L’obligation d’information des consommateurs sur les prix et les conditions de vente

Fiche rédigée par Elfiad.

Introduction

Le professeur Jeandidier compare « le consommateur à un enfant, émerveillé par tout ce qui lui est proposé, étourdi par la multitude des produits et la rutilance de leur présentation, anesthésié par l’envie de posséder tout ce qui lui est offert. La magie de l’étalage est même un artifice désastreux, créant des besoins chimériques, aux conséquences financières malheureusement bien réelles » Même si c‘est un peu stigmatisé, on ne peut qu’être d’accord avec la définition dans le fond et pour les plus suspicieux je vous conseille le livre du philosophe Herbert Marcuse « l’individu unidimensionnel » qui apporte une approche assez intéressante de notre société de consommation.

Pour bien situer le sujet, on n’a qu’à faire appel à l’expérience individuel du tout consommateur qui est en nous et qui s’est trouvé certainement, un jour, en face d’une situation ou il a été confronté à un manque d’information sur un produit lors d’un d’achat. Dés lors on peut se poser des questions légitimes d’ailleurs: à commencer par savoir si on remplie pleinement l’obligation d’information à mon égard? – En quoi consiste cette obligation? Étais-je suffisamment vigilant? ETC…., Des questions auxquelles, on essayera d’y répondre tout au long de ce sujet. A commencer par une partie préliminaire consacrée à une présentation générale de l’obligation d’information.

L’objet de cette introduction vise essentiellement à opérer un nombres de réflexions: rappel historique, définitions et distinctions, qui seront traités dans une première partie sous le titre de généralité(A) pour se consacrer ensuite à l’origine de l’obligation d’information dans une seconde partie ( B). Travail, qui nous permettra de mieux cerner le sujet par la suite.

A- Généralités

1- Histoire socio-économique

Elle nous révèle que Le degré du développement d’une société est fonction de la satisfaction des besoins de ses consommateurs. Plus il y a de demande, plus il y a de production et plus il y aurait des créations d’emplois(nous dit-on) .

Le consommateur se trouve ainsi objet de toutes les convoitises, mais dans la réalité il ne reçoit pas tous les égards qu’il serait en droit d’attendre. L’unique moteur des commerçants est le profit avec lequel ils n’auront souvent guère d’hésitation voir de scrupules à broyer les intérêts des consommateurs.

La réaction de la société civile sous forme d’un puissant mouvement visant la protection des consommateurs, était inévitable. Il y a l’action de Ralph Nader aux États-uniennes au début de la seconde moitié du xxc siècle en témoigne. L’Europe occidentale suivra avec quelque décalage temporel.

Cette émergence du phénomène du consumérisme caractérisé par le déséquilibre dans les relations entre professionnels et consommateurs tient pour une bonne part à l’inégalité de leur information. Le droit à l’information parait ainsi comme un des axes majeurs de toute politique de défense des consommateurs. Ce mouvement donnera lieu par la suite à:

– La naissance d’associations de consommateurs qu’ont implantées leur réseau protecteur dans tout le pays. (Elles éditent certains périodiques à forte diffusion.)

– Et le législateur, dans la logique de la réceptivité et dans le souci de respecter le poids électoral de ces nouveaux croisés a édifié et édifie constamment et progressivement tout un corpus de règles protectrices. Celles-ci ont été récemment compilées dans un Code de la consommation (loi n° 93 949 du 26 juillet 1993)

2- Définition du consommateur

Il n’est pas sans intérêt de rappeler la définition du consommateur sans rentrer pour autant dans une polémique de terminologie juridique. On se contentera de la définition proposée par la commission de refonte du droit de la consommation: « Les consommateurs sont les personnes physiques ou morales de droit privé qui se procurent ou qui utilisent des biens ou des services pour un usage non professionnel »

3- Distinction entre l’obligation d’information et la publicité

Il convient de ne pas confondre information et publicité. Celle-ci n’a pas pour but d’informer; elle a pour mission d’attirer les consommateurs. Car une publicité est nécessairement tendancieuse. Il faut donc que les professionnels fournissent aux consommateurs une véritable information, une information objective. Le juge a eu l’occasion de le confirmer dans une décision de la CA de Paris ch. accusation du 14 décembre 1982. Ou il était question de savoir; ceci dans le cadre d’une interprétation de l’article 44 de la loi de 1973 sur la publicité mensongère; si on pouvait mettre à la charge de l’annonceur une obligation positive d’information? La cour à répondu par le négative

Mais il faut noter, que si cette obligation positive d’information ne peut résulter de l’article 44. Elle peut résulter d’un texte particulier. C’est ce que le législateur a fixé en imposant dans les publicités par les prix et certaines opérations de nature financière des mentions particulières dont l’objet est d’informer le consommateur.

B- L’obligation d’information sur les prix et les conditions de vente s’inscrit dans le cadre d’une obligation générale d’information

Les professionnels ont toujours fourni des renseignements à leurs clients. Seulement, cette information n’est pas toujours satisfaisante, ni complète. Aussi bien, le législateur a dû intervenir pour imposer aux professionnels de fournir certaines informations. On peut distinguer entre une obligation générale d’information, que nous examinerons en premier lieu (1) et qu’est difficilement utilisable par les consommateurs. Elle a donc été complétée par des obligations plus précises, assorties de sanctions plus efficaces et spécialement édictées en faveur des consommateurs, dont l’obligation d’information sur les prix et les conditions de vente, qu’on décryptera la nature dans une seconde partie (2) et enfin le fondement de cette obligation dans une dernière partie (3)

1- L’obligation générale d’information

La jurisprudence, sur la base de quelques textes généraux du code civil, met à la charge de certains contractants l’obligation de renseigner l’autre contractant. Cette obligation générale d’information, dite aussi de renseignement, n’est pas sans intérêt pour les consommateurs

– Obligation précontractuelle d’information: Celui qui vend un bien ou qui fournit un service doit, préalablement à la conclusion du contrat, renseigner l’autre contractant sur les caractéristiques principales de ce bien ou de ce service, ainsi que sur les conditions du contrat. La règle est formulée, pour le contrat de vente, par l’article 1602 du code civil

– Obligation contractuelle d’information: Elle dérive du contrat. C’est une obligation accessoire que la jurisprudence découvre dans un nombre croissant de contrats, spécialement dans ceux conclus entre professionnels et consommateurs en se fondant ici sur l’article 1135 du code civil. En certains cas, l’obligation d’information se double d’une obligation de conseil: il ne suffit pas de renseigner le contractant, il faut lui proposer la solution qui sert le mieux ses intérêts. Ainsi pour les médecins.

Mais en raison de sa généralité cette obligation d’information générale comporte, une part d’incertitude: les professionnels ne peuvent pas tous prévoir puis elle ne peut être sanctionnée qu’au moyen d’actions individuelles en justice; or, le recours aux tribunaux se révèle, pour les actes de consommation courante, disproportionné à l’intérêt en jeu. Il faut un préjudice très important, et dès lors exceptionnel, pour qu’un consommateur songe à invoquer l’obligation générale d’information. Par-là apparaît l’utilité des obligations spéciales.

2- La nature de l’obligation d’information sur les prix et les conditions de vente

Des dispositions législatives impératives précisent l’information que les professionnels doivent fournir aux consommateurs. Parmi ces obligations spéciales, il y a l’obligation générale d’information sur les prix et les conditions de vente qui sont assorties de sanctions pénales. Les agents de la DGCCRF ont pour mission de rechercher et de constater les infractions. Le respect des textes impératifs est donc assuré de façon préventive et collective, sans qu’il soit nécessaire que chaque consommateur agisse individuellement. À noter que les obligations spéciales ont un caractère minimal, elles ne dispensent pas les professionnels de leur obligation générale d’information.

Cette obligation spéciale concernant l’information des consommateurs ne se divise pas en obligation précontractuelle et obligation contractuelle. Elle a indistinctement les deux caractères, car elle vise à la fois à éclairer le consentement du consommateur, avant la conclusion du contrat et à permettre, après celle-ci une utilisation correcte du bien ou du service acquis.

3- Le fondement de l’obligation d’information

Le Code de la consommation contient plusieurs articles introductifs (art. L. 111 1 à L. 111 3) non pénalement sanctionnés qui posent une obligation générale d’information. Et d’autres articles de ce code procèdent de la même inspiration: l’article L. 114 1 relatif à l’information sur les délais de livraison et l’article L. 133 2 (dû à la loi 11 95 96 du 1er février 1995) relatif aux clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non professionnels.

L’Ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, aujourd’hui en vigueur, (qui a abrogé les ordonnances du 30 juin 1945 )a entraîné une modification fondamentale dans la réglementation des prix. En effet, la liberté des prix des produits et services offerts à la vente devient la règle et le contrôle par l’administration l’exception. Un même bien ou service peut donc être commercialisé à des prix différents et on ne saurait juridiquement reprocher à un commerçant le caractère excessif du prix proposé pour un bien ou un service au motif que ceux-ci sont vendus moins chers autre part. C’est au consommateur d’être averti et de faire jouer la concurrence. Bien entendu faut-il pour que la concurrence soit loyale et saine entre les professionnels .

Le principe de l’Information sur les prix et les conditions de la vente est posé par l’article L. 113 3 du code de la consommation (ancien art. 28 de l’ordonnance du 1er décembre 1986): « Tout vendeur de produit et tout prestataire de services doit, par voie de marquage, d’étiquetage, d’affichage ou par tout autre procédé approprié, informer le consommateur sur les prix, les limitations éventuelles de la responsabilité contractuelle et les conditions particulières de la vente, selon les modalités fixées par arrêtés du ministre chargé de l’économie, après consultation du Conseil national de la consommation. »

Cette information qui doit être publique est souvent mal conçue par les professionnels et les consommateurs. C’est pourquoi elle nécessite une attention particulière lors de son traitement, objet qu’on essayera d’atteindre en traitant le contenu de cette obligation dans une première partie(I) pour constater son renforcement dans des cas particuliers, volet auquel on s’intéressera dans une deuxième partie(II).

PARTIE I : LE CONTENU DE L’OBLIGATION D’NFORMATION SUR LES PRIX ET LES CONDITIONS DE VENTE

Chapitre 1 : L’obligation d’information sur le prix

L’obligation d’informer le consommateur sur le prix, qu’il aura à payer était déjà contenue dans l’article 33 de l’ordonnance du 30 juin 1945. Elle est désormais contenue dans l’article L. 113-3 du Code de la consommation. Ce texte est notamment complété par un arrêté du 3 décembre 1987 et une circulaire d’application du 19 juillet 1988, qui définissent les conditions générales de l’affichage et de l’étiquetage des prix. D’autres arrêtés fixent les règles relatives à certains produits ou services. L’article a été modifié en dernier lieu par la loi du 12 décembre 2001.

A – Dispositions générales

 1- Le contenu de l’obligation d’information sur les prix

 Le client doit connaître d’emblée le prix qu’il aura réellement à débourser et non pas un prix qui ne serait pas significatif. D’où l’existence de règles et éléments à respecter.

 a- Affichage du prix « tout compris » : l’article 1er de l’arrêté du 3 décembre 1987 prévoit que le prix doit être annoncé en monnaie française (aujourd’hui Euro) et comprendre l’ensemble des marges commerciales et des frais (d’emballage, de transport jusqu’au magasin de vente, frais de mise à disposition de la marchandise etc.), à l’exception de ceux correspondant à des prestations supplémentaires exceptionnelles (au sens de très rarement demandées) que le consommateur réclamerait expressément et qui nécessiterait un accord contractuel particulier annexé à la vente du produit principal.

 b- Prix de livraison: le commerçant a le choix entre l’inclusion des frais de livraison dans le prix de vente et leur indication en sus. Dans ce dernier cas, le consommateur doit être informé du montant des frais de livraison, de façon partielle dans les documents publicitaires et de façon complète sur les lieux de vente. Si le commerçant n’effectue pas de livraison il doit en informé le consommateur.

2 – Le domaine d’application de l’obligation d’information sur les prix

 Cette obligation est d’application générale. D’une part, elle s’applique à tous les produits et services quels que soient leur nature ou le procédé de vente utilisé. D’autre part, elle ne s’applique qu’en faveur des consommateurs (c’est-à-dire de ceux qui utilisent les produits pour la satisfaction de leurs besoins personnels ou de ceux des personnes à charge, et des bénéficiaires du service au titre de son activité non professionnelle.) Et ne s’impose qu’aux commerçants ou prestataires de services professionnels. (C’est à dire, elle ne s’impose pas à un particulier qui réaliserait de manière exceptionnelle la vente d’un produit ou une prestation de service: brocante par exemple).

Signalons en fin que Le manquement à l’obligation d’information sur les prix constitue une contravention de cinquième classe punie d’une amende de 1 500 euros, mais il n’entraîne pas la nullité du contrat (Cour de cassation, 15 décembre 1998). –

B. Les modalités d’application de l’obligation d’information

Les modalités de l’affichage des prix sont différentes selon que qu’il s’agit d’un produit ou d’une prestation de service.

1- Les modalités d’affichage des prix des produits

Les modalités de l’affichage des prix sont différentes selon que le produit est exposé ou non à la vue du public.

a) Produits exposés à la vue du public:

Le prix de tout produit destiné à la vente au détail et exposé à la vue du public doit faire l’objet d’une information du consommateur (parce qu’il est sur des rayons ou en vitrine) de telle manière que le client puisse connaître ce prix sans entrer dans le lieu de vente, si le produit est visible de l’extérieur et sans avoir à interroger le vendeur, si le produit est visible à l’intérieur du magasin. Ces dispositions ne s’appliquent pas aux vitrines d’exposition éloignées du lieu de vente, mais contrairement à une opinion répandue, elle s’applique aussi aux bijoux et aux antiquités (il est possible toutefois d’apposer une étiquette discrète sur les œuvres d’art ou antiquités ou de tenir une liste de prix à la disposition du public (circulaire du 19 juillet 1987). L’information par marquage ou étiquetage des prix sur chaque produit ou sur un support placé à proximité immédiate doit être parfaitement lisible et compréhensible. Pour les produits vendus au poids ou à la mesure, le prix de l’unité de mesure doit être indiqué par un écriteau. Les produits préemballés doivent comporter une étiquette portant le prix de l’unité de mesure (kilogramme, litre, etc.), la quantité nette livrée, le prix correspondant à la quantité contenue dans l’emballage, ceci afin de permettre au consommateur des comparaisons de prix (arrêté du 10 novembre 1982, pris en application de la directive CEE 79 581 du 19 juin 1979.

S’il peut y avoir un doute sur la nature ou la qualité du produit, l’indication du prix doit être accompagnée de la dénomination exacte du produit. Si un même produit se trouve exposé en vitrine et à l’intérieur du magasin, son prix doit être indiqué aux deux endroits. Le fait d=annoncer simultanément, dans un même magasin, deux prix différents pour le même article est de nature à constituer une infraction dans le cas où cette anomalie reposerait sur une publicité inexacte ou de nature à induire en erreur le consommateur ou encore sur un marquage des prix ou un étiquetage, non conforme aux prescriptions réglementaires.

b) Produits non exposés à la vue du public:

Ce sont ceux rangés dans des tiroirs ou entreposés dans des locaux attenants au lieu de vente par exemple. Le prix de ces produits doit faire l’objet d’un étiquetage, s’ils sont destinés à être vendus. Cette obligation souffre quelques exceptions, ainsi sont dispensés de l’étiquetage: les produits dont le prix est indiqué en regard d’un spécimen exposé à la vue du public, les produits alimentaires périssables, les produits non périssables vendus en vrac. Par ailleurs, il est considéré, à l’égard des professions qui vendent une très grande variété d’articles (quincaillerie par exemple), dont l’étiquetage est de ce fait techniquement très difficile, qu’il est suffisamment satisfait à la réglementation lorsque sont mis à la disposition de la clientèle des catalogues ou des tarifs reprenant la liste complète des articles non étiquetés ou non affichés avec l’indication du prix de chacun d’entre eux.

2- Les modalités d’affichage des prestations de services

Le caractère immatériel des prestations de service ne rend pas possible l’étiquetage, aussi, la réglementation prévoit que le prix toutes taxes comprises doit être affiché pour chaque prestation de service offerte, avec l’indication des majorations de prix ou suppléments des opérations complémentaires ou spéciales. L’affiche doit être parfaitement visible de l’endroit où se tient normalement la clientèle ou de celui où elle est habituellement reçue; il faut donc que cette affiche ne soit ni masquée ni placée trop loin.

Chapitre II : L’obligation d’information sur les conditions de vente

 A- Dispositions générales

 1- Objet de l’information

En plus du prix le vendeur ou le prestataire de services doit également informer le consommateur sur les « limitations éventuelles de la responsabilité […] et les conditions particulières de la vente » (article L. 113-3 du Code de la consommation). Mais contrairement au prix ces deux dispositions n’ont pas fait l’objet d’une réglementation de la part du ministre de l’économie.

Ces dispositions visent essentiellement les conditions contractuelles et non pas le produit ou la prestation de service faisant objet du contrat. De même elles ne visent pas les informations relatives aux caractéristiques du bien ou service, son usage et ses conditions d’utilisations ces informations sont visées par des textes particuliers.

Dans l’absence d’une définition précise de la part du législateur de cette obligation, il nous parait nécessaire de se renseigner sur son contenu.

2 – Le contenu de l’information

 – a- Les clauses limitatives:

La limitation de responsabilité est interdite au professionnel dans les contrats de vente conclus avec des consommateurs. ( C’est une disposition qu’est prévu par l’article R-132-1 du code de la consommation) Et ce, quelle que soit l’information fournie. En revanche, un prestataire de services peut s’exonérer de sa responsabilité par un raisonnement à contrario. Ainsi, par exemple, l’organisateur d’un spectacle est en droit d’afficher au-dessus d’un portemanteau qu’il n’a aucune obligation de garde ni de surveillance des objets confiés au vestiaire Ce qui risque d’entrave le travail des tribunaux dans leur lutte contre les clauses abusives .

 -b- Les conditions particulières de vente:

Cette obligation d’information qui se justifie parfaitement, puisque le prix n’est pas le seul élément déterminant pour le consommateur. Les conditions particulières de vente, c’est-à-dire les modalités de paiement et de livraison, les conditions d’échange et de remboursement en cas de défectuosité du produit, les conditions de résolution du contrat…, ne sont opposables au consommateur que s’il en a eu connaissance. L’information légale ne nécessite aucun formalisme particulier. Toutefois, en cas de litige, c’est au professionnel de prouver que le consommateur a eu connaissance des conditions de vente. Il a donc tout intérêt à ne pas négliger celles-ci.

Malheureusement cette notion telle qu’elle est rédigée laisse apparaître des incertitudes sur son interprétation, sur sa définition et sur son champ d’application. ( Quelle relation peut-elle avoir avec les conditions générales de vente?)

B- Mise en œuvre contractuelle

L’obligation d’information sur les conditions de vente doit recouvrir tous les éléments à caractère commercial ou économique que le commerçant doit communiquer au consommateur.

Selon l’administration: ces éléments déterminent en particulier les conditions et les effets des contrats proposés à la clientèle ainsi que les conséquences de leur exécution tardive ou défectueuse ou de leur inexécution à titre d’exemple: les modalités de paiement et de livraison, les conditions d’échange et de remboursement en cas de défectuosité du produit, les conditions de résolution du contrat.

D’une manière générale, le Code de la consommation impose que « les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non professionnels soient présentées et rédigées de façon claire et compréhensible » (article L. 132-2).

Certains secteurs d’activité sont spécifiquement réglementés, car la technicité du langage s’apparente au jargon et demeure peu (ou pas) compréhensible pour le consommateur. C’est pourquoi, par exemple, les contrats d’assurance et de crédit doivent faire l’objet d’un soin particulier dans leur rédaction. Ainsi les clauses de nullité, de déchéance et d’exclusion des contrats d’assurance doivent apparaître en caractères très apparents pour être valable. L’usage de la langue française est obligatoire pour le mode d’emploi, les factures, les quittances, la désignation du produit, l’étiquette, etc. Reste que des exceptions sont admises.

Les clauses des contrats proposés par les professionnels s’interprètent, en cas de doute, dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non professionnel (article L. 133-2, alinéa 2 du Code de la consommation). Il s’agit des clauses ambiguës, obscures ou incomplètes qui laissent planer une incertitude sur l’étendue des droits et des obligations des parties. Les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation. Le législateur a établi des mentions obligatoires dans de nombreux contrats. Il s’agit d’attirer l’attention du consommateur sur l’engagement qu’il s’apprête à souscrire, mais aussi d’éviter les fraudes et les falsifications. Par exemple, les vendeurs de meubles doivent indiquer certaines informations dans les documents commerciaux ou publicitaires et, à défaut, ils doivent fournir à leurs clients une fiche technique. Le support de l’information, quel qu’il soit, doit mentionner le prix, les principaux matériaux, les dimensions, et des précisions comme l’indication « à monter soi-même » pour les meubles en kit (décret du 14 mars 1986).

Après avoir exposé les dispositions générales de l’obligation d’information sur les prix et les conditions de vente. Il est intéressant de consacrer la seconde partie à deux cas particuliers relatifs à cette obligation spéciale d’information. Le premier cas concerne la vente à distance (essentiellement le commerce électronique) et s’impose à nous d’une part en raison de l’essence même de notre formation (le DEA du droit de la communication) et d’autre part pour la formidable réussite que connaît le secteur actuellement. Le deuxième cas particulier est la publicité par le prix, qu’attire notre attention spécialement, d’abord pour la confusion qu’elle suscite vis-à-vis de l’obligation d’information sur le prix mais aussi parce que tous simplement on est entrain de rédiger un exposé qui s’inscrit dans le cadre d’un cours sur la publicité.

PARTIE 2 :DES DISPOSITIONS PARTICULIERES: UNE OBLIGATION D’INFORMATION RENFORCEE

 CHAPITRE 1: DANS LA VENTE A DISTANCE NOTAMMENT DANS LE COMMERCE ELECTRONIQUE:

 A- La nécessité d’une information précise et prouvée sur les prix:

 1- Le contenu de l’obligation:

Cette obligation d’information des consommateurs sur les prix dans le commerce électronique suit les même règles et dispositions générales posées par l’article L113-1 du code de la consommation, qui en constitue le principe.

L’article 14 de l’arrêté du 7 décembre 1987 pose cette obligation pour ce secteur de commerce. Cette obligation se trouve confirmée par les dispositions de la loi pour la confiance dans l’économie numérique du 29 juillet 2004. Ainsi l’article 19-6 dispose que la fixation des prix s’opère selon les même règles posées précédemment, elle doit être claire et précise tout en tenant compte de la particularité du support électronique, qui oblige les fournisseurs de prestation de bien ou de service à confirmer le prix et en garder la preuve de sa communication et aussi à tenir informer le consommateur de la procédure contractuelle.

 2-Les modalités de la mise en oeuvre de l’obligation

Ce sont des modalités, qui diffèrent de celles du support traditionnel. L’objet est de faire connaître publiquement le prix par les diverses manières. Notamment par le relais même de la technique de la communication à distance, qui permet la prise en compte des commandes. Ainsi, le prix doit apparaître clairement sur l’écran (ou sur le catalogue pour les ventes à distance associant les deux techniques de commerce électronique et/ou de vente sur catalogue).

Quoi qu’il en soit de la manière de la vente à distance, celle-ci ne doit laisser aucun équivoque sur la relation entre le produit ou le service et le prix correspondant. Rien n’empêche d’effectuer une description minutieuse du produit ou service pour plus d’information et afin de combler le vide laisser par la plate-forme de vente virtuelle.

