Sommaire : cours complet de Finances publiques (L2)

Ce cours complet de Finances publiques a été actualisé en 2022.

Partie 4 : Les finances des collectivités territoriales

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La France a très longtemps été en retard sur l’autonomie financière des collectivités territoriales.
Par exemple, la Charte européenne de l’autonomie locale a été adoptée en 1985 par le Conseil de l’Europe, mais n’a été ratifiée par la France qu’en 2007, ce qui démontre bien le retard français dans ce domaine.
(elle n’était pas ratifiée par la France parce qu’elle imposait la reconnaissance des langues régionales)

Une nouveauté a été introduite par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 : l’article 72-2 de la Constitution pose pour la 1ère fois le principe de l’autonomie financière des collectivités territoriales.
Cet article a été traduit par une loi organique du 29 juillet 2004 relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales.
Cette autonomie est censée permettre aux collectivités de s’émanciper et de s’administrer librement.

Idée : il ne peut y avoir d’autonomie des collectivités territoriales sans que ces dernières n’aient une autonomie financière.
Problème : dichotomie entre les principes constitutionnels et leur application.
La Constitution pose une autonomie financière, mais dans la pratique les collectivités restent encore largement soumises à la volonté de l’État, que ce soit dans leurs ressources ou dans le contrôle de leur gestion.

Illustration avec l’actualité :
Clément Beaune, le ministre des Transports, a récemment affirmé qu’il était envisageable de mettre la mairie de Paris sous tutelle.

§ 1. L’affirmation constitutionnelle d’une autonomie financière

Cette affirmation constitutionnelle n’a été effective qu’à partir de 2003, mais elle s’appuie sur les grandes lois de décentralisation, notamment celle de 1982.
Plus on transfère de compétences aux collectivités territoriales, plus leur budget doit augmenter en proportion.

On a d’abord accru leurs compétences, par les grandes lois de décentralisation, puis on a reconnu leur autonomie financière à posteriori.
Aujourd’hui, les collectivités territoriales représentent ~20% des dépenses étatiques, pour ~280 milliards d’€ en 2021.

Pour pouvoir dépenser autant, les collectivités territoriales doivent avoir des ressources.
Le principe de l’autonomie financière repose sur le bénéfice de ressources.

A – Le cadre de l’autonomie financière des collectivités

Cette autonomie intéresse les ressources gérées par les collectivités et les compensations financières qu’accorde l’Etat aux collectivités.

1) Les ressources gérées par les collectivités

L’article 72-2 de la Constitution prévoit, dans son alinéa 3, que les collectivités doivent bénéficier de ressources propres qui représentent une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources.
Ces ressources propres sont constituées de plusieurs catégories :
> impositions de toute nature fixées par la loi ;
> redevances pour les services rendus par les collectivités ;
> recettes que les collectivités dégagent de leurs biens publics ;
> participations d’urbanisme (extrêmement variées) ;
> dons et legs donnés aux collectivités territoriales ;
> produits de leurs placements financiers.
→ Ressources propres particulièrement variées.

Certaines dépendent entièrement des collectivités territoriales, dès lors qu’elles peuvent fixer le montant de ces ressources.
En revanche, les collectivités territoriales ne gèrent pas directement le montant issu des impôts fixés par la loi.

Il y a une certaine difficulté à considérer que le produit des impôts est une ressource propre, dès lors que les collectivités n’ont pas le pouvoir de créer un impôt.
Elles n’ont parfois aucune prise sur l’impôt dont elles vont bénéficier.

Exemple : la suppression de la taxe d’habitation, définitivement supprimée pour l’année prochaine, qui avait l’avantage de permettre aux collectivités d’en moduler le taux.
Elle a été remplacée par une partie de la TVA ; or les collectivités ne peuvent pas moduler le taux de la TVA, elles perdent donc une marge de maneouvre dans l’accroissement de leurs ressources.

Il y a 2 difficultés :
1- considérer qu’il y a des “ressources propres” sur lesquelles les collectivités n’ont aucune influence ;
2- savoir ce que veut dire « une part déterminante » de l’ensemble des ressources.

Le Code général des collectivités territoriales définit « part déterminante » en disant que la part des ressources propres est calculée en la rapportant au montant total de leurs ressources.
Concrètement, la loi organique de 2004 (qui a créé cette disposition) vient préciser à partir de quel seuil est atteint la « part déterminante ».

Pour cela, on prend l’année 2003 et l’on retient les ratios de 2003 entre les ressources propres et l’ensemble des ressources.
La “part déterminante” dépend ainsi des collectivités :
> régions → 42% ;
> départements → 59% ;
> communes → 61%.

1ère limite : la la part déterminante peut être inférieure à 50% (c’est le cas pour les régions).
2ème limite : dans cette part déterminante sont intégrées des ressources sur lesquelles les collectivités n’ont pas de capacité de modification ; ex : TVA = fraction d’un impôt national.

3ème limite : si l’on fixe un ratio, on a 2 manières de le respecter :
1- soit on augmente la part des ressources propre → augmente pourcentage ;
2- soit on diminue les autres ressources → augmente pourcentage.
L’article 72-2 de la Constitution et la loi organique de 2004 sont donc assez peu protectrices des collectivités territoriales.

Ensuite, l’alinéa 2 de l’article 72-2 de la Constitution attribue aux collectivités territoriales un pouvoir fiscal résiduel, permettant aux collectivités de modifier l’assiette ou le taux de certaines impositions.
→ Leur donne une certaine liberté et autonomie.

Toutefois, cette autonomie fiscale est nécessairement limitée, puisque les collectivités ne peuvent pas créer d’impôt.
Conseil constitutionnel, 2009, Loi de finances pour 2010 :
Les autorités territoriales sont incompétentes pour créer un impôt, au regard du principe du consentement à l’impôt.
Sauf la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna.

Les collectivités territoriales ne disposent donc pas de possibilité d’augmenter leurs recettes, sauf pour les impositions dont elles peuvent modifier l’assiette ou le taux.

La suppression de la taxe d’habitation pose problème, car les collectivités territoriales ne peuvent plus jouer sur ces ressources (en les augmentant ou diminuant).
Même si la taxe d’habitation n’était pas le meilleur impôt…

L’article 72-2 pose un pose un dernier principe à son alinéa 1 : si les collectivités peuvent disposer librement des ressources dont elles bénéficient, elles ne peuvent le faire que dans les conditions fixées par la loi.
Elles n’ont donc pas de réelle liberté en matière de dépense, car certaines dépenses sont interdites.
Exemple : interdiction de certaines subventions économiques, notamment aux cultes.

Les collectivités territoriales peuvent être forcées à utiliser certaines recettes dans un but particulier.
Conseil constitutionnel, 2017, Égalité et citoyenneté :
N’est pas contraire à l’autonomie financière l’obligation pour les collectivités de construire un pourcentage minimal de logements sociaux dans les communes.
Idem pour l’interdiction des collectivités de financer leur fonctionnement régulier par l’emprunt.
→ Limite l’autonomie financière des collectivités.

Les collectivités bénéficient donc sur le papier d’une autonomie financière, mais ce principe est fortement limité en ce qu’il concerne les ressources attribuées aux collectivités + les dépenses réalisées par les collectivités.
Surtout, le Conseil constitutionnel n’encadre que très peu l’action de l’État dans ce domaine, puisqu’il n’oblige pas réellement à ce que l’État compense intégralement le coût des compétences transférées aux collectivités.

2) La compensation financière de l’État

L’article 72-2 prévoit dans son alinéa 4 le fait que tout transfert de compétences de l’État à une collectivité s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à ce que l’État dépensait.
Cette obligation, avant 2003, était simplement dans la loi de 1982.

Difficulté : comment évaluer cette compensation financière ?
Le CGCT traduit l’alinéa 4 en prévoyant que cette compensation financière repose sur des ressources équivalentes à la date à laquelle la compétence a été transférée.

La Constitution n’impose pas de compensations financières glissantes (= qui évolueraient en fonction du coût de la dépense).
Cela signifie que les collectivités, même si elles doivent dépenser plus, n’auront pas de compensation financière équivalente de la part de l’État.
L’État peut ajuster sa compensation, mais il n’en a pas l’obligation – généralement, il ne le fait pas, pour limiter son propre déficit.

Exemple : pour le RSA, certains départements ont vu le coût de sa prise en charge être multiplié par 1,5 voire par 2, alors qu’ils n’ont pas bénéficié de ressources équivalentes.

Lors de la création d’une nouvelle compétence, l’obligation imposée à l’État est encore moins contraignante.
Conseil constitutionnel, 2008, Accueil des élèves :
Lorsqu’une nouvelle compétence est créée, l’État doit compenser financièrement au regard de l’évaluation qu’il a effectué, sans méconnaître la libre administration des collectivités territoriales.
Le Conseil constitutionnel se refuse à sanctionner l’État pour méconnaissance de la libre administration des collectivités territoriales, dont découle leur autonomie financière.

La compensation financière doit principalement être effectuée par des ressources propres plutôt que par des subventions de l’État, pour respecter l’alinéa 3 de l’article 72-2.

L’alinéa 5 évoque le problème de l’inégalité entre les collectivités territoriales.
Il organise une péréquation financière : la loi doit favoriser l’égalité entre les collectivités d’un point de vue financier.
Enjeu : que les collectivités aient des ressources relativement équivalentes, pour que leurs administrés puissent bénéficier de services relativement équivalents.

Puisque certaines collectivités disposent de bien plus d’impositions que d’autres, ce système vise à compenser cette inégalité.
L’État compense les inégalités, soit en prévoyant des subventions qu’il attribue directement aux collectivités territoriales les plus pauvres, soit en assurant la péréquation par un fond de compensation qui est alimenté par les collectivités territoriales elles-mêmes.

Problème : l’article 72-2 invite seulement le législateur à organiser la péréquation → ça n’est pas une stricte obligation juridique.
Conséquence : certaines collectivités auront plus de difficultés à assurer leurs compétences, même s’il faut reconnaître que l’Etat est de + en + actif depuis 2010 sur cette péréquation.

L’autonomie financière des collectivités territoriales est donc relativement peu appliquée d’un point de vue strict, car elles sont entravées dans leur capacité d’agir librement.
Elle est justifiée en France par le fait que la centralisation n’a pas disparu ; l’État ne met pas réellement en oeuvre cette autonomie financière.

B – La gouvernance des finances locales par l’État

Dans la continuité des traités européens (notamment le PSC et le TSCG), l’État a intégré la nécessité d’encadrer les finances locales pour réduire le déficit local.

Les pactes de confiance fixent des objectifs pour les grosses collectivités (budget >400M → régions, départements, certaines communes).
Principe : l’État fixe des objectifs de dépense, qui devront se rapprocher de l’équilibre, avec un déficit maximum de 0,5 points.
Contrepartie du respect de cet objectif : les collectivités bénéficieront de subventions d’investissement de l’État.

Le terme de « pacte » et de « contrat » est ici un peu dénaturé : où est l’accord de volontés ?
Cela démontre surtout que l’État ne laisse pas de vraie marge de manœuvre aux collectivités territoriales, car il limite leur gouvernance et donc leur capacité à s’autogouverner.

Antinomie entre le principe constitutionnel d’autonomie financière, avec une application peu contraignante, et le pilotage étatique des finances locales, qui vient limiter leur libre administration.
→ L’autonomie financière existe, mais est un principe très malléable.

§ 2. Les finances des collectivités territoriales

A – Le cadre budgétaire local

1) Le cadre juridique général

Les collectivités territoriales doivent adopter chaque année un budget primitif, qui est une sorte de loi de finances pour les collectivités.
⚠️ Il n’y a pas de “loi de finances locale”.

Ce budget primitif autorise les dépenses et les recettes.
Il peut être complété en cours d’année par des budgets complémentaires.

Les collectivités territoriales présentent toujours leur budget de la même façon, avec 2 catégories distinctes :

  1. La section Fonctionnement intègre les recettes courantes (impôts, taxes…) et toutes les dépenses qui reviennent régulièrement (rémunération du personnel, mission attribuées par la loi aux collectivités…).
  1. La section Investissement intègre les recettes sortant de l’ordinaire (ex : vente d’un bien public) et les dépenses qui ne sont pas régulières (ex : construction d’un nouveau bâtiment).

Cette division est essentielle, puisque l’emprunt ne peut servir à financer que la section d’investissement – il ne peut pas servir à financer le fonctionnement régulier.

Les budgets doivent ensuite respecter certains principes cardinaux des finances publiques.

  1. Unité budgétaire au niveau local : toutes les recettes et toutes les dépenses figurent dans un seul et même document.
    Comme pour l’État, les collectivités peuvent créer des budgets annexes pour toutes les opérations qui relèvent de services publics dépourvus de la personnalité juridique.
  1. Universalité budgétaire : la règle de non-contraction doit être respectée.
    Toutes les recettes et toutes les dépenses doivent apparaître sans qu’il y ait un solde.
  1. En revanche, le principe de non-affectation n’est pas réellement appliqué aux collectivités territoriales, au regard de la division Fonctionnement/Investissement, puisqu’il y a des recettes qui vont être affectées par exemple exclusivement à l’investissement, et inversement.
  1. Les collectivités sont soumises au principe d’annualité, mais d’une manière particulière.
    Le budget des collectivités s’applique pour 1 an ; en revanche, ce budget des collectivités territoriales n’a pas à être adopté avant le 1er janvier.
    Il doit être adopté avant le 15 avril, parce que le budget des collectivités dépend de la loi de finances nouvellement votée, puisqu’il dépend des subventions de l’État votées en loi de finances et de l’évaluation des recettes prévues en loi de finances.

    Le budget des collectivités s’applique donc d’avril à avril.
    Plus précisément, le budget voté par une collectivité n’est applicable en principe que jusqu’au 31 décembre, mais il continuera à être applicable jusqu’à ce qu’un nouveau budget primitif soit adopté par la collectivité.
    → Forme d’annualité, mais pas d’antériorité.

  1. Les collectivités sont soumises à un principe de spécialité, au même titre que l’État, puisque l’autorisation votée porte précisément sur l’ensemble des dépenses et des recettes, et non sur un vote d’ensemble du texte.
    Concrètement, le budget sera réalisé par l’organe exécutif local ; il sera ensuite discuté et voté par l’assemblée délibérante locale.
  1. Enfin, les collectivités sont soumises à un strict principe d’équilibre.
    Le préfet et la chambre régionale des comptes contrôlent le respect du principe d’équilibre ; s’il n’y a pas de respect, le budget pourra être déclaré illégal.

    L’emprunt ne peut pas servir à financer le remboursement de l’emprunt, donc les collectivités ne peuvent emprunter que pour investir, et non pour fonctionner normalement.
    Cette obligation stricte n’empêche pas les collectivités de s’endetter ; elle les empêche seulement de financer leur emprunt par l’emprunt.

2) Les processus budgétaires locaux

Les budgets locaux ne répondent pas aux mêmes règles que les budgets étatiques dans leur construction.

Différence fondamentale : pas de règle d’antériorité (mais il y a bien une continuité financière de la collectivité, puisqu’avant le nouveau budget, on pourra procéder à des recettes et des dépenses dans les limites fixées par le budget primitif précédent).

C’est l’exécutif local qui, lui seul, est à l’origine du projet de budget.
Pour effectuer ce projet, l’exécutif local bénéficie d’une expertise venant d’abord de la DGFIP, qui lui permet d’évaluer le montant prévisionnel des impôts.
L’exécutif local peut également obtenir le conseil de la Banque de France et de la Caisse des dépôts et consignations, établissement public sui generis qui investit particulièrement dans le domaine des collectivités.
→ L’exécutif bénéficie d’une aide pour construire son budget.

Lors de la phase de construction, il y a un débat d’orientation budgétaire dans les communes de plus de 3500 habitants.
Objectif : faire participer l’assemblée à la construction du budget, en améliorant sa connaissance du projet à venir.
Dans le cadre de ce débat, l’assemblée délibérante bénéficie d’un rapport de l’exécutif local sur les grandes orientations budgétaires à venir.
Ce rapport est d’autant plus important qu’une information insuffisante des élus locaux entache d’irrégularité l’adoption du budget.
→ Forme de traduction de l’obligation d’information et de la sincérité.

Enfin, pour les régions, l’exécutif local doit demander et obtenir un avis du CESE, qui est une assemblée parlementaire n’ayant pas le pouvoir d’adopter de lois.

Une fois que l’exécutif local a fait le projet, il est présenté devant l’assemblée délibérante qui le discute et l’amende.
Il peut y avoir des modifications profondes mais amendements sont en partie limités.
Il n’y a pas pas d’équivalent de l’article 40 de la Constitution : les élus locaux peuvent modifier l’économie générale du budget primitif ; en revanche, les élus locaux ne peuvent pas créer une dépense interdite.

Leurs amendements ne peuvent pas empêcher la collectivité de réaliser des dépenses obligatoires (= les dépenses prévues par la loi).
Le droit d’amendement local ne doit pas remettre en cause l’exigence d’équilibre du budget, par exemple en cherchant à financer l’emprunt par un autre emprunt.

Le budget local sera appliqué et exécuté par l’exécutif local, avec l’obligation de respecter les principes comptables prévus par le décret de 2012.
Il y a donc au niveau local une division similaire entre ordonnateurs et comptables publics, avec une distinction fondamentale : les compétences des ordonnateurs sont bien plus limitées en matière de recettes, car c’est l’État qui majoritairement détermine l’assiette et la liquidation de l’impôt (c’est la DGFIP qui perçoit et redistribue les impôts).
Les comptables et les ordonnateurs sont limités au champ territorial de la collectivité.

B – Le contrôle des actes budgétaires locaux

Le contrôle des actes budgétaires locaux est d’abord réalisé par l’assemblée délibérante, qui contrôle l’exécution budgétaire.

En matière locale, le contrôle est réalisé par 2 organes extérieurs à la collectivité :

1) Les contrôles pratiqués par les chambres régionales des comptes

Les chambres régionales des comptes contrôlent la gestion réalisée par les collectivités territoriales.
Concrètement, ce contrôle porte d’abord sur la régularité des actes de gestion des collectivités.

Elles ont pour rôle essentiel d’identifier la mauvaise gestion locale.
Les rapports réalisés par la chambre régionale des comptes peuvent être à l’origine de poursuites pénales, lorsque la gestion publique a conduit par exemple à une prise illégale d’intérêts.

Débat : est-ce que les élus locaux ne seraient pas trop responsables pénalement ?
Seules les grandes collectivités peuvent avoir un service juridique compétent…

Les chambres régionales des comptes contrôlent chaque année l’exécution locale, en établissant un document portant sur le vote du compte administratif.
Concrètement, le compte administratif, c’est l’équivalent d’une loi de règlement au niveau local ; il doit être voté en fin de gestion par l’assemblée délibérante.

Comme la Cour des comptes le fait pour l’État, les CRC vont permettre, par ce rapport, aux assemblées délibérantes de pouvoir voter en toute connaissance de cause du compte administratif.
→ CRC constituent une forme de décentralisation du contrôle budgétaire.

Objectif : plus on donne de compétences aux collectivités, plus elles gèrent un budget important, plus il est indispensable de contrôler la bonne gestion des deniers publics.

En cas de mauvaise gestion publique, le préfet pourra intervenir pour contrôler les collectivités locales :

2) Les contrôles pratiqués par les préfets

Le préfet est le représentant de l’État au niveau local.
Il est chargé de contrôler les actes des collectivités, et notamment les actes financiers des collectivités territoriales.

Historiquement, en France, on avait une tutelle des préfets sur les budgets locaux.
Cette tutelle a disparu, pour laisser place à un contrôle à posteriori.

Le préfet peut faire un recours juridictionnel devant le juge admin dans le cadre d’un déféré préfectoral, pour que le juge administratif contrôle la légalité des actes budgétaires.

En pratique, le préfet va d’abord avertir la collectivité qu’il considère qu’il y a des irrégularités en matière budgétaire.
Si la collectivité ne procède à aucun changement, le préfet pourra saisir le juge admininistratif.
La saisine du juge admin conduira à un contrôle de la légalité de l’acte ; si l’acte est déclaré illégal, il sera annulé.

Le préfet peut se substituer à la collectivité pour déterminer et exécuter le budget dans 4 hypothèses :

  1. Si un budget primitif n’a pas été adopté dans les temps, le préfet pourra déterminer ce budget en lieu et place de la collectivité ;
  1. En cas de déséquilibre irrégulier du budget, le préfet pourra se substituer à la collectivité ;
  1. En cas de défaut d’inscription d’une dépense obligatoire, le préfet pourra l’inscrire d’office pour forcer la collectivité à procéder à cette dépense ;
  1. Si le compte administratif excède le seuil de déficit légalement fixé, le préfet pourra se substituer à la collectivité pour ramener l’équilibre à un seuil convenable.

Il faut retenir que ces budgets locaux sont inspirés des règles nationales, mais avec des particularités :

  1. Les collectivités territoriales ne sont pas souveraines, elles sont soumises aux règles déterminées par la loi, que ce soit dans la détermination des ressources ou dans les règles relatives à la construction, à l’adoption et à l’exécution d’un budget ;
  1. Si elles ne disposent pas de la souveraineté, elles doivent – constitutionnellement parlant – avoir une autonomie financière.

Il faut se questionner sur le fait de savoir si l’affirmation de l’autonomie constitutionnelle reçoit effectivement une application proche de sa conception.

Cela est en grande partie dû au fait que l’État joue un double jeu avec les collectivités : il fixe des objectifs de plus en plus contraignants aux collectivités, puisqu’il les voit comme un moyen de réduire le déficit global de la France.

Mais lorsque les collectivités ont par exemple fait des emprunts toxiques ou se sont endettées trop fortement, l’État a au final remboursé ces emprunts des collectivités.
Il y a donc une certaine logique, si l’État est la caution des collectivités, à ce qu’il leur fixe des limites, puisque c’est le budget national qui devra rembourser ces emprunts.

Partie 3 : Les finances de la sécurité sociale

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À côté du budget de l’État qui est dans la loi de finances, on a les finances sociales.
Les finances sociales sont constituées de tous les moyens financiers qui permettent d’assurer et d’organiser une forme de solidarité et de protection sociale (= forme de prévoyance collective face aux difficultés que l’on peut éventuellement rencontrer).
Il s’agit principalement des difficultés qui découlent de la vieillesse, de la maladie, de l’invalidité, du chômage, des accidents du travail ou encore des charges familiales.

En France, les finances sociales reposent sur un fondement constitutionnel : le préambule de la Constitution de 1946, dans ses alinéas 10 et 11, prévoit entre autres que la Constitution assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires de leur développement.
+ l’alinéa 11 garantit à tous la protection de la santé et la sécurité matérielle.

On considère classiquement que la protection sociale date en France de 1407, avec une ordonnance du roi Charles VI qui a prévu une pension « à tous ceux qui l’auraient bien et longuement servis ».
La préoccupation des finances sociales s’est principalement développée à la fin du 19e et au début du 20e siècle : dès les années 1930, les finances sociales représentent un tiers du budget de l’État, avec entre autres le début des congés payés.

Ce n’est vraiment qu’après la Seconde Guerre mondiale qu’est affirmé le système français de sécurité sociale.
Ce modèle s’appelle aussi bismarckien, même si en France on tend à s’en écarter de plus en plus pour aller vers une approche plus globalisante et qui ne dépend pas des contributions réalisées → un modèle financé par l’impôt s’appellant modèle beveridgien.

§ 1. Le financement de la protection sociale

La sécurité sociale correspond à peu près, chaque année, à 500 milliards d’€, soit ~150 milliards de + que le budget de l’État.

On distingue 4 branches de ce régime général :
1- la famille ;
2- la vieillesse ;
3- les maladies professionnelles ;
4- la couverture maladie générale.

Certaines couvertures maladies sont en dehors ; par exemple, le régime spécial des salariés agricoles ou des danseurs d’opéra.

La sécurité sociale ne prend en compte que les dépenses des administrations de sécurité sociale, alors que l’assurance chômage est dans la loi de finances (et relève donc du budget général).
💡 L’un des buts de la réforme voulue par le Président Macron est de réintégrer l’assurance chômage dans la LFSS.

A – Les différents modèles de financement

On distingue 2 modèles classiques du financement de la sécurité sociale : le modèle bismarckien et le modèle beveridgien.

⚠️ Ce ne sont que des modèles : les Etats ne sont pas fidèlement bismarckiens ou beveridgiens.
Ils sont plus proches de l’un ou de l’autre, mais ils n’en sont pas parfaitement l’illustration.

Le modèle bismarckien est issu du chancelier Bismarck, fondateur du 1er système de sécurité sociale en Allemagne, instauré en 1883 et reposant sur un principe d’assurance obligatoire en matière de santé.

Concrètement, un système assurantiel est financé financé par des cotisations.
Il est aussi géré par les salariés et les employés → l’État ne gère pas ce système.

Ce système est qualifié de contributif, dans la mesure où le montant des prestations dont pourront bénéficier les individus dépend du montant des cotisations préalablement versées.
Concrètement : on verse préalablement des sommes d’argent dont on pourra bénéficier dès lors qu’on subit un risque.
→ Corrélation entre ce que l’on a versé et ce que l’on reçoit.

Le modèle beveridgien découle de Lord Beveridge, auteur après la Seconde Guerre mondiale d’un rapport sur le welfare state (= l’État providence) au Royaume-Uni.
C’est ce rapport qui a inspiré le système public de santé britannique (NHS), qui est gratuit et quasiment exclusivement financé par l’impôt (= par la collectivité).

C’est donc un système universel de protection financé par l’impôt et géré par l’État.
Logique : solidarité → tout individu pourra bénéficier de cette protection (avec conditions de ressources) indépendamment de ce qu’il a versé à l’impôt.

Le système français emprunte des 2 modèles.
Il est à l’origine plutôt un système bismarckien ; en effet, il était plus proche d’un système contributif, même s’il faut avoir à l’esprit que même à l’origine le système social français ne bénéficiait pas seulement à ceux qui avaient cotisé.
Il y avait par exemple une protection sociale qui bénéficiait à la famille ou aux enfants, indépendamment de ce qu’ils avaient versé.

En revanche, le coeur de la protection sociale en France était basé sur des mécanismes d’assurance, comme l’assurance chômage.
→ Domination du système contributif.

On bénéficie de l’assurance chômage en fonction du montant qu’on a cotisé de 2 façons :
1- la durée des droits au chômage dépend du temps pendant lequel on a cotisé (plus on a cotisé longtemps, plus notre assurance chômage sera importante) ;
2- le montant de ce que l’on perçoit via l’assurance chômage dépendra du montant de ce qu’on a versé pendant qu’on travaille.

On constate ensuite une évolution, avec la création de systèmes permettant de protéger l’individu indépendamment des cotisations.
Par exemple, le revenu de solidarité active (RSA), à l’origine revenu minimum d’insertion (RMI), est créé en 1988 avec comme objectif de contrebalancer la fin de l’assurance chômage.

Une fois le système contributif terminé est donc apparu un système plus solidaire.

Cependant, la France n’a pas totalement basculé dans le système beveridgien, puisque 50% des recettes en matière sociale sont fondées sur les cotisations sociales.

Les cotisations sociales, concrètement, ce sont des versements effectués à caractère obligatoire.
Il s’agit de ressources au sens de l’art 40 de la Constitution, avec toutes les limitations que ça induit en matière de droit d’amendement.

Ces ressources, à la différence de l’impôt, sont affectées à une destination précise.
Il y a donc une affectation de ces ressources à une dépense particulière.
≠ impôt, soumis au principe d’universalité (= de non-affectation).

De plus, les cotisations appellent une contrepartie précise (en fonction de ce qu’on a payé, on bénéficie d’une contrepartie particulière).
≠ impôt : n’implique pas de contrepartie particulière en fonction de ce que l’on paie.

Enfin, l’impôt est organisé exclusivement par la loi.
≠ en matière de cotisations, la loi est seulement compétente pour les établir (= pour créer un nouveau régime de cotisations) ; c’est ensuite le pouvoir règlementaire qui va fixer le taux et en assurer le recouvrement.
Il le fait par le biais de l’Urssaf, qui est dorénavant la 6e branche de la sécurité sociale.

Ce système de cotisations a été fortement contrebalancé à partir des années 1990.
1991 : création de la contribution sociale généralisée (CSG).
C’est un impôt qui a 1 particularité : il ne respecte pas le principe d’universalité budgétaire → il est affecté directement au financement de la sécurité sociale.
Mais c’est bien un impôt : on ne peut pas en tirer de prestations particulières.

→ La solidarité a de plus en plus investi le champ du financement de la sécurité sociale.

On note aussi la création de 2 autres contributions qui sont des impôts :
1- la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) ;
2- la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S).

Ces contributions se rapprochent du système universel, où tous les individus participent au financement de la sécurité sociale.
Aujourd’hui, le financement de la sécurité sociale est à moitié réalisé par l’impôt et à moitié par les cotisations sociales.

Le système français est de + en + fondé sur un interventionnisme étatique.
À l’origine, il était qualifié de paritariste ; il était paritaire, dans la mesure où les différents mesures de sécurité sociale étaient gérés par les partenaires sociaux à égalité (égalité entre les représentants des travailleurs et des employeurs).
Maintenant, on ne parle plus de paritarisme, mais de tripartisme : les différents organismes de sécurité sociale sont en partie gérés par l’État.
L’État intervient directement dans la gestion des régimes généraux et spéciaux de sécurité sociale.

Enfin, il finance de plus en plus, par son budget général, certaines prestations sociales (par exemple, l’allocation aux adultes handicapés).

→ Le système français s’est progressivement rapproché du système beveridgien.

Ces 2 approches ne suffisent pas à financer entièrement la sécurité sociale ; le financement de la dette sociale est une vraie problématique :

B – La problématique de la dette sociale

L’équilibre des comptes sociaux n’est aujourd’hui pas atteint et est particulièrement précaire.

Objectif à long terme : que les finances sociales soient à l’équilibre (= auto-financées).
Problème : les finances sociales sont particulièrement soumises à la conjoncture économique ; lorsque la conjoncture économique est mauvaise (+ de chômage), les finances sociales en pâtissent énormément (+ de dépenses, – de recettes).

Les dépenses de santé dépendent également de l’allongement de la durée de vie des individus ainsi que de l’augmentation des coûts des techniques médicales.

Il faut donc trouver comment diminuer les dépenses ou augmenter les recettes.
La diminution des dépenses peut par exemple passer par le déremboursement de certains médicaments, la non indexation des pensions de retraite sur l’inflation…
L’augmentation des recettes peut passer par l’augmentation des contributions et des impôts ou des cotisations.

L’équilibre en matière de sécurité sociale n’est pas un principe à valeur constitutionnelle.
Conseil constitutionnel, 2001, LFSS pour 2002 :
L’objectif d’équilibre financier de la sécurité est un objectif à valeur constitutionnelle.
→ Un objectif vers lequel doit tendre le législateur.

Concrètement, le législateur, par ses LFSS, doit tendre vers cet objectif au maximum ; mais ça n’est pas un strict principe d’équilibre ou une règle d’or budgétaire en matière de sécurité sociale.

Ce déficit avait été largement résorbé au début des années 2000, avant de connaître de longues périodes de déficit chronique, qui se sont accrues pendant la crise de 2008-2011.
Il a retrouvé une forme d’équilibre, avec même un excédent en 2017-2018, mais la situation financière s’est détériorée à partir des crises des gilets jaunes et de la Covid-19.
→ Déséquilibres persistants depuis 4 ans, qui font qu’on a en France une dette sociale.

La dette sociale a été cantonnée à un établissement public particulier.
En 1996, le législateur a créé un établissement public chargé de gérer la dette sociale de la France : la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES).
La CADES bénéficie d’une ressource propre pour pouvoir fonctionner : la CRDS.
Elle émet des emprunts sur les marchés financiers pour pouvoir financer les organismes de sécurité sociale.

