Chapitre 1 : La personne humaine

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Aujourd’hui, toute personne physique est une personne juridique (la mort civile et l’esclavage n’existent plus).

💡 Un immigrĂ© sans papiers est une personne juridique.

Quand devient-on un personne juridique ? Quand est-ce qu’on ne l’est plus ?
→
2 bornes temporelles de la personne juridique : la naissance et la mort
→ 2 faits auquel le droit va attacher une consĂ©quence

Section 1 : La naissance

§ 1. AprÚs la naissance

a) DĂ©finition

Naissance = qualité de personne juridique conférée.
AprĂšs la naissance, on devient sujet de droit.
Pour la naissance, l’enfant doit ĂȘtre vivant et viable.

L’article 79-1 du Code civil prĂ©voit l’acte d’enfant sans vie, qui permet aux parents d’inscrire l’enfant dans le livret de famille : il naĂźt avec des consĂ©quences juridiques.
→ Fonction symbolique : reconnaĂźtre l’existence de cet enfant.

Cour de cassation : cet acte d’enfant sans vie ne doit pas ĂȘtre subordonnĂ© au poids du fƓtus ni Ă  la durĂ©e de la grossesse. Il faut qu’il y ait eu un accouchement, et un enfant vivant mais non viable.

b) Conséquences juridiques

Pour un enfant nĂ© vivant et viable, il y a obligation de dĂ©clarer l’enfant / la naissance Ă  un officier d’Ă©tat civil.
C’est la dĂ©claration Ă  l’Ă©tat civil qui donne juridiquement vie Ă  l’enfant ; il devient ainsi une personne juridique.
Article 55 du Code civil : on doit déclarer une naissance sous 5 jours.
Article 56 : la dĂ©claration doit ĂȘtre effectuĂ©e par le pĂšre ou par un tĂ©moin de la naissance.
La non-dĂ©claration est sanctionnĂ©e de 6 mois d’emprisonnement et 3750€ d’amende.


Un enfant qui souhaite ĂȘtre indemnisĂ© des dommages qu’il a subi a-t-il droit Ă  des rĂ©parations ?

Jurisprudence Perruche : parents qui assignent en justice la CPAM de l’Yonne au nom de leur enfant nĂ© avec une grave malformation au motif de l’avoir laissĂ© naĂźtre.

En consĂ©quence, loi du 4 mars 2002 : « Nul ne peut se prĂ©valoir d’un prĂ©judice du seul fait de sa naissance Â».

§ 2. Avant la naissance

a) La rĂšgle infans conceptus

L’embryon est traitĂ© par le droit par la rĂšgle infans conceptus (« enfant conçu Â»).
On crĂ©e une fiction juridique en faisant comme si l’enfant est une personne juridique alors qu’il est encore dans le ventre de sa mĂšre.
Il ne peut ĂȘtre traitĂ© comme un enfant uniquement quand c’est dans son intĂ©rĂȘt (art. 725 du Code civil).
→ pratique si l’un des parents meurt avant la naissance de l’enfant

b) L’embryon

On parle d’embryon jusqu’à la 12ùme semaine de grossesse. On parle ensuite de fƓtus.

Article 16 du Code civil :

La loi assure la primautĂ© de la personne, interdit toute atteinte Ă  la dignitĂ© de celle-ci et garantit le respect de l’ĂȘtre humain dĂšs le commencement de sa vie.

D’aprĂšs le comitĂ© de bioĂ©thique, l’embryon est une personne humaine potentielle dont le respect s’impose Ă  tous. C’est une personne par anticipation.

La loi bioĂ©thique de 1994 dĂ©finit 2 catĂ©gories d’embryons :
– ceux associĂ©s Ă  un projet parental
– les autres
Elle prévoit la fin de la conservation (= la destruction) de ces derniers.
InterrogĂ© sur cette loi, le Conseil constitutionnel affirme que le lĂ©gislateur n’a pas appliquĂ© l’article 16, mais il ne sanctionne pas la loi.

