Chapitre 1 : Les juridictions internationales et européennes

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Une juridiction est un organe chargé de trancher des litiges.

Lorsqu’une décision est rendue par un tribunal, on parle de jugement ; par une cour, on parle d’un arrêt.

De nos jours, on ne peut pas tenir les juridictions internationales et européennes à l’écart, car leurs décisions peuvent avoir des conséquences dans l’ordre juridique français.
Elles n’émanent d’aucun État en particulier : elles reposent sur des conventions entre États.
Chaque État partie accepte de renoncer à une part de souveraineté pour reconnaître l’autorité de ces décisions.

§ 1. La CEDH

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) est une juridiction majeure, qui a un impact important sur le droit interne.

Elle est issue de la Convention européenne des droits de l’homme (1950), dans le cadre du Conseil de l’Europe.
Objectif : créer un droit commun des droits et libertés fondamentaux.
Efficace car d’application directe dans les États membres → elle peut être directement invoquée par les justiciables devant les juges internes de l’État membre.

Si l’État est condamné, il doit effacer les conséquences de cette violation.

A – La saisine de la CEDH

La CEDH peut être saisie par un État contre un autre État.
Elle peut aussi être saisie par des individus ou des groupes d’individus.

Le recours individuel ne peut être exercé que si toutes les voies de recours internes ont été suivies.
La requête ne doit pas être anonyme ni avoir déjà été examinée par la CEDH (sauf si des faits nouveaux).
La requête est déclarée irrecevable si elle est incompatible avec les dispositions de la Convention, si manifestement infondée, ou si le requérant n’a subi aucun préjudice important.

B – La composition de la CEDH

Un juge par État.
La Cour est donc composée de 47 juges, élus par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
Nommés pour 9 ans non renouvelables.
Élisent un président pour 3 ans.

1ère formation : juge unique, instaurée en 2010, pour traiter rapidement les affaires les plus simples.
2ème formation : comité de 3 juges qui se prononce sur la recevabilité de requêtes individuelles dans des cas plus complexes et aussi sur le fond s’il y a lieu. Décisions définitives, prises à l’unanimité.
3ème formation : chambre de 7 juges.
4ème formation : 17 juges.

C – Les arrêts rendus par la CEDH

Les arrêts rendus par la CEDH sont motivés abondamment → décisions très longues.
Ils incluent :
> les opinions dissidentes : les juges qui ne sont pas d’accord avec la décision rendue ;
> les opinions concordantes : les juges qui sont d’accord avec la décision rendue mais pas pour les mêmes raisons.

Ces décisions doivent être contraignants mais pas violer la souveraineté des États.

Article 46 de la Convention EDH : les États s’engagent à se conformer aux décisions de la CEDH dans les litiges où ils sont partis.
L’exécution est surveillée par le Conseil des ministres.

Mais l’arrêt de la CEDH ne vient pas invalider l’acte contesté, et ne peut pas obliger à réexaminer une affaire.
L’État condamné dispose d’une certaine liberté.
La France a instauré un réexamen des affaires des condamnations pénales définitives.

Si le droit interne de la CEDH ne suffit pas à effacer les conséquences de la violation, l’arrêt de la CEDH peut tout de même consacrer une satisfaction équitable de cette attente (par l’indemnisation de la victime).

La CEDH a développé la technique des arrêts pilote, qui sanctionnent une violation de la convention susceptible de priver de leurs droits une catégorie entière de particuliers.
Arrêt Broniowski c Pologne, 22 juin 2004 : la CEDH dicte quelles mesures devraient être prises par l’État polonais (mais c’est une exception).

Depuis, la CEDH n’hésite pas à réclamer certaines mesures de la part des États dans des arrêts de condamnation.
Par exemple : exiger la remise en liberté d’une personne.

Quelle est l’autorité de ces arrêts vis-à-vis des juridictions françaises ?
Les juges français ne sont pas obligés de suivre les arrêts de la CEDH, mais souvent ils le font.
Parfois, la Cour de cassation se réfère aux seuls textes de la CEDH dans le visa et dit qu’il y a une violation de la Convention EDH sans entre dans les détails de la jurisprudence.
Exemple : revirement de la jurisprudence 1992, voir Chapitre 1 : L’identification des personnes humaines
Parfois, elle fait référence à la CEDH sans dire précisément l’arrêt sur lequel elle s’appuie.

