Sommaire : cours complet de droit des personnes

I – L’existence de la personne juridique

II – L’identification de la personne juridique

III – La protection de la personne juridique

Chapitre 3 : La protection de la vulnérabilité

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Section 1 : La protection des personnes physiques

§ 1. Théorie générale des incapacités

a) L’exception à la règle : l’incapacité

La règle posée à l’article 8 du Code civil est :

Tout Français jouira des droits civils.

→ Par principe, je suis capable.

La capacité, d’un point de vue juridique, est l’aptitude à être sujet de droit et à exercer ses droits.
La capacité est donc composée de la jouissance et de l’exercice de ses droits.

L’incapacité peut se situer au niveau de la jouissance de ses droits, mais aussi au niveau de l’exercice de ses droits.

Article 1145 du Code civil :

Toute personne physique peut contracter sauf en cas d’incapacité prévue par la loi.

L’article 11 du Code civil complète l’article 8 :

L’étranger jouira en France des mêmes droits civils que ceux qui sont ou seront accordés aux Français par les traités de la nation à laquelle cet étranger appartiendra.

La Cour de cassation fait évoluer ce texte (en l’interprétant) au regard des enjeux du temps.

L’incapacité porte sur les actes juridiques patrimoniaux (= en lien avec les éléments du patrimoine de la personne).
→ il y a donc des questions qui sont en dehors de cette incapacité

Exemple : en matière de responsabilité civile (du point de vue du délit, de la faute qu’il connaît), l’incapable est responsable.

Il en est de même pour les actes personnels (mariage, testament, reconnaissance d’un enfant…) : soit la personne peut les exercer et elle dispose de sa pleine capacité, soit elle est trop fragile et une représentation n’est pas possible.

b) La diversité des remèdes

On distingue 2 typologies d’incapacité :

  • L’incapacité de jouissance est l’incapacité à être sujet de droit et à faire certains actes.
    Elle est toujours spéciale ou ponctuelle ; si elle est totale, cela équivaut à une privation de la personnalité juridique de la personne.
    Les incapacités sont particulières à une certaine catégorie de personnes ; par exemple, les étrangers, concernés par l’article 11.
    Exemple : le personnel de maison de retraite ne peut pas acquérir ou louer des biens à une personne admise dans l’établissement.
  • L’incapacité d’exercice met en place juridiquement un mécanisme permettant néanmoins au patrimoine de la personne de ne pas être figé : le mécanisme de la représentation ; une personne agit au nom et pour le compte d’une autre personne.
    Le représentant est celui qui juridiquement va signer le contrat, au nom et pour le compte du représenté, qui ne figure pas sur la scène juridique.
    Il peut arriver que, par contrat, quelqu’un désigne une personne pour la représenter (procuration).

     

    À côté de la représentation : l’assistance → on exige la volonté de l’incapable et de la personne qui la représente.

c) La trilogie : acte conservatoire, acte d’administration, acte de disposition

L’incapable doit pouvoir accomplir les tâches de la vie courante (ex : faire ses courses).
On distingue 3 typologies d’actes en fonction de leur gravité :

  • Acte conservatoire : destiné à sauvegarder un bien menacé de péril imminent.
    Il est urgent et nécessaire.
    Exemple : acte interruptif de prescription, réparation urgente d’un bâtiment…
  • Acte d’administration : acte normal de gestion du patrimoine.
  • Acte de disposition : modifie de manière permanente et irrévocable le patrimoine de l’incapable.

Pour distinguer un acte d’administration d’un acte de disposition, on considère la valeur et la consistance du patrimoine.
Par exemple, si je vends une action Peugeot pour acheter une action Renault, ça n’est pas un acte de disposition.

§ 2. Application concrète

a) Le mineur

Le mineur peut faire seul les actes conservatoires et les actes de la vie courante.
Il est protégé dans les actes de la vie courante qu’il peut accomplir seul.
Les actes accomplis par le mineur peuvent être annulés pour simple lésion (= contrat déséquilibré), alors qu’en droit français la lésion n’est pas une cause de nullité.

L’article 388 du Code civil dispose que le mineur est « l’individu qui n’a point encore l’âge de dix-huit ans accomplis ».
Mais les mineurs peuvent être émancipés.
De plus, l’âge de la minorité n’est pas identique partout.

Pour l’avortement, on tend à obtenir le consentement d’1 des titulaires de l’autorité parentale, mais on peut passer outre.
Pour le mariage, un double consentement est nécessaire : les parents doivent donner leur consentement mais on peut passer outre le consentement de l’un des parents.
Le mineur peut rédiger son testament sur la moitié de sa quotité disponible.

⚠️ Ce n’est pas ici une logique de représentation, mais une logique d’assistance, puisque ce sont des actions personnels (→ une représentation n’est pas envisageable).

L’article 4153 du Code du travail interdit le travail des enfants de moins de 16 ans.
Exceptions : les secteurs du spectacle, de la publicité et de la mode (autorisation individuelle préalable).

Pour les enfants influenceurs :
> droit à l’oubli : les plateformes sont obligées de faire disparaître les vidéos à la demande du mineur ;
> le mineur aura droit à une part des revenus générés.

b) Le majeur

L’incapacité peut être liée à des incidents de la vie.

Pour les majeurs, le principe est la capacité.
Exceptionnellement, un majeur peut être frappé d’incapacité.

L’article 415 du Code civil dispose que la protection du majeur incapable doit se faire dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne.
On protège :
1- le patrimoine de la personne
2- la personne en tant que telle

+ La protection des majeurs est un devoir des familles et la collectivité publique.
+ La protection doit toujours être proportionnelle à l’altération des capacités de la personne.

L’article 1425 du Code civil envisage 2 typologies d’altération :
1- l’altération des capacités mentales
2- l’altération des capacités corporelles
→ Il faut que la personne ne soit plus en capacité d’exprimer sa volonté.

Face à cette altération qui empêche de consentir, le droit pallie par une logique de représentation.
Si je ne peux pas consentir, je dois être représenté.

L’altération doit être médicalement constatée.

On distingue :

  • La curatelle : la personne reste autonome dans les actes simples de la vie, mais doit être accompagnée pour les actes importants.
    Le juge des tutelles définit ce que la personne peut réaliser seule ou non, en fonction de son état.
  • La tutelle : on désigne un tuteur qui sera juridiquement le représentant de l’incapable.
    La loi définit :

     

    • les actes que la personne protégée peut réaliser par elle-même (courses, envoi de courrier…)
    • les actes qui nécessitent l’autorisation du tuteur (ex : renouvellement d’un titre d’identité)
    • les actes qui nécessitent l’autorisation du juge des tutelles (ex : changement de domicile).

    Possible pour le futur incapable de désigner de manière anticipée son tuteur.
    Sinon, le juge désigne quelqu’un de la famille, ou à défaut un mandataire judiciaire.