La Cour de cassation a dĂ» se prononcer sur le statut de l’embryon Ă  cause de l’incrimination par le droit pĂ©nal du dĂ©lit d’homicide involontaire.
Son arrĂȘt du 29 juin 2001 en assemblĂ©e plĂ©niĂšre exclut que provoquer involontairement la mort d’un enfant Ă  naĂźtre est un homicide involontaire.
« dont le rĂ©gime juridique relĂšve de textes particuliers sur l’embryon ou le fƓtus Â»
→ rĂšgles spĂ©ciales ; l’enfant Ă  naĂźtre n’est pas une personne


NĂ©anmoins, les embryons ne sauraient ĂȘtre rĂ©duits Ă  des choses.
→ ce sont des personnes par anticipation

Carbonnier parle de « non-sujet de droit Â» (→ pas des objets).
RĂ©gime particulier : on doit qualifier ce qu’est l’embryon.

Un arrĂȘt de la CJUE (cour suprĂȘme du droit de l’UE) a dĂ©fini juridiquement l’embryon.
Une directive europĂ©enne portant sur la brevetabilitĂ© des inventions en matiĂšre de biotechnologies dispose qu’il ne peut pas y avoir de brevetabilitĂ© si des expĂ©riences ont du ĂȘtre menĂ©es sur des embryons humains.

Section 2 : La mort

§ 1. La certitude de la mort

a) Un fait juridique

Les morts ne sont plus des personnes ; ils ne sont plus rien.

La personne, lorsqu’elle dĂ©cĂšde, n’est plus une personne. C’est un corps, qui a Ă©tĂ© une personne.

C’est la dĂ©claration de la mort Ă  l’officier d’Ă©tat civil qui entraĂźne la fin de la personne juridique.

DĂ©finition de la mort dans le droit :
Selon le Code de la santĂ© publique, pour parler de mort, il faut un arrĂȘt cardiaque et respiratoire persistant. 3 critĂšres doivent ĂȘtre Ă©tablis :
> une absence totale de conscience et d’activitĂ© motrice
> une abolition de tout réflexe du tronc cérébral
> une absence totale de ventilation spontanée
Pour cela, il faut 2 ECG plats Ă  4h d’intervalle + 1 autre vĂ©rification.
→ On vĂ©rifie que cet Ă©tat est bien irrĂ©versible. On attend 24h avant l’inhumation.

La Cour de cassation, saisie en 1994, affirme que l’indemnisation d’un dommage n’est pas fonction de la reprĂ©sentation que s’en fait la victime. Le dommage s’apprĂ©cie de maniĂšre objective. On ne peut donc pas priver une personne d’une indemnisation parce qu’elle n’a pas conscience du dommage.

b) Mort et volonté

En droit français, le suicide est une libertĂ© s’il n’est pas aidĂ©.
Ce qui est interdit, c’est la provocation au suicide (= pousser autrui au suicide) et la non-assistance Ă  personne en danger (= si je peux aider quelqu’un sans que cela me mette en danger, je dois le faire).

L’article 2 de la CEDH dispose que « le droit de toute personne Ă  la vie est protĂ©gĂ© par la loi ».
→ interdit que la mort soit infligĂ©e intentionnellement

Mais l’article 8 dispose que « toute personne a le droit au respect de sa vie privĂ©e et familiale ».
→ une fin de vie digne est-elle intĂ©grĂ©e Ă  ce droit ?

DĂ©cision CEDH : Pretty vs Royaume-Uni
Mme Pretty attaque le Royaume-Uni pour l’interdiction Ă  l’aide Ă  la fin de vie, qu’elle estime contraire Ă  l’article 2 de la CEDH.
RĂ©ponse de la cour : il n’est pas possible de dĂ©duire de l’article 2 un droit Ă  mourir. « L’article 2 ne saurait sans distorsion de langage ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme consacrant un droit diamĂ©tralement opposé ».
La cour explique aussi qu’on ne peut exclure que l’impossibilitĂ© de mourir quand on le souhaite constitue une atteinte Ă  la vie privĂ©e. Elle ouvre donc une voie possible : une fin de vie indigne peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une atteinte Ă  la vie privĂ©e.