À la différence de la dette générale de la France, la CADES a 1 obligation : rembourser intégralement la dette sociale.
En 1996, on crée la CADES pour un temps déterminé, avec l’idée qu’elle doit rembourser la dette existante jusqu’à ce que le système soit parfaitement à l’équilibre (= auto-financé) et que l’ensemble de la dette ait été remboursée.
On se dit alors qu’il y aura besoin de 13 ans.

La CADES devait donc disparaître en 2009, mais elle existe encore aujourd’hui parce que les déficits sociaux continuent ⇒ la dette augmente.*

La dette sociale n’est à court terme pas remboursable au regard de la crise du Covid.
Avant le Covid, la dette était de 90 milliards d’€.
Cela n’apparaît comme pas grand chose pour un budget de ~500 milliards d’€ en matière sociale ; mais, en 2021, on a connu un déficit record de 50 milliards d’€ pour le budget social, dû au Covid et à la 5e branche (dédiée à l’autonomie).

Ce financement est d’autant plus complexe que l’État a tendance à transférer à la CADES des déficits sociaux qui ne peuvent être réalisés qu’en augmentant la CRDS.
Principale difficulté : trouver sur le long terme un financement équilibré de la sécurité sociale pour rembourser cette dette.

On est ici dans un élément très politique.
On peut considérer, comme pour le budget de l’État, que l’on peut vivre avec une dette sociale.
Si l’on considère que le système est de + en + solidaire, pourquoi ne pas avoir une dette qui perdure dans le temps, comme pour la dette de l’État ?
Ce n’est pas le choix qui est fait par les politiques aujourd’hui.

C’est notamment sur cette idée que repose la volonté de réformer le régime des retraites (intégration des régimes spéciaux aux régimes généraux).

Véritable difficulté : trouver un équilibre.
La dette sociale démontre ce tiraillement entre les approches assurantielle et de solidarité ; c’est un choix très politique.

§ 2. L’objet restreint des lois de financement de la sécurité sociale

Les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) ont été créées en 1987.
Idée à l’époque : accroître le contrôle du Parlement sur les dépenses de sécurité sociale, en les faisant sortir du budget général de l’État, pour que le Parlement se prononce spécifiquement sur ces dépenses.
(→ pour ne plus qu’elles soient noyées dans la masse du budget général)

Pour ce faire, la révision constitutionnelle de 1996 a créé un nouvel alinéa à l’article 34 de la Constitution, qui prévoit que le législateur est compétent pour fixer les lois de financement de la sécurité sociale :
Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.

Une loi organique est adoptée en 1996, puis totalement revue par la LOLFSS en 2005.

A – La loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS)

La loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS) est la petite sœur de la LOLF en matière sociale.

Elle a un double objectif :
> diminuer les déséquilibres des régimes sociaux ;
> augmenter la compétence du Parlement en matière sociale.

Elle est aujourd’hui la « constitution » des finances sociales de la France, puisqu’elle organise le régime juridique des LFSS.

Ces LFSS sont appréciées en parallèle des lois de finances.
Elles bénéficient :

  1. D’un domaine spécifique (éléments qui ne peuvent être que dans une LFSS) : les objectifs et sous-objectifs de dépense pour chaque régime de sécurité sociale.
    + les objectifs de dépense de l’assurance maladie.

    Concrètement, à la différence des lois de finances, les LFSS ne fixent pas d’autorisations de dépense ni de limites de dépenses : elles fixent des objectifs.

  1. D’un domaine également exclusif, mais qui n’a pas à être voté tous les ans : l’affectation de recettes à la sécurité sociale.
  1. D’un domaine partagé (qui peut être dans une LFSS ou dans une loi ordinaire) : tous les éléments ayant une influence sur l’équilibre de la sécurité sociale.

Enfin, tout ce qui n’est pas des 3 domaines précédents est interdit dans une LFSS.
On a, comme pour les lois de finances, des « cavaliers sociaux » contrôlés par le Conseil constitutionnel, qui interdisent de mettre des dispositions n’appartenant pas aux LFSS dans ces lois.
→ Même principe que pour les lois de finances, avec des domaines réservés/partagés/interdits.

Ensuite, les LFSS sont soumises aux principes budgétaires, mais de manière particulière, parce qu’elles constituent un acte de prévision qui n’ouvre pas de crédits (ne fixent que des objectifs).
Les principes budgétaires vus précédemment ne sont donc pas tout à fait applicables.

  1. Le principe d’annualité est applicable.
    Il existe une LFSS par an, qui doit être votée avant le 1er janvier.
    Il peut ensuite y avoir une ou plusieurs LFSS rectificatives.
  1. Le principe d’unité s’applique, dans la mesure où il y a 1 LFSS, qui concerne l’ensemble des organismes gérant la sécurité sociale.
  1. Le principe d’universalité n’est pas totalement respecté en matière de finances sociales, dès lors qu’il y a une affectation des recettes aux dépenses.
    ≠ universalité en matière de lois de finances.
  1. Le principe de spécialité n’an’a pas vocation à s’appliquer, parce qu’il n’y a pas d’ouverture de crédit, que des objectifs.
  1. Le principe de sincérité s’impose au gouvernement dans l’élaboration de cette loi de finances.
  1. Le principe d’équilibre est un objectif à valeur constitutionnelle, qui imposé au législateur mais n’impose pas de résultat particulier (c’est une obligation d’action).

→ Certaine similitude entre lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale, malgré les spécificités en matière sociale.

La LOFSS s’est inspirée de la LOLF, en créant des programmes de qualité et d’efficience (PQE), qui sont relatifs aux recettes et aux dépenses de chaque branche de sécurité sociale.
Ils constituent un équivalent des projets annuels de performance.
Ils effectuent un diagnostic de la situation de chaque branche ; on fixe ensuite des objectifs.
→ Tentative d’introduire une forme de performance au sein du budget social de l’État.

Dernière similitude : la loi organique du 17 décembre 2012 impose aussi des orientations pluriannuelles en matière sociale.
Le Haut Conseil des finances publiques est aussi compétent en matière sociale.

B – La construction des lois de financement de la sécurité sociale

Les LFSS sont organisées et gérées par le ministre chargé de la sécurité sociale – et non le ministre des Finances.
Depuis 2022, ce sont 2 ministres qui se partagent la sécurité sociale : Jean-Christophe Combe est en charge des solidarités, et François Braun en charge de la santé..
Ils interviennent pour élaborer le projet de la LFSS.

Comme pour la loi de finances, seul le gouvernement peut être à l’origine d’une LFSS.
La construction va être similaire à celle des lois de finances, avec une moindre intervention des autres ministres.

Le gouvernement recueille l’avis des caisses nationales de sécurité sociale.
Il élabore ensuite son projet pendant l’année, sous l’autorité du Premier ministre.
Il le présente ensuite au Haut Conseil des finances publiques, qui apprécie si les prévisions macroéconomiques sont en accord avec les siennes.

Le projet est déposé au plus tard sur le bureau de l’Assemblée nationale le 15 octobre.
La discussion commence ensuite à l’AN, dans la Commission des affaires sociales.

Le Parlement, comme en matière de loi de finances, a pu être informé lors du débat d’orientation des finances publiques, qui intègre les finances sociales.

Temps déterminé : de mi-octobre à fin novembre.

Les règles de procédure sont similaires à celles des lois de finances :

  1. Le gouvernement a l’initiative des LFSS ;
  1. L’Assemblée nationale a la priorité sur le Sénat lors de l’examen des LFSS ;
  1. Il y a des délais à respecter ;
  1. La procédure accélérée s’applique par défaut (après 1 aller-retour, on peut réunir la CMP) ;
  1. L’examen en séance porte sur le texte du gouvernement, et non le texte modifié en commission ;
  1. L’article 40 de la Constitution s’applique (mais il est toujours possible de contrebalancer la diminution d’une recette avec l’augmentation d’une autre) ;
  1. Le gouvernement peut avoir recours au 49 alinéa 3 et aux ordonnances ;
  1. Le Conseil constitutionnel est généralement saisi.

C – Le contrôle de l’application des lois de financement de la sécurité sociale

La mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) contrôle, chaque année, l’application des LFSS.
Elle est composée de membres de la majorité et de l’opposition.
Cette procédure existe depuis 2006.

Comme pour les finances de l’État, la Cour des comptes vient en appui du Parlement : les parlementaires peuvent la saisir pour toute question relative aux finances sociales.

La Cour des comptes contrôle la gestion des organismes de financement social et publie in fine un rapport en septembre sur cette gestion, qui servira de base à l’examen parlementaire.

La Cour des comptes publie aussi, avant le débat en avril, une analyse de l’exécution financière.
Cette analyse permet de comprendre l’exécution de l’année passée en matière de finances sociales.

Elle est importante, surtout parce que les LFSS fixent seulement des objectifs, et non des autorisations de dépenses, donc il est encore plus nécessaire de contrôler la réalité de ces objectifs pour s’assurer qu’on se rapproche de l’équilibre financier (→ objectif à valeur constitutionnelle que le Parlement doit respecter → obligations de moyens, mais de résultats).

La Cour des comptes certifie les comptes de l’État, et plus précisément le régime général de la sécurité sociale, avec une comptabilité générale, car les comptes en matière sociale doivent être également sincères et fidèles, et donc représenter la réalité des dépenses.

Tous ces éléments de contrôle sont indispensables pour reproduire une sorte de chaînage vertueux en matière sociale et pour s’assurer que le régime de la sécurité sociale se rapproche de l’équilibre.
Idée : contrôler la gestion passée pour mieux évaluer les dépenses à venir, en ayant à l’esprit que la matière sociale et particulièrement soumise aux aléas économiques.

Les finances sociales ont été calquées avec leurs particularités sur le modèle des finances étatiques, car elles reprennent d’abord l’objectif de performance posé par la LOLF et repris dans la LOLFSS de 2005 + elles reprennent un développement du contrôle parlementaire en essayant d’organiser un encadrement des finances sociales par les parlementaires, pour s’approcher d’une vision plus performante.

Le contrôle des objectifs des LFSS reste néanmoins difficile : les finances sociales ont du mal à intégrer les deux logiques de performance et de revalorisation du Parlement.

Partie 2 : Le budget de l’État

Cliquer ici pour revenir au sommaire de ce cours complet de Finances publiques (L2).

Le budget de l’État renvoie aux modalités permettant la vie de l’État en tant que tel, et notamment à l’adoption et l’application des lois de finance.

§ 1. Les lois de finances, support du budget de l’État

La loi de finances est aujourd’hui la notion juridique qui traduit le budget.

Juridiquement, la loi de finances supplante l’idée de budget.
C’est un acte juridique, alors que le budget correspond à une description d’une situation en décrivant pour une année l’ensemble des recettes et des dépenses – mais ce n’est pas le budget qui l’autorise.

Le budget ne deviendra d’ailleurs définitif que lorsque les comptes de l’Etat seront approuvées en loi de règlement lors de l’année N+1.

La loi de finances constitue donc l’acte juridique support du budget.

A – La notion de lois de finances

La notion de lois de finances renvoie à plusieurs réalités.

L’article 1 de la LOLF définit la loi de finances comme étant celle qui détermine, pour 1 exercice, la nature, le montant et l’affectation des ressources et des charges de l’État, ainsi que l’équilibre financier et budgétaire qui en résulte.
Conséquence : ces lois de finances vont déterminer, pour 1 an, l’ensemble des ressources de l’État et l’ensemble des dépenses autorisées.

1) La nomenclature budgétaire

La loi de finances doit suivre une nomenclature budgétaire préalablement définie.
Concrètement, la présentation même de la loi de finances doit aider à une meilleure compréhension de celle-ci, afin d’identifier aisément quels sont les postes de dépense.

Cela permet d’abord d’améliorer l’information pour les parlementaires et pour le public.
C’est aussi censé permettre de contribuer à une meilleure gestion publique.
Enfin, ça doit permettre d’améliorer la qualité du service public.
Principe : « la forme, c’est le fond qui remonte à la surface ».

Les lois de finances sont réparties par missions.
Les crédits budgétaires sont divisés en 7 grandes catégories :

  1. Le titre 1 est relatif aux dépenses pour les pouvoirs publics (pour le Président de la République, l’Assemblée nationale, le Sénat, le Conseil constitutionnel…).
    → Combien coûte la démocratie + comment ces sommes sont utilisées.
  1. Le titre 2 est relatif aux seules dépenses de personnel.
    Objectif : connaître l’ensemble des dépenses de personnel de l’État, qui sont présentées en équivalent temps plein travaillé.
  1. Le titre 3 présente toutes les dépenses de fonctionnement de l’État, c’est-à-dire toutes les dépenses autres que celles relatives aux personnels, indispensables pour faire vivre les services publics.
    Exemple : ramettes de papier à la fac.
  1. Le titre 4 présente le coût de la charge de la dette.
    Objectif : permettre de comprendre quelles sont les dépenses nécessaires au remboursement de la dette, en prenant en compte les différentes catégories d’emprunt.

    On distingue les emprunts négociables des emprunts non négociables.
    Dette négociable : peut être revendues à quelqu’un d’autre, en créant un nouvel emprunt.

  1. Le titre 5 présente les dépenses d’investissement.
    On distingue les investissements corporels des investissements incorporels.
    Par exemple, l’achat d’un bâtiment public est un investissement corporel.
    La création d’un logiciel est un investissement incorporel.
  1. Le titre 6 présente les dépenses d’intervention, qui sont des dépenses réalisées par l’État vers d’autres secteurs : collectivités territoriales, Union européenne, question des garanties…
  1. Le titre 7 présente les dépenses d’opération financière = les prêts et avances consenties par l’État.

Il y a donc 7 titres qui dépendent de la nature de la dépense.
Cette division est censée permettre une meilleure lisibilité de la loi de finances, en y inscrivant par groupes les dépenses qui ont la même nature.

Cependant, la Cour des comptes est particulièrement critique sur cette nomenclature, qu’elle considère comme étant trop simpliste.
Elle considère que cette nomenclature n’est pas suffisamment en lien avec les missions, et donc qu’elle n’est pas cohérente, dans la mesure où elle ne permet pas de mieux appréhender la logique de ces dépenses et in fine leur utilité.
→ Nomenclature trop simpliste + pas suffisamment en lien avec les missions.

En ce qui nous concerne, cette nomenclature ne sera pas au coeur du raisonnement de ce cours, parce qu’elle n’est pas LOLFienne.

2) Le domaine des lois de finances

Le domaine des lois de finances est un élément fondamental, parce qu’il faudrait, dans l’idéal, que les parlementaires ne discutent que des éléments financiers, mais de tous les éléments financiers.

Idée : si on met trop de choses dans une loi de finances, on dilue nécessairement la discussion des éléments financiers, ce qui ne permet pas concrètement aux parlementaires de voter efficacement la loi et de la discuter.

Autrement dit, si la loi de finances pouvait inclure n’importe quelles dispositions, le gouvernement serait tenté de la surexploiter, parce qu’elle est enserrée dans des délais stricts (par exemple, pour faire voter dans un temps court des réformes).

En plus, le gouvernement peut en l’espèce utiliser le 49-3 ; il peut adopter par ordonnance la loi de finances, et donc réduire le débat parlementaire.
Enfin, les amendements votés en commission des finances ne conduisent pas à modifier le texte tel qu’il sera examiné en séance parlementaire.
Il y aurait donc un avantage considérable pour le gouvernement à pouvoir faire passer en loi de finances d’autres éléments.

C’est pour ça que la LOLF organise un domaine propre aux lois de finances, en intégrant 3 éléments :
1- les éléments obligatoires ;
2- le domaine réservé, mais non obligatoire ;
3- dispositions qui peuvent être présentes ou non.
Il y a aussi : 4- le domaine interdit aux lois de finances.

  1. Les éléments obligatoires : la la loi de finances initiale doit avant tout évaluer chacune des recettes budgétaires et autoriser leur perception → obligatoire.

    Elle doit ensuite fixer le plafond de dépenses du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux → obligatoire.

    La loi de finances doit également comporter l’article d’équilibre, permettant de justifier l’emprunt ou les emprunts de l’État.

    Enfin, elle doit déterminer les montants de dépense par mission + le plafond des emplois autorisés par ministère.