  • La sauvegarde de justice : mesure de protection de courte durée, qui permet à un majeur d’être représenté pour accomplir certains actes de la vie courante.
    Peut éviter de prononcer une tutelle ou une curatelle (plus contraignante).
    Permet à la personne protégée de remettre en cause pour lésion les actes qu’elle aurait conclu dans sa période de fragilité.
  • Le mandat de protection future : contractualisation de la question de la représentation pour incapacité.
    Le législateur permet à toute personne d’anticiper sa prochaine vulnérabilité / fragilité.

Section 2 : La protection des personnes morales

§ 1. Sauvegarde et redressement

Pour les personnes physiques, le principe est celui de la capacité.
La personne morale est dotée d’une capacité de jouissance spéciale : elle est capable pour réaliser les actes en lien avec son objet.

  • Sauvegarde : la personne morale est en difficulté, mais pas en cessation de paiement (= actif qui ne permet pas de faire face au passif).
    La sauvegarde est mise en place pour lui permettre de maintenir son activité, dans l’intérêt de ses salariés et de ses clients.
    On suspend les actions judiciaires, le paiement des intérêts, etc.
  • Redressement : si la personne morale est en cessation de paiement, on met en place une procédure collective (place sous contrôle judiciaire le fonctionnement de la personne morale : rassemble tous les créanciers et les prive du droit d’agir individuellement).
    Lorsque l’on pense qu’il est possible de maintenir l’activité, on met en place un plan de redressement, avec l’objectif d’abjurer le passif de la société.

§ 2. Liquidation

Lorsque le maintien de l’activité n’est plus possible, la liquidation met fin à l’activité.
Le gérant est dessaisi de la société.
L’urgence est de payer les différents créanciers.

Chapitre 2 : La protection de l’intégrité morale

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Dès le milieu du 19e siècle, on peut trouver des traces de cette volonté de protéger par le droit la personnalité d’une personne et le respect de sa vie privée.

Au début, l’actuel article 1240 du Code civil (qui établit la responsabilité civile, par la faute) est l’instrument juridique utilisé pour permettre la protection de l’intégrité morale de la personne.
Les tribunaux arrivaient à établir qu’il y avait une faute qui cause un dommage à une personne, et donc une obligation de réparation.

À partir des années 1970, l’article 9 du Code civil consacre la règle :

Chacun a droit au respect de sa vie privée.

On passe d’une règle générale qui ne vient sanctionner qu’un comportement fautif à l’article 9 qui parle d’un droit.
On reconnaît un droit subjectif (= une prérogative conférée par le droit à une personne).
→ Je ne suis plus contraint de trouver la faute qui occasionne un dommage.

De plus, avec la responsabilité civile, le droit ne permet que de sanctionner.
S’il y a un droit, question : peut-on contractualiser ce droit subjectif ?

L’article 711-4 du Code de la propriété intellectuelle porte sur le droit des marques : dispose que je peux choisir comme marque un signe à condition que ce signe soit libre (= disponible), et que je ne peux pas prendre comme signe ce qui porterait atteinte aux droits de la personnalité d’un tiers.
→ Décompose le droit de la personnalité en envisageant le droit au nom et le droit à l’image (droit patrimonial sur mon nom / mon pseudonyme / mon image).

Droits de la personnalité : droits qui permettent d’identifier une personne sur la base de ce qu’elle est vraiment.
≠ état civil

L’article 8 de la CEDH dispose que :

Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale.

Il est doté d’une importance supérieure à l’article 9 du Code civil.

Section 1 : Régime des droits de la personnalité

§ 1. Caractère des droits de la personnalité

Traditionnellement, on dit que les droits de la personnalité sont extra-patrimoniaux et indisponibles : par principe, ils ne peuvent pas faire l’objet d’une contractualisation ni d’une monétarisation.
En Europe, il n’y aurait qu’un volet négatif.
Aux États-Unis, il existe le droit à la vie privée et le droit à la publicité : il y est donc possible de patrimonialiser son nom et son image.

a) Indisponible

En France, le principe est la non-patrimonialité.
Ce principe fait l’objet d’exceptions importantes : les contrats de cession et de licence sur l’image et le nom sont courants.
Les arrêts de cour d’appel envisagent de plus en plus une possible contractualisation, ou mettent en place des règles d’interprétation de ces contrats.
→ si le droit interprète ces contrats, il en reconnaît implicitement la validité

Une série d’arrêts de la Cour de cassation reconnaissent implicitement cette patrimonialisation des éléments des droits de la personnalité :

  • L’arrêt Bordas (1985) : la Cour de cassation dit que le principe d’indisponibilité ne s’applique pas à la conclusion d’un accord portant sur l’utilisation de ce nom comme dénomination sociale ou nom commercial.
    pour les détails sur l’affaire Bordas, voir Chapitre 1 : L’identification des personnes humaines
  • L’arrêt Ducas (2006) : la Cour de cassation envisage le terme de « droits patrimoniaux ».
    Il y a un contrat qui permet l’utilisation de ce nom comme dénomination sociale.
    Question : utilisation du nom comme marque.
    Dans cet arrêt, la Cour de cassation dit qu’en l’espèce la société ne peut pas déposer le nom comme marque parce qu’il n’est pas inclus dans le contrat.
  • Arrêt de 2011 sur un reportage TV sur la BAC de Nice.
    Les policiers ont accepté d’être filmés et que leur image soit diffusée sans floutage (contrat qui porte sur l’image).
    Le reportage a diffusé le nom et le grade des policiers.
    Cour de cassation : l’accord donné pour la diffusion de son image ne peut pas être élargi à la diffusion du nom et du grade.
    → la Cour de cassation limite au maximum le champ de l’autorisation

Ces arrêts (Ducas et reportage TV) prennent implicitement comme point d’analyse des contrats portant sur l’image et le nom.
→ le droit ne s’oppose pas frontalement au principe de la contractualisation des éléments de la personnalité, mais il l’encadre

💡
La dénomination sociale est le nom de l’entreprise ; elle ne donne pas le droit d’interdire à une autre personne d’utiliser le même nom.
Une marque permet de se réserver l’usage d’un signe pour distinguer un produit d’un autre produit.

b) Imprescriptible

L’imprescriptibilité est le fait qu’un droit ne puisse pas être perdu par le non-usage.

Prescriptibilité active : fait d’acquérir par l’usage.
Si une société s’approprie mon nom, ce n’est pas parce que je n’ai pas agi contre celle-ci que je perds le droit, et ce n’est pas parce qu’une personne se prévaut de mon nom qu’elle va l’acquérir.
→ le temps n’a pas d’effets sur les droits de la personnalité

Ce que le temps me fait perdre, c’est la possibilité d’agir contre la personne qui a porté atteinte à mon droit de la personnalité (après 5 ans).
L’article 2224 du Code civil donne 5 ans pour agir pour faire cesser cette atteinte en particulier.

c) Personnel

Les droits de la personnalité sont des droits fondamentaux, donc ils sont conférés aux personnes humaines.
Ils ont pour particularité de s’éteindre au décès de la personne.
→ Les personnes ne peuvent pas agir pour défendre la vie privée d’un mort.

