Chapitre 1 : L’identification des personnes humaines

Cliquer ici pour revenir au sommaire du cours complet de droit des personnes.

Il est nécessaire pour l’État d’identifier qui doit être protégé en raison de sa qualité de personne juridique. L’identification est aussi importante pour la gestion des rapports entre les personnes juridiques.

La personne physique est identifiée par son état civil, c’est-à-dire l’ensemble des qualités inhérentes à la personne et que la loi civile prend en considération pour y attacher des effets de droit.
→ nom, prénom, date de naissance… : pour chaque qualité, il y a des conséquences juridiques différentes.

Les qualités prises en compte dépendent des traditions juridiques et culturelles.

Section 1 : Les éléments d’identification

§ 1. Le nom

a) L’attribution

Le nom est traditionnellement attribué par filiation.

L’article 311-21 du Code civil (loi de 2013) met en place un système en théorie égalitaire : les parents peuvent choisir le ou les noms qu’ils donnent à leur enfant. Mais si les parents ne font pas de choix, l’enfant prend le nom du père.

La 2ème cause d’attribution du nom est le mariage. L’article 225-1 du Code civil permet à titre d’usage de porter le nom de l’autre époux par substitution ou adjonction. Généralement, c’est la femme qui prend comme nom d’usage celui de son mari.

Ces règles sont éminemment politiques.

On peut demander à changer de nom. Les situations le justifiant sont :
> éviter l’extinction d’un nom dans ma lignée
> si mon nom est grotesque
> si mon nom est celui d’un personnage atroce de l’histoire ou d’un grand criminel

b) L’utilisation

Mon nom sert à me définir, à me distinguer de mon voisin – mais au-delà de la possibilité d’identification, il y a-t-il une possibilité de commercialisation ?

Affaire Bordas : M. Bordas fonde une maison d’édition à laquelle il donne son nom. Son nom devient donc la dénomination sociale de la société (Bordas est donc à la fois le nom de famille qui identifie M. Bordas et le signe distinctif de la société)
M. Bordas perd le contrôle de la société → il n’est plus lié juridiquement à la société. Il ne veut plus que son nom y soit associé.
Il invoque le principe d’inaliénabilité : il dit que le nom ne peut faire l’objet d’un contrat.
Arrêt de la Cour de cassation du 12 mars 1985 : le principe d’inaliénabilité empêche le titulaire de le céder pour permettre à une autre personne physique de l’utiliser comme nom. Le nom de famille dans sa fonction d’identification de la personne est donc inaliénable.
Mais il est possible de contractualiser son nom pour le céder pour une utilisation par une personne morale.

§ 2. Le prénom

a) L’attribution

Article 57 du Code civil :

Les prénoms de l’enfant sont choisis par ses père et mère.

La liberté des parents est aujourd’hui quasi totale, mais ça n’a pas toujours été ainsi : la loi du 11 germinal de l’an 11 prévoit que seuls puissent être donnés des noms du calendrier.

La CEDH affirme que « le prénom de l’enfant est doté d’un caractère intime et affectif ».

Une seule limite est donnée : l’enfant ne doit pas porter un prénom ridicule.

Il existe aussi une limite technique : le prénom doit utiliser l’alphabet romain et les signes usuels.
Cela a donné lieux à un contentieux sur les prénoms bretons : la cour d’appel de Rennes juge qu’il est possible d’inscrire dans l’état civil un prénom avec un ~.

b) Le changement

Il se peut que l’enfant souhaite changer de prénom, pour le franciser par exemple.

Le droit reconnaît, sous certaines conditions, l’utilisation d’un pseudonyme, à la condition que le pseudonyme ne permette pas d’empêcher l’État à nous identifier.

§ 3. Le domicile

Le domicile est défini par l’article 102 du Code civil :

Le domicile de tout Français, quant à l’exercice de ses droits civils, est au lieu où il a son principal établissement.

Il s’agit d’un concept juridique, par opposition à la résidence (notion factuelle).

On peut avoir plusieurs établissements, mais un seul domicile : on parle d’unicité du domicile.
→ Sous-entend que toute personne a droit à un domicile (= droit de domiciliation).

Le domicile est inviolable : personne ne peut pénétrer chez moi sans mon accord.

§ 4. Le sexe

Certaines règles sont attachées au fait d’être un homme ou une femme.
→ l’état civil reflète un positionnement politique à une époque donnée

Aujourd’hui, l’état du droit suppose d’identifier de manière binaire.

a) L’identification

Arrêt de 2007 : une personne considère qu’elle n’est ni homme ni femme et ne souhaite pas être catégorisée dans cette binarité qui ne la représente pas. Elle estime que cette catégorisation est une atteinte à sa vie privée.
La Cour de cassation considère que cette atteinte est proportionnée, mais n’exclut pas la possibilité d’un sexe neutre si la société (et donc la loi) souhaite évoluer.

b) Le changement

Il y a des personnes assimilées à la naissance homme ou femme mais qui psychologiquement se considèrent d’un autre sexe : on parle de transsexualisme.

Le droit français a longtemps été rigide sur la question.
Idée : l’individu ne prime pas sur la société.

La CEDH a condamné la France pour sa rigidité sur la question.
1992 : la Cour de cassation en assemblée plénière considère que le changement de sexe n’est pas impossible. Elle reconnaît la possibilité de changer de sexe mais la contraint :
> à la suite d’un traitement médico-chirurgical
> la personne doit avoir l’apparence du sexe opposé
> la personne ne possède plus de caractères du sexe d’origine
→ transformation irréversible
Pour la CEDH, cette exigence du droit français qui exige un changement irréversible est contraire à l’article 8 de la CEDH (droit au respect de sa vie privée et familiale). On doit permettre de changer de sexe pour simple motifs psychologiques.

Depuis 2016, l’article 61-5 du Code civil dispose qu’une personne peut changer de sexe s’il ne correspond plus à celui sous lequel elle se présente et elle est connue.
→ la CEDH a fait totalement changer d’approche

§ 5. La nationalité

a) L’attribution

Les critères attributifs de la nationalité varient d’un pays à l’autre.
Ce sont des critères unilatéraux qui ne peuvent pas être bilatéralisés.

Il y a traditionnellement 2 critères :
> le droit du sol
> le droit du sang
Mais on peut en imaginer d’autres : être l’époux d’une personne ayant la nationalité, durée de résidence dans le pays, etc.

À une époque (par exemple, Napoléon), le droit du sol était facilement donné.
Aujourd’hui, c’est un sujet politique. Le critère du sol ne suffit plus : désormais, il faut aussi avoir sa résidence en France.

On peut aussi demander la nationalité : procédure de naturalisation.

b) Les conflits

Exemple : une personne née aux États-Unis de parents italiens est italienne du point de vue du droit italien et étatsunienne du point de vue du droit étatsunien.
conflit positif de nationalité

Des individus peuvent avoir commutativement plusieurs nationalités.
Une personne qui possède 2 nationalités bénéficie des droits des 2 États.

Mais il y a des exceptions :
Principe de primauté de la nationalité du for : on ne peut, dans le pays où on se trouve, revendiquer que la nationalité de ce pays.
Dans d’autres cas, on prend la nationalité la plus effective, celle qui prime sur l’autre.

Il y a aussi des conflits négatifs de nationalité : un apatride est une personne qui ne peut se prévaloir d’aucune nationalité. Cela constitue un réel handicap : la personne ne peut pas exercer ses droits politiques et ne bénéficie d’aucune protection diplomatique.
→ assez rare

Section 2 : Le caractère de l’identification

§ 1. Le principe

Le principe de l’identification de la personne est gouverné par 2 règles :

  1. L’immutabilité de l’état civil (je suis né Timothée Peraldi, je mourrai Timothée Peraldi)
  2. L’indisponibilité de l’état civil (je ne peux pas juridiquement en disposer).

§ 2. Les exceptions

Il y a des exceptions à l’immutabilité. Par exemple, on peut, avec un motif sérieux, changer son nom / son prénom / son sexe, mais il faut un intérêt légitime. On peut aussi ajouter une nationalité ou changer de domicile (changement objectif).


Par principe, l’état civil n’est pas disponible (il ne peut pas faire l’objet d’une convention). Pourtant, on peut donner son nom à une société (ex : arrêt Bordas).

Autre exemple : question de la gestation pour autrui : savoir si une femme peut porter un enfant et, à la naissance, le donner à une autre mère.
La GPA suppose un contrat entre les parents non biologiques et la mère biologique.
La question de la filiation (nom, nationalité) est contractée, ce qui va à l’encontre du principe d’indisponibilité de l’état civil.
1991 : arrêt de l’assemblée plénière de la Cour de cassation : il est contraire aux principes d’indisponibilité de l’état civil des personnes de faire produire des effets au regard de la filiation à un contrat de GPA, fût-il licite à l’étranger.
→ Situation pour l’enfant : aux États-Unis, il est lié aux parents d’intention ; en France, il est l’enfant de la mère biologique.

La Cour de cassation a donc longtemps considéré qu’il fallait rester attaché aux valeurs du droit français et que de tels comportements sont assimilables à de la fraude.
La CEDH prend en compte l’intérêt de l’enfant et sanctionne la France. Elle dit qu’il faut faire produire des droits de filiation à ces contrats produits à l’étranger.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *