Chapitre 3 : La protection de la vulnérabilité

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Section 1 : La protection des personnes physiques

§ 1. Théorie générale des incapacités

a) L’exception à la règle : l’incapacité

La règle posée à l’article 8 du Code civil est :

Tout Français jouira des droits civils.

→ Par principe, je suis capable.

La capacité, d’un point de vue juridique, est l’aptitude à être sujet de droit et à exercer ses droits.
La capacité est donc composée de la jouissance et de l’exercice de ses droits.

L’incapacité peut se situer au niveau de la jouissance de ses droits, mais aussi au niveau de l’exercice de ses droits.

Article 1145 du Code civil :

Toute personne physique peut contracter sauf en cas d’incapacité prévue par la loi.

L’article 11 du Code civil complète l’article 8 :

L’étranger jouira en France des mêmes droits civils que ceux qui sont ou seront accordés aux Français par les traités de la nation à laquelle cet étranger appartiendra.

La Cour de cassation fait évoluer ce texte (en l’interprétant) au regard des enjeux du temps.

L’incapacité porte sur les actes juridiques patrimoniaux (= en lien avec les éléments du patrimoine de la personne).
→ il y a donc des questions qui sont en dehors de cette incapacité

Exemple : en matière de responsabilité civile (du point de vue du délit, de la faute qu’il connaît), l’incapable est responsable.

Il en est de même pour les actes personnels (mariage, testament, reconnaissance d’un enfant…) : soit la personne peut les exercer et elle dispose de sa pleine capacité, soit elle est trop fragile et une représentation n’est pas possible.

b) La diversité des remèdes

On distingue 2 typologies d’incapacité :

  • L’incapacité de jouissance est l’incapacité à être sujet de droit et à faire certains actes.
    Elle est toujours spéciale ou ponctuelle ; si elle est totale, cela équivaut à une privation de la personnalité juridique de la personne.
    Les incapacités sont particulières à une certaine catégorie de personnes ; par exemple, les étrangers, concernés par l’article 11.
    Exemple : le personnel de maison de retraite ne peut pas acquérir ou louer des biens à une personne admise dans l’établissement.
  • L’incapacité d’exercice met en place juridiquement un mécanisme permettant néanmoins au patrimoine de la personne de ne pas être figé : le mécanisme de la représentation ; une personne agit au nom et pour le compte d’une autre personne.
    Le représentant est celui qui juridiquement va signer le contrat, au nom et pour le compte du représenté, qui ne figure pas sur la scène juridique.
    Il peut arriver que, par contrat, quelqu’un désigne une personne pour la représenter (procuration).

     

    À côté de la représentation : l’assistance → on exige la volonté de l’incapable et de la personne qui la représente.

c) La trilogie : acte conservatoire, acte d’administration, acte de disposition

L’incapable doit pouvoir accomplir les tâches de la vie courante (ex : faire ses courses).
On distingue 3 typologies d’actes en fonction de leur gravité :

  • Acte conservatoire : destiné à sauvegarder un bien menacé de péril imminent.
    Il est urgent et nécessaire.
    Exemple : acte interruptif de prescription, réparation urgente d’un bâtiment…
  • Acte d’administration : acte normal de gestion du patrimoine.
  • Acte de disposition : modifie de manière permanente et irrévocable le patrimoine de l’incapable.

Pour distinguer un acte d’administration d’un acte de disposition, on considère la valeur et la consistance du patrimoine.
Par exemple, si je vends une action Peugeot pour acheter une action Renault, ça n’est pas un acte de disposition.

§ 2. Application concrète

a) Le mineur

Le mineur peut faire seul les actes conservatoires et les actes de la vie courante.
Il est protégé dans les actes de la vie courante qu’il peut accomplir seul.
Les actes accomplis par le mineur peuvent être annulés pour simple lésion (= contrat déséquilibré), alors qu’en droit français la lésion n’est pas une cause de nullité.

L’article 388 du Code civil dispose que le mineur est « l’individu qui n’a point encore l’âge de dix-huit ans accomplis ».
Mais les mineurs peuvent être émancipés.
De plus, l’âge de la minorité n’est pas identique partout.