B- Information sur les conditions de vente

 1- Les limitations de responsabilité

L’obligation d’information sur les limitations de responsabilité dans le commerce électronique s’est vue renforcée suite à l’adoption de la loi pour la confiance dans l‘économie numérique. Cette dernière stipule dans son article 15 que « Toute personne physique ou morale exerçant l’activité définie au premier alinéa de l’article 14 est responsable de plein droit à l’égard de l’acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d’autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci. »

Toutefois, elle peut s’exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable, soit à l’acheteur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d’un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure. Ainsi L’article L. 121-20-3 du code de la consommation est complété par deux alinéas ainsi rédigés: « Le professionnel est responsable de plein droit à l’égard du consommateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat conclu à distance, que ces obligations soient à exécuter par le professionnel qui a conclu ce contrat ou par d’autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci. « Toutefois, il peut s’exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable, soit au consommateur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d’un tiers au contrat, soit à un cas de force majeure. »

 Cet article pose un principe général, selon lequel la responsabilité des cybermarchands couvre non seulement les opérations réalisées électroniquement mais aussi les opérations intermédiaires. Les cybermarchands disposent d ‘un délai d’un an pour se conformer à la loi.

 Mais reste que cette extension de la responsabilité des cybermarchands aux opérations intermédiaires n’est pas si claire qu’elle le laisse apparaître, on ne sait pas concrètement sur quoi portera cette extension et quelle sera son champ d’application.

2- Information sur l’existence d’un droit de rétractation: une particularité à respecter dans les conditions de vente:

En plus des informations générales sur les conditions de vente applicables à toutes les opérations de vente destinées aux consommateurs, notamment les informations relatives aux frais, délai de livraison et d’envoi et modalité de paiement. Ces conditions de vente se trouvent naturellement renforcées dans le commerce électronique à cause de la particularité du support Internet.

– L’information du consommateur sur l’existence d’un droit de rétractation, dit droit de retour, constitue une condition de vente spécifique dans le commerce électronique et dans la vente à distance.

Ce droit offre au consommateur une capacité d’anéantir le contrat conclu à distance sans être tenu à fournir une raison valable ou respecter une condition particulière. Dans son article L.121-16, le code de la consommation dispose que « pour toutes les opérations de vente à distance, l’acheteur d’un produit dispose d’un délai de sept jours francs à compter de la livraison de sa commande pour faire retour de ce produit au vendeur pour échange ou remboursement, sans pénalités à l’exception des frais de retour. » Ce même texte précise que si ce délai expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant. Ce droit qui doit s’exercer dans les sept jours qui suivent la livraison du bien et porter en cas d’absence d’information sur le droit de rétractation dans le contrat conclu à un délai de 30 à 60 jour.

Toutefois, il est prévu diverses exceptions à l’application de ce délai de rétractation:

– Achats de journaux, denrées périssables et services de loteries. Ce délai sera notamment inopérant dans les cas de fourniture de services dont l’exécution a commencé, avec l’accord du consommateur, avant la fin du délai de sept jours.

– Une autre particularité du support électronique fait que les conditions de vente sont renforcées. Ainsi, l’importance de la sécurité sur le réseau et les réticences formulées à l’égard d’Internet, qui s’expliquent par l’inquiétude des usagers quant à la fiabilité des transactions réalisées via le réseau. Le paiement sur Internet s’effectue principalement par carte bancaire. Si vous vous apercevez que vous avez été débité d’un montant qui ne correspond pas aux achats que vous avez effectués, vous disposez de la faculté de demander le remboursement des sommes litigieuses à votre banque. Si vous n’avez pas utilisé votre code confidentiel pour valider la transaction, le remboursement ne peut vous être refusé. Il semble donc qu’avec un minimum de vigilance, il ne soit pas plus dangereux d’acheter sur Internet chez un commerçant que vous ne connaissez pas.

CHAPITRE 2 : DANS LA PUBLICITE PAR LE PRIX ET CERTAINES OPERATIONS DE NATURE FINANCIERE

A- L’obligation d’information dans la publicité par le prix

 1- L’obligation d’information portant sur le prix:

Les annonces de prix sont réglementées par l’article 1 de l’arrêté du 2 septembre 1977 pris en application de l’article 33 de l’ordonnance du 30 juin 1945, maintenu en vigueur malgré l’abrogation de cette ordonnance par l’arrêté du 3 décembre 1987 relatif à l’information des consommateurs sur le prix.

Les dispositions de cet article sont limitées aux seules annonces de réductions de prix chiffrées. Les annonces dites littéraires, non chiffrées, les publicités comparatives par le prix, les publicités qui annoncent un prix de lancement, les ventes dites flache dans les magasins et les annonces non publiques adressé à une personne en particulier ne sont pas concernées par cette obligation d’information.

Ces dispositions sont appliquées différemment selon que l’annonce est effectuée à l’intérieur ou à l’extérieur du magasin.

-a- La publicité par le prix hors les lieux de vente:

Cette publicité doit respecter un certains nombre de règles impératives:

– Le produit ou le service doit être identifié clairement sans que ça puisse poser un problème pour le consommateur.

– Le montant de la réduction doit être clairement indiqué en valeur absolue ou en pourcentage de telle manière que le consommateur puisse identifie clairement la prestation avec la réduction appropriée.

– b- La publicité par le prix dans les lieux de vente:

Cette publicité doit respecter en plus des dispositions précédentes relatives à l’affichage et l’étiquetage des prix dans les lieux de vente, des dispositions particulières:

– Face à une réduction de prix dans un magasin, le vendeur doit indique et le prix ou les prix initiales avec la réduction proposée. C’est la pratique du double marquage.

2- L’obligation d’information sur les conditions de vente dans les publicités par le prix

L’obligation d’indiquer la date limite de l’offre et la disponibilité: Pour les publicités par le prix effectuées en dehors des lieux de vente, celles-ci doivent contenir obligatoirement une période pendant laquelle le produit ou le service sera disponible.

Cependant, la circulaire du 4 mars 1978 prévoit que une indication de l’importance de la promotion(une quantité chiffrée par exemple) au début de la publicité peut remplacer l’obligation d’indiquer une date limite de la durée de l’offre. Avec la condition d’indiquer la date du commencement de l’offre. Cette exception est limitée par le législateur qui réglemente sévèrement d’ailleurs, l’utilisation de la mention « jusqu’a épuisement du stock», qui ne peut être utilisée que dans le cas d ‘une offre promotionnelle saisonnière ou pour les ventes à distance.

De même, l’article 4 le l’arrêt du 2 septembre 1977 oblige de fournir le produit ou le service annoncé dans une publicité au prix ou à la réduction indiquée par cette publicité et pendant la période de cette publicité.

Aucune publicité ne peut être effectuée sur des articles ou des services qui ne sont pas disponible pendant la période de l’offre promotionnelle. La notion de disponibilité s’apprécie en fonction de la relation du fournisseur avec le consommateur et non avec des professionnels.

B- La publicité pour des opérations financières

La réglementation des ces opérations financières de crédits s’inscrit dans le cadre d’une politique de protection des consommateurs contre les dangers de crédits. On partant du constat d’un déséquilibre contractuel qui caractérise ce genre d’opérations avec des conséquences néfastes pour les consommateurs. Il était évident que le législateur fixe des normes et des règles destinées à protéger le consommateur contre les abus.

Le texte le plus important en la matière est la loi N°78-22 du 10 janvier 1978 « relative à la protection et l ‘information des consommateurs dans le domine de certaines opérations de crédits. » Ce texte de loi est repris par le code de la consommation dans ces articles L 311-1 à L 311-37 complété et modifié plusieurs fois.

Ces règles protectrices sont classées, selon qu’elles concernent la formation du contrat, son exécution.. La publicité étant une offre qui précède la formation du contrat, le législateur non satisfait de la protection qu’offre la prohibition de la publicité trompeuse. Il exige de l’annonceur d’insérer dans son offre de publicité pour un crédit des mentions obligatoires.

Ces annonces pour les opérations financières reçoivent une réglementation différente selon la nature du crédit, c’est ainsi qui il faut faire la distinction entre:

– Les opérations financières portant sur des crédits mobiliers ou immobiliers réglementé par l’article L 311-4 du code de la consommation, qui impose des dispositions visant à renforcer la protection et l’information des consommateurs face à des opérations de crédit. Que les annonces des offres de crédit soit à titre onéreux ou gratuit? Elles sont soumises à cette obligation bien spécifique d’information, obligation qui couvre aussi les offres de location-vente, location avec option d’achat ou avec une prestation de service. Par contre sont exclu du champ d’application de cette obligation les crédits portant sur des immeubles, les crédits consentis pour une durée inférieure à 3 mois et les crédits réglementés par un décret.

L’article L 311- 4 du code de la consommation énumère les mentions obligatoires qui doivent figurer sur le support l’offre publicitaire:

– Identité du préteur;

– Nature, objet et durée de l’opération proposée;

– Coût total du crédit;

– TEG mensuel ou annuel;

-Perceptions forfaitaires;

– Montant des remboursements par échéance;

– Et pour les opérations à durée déterminée le nombre d’échéance.

Ces règles générales s’appliquent aussi à la publicité pour les prêts d’argent et les placements de fonds régis quant à elle par l’article L 313-1.

Signalons que la loi interdit toute publicité pour les prêts à la construction, les opérations sur les marchés à terme et le fait de travestir en information de la publicité financière dans la presse écrite.

En conclusion, la complexité parfois excessive des textes régissant la publicité des opérations financière, notamment les crédits de consommation, ne concrétisent pas toujours l’objectif visé, voir estimé, par le législateur. Les organismes de crédits réussissent souvent à jongler avec la complexité des textes protectrices des consommateurs, chose qui contribue à accentuée l’effet pervers des textes juridique pour le consommateur, lorsqu’il est devant un juge qui s’attache à la lettre du texte et non pas à son esprit, d’où le souhait d’une simplification des textes en la matière.

BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES GENERAUX :

–    Code de la consommation commenté par j.p.pizzio, 2e édition. 1996. Montchrestien.

–    Code de la consommation; édition dallos 2003.

–    Code de la consommation. Éditions juris-classeur, litec 2001.

–    CODE CIVIL, DALLOZ 2004.

–    JURIS-CLASSEUR, CONCURRENCE – CONSOMMATION , NE 3. FASC. 845.

–    DROIT ECONOMIQUE. ÉDITION LAMY . 2005

–    DROIT DE LA CONSOMMATION; 5E ET 6E EDITION DALLOZ. JEAN CALAIS-AULOY ET FRANK STEINMETZ.

–    LA PUBLICITE ET LA LOI, 8E EDITION, LITEC 1995. PIERRE ET FRANCOIS CREFFE

–    DROIT PENAL DES AFFAIRES. 5E EDITION. PRECIS DE DALLOZ. WILFRIED JEANDIDIER.

–    DROIT DE LA DISTRUBITION ET DE LA CONCURRENCE.

–    LAMY DROIT DE L=INFORMATIQUE ET DES RESEAUX, EDITION 2004.

REVUES :

–    REVUE CONSOMMATION- CONCURRENCE

JURISPRUDENCE :

–    CA de Paris ch. Accu., sect. A, 14 Décembre 1982. Fédération des fabrications des tuiles et briques de France c. Epelly. Société Redland, inédit.

–    Les autres décisions jurisprudentielles sont communiquées dans l=exposé final sous forme de note de bas de page.

La notion de société

Fiche rédigée par Azoulay Simon, chargé de travaux dirigés à la faculté de droit d’Aix-Marseille III.

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Cette page a été mise à jour pour la dernière fois le 23 octobre 2003. Son contenu pourrait ne plus être à jour.

Cette étude se fonde sur les jurisprudences suivantes :

  • Cass. com. 15 novembre 1983, Bull. civ. IV, n° 309 ; JCP 1984, éd. N, n° 13060. Appréciation du caractère non lucratif d’une association.
  • Cass. civ. 1ère 12 mars 2002, D. 2002, p. 1200, obs. Lienhard ; RTD. Com. 2002, 498. La notion d’entreprise appliquée aux sociétés.
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Avertissement :
Ces développements ne sont que la reproduction de séances de Travaux dirigés. Ils n’ont donc pas vocation à remplacer les cours délivrés en amphi. Je vous conseille ainsi de les utiliser comme un complément de cours ou, à défaut, de travailler à partir d’un ouvrage récent en droit commercial.

Qu’est-ce qu’une société ?

La société est avant tout un contrat. L’art. 1832 Cciv. énonce : « La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter ».

Toutefois, avec la loi du 11 juillet 1985, l’art. 1832 al. 2 Cciv. a été modifié pour tenir compte de l’avènement des sociétés unipersonnelles. L’al. 2 prévoit ainsi qu’une société « peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l’acte de volonté d’une seule personne ».

La société a donc principalement un aspect contractuel. C’est en quelque sorte « la chose » des associés, une forme contractuelle leur permettant de mettre en commun des moyens pour l’exercice d’une activité.

Cependant, plus récemment, s’est développée une autre conception de la société, non plus fondée uniquement sur le caractère contractuel de la société, mais également sur son aspect institutionnel. La société n’est pas seulement un contrat conclu entre des associés mais également une institution composée d’organes, employant des salariés et de manière générale intéressant toute la collectivité.

Alors que la conception contractuelle de la société privilégiait presque exclusivement l’intérêt des associés, la conception institutionnelle va laisser davantage de place à d’autres intérêts tels que ceux des salariés, des créanciers et plus généralement des tiers. En somme, l’idée c’est que la société n’est pas uniquement la chose des associés. D’autres acteurs peuvent être intéressés par la société.
La notion d’intérêt social découle d’ailleurs de cette approche de la société. La société est perçue comme une personne ayant une volonté propre, pas forcément identique aux volontés de ces membres.

Il existe un droit commun des sociétés et un droit spécial des sociétés avec des règles spécifiques à chaque type sociétaire. Toutefois, avant d’entrer dans ces distinctions (dans les prochaines fiches), il convient de préciser la notion de société et de la distinguer d’autres institutions.

1. La société se distingue tout d’abord de l’indivision.

L’indivision, visée par les articles 815 et s. du Code civil, est la situation juridique où plusieurs personnes ont des droits de même nature sur un même bien ou sur une même masse de biens indivisible. Si l’on retrouve dans la société ces caractéristiques, la société est bien plus que cela.

Classiquement, deux éléments permettent de distinguer la société de l’indivision. A la différence des associés dans la société, les indivisaires peuvent demander le partage à tout moment. Dans la société en revanche, les associés ne peuvent demander la dissolution de la société à tout moment (sauf en cas de mésentente et dans certaines sociétés seulement).

Dans l’indivision, tout acte matériel ou juridique relatif au bien indivis exige le consentement unanime des indivisaires. En revanche, la majorité suffit en principe pour les sociétés (sauf exceptions tirées des règles du droit des sociétés. Par exemple, dans les SNC, l’unanimité est souvent requise. Dans les SA et SARL, c’est la majorité qualifiée qui est exigée pour certains types d’actes).

Cependant, les règles de l’indivision se sont assouplies. Pour certains actes, un indivisaire pourra passer seul l’acte en cause. Ainsi en est-il pour les actes de gestion courante ou en cas de mis en péril de l’intérêt commun.

En outre, à côté de l’indivision légale, il existe une deuxième catégorie d’indivision, l’indivision conventionnelle qui est encore plus proche de la société. Et certaines formes d’indivision conventionnelle (par exemple, les fonds communs de placement) ont un régime calqué sur celui des sociétés. La distinction, de plus en plus délicate, doit donc parfois être relativisée.

2. La société se distingue également de l’association.

Là aussi, la distinction devient de plus en plus floue. Certaines associations se livrent aujourd’hui de plus en plus à l’exercice d’activités commerciales. Aussi, le régime juridique des associations a connu un rapprochement vers celui des sociétés.

Le critère traditionnel de distinction a été posé dans l’arrêt Manigod et réside dans l’existence d’un but lucratif spécifique à la société (Cass. Ch. réunies 11 mars 1914, D. 1914, I, p. 257). L’existence d’un but lucratif permettra de caractériser l’existence d’une société. La Cour de cassation précise que la société a un but lucratif lorsque les associés partagent les bénéfices.

C’est en effet cet élément, le partage des bénéfices, qui permet de distinguer la société de l’association. Il est parfaitement admis que l’association puisse réaliser des bénéfices. Mais les bénéfices ainsi réalisés ne doivent pas être partagés entre les membres de l’association (entre les sociétaires).

Ainsi, un groupement constitué en vue de procurer à ses membres un gain pécuniaire ou matériel doit revêtir une forme sociétaire. Inversement, un groupement qui poursuit à titre principal une activité désintéressée et qui ne procède à aucun partage des bénéfices éventuellement réalisés doit opter pour la forme associative.

Cependant, la distinction reste parfois délicate à opérer en pratique. Une illustration nous est donnée par un arrêt du 15 novembre 1983 rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation.

En l’espèce, le problème portait sur la faculté pour un associé d’une personne morale constituée sous la forme sociétaire, mais dépourvue de tout caractère lucratif, de demander la requalification de l’entité en association. La loi du 7 juin 1977 autorisait dans une telle situation l’associé à exercer cette action. La Cour d’appel a cependant rejeté sa demande en raison d’un vote en AGE (assemblée générale extraordinaire) conférant à la personne morale un caractère lucratif. La Cour de cassation va casser l’arrêt d’appel. Plusieurs questions pouvaient se poser.

Tout d’abord, un groupement peut-il être qualifié de société en l’absence de tout caractère lucratif ? Est-il en outre suffisant pour conserver la qualification de société d’inscrire dans les statuts que le groupement a un caractère lucratif ?

A ces deux questions, la Cour de cassation répond par la négative. En l’absence de caractère lucratif, c’est la qualification d’association qui doit être retenue. Dans le cas d’espèce, l’associé est donc fondé à demander une requalification de la personne morale en association.

En outre, la modification des statuts et la précision que le groupement a un caractère lucratif est sans influence sur la qualification d’association dès lors qu’en réalité elle n’a pas ce caractère lucratif. En somme, la qualification de société ne dépend pas des apparences mais bien de la réalité économique.

3. Distinction société-entreprise.

Analyse de l’arrêt du 12 mars 2002 rendu par la première Chambre civile de la Cour de cassation (concernant la notion d’entreprise) :

L’art. L 313-22 du Code monétaire et financier (CMF) exige l’accomplissement d’une obligation d’information au bénéfice de la personne qui cautionne le remboursement d’un prêt consenti à une entreprise (cette information doit porter sur le montant principal mais aussi et surtout sur celui des intérêts de la dette qui courent chaque année, des commissions, frais, etc…).

La question se posait de savoir si ce texte devait trouver à s’appliquer en l’espèce concernant une société civile immobilière. L’établissement de crédit tente de faire valoir l’inapplicabilité du texte. Celui-ci ne viserait que les entreprises sociétés commerciales et non les sociétés civiles.
Cependant, l’art. L 313-22 CMF n’exclue pas les sociétés civiles immobilières. En fait, il ne vise que « les entreprises ». D’où le problème juridique : une société civile immobilière peut-elle être qualifiée d’entreprise ?

Pour la Haute juridiction, l’entreprise se définit comme un ensemble, un groupement de moyens (matériels et humains) qui exerce une activité économique. L’élément déterminant de la qualification d’entreprise ne réside donc pas dans la nature civile ou commerciale de la société qui lui sert d’enveloppe juridique mais dans l’exercice d’une activité économique.

Mais attention, ça ne veut pas dire que tous les textes visant les sociétés commerciales vont s’appliquer aux sociétés civiles. C’est seulement lorsque la notion d’entreprise est visée que les dispositions y afférentes pourront s’appliquer également aux sociétés civiles (par exemple, la loi du 25 janvier 1985 sur le redressement et la liquidation judiciaires vise l’entreprise ; de même en est-il pour la loi du 1er mars 1984 sur la prévention et le règlement amiable des difficultés des entreprises. Une association pourra donc faire l’objet d’une procédure de redressement judiciaire ou encore bénéficier d’un règlement amiable en vertu de la loi de 1984).

En fait, aujourd’hui la tendance est de plus en plus à l’adoption de textes d’ordre général visant l’entreprise, et le critère déterminant pour vérifier l’existence d’une entreprise est celui de l’exercice d’une activité économique.
Ainsi, les sociétés libérales, les associations ou encore les sociétés civiles pourront être qualifiées d’entreprise chaque fois qu’elles présentent ou exercent une activité économique.

Cette position n’est en fait pas nouvelle. Elle résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes qui décide que pour l’application du droit (communautaire) de la concurrence, « la notion d’entreprise comprend tout entité exerçant une activité économique indépendamment du statut juridique de cette activité et de son mode de financement » (CJCE, 23 avril 1991, Höfner et Elser, aff. C. 41-90, Rec. I, p. 1979).

Ainsi, concernant les associations, pour « qualifier » une association d’entreprise, nul n’est besoin de rechercher le partage de bénéfices entre les sociétaires. Le seul exercice d’une activité économique suffira pour retenir la qualification d’une entreprise (mais le groupement conservera son statut juridique d’association ; seulement, il sera considéré comme une entreprise pour l’application de certains textes).

Cette solution consistant à élargir l’application du droit économique à l’entreprise (et pas seulement aux sociétés commerciales) a une importance considérable. Elle limite en effet les tentations d’échapper à certaines obligations en utilisant par exemple la forme associative pour l’exercice d’une activité économique, ou encore une forme sociétaire civile.

L’obligation d’information précontractuelle : l’article 1er de la loi Doubin du 31 décembre 1989

Fiche rédigée par Sopikatchu.

Dans les relations entre professionnelles, dès les années 1970, le principe selon lequel « chaque professionnel est en principe libre et égal et doit être le gardien de ses propres intérêts » connaît une forte atténuation.

En effet, depuis l’arrêt du 9 décembre 1975 dit “de l’affaire des melons crevés”, la Cour de cassation distingue entre le professionnel agissant dans sa sphère d’activité et le professionnel agissant hors de sa sphère d’activité auquel la Cour de cassation appliquait le droit de la consommation.

La loi Doubin du 31 décembre 1989 apporte une nouvelle exception à ce principe. Ainsi, dans les contrats de franchise, et plus largement dans tous les contrats de distribution exclusive (contrat de concession, d’exclusivité de marque…) où les parties du contrat ont un intérêt commun qui apparaît dès lors qu’il existe une « convergence d’intérêt entre les parties » selon le professeur Hassler, la loi Doubin pose dans son article 1er une obligation d’information pré-contractuelle :

« Toute personne qui met à la disposition d’une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d’elle un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l’exercice de son activité, est tenue préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l’intérêt commun des deux parties de fournir à l’autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permettent de s’engager en connaissance de cause.

Ce document, dont le contenu est fixé par décret, précise notamment l’ancienneté et l’expérience de l’entreprise, l’état et les perspectives de développement du marché concerné, l’importance du réseau d’exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champs des exclusivités.

Lorsque le versement d’une somme est exigé préalablement à la signature du contrat mentionné ci-dessus, notamment pour obtenir la réservation d’une zone, les prestations assurées en contrepartie de cette somme sont précisées par écrit, ainsi que les obligations réciproques des parties en cas de délit.

Le document prévu au premier alinéa ainsi que le projet de contrat sont communiqués vingt jours au minimum avant la signature du contrat ou, le cas échéant, avant le versement de la somme mentionnée à l’alinéa précédent. »

Cet article indique les éléments essentiels que doit contenir le document d’information qu’il convient de remettre avec le projet de contrat 20 jours au moins avant la signature effective de la convention. Cette information va servir de fondement à l’engagement de l’autre partie. C’est pourquoi le législateur, par décret du 4 avril 1991 a sanctionné l’absence de ce document par une contravention de 5éme classe. Mais il n’a pas été prévu le cas où l’information est présente dans le document mais viciée.

Donc, que se passe-t-il si l’une des information est viciée ? Sur quels fondements peut-on sanctionner le défaut (ou le vice) de l’obligation d’information pré-contractuelle posée par la loi Doubin ?

Comme nous l’avons dit cette obligation d’information bien que précontractuelle fait partie intégrante du processus de formation du contrat. Elle intervient au stade de la prise de décision de contracter et sert donc à éclairer le consentement du contractant. (I). Et c’est donc à ce titre que tout défaut dans l’information précontractuelle sera sanctionné (II).

I – L’obligation d’information précontractuelle posée par la Loi Doubin à la base d’un consentement éclairé

Ainsi la Loi Doubin pose une obligation de renseignement spécifique (A) du postulant à la franchise sur les débouchés du contrat pour lui permettre de s’engager en tout état de cause (B)

A – La spécificité de l’obligation d’information précontractuelle

Par principe, entre professionnel il n’existe pas d’obligation d’information. La loi Doubin devenue l’art L330-3 du code de commerce pose donc à titre subsidiaire cette obligation de renseignement dans les contrats de distribution : il s’agit d’une obligation de moyen (1) de fournir au futur contractant une information claire, sincère et loyale (2)

1) Une obligation de moyen

La loi Doubin joue spécifiquement dans les contrats de distribution. L’exemple type de son application est le contrat de franchise. Au stade de la formation du contrat, le contrat de concession étant le plus souvent, un contrat d’adhésion, le franchisé n’a pas la possibilité d’en négocier les clauses. Ainsi, la relation entre les parties est déséquilibrée. Il s’est donc avéré indispensable qu’une information soit donnée à la partie la plus faible par le rédacteur du contrat .

Cette réforme revient sur la position antérieure de la jurisprudence qui faisait peser sur le franchisé le devoir de s’informer. Ainsi dans ses arrêt du 25 février 1986, du 20 janvier 1987, la Chambre commerciale de la Cour de cassation avait affirmé qu’il « appartenait au concessionnaire professionnel du marché de l’automobile de s’informer et de s’entourer de tous éclaircissements lui permettant de mesurer les risques et de former raisonnablement son opinion  » . Il incombait donc au concessionnaire « un devoir de s’informer « .

Le professeur Mestre et Virassamy se sont élevés contre cette jurisprudence qui crée « un devoir de se méfier  » de son partenaire contractuel.

Leur voix fut entendue par la réforme du 31 décembre 1989. Désormais le franchiseur se doit de fournir au futur franchisé toutes les informations lui permettant de connaître la situation économique, financière et prévisionnel du lien futur qu’il s’apprête à prendre avec le franchiseur. Pour la Cour d’Appel de Paris « cette obligation du franchiseur de fournir des éléments prévisionnels est une obligation de moyen » (CA Paris 23 Mars 1993). Cette obligation de moyen va se traduire dans la délivrance d’un document écrit présentant une information claire, sincère et loyale.

2) Un document écrit contenant une information claire, sincère et loyale

Traditionnellement l’information claire, simple et loyale s’entend d’une information exempte de toute manœuvre dolosive et d’une information non exagérément optimiste. La loi dépasse ce résultat en exigeant la fourniture d’une information sincère. Il s’agit d’une  » connaissance  » que l’on doit  » normalement avoir de la réalité « , l’ignorance de bonne foi est donc condamnée

Présumée sincère , la loi dispense le distributeur de vérifier la pertinence de l’information fournie.

Néanmoins, pour arriver à ce résultat elle met à la charge du fournisseur la double obligation de fournir l’information et de se la procurer A très juste titre Philippe Neau-Leduc à écrit à ce sujet : » Le pouvoir implique le devoir. Le schéma classique des négociations est renversé ; la liberté de négociation n’est plus. « 

Cette obligation d’information va donc se traduire par la fourniture d’un  » document donnant des informations sincères « , exigence première fixée par la loi. L’art 1 de la Loi Doubin exige la communication d’un  » document… qui … permette de s’engager en connaissance de cause « . La communication de l’information suppose, donc, l’existence d’un support écrit. A défaut certains magistrats n’ont pas hésiter à prononcer la nullité du contrat. Ce document écrit doit être transmis au moins vingt jours avant la signature du contrat.

Ce document doit contenir quatre informations essentielles. Ces informations sont précisées par un décret d’application du 4 avril 1991. Il s’agit de :

· l’ancienneté et l’expérience professionnelle de l’entreprise concédante

· l’état et des perspectives du marché concerné

· l’importance du réseau de distributeur

· La durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivité.

La finalité de la loi Doubin est donc certainement d’éclairer le consentement du futur contractant, mais l’exigence va plus loin, requérant explicitement la remise d’un écrit. Il s’agit, en effet,  » de fournir à l’autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s’engager en connaissance de cause « . Il s’agit donc de protéger le consentement du contractant. Sur ce terrain la loi Doubin rejoint donc la théorie générale des vices du consentement.

B – L’information précontractuelle face à la théorie des vices du consentement.

Selon le droit commun pour être valable le consentement du contractant doit être exempt de violence, d’erreur et de dol. Mais lorsque le document d’information précontractuelle contient une information fausse, cette erreur est issue d’une mauvaise exécution par le franchiseur de son obligation d’information précontractuelle. Lorsque cette erreur est volontaire la mauvaise foi est reconnue dans l’exécution de cette obligation.(1). Mais cette erreur aura pour conséquence de provoquer soit le dol soit l’erreur dans le consentement du franchisé (2).

1) L’exécution de mauvaise foi de l’obligation d’information précontractuelle…

La fourniture d’une information claire, sincère et loyale au franchisé par le franchiseur suppose que celui ci se donne les moyens de satisfaire cette exigence. Nous avons déjà vu précédemment que cette charge d’information pèse sur le franchiseur et non sur le franchisé.

Mais dans l’exécution de cette obligation le franchiseur se doit d’être de bonne foi. C’est pourquoi la Cour d’Appel de Paris, dans son arrêt du 16 Janvier 1998, affirme que « pour élaborer son étude prévisionnelle le franchiseur doit mettre en œuvre les moyens statistiques et informatiques qu’il possède. » Néanmoins, le débiteur de l’information étant tenue d’une simple obligation de moyens, il ne peut se voir reprocher des erreurs d’estimations ou des erreurs non fautives ou même l’absence d’information inconnue.

Mais il sera responsable pleinement des fausses informations contenues dans le document précontractuelle : « le franchiseur est responsable des informations et des études de marchés inexactes qu’il communique au candidat franchisé » (CA Versailles 26 juin 1995).Cette erreur volontaire du franchiseur dans son information aura pour conséquence de vicié le consentement du contactant. Et l’on pourrait alors considérer qu’il y a dol ou erreur dans le consentement du contractant.

2) … provoque le dol ou l’erreur dans le consentement du contractant

Selon l’article 1116 du code civil le dol est la manœuvre de l’une des parties destinées à induire l’autre partie en erreur et ainsi l’amener à contracter. Pour être constituer le dol doit présenter un élément intentionnel et un élément matériel. Sur le fondement de cette article la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 29 octobre 1992 a tout d’abord reconnue « la nullité du contrat de franchise pour attitude dolosive du franchiseur dont l’étude de faisabilité contient de nombreuses et importante inexactitudes et des chiffres prévisionnels invérifiables, fantaisistes et mensongers ».

Mais l’élément intentionnel étant excessivement difficile à prouver, la Cour de Cassation sur pourvoi dans cette affaire, par un arrêt du 2 décembre 1997 a affirmé que « le non respect de l’obligation pré contractuelle d’information du franchiseur n’est pas en soi constitutif d’un dol ». Elle a , en effet, considéré que l’exagération de chiffres n’étaient pas constitutif obligatoirement d’une volonté de tromper l’autre .

Certes le fondement du dol fut refusé par la jurisprudence mais ce ne fut pas le cas pour le vice du consentement résultant de l’erreur du contractant.

Rappelons ainsi que selon l’article 1110 al 1 du code civil l’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle touche la substance même de la chose qui en est l’objet. Selon la conception subjective de la substance, il peut s’agir d’une qualité substantielles de la chose (arrêt Poussin). Or le TGI de Carcassonne dans un arrêt du 2 Mai 2002 a reconnu que « l’erreur sur la rentabilité moyenne d’une exploitation est une erreur sur la qualité substantielle de l’objet du contrat de franchise ».

L’erreur d’une information pré contractuelle est donc une erreur substantielle et peut donc fonder un vice du consentement du contractant. La Cour d’Appel de Paris, dans son arrêt du 14 novembre 1997, en pose explicitement le principe en affirmant qu’est encourue « la nullité pour erreur d’un contrat de franchise dés lors que le chiffre d’affaire prévisionnel est grossièrement erroné ».

Le vice du consentement étant reconnu, il faut désormais envisagé la question des sanctions. Celle ci seront de deux types : il s’agit de sanctionner un contrat vicié dés l’origine et de sanctionner la faute du franchiseur à l’origine du vice du consentement.

II – Le vice du consentement : fondement de la sanction

Le non respect des règles édictées par l’article 1er de le loi Doubin entraîne donc les sanctions habituelles du vice du consentement (A). Toutefois, on peut se demander si le défaut d’information pré-contractuelle entraîne automatiquement la nullité du contrat (B).

A – Les sanctions habituelles du vice du consentement appliqué à la loi Doubin.

Le défaut de l’information pré-contractuelle posé par la loi Doubin entraîne la mise en jeu de la responsabilité du co-contractant débiteur de cette obligation particulière précontractuelle(1) mais entraîne aussi les sanctions du défaut de l’information pré-contractuelle du droit commun des vices du consentement(2).

1) La mise en jeu de la responsabilité : responsabilité contractuelle ou délictuelle ?

C’est en effet une question importante à se poser. Il est claire que l’information pré- contractuelle fausse est constitutif d’une erreur du consentement. Mais cette faute intervient dans une phase pré-contractuelle. Par principe la phase pré-contractuelle implique une responsabilité délictuelle pour les fautes qui y seraient commises. Mais la cour de cassation dans son arrêt du 10 février 1998 a reconnue que « l’exigence pré-contractuelle ne peut être dissociée de son effet direct sur la formation de la relation contractuelle qu’elle prépare ».

Dés lors responsabilité contractuelle et délictuelle se mélange au point de se confondre.

C’est pourquoi une jurisprudence constante a fini par poser comme principe la mise en jeu de la responsabilité contractuelle du concessionnaire ou du franchiseur qui avait l’obligation de l’information pré-contractuelle posée par l’article 1er de le loi Doubin.

Cette responsabilité contractuelle née du vice même du consentement. Et donc les conséquences de ce vice de consentement, constitué par un manquement à l’obligation d’information pré-contractuelle, seront les sanctions de droit commun pour le vice du consentement

2) Les sanctions du vice de consentement

La sanction la plus couramment retenue par la jurisprudence est la nullité du contrat conclu. En effet, la Cour d’Appel de Paris avait refusé la sanction de la résolution : « la méconnaissance d’une obligation précontractuelle de renseignement ne peut justifier la résolution du contrat de fourniture de matériel ». La jurisprudence lui a préféré, par la suite, l’annulation du contrat pour vice du consentement.

Ainsi, la Cour d’appel de Montpellier, dans un arrêt du 21 mars 2000, prononce la nullité du contrat en cas de non-respect par le franchiseur de son obligation pré-contractuelle de renseignement. (CA MONTPELLIER 21/03/2000).

De même, dans un arrêt du 19 octobre 1999 de la Cour de cassation, par sa chambre commerciale, prononça la nullité du contrat d’exclusivité de marque pour vice du consentement. (Cass. Com. 19/10/1999).

Enfin, dans un arrêt du 2 novembre 2001, la Cour d’appel de Lyon sanctionne par l’annulation un contrat de franchise pour vice du consentement, « lorsque le franchiseur n’a pas satisfait à son obligation pré-contractuelle de renseignement ». (CA LYON 02/11/2001).

La nullité est en effet la sanction de droit commun des vices de consentement car par ce vice le contrat en lui même n’existe pas. La nullité règle donc le sort du contrat. Mais par son manquement à son obligation d’information précontractuelle l’attitude du professionnelle a été fautive. La chambre commerciale dans un arrêt du 24 février 1998 a considèré qu’est «volontaire la faute du franchiseur qui annonce des résultats fantaisistes dans étude prévisionnelle ».(Cass Com. 24/02/1998). Elle ouvre donc droit à réparation par le versement de dommages-intérêts.

Dans un arrêt du 3 février 1995, la Cour d’appel de Paris pose le principe de la responsabilité du franchiseur qui manque à son obligation contractuelle d’information et qui s’expose ainsi au versement de dommages-intérêts. (CA PARIS 03/02/1995).

Par la suite la Cour d’appel de Paris, par arrêt du 13 novembre 1994, indemnise « le préjudice subi pour la perte d’une chance du franchisé suite au comportement fautif du franchiseur ». (CA PARIS 13/11/1995).

Outre ces sanctions de droit commun le texte même de la loi Doubin prévoit que le défaut d’information entre professionnel peut également faire l’objet d’une sanction pénale, à savoir une peine contraventionnelle de 5ème classe .

Toutes ces peines sanctionnent ainsi un manquement à l’obligation d’information précontractuelle posée par la loi Doubin. Mais cette loi n’est que subsidiaire par rapport au droit commun des contrats. On peut donc s’interroger sur l’automaticité de la mise en cause de ce défaut d’information précontractuelle dans les contrats de distribution.

B – Le défaut d’information pré-contractuelle : nullité automatique du contrat ?

L’obligation d’information pré-contractuelle, telle qu’elle ressort de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1989, est appréciée par les magistrats comme étant d’ordre public (1). Le caractère d’ordre public de cette loi conféré par les magistrats n’a pas empêché ces derniers d’entrevoir une atténuation de la portée de la loi en restreignant les cas de sanction (2).

1) Le caractère d’ordre public de la loi Doubin

L’obligation pré-contractuel d’information mise en place par la loi Doubin découle d’un constat : la difficulté pour le futur membre d’un réseau de connaître l’ampleur et la teneur de son engagement. L’inégalité d’information justifie l’obligation d’informer pour celui qui détient ces éléments. La loi protège le consentement . Le législateur entend ainsi préserver la concurrence au sein des circuits de distribution.

Ainsi, la Cour d’appel de Paris, par arrêt du 17 mai 1995, énonce que « le dispositif, qui a pour finalité la protection du futur franchisé en lui permettant de se déterminer en connaissance de cause, est d’ordre public ». (CA PARIS 17/05/1995).

Les magistrats ont ainsi la possibilité de soulever d’office l’article 1er de la loi du 31 décembre 1989.

Toutefois, il est récemment arrivé qu’ils limitent dans certains cas l’application de ce dernier.

2) Atténuation à la portée de l’article 1er de la loi

Dans un arrêt récent de la Cour d’appel de Toulouse du 13 janvier 2000, les magistrats précisent que « le défaut de communication des informations visées par l’article L.333-3 du code de commerce (portant application de la loi Doubin) n’emporte nullité du contrat d’exclusivité de marque que s’il a eu pour effet de vicier le consentement de l’autre partie ». (CA TOULOUSE 13/01/2000).

A contrario et par extension aux autres contrats entrant dans le champ dapplication de la loi du 31/12/1989, le défaut de l’obligation pré-contractuelle n’entraînerait pas la nullité du contrat s’il n’a pas eu pour effet de vicier le comportement de l’autre partie.

Cette atténuation de la loi fondée sur l’article L.333-3 Ccom. pourrait avoir pour but de limiter le développement des contentieux. Toutefois, cette solution pose un problème de sécurité juridique.


Sources :

  1. Théorie des contrats de distribution, Vassaramy
  1. Les contrats de distribution et la Loi Doubin, F. Didier (article publié dans Dalloz)
  1. Jurisprudence de la Cour de Cassation
  1. Thèse : La formation du contrat de concession exclusive, à la Faculté de Lille

Commentaire d’arrêt complet : Com., 20 novembre 1980 (GEP contre François Jurien de la Gravière, Pierre Monot)

Fiche rédigée par Michael Vayssié (deug de Droit-Anglais, puis Licence de Droit).

Ce commentaire d’arrêt a obtenu la note de 15/20.

Chambre commerciale de la Cour de cassation, 20 novembre 1980.
SA Groupement européen pharmaceutique (GEP) contre François Jurien de la
Gravière, Pierre Monot.

Introduction

Tout ensemble établi sur un système de type collectif se doit d’être conçu selon un principe hiérarchique afin d’être cohérent et efficient. Les sociétés ne semblent pas déroger à cette idée si on constate qu’il y a toujours un président du conseil d’administration – pour les SA « classiques » -, un directoire, – pour les « SA modernes »-, ou un gérant – pour les SARL-. Cependant et comme dans toute collectivité, les désaccords sont inévitables entre les individus oeuvrant au sein d’un microcosme tel une société, et les séparations qui en résultent, sources de litiges.

Ainsi, dans la décision rendue par la Cour d’appel de Paris le 20 Novembre 1980, Jurien de la Gravière a épousé la fille de Pierre Monot, animateur de la société holding GEP, – SA à directoire et conseil de surveillance -, et par là, devint actionnaire de cette dernière et fut nommé membre du directoire composé de Pierre Monot et de ses fils. Un mois plus tard le conseil de surveillance le nomme administrateur d’une filiale de la GEP, GEP dont il devient président. Puis, l’assemblée générale de la GEP par délibération du 23 Mai 1978 et sur proposition du conseil de surveillance, prononce la révocation de ses fonctions de membre du directoire à l’encontre de De la gravière qui assigne la GEP et Monot en son nom personnel devant le tribunal de commerce de Paris aux fins d’entendre condamner in solidum ces derniers à lui verser 1 000 000 de francs de dommages-intérêts, de voir annuler cette délibération et d’obtenir la publication de la condamnation, sur les motifs que l’assemblée générale avait abusé de ses pouvoirs en prononçant la révocation « non en considération de l’intérêt social, mais pour assouvir les sentiments personnels d’un associé », et du fait que « si la révocation d’un membre du directoire est décidée en l’absence de juste motif, elle peut donner lieu à des dommages-intérêts » conformément à l’article L121 de la loi du 24 Juillet 1966.

La GEP demande alors au tribunal de déclarer la requête comme étant irrecevable ou mal fondée, tandis que Monot soulève un déclinatoire de compétence au profit du Tribunal de Grande Instance avec demande reconventionnelle en dommages-intérêts contre De la Gravière. Le tribunal de commerce refuse l’annulation de la délibération mais octroie à De la Gravière 280 000 francs de dommages-intérêts à la charge de la GEP qui interjette appel à l’encontre de De la Gravière, ce dernier faisant de même à l’encontre de Monot réaffirmant ses prétentions sur les mêmes moyens : abus de pouvoir de l’assemblée générale et révocation sans juste motif.

La Cour d’appel ne constate pas l’abus de droit au motif qu’il n’y a pas eu atteinte injustifiée à l’honneur ou à la réputation de De la Gravière, mais accorde à ce dernier des dommages-intérêts, énonçant que l’absence d’abus de droit n’est pas exclusive de dommages-intérêts dès lors que la révocation a eu lieu en l’absence de juste motif, précisant que cette notion se définit non pas seulement en fonction de l’activité ou du comportement du membre du directoire intéressé, mais aussi en fonction de l’intérêt social, réel et certain.

Cette décision nous amène donc à nous interroger quant à l’importance et aux conditions d’application des notions de juste motif et d’abus de droit dans le cadre du principe de révocabilité des dirigeants de société de type SA « modernes », – composées d’un directoire et d’un conseil de surveillance -.

Nous tenterons de voir comment la Cour présente la notion de juste motif non pas comme résultant uniquement d’une faute du dirigeant, mais reconnue en considération de l’intérêt social, réel et certain de la société.

Puis les conditions de reconnaissance de l’abus de droit présenté comme potentiellement complémentaire du juste motif.

I. La cour d’appel admet le juste motif issu de l’intérêt social réel et certain

Pour tout individu, la perte d’un acquis est, dans la majeure partie des cas, considérée comme la résultante d’une faute. Ce raisonnement existant dans le cadre du licenciement, l’amalgame paraît justifié avec l’idée de révocation d’un dirigeant d’une SA moderne. Cependant la Cour d ‘appel instaure une nouvelle explication : l’intérêt social réel et certain.

A. Une idée reçue : le juste motif dépend d’une faute du dirigeant révoqué

Si le principe relatif à la révocation de certains mandataires sociaux comme les présidents de conseil d’administration des SA, ou les directeurs généraux des SA, est établi par la loi du 24 juillet 1966 comme étant ad nutum, soit littéralement, « sur un simple signe de tête », reposant sur l’idée d’un salutaire et prompt départ du mandataire social qui ne donne plus satisfaction pour ne pas entraver le fonctionnement de la société, il trouve son amplitude limité dans le cadre d’une révocation de gérant de SARL, ou comme en l’espèce, d’un membre du directoire d’une SA. C’est ainsi que la loi du 24 juillet 1966 prévoit, dans son article 121, que « les membres du directoire peuvent être révoqués par l’assemblée générale, sur proposition du conseil de surveillance. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages-intérêts ». La notion de juste motif apparaît donc comme ne remettant pas en cause le pouvoir de révocation de l’assemblée générale puisqu’elle ne peut donner lieu à réintégration, seulement, elle se présente comme une possibilité pour l’individu révoqué, d’obtenir une compensation pécuniaire. Cependant, ce  » juste motif  » n’est nullement défini par le législateur, et c’est donc à la jurisprudence de s’atteler à cette tâche, d’où un contentieux conséquent à ce sujet.

C’est bien évidemment la faute qui s’est imposée comme étant la source de juste motif la plus aisée à défendre. Mais pour qu’elle soit exclusive de toute indemnisation, elle se doit d’obéir à certains critères.

En effet, la faute doit être commise dans le cadre du mandat social, et doit être lié à la gestion de la société comme l’énonce une jurisprudence de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 11 mars 1983.

Par ailleurs, la faute peut revêtir plusieurs aspects. En effet, peut caractériser une faute le fait pour un mandataire de dénigrer la société aux yeux des tiers, en ce sens qu’un tel acte est de nature à compromettre l’intérêt social ou le fonctionnement de la société. C’est aussi valable pour le non-respect de stipulations statutaires, le manquement à des obligations de faire comme l’absence de décision face à l’aggravation de la situation de la société, – Cour d’appel de Paris, 13 mars 1984 -, la gestion catastrophique de celle-ci, – Chambre commerciale de la Cour de cassation, 17 décembre 1974 -, le non-respect d’une décision collective prise par les associés, ou la signature en qualité de gérant des statuts d’une société en formation, sans obtenir l’accord des associés ni même les en tenir informé, – Chambre commerciale de la Cour de cassation, 29 mai 1990 -. En l’espèce, la Cour d’appel de Paris énonce que « le fait par un membre du directoire, soit de voter pour ou contre une résolution proposée par l’assemblée générale, soit de s’abstenir sur ce vote lorsque celui-ci ne met pas en cause la gestion des affaires sociales, ne peut constituer un juste motif de révocation au sens de l’article 121 de la loi du 14 juillet 1966 ».

Cette forme de juste motif, établi sur une faute, peut être considéré comme un risque inhérent au statut de dirigeant, et elle dépend de la réalité de la faute ainsi que de son importance. C’est cette importance qui permet de différencier la révocation ad nutum de la révocation pour juste motif, et c’est aux juges qu’il revient de constater les faits et d’en apprécier la valeur.

Cependant, et comme en l’espèce, la jurisprudence a réaffirmé l’existence d’une autre source de juste motif reconnu en dehors de toute faute : le juste motif issu de l’intérêt social réel et certain.

B. Or l’intérêt social réel et certain peut justifier la révocation d’un dirigeant

Au-delà du juste motif reconnu pour faute, la jurisprudence à assez rapidement consentie à considérer comme une justification potentielle d’une révocation de dirigeant une notion du droit des sociétés d’une dimension conséquente et qui est couramment brandie pour asseoir la légitimité d’une décision litigieuse et à juste titre sujet à controverses : l’intérêt social. Un problème hélas récurrent dans le cadre de notions aussi vastes que peut l’être l’intérêt social d’une société réside dans la délimitation d’une telle notion. C’est donc la jurisprudence, confrontée à moult sollicitations, qui est amenée à donner forme à ces éléments intangibles.

Ainsi, dès 1972, dans un arrêt rendu par le tribunal de commerce de Paris, a été jugé que la divergence de conception sur la manière de gérer une société, lorsqu’elle surgit entre un nouveau groupe d’actionnaires majoritaires et un membre du directoire antérieurement en fonction, suffit à légitimer le motif de révocation sans qu’il y ait pour autant faute du mandataire révoqué. Notons que cet arrêt a été confirmé dans un arrêt du 17 juillet 1984 précisant que la divergence de conception doit être de nature à nuire à l’efficacité de la direction. Par ailleurs, en 1973, dans une décision rendue par la Cour d’appel de Rennes daté du 28 mars, a été avancé que « la réorganisation d’une société imposée par des établissements bancaires justifie la révocation d’un membre du directoire ». Il est tout de même utile de préciser qu’en l’occurrence, la Cour avait relevé à l’encontre de l’intéressé une part de responsabilité nécessairement fautive, au moins par inertie, dans l’aggravation de la situation financière de la société. La Cour d’appel de Douai, dans une décision du 17 Juin 1976, a, quant à elle, considéré comme étant justifiée la révocation d’un président du directoire imposée par la nécessité d’obtenir le renouvellement d’une concession vitale pour la société dès lors que, par son attitude personnelle, le président du directoire rend impossible un tel renouvellement. Il faut noter que dans ce cas, il s’agit de révoquer le président, non pas seulement de lui retirer sa qualité de président et de le conserver comme membre du directoire, auquel cas la révocation serait ad nutum, donc exclusif de toute indemnité sans nécessiter pour cela de justifier d’un juste motif.

Ainsi, la décision d’espèce ici étudiée, apparaît comme réunissant l’ensemble de ces décisions sous la notion d’intérêt social réel et certain, énonçant que « la notion de juste motif se définit non pas seulement en fonction de l’activité ou du comportement du membre du directoire intéressé mais aussi en fonction de l’intérêt social, réel et certain ». Une telle décision aurait pu très rapidement être perçue comme une porte ouverte pour permettre aux associés, sous couvert d’un quelconque désaccord, de se « débarrasser » d’un mandataire sans réellement craindre d’avoir à débourser des indemnités. Mais si déjà, en l’espèce, la Cour d’appel refuse l’existence d’un juste motif, établissant que « le fait par un membre du directoire, soit de voter pour ou contre une résolution proposée par l’assemblée générale, soit de s’abstenir sur ce vote lorsque celui-ci ne met pas en cause la gestion des affaires sociales, ne peut constituer un juste motif de révocation au sens de l’article 121 de la loi du 24 juillet 1966 », le mouvement jurisprudentiel a veillé à ne pas vider le juste motif de sa raison d’être, soit de protéger un mandataire en obligeant les associés à ne pas révoquer à la légère, ainsi qu’en offrant la possibilité d’un dédommagement pécuniaire. Ainsi, la Cour d’appel de Versailles, dans une décision rendue le 27 novembre 1985, ne reconnaît pas de juste motif dans le cas ou le motif allégué est artificiellement rattaché à l’intérêt de la société ; ici, l’opposition d’un gérant à un plan de redressement totalement inefficace. Plus récemment, un arrêt rendu le 25 février 1992 par le tribunal de commerce de Paris s’inscrit dans le droit fil de ce mouvement jurisprudentiel.

Il semble donc que la crainte rigoureusement légitime de la doctrine de voir les juges élargir la reconnaissance du juste motif, le banalisant de ce fait et rapprochant ce type de révocation, un temps soit peu protégé, de la révocation ad nutum, puisse être écartée dans le cadre de la justification par l’intérêt social, ce qui n’éradique pas totalement ce risque si on se réfère au juste motif reconnu pour perte de confiance, qui bien que temporisé par un décision rendu par la Cour d’appel de Paris le 08 novembre 1991, constitue malgré tout une possibilité supplémentaire « d’excuser » une révocation illégitime dans son motif.

Un autre mode de protection auquel l’espèce étudiée rend toute son importance, y compris dans le cadre d’une révocation pour juste motif, doit être envisagé : l’abus de droit.

II. La Cour présente le juste motif et l’abus de droit comme des notions non exclusives l’une de l’autre

La décision étudiée ici offre au dirigeant révoqué, outre un cumul possible d’indemnité, – pour absence de juste motif et pour révocation abusive -, une protection supplémentaire en affirmant que chacune des deux notions ne ressortent pas des mêmes considérations, et ainsi, ne sont nullement exclusives l’une de l’autre.

A. L’abus de droit ne résulte que des circonstances de la révocation, non de sa motivation

L’abus de droit, de part son analyse littérale, soit l’utilisation abusive d’un droit, pourrait être envisagé comme un corollaire du juste motif, une garantie surabondante. Or la Cour d’appel de Paris, en l’espèce, énonce que « l’abus de droit de révocation d’un membre du directoire ne peut résulter que des circonstances mêmes de la révocation en dehors de toutes les motivations de celle-ci ». Il apparaît dès lors que les juges ont souhaité exposer la notion d’abus de droit comme une notion clairement distincte du juste motif, en plaçant son appréciation non sur l’origine de la révocation, mais sur la manière par laquelle est intervenue cette révocation. La Cour en déduit légitimement que « le fait pour une assemblée générale de n’avoir pas commis un abus dans l’exercice de son droit de révocation d’un membre du directoire n’est pas exclusif de l’allocation de dommages-intérêts au cas où la révocation a été décidée sans juste motif ». Cette décision n’est pas unique en son genre, et la chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt de censure rendu le 21 Juin 1988, est venue réaffirmer cette appréciation en énonçant que les juges du fond ne peuvent se prononcer sur les griefs faits par la société au président révoqué, mais doivent simplement apprécier si ce dernier, demandeur en dommages-intérêts, établit que les circonstances de la révocation sont injurieuses ou vexatoires. Un autre arrêt rendu par la même chambre le 27 mars 1990 en a clairement déduit que l’abus de droit est détaché de l’absence de juste motif et ne se rapporte qu’aux circonstances mêmes de la révocation. Enfin, cette notion trouve sa pleine application dans un arrêt rendu le 01 février 1994 par la chambre commerciale de la Cour de cassation où un gérant s’est vu reconnaître le droit de revendiquer des dommages-intérêts en s’appuyant sur les deux causes d’indemnisation : le juste motif et l’abus de droit.

Il apparaît ainsi que la jurisprudence a fait encore un geste pour amener les associés souhaitant se séparer d’un mandataire, à réfléchir au-delà de la cause de cette décision, en se penchant sur les conditions d’exécution de celle-ci afin qu’une telle séparation se fasse avec un minimum de respect envers l’intéressé qui bien souvent, de part son statut, est censé disposer de compétences qui ne sont pas mises en cause. Par ailleurs, il semble raisonnable de concevoir qu’au-delà de la nécessité de respecter l’individu même au moment de sa révocation, la plus grande rigueur soit de mise dès lors que cela va inévitablement jouer un rôle capital dans la poursuite de la carrière de l’individu.

D’où une appréciation des circonstances de la révocation visant à caractériser l’abus de droit établi sur les conditions vexatoire ou injurieuses.

B. Des circonstances portant atteinte injustifiée à l’honneur ou à la réputation de l’intéressé

Afin de caractériser l’abus de droit dans le cadre d’une révocation de mandataire social, il semble évident de s’attendre à ce que cette révocation porte atteinte à l’intéressé. Cependant, dans l’absolu, le simple fait d’être révoqué est certainement perçu comme une atteinte par le mandataire, aussi la jurisprudence a-t-elle établi le type d’atteinte à prendre en compte pour caractériser un abus de droit. Ainsi, en l’espèce, la Cour d’appel de Paris précise que l’abus de droit peut être reconnu dès lors que les circonstances de la révocation « portent une atteinte injustifiée à l’honneur ou à la réputation de celui-ci ». Est de nos jours plus usitée l’expression de « circonstances injurieuses et vexatoires », ce qui équivaut à une traduction plus éloquente de l’idée « d’atteinte à l’honneur de l’intéressé », sans pour autant en détourner la portée. Cette notion est assez bien ancrée dans la jurisprudence qui ne cesse de connaître de litiges en ce domaine, affinant en permanence le contenu de cette notion. A ainsi été jugée abusive par la chambre commerciale de la Cour de cassation la révocation d’un administrateur suite à son abstention de vote, alors que cette attitude ne mettait pas en péril la société. La mesure prise a été considérée comme intempestive et vexatoire, caractérisant un abus de droit. Par ailleurs, un arrêt rendu par la même chambre le 02 octobre 1978, a constaté l’abus de droit notamment parce qu’il avait été apposé un placard d’information du personnel expliquant que le mandataire révoqué l’avait été pour incapacité et malhonnêteté.

Plus récemment, la Cour d’appel de Paris, dans une décision rendue le 21 octobre 1991, a jugé comme intervenue dans des circonstances vexatoires, la révocation du directeur général qui en a été informé par une note de service adressée à l’ensemble du personnel et a été prié d’abandonner son bureau et son véhicule de fonction sans délais. Cette dernière décision amène à relever qu’il est souvent adjoint à l’idée de circonstances injurieuses et vexatoires, généralement déduites d’une publicité injustifiée de la situation du révoqué quand il ne s’agit pas de diffamation, le caractère brusque de l’éviction. Il semblerait que même en dehors de toute publicité inopportune, la soudaineté, la brutalité de la révocation, puisse par elle-même générer un abus de droit. On peut aisément comprendre la motivation des juges protecteurs de l’individu révoqué par un groupe, si l’on déduit de la soudaineté un manque de réflexion avant la décision, et révélant un manque de considération à l’encontre de l’intéressé, voire une volonté d’humilier celui-ci, si on considère la brutalité de la révocation.

Ainsi, la décision rendue par la Cour d’appel le 20 novembre 1980 s’inscrit bien dans ce mouvement jurisprudentiel en rejetant l’abus de droit, relevant une absence de menace à l’encontre de De la Gravière, ainsi qu’une publicité de l’événement limitée à celle légale.

Cette décision a été suivie par un important contentieux dans le même domaine, confiant aux juges la délicate mission de protéger les mandataires à la merci des associés, sans pour autant vider l’article 121 de la loi du 24 juillet 1966 de son sens et de sa portée.

Commentaire d’arrêt complet : Com., 17 mai 1989 (Affaire Bartoli)

Fiche rédigée par Michael Vayssié (deug de Droit-Anglais, puis Licence de Droit).

Ce commentaire d’arrêt a obtenu la note de 15/20.

Chambre commerciale de la Cour de cassation, 17 mai 1989.
Franck contre société TOPUER et autres.

Thème : Société
Mots clefs : Société en formation-personne ayant agi en son nom | Existence et nature des actes accomplis | Constatations nécessaires.

Introduction

Tout sujet envisageant une action à caractère juridique, ou du moins, juridiquement reconnu, se doit de disposer du droit d’agir en justice et une des conditions de ce droit est évidemment d’être une personne. Si l’individu – personne physique -, en tant qu’être vivant autonome, dispose de ce droit a priori, le problème s’est posé de la personnalité d’un groupe de personnes réunies par une même volonté de se constituer en société. La personnalité morale ainsi octroyée à une société, suivant la théorie de la fiction, se fait par l’immatriculation de celle-ci au registre du commerce et des sociétés et permet à cette société d’avoir une « vie juridique ». Cependant, les sociétés qui ne sont pas encore immatriculée, dites « en formation », doivent passer par la réalisation d’actes divers nécessaires à leurs constitution et ce, par l’intermédiaire de personnes physiques. Ce procédé est source de contentieux.