ArrĂȘt Koch vs Allemagne : l’Ă©pouse d’un homme complĂštement paralysĂ©e qui demandait la fin de sa vie qu’il considĂ©rait indigne, qui a dĂ» aller voir l’association Dignitas en Suisse. Estime qu’il s’agit d’une atteinte Ă  l’article 8.
RĂ©ponse de la cour : il est possible d’imaginer que l’article 8 soit mobilisĂ© dans cette situation. Ici, il y a eu une ingĂ©rence dans le respect de sa vie privĂ©e.

Position française : il est possible d’arrĂȘter les soins dĂšs que ceux-ci rĂ©sultent d’une « obstination dĂ©raisonnable ». Cet arrĂȘt des soins peut se faire selon la volontĂ© du patient qui peut prĂ©voir dans une directive anticipĂ©e de demander Ă  ce que ses soins cessent. Ça peut aussi ĂȘtre une dĂ©cision du corps mĂ©dical.

Affaire Lambert : Ă  la suite d’un accident de moto, M. Lambert est maintenu en vie grĂące Ă  des traitements mĂ©dicaux. Sa femme demande l’arrĂȘt des soins car il est acquis que son Ă©tat ne s’amĂ©liorera pas. Ses parents s’y opposent.
Les mĂ©decins, par une procĂ©dure collĂ©giale, ont considĂ©rĂ© qu’il fallait mettre fin au traitement qui rĂ©sultait d’une « obstination dĂ©raisonnable ».
AprĂšs plus de 10 ans de procĂ©dure, la Cour de cassation en assemblĂ©e plĂ©niĂšre finit par dĂ©cider de l’arrĂȘt des soins.

La loi nous dit que si une dĂ©cision d’arrĂȘt des soins est prise, elle doit toujours ĂȘtre accompagnĂ©e de soins palliatifs jusqu’Ă  la mort pour assurer la dignitĂ© du mourant et sa qualitĂ© de (fin de) vie.

En 2016 : ajout de la possibilitĂ© d’obtenir une sĂ©dation profonde (= droit de dormir avant de mourir pour ne pas souffrir).

Le droit français tend Ă  trouver un entre-deux pour accompagner le patient jusqu’Ă  la mort et rĂ©duire ses souffrances.

§ 2. L’incertitude de la mort

a) L’absence

Situation d’absence : disparaissent du jour au lendemain.
En France, il y a 40 000 disparitions par an, dont 10 000 jugées inquiétantes.
Celles qui intĂ©ressent le droit sont celles oĂč il y a une rĂ©clamation de la famille.

Il y a 2 périodes dans le recherche des personnes « absentes » :

  1. Dans un 1er temps, le juge rend un jugement de prĂ©somption d’absence
    → prĂ©sume que la personne est vivante mais absente
    → objectif : organiser juridiquement cette absence en organisant un systĂšme de reprĂ©sentation (une personne va reprĂ©senter la personne et gĂ©rer ses biens)
    Le droit protÚge en présumant que la personne est absente et en la représentant.
    Si la personne rĂ©apparaĂźt dans les 10 ans, la prĂ©somption d’absence cesse.
  2. Si la personne ne revient pas dans les 10 ans aprĂšs le jugement qui a constatĂ© l’absence, la prĂ©somption de vie cesse.
    → elle est considĂ©rĂ©e comme une personne dĂ©cĂ©dĂ©e
    → jugement dĂ©claratif d’absence

En l’absence de jugement de prĂ©somption d’absence, la personne est considĂ©rĂ©e morte 20 ans aprĂšs qu’elle ait cessĂ© de se prĂ©senter Ă  son domicile.

b) La disparition

Lorsque la mort est Ă  peu prĂšs certaine (avalanche, crash aĂ©rien
) mais le corps n’est pas retrouvĂ©, une procĂ©dure qui dĂ©clare judiciairement le dĂ©cĂšs est nĂ©cessaire.
→ C’est le droit qui peut dĂ©clarer la personne dĂ©cĂ©dĂ©e. 

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