De plus en plus, la Cour de cassation se réfère précisément à des arrêts de la CEDH pour enrichir sa jurisprudence.
Exemple : arrêt de la Cour criminelle du 8 juillet 2020 :

Une personne est placée en détention provisoire.
Elle se pourvoit en cassation avec comme argument que ses conditions de détention constituaient un traitement inhumain et dégradant, violant l’article 3 de la Convention EDH.
La Cour se fonde explicitement sur un arrêt de la CEDH (JMB c France, 30 janvier 2020).

→ La Cour de cassation reconnaît de plus en plus largement l’influence de la CEDH sur le droit interne.

§ 2. Les juridictions pénales internationales

A – Les tribunaux pénaux internationaux

Les tribunaux pénaux internationaux (TPI) sont établis ponctuellement.
Exemple : le TPIY (Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie) est un tribunal créé par une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU de 1993.
Pareil pour le TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda).

Les TPI sont compétents pour juger les violations graves des règles internationales humanitaires.
Ils ne sont compétents que pour les personnes physiques.
Ils sont compétents uniquement sur le territoire où ils sont instaurés.

Pour être efficaces, ils doivent avoir la collaboration des États.
Pour la France, une loi de 1995 organise la collaboration avec les TPI.

Le TPIR n’est plus en activité depuis 2015 ; le TPIY n’est plus en activité depuis 2017.
Ils n’ont pas réellement pu achever leurs missions.

B – La Cour pénale internationale

La Cour pénale internationale (CPI) est créée par l’Assemblée générale de l’ONU, réunie à Rome en 1998.
Le statut de Rome (traité qui crée la CPI) est entré en vigueur en 2002.
Il est ratifié par plus de 200 États, mais pas par les États-Unis, la Chine, l’Inde et Israël.

La CPI traite de 4 types de crime : le génocide, le crime contre l’humanité, le crime de guerre, et le crime d’agression.

La CPI siège à La Haye (Pays-Bas).
Elle est compétente pour les infractions commises sur le territoire d’un État partie ou par un ressortissant d’un État partie, depuis 1er janvier 2002.

La compétence du CPI est subsidiaire, : elle est compétente uniquement si le criminel ne peut pas être jugé par les juridictions de son pays ou que celles-ci n’ont pas la volonté de juger.
→ pas de primauté des compétences du CPI sur les juridictions internes

Les juges sont élus par les États membres.
On recherche une parité hommes/femmes et une répartition équitable des juges en fonction de la région du globe dont ils proviennent.

Les enquêtes menées par un procureur chargé de soutenir l’accusation en toute indépendance.
Il est élu par l’assemblée des États parties.
Il peut être chargé par un État partie ou par le Conseil de sécurité de l’ONU.
Il peut dans certains cas se saisir d’office.
Il recherche les éléments à charge et à décharge.

Lorsqu’il existe selon lui des charges suffisantes, il soumet le dossier à une section préliminaire qui doit confirmer ces charges.
Si la section préliminaire confirme, le procès se poursuit en 1ère instance devant une chambre de jugement qui peut prononcer différentes peines (détention à vie ou à temps – maximum 30 ans).

En droit français, le législateur a intégré dans le Code de procédure pénale la coopération avec la CPI.
La loi prévoit les conditions d’arrestation des personnes poursuivies ou condamnées par la CPI sur le territoire français.

§ 3. La Cour internationale de Justice (CIJ)

La Cour internationale de Justice (CIJ) siège aussi à La Haye (Pays-Bas).
Elle a pour mission de se prononcer sur des différents entre États.

Ces conflits n’aboutissent pas à des guerres mais doivent être réglés.
La CIJ est créée après la Seconde Guerre mondiale.
Son statut est régit par la Charte de l’ONU : l’article 92 dispose que la CIJ est l’organe juridique principal des Nations Unies.

Tous les membres de l’ONU y sont automatiquement parties : ils ne peuvent pas se soustraire à la compétence de la CIJ.

La CIJ doit donner une solution aux conflits entre les États en appliquant différentes sources internationales.
Les conventions internationales sont donc le socle juridique pour les décisions de la CIJ.
Elle prend aussi en compte les coutumes internationales et les principes généraux du droit (principes qui ont une vocation universelle, commun à tous les systèmes juridiques).
Elle peut enfin recourir à l’équité si les États sont d’accord.

Son point faible est que les États peuvent formuler des réserves de compétence sur certains points.
La question de l’exécution des décisions face à un État récalcitrant se pose également : l’ONU ne peut pas contraindre un État à s’exécuter.
L’État vainqueur peut saisir le Conseil de sécurité de l’ONU.

§ 4. Les juridictions de l’UE

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les États européens souhaitent un rapprochement économique.

Le Traité de Rome de 1957 :
> prévoit la Communauté Économique Européenne (CEE)
> qui regroupe la France, l’Italien, la RFA et le Benelux
> objectif : constituer un marché unique (union douanière, libre circulation des biens et services, harmonisation des politiques économiques, libre concurrence)

⚠️ L’UE (successeur de la CEE) n’est pas une fédération d’États ; les pays membres restent des nations souveraines et ne font que transférer certaines de leurs compétences.

La particularité de l’UE est que les traités fondateurs mettent en place des institutions qui vont elles-mêmes produire des normes (règlements, directives…) : on parle de droit de l’UE dérivé.
Ce droit dérivé a un effet direct en droit interne et peut être invoqué par les citoyens devant les juridictions des États membres.

Le droit de l’UE prime sur le droit national (arrêt Costa contre Enel, 15 juillet 1964).

Les juridictions françaises considèrent que la Constitution prime sur le droit de l’UE (voir Leçon 4 : Application des règles de droit).

L’UE dispose d’1 institution juridictionnelle composée de 2 juridictions :
> la CJUE qui siège au Luxembourg
> le tribunal, adjoint à la CJUE face aux nombreux contentieux

Ces juridictions ne dépendent d’aucun État mais ne sont pas comparables aux juridictions internationales car intégrées à l’ordre juridique de l’UE.
Les États membres sont obligés de se soumettre aux juridictions : elles n’ont pas de restrictions de compétence.

Les personnes physiques et morales ont accès directement aux juridictions.
Les décisions rendues ont force obligatoire sur le territoire des États membres (on peut recourir à la force publique).

A – La Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE)

C’était au départ le seul organe de l’UE.
S’appelle à l’origine la Cour de justice des communautés européennes (CJCE).

Elle est composée d’1 juge par État membre et de 11 avocats généraux (leur rôle : proposer en toute indépendance une solution ; équivalent au ministère public des juridictions nationales).
Les juges et avocats généraux sont désignés pour 6 ans par les États membres.

La CJUE assure le droit de l’UE et préserve l’unité d’interprétation du droit de l’UE.

Les différentes attributions de la CJUE sont :

  • Consultative : les juridictions des États membres peuvent consulter la CJUE sur certains points.
    → saisine pour avis
  • Contentieux : la CJUE peut être saisie par des citoyens, par les commissions de l’UE ou par un autre État membre. Elle peut conclure qu’un État a commis un manquement (texte interne contraire au droit de l’UE).
  • Question préjudicielle : permet de connaître l’interprétation de la CJUE d’un texte.
    La CJUE est saisie par une juridiction nationale.
    → garantit l’interprétation unitaire du texte entre États
    ⚠️ Dans le cadre d’une question préjudicielle, la CJUE ne tranche pas le litige.
  • Recours contre les décisions du Tribunal.

B – Le Tribunal

Le Tribunal de l’Union Européenne est créé en 1988 par une décision du Conseil pour faire face à l’explosion du contentieux.

Il est composé de 2 juges par État membre.
Il connaît des recours introduits par des particuliers qui visent à l’annulation d’actes dont ils sont destinataires pris par des institutions de l’UE.
Il connaît aussi des recours des États membres contre la commission ou le conseil
→ effectue un contrôle de légalité

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