Ainsi, dans l’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation, le 17 mai 1989, des services divers ont été rendus sous forme de travaux effectués au profit d’une S.A.R.L. en formation et le problème s’est posé de savoir qui devait payer la somme due. Sachant que la commande n’avait été passée que par un des associés, – M. Bartoli -, les juges du fond ont cependant condamné les deux associés solidairement en paiement de la dette, considérant « qu’il y avait eu société créée de fait entre les deux associés », bien que « ceux-ci avaient agi au nom d’une société en formation ».

L’associé qui n’avait pas passer les commandes litigieuses se pourvoi devant la Cour de cassation qui casse la décision d’appel au motif que les juges du fond n’ont pas constaté « que la prétendue société crée de fait avait développé de manière durable et importante une activité dépassant l’accomplissement de simples actes nécessaires à sa constitution et ont relevé que la commande litigieuse avait été effectuée uniquement par M. Bartoli ».

Cette décision nous amène donc à nous interroger sur la distinction qui doit être faite entre les sociétés créées de fait et les sociétés en formation, le non-cumul de ces qualifications et le principe de responsabilité des actes passés pour le compte d’une société en formation.

Nous tenterons de voir comment la Cour de cassation présente la société créée de fait et la société en formation comme étant des situations alternatives, non cumulatives ;

Puis le régime de la responsabilité des personnes qui agissent dans le cadre d’une société en formation et la notion du transfert possible de responsabilité par le mécanisme de la reprise.

I. La Cour de cassation présente la société créée de fait et la société en formation comme des situations alternatives

Nous allons voir comment l’arrêt, bien que traitant de deux situations assez proches, établit un seuil délimitant celles-ci et par là, les présentant comme alternatives, non cumulatives.

A. La société créée de fait et la société en formation : deux structures proches…

La société créée de fait et la société en formation présentent des aspects communs qui ont certainement amené les juges de la Cour d’appel à superposer les régimes de responsabilité des actes pris par les associés dans l’arrêt étudié.

En effet, une société, quelle qu’elle soit, doit pour être considérée comme telle, présenter trois éléments précis qui sont : l’existence d’apports, l’affectio societatis – volonté des associés de collaborer de façon effective à l’exploitation dans un intérêt commun et sur un pied d’égalité (cf Cass.Com 03/06/1986) -, et la participation aux bénéfices et aux pertes.

C’est, d’ailleurs, l’existence de ces trois éléments dans l’exercice par plusieurs individus d’une activité quelconque, ainsi que le fait que ces individus se soient comportés comme des associés, que la jurisprudence a retenu pour donner naissance aux sociétés créées de fait. On peut relever que l’exigence des trois conditions peut être supplantée en considération de la théorie de l’apparence, celle-ci s’appréciant globalement, indépendamment de l’existence apparente des conditions, selon un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 13 novembre 1980.

Ces sociétés, qui ne sont donc pas établies par contrat, ne disposent en aucun cas de la personnalité morale, puisqu’elles n’ont pas pour but, à l’origine, d’être des sociétés et donc ne sont pas immatriculées. Ici est possible le rapprochement avec la société en formation qui elle est une société « volontaire », mais qui ne pourra disposer de la personnalité morale qu’une fois immatriculée, soit lorsque les associés le souhaiteront, puisqu’il n’y a pas de limitation de durée à la période de formation. Dès lors apparaît la faille qui a pu donner naissance au litige de l’espèce : la société créée de fait découle des actes pris par les « associés » qui se comportent comme tels, et la société en formation agit par l’intermédiaire des associés qui la constituent.

En effet, cette société en formation, qui n’existe alors que par contrat, peut avoir une activité, mais elle ne le peut que par l’intermédiaire de personnes qui agissent en son nom, et qui supportent la responsabilité de ces actes, puisque la société en formation n’a pas la personnalité morale, et n’est donc par responsable juridiquement. Dans le cadre de la société créée de fait, la solution diffère puisque c’est l’ensemble des « associés » qui sont tenus de remplir les obligations issues du fonctionnement de la société, comme nous le développerons ultérieurement.

Dans l’arrêt d’espèce, la Cour de cassation décide de casser la décision de la Cour d’appel et institut un seuil ayant pour but de discerner clairement les deux notions « créée de fait » et « en formation ».

B. …mais la Cour de cassation établit un seuil délimitant ces deux structures.

Dans sa décision, la Cour d’appel condamne solidairement les deux associés, constatant une société créée de fait, mais ne contestant pas la réalité de la société en formation. Il semble alors évident que la Cour d’appel a utilisé la faible délimitation entre les deux structures « société créée de fait » et « en formation », pour les utiliser comme des structures non pas alternatives mais cumulatives.

Si cette solution offre une plus large garantie aux créanciers de se voir remboursés, il reste cependant un problème apparent qui amène à s’interroger quant à l’utilité d’envisager ces deux structures. Il serait peut-être opportun de supposer que la notion de société créée de fait absorbe la société en formation qui se révélerait être superflue.

La chambre commerciale de la Cour de cassation a décidé, en cassant cet arrêt de la Cour d’appel, d’éradiquer cet amalgame, ce cumul, en révélant les conditions nécessaires à la distinction entre ces deux possibilités. En effet, la Cour énonce que les juges du fond n’ont pas constaté que la

« prétendue société créée de fait avait développé de manière durable et importante une activité dépassant l’accomplissement de simples actes nécessaires à sa constitution ». Ainsi, la Cour présente bien les deux cas de figures comme étant alternatifs, non cumulatifs, le passage de l’état de société en formation vers celui de société créée de fait se subordonnant à l’existence d’une activité « durable et importante », « dépassant l’accomplissement d’actes nécessaires à la constitution » de la société.

Cette décision, aussi claire soit-elle quant à l’orientation choisie, n’en est pas moins imprécise, et c’est à la jurisprudence d’étoffer le cadre ainsi défini. Si une société en formation est logiquement en droit de prendre des actes nécessaires à son démarrage, la jurisprudence lui interdit certains actes comme l’incapacité de surenchérir, selon un arrêt de la seconde chambre civile de la Cour de cassation rendu le 18 mai 1989, ou la possibilité de former tierce-opposition à un jugement rendu au Cours de sa période de formation, selon un arrêt rendu par la Cour d’appel de Rouen le 22 février 1979.

Au-delà de ces exemples, on peut remarquer que la condition de « dépassement d’actes nécessaires à la constitution » de la société sous-entends bien la possibilité pour un société en formation de

« basculer » vers une société créée de fait, mais aussi que la délimitation reste vague, et cette idée reste renforcée par la première condition mise en exergue par la Cour, soit la durabilité et l’importance de l’activité. La société créée de fait étant donc aussi reconnue sur la durée, et la société en formation n’étant pas limitée dans sa durée, la frontière pourrait demeurer hasardeuse si le législateur ne prévoit pas une limitation de durée à la société en formation, comme semble le souhaiter la jurisprudence si l’on s’en réfère à l’arrêt rendu le 2 décembre 1982 par la Cour d’appel de Paris, considérant qu’une entreprise privée de la personnalité morale et qui avait exercé son activité pendant une durée d’au moins un an avait cessé de ce fait d’être une société en formation et avait pris le caractère d’une société crée de fait.

Cette scission effectuée par la Cour de cassation à immanquablement des conséquences quant à la responsabilité des individus qui passent des actes pour le compte des sociétés en formation, comme en l’espèce.

II. La Cour de cassation réaffirme le mode de responsabilité des actes pris pour une société en formation

Lorsque des individus qui se situent dans le cadre d’une société en formation prennent des actes pour le compte de cette société, l’article 5 de la loi du 24 juillet 1966 prévoit le mode de responsabilité qui s’y rattache et offre la possibilité d’un transfert de cette responsabilité de la personne physique vers la société immatriculée.

A. La Cour de cassation fait une application rigoureuse de l’article 5 de la loi du 24 juillet 1966

La loi du 24 juillet 1966, dans son article 5 alinéa 2 prévoit que  » les personnes qui ont agi au nom d’une société en formation, avant qu’elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits « . Dans cet article, les individus qui ont agi  » pour le compte  » de la société, sont  » tenus solidairement et indéfiniment « . Cet article a été interprété par la jurisprudence afin que la notion  » agir au nom de la société  » soit rigoureusement utilisée ; ainsi, il est nécessaire qu’il y ait eu des agissements personnels et positifs, et seules les personnes qui les ont accomplis, et non toutes celles qui ont participé à la formation de la société sont concernées par l’article 5 de la loi de 1966, comme l’énonce un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 4 mai 1981. Un arrêt de la même juridiction rendu le 25 octobre 1983 réaffirme qu’il est déterminant de se trouver face à une participation personnelle à l’acte litigieux. Dans l’arrêt étudié, seul M. Bartoli a pris les engagements litigieux. C’est donc en restant dans la stricte interprétation de la législation que la Cour de cassation, constatant bien l’activité pour le compte d’une société en formation, refuse la condamnation solidaire de M. Bartoli et de son associé. Là encore intervient la juste nécessité de dissocier nettement les qualifications  » créée de fait  » et  » en formation « .

En effet, la solution de la Cour de cassation aurait été indubitablement différente si il avait été question d’une société créée de fait, étant donné que dans ce cadre, soumis au régime juridique de la société en participation, soit à l’article 1873 du code civil, dès lors qu’une personne passe des actes pour la  » société créée de fait  » reconnue comme telle, tous les autres  » associés  » sont tenus personnellement et solidairement, même si ils n’ont pas participé aux actes.

Un élément de l’article 5 de la loi de 24 juillet 1966, qui peut être envisagé comme une suite logique du seuil instauré par la Cour de cassation entre  » société créée de fait  » et  » société en formation « , ainsi que du mode de responsabilité des individus agissant pour le compte d’une société en formation, doit être mis en avant : la reprise des actes de formation par la société immatriculée et ses conditions.

B. Les conditions de reprise par la société des actes pris lors de sa formation et le transfert de responsabilité

Les associés qui prennent des actes pour une société en formation sont responsables personnellement de ceux-ci, cependant ils peuvent se voir dégagés de leur responsabilité au moyen de la reprise de ces actes par la société.

Cette technique ne peut être libératoire pour les personnes concernées qu’à partir du moment où la société obtient la jouissance de la personnalité morale mais aussi, et sur ce point la jurisprudence semble assez stricte, s’il y a eu respect d’un certain formalisme. Cet attachement à une certaine rigueur quant à l’appréciation des actes effectivement passés pour le compte d’une société en formation provient du fait que la reprise des engagements est en soit un acte grave pour les créanciers puisqu’elle dégage ceux qui ont contracté à l’origine avec eux. Ainsi la jurisprudence précise que lors de leur souscription, les actes susceptibles d’être repris par la société, doivent être formulés de façon précise et faire apparaître sans ambiguïté possible qu’ils sont contractés pour le compte d’une société en formation. Par ailleurs, ce qui va pallier au fait que quelle que soit la personne qui passe l’acte, elle ne peut être mandatée par la société en formation puisque cette dernière ne dispose pas de la personnalité juridique, c’est l’intention de cette personne d’agir pour la société et, le formalisme requis va permettre de prouver l’existence de cette même intention.

Dans le cas où cette intention ne serait pas valablement constatée par les juges du fond dans le cadre d’un litige, le créancier dispose alors de la possibilité de produire sa demande en paiement à l’encontre de la société, mais aussi à l’encontre de la personne qui a passé l’acte et qui en reste personnellement responsable.

A l’inverse, si l’acte est reconnu comme ayant été passé pour le compte de la société en formation, il est réputé avoir été, et ce dès son origine, souscrit par la société : c’est un mécanisme rétroactif. Notons que pour être totalement libérées des conséquences de ces actes, les personnes concernées se doivent d’apporter la preuve de la reprise effectuée par la société. Il est à noter aussi que rien ne s’oppose à ce que la solidarité soit expressément stipulée entre la société et la personne qui a souscrit l’engagement au Cours de la période constitutive. En l’espèce, le choix de la Cour de cassation de valider les agissements de M. Bartoli commis pour le compte de la société en formation, fait non seulement perdre au créancier la possibilité de se retourner contre l’associé, mais aussi, si la reprise de l’acte litigieux est effective, impliquera qu’il poursuive la société et non plus M. Bartoli.