrature.
Une loi organique porte statut des magistrats.
Les magistrats du siège sont inamovibles.

L’article 65 traite du Conseil supérieur de la magistrature.

Dans le Code de l’organisation judiciaire, on trouve les textes relatifs à l’organisation des juridictions, mais il s’agit des juridictions de droit commun (tribunaux judiciaires et cours d’appel).
Les juridictions spécialisées sont organisées par les codes (ex : Code du commerce).

Ordonnance du 22 décembre 1958 : porte sur le statut de la magistrature.
Loi du 31 décembre 1971 : porte sur la profession d’avocat.

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