Il y a des contrats portant sur le nom et l’image des personnes → ces contrats prennent fin à la mort de ces personnes.

Néanmoins, la famille du défunt pourrait agir en justice pour des images du défunt, au motif d’une atteinte à la dignité humaine.
Voir jurisprudence : Recours de « Paris Match » dans l’affaire Erignac (lemonde.fr)

Au-delà de ce motif de la dignité humaine, on peut imaginer que les enfants et la famille subissent une atteinte.
Exemple : affaire de 2010 dans laquelle les images d’un garçon torturé sont diffusées → considéré comme une atteinte à la vie privée des proches.

La Cour de cassation affirme en 2016 que seules les personnes physiques peuvent se prévaloir d’une atteinte à la vie privée dans le sens de l’article 9.
Pour les personnes morales, des textes spéciaux confèrent des prérogatives plus ou moins équivalentes à celles des personnes morales.

Exemple : le secret des affaires est garanti par l’article L151-1 du Code de commerce.
Un secret des affaires, c’est une information qui n’est pas connue des personnes du secteur et qui revêt une valeur commerciale (ex : recette du Coca-Cola).
Il faut que la société protège ce secret par des mesures raisonnables.

§ 2. Sanction des droits de la personnalité

Il existe des sanctions pénales et civiles.

Pour qu’il y ait sanction, il faut qu’il y ait une atteinte à son droit.
Pour cela, il faut une identification objective : il ne suffit pas qu’elle se reconnaisse, il faut qu’on la reconnaisse.

a) Sanctions civiles

Au civil, on peut demander qu’une image soit retirée d’une publication.
On peut également demander des dommages et intérêts.

b) Sanctions pénales

Au pénal, nous sommes liés par le principe de l’interprétation restrictive (= on ne peut pas faire produire un effet extensif à un texte de droit pénal).

L’article 226 du Code pénal prohibe certaines pratiques.
De nouvelles pratiques sont progressivement ajoutées à la législation sous l’impulsion des nouvelles technologies.
Exemple : revenge porn, happy slapping, usurpation d’identité, etc.

Section 2 : Contenu des droits de la personnalité

§ 1. Le noyau dur des droits de la personnalité

a) Le droit à la protection de la vie privée

Le droit à la protection de la vie privée est le point d’entrée des droits de la personnalité.
Il porte sur la sexualité, sur la vie familiale, sur la santé.

La Cour de cassation dit que la déclaration du patrimoine d’une personne ne constitue pas une atteinte à la vie privée.
La CEDH retient la même solution.
On peut être sceptique de cette solution :

  1. En droit français, on considère que le patrimoine est l’émanation de la personnalité.
  2. Certains considèrent qu’au travers de la connaissance du patrimoine, il y a révélation indirecte de la vie privée de la personne.

La protection de la vie privée commence d’abord au domicile.
On considère que la voiture est une extension du domicile.

Depuis 2002, la Cour de cassation dit qu’il y a une vie privée au travail, et que la correspondance est protégée au titre de la vie privée.

Peut-on avoir une vie privée dans l’espace public ?
Oui – le fait que la personne soit dans l’espace public n’autorise pas à diffuser des photos d’elle.

Parfois, certains éléments de la vie privée ne sont plus privée :
> parce que les personnes se mettent en scène dans des magazines
> parce que la personne est liée à une affaire juridique qui a été relatée
Si cela a été révélé, cela devient public et à partir de là la personne n’a plus de maîtrise sur ces éléments.

Y a-t-il un droit à l’oubli ?
Question qui s’est posée quand une femme frappée d’indignité nationale, ce qui a été relaté dans la presse locale ; ces éléments révélés ne font plus partie de sa vie privée.
Réponse de la cour : elle ne peut se prévaloir d’un droit à l’oubli. Les faits sont librement utilisables sans limite de temps.

Les personnes connues bénéficient aussi du respect de la vie privée, comme confirmé par la CEDH.
Cette protection n’a pas la même intensité pour les personnes connues, parce que si la personne met en scène des éléments de sa vie privée, ils ne sont plus privés.

b) Le droit à la protection de l’image

Aujourd’hui, la jurisprudence est claire : le droit à l’image est autonome du droit à la vie privée.
Cela veut dire que :

  1. Lorsqu’il y a une publication de moi qui viole mon droit à l’image et mon droit à la vie privée, j’ai droit à une double réparation.
  2. Certaines publications constituent une violation du droit à l’image sans constituer une violation du droit à la vie privée.
    Intérêt : je peux monnayer le droit à l’image.

c) Le droit à la protection du nom

Le droit au nom se fonde dans le Code de la propriété intellectuelle.
L’article L711-4 dit qu’on ne peut pas déposer un signe comme marque si cela porterait atteinte à un nom patronymique → le nom est protégé.

Mais en réalité tous les noms ne sont pas protégés.
Les noms notoires (qui sont connus) sont plus fortement protégés que les noms banals.
La protection du nom peut aussi s’étendre au pseudonyme ; ex : Johnny Halliday a son pseudonyme protégé comme un nom.

§ 2. La périphérie des droits de la personnalité

a) Le droit moral de l’auteur

Le droit d’auteur est le 1er élément périphérique.
C’est un droit de propriété intellectuelle qui vient protéger une œuvre parce que celle-ci est dite « originale » (elle exprime la personnalité de l’auteur).
Le droit français protège une œuvre quand elle est le reflet de la personnalité de l’auteur.

L’œuvre doit bénéficier d’un régime de protection particulier.
Une protection double est mise en place par le droit :
> les droits patrimoniaux
> les droits moraux (contredisent parfois les droits patrimoniaux)

On dit que ces droits sont inaliénables : le droit moral est perpétuel.
Exemple : en 2001, un éditeur fait écrire la suite des Misérables. L’héritier de Victor Hugo attaque l’éditeur en violation de son droit moral.
Le droit moral est fait de 3 prérogatives :

  • Le droit de divulgation : personne ne peut me contraindre à vendre ou publier mon œuvre ; elle sera publiée comme je le souhaite ; je décide de quelle sera la version achevée.
  • Le droit au respect : mon œuvre ne peut pas être modifiée sans mon autorisation (car l’œuvre est mon prolongement).
  • Parfois, l’atteinte au droit moral se fait sans que l’œuvre ne soit modifiée ; on parle d’atteinte conceptuelle (exemple : musique pour enfant sur une scène violente).

En 1993, la Cour de cassation affirme que le droit moral n’est pas un droit de la personnalité classique car ce qui est protégé, ce n’est pas la personnalité de l’auteur, mais sa personnalité exprimée dans l’œuvre.

Ce droit est étranger à la défense des autres droits de la personnalité, ce qui signifie implicitement que le droit moral est un droit de la personnalité.

b) La protection des données personnelles

Le RGPD : « rempart nécessaire contre le risque d’une société d’exposition ».

Section 3 : Les conflits de droit

§ 1. La recherche de la proportionnalité

Exemple de conflit de droit de la personnalité : liberté d’expression vs liberté de création (par exemple pour un biopic).

Exemple : un procès se tient pour savoir si un professeur de droit a tué sa femme.
La Cour de cassation dit qu’il n’y avait pas besoin de l’autorisation des protagonistes pour faire un film sur cette affaire, puisque tous les éléments sont publicisés / à la portée de tous.

§ 2. La limite de la dignité

Mais une question juridique subsiste : dans un tel film, on rajoute des éléments de fiction qui risquent de porter atteinte à la vie privée de la personne en question.
Exemple : L’enfant d’octobre, livre sur l’affaire Grégory. L’écrivain imagine des monologues de la mère de Grégory et lui fait dire « je l’ai tué ».
Même si c’est clairement de la fiction, les juges ont considéré que ça n’était pas acceptable.

Peut-on justifier ce risque en se fondant sur la liberté de création ?
Position des juges : il faut reconnaître qu’il y a une atteinte, mais qu’elle est justifiée, notamment en lien avec l’autofiction.
Risque : que les autres personnages se reconnaissent. Le tribunal dit que la liberté de création justifie cette atteinte dans une logique de proportionnalité.

Exception : la publication ne peut pas être contraire à la dignité de la personne.

 

Chapitre 1 : La protection de l’intégrité physique

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Section 1 : La protection du corps humain

La protection de la personne est un élément caractéristique du droit contemporain que l’on situe après la Seconde Guerre mondiale. Ce que l’on protège, c’est l’intégrité morale et physique de la personne.

Intégrité physique : ce qui est protégé, c’est la personne physique (≠ personne juridique) en son humanité et sa dignité.

Une loi de 1994 consacre la protection de la personne humaine incarnée en son corps.
Le principe de dignité (la personne n’est jamais un moyen, elle est une fin) peut parfois justifier de protéger une personne contre elle-même.

§ 1. Pendant la vie

a) Le principe d’inviolabilité

Le principe d’inviolabilité est établi par l’article 16-1 du Code civil :

Chacun a droit au respect de son corps.

Le corps humain est inviolable.

C’est en raison de ce principe qu’il est interdit en droit pénal de porter atteinte à l’intégrité corporelle d’une personne.

On peut aussi relier ce principe aux articles 2 et 3 de la CEDH (droit à la vie + interdiction de la torture).

Idée : le corps est un sanctuaire protégé et personne ne peut porter atteinte à son intégrité.


Mais dans certains cas, il faut porter atteinte à l’intégrité du corps humain.
Exemple : l’article 16-3 du Code civil :
« Il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui. » (ex : donner un rein)
« Le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement [sauf si ce n’est pas possible] »
.

Parfois, on passe outre ce consentement.
Exemple : obligation vaccinale (article L3111-2 du Code de la santé publique).
(en réalité, on peut ne pas se faire vacciner si l’on sort de la sphère sociale)
On s’est posé la question de savoir si c’est une atteinte à l’inviolabilité du corps humain.
2011 : le Conseil d’État juge que ces dispositions portent une atteinte limitée et proportionnée à l’objectif de santé publique. La CEDH est d’accord.

La loi française a aussi pour certains personnels médicaux imposé une obligation vaccinale. Le Conseil constitutionnel a jugé qu’il y avait une justification par une valeur constitutionnelle de protection de la santé → pas d’atteinte aux valeurs constitutionnelles.


Dans un arrêt du 19 mars 1997, la Cour de cassation met en place une obligation de se soigner.
Dans un accident de la circulation, une victime subit un dommage.
L’article 1240 du Code civil dispose que « celui qui cause un dommage doit le réparer ».
→ le responsable de l’accident a donc légalement une obligation de réparation.
Or la victime a refusé de subir un traitement chirurgical qui aurait pu limiter le dommage qu’elle a subi.
Question : l’auteur doit-il réparer le dommage résultant du choix de la victime de ne pas subir l’intervention ?
Solution de la cour d’appel : le dommage réparable est celui qui aurait été causé si la victime avait fait l’opération → validée par la Cour de cassation.
Pourtant, l’article 16-3 du Code civil exclut la contrainte de subir une opération médicale.

Refus de soin :
Principe : toute personne a le droit de refuser de recevoir un traitement.
Le consentement est primordial
mais, pour des raisons de santé publique, on peut passer outre.

En 2002, le Conseil d’État traite l’affaire suivante :

Une personne hospitalisée, un Témoin de Jéhovah, refuse l’administration de toute produit sanguin ; or les médecins considèrent nécessaire une transfusion sanguine.

Le Juge des référés doit répondre à la question suivante : les médecins peuvent-ils, contre la volonté clairement exprimée du patient, pratiquer cette transfusion sanguine pour le sauver ?
Ordonnance du 9 août 2002 : l’injection ne peut pas être pratiquée, sauf si la patiente est dans une situation extrême (si son pronostic vital est en jeu).

Le Conseil d’État approuve cette solution : dit qu’on peut passer outre le refus du patient :
1- si le médecin a tout mis en œuvre pour convaincre le patient ; et
2- si l’acte est indispensable à la survie du patient.

Si les 2 conditions sont réunies : on peut avoir recours aux soins en bafouant le consentement du patient.

→ Le consentement ne fait pas tout : dans certains cas, une personne peut être dépossédée de son consentement qui ne la protège pas.
→ La volonté ne fait pas tout.

b) Le principe de non-patrimonialité

Il ne faut pas confondre non-patrimonialité et indisponibilité.
Non-patrimonialité : chose pouvant faire l’objet d’un contrat ; pas totalement indisponible ; acceptation des contrats à titre gratuit.
Indisponibilité : le fait de mettre certaines choses hors de toute transaction ; chose qui ne peut pas être l’objet de toute contractualisation, même à titre gratuit (don).

Il faut distinguer le corps comme un tout des éléments séparables du corps.
Le corps comme un tout : ne peut pas être contractualisé (sauf logique d’esclavage).
→ la personne ne peut pas s’approprier son corps
→ indisponibilité
Les éléments séparables du corps : on peut envisager une contractualisation pour tout ce qui est séparable (cheveux, sang, …).
C’est un choix politique ; tout système décide si une contractualisation est autorisée, et si elle peut être monétarisée.

Position du droit sur la question :

En 1991, la Cour de cassation affirme que la convention par laquelle une femme s’engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et porter un enfant pour l’abandonner à la naissance contrevient au principe d’indisponibilité du corps humain.
→ interdit toute convention, même à titre gratuit

La loi bioéthique de 1994 dispose que seule la patrimonialisation du corps humain ou de ses éléments est interdite.

L’article 16-5 du Code civil nous montre que le droit n’exclut pas toute convention, mais uniquement celles avec une valeur patrimoniale.
≠ Cour de cassation 1991, qui interdisait les conventions même à titre gratuit

Le droit distingue aussi le corps humain de ses éléments.
Le don de ses éléments est autorisé, mais pas la vente.

§ 2. Avant et après la vie

💡
Rappel : le corps, lorsqu’il n’est plus habité par la personne, reste un objet particulier qui « doit être traité avec respect, dignité et décence » (article 16-1-1 du Code civil).
S’applique aussi aux cendres.

L’embryon n’est pas une chose, mais une personne en devenir (personne potentielle).

Aujourd’hui, il y a un antagonisme fort entre la valeur de protection du corps humain et la nécessité pour la personne de pouvoir disposer de son corps quand elle le souhaite.

a) La cession d’éléments du corps humain

Le Code de santé publique envisage une « cession » et une utilisation du corps humain.
Mais quelques articles plus loin, explique qu’aucun paiement n’est possible pour un prélèvement / une collecte.
→ donc nécessairement gratuit : le donneur n’est jamais rémunéré

Pourtant, des articles prévoient un prix de vente ; par exemple : le lait humain coûte 80€/litre et les hôpitaux paient ce lait.
En réalité, ce qui est rémunéré, c’est le travail que nécessite la conservation de ces produits du corps humain.

b) Vers la brevetabilité d’éléments du corps humain

À l’époque du séquençage génétique, la question de la brevatabilité se pose.
→ Le brevet ne permet pas une appropriation du corps humain.

Un brevet est une solution technique à un problème technique.
Il peut se construire sur des éléments naturels, mais ne porte pas sur ces éléments naturels.
C’est pareil pour les éléments du corps humain : le brevet porte sur l’utilisation du corps humain, et non sur le corps humain en lui-même.

Droit de disposer de son corps :
Principe : je peux dans certains cas volontairement disposer de mon corps.
Exemple : se faire tatouer, la prostitution (quand pas interdit), etc.

Johnny Halliday disait : « le jour de ma mort, je veux qu’on me découpe en morceaux pour vendre mes tatouages ».
→ Peut-on contractualiser la peau de son tatouage ?
Ce n’est pas parce qu’il y a une œuvre qu’on va passer outre le principe d’indisponibilité du corps humain (= l’interdiction d’un contrat portant sur une partie du corps humain).


Sadomasochisme : arrêt CEDH K.A. contre Belgique (2005) :
Un magistrat et un médecin sont adeptes de sadomasochisme, et utilisent comme victime la femme d’un des deux hommes. Le contrat tacite est que si la femme crie « pitié » les sévices s’arrêtent.
Un jour, les hommes ont trop bu et ne s’arrêtent pas.
Selon l’arrêt, chaque personne a une autonomie personnelle qui justifie de disposer de son corps et de s’adonner à des activités considérées comme physiquement et moralement dommageable.
Question : est-ce que le consentement vaut tout ? (peut-on décider juridiquement d’être torturé ?)
En droit des contrats, parfois on ne peut juridiquement pas contracter même si on le veut.
→ Il y a des consentements impossibles en droit, car le droit considère qu’il faut protéger la personne contre elle-même, quand elle fait des choses contraires à la dignité humaine.

Dignité : considérer que l’homme n’est jamais un moyen, mais une fin.
L’article 1 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE dispose que « la dignité humaine est inviolable ».
Explication officielle : la dignité de la personne n’est pas seulement un droit fondamental, mais la base même de tous les droits fondamentaux.

La même logique est utilisée dans l’arrêt de Morsang-sur-Orge (lancer de nains).

Chapitre 2 : L’identification de la personne morale

Cliquer ici pour revenir au sommaire du cours complet de droit des personnes.
Cliquer ici pour consulter le chapitre 1, relatif à l’identification des personnes physiques.

La finalité de l’identification est la même que pour une personne physique :
1. pour que l’État soit en capacité de déterminer qui est responsable
2. pour que les autres personnes sachent comment identifier cette personne morale

La différence principale tient du fait que les éléments d’identification des personnes physiques sont du domaine du donné, tandis que pour une personne morale, ils résultent d’un contrat.
→ résultent d’un acte de volonté
→ éléments d’identification volontaires

Cet acte de volonté n’est pas total, il y a une part de contrainte : il faut un nom et une adresse.

Les éléments d’identification vont être enregistrés au registre du commerce → numéro KBIS.

Chapitre 1 : L’identification des personnes humaines

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Il est nécessaire pour l’État d’identifier qui doit être protégé en raison de sa qualité de personne juridique. L’identification est aussi importante pour la gestion des rapports entre les personnes juridiques.

La personne physique est identifiée par son état civil, c’est-à-dire l’ensemble des qualités inhérentes à la personne et que la loi civile prend en considération pour y attacher des effets de droit.
→ nom, prénom, date de naissance… : pour chaque qualité, il y a des conséquences juridiques différentes.

Les qualités prises en compte dépendent des traditions juridiques et culturelles.

Section 1 : Les éléments d’identification

§ 1. Le nom

a) L’attribution

Le nom est traditionnellement attribué par filiation.

L’article 311-21 du Code civil (loi de 2013) met en place un système en théorie égalitaire : les parents peuvent choisir le ou les noms qu’ils donnent à leur enfant. Mais si les parents ne font pas de choix, l’enfant prend le nom du père.

La 2ème cause d’attribution du nom est le mariage. L’article 225-1 du Code civil permet à titre d’usage de porter le nom de l’autre époux par substitution ou adjonction. Généralement, c’est la femme qui prend comme nom d’usage celui de son mari.

Ces règles sont éminemment politiques.

On peut demander à changer de nom. Les situations le justifiant sont :
> éviter l’extinction d’un nom dans ma lignée
> si mon nom est grotesque
> si mon nom est celui d’un personnage atroce de l’histoire ou d’un grand criminel

b) L’utilisation

Mon nom sert à me définir, à me distinguer de mon voisin – mais au-delà de la possibilité d’identification, il y a-t-il une possibilité de commercialisation ?

Affaire Bordas : M. Bordas fonde une maison d’édition à laquelle il donne son nom. Son nom devient donc la dénomination sociale de la société (Bordas est donc à la fois le nom de famille qui identifie M. Bordas et le signe distinctif de la société)
M. Bordas perd le contrôle de la société → il n’est plus lié juridiquement à la société. Il ne veut plus que son nom y soit associé.
Il invoque le principe d’inaliénabilité : il dit que le nom ne peut faire l’objet d’un contrat.
Arrêt de la Cour de cassation du 12 mars 1985 : le principe d’inaliénabilité empêche le titulaire de le céder pour permettre à une autre personne physique de l’utiliser comme nom. Le nom de famille dans sa fonction d’identification de la personne est donc inaliénable.
Mais il est possible de contractualiser son nom pour le céder pour une utilisation par une personne morale.

§ 2. Le prénom

a) L’attribution

Article 57 du Code civil :

Les prénoms de l’enfant sont choisis par ses père et mère.

La liberté des parents est aujourd’hui quasi totale, mais ça n’a pas toujours été ainsi : la loi du 11 germinal de l’an 11 prévoit que seuls puissent être donnés des noms du calendrier.

La CEDH affirme que « le prénom de l’enfant est doté d’un caractère intime et affectif ».

Une seule limite est donnée : l’enfant ne doit pas porter un prénom ridicule.

Il existe aussi une limite technique : le prénom doit utiliser l’alphabet romain et les signes usuels.
Cela a donné lieux à un contentieux sur les prénoms bretons : la cour d’appel de Rennes juge qu’il est possible d’inscrire dans l’état civil un prénom avec un ~.

b) Le changement

Il se peut que l’enfant souhaite changer de prénom, pour le franciser par exemple.

Le droit reconnaît, sous certaines conditions, l’utilisation d’un pseudonyme, à la condition que le pseudonyme ne permette pas d’empêcher l’État à nous identifier.

§ 3. Le domicile

Le domicile est défini par l’article 102 du Code civil :

Le domicile de tout Français, quant à l’exercice de ses droits civils, est au lieu où il a son principal établissement.

Il s’agit d’un concept juridique, par opposition à la résidence (notion factuelle).

On peut avoir plusieurs établissements, mais un seul domicile : on parle d’unicité du domicile.
→ Sous-entend que toute personne a droit à un domicile (= droit de domiciliation).

Le domicile est inviolable : personne ne peut pénétrer chez moi sans mon accord.

§ 4. Le sexe

Certaines règles sont attachées au fait d’être un homme ou une femme.
→ l’état civil reflète un positionnement politique à une époque donnée

Aujourd’hui, l’état du droit suppose d’identifier de manière binaire.

a) L’identification

Arrêt de 2007 : une personne considère qu’elle n’est ni homme ni femme et ne souhaite pas être catégorisée dans cette binarité qui ne la représente pas. Elle estime que cette catégorisation est une atteinte à sa vie privée.
La Cour de cassation considère que cette atteinte est proportionnée, mais n’exclut pas la possibilité d’un sexe neutre si la société (et donc la loi) souhaite évoluer.

b) Le changement

Il y a des personnes assimilées à la naissance homme ou femme mais qui psychologiquement se considèrent d’un autre sexe : on parle de transsexualisme.

Le droit français a longtemps été rigide sur la question.
Idée : l’individu ne prime pas sur la société.

La CEDH a condamné la France pour sa rigidité sur la question.
1992 : la Cour de cassation en assemblée plénière considère que le changement de sexe n’est pas impossible. Elle reconnaît la possibilité de changer de sexe mais la contraint :
> à la suite d’un traitement médico-chirurgical
> la personne doit avoir l’apparence du sexe opposé
> la personne ne possède plus de caractères du sexe d’origine
→ transformation irréversible
Pour la CEDH, cette exigence du droit français qui exige un changement irréversible est contraire à l’article 8 de la CEDH (droit au respect de sa vie privée et familiale). On doit permettre de changer de sexe pour simple motifs psychologiques.

Depuis 2016, l’article 61-5 du Code civil dispose qu’une personne peut changer de sexe s’il ne correspond plus à celui sous lequel elle se présente et elle est connue.
→ la CEDH a fait totalement changer d’approche

§ 5. La nationalité

a) L’attribution

Les critères attributifs de la nationalité varient d’un pays à l’autre.
Ce sont des critères unilatéraux qui ne peuvent pas être bilatéralisés.

Il y a traditionnellement 2 critères :
> le droit du sol
> le droit du sang
Mais on peut en imaginer d’autres : être l’époux d’une personne ayant la nationalité, durée de résidence dans le pays, etc.

À une époque (par exemple, Napoléon), le droit du sol était facilement donné.
Aujourd’hui, c’est un sujet politique. Le critère du sol ne suffit plus : désormais, il faut aussi avoir sa résidence en France.

On peut aussi demander la nationalité : procédure de naturalisation.

b) Les conflits

Exemple : une personne née aux États-Unis de parents italiens est italienne du point de vue du droit italien et étatsunienne du point de vue du droit étatsunien.
conflit positif de nationalité

Des individus peuvent avoir commutativement plusieurs nationalités.
Une personne qui possède 2 nationalités bénéficie des droits des 2 États.

Mais il y a des exceptions :
Principe de primauté de la nationalité du for : on ne peut, dans le pays où on se trouve, revendiquer que la nationalité de ce pays.
Dans d’autres cas, on prend la nationalité la plus effective, celle qui prime sur l’autre.

Il y a aussi des conflits négatifs de nationalité : un apatride est une personne qui ne peut se prévaloir d’aucune nationalité. Cela constitue un réel handicap : la personne ne peut pas exercer ses droits politiques et ne bénéficie d’aucune protection diplomatique.
→ assez rare

Section 2 : Le caractère de l’identification

§ 1. Le principe

Le principe de l’identification de la personne est gouverné par 2 règles :

  1. L’immutabilité de l’état civil (je suis né Timothée Peraldi, je mourrai Timothée Peraldi)
  2. L’indisponibilité de l’état civil (je ne peux pas juridiquement en disposer).

§ 2. Les exceptions

Il y a des exceptions à l’immutabilité. Par exemple, on peut, avec un motif sérieux, changer son nom / son prénom / son sexe, mais il faut un intérêt légitime. On peut aussi ajouter une nationalité ou changer de domicile (changement objectif).


Par principe, l’état civil n’est pas disponible (il ne peut pas faire l’objet d’une convention). Pourtant, on peut donner son nom à une société (ex : arrêt Bordas).

Autre exemple : question de la gestation pour autrui : savoir si une femme peut porter un enfant et, à la naissance, le donner à une autre mère.
La GPA suppose un contrat entre les parents non biologiques et la mère biologique.
La question de la filiation (nom, nationalité) est contractée, ce qui va à l’encontre du principe d’indisponibilité de l’état civil.
1991 : arrêt de l’assemblée plénière de la Cour de cassation : il est contraire aux principes d’indisponibilité de l’état civil des personnes de faire produire des effets au regard de la filiation à un contrat de GPA, fût-il licite à l’étranger.
→ Situation pour l’enfant : aux États-Unis, il est lié aux parents d’intention ; en France, il est l’enfant de la mère biologique.

La Cour de cassation a donc longtemps considéré qu’il fallait rester attaché aux valeurs du droit français et que de tels comportements sont assimilables à de la fraude.
La CEDH prend en compte l’intérêt de l’enfant et sanctionne la France. Elle dit qu’il faut faire produire des droits de filiation à ces contrats produits à l’étranger.

Chapitre 2 : Les autres personnes juridiques

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💡
Rappel : la notion de personne juridique est une construction sociale et le reflet d’un choix politique.
ex : esclaves, femmes, etc.

Section 1 : La personne morale

§ 1. L’identification de la personne morale

Au sens du droit, la personne morale est une personne juridique : c’est un sujet de droit.
Personne morale : groupement de personnes doté d’une personnalité juridique.

C’est particulièrement important au niveau du patrimoine.
→ 1 personne juridique = 1 patrimoine
→ Il n’est donc pas possible de diviser son patrimoine ou d’en affecter des parties à certaines activités.

La distinction entre personne physique et morale est tardive (20e siècle) parce que le Code civil était longtemps imprégné d’une aversion pour toute chose se mettant entre les individus et l’État.
20e siècle : discussion doctrinale importante.


Personnes morales : fiction ou réalité ?

  • Fiction : une personne morale n’est pas réelle
    • « Je n’ai jamais déjeuné avec une personne morale »
    • Le droit doit créer une personne morale ; ce n’est donc qu’une création de la loi.
  • Réalité : une personne morale existe
    • Une personne morale est un groupement qui a un intérêt distinct de ceux qui la composent. Il existe une volonté autonome de ce groupe.
    • Le droit ne la crée donc pas la personne morale, il ne fait que la constater.

Qui peut déterminer ces personnes morales ?

Un arrêt de la Cour de cassation de 1954 reconnaît qu’un comité d’établissement au sein d’une société peut être une personne morale.
→ Le juge peut ériger qu’un groupement a une personnalité propre et est un sujet de droit.
→ La personnalité civile appartient à tout groupement pourvu d’une possibilité d’expression collective pour la défense d’intérêts licites.

§ 2. Les conséquences de la personnalité juridique

C’est la déclaration qui permet de donner naissance à une personne morale.
Conséquence : elle devient sujet de droit (= peut être créancier de droit et débiteurs d’obligations ; a un patrimoine ; peut agir en justice…).

Section 2 : Vers de nouvelles personnes juridiques ?

« C’est sur la différence entre la personne et la chose que se joue le 21e siècle. »

§ 1. Les candidats à la personnification

Les animaux

Traditionnellement, dans le Code civil, l’animal est un bien appropriable.
Depuis 2015, le Code civil dispose :

Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens.

On constate aujourd’hui la nécessité d’une protection accrue des animaux suite à une évolution sociétale. Ces dernières années : une série d’interdictions pour les animaux détenus à des fins de divertissements (ex : cirques).

Mais plus on protège les animaux, plus leur qualification en tant que bien devient complexe, parce que ce qui traduit la propriété est la maîtrise la plus absolue du propriétaire sur la chose et notamment la possibilité d’en disposer (revente / destruction).

La nature

Idée : il ne faut pas appréhender la nature uniquement dans une logique d’appropriation marchande. Il faudrait alors faire sortir la nature de la qualification de chose pour lui conférer des droits propres en la considérant comme une personne.

Exemple : en Inde, le Gange est considéré comme une personne

Les robots

On assiste aujourd’hui à un développement de l’IA dans une logique de rapprochement avec l’homme.
Faire des robots une personne juridique permettrait une meilleure indemnisation si le robot crée des dommages.

§ 2. Les réticences actuelles

Les réticences d’ordre technique

L’animal et la nature ont des intérêts autonomes, mais on ne peut pas établir leur volonté autonome ; or c’est essentiel pour être une personne juridique. Ça sera donc la volonté de son représentant.

Il devrait également y avoir des gradations décidées par l’homme concernant le statut juridique de tel ou tel animal (ex : chien domestique ≠ souris de laboratoire).

Personnifier un robot ne rendra pas les choses plus simples en ce qui concerne la responsabilité civile. Les robots sont forcément rattachés à une personne (→ la vraie responsable), ce n’est donc pas réellement un problème.
En personnifiant un robot, on oublie qu’elle est une création de l’homme sans vie.

Vers un choix symbolique ?

L’intérêt est d’affirmer leur dignité et de rejeter leur appropriation marchande. Pour cela, on n’est pas obligés de leur offrir le statut juridique d’une personne, qui confère aussi des devoirs.

Chapitre 1 : La personne humaine

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Aujourd’hui, toute personne physique est une personne juridique (la mort civile et l’esclavage n’existent plus).

💡 Un immigré sans papiers est une personne juridique.

Quand devient-on un personne juridique ? Quand est-ce qu’on ne l’est plus ?
2 bornes temporelles de la personne juridique : la naissance et la mort
→ 2 faits auquel le droit va attacher une conséquence

Section 1 : La naissance

§ 1. Après la naissance

a) Définition

Naissance = qualité de personne juridique conférée.
Après la naissance, on devient sujet de droit.
Pour la naissance, l’enfant doit être vivant et viable.

L’article 79-1 du Code civil prévoit l’acte d’enfant sans vie, qui permet aux parents d’inscrire l’enfant dans le livret de famille : il naît avec des conséquences juridiques.
→ Fonction symbolique : reconnaître l’existence de cet enfant.

Cour de cassation : cet acte d’enfant sans vie ne doit pas être subordonné au poids du fœtus ni à la durée de la grossesse. Il faut qu’il y ait eu un accouchement, et un enfant vivant mais non viable.

b) Conséquences juridiques

Pour un enfant né vivant et viable, il y a obligation de déclarer l’enfant / la naissance à un officier d’état civil.
C’est la déclaration à l’état civil qui donne juridiquement vie à l’enfant ; il devient ainsi une personne juridique.
Article 55 du Code civil : on doit déclarer une naissance sous 5 jours.
Article 56 : la déclaration doit être effectuée par le père ou par un témoin de la naissance.
La non-déclaration est sanctionnée de 6 mois d’emprisonnement et 3750€ d’amende.


Un enfant qui souhaite être indemnisé des dommages qu’il a subi a-t-il droit à des réparations ?

Jurisprudence Perruche : parents qui assignent en justice la CPAM de l’Yonne au nom de leur enfant né avec une grave malformation au motif de l’avoir laissé naître.

En conséquence, loi du 4 mars 2002 : « Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance ».

§ 2. Avant la naissance

a) La règle infans conceptus

L’embryon est traité par le droit par la règle infans conceptus (« enfant conçu »).
On crée une fiction juridique en faisant comme si l’enfant est une personne juridique alors qu’il est encore dans le ventre de sa mère.
Il ne peut être traité comme un enfant uniquement quand c’est dans son intérêt (art. 725 du Code civil).
→ pratique si l’un des parents meurt avant la naissance de l’enfant

b) L’embryon

On parle d’embryon jusqu’à la 12ème semaine de grossesse. On parle ensuite de fœtus.

Article 16 du Code civil :

La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie.

D’après le comité de bioéthique, l’embryon est une personne humaine potentielle dont le respect s’impose à tous. C’est une personne par anticipation.

La loi bioéthique de 1994 définit 2 catégories d’embryons :
– ceux associés à un projet parental
– les autres
Elle prévoit la fin de la conservation (= la destruction) de ces derniers.
Interrogé sur cette loi, le Conseil constitutionnel affirme que le législateur n’a pas appliqué l’article 16, mais il ne sanctionne pas la loi.

La Cour de cassation a dû se prononcer sur le statut de l’embryon à cause de l’incrimination par le droit pénal du délit d’homicide involontaire.
Son arrêt du 29 juin 2001 en assemblée plénière exclut que provoquer involontairement la mort d’un enfant à naître est un homicide involontaire.
« dont le régime juridique relève de textes particuliers sur l’embryon ou le fœtus »
→ règles spéciales ; l’enfant à naître n’est pas une personne


Néanmoins, les embryons ne sauraient être réduits à des choses.
→ ce sont des personnes par anticipation

Carbonnier parle de « non-sujet de droit » (→ pas des objets).
Régime particulier : on doit qualifier ce qu’est l’embryon.

Un arrêt de la CJUE (cour suprême du droit de l’UE) a défini juridiquement l’embryon.
Une directive européenne portant sur la brevetabilité des inventions en matière de biotechnologies dispose qu’il ne peut pas y avoir de brevetabilité si des expériences ont du être menées sur des embryons humains.

Section 2 : La mort

§ 1. La certitude de la mort

a) Un fait juridique

Les morts ne sont plus des personnes ; ils ne sont plus rien.

La personne, lorsqu’elle décède, n’est plus une personne. C’est un corps, qui a été une personne.

C’est la déclaration de la mort à l’officier d’état civil qui entraîne la fin de la personne juridique.

Définition de la mort dans le droit :
Selon le Code de la santé publique, pour parler de mort, il faut un arrêt cardiaque et respiratoire persistant. 3 critères doivent être établis :
> une absence totale de conscience et d’activité motrice
> une abolition de tout réflexe du tronc cérébral
> une absence totale de ventilation spontanée
Pour cela, il faut 2 ECG plats à 4h d’intervalle + 1 autre vérification.
→ On vérifie que cet état est bien irréversible. On attend 24h avant l’inhumation.

La Cour de cassation, saisie en 1994, affirme que l’indemnisation d’un dommage n’est pas fonction de la représentation que s’en fait la victime. Le dommage s’apprécie de manière objective. On ne peut donc pas priver une personne d’une indemnisation parce qu’elle n’a pas conscience du dommage.

b) Mort et volonté

En droit français, le suicide est une liberté s’il n’est pas aidé.
Ce qui est interdit, c’est la provocation au suicide (= pousser autrui au suicide) et la non-assistance à personne en danger (= si je peux aider quelqu’un sans que cela me mette en danger, je dois le faire).

L’article 2 de la CEDH dispose que « le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi ».
→ interdit que la mort soit infligée intentionnellement

Mais l’article 8 dispose que « toute personne a le droit au respect de sa vie privée et familiale ».
→ une fin de vie digne est-elle intégrée à ce droit ?

Décision CEDH : Pretty vs Royaume-Uni
Mme Pretty attaque le Royaume-Uni pour l’interdiction à l’aide à la fin de vie, qu’elle estime contraire à l’article 2 de la CEDH.
Réponse de la cour : il n’est pas possible de déduire de l’article 2 un droit à mourir. « L’article 2 ne saurait sans distorsion de langage être interprété comme consacrant un droit diamétralement opposé ».
La cour explique aussi qu’on ne peut exclure que l’impossibilité de mourir quand on le souhaite constitue une atteinte à la vie privée. Elle ouvre donc une voie possible : une fin de vie indigne peut être considérée comme une atteinte à la vie privée.

Arrêt Koch vs Allemagne : l’épouse d’un homme complètement paralysée qui demandait la fin de sa vie qu’il considérait indigne, qui a dû aller voir l’association Dignitas en Suisse. Estime qu’il s’agit d’une atteinte à l’article 8.
Réponse de la cour : il est possible d’imaginer que l’article 8 soit mobilisé dans cette situation. Ici, il y a eu une ingérence dans le respect de sa vie privée.

Position française : il est possible d’arrêter les soins dès que ceux-ci résultent d’une « obstination déraisonnable ». Cet arrêt des soins peut se faire selon la volonté du patient qui peut prévoir dans une directive anticipée de demander à ce que ses soins cessent. Ça peut aussi être une décision du corps médical.

Affaire Lambert : à la suite d’un accident de moto, M. Lambert est maintenu en vie grâce à des traitements médicaux. Sa femme demande l’arrêt des soins car il est acquis que son état ne s’améliorera pas. Ses parents s’y opposent.
Les médecins, par une procédure collégiale, ont considéré qu’il fallait mettre fin au traitement qui résultait d’une « obstination déraisonnable ».
Après plus de 10 ans de procédure, la Cour de cassation en assemblée plénière finit par décider de l’arrêt des soins.

La loi nous dit que si une décision d’arrêt des soins est prise, elle doit toujours être accompagnée de soins palliatifs jusqu’à la mort pour assurer la dignité du mourant et sa qualité de (fin de) vie.

En 2016 : ajout de la possibilité d’obtenir une sédation profonde (= droit de dormir avant de mourir pour ne pas souffrir).

Le droit français tend à trouver un entre-deux pour accompagner le patient jusqu’à la mort et réduire ses souffrances.

§ 2. L’incertitude de la mort

a) L’absence

Situation d’absence : disparaissent du jour au lendemain.
En France, il y a 40 000 disparitions par an, dont 10 000 jugées inquiétantes.
Celles qui intéressent le droit sont celles où il y a une réclamation de la famille.

Il y a 2 périodes dans le recherche des personnes « absentes » :

  1. Dans un 1er temps, le juge rend un jugement de présomption d’absence
    → présume que la personne est vivante mais absente
    → objectif : organiser juridiquement cette absence en organisant un système de représentation (une personne va représenter la personne et gérer ses biens)
    Le droit protège en présumant que la personne est absente et en la représentant.
    Si la personne réapparaît dans les 10 ans, la présomption d’absence cesse.
  2. Si la personne ne revient pas dans les 10 ans après le jugement qui a constaté l’absence, la présomption de vie cesse.
    → elle est considérée comme une personne décédée
    jugement déclaratif d’absence

En l’absence de jugement de présomption d’absence, la personne est considérée morte 20 ans après qu’elle ait cessé de se présenter à son domicile.

b) La disparition

Lorsque la mort est à peu près certaine (avalanche, crash aérien…) mais le corps n’est pas retrouvé, une procédure qui déclare judiciairement le décès est nécessaire.
→ C’est le droit qui peut déclarer la personne décédée.