Pour l’avortement, on tend à obtenir le consentement d’1 des titulaires de l’autorité parentale, mais on peut passer outre.
Pour le mariage, un double consentement est nécessaire : les parents doivent donner leur consentement mais on peut passer outre le consentement de l’un des parents.
Le mineur peut rédiger son testament sur la moitié de sa quotité disponible.

⚠️ Ce n’est pas ici une logique de représentation, mais une logique d’assistance, puisque ce sont des actions personnels (→ une représentation n’est pas envisageable).

L’article 4153 du Code du travail interdit le travail des enfants de moins de 16 ans.
Exceptions : les secteurs du spectacle, de la publicité et de la mode (autorisation individuelle préalable).

Pour les enfants influenceurs :
> droit à l’oubli : les plateformes sont obligées de faire disparaître les vidéos à la demande du mineur ;
> le mineur aura droit à une part des revenus générés.

b) Le majeur

L’incapacité peut être liée à des incidents de la vie.

Pour les majeurs, le principe est la capacité.
Exceptionnellement, un majeur peut être frappé d’incapacité.

L’article 415 du Code civil dispose que la protection du majeur incapable doit se faire dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne.
On protège :
1- le patrimoine de la personne
2- la personne en tant que telle

+ La protection des majeurs est un devoir des familles et la collectivité publique.
+ La protection doit toujours être proportionnelle à l’altération des capacités de la personne.

L’article 1425 du Code civil envisage 2 typologies d’altération :
1- l’altération des capacités mentales
2- l’altération des capacités corporelles
→ Il faut que la personne ne soit plus en capacité d’exprimer sa volonté.

Face à cette altération qui empêche de consentir, le droit pallie par une logique de représentation.
Si je ne peux pas consentir, je dois être représenté.

L’altération doit être médicalement constatée.

On distingue :

  • La curatelle : la personne reste autonome dans les actes simples de la vie, mais doit être accompagnée pour les actes importants.
    Le juge des tutelles définit ce que la personne peut réaliser seule ou non, en fonction de son état.
  • La tutelle : on désigne un tuteur qui sera juridiquement le représentant de l’incapable.
    La loi définit :

     

    • les actes que la personne protégée peut réaliser par elle-même (courses, envoi de courrier…)
    • les actes qui nécessitent l’autorisation du tuteur (ex : renouvellement d’un titre d’identité)
    • les actes qui nécessitent l’autorisation du juge des tutelles (ex : changement de domicile).

    Possible pour le futur incapable de désigner de manière anticipée son tuteur.
    Sinon, le juge désigne quelqu’un de la famille, ou à défaut un mandataire judiciaire.

  • La sauvegarde de justice : mesure de protection de courte durée, qui permet à un majeur d’être représenté pour accomplir certains actes de la vie courante.
    Peut éviter de prononcer une tutelle ou une curatelle (plus contraignante).
    Permet à la personne protégée de remettre en cause pour lésion les actes qu’elle aurait conclu dans sa période de fragilité.
  • Le mandat de protection future : contractualisation de la question de la représentation pour incapacité.
    Le législateur permet à toute personne d’anticiper sa prochaine vulnérabilité / fragilité.

Section 2 : La protection des personnes morales

§ 1. Sauvegarde et redressement

Pour les personnes physiques, le principe est celui de la capacité.
La personne morale est dotée d’une capacité de jouissance spéciale : elle est capable pour réaliser les actes en lien avec son objet.

  • Sauvegarde : la personne morale est en difficulté, mais pas en cessation de paiement (= actif qui ne permet pas de faire face au passif).
    La sauvegarde est mise en place pour lui permettre de maintenir son activité, dans l’intérêt de ses salariés et de ses clients.
    On suspend les actions judiciaires, le paiement des intérêts, etc.
  • Redressement : si la personne morale est en cessation de paiement, on met en place une procédure collective (place sous contrôle judiciaire le fonctionnement de la personne morale : rassemble tous les créanciers et les prive du droit d’agir individuellement).
    Lorsque l’on pense qu’il est possible de maintenir l’activité, on met en place un plan de redressement, avec l’objectif d’abjurer le passif de la société.

§ 2. Liquidation

Lorsque le maintien de l’activité n’est plus possible, la liquidation met fin à l’activité.
Le gérant est dessaisi de la société.
L’urgence est de payer les différents créanciers.

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