    L’article 35 de la LOLF prévoit que la loi de règlement doit comportement certains éléments obligatoires, puisqu’elle détermine le tableau d’équilibre (= quels ont été effectivement l’ensemble des dépenses et l’ensemble des recettes réalisées).
    Surtout, elle doit inclure la certification des comptes publics faite par la Cour des comptes, qui permet de clore l’exercice comptable de l’État.

    Les lois de finances rectificatives sont tenues de déterminer les modifications de dépense et les modifications d’emprunt.
    Elles doivent aussi déterminer en quoi cette augmentation de dépenses a une influence sur l’équilibre, et donc elles pourront modifier l’article d’équilibre de la loi de finances initiale.

  1. Le domaine réservé aux lois de finances, mais non obligatoire a pour objectif d’éviter que ces éléments se retrouvent dans une loi ordinaire.

    Par exemple : l’évaluation de chacune des recettes de l’État, et précisément les prélèvements sur ces recettes de l’État, c’est-à-dire les éléments qui seront réduits des recettes de l’État.

    Exemple : le pourcentage de TVA que l’on reverse à l’Union européenne pour la financer.
    Cela n’est pas obligatoire, parce que rien ne nous oblige à financer l’UE ; mais, si on le fait, cela doit obligatoirement être dans une loi de finances.

    La loi de finances doit comprendre l’ensemble des éléments relatifs aux décrets d’avance = les décrets pris par le gouvernement pour utiliser les crédits de la loi de finances précédente l’année suivante.
    Si le gouvernement a pris un tel décret, celui-ci ne peut être validé que dans une loi de finances.

  1. Les dispositions qui peuvent ou non être en loi de finances peuvent aussi se retrouver dans une loi ordinaire.

    Pour le Conseil constitutionnel, il s’agit principalement des dispositions fiscales.
    Conseil constitutionnel, 1991, Dispositions d’ordre économique et financière :
    Si des dispositions fiscales viennent bouleverser l’équilibre budgétaire, alors elles doivent être intégrées dans une loi de finances rectificative ; en revanche, si les dispositions fiscales ne viennent pas bouleverser l’équilibre, alors elles peuvent être dans une loi ordinaire.

  1. Le domaine interdit aux lois de finances comprend les “cavaliers budgétaires”, qui sont contrôlés par le Conseil constitutionnel qui, s’ils sont présents, les déclare contraires à la Constitution.

    Le Conseil constitutionnel ne dispose généralement que d’1 semaine pour contrôler une loi qui fait plusieurs centaines de pages, donc il anticipe généralement son contrôle en suivant les débats parlementaires.

Les lois de finances sont donc encadrées en ce qu’elles doivent ou peuvent inclure, pour permettre une meilleure discussion parlementaire et permettre d’éviter que la loi de finances soit un prétexte à l’adoption d’autres éléments.

3) La structure des lois de finances

L’article 34 de la LOLF détermine la structure de la loi de finances.
Objectif : permettre un meilleur débat parlementaire pour un meilleur consentement à l’impôt.

La loi de finances est constituée d’un exposé des motifs qui identifie et calcule le solde structurel.
Le gouvernement doit explicitement poser ses objectifs de déficit structurel.

Elle est ensuite composée d’un article liminaire, qui retrace l’ensemble des dépenses et des recettes envisagées, lui permettant donc de pouvoir donner quel sera l’objectif de déficit.

Cela s’inscrit directement dans la logique de la loi organique de 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.
C’est cet article liminaire que va examiner le Haut Conseil des finances publiques.

La loi de finances est composée de 2 parties depuis 1956 :

  1. Partie 1 :
    1. Le titre 1 de la partie 1 est appelé “condition générale de l’équilibre financier » et permet de comprendre les éléments déterminants du budget.
      Il identifie les ressources à venir de l’État + autorise l’État à percevoir l’impôt.
    1. Le titre 2 concerne les charges de l’État.
      Il intègre les recettes fiscales et non fiscales de l’État → évalue toutes les recettes.
      Il permet au ministre des finances de réaliser des emprunts.

    Cette partie 1 peut entre en vigueur sans la partie 2, et permet alors de percevoir l’impôt et de procéder aux dépenses de l’État.
    Cette division entre partie 1 et partie 2 est également justifiée par le fait que la partie 1 doit nécessairement être votée avant la partie 2.

  1. La partie 2 porte plus spécifiquement sur les moyens des politiques publiques.
    Elle autorise spécifiquement les dépenses, et donc fixe les plafonds de dépense.
    Elle permet concrètement de connaître le budget prévisionnel de l’État et sa répartition.

    Elle doit être discutée après la partie 1, parce que cette partie 2 est directement déduite du solde déterminé en partie 1.
    Exemple : si en partie 1, on détermine qu’il y aura 350 milliards d’€ de dépense, alors la somme des dépenses de la partie 2 ne pourra pas être supérieur.

4) Les documents budgétaires

Les documents budgétaires sont prévus aux articles 50 à 52 de la LOLF.

Dans les années 1990, la direction du budget a entamé un projet de refonte totale de ces documents, avec comme but premier d’accroître leur lisibilité et donc d’accroître leur utilité pour les parlementaires.

Ces documents budgétaires sont écrits par le gouvernement pour être ensuite transmis aux parlementaires au moment de l’examen de la loi de finances.
Ils s’inscrivent directement dans la logique de sincérité budgétaire, puisqu’ils permettent aux parlementaires de mieux comprendre la volonté du gouvernement et surtout d’avoir des éléments chiffrés et crédibles sur la loi de finances.

La LOLF distingue 2 types de documents :
1- les documents obligatoires ;
2- les documents complémentaires.

  1. Les documents obligatoires sont des documents budgétaires qui sont inséparables du projet de loi de finances.

    Exemple : le rapport relatif à la situation et à la perspective économique, qui découle de la loi organique de 2012 relative à la programmation des lois de finances.
    Concrètement, chaque année, la Cour des comptes publie un rapport sur la situation et sur la perspective des finances, qui va permettre de développer le débat d’orientation des finances publiques.

    Les bleus budgétaires (”projets annuels de performance”, “PAP”) sont des annexes explicatives au projet de loi de finances, qui sont sont indispensables à la discussion de ce projet de loi de finances.
    Elles détaillent la répartition des crédits au sein des programmes.

    Elles ont aussi pour intérêt d’intégrer le projet annuel de performance → le gouvernement doit prévoir quels résultats sont attendus.
    Cela permet aux parlementaires d’examiner de manière efficace le titre 1 de la partie 2 du projet de loi de finances (= le titre relatif à l’ensemble des missions).

    Les plafonds de dépense dépendent aussi en partie des justificatifs apportées par les bleus budgétaires, qui permettent de justifier les demandes du gouvernement.
    Les bleus budgétaires constituent donc la première source d’information des parlementaires.

    💡 Les bleus budgétaires sont accessibles en ligne et sont faciles à lire.

  1. Les documents budgétaires qui sont séparables sont notamment constitués des jaunes budgétaires, qui ont pour objectif de préciser une approche financière.
    Ils permettent de prendre en compte des politiques publiques qui relèvent de 2 ou 3 missions.

    Les oranges budgétaires permettent eux d’appréhender des éléments transversaux = relevant de plusieurs ministères.
    Exemple : il y a un orange budgétaire sur l’outremer.

Enfin, les verts budgétaires constituent le pendant des bleus budgétaires.
Ils ont pour objet de présenter la répartition des crédits entre chaque programme d’une mission, dans la mesure où les crédits sont votés par mission par le parlement et sont ensuite ventilés par décret par le gouvernement.

Ces verts budgétaires servent à représenter la ventilation (= la répartition) de ces crédits issue des décrets du gouvernement.
Ils constituent le pendant des bleus budgétaires dans la mesure où ils constituent une forme de bleus budgétaires modifiés, puisque les bleus permettent d’expliquer chaque mission et chaque programme de chaque mission, et les verts affectent les crédits au programme en fonction des objectifs fixés préalablement.

L’ensemble de cette documentation sert donc à informer le Parlement, pour qu’il puisse voter et discuter la loi de finances en ayant une pleine connaissance du projet.

Ces documents obligent aussi le gouvernement à justifier ses choix, sachant qu’en principe ce même gouvernement devra répondre au moment de la loi de règlement de l’efficacité de ses choix préalables.
Logique : mieux informer pour pouvoir mieux contrôler.

Risque : les documents doivent être d’une bonne qualité, et ne doivent pas être trop importants en taille.
Un document de 800 pages fait à peu près 8,5 kilos…

B – Les différents types de lois de finances

L’article 1er de la LOLF dispose qu’il y a 3 formes de loi de finances :
1- la loi de finances de l’année et les lois de finances rectificatives ;
2- la loi de règlement ;
3- les lois qui sont prévues à l’article 45 de la LOLF (→ hypothèses où une partie de la loi de finances doit être adoptée en urgence).

1) La loi de finances initiale et la loi de finances rectificative

D’après cet article 1, la loi de finances initiale détermine pour 1 exercice la nature, le montant et l’affectation des ressources et des charges de l’Etat, ainsi que l’équilibre budgétaire et financier qui en résulte.
Il s’agit donc du texte qui est à la base de l’autorisation budgétaire (= un texte essentiel pour la vie financière de l’État).

On a vu que ce texte s’applique pour 1 année, avec la possibilité d’avoir une modification en cours d’année par les lois de finances rectificatives.
L’article 1 de la LOLF met dans la même catégorie la loi de finances initiale et les lois de finances rectificatives, parce qu’on modifie un texte avec un texte de valeur similaire.

Les lois de finances rectificatives permettent de modifier les autorisations initiales en cours d’exercice, pour les adapter au regard d’éléments avancés par le gouvernement, parce que ces 2 textes ne peuvent faire l’objet que d’un projet de loi → ils sont exclusivement l’initiative du gouvernement.

2) La loi de règlement du budget et d’approbation des comptes

La loi de règlement a été modifiée par la loi organique du 28 décembre 2021 (qui modifie la LOLF).

Cette loi de règlement intervient à la fin du cycle budgétaire.
Elle a pour objet principal de constater les résultats de l’exécution budgétaire et financière de l’année écoulée.
Elle permet également d’approuver les comptes de l’État, comme une entreprise le ferait.

La loi de règlement est née en 1817 (donc en 1818).
Elle a été créée pour permettre aux parlementaires de contrôler l’exécution de la loi de finances par le gouvernement.
💡 1818 correspond à l’époque du début du parlementarisme en France, avec la Charte de 1814 → développement de l’idée qu’il faut contrôler le gouvernement.

À l’époque, le ministre des finances (le Baron Louis) décrivait la vie financière de l’Etat en distinguant 4 temps alternés :
1- la préparation de la loi de finances par le gouvernement ;
2- la discussion et le vote devant le Parlement ;
3- l’exécution par le gouvernement ;
4- le contrôle de cette exécution par le Parlement.

Cette logique est considérée comme indispensable pour avoir un encadrement efficace du gouvernement, d’autant plus dans un régime parlementaire.
Le contrôle peut servir à développer un contrôle politique ; or le fondement du régime parlementaire, c’est la responsabilité politique du gouvernement devant la chambre basse.

Contrôler l’exécution est donc indispensable dans un régime parlementaire.
Ce contrôle est d’autant plus indispensable qu’il permet de s’assurer que l’autorisation votée par le parlement a été exécutée correctement par le gouvernement.
Il serait indispensable, d’un point de vue démocratique, de ne pas l’exercer, dans la mesure où il appartient aux représentants du corps électoral de consentir aux recettes et d’autoriser les dépenses de l’Etat.

De plus, l’article 15 de la Déclaration de 1789 permet à chacun de demander des comptes à tout agent public.

→ Cette loi de règlement repose donc sur ces différentes logiques.

La loi de règlement conclut le cycle budgétaire à N+1, en arrêtant définitivement les recettes encaissées et le montant des dépenses réalisées.
Elle permet d’arrêter le véritable socle budgétaire de l’État et le déficit de l’année précédente.

Cette loi de règlement a été enrichie par la LOLF de 2 manières :

  1. L’article 37 prévoit que la loi de règlement doit permettre au Parlement de se prononcer sur les modalités de financement de l’État + de discuter de ces modalités de financement + d’approuver les comptes préalablement certifiés par la cour des comptes.
  1. L’article 54 prévoit que la loi de règlement est accompagnée de documents budgétaires similaires à ceux de la loi de finances initiale.

    Le meilleur exemple est le projets annuels de performance (= bleus budgétaires), pour l’examen de la loi de finances initiale.
    La loi de règlement doit avoir en annexe les rapports annuels de performance, qui permettent d’évaluer si les objectifs ont été effectivement remplis.

La loi de règlement a aussi été modifiée par la loi organique du 1er décembre 2012, pour contenir un article d’équilibre qui va présenter le solde structurel de l’État + le solde effectif de l’ensemble des administrations publiques.
Comme pour la loi de finances initiale, le Haut Conseil des finances publiques produit un avis sur ces soldes, pour permettre éventuellement à la commission européenne d’engager une procédure pour déficit excessif.

Cette loi de règlement constitue donc le pendant de la loi de finances et est censée constituer le texte qui va permettre au Parlement d’effectuer l’une de ses missions constitutionnelles prévues à l’art 24 de la Constitution : contrôler l’action du gouvernement.

Mais problème : la loi de règlement est un texte qu’il n’est pas nécessaire en soit d’adopter.
C’est aussi un texte sur lequel le débat parlementaire est difficile à développer, dans la mesure où il traite des comptes publics.

  • Actualité :

    La dernière loi de règlement, celle pour 2021 présentée en 2022, a été rejetée par l’Assemblée nationale et le Sénat.
    La loi de règlement est très régulièrement rejetée par le Sénat : cela constitue un moyen pour lui de montrer un désaccord politique.
    Mais – évolution importante – en 2022, l’Assemblée nationale a aussi voté contre en lecture définitive, ce qui fait qu’il n’a pas été adopté.

    Les parlementaires ont refusé d’adopter ce texte, parce que :

    1. le projet de loi de règlement n’a pas été déposé dans les temps, puisque en principe il doit être déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale avant le 1er juin (il a été déposé avec 2 jours de retard) ;
    1. ils critiquaient aussi le fait que la loi de règlement permettait de reporter sur 2022 des crédits non consommés pour lutter contre la pandémie en 2021 → près de 20 milliards d’€ non consommés ; or les parlementaires disaient qu’ils n’avaient pas autorisé cette consommation de crédits, qui a été décidée par décret.

Conséquences juridiques du rejet de la loi de finances :

  1. Si la loi de règlement n’est pas adoptée, l’État ne peut pas emprunter ;
    Mais le gouvernement a fait passer cet article dans une loi ordinaire…
  1. La LOLF précise que la loi de finances pour 2023 ne peut être mise en discussion qu’après un vote par les 2 assemblées sur le projet de loi de règlement.
    Mais « vote » ≠ « adoption » : avoir voté le texte veut simplement dire qu’il faut que le texte ait été mis au vote, peu importe ou non qu’il soit adopté.
    → Ne pas voter une loi de règlement n’est pas une limite à la continuité de la vie financière de l’État.

Ce rejet n’a donc pas de conséquences pour la suite.
Il n’a pas de conséquences non plus pour le passé, puisque l’exécution qui a eu lieu en 2021 ne sera pas remise en cause.

Il a cependant des conséquences politiques très importantes.
Il permet potentiellement aux parlementaires d’engager la responsabilité du gouvernement, en considérant que son exécution est contraire aux principes de la loi de finances initiale.

Jèze affirmait que « ce qui est essentiel, c’est la production complète et la vérification des comptes ; la forme sous laquelle le Parlement exprime son opinion est sans grande influence ».
Idée : ce qui importe, ce n’est pas tant le vote que le capacité de contrôler, capacité qui découle de la production complète et de la vérification des comptes.

Mais la logique de la LOLF est également de développer la capacité pour le Parlement d’exprimer son opinion, et pas seulement des lire des comptes.
Pour ce faire, la LOLF améliore la loi de règlement, mais améliore aussi des espaces de discussion en dehors du vote des lois de finances, avec notamment les débats d’orientation des finances publiques, qui sont inscrits dans la LOLF.

3) Les lois de finances particulières

Les lois de finances particulières sont celles qui relèvent de l’article 45 de la LOLF.

Ces lois de finances particulières concernent l’hypothèse où le gouvernement demande en urgence au Parlement l’autorisation de percevoir les impôts et l’autorisation d’ouvrir par décret la répartition de certains crédits.

Il s’agit de l’hypothèse où la loi de finances initiale n’a pas été votée dans les temps afin qu’elle soit promulguée avant le 1er janvier.
Dans cette hypothèse, l’article 45 de la LOLF prévoit 2 procédures particulières :

  1. Si, avant le 11 décembre, le projet de lois de finances n’a pas été adopté, le gouvernement peut demander à l’Assemblée nationale de se prononcer seulement sur une partie du texte = la première partie de la loi de finances.
    Il recourt alors à la procédure d’urgence prévue par l’article 47 de la Constitution, qui permet au gouvernement de définir un temps de débat préalable afin que le texte soit voté dans des délais particulièrement brefs.
    Idem ensuite pour le Sénat.
  1. Si cette procédure a échoué, l’article 45 prévoit qu’avant le 19 décembre, si la 1ère procédure n’a pas abouti, alors le gouvernement peut présenter devant l’Assemblée nationale un projet de loi spéciale, afin de continuer à percevoir les impôts tels qu’ils existaient l’année passée jusqu’à ce qu’on ait une nouvelle loi de finances.
    + Suivant la procédure d’urgence de la Constitution.

La LOLF organise donc des modalités permettant d’adopter en urgence une partie au moins du texte, qui aura alors la valeur de loi de finances.
Elle sera remplacée ensuite par la loi de finances définitivement adoptée.

Dernière possibilité : l’hypothèse d’une déclaration d’inconstitutionnalité.
Si le Conseil constitutionnel déclare contraire à la Constitution la loi de finances votée, le gouvernement pourra présenter au Parlement un projet de lois de finances spéciale, pour percevoir les impôts suivant ceux de l’année passée.

Ce projet de loi spéciale permet aussi au gouvernement de prendre des décrets pour ouvrir les crédits nécessaires, c’est-à-dire les crédits considérés comme étant nécessaires par cette loi de finances spéciale.

Cette 3ème catégorie est ainsi destinée à forcer le temps, pour qu’au moins 1 bout de la loi de finances soit adoptée.
Cela permet en principe d’éviter ce qu’on peut connaître aux États-Unis, à savoir un shutdown institutionnel, puisque l’État continuera à percevoir des recettes et à pouvoir payer des dépenses.

→ Objectif : que la vie financière puisse se dérouler à minima.

Pour revenir à l’actualité, le gouvernement n’était donc pas obligé d’utiliser le 49-3 fin 2022 ; il l’a fait uniquement pour des motifs politiques.

§ 2. La préparation des lois de finances

A – Une prérogative gouvernementale

La préparation des lois de finances est réalisée par le gouvernement, mais cela ne doit pas être vu comme de l’antiparlementarisme.

Si le Parlement devait écrire le projet, il ferait face à des problèmes de lenteur + il ne disposerait pas des outils techniques pour le faire.
Idée : le gouvernement est celui qui exécute le projet de loi de finances → on lui accorde donc la faculté de préparer ce projet.

C’est un projet et non une proposition, parce qu’elle ne peut émaner que du gouvernement.

Cette compétence du gouvernement est justifiée par l’article 20 de la Constitution, selon lequel « le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation ».
Déterminer la politique de la nation passe par établir le projet de lois de finances.

Cette préparation du projet de loi de finances n’est presque pas appréhendée par la LOLF, qui ne lui consacre qu’1 article : son article 38, qui précise que le projet de loi de finances est préparé par le ministre chargé des finances sous l’autorité du 1er ministre + est délibéré en conseil des ministres.
→ Le Premier ministre a la charge de l’autorité de la conduite de la préparation du budget.

La LOLF précise donc qu’il existe un ministre chargé des finances, alors même que la composition d’un gouvernement et l’attribution des ministères est entièrement libre.
2 limites à cette liberté : il faut donc un ministre chargé des finances et un ministre chargé de la santé (qui prennent le nom qu’ils veulent).

Les parlementaires sont principalement associés aux sources d’information par des débats budgétaires.
En revanche, ils ne peuvent pas modifier – juridiquement parlant – le projet de budget avant qu’il ne soit déposé sur le bureau de l’assemblée.

Cette préparation par le gouvernement est importante, puisque les commissions des finances ne peuvent pas modifier le projet → le texte qui sera soumis à la discussion en séance publique, c’est le texte préparé par le gouvernement.

→ Le projet de lois de finances ne peut être qu’un projet et donc ne peut être déposé que par le gouvernement.
C’est une constante que l’on retrouve dans la grande majorité des États ; par exemple, aux États-Unis, la préparation du projet de budget a été transféré du Congrès au Président en 1920 après des retards considérables.

Cependant, les autres textes ne le sont pas.
Par exemple, la LOLF (→ constitution financière de la France) est d’origine parlementaire, et non gouvernementale.

Le gouvernement n’a donc pas le monopole en matière financière.
Il n’a un monopole que pour la présentation des 3 catégories de lois de finances, mais il n’a pas le monopole pour les lois organiques qui vont encadrer ces lois de finances.

Gaston Jèze déclarait ainsi que « il est logique de donner cette compétence au gouvernement, parce que c’est l’autorité qui sera responsable de son application”.

L’élaboration de la loi de finances fait collaborer 2 entités : le Premier ministre et le ministre chargé des finances.
Parfois, 3 entités, lorsque le ministre chargé des finances est divisé en 2 ministres, comme c’est actuellement le cas entre le ministre des Finances et le ministre des Comptes publics.
(Le poids politique pèse sur le ministre des Finances alors que le poids technique pèse sur le ministre des Comptes publics.)

Il y a même potentiellement 4 acteurs, avec le Président de la République.
Il n’a aucune compétence en matière budgétaire, ne détermine et ne conduit pas la politique de la nation, donc en principe il n’a pas vocation à intervenir.

En période de cohabitation, le rôle du Président de la République est relativement limité.
En matière financière, son rôle se limite à un pouvoir de décision et à une influence sur les affaires étrangères et la défense (la matière de la défense dépend des financements qu’il va obtenir).

En temps de concordance politique, le poids du Président s’accentue considérablement, parce qu’on a tendance à considérer que c’est lui qui détermine la politique de la nation et que c’est le gouvernement sous son autorité qui sera chargé de la conduire.

Il exerce ainsi son autorité via la présidentialisation du régime, parce qu’il exerce son autorité sur le Premier ministre qu’il a choisi.
Le PR interviendra donc politiquement, mais pas juridiquement, à une nuance près : le projet de loi de finances est délibéré en Conseil des ministres, qui a lieu à l’Élysée sous la direction du PR.

Le Premier ministre est pour sa part considéré comme l’autorité qui dirige la préparation du budget au regard de l’article 21 de la Constitution (qui dit que le PM dirige l’action du gouvernement, ce qui s’applique en matière financière).
Dans le cadre de la préparation du budget, le PM dispose d’un pouvoir hiérarchique sur ses ministres.

Le PM a une certaine prépondérance dans le cadre de la préparation du budget, et ce pour 3 raisons :

  1. Il assure la direction de la préparation du budget en le cadrant, c’est-à-dire en définissant les grandes étapes de ce budget, mais aussi en déterminant le cadre général du budget ;
  1. Il contrôle le bon déroulement de la préparation du budget, en s’assurant qu’il soit préparé dans les temps ;
  1. Enfin, il dispose d’un pouvoir de sanction.
    Par exemple, si un ministre critique le budget en cours de préparation, il pourra lui demander de démissionner
    (démission contrainte, opposée au ministre).

    Ce rôle est essentiel, parce que pendant la préparation du budget on constate une guerre de tranchées entre les ministres, qui souhaitent chacun obtenir un maximum de crédits pour leurs ministères.
    Il est donc indispensable qu’il y ait une autorité qui tranche les conflits entre ministres → c’est le rôle de Matignon.

Le rôle concret de préparation revient plus largement au ministre chargé des finances, qui va devoir organiser l’ensemble de ce projet.

Chaque ministre qui demande un budget envoie une demande à Bercy, qui a pour rôle de récupérer toutes les demandes d’ouverture de crédit, d’examiner ces demandes et leur pertinence au regard des objectifs définis par le Premier ministre.

Le ministre chargé des finances a un rôle qui est central, puisque c’est lui qui va décider – sous l’autorité du Premier ministre – de la répartition des crédits
Il n’est cependant qu’un ministre parmi les ministres, donc il n’a pas de pouvoir décisionnaire en tant que tel, ni de pouvoir de sanction (→ principe d’égalité entre les ministres).

Pour autant, cette place centrale du ministre chargé des finances est réelle et s’appuie entre autres sur le fait qu’il dispose de l’administration financière (”Bercy”), c’est-à-dire de l’ensemble des administrations qui sont techniquement à même de préparer un budget.

Pour rappel, le ministre des Finances a un pouvoir hiérarchique sur les administrations chargées des finances.
Il s’agit principalement de 4 administrations :

  1. La direction de la réforme budgétaire, créée par la LOLF, qui a pour objectif de permettre d’appliquer les principes de la LOLF.
    Elle a donc pour objectif de permettre le passage à une logique de résultat dans le projet de loi de finances (logique de new public management).
  1. La direction du budget a un rôle central : à N-2, elle commence à préparer le projet de loi de finances, en effectuant un travail d’évaluation et d’analyse des besoins financiers de la France, ce qui permet d’établir un préprojet de lois de finances et donc d’établir un cadre général.

    Cette intervient ensuite directement dans la préparation du budget, puisque c’est elle direction qui conduit les discussions interministérielles, afin de pouvoir établir un arbitrage entre les différents ministres.

    Enfin, elle est chargée chargée d’exécuter le budget.
    → Intervient en amont et en aval.

    C’est bon véritablement la direction de Bercy, qui intervient à toutes les étapes de la loi de finances, et prépare également la loi de règlement.

    Elle a la compétence technique et juridique de faire le projet et de l’exécuter, alors que les autres directions de Bercy interviennent pas pour préparer concrètement le budget.

  1. La direction générale du Trésor intervient pour établir les diagnostics macroéconomiques à côté de l’INSEE.
    Elle a donc pour rôle principal de déterminer tous les éléments qui sont connexes au budget mais indispensables (prévisions macroéconomiques, en termes de chômage et d’emploi…).
    Elle détermine le cadre économique dans lequel se situe le projet en cours, afin d’avoir une idée de l’influence de ce cadre économique sur le projet de budget, mais aussi pour connaître l’influence de ce budget sur ce cadre économique.
  1. La direction général des finances publiques (DGFiP) est la direction de Bercy qui a une expertise principale en matière d’élaboration des dispositions fiscales, qu’elles soient législatives ou réglementaires.

    Son attribution est directement en lien avec le projet de loi de finances, puisqu’elle porte sur la détermination des recettes fiscales et sur leur évaluation.

    La DGFiP intervient également parce qu’elle a un rôle central dans le recouvrement des recettes de l’État : c’est à ce service qu’on paie les impôts, donc c’est ce service qui peut établir les recettes de l’État pour la loi de règlement.

Ces directions dépendent de Bercy, ce qui assoit considérablement son pouvoir par rapport aux autres ministres.

La LOLF a essayé de développer la place des parlementaires dans la préparation de la loi de finances, par son article 48.
Concrètement, à partir des années 1990, on assiste à la création d’un débat d’orientation budgétaire, qui a pour but d’informer les parlementaires sur le projet en cours de création.

L’information a généralement lieu après l’examen de la loi de règlement.
En 4 mois, on a donc : loi de règlement, puis débat d’orientation budgétaire, puis projet de loi de finances.

Depuis 2005 et la LOLFSS, ce débat est devenu le débat d’orientation des finances publiques, puisqu’il porte tant sur le projet de budget de l’État que sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le gouvernement va devant chacune des 2 assemblées pour présenter les grandes lignes de son futur projet.
Il y a ensuite un débat dans l’hémicycle, qui ne donne pas lieu à un vote.

C’est une évolution considérable, d’autant plus que la Cour des comptes produit avant le débat un rapport préliminaire portant sur le cadre général des finances publiques → permet aux parlementaires d’avoir de l’information extérieure fiable.

Ce débat a été en partie modifié en 2021.
Il a désormais lieu au printemps, pour qu’il ait lieu en même temps que l’examen du programme triennal de stabilité, qui explique comment, sur les 3 ans à venir, l’orientation des finances publiques va permettre de s’approcher des critères de stabilité européens.

À partir de 2023, ces débats commenceront donc plus tôt, et l’on intégrera une approche triannuelle à l’approche annuelle du débat d’orientation des finances publiques.
Objectif : permettre aux parlementaires d’avoir, en 1 débat, une vision d’ensemble.

B – Le cadrage macro-économique

Si le gouvernement dispose juridiquement quasiment des mains libres, il est limité par le cadrage macro-économique, qui repose sur l’idée qu’on ne peut pas faire un projet de budget sans s’intéresser au cadre économique dans lequel il est réalisé.

Le gouvernement est donc limité par un double cadrage :
1- par les prévisions économiques ;
2- par les prévisions financières.

L’article 1 de la LOLF évoque un équilibre économique.
La direction générale du trésor fait donc un “budget économique”, avec comme objectif de déterminer des prévisions sur les activités économiques à venir.

Ces prévisions sont ensuite transmises à un organe indépendant, la Commission économique de la nation, composée d’experts en économique, chargée d’émettre des avis sur les prévisions effectuées par la Direction générale du Trésor.
Objectif : avoir un organe extérieur qui intervient dans la détermination de ce cadrage économique, pour s’assurer que le gouvernement n’a pas caché ou modifié à dessein des prévisions économiques, puisque de ces prévisions économiques dépendent la logique financière du projet et surtout sa faisabilité financière.

À côté de ce cadrage économique, on a des prévisions financières, qui ont été pendant longtemps marginales en France et qui n’ont été développées qu’à partir de 1994 sous l’empire de la doctrine du new public management.
Idée : il faut une efficacité efficacité dans la gestion des deniers publics.

Cette prévision financière est issue d’un double mouvement : mouvement interne, avec le développement des lois d’orientation quinquennales (aujourd’hui lois de programmation des finances publiques) + mouvement européen, avec le pacte de stabilité et de croissante (PSC, 1997), qui a imposé aux États membres la transmission à la commission de leurs programmes triennaux de stabilité.

Objectif : établir les prévisions financières pour les 3 ou 4 années à venir → savoir comment le projet en cours de rédaction s’inscrit dans ces prévisions et comment il doit permettre de remplir ces prévisions.

Le Haut Conseil des finances publiques a un rôle essentiel dans cette matière, puisqu’il apporte une expertise impartiale aux parlementaires et à l’Union européenne sur le cadre financier et sur la faisabilité financière du projet.
Concrètement, il émet un avis public afin de préciser si le projet du gouvernement est réaliste et s’il ne méconnaît pas ou ne risque pas de méconnaître les critères fixés par l’Union européenne.

Le Haut Conseil des finances publiques a donc un double intérêt : il apprécie lui aussi le cadrage macroéconomique effectué par le gouvernement (via la Direction générale du Trésor) et surtout il vérifie que le gouvernement n’a pas surévalué les critères économiques.
Idée : éviter que le gouvernement se fonde à dessein sur des prévisions qui sont trop optimistes et qui vont artificiellement augmenter les prévisions de recettes.

Il apprécie ensuite la trajectoire financière de l’État afin qu’il se rapproche de l’équilibre structurel.
Son avis ne lie pas le gouvernement, mais il peut avoir une influence politique forte et peut pousser la Commission européenne à engager une procédure contre l’État afin d’essayer de le forcer à modifier son projet de loi de finances.

En conclusion :

  1. Le gouvernement n’est pas totalement libre dans la préparation du projet de lois de finances et il ne peut pas faire ce qu’il veut, puisque pèse sur lui une épée de Damoclès : la Commission européenne, avec les critères de convergence européens.
  1. Dans la préparation du projet de loi de finances, les différentes étapes qui s’imposent au gouvernement (débats, cadrages) sont une source d’amélioration de la sincérité budgétaire, puisqu’ils forcent le gouvernement à s’appuyer sur des données fiables et à présenter de manière sincère la trame de son budget.

Ces étapes participent donc d’une meilleure transparence et d’une meilleure lisibilité du projet qui sera présenté.

C – Le processus de négociation et d’arbitrage

Le gouvernement dispose d’une liberté qu’il a tenté d’utiliser pour s’adapter à la logique de la LOLF (= logique de résultat et de performance).

La procédure de construction de la loi de finances est historiquement non déterminée, et la LOLF n’a pas remis en cause cette liberté gouvernementale.

Le gouvernement avait déjà tenté de revoir cette procédure de construction, pour adopter une procédure de rationalisation des choix budgétaires.
Idée dans les années 1960-70 : les ministères présentent leurs souhaits en termes de finances publiques dans des projets de budgets qui sont pluriannuels et rationnels.
Mais cette tentative a échoué à cause de la logique de l’ordonnance de 1959, dont on a vu qu’elle n’organisait pas une vision de résultats, mais qu’elle laissait les ministères libres dans la répartition des crédits.

La LOLF organise aujourd’hui la répartition des crédits par mission et par programme, mais en 1959 les crédits étaient répartis au sein des ministères.
Les ministères avaient tendance à utiliser l’intégralité des crédits → peu d’aspects rationnels.

Après la LOLF, le gouvernement a tenté de rationaliser et d’organiser la procédure de création de budget, ce qu’il a fait fait par une circulaire du Premier ministre du 21 janvier 2005 qui cadre cette procédure de création du budget.
Les Premiers ministres ont un pouvoir fondamental pour cadrer cette construction du budget.

Cette circulaire précise également une temporalité générale à suivre, permettant sur 8 mois de construire un projet de loi de finances.

  1. 1ère étape : les séminaires budgétaires, entre janvier et février, qui vont permettre à chaque ministère de préciser quelles sont leurs volontés générales pour l’année à venir.
    Ces séminaires permettent de créer une sorte de solidarité gouvernementale face aux stratégies financières pour l’année à venir, puisque les ministres vont être intégrés à la détermination de cette stratégie.
    Ils se déroulent parfois en dehors de Paris pendant 1 semaine.
  1. Des réunions techniques se déroulent de mars à avril entre services des ministères et la Direction générale du budget.
    > Réunions de budgétisation (résultats budgétaires de l’année passée) ;
    > Conférences de performance, dans lesquels chaque ministère va préciser, pour les programmes qui dépendent de son ministère, quels sont les objectifs pour l’année à venir et quels pourraient être les indicateurs de performance.
  1. Le Premier ministre intervient directement autour d’avril : il transmet une lettre de cadrage à tous ses ministres, qui indique les stratégies effectivement retenues et les stratégies qui seront à la base du projet de loi de finances.
    Cela permet de trancher les premiers conflits entre ministres, en déterminant un cadre général.
    Base : article 21 de la Constitution, qui dit que le PM dirige le gouvernement → il cadre son action.
  1. En même temps, le gouvernement adresse à la Commission européenne son programme de stabilité → début du contrôle de la Commission sur le respect des obligations européennes.
  1. Les conférences de budgétisation sont le pendant des réunions techniques : c’est au cours de ces réunions que les ministères vont négocier les demandes d’ouverture de crédit pour l’année à venir.

    Les autorisations d’engagement sont le plafond maximum de dépenses qui peut être ordonné sur plusieurs années.
    Le crédit de paiement est le plafond maximum de dépenses pouvant être autorisées chaque année dans le cadre des autorisations d’engagement.
    Exemple : pour la construction d’un bâtiment public, on vote 5 millions d’€ d’autorisation d’engagement.

    Le rôle central de Bercy est de négocier, mais c’est le Premier ministre qui tranche.

    Ces demandes doivent se faire à l’€ près, dès lors que dans le projet de loi de finances chaque demande d’ouverture de crédit doit être justifiée à l’€ près.

  1. En juin, la Commission européenne va envoyer à la France ses recommandations par rapport au projet qui lui a été envoyé en avril.
    Elle peut mettre en place le volet préventif en cas de dépassement des critères de convergence.
  1. Après les conférences de budgétisation, le Premier ministre envoie à ses ministres une lettre de plafond qui détermine pour chaque mission :
    > quel est le plafond maximum d’ouverture de crédit ; et
    > quel est le plafond maximum d’ouverture d’emplois ministériels.
    Les gagnants sont ceux qui ont une lettre de plafond qui va dans leur sens.
  1. Le débat d’orientation des finances publiques a lieu généralement à l’Assemblée nationale et au Sénat entre fin juin et juillet.
    Il s’agit d’un débat qui ne fait pas l’objet d’un vote, mais qui permet une prise d’informations.

    Le “printemps d’évaluation” correspond à cette période de contrôle du gouvernement en matière financière, issue d’une volonté politique de l’ancien président de l’Assemblée nationale François de Rugy.
    Objectif : que les parlementaires aient une vision gloable de la gestion publique, dès lors que vont bénéficier en plus d’une information par la Cour des comptes.

    La loi organique de 2021 a donc pour objectif d’accroître l’intervention des parlementaires dans la construction du budget, mais sans leur permettre juridiquement de le modifier.

  1. La conférence de répartition, de juillet à mi-août, correspond dernière étape principale.
    Dans le cadre des plafonds fixés par le PM, les crédits sont répartis par programme : la lettre de plafond prévoit des plafonds de dépense par mission.

    Ces conférences de répartition permettent de répartir ces plafonds entre les programmes d’une même mission + de finaliser le projet annuel de performance qui existe pour chaque programme, et qui sera précisé dans les bleus budgétaires, qui indique ce qu’on peut faire et comment il est possible de contrôler.

    La loi organique de 2021 prévoit une certaine évolution, dans la mesure où les objectifs et indicateurs de performance pourront dorénavant aussi être votés et amendés par le Parlement.
    → Intégration directe de la logique de résultat.
    Idée : les indicateurs de performance doivent être mieux construits et permettre effectivement d’évaluer l’action du gouvernement.

C’est la fin du projet de loi de finances, qui est conclu entre août et fin septembre.
Tous les documents annexés sont terminés à cette date.

Enfin, le gouvernement envoie son projet de loi de finances au Conseil d’État, qui rend un avis.

La discussion parlementaire commence alors à l’Assemblée nationale, qui durera 70 jours, afin qu’il y ait une adoption autour du 15 décembre (pour laisser le temps au Conseil constitutionnel d’examiner la loi s’il est saisi).

Le projet est nécessairement déposé en premier devant l’Assemblée nationale, parce que les députés sont élus au suffrage universel direct → l’appréciation du consentement à l’impôt est plus importante.
On donne 40 jours à l’Assemblée nationale et 20 jours au Sénat.
L’AN a plus de temps + les amendements des sénateurs sont plus limités → bicamérisme inégalitaire.

Une fois que les 9 mois de préparation sont écoulés, il y a 2 mois de discussion et d’adoption de la loi de finances :

§ 3. L’adoption de la loi de finances

L’adoption de la loi de finances est un moment clé de la construction d’un budget, puisque la représentation nationale va exprimer son consentement pour percevoir des recettes et procéder à des dépenses.
C’est donc aussi un moment clé de l’année parlementaire (pour certains, un moment trop important, puisque cette discussion limite la capacité d’examiner d’autres textes…).

Cette procédure est parfois critiquée, puisque les heures de débat ne vont conduire qu’à des modifications, d’autant plus lorsque le gouvernement a recours au 49-3, puisque tous les débats qui ont eu lieu sont choisis par le gouvernement.

On constate aujourd’hui un besoin d’équilibre entre la nécessité d’adopter un projet de loi de finances et la nécessité que la représentation nationale ne soit pas bâillonnée.

Sous la 3ème République, il était régulier que la loi de finances ne soit adoptée qu’en mai ou juin de l’année d’application ; jusqu’à cette période, on appliquait le droit antérieur pour percevoir les recettes et procéder aux dépenses.
On additionnait toutes les recettes et dépenses de l’année précédente et on les divisait par 12 pour avoir une moyenne de ce que l’on peut dépenser par mois.

Ce n’était pas très respectueux du consentement à l’impôt, donc la 5e République a fait le choix de limiter la discussion parlementaire.
Idée : le plus important, c’est d’avoir une loi de finances au 1er janvier, plutôt que d’avoir une discussion parlementaire.

L’objectif de la LOLF est de revaloriser le parlement, surtout qu’elle est d’origine parlementaire.
Cependant, le parlement n’a été revalorisé qu’à la marge, surtout avec la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui a en grande partie exclu la matière financière des compétences du Parlement.
On a donc un Parlement très limité, alors même que les régimes parlementaires se sont développés en partie grâce aux finances publiques.

Aujourd’hui, le pouvoir des parlementaires est encadré, mais les difficultés ne sont pas uniquement juridiques : on remarque que la LOLF a du mal à modifier les pratiques des parlementaires et à intéresser les parlementaires.

A – Le rôle renforcé des commissions permanentes

Les commissions permanentes correspondent aux commissions qui sont organisées au sein du Sénat et de l’Assemblée nationale.
Elles sont permanentes puisqu’elles existent quoi qu’il arrive.

Il est aussi possible de créer des commissions temporaires pour certains sujets transversaux.
Par exemple, une commission sur la réforme des retraites pourrait être envisagée.

Au sein des 2 assemblées, il existe une commission des finances, qui a pour rôle d’examiner les textes ayant une influence financière.
La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 n’a pas modifié le rôle de ces commissions des finances.

Dès lors que le texte discuté en séance publique n’est pas le texte tel que modifié en commission, mais bien le texte qui a été initialement présenté par le gouvernement, cela signifie que les commissions des finances n’ont pas la capacité de modifier le projet de loi de finances.

💡
Le rôle des commissions n’est fortement atténué de cette matière (= ne peuvent pas modifier le projet de loi) que dans 3 domaines :
1- en matière de lois de finances ;
2- en matière de lois de révision de la Constitution ;
3- en matière de lois relatives à l’État d’urgence.

En effet, sous les 3ème et 4ème République, les commissions avaient un rôle trop prépondérant : les commissions des finances pouvaient modifier le texte avant qu’il ne soit présenté en séance publique, donc le texte discuté n’avait au final plus grand chose de financier.
Par exemple, en 1911, 80% des articles de la loi de finances n’avaient rien à voir avec les finances publiques (= cavaliers budgétaires).

De plus, sous les 3ème et 4ème République, les membres des commissions des finances jouaient beaucoup sur la carrière politique du ministre des finances.
Jèze affirmait que « les membres des commissions des finances se comportent comme des héritiers présomptifs des ministres au pouvoir ».
Le sort du ministre des Finances dépendait de ces commissions et les membres de ces commissions se voyaient tous comme le possible futur ministre.

Conséquence : ces commissions des finances provoquaient très régulièrement la chute du ministre des Finances en espérant pouvoir le remplacer.
→ Contrôle exclusivement politique des finances publiques.

La LOLF a tenté de revaloriser ces commissions à plusieurs titres.
Tout d’abord, la LOLF a augmenté l’information transmise aux commissions des finances dans le cadre de l’exécution budgétaire, puisque les commissions des finances vont pouvoir donner leur avis sur les modifications du crédit en cours d’année.

Les commissions des finances ont aussi vu leur rôle renforcé.
Ce rôle renforcé est d’abord dû à l’organisation même de ces commissions : elles sont composées d’un président, d’un rapporteur général et d’un rapporteur spécial.
Depuis 2007, à l’Assemblée nationale, le président de la commission des finances est choisi parmi l’opposition.
Depuis 2011, la présidence de la commission des finances du Sénat est également attribuée à un membre de l’opposition.

Lorsqu’il faut élire le président de la commission des finances, la majorité ne vote pas → elle laisse les oppositions choisir, pour 3 raisons principales :

  1. Le président de la commission est l’interlocuteur privilégié du gouvernement au moment de l’adoption ou au moment du contrôle de la loi de finances ;
  1. Le président de la commission a un rôle sur le contrôle de la recevabilité des amendements, donc donner ce rôle à l’opposition permet de contrebalancer l’hyperpuissance gouvernementale et le fait majoritaire ;
  1. Le président de la commission des finances peut aller à Bercy pour faire des contrôles sur pièce – il dispose donc d’un droit de regard sur l’administration fiscale et financière → lui permet d’avoir accès à des informations.
    Or, en matière parlementaire et financière, l’information c’est le pouvoir !

Le rapporteur général est issu de la majorité.
Il est à l’origine du rapport général sur le projet de loi de finances = rapport parlementaire qui constitue une lecture du projet de loi de finances autre que celle du gouvernement.

+ une cinquantaine de rapports spéciaux, qui portent sur les différentes missions et qui constituent des sources d’information pour les parlementaires.

L’article 49 de la LOLF permet aux commissions des finances d’adresser au gouvernement, avant le 10 juillet, des questions sur le projet de loi de finances.
Le gouvernement doit répondre au plus tard avant le 10 octobre = au moment du début des débats à l’Assemblée.
Objectif : améliorer l’information des parlementaires et forcer le gouvernement à donner son avis et ses raisons sur le projet qu’il présente.
Dans l’hypothèse où le document ne serait pas transmis, ils peuvent faire un référé.

Ces commissions des finances sont obligatoirement saisies du projet de loi de finances, ce qui veut par exemple dire qu’un article 49 aliéna 3 ne pourra être mobilisé qu’après intervention des commissions.

Enfin, ces commissions ont une véritable influence sur la discussion à venir du projet, même si leurs amendements ne modifient pas le texte, au regard de 2 éléments :

  1. Les rapports écrits qu’ils proposent justifient et sont à l’origine des débats qui suivent, donc ces rapports sont à la source des amendements présentés en séance ;
  1. Près de 90% des amendements adoptés en séance publique ont été préparés au préalable par la commission des finances, qui a donc une véritable influence sur le fond de la discussion à venir.

La Cour des comptes peut être saisie par le présent de la commission des finances ou par le rapporteur général pour réaliser toute enquête qu’il demande.
Elle doit donner ses conclusions sous 8 mois.

Cela permet de bénéficier d’une enquête extérieure sur les politiques publiques.
Les résultats de cette enquête peuvent être à la source de propositions d’amendements.

En matière d’amendements, le président de la commission des finances contrôle leur recevabilité.
Il s’assure notamment que ces amendements peuvent être constitutionnellement présentés, parce que l’article 40 de la Constitution encadre très (trop ?) fortement le pouvoir d’amendement des parlementaires.

B – L’exercice encadré du droit d’amendement parlementaire

L’article 40 de la Constitution précise 2 limites :
”Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence :
1- soit une diminution des ressources publiques ;
2- soit la création ou l’aggravation d’une charge publique.”

La seule possibilité constitutionnelle qu’ont les parlementaires est donc d’augmenter les recettes ou de diminuer les dépenses.
Sur la moitié du projet de loi de finances, les parlementaires ne peuvent donc pas proposer de modifications, puisqu’ils ne peuvent pas diminuer un impôt et ne peuvent pas prévoir de créer une nouvelle dépense publique.

C’est un problème, parce que le droit d’amendement est au fondement même du pouvoir parlementaire.

Cet article 40 s’applique à toutes les lois, mais il a des implications plus importantes en matière financière.

En séance publique, les parlementaires comme les gouvernements peuvent proposer des amendements, mais seuls les parlementaires sont limités.
Motif : crainte que les parlementaires, pour des raisons politiques, ne détériorent les finances publiques (pour « faire plaisir » à leur base).

Les parlementaires ont cependant trouvé des capacités d’agir.

La 1ère a été développée par la pratique des sénateurs, qui ont remis en cause l’impossibilité de diminuer une ressource en proposant un amendement qui diminue une ressource mais en augmente une autre ; cette pratique est utilisée depuis.

Idée : si un parlementaire veut diminuer une recette de l’État, il va en contrepartie augmenter la taxe sur le tabac.
Les parlementaires laissent le gouvernement faire un choix : si l’amendement est adopté, le prix du tabac explose, ce qui n’est pas tenable politiquement.
Le gouvernement peut alors « lever le gage » = reprendre à son compte l’amendement proposé, en supprimant l’augmentation de la taxe tabac.

Conseil constitutionnel, 1976, Règlement du Sénat :
Le Conseil constitutionnel a validé ce mécanisme en déclarant qu’il ne constituait pas de véritable diminution des ressources puisque l’équilibre budgétaire est maintenu.

L’article 47 de la LOLF permet aux parlementaires de déposer un amendement qui va aggraver une charge ou créer une charge si et seulement si cette création ou aggravation est composée au sein de la même mission.
Cela permet seulement aux parlementaires, au sein de cette même mission, de créer une nouvelle dépense en en limitant une autre.
Le Conseil constitutionnel a validé en 2020 cette procédure, en considérant qu’elle n’allait pas à l’encontre de l’article 40.

Concrètement, au sein d’une mission, les parlementaires vont pouvoir créer un nouveau programme qui n’existait pas en lui affectant des dépenses et ils vont compenser ces dépenses en prenant au programme qui existait déjà dans cette même mission.
Le droit d’amendement est limité au sein des missions, au sein des budgets annexes et au sein des comptes spéciaux, puisque les budgets annexes et les comptes spéciaux correspondent à une mission.

L’article 40 est toujours très discuté.
Par exemple, le député René Pleven fait remarquer en 1959 que l’article 40 aurait interdit la suppression de la peine de mort par voie parlementaire, parce que supprimer la peine de mort aurait conduit à aggraver les charges publiques (ça coûte plus cher de garder quelqu’un en prison que de lui couper la tête).

L’article 40 interdirait ce type d’amendements parlementaires, ce qui est absurde.
Il repose sur l’idée que les parlementaires sont des mauvais gestionnaires publics et que le gouvernement s’assurerait de la soutenabilité des finances.
Or, depuis que l’article 40 existe, la dette publique a explosé → signifie que le gouvernement n’est pas bon gestionnaire public.

Cela peut amener à penser que les parlementaires ne seraient pas en soit des dépensiers et que supprimer l’article 40 ne reviendrait pas à ouvrir les vannes des finances publiques.
Les statistiques montrent que les parlementaires ne font que très peu de propositions d’amendement qui sont contraires à l’article 40 (7% des amendements à l’Assemblée et 4% au Sénat).

Il y a une distinction à opérer entre les sénateurs et les députés.
En effet, les députés bénéficient d’un droit d’amendement plus important : ils examinent en premier le projet de loi de finances.

Les amendements des sénateurs sont limités, puisque les sénateurs ne pourront proposer des amendements que sur une question déjà existante dans le projet de loi de finances ou sur une question qui a été créée par un député.
Ils ne peuvent pas poser de nouvelles questions au moment de l’examen de la loi de finances, parce qu’elle doit être adoptée dans des délais relativement stricts.
→ La discussion doit être efficace.

Objectif de la discussion du parlementaire : que les 2 assemblées votent le même texte.
Comme l’Assemblée nationale se prononce en premier, on contraint le Sénat à ne discuter que du texte tel qu’il résulte de l’assemblée.
Cela permet de limiter un élargissement du débat parlementaire qui n’aurait pas été envisagé par les députés et donc d’éviter de relancer la navette parlementaire.

Ces justificatifs sont-elles suffisantes pour limiter l’un des droits les plus fondamentaux de la démocratie représentative ?
Le professeur Ducharme ne le pense pas.

C – La discussion et le vote

Ce marathon budgétaire qui dure 2 mois est particulièrement encadré, dans la mesure où la loi de finances de l’année doit être adoptée avant le 31 décembre.

Pour ce faire, la discussion parlementaire est segmentée temporellement entre l’Assemblée nationale et le Sénat.
Devant l’Assemblée nationale, 40 jours sont attribués pour voter en 1ère lecture la loi de finances.

On divise le débat parlementaire, puisque la 1ère semaine porte exclusivement sur la 1ère partie du texte.
Ce n’est qu’une fois que cette première partie est adoptée que l’étude de la seconde partie commencera.

Conseil constitutionnel, 1979, Loi de finances pour 1980 :
Si la seconde partie est étudiée avant le vote de la 1ère partie, la loi de finances est entièrement contraire à la Constitution.
Il faut donc respecter cet ordre.

Après cette 1ère semaine, l’ordre du jour restant (généralement 4 semaines) est consacré exclusivement à la répartition des crédits au sein des missions.
Généralement, les ministres concernés viennent justifier leurs demandes et défendre leurs projets dans l’hémicycle.

Ensuite, l’ensemble de la loi de finances est votée en 1ère lecture :

  • Soit normalement, par un vote de l’ensemble des députés sur ce projet ;
  • Soit par l’article 49 alinéa 3 ;
  • Soit par la procédure du vote bloqué, prévu à l’article 44 de la Constitution, qui permet à tout moment au gouvernement d’arrêter les débats.

Le Sénat ne dispose que de 20 jours, mais la commission des finances du Sénat commence à travailler le texte avant qu’il ne soit adopté par l’assemblée.

Le Sénat procède de la même façon, mais avec 1 différence : devant le Sénat, il n’y a pas d’article 49 al 3, ce qui veut dire que le gouvernement ne peut pas engager sa responsabilité pour faire adopter le texte.

Si le Sénat vote un texte identique à celui de l’Assemblée nationale, la procédure s’arrête là → la loi de finances est adoptée, ce qui permettrait dans le meilleur des cas d’avoir un vote de la loi de finances autour de fin novembre / début décembre.

Si le Sénat n’adopte pas un texte similaire à celui proposé par l’assemblée, une nouvelle procédure est engagée.
La LOLF et la Constitution prévoient que les lois de finances sont adoptées suivant la procédure accélérée (prévue à l’article 45 de la Constitution).
Sauf pour la loi de règlement, dès lors que la loi de règlement n’a pas besoin d’être adoptée avant une date particulière.

Cette procédure accélérée conduit à ce que, en cas de désaccord entre le Sénat et l’Assemblée, une commission mixte paritaire est réunie.
(alors qu’en temps normal, une CMP ne peut être réunie qu’après 2 lectures par les chambres)

C’est un pouvoir du gouvernement, ça n’est pas une obligation.
Il peut laisser la navette parlementaire continuer, potentiellement indéfiniment.
La CMP tente de trouver un accord entre les députés et les sénateurs. Elle est composée à parité entre les députés et les sénateurs.

Généralement, il y a désaccord.
En cas de désaccord ou en cas d’accord, le texte est remis à la commission.
En cas d’accord de la CMP, les 2 chambres votent pour dire si elles acceptent ce compromis ; en cas de désaccord, le texte revient devant l’Assemblée nationale, qui dispose de quelques jours pour le discuter et le voter.
Cela nous amène généralement au 10 décembre ; idem au Sénat, qui se prononce sur le texte voté par l’Assemblée.

Si les 2 chambres n’ont toujours pas voté le même texte, le dernier mot est donné à l’Assemblée nationale, dans ce que l’on appelle une lecture définitive.
Le 49 al 3 pourra être remobilisé en lecture définitive pour faire adopter le projet de loi de finances.

C’est un processus long, qui conduit ensuite à la saisine du Conseil constitutionnel.
💡 C’est une saisine facultative, mais qui a lieu dans l’immense majorité des cas.

Il se prononce rapidement pour que les parties de la loi qui sont conformes à la Constitution puissent être promulguées.
Cela signifie que, par exemple, les cavaliers budgétaires seront déclarés contraires à la Constitution et ne pourront donc pas être promulgués.

Le Conseil constitutionnel effectue ce contrôle en s’appuyant sur l’ensemble des normes ayant valeur constitutionnelle.
Il vérifie également que la loi de finances respecte les dispositions prévues par la LOLF.

Il effectue donc une sorte de contrôle de constitutionnalité de la loi de finances par rapport à la LOLF, alors même que la LOLF n’a pas valeur constitutionnelle.
Cela est justifié par le fait que l’article 34 de la Constitution précise que les lois de finances sont votées « dans les conditions et sous les réserves de la loi organique ».

Une fois cette loi contrôlée, elle est promulguée par le Président de la République et enfin publiée au Journal officiel.

La discussion de la loi de finances ne laisse guère de place au Parlement, dont le rôle est souvent jugé négligeable.
Certains voient le Parlement comme un imprimeur, qui va juste chercher les coquilles dans le texte présenté par le gouvernement → parce que le Parlement est fortement encadré par la Constitution, et qu’il n’a pas été suffisamment libéré par la LOLF.

Ce constat ne doit pas être totalement noirci, puisque généralement une loi de finances contient 2 fois plus d’articles après son examen par les parlementaires.
Il y a donc une influence normative des parlementaires sur la loi de finances.

L’adoption des projets de loi de finances est donc une adoption qui est encadrée temporellement et normativement.

Si le Parlement est limité par le gouvernement, le gouvernement lui-même est limité dans sa marge de manœuvre : il n’est pas tout puissant.
Outre une possible responsabilité politique, le gouvernement est limité par les critères de l’Union européenne + sa marge de manœuvre est limitée par « les dépenses obligatoires » (= payer le personnel, payer les retraites, payer la dette).

§ 4. L’exécution des lois de finances

Le gouvernement dispose de moyens pour adapter la loi de finances, en s’éloignant quelque peu de ce qui est prévu, en ouvrant de nouveaux crédits ou en déplaçant des crédits d’un programme à un autre.
La loi de finances, pour son exécution, laisse donc une certaine margé de liberté au gouvernement, qui pourra moduler soit l’affectation des crédits soit leur montant.

Cela pose d’abord une difficulté juridique, puisque ce sont des décrets qui vont venir modifier ce que la loi avait prévu, parce que la LOLF autorise le gouvernement.
Question : comment contrôle-t-on ces modifications ? Logiquement, si on donne une marge de manœuvre au gouvernement, il faut pouvoir, pour le parlement, contrôler cette marge de manœuvre pour s’assurer qu’elle n’est pas incompatible avec la loi de finances et qu’elle respecte l’autorisation donnée par la représentation nationale.

Principe de la LOLF : conserver une marge de manœuvre pour le gouvernement en l’encadrant plus fortement.
La LOLF considère que le gouvernement doit pouvoir s’adapter, mais qu’il doit aussi y avoir un contrôle efficace de ces adaptations.

L’article 20 de la Constitution prévoit que “le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation”.
→ Il est logique qu’il appartienne au gouvernement d’exécuter cette loi de finances.

Il faut avoir à l’esprit que la loi de finances organise 2 modalités différentes, dans la mesure où elle est un acte d’autorisation qui a une incidence différente entre les recettes et les dépenses :

  1. En matière de recettes, la loi de finances pose une obligation de les percevoir.
    → Obligation de prélever l’impôt tel qu’il a été voté et autorisé.

    Motif : question d’égalité entre les contribuables.
    Les articles 13 et 14 de la DDHC affirment ainsi que l’on doit contribuer aux charges de l’État en fonction de nos ressources.
    Conséquence : le gouvernement (en l’espère, la DGFI) doit obligatoirement prélever l’impôt.
    Mais souvent, il décide gracieusement qu’on n’a pas à payer l’impôt (dégrèvement).

  1. En matière de dépenses :
    Conseil d’État, 1928, Jaurou :
    L’autorisation de dépenses ne vaut pas obligation de dépenses.
    En effet, une loi de finances fixe un plafond maximum de dépenses, à charge pour le gouvernement de déterminer de combien de dépenses il a besoin pour mener à bien sa mission.
    Le gouvernement peut donc geler des crédits lorsqu’il considère qu’ils ne sont plus utiles.

Cette loi de finances peut être adaptée en cours d’année par le vote d’une loi de finances rectificative.
C’est une procédure assez longue et lourde à mettre en oeuvre, mais qui est juridiquement la procédure normale de modification de la loi de finances initiale (”ce que la loi a fait, seule la loi peut le défaire”).

Le début de l’exécution budgétaire, c’est la répartition des crédits entre les programmes qui est proposée par le gouvernement et qui est validée par le Parlement.
Cette répartition a valeur législative, mais la 1ère action que prend le gouvernement, c’est de prendre un décret de répartition.

Objectif : répartir les crédits au sein des programmes.
Le décret de répartition fixe l’architecture précise des crédits, alors que la loi de finances s’était arrêtée à une répartition générale.
Ces décrets de répartition sont le premier acte de répartition de la loi de finances que va prendre le gouvernement.

L’exécution de la loi de finances a été profondément modifiée avec une idée générale : la modernisation de la gestion publique avec la théorie du new public management.
Idée : cette théorie veut que l’État ait une gestion publique proche de la gestion privée, qui repose nécessairement sur l’idée de ne pas dépenser à tort + de contrôler l’utilité des dépenses.

Cette idée a été transcrite dans le décret GBCP de 2012, qui est la traduction, pour la matière comptable, de la LOLF.
Il organise la comptabilité publique (= la présentation des comptes de l’État).

C’est au sein de cette comptabilité publique que le contrôle des dépenses de l’État est effectué, donc les présentations comptables retenues ont une influence directe sur l’étendue du contrôle de l’exécution budgétaire.
Ce décret de 2012 a totalement rénové la comptabilité publique, en essayant d’avoir une vision plus générale de la situation financière de l’État et une vision qui permette de connaître sur le moyen terme la situation financière de l’État.

A – Les instruments de l’exécution budgétaire

1) Les décrets de répartition initiale des crédits

Dès que la loi de finances initiale a été promulguée au Journal Officiel, le Premier ministre, sur le fondement de l’article 44 de la LOLF, prend un décret de répartition des crédits.

Concrètement, ce décret répartit les autorisations de crédit programme par programme aux ministères.
Cette répartition des crédits concerne donc le budget général, les budgets annexes et les comptes spéciaux.

Ce décret reprend donc les autorisations du Parlement pour les préciser et pour les répartir entre les ministères.

Ces crédits peuvent être annulés ou reportés sur l’année à venir.
Concrètement, si 100 millions d’€ sont ouverts pour un programme en 2021 et que tout n’a pas été consommé, le gouvernement peut reprendre dans son décret 3 millions d’€ pour l’année suivante.
Idée le pouvoir règlementaire peut considérer qu’il a besoin d’une fraction de ses crédits pour terminer l’action menée l’année passée.

Les articles 11 à 14 de la LOLF viennent préciser comment le gouvernement, par décret, modifie ce qui a été voté par le Parlement.
Idée de la LOLF : mieux encadrer cette exécution qui, avant 2001, était trop libre.
En effet, avant la LOLF, la Cour des comptes critiquait systématiquement l’exécution de la loi de finances par le gouvernement, en considérant que celui-ci avait détourné l’autorisation parlementaire.

Avant la LOLF, les décrets pris par le gouvernement permettaient de s’éloigner manifestement de ce qui avait été voté, soit en ce qui concerne le montant des crédits, soit en ce qui concerne leur répartition.
L’objectif de la LOLF n’est pas d’empêcher le gouvernement, mais de mieux l’encadrer ; il faut donc trouver un juste milieu très délicat entre la nécessité d’adaptation et la nécessité de respecter la loi.

La Cour des comptes a maintenu des critiques relatives à la sous-budgétisation (= pour le gouvernement, prévoir un montant de dépenses inférieur à ce qu’il sera nécessaire).
Le Parlement vote ce montant parce qu’il n’a pas les capacités techniques d’évaluer le montant des dépenses nécessaires pour mener une mission.

Le gouvernement prévoit un montant inférieur, en sachant qu’en cours d’année il pourra l’augmenter ou alors qu’il pourra y affecter des crédits devant financer un autre programme.
Le gouvernement sous-budgétise pour laisser penser que son budget est plus à l’équilibre, puisque les dépenses sont inférieures à ce qu’il sera nécessaire.

2) Les modifications règlementaires en cours d’exécution

La loi de finances rectificative est utilisée plusieurs fois par an, mais d’autres décrets permettent aussi de modifier la loi de finances initiale.

Tout d’abord, il est possible pour le gouvernement de modifier la répartition des crédits (= prendre un côté pour donner de l’autre), en utilisant les crédits globaux, prévus par l’article 11 de la LOLF.

Ces crédits globaux sont votés par le Parlement, mais ne sont affectés à aucun programme.
Ils permettent au gouvernement, par décret, de les affecter en cours d’exécution à tel ou tel programme, pour des raisons exceptionnelles.

Pour les dépenses accidentelles ou imprévisibles (= catastrophes naturelles), le gouvernement peut, par décret, prendre des crédits globaux pour les mettre dans un programme particulier, ce qui permet de répondre à ces dépenses accidentelles ou imprévisibles.
On est ici dans l’hypothèse où il y a une augmentation des rémunérations publiques qui n’était pas prévue initialement.

Dans ce cas-là, le gouvernement peut piocher dans ces crédits globaux pour les affecter à des dépenses de personnel.

Les virements de crédits permettent, entre programmes qui relèvent du même ministère, de prendre d’un programme pour donner à l’autre.
Dans ce cas-là, les crédits changent de nature, puisqu’ils vont être affectés à une logique différente.
Ils sont limités dès lors qu’ils contreviennent à l’autorisation parlementaire ; il y a 2 limites :

  1. Ce décret de virement de crédit ne peut pas être supérieur à 2% de ce qui figure dans les 2 programmes.
  1. Ce décret de virement ne peut être pris qu’en respectant certaines formalités : il faut un rapport du ministre des Finances qui est transmis aux commissions des finances des 2 assemblées.
    Il faut donc une information qui soit transmise aux commissions des finances pour expliquer les raisons de ce virement.

Les transferts de crédits, à la différence des virements, se font entre programmes de ministères différents.
Particularité : ce transfert doit conduire à ce que les sommes transférées soient utilisées pour une dépense similaire au programme initial.

Concrètement, dans cette hypothèse, le crédit ne change pas de nature, puisqu’il servira à ce qui était prévu à l’origine.
Il y a 1 seule différence : ce n’est pas le même ministère qui va dépenser l’argent.

Dès lors que cette nature du crédit n’est pas changée, il n’y a pas de limite de montant, puisque finalement l’argent sera utilisée pour ce que le Parlement avait voté.
La seule limite est formelle : ce décret est pris sur rapport du ministère des finances, qui est transmis pour information aux commissions des finances.

Pour que la logique de la LOLF s’applique, tout virement ou tout transfert doit être explicité dans les rapports annuels de performance, qui seront transmis avec la loi de règlement.
Idée : le Parlement, lorsqu’il contrôle la gestion, doit pouvoir effectivement contrôler la logique de ces répartitions de crédit.

Ces 2 modalités sont bien moins attentatoires que les décrets qui permettent de modifier le montant des crédits :

Les décrets d’avance permettent de modifier les lois de finances rectificatives.
L’article 13 de la LOLF permet au gouvernement, en cas d’urgence, d’augmenter les crédits affectés à un programme.
Il ne peut le faire qu’après avis du Conseil d’État et des commissions des finances ; ces avis ne lient pas le gouvernement, qui n’est pas obligé de les suivre.

Ces décrets permettent d’augmenter les dépenses jusqu’à 1,5% de la totalité de la loi de finances.
Si le gouvernement peut augmenter les crédits de 1,5%, il ne peut le faire que s’il supprime de manière équivalente un certain nombre de crédits : il doit supprimer des crédits dans d’autres programmes dans d’autres missions, ou alors il doit augmenter des recettes de manière équivalente.

Principe : le gouvernement ne doit pas modifier l’équilibre budgétaire tel qu’il a été voté par le Parlement.

Dernière condition : ces décrets d’avance doivent être ratifiés par la loi après leur adoption, c’est-à-dire qu’ils devront être ratifiés dans la prochaine loi de finances qui sera votée.

Cette procédure a été utilisée au tout début de la sécheresse de 2003, avant que ne soit adoptée une loi de finances rectificatives.
En urgence avant la loi de finances rectificative, le gouvernement bénéficie ainsi de nouveaux crédits pour lutter contre les effets de cette urgence.
Elle a également été utilisée dans le cadre de la grippe H1N1.

On est ici dans l’hypothèse d’une urgence et d’une nécessité impérieuse d’intérêt national, qui justifie le décret → véritable crise obligeant d’agir immédiatement.
Dans ce cadre, le formalisme beaucoup moins important : il est seulement nécessaire d’avoir l’avis du Conseil d’État et une simple information des commissions des finances.

À priori – mais la LOLF n’en dit rien – ces décrets peuvent porter atteinte à l’équilibre budgétaire au regard de la nécessité impérieuse.
Ces crédits doivent être ratifiés par le Parlement dans la prochaine loi de finances, ou bien immédiatement une fois qu’il se réunit de nouveau.
→ Situation d’exception justifiant une procédure exceptionnelle.

Par exemple, cette procédure a été utilisée à la mort de Pompidou en 1974, puisqu’une fois décédé, il était indispensable de dépenser en urgence des crédits pour mettre en oeuvre une nouvelle élection présidentielle, mais aussi pour rassurer les marchés financiers.

Les annulations de crédits permettent au gouvernement, pour éviter qu’il y ait une détérioration de l’équilibre budgétaire, d’annuler des crédits.
Ces annulations sont limitées à 1,5% des crédits ouverts.
Elles font l’objet d’un formalisme relativement réduit, puisqu’il faut seulement informer les commissions des finances.

Cette procédure peu utilisée, puisque le gouvernement préfère geler les crédits (= les bloquer pendant un certain temps) plutôt que de les annuler.
Concrètement, ces crédits gelés seront rendus indisponibles par décret du ministre des Finances, qui prendra ensuite un nouveau décret pour les dégeler et les rendre de nouveau disponibles.

Les reports de crédits :
Principe : en fin d’année, tout ce qui n’a pas été utilisé est perdu.
Mais le gouvernement peut, par décret, reporter des crédits de l’exercice précédent sur l’exercice suivant.

Les autorisations d’engagement constituent le montant maximum de ce que l’on peut dépenser sur plusieurs années pour mener une mission ; par exemple, 100 millions sur 4 ans.
Les crédits de paiement constituent le montant maximum de ce que l’on va pouvoir dépenser annuellement dans ce qui est prévu par les autorisations d’engagement ; pour le même exemple : chaque année, les crédits de paiement limitent combien l’on peut utiliser sur les 100 millions.
Les autorisations d’engagement peuvent être reportées d’une année sur l’autre sans limite, mais les crédits de paiement ne peuvent être reportés que dans la limite de 3% sur un programme équivalent.

Les fonds de concours, qui sont des dons et legs que l’on peut faire à l’État, sont automatiquement reportés, parce qu’ils sont affectés aux dépenses choisies par ceux qui ont versé les sommes.

Conclusion :
Toute la problématique consiste à déterminer si l’information du Parlement est suffisante lorsque le gouvernement souhaite modifier en cours d’année la loi de finances.
Sur ce point, la LOLF a permis d’accroître l’information du Parlement et principalement des commissions des finances.

Idée : les les commissions des finances sont le lieu où doit être réalisé le contrôle de l’exécution.
Pour qu’un contrôle efficace soit réalisé, il faut une information de ces commissions, qui s’accroît au fur et à mesure de l’atteinte portée à la loi de finances.

Cependant, une information n’est utile que si elle sert effectivement à un contrôle parlementaire.
Si le contrôle parlementaire est insuffisant, l’information n’apportera rien et n’aura pas d’utilité en soit.

B – Les opérations relatives à l’exécution budgétaire

La LOLF a voulu introduire une culture de management qui se traduit dans l’exécution, avec comme logique d’avoir une gestion publique qui soit inspirée du secteur privé.
Idée : mieux distinguer les fonctions de l’État et fixer à l’État une stratégie identifiable et évaluable.

Dans le cadre de l’exécution du budget, la LOLF et le décret GBCP de 2012 donnent une plus grande liberté aux gestionnaires publics pour exécuter la loi de finances.
Cette plus grande liberté trouve en contrepartie une responsabilité accrue.
→ Cette responsabilité des gestionnaires publics est la contrepartie de leur capacité d’agir.

Concrètement, la logique actuelle consiste à responsabiliser les gestionnaires publics pour les seules erreurs importantes qu’il commettent, pour éviter une paralysie de l’exécution des gestionnaires publics.

Les gestionnaires publics sont divisés en 2 grandes catégories :
1- les ordonnateurs ;
2- les comptables.

Cette division est au fondement de l’exécution budgétaire.
Elle repose sur l’idée que ce ne doit pas être la même personne qui décide de la dépense et qui procède à la dépense.

À partir du 1er janvier 2023, les ordonnateurs et les comptables seront soumis à un contrôle similaire de la Cour des comptes.

La LOLF et le décret de 2012 ont essayé de rénover cette répartition entre ordonnateurs et comptables, pour permettre une action plus efficace.

Dans un 1er temps, la LOLF a imposé à ce que soit repensée la comptabilité publique.
Le décret de 2012 a traduit juridiquement cette obligation en créant de nouvelles comptabilités publiques et notamment une comptabilité dite générale.
Cette comptabilité générale s’inspire de ce qui se fait dans les entreprises pour l’appliquer à l’État.

Cette nouvelle comptabilité publique est censée améliorer le contrôle parlementaire et la logique de résultat de l’État.
Cependant, la comptabilité n’a pas en soit de conséquences : c’est juste un moyen d’améliorer la gestion publique, en imposant à l’État des manières différentes de présenter son action.

1) Le principe de séparation des ordonnateurs et des comptables

Principe : toute opération d’exécution d’une opération budgétaire fait intervenir 2 acteurs : les ordonnateurs et les comptables.

Cette division existe depuis 1822 et a été reprise par le décret GBCP de 2012.
Elle repose sur l’idée suivant laquelle une meilleure protection des deniers publics implique qu’une personne ne puisse pas décider des dépenses et les exécuter.

Les ordonnateurs sont les individus qui prescrivent l’exécution des recettes et des dépenses.
Les comptables publics vont pour leur part manier les fonds, c’est-à-dire effectivement percevoir les recettes et procéder aux dépenses.

On distingue 3 catégories d’ordonnateurs, en fonction de l’étendue du pouvoir dont ils disposent :

  1. Les ordonnateurs principaux sont les ministres et les questeurs ;
  1. Les ordonnateurs secondaires sont considérés comme secondaires dans la mesure où leur pouvoir se limite à un territoire particulier ; par exemple : les préfets, les ambassadeurs, les présidents des autorités administratives indépendantes (AAI)…
    Ils ne peuvent ordonner des dépenses que sur leur territoire ou sur leur champ d’intervention spécifique.
  1. Les ordonnateurs délégués se sont vus octroyée leur compétence par un ordonnateur principal ou secondaire.

    Concrètement, au sein d’un ministère, le ministre n’autorise et n’ordonne pas toutes les dépenses et toutes les recettes lui-même.
    Il délègue cette compétence à son cabinet ministériel, à des directeurs d’administration et à des hauts fonctionnaires.

    Ces ordonnateurs sont les responsables de programme et les responsables de budget opérationnel de programme.
    Ils ont pour responsabilité de mettre en oeuvre les autorisations votées par le Parlement.
    Ce sont eux qui rédigent les projets annuels et les rapports annuels de performance.

Ces ordonnateurs décident de la dépense et de la recette.
Les comptables interviennent après, puisqu’ils vont réaliser concrètement ce qui a été ordonné.

On distingue 3 catégories de comptables :

  1. Les comptables assignataires, c’est-à-dire les comptables qui sont assignés à un ordonnateur en particulier et qui vont être chargés de payer les dépenses ordonnées ou de recouvrir les recettes ordonnées par un ordonnateur spécifique.
  1. Les comptables secondaires, qui réalisent concrètement au jour le jour les actions ordonnées par les différents ordonnateurs.
  1. Les comptables principaux, qui généralisent et centralisent les opérations des comptables secondaires.

Pour exécuter une recette, il y a 2 étapes à respecter.

D’abord, une phase administrative, qui relève de l’ordonnateur qui établit l’assiette de l’impôt (= sur quoi porte l’impôt) et qui constate la créance qui lui est due.
Si c’est l’impôt sur le revenu, l’assiette correspond aux revenus sur 1 an, puis on établit la créance → par rapport à ce que j’ai perçu, combien je dois en impôt.
Enfin, l’ordonnateur émet un ordre de recouvrement, qui rend cette créance exigible.

Il y a des recettes de l’État qui sont versées de façon volontaire, sans intervention du législateur ; par exemple, la TVA.

On suit 2 étapes qui permettent de dépenser de l’argent :

  1. L’ordonnateur prend un acte d’engagement, qui crée une obligation : marché public, bon de commande…
  1. Le comptable effectue le paiement après vérification.
    Il vérifie d’abord la qualité de l’ordonnateur (que celui qui lui demande de payer est bien l’ordonnateur).
    Il vérifie ensuite la bonne imputation de la dépense (= que la dépense relève bien de cet ordonnateur).
    Il vérifie aussi que les crédits sont disponibles (= qu’il y a suffisamment de crédits pour payer).
    Il s’assure enfin que cette dette est valable juridiquement, et que le paiement va bien le libérer de la dette.

    Il doit être attentif, car il engage sa responsabilité sur les dépenses qu’il réalise → il doit s’assurer de la légalité de ce qui a été ordonné.

Avant le 1er janvier 2023, les comptables étaient responsables de leurs comptes sur leurs deniers propres devant la Cour des comptes.
À partir de 2023, la Cour des comptes va connaître de la responsabilité des ordonnateurs et des comptables.

La séparation entre les 2 est essentielle et repose sur un contrôle des 2 autorités, dans la mesure où le comptable contrôle l’ordonnateur et contrôle l’existence de la dépense ou de la recette.

Plus les sommes sont importantes, plus le contrôle du comptable est poussé et plus sa responsabilité risque d’être engagée.
Ensuite, Bercy contrôle ses ordonnateurs et ses comptables en fonction du montant ou de la nature des dépenses.

Cette séparation est donc indispensable à l’exécution des dépenses et est essentielle pour :
1- s’assurer de l’exécution de l’autorisation parlementaire ; et
2- s’assurer de la légalité des actions réalisées.

Depuis la LOLF, l’exécution a également fait l’objet d’une rénovation de la comptabilité publique :

2) Les logiques d’organisation de la comptabilité publique

L’article 47-2 de la Constitution, introduit par la réforme de 2008, oblige l’État à présenter des comptes réguliers (= conformes à la réalité) et sincères.

⚠️ La sincérité comptable n’est pas la sincérité budgétaire.
La sincérité budgétaire est un principe financier qui s’applique au moment de l’examen de la loi de finances, alors que la sincérité comptable (plus objective) est propre aux comptes de l’État et à leur présentation.

Cet article 47-2 poursuit en précisant que les comptes de l’État doivent donner une image fidèle du résultat de la gestion du patrimoine de l’État et de sa situation financière.

Plusieurs obligations comptables ont été initiées par la LOLF de 2001, constitutionnalisées en 2008 et précisées par le décret de 2012 :

Historiquement, on a en France une comptabilité budgétaire très simple, qui ne présente que les décaissements et les encaissements réalisés sur 1 an, c’est-à-dire qu’elle va présenter toutes les dépenses et toutes les recettes réalisées pour l’exécution d’une loi de finances.

Elle a une utilité fondamentale : elle permet de comparer l’exécution réalisée par rapport aux autorisations de la loi de finances.

La comptabilité permet de porter un jugement sur ce qu’avait prévu le gouvernement au moment de la préparation de la loi de finances (→ il doit essayer au mieux d’approcher le montant définitif de ses prévisions, c’est la seule manière d’avoir une exécution budgétaire réalisée à l’équilibre).

Pour les dépenses, la comptabilité budgétaire permet d’identifier, programme par programme, combien ont réellement été dépensés par rapport à ce qui était prévu.

Mais cette comptabilité est bien trop limitée, car elle permet seulement sur un an de savoir combien on a gagné et payé.
La LOLF a donc imposé une 2ème forme de comptabilité :

La comptabilité générale ne repose pas sur les dépenses et les recettes effectives, mais sur les créances et sur les dettes, donc sur les droits et les obligations de l’État.
Cette comptabilité permet d’identifier chaque année les dépenses ou les recettes engagées par l’État mais pas encore définitivement réalisés.

C’est le lien juridique qui nous intéresse : celui qui oblige l’État, et pas l’encaissement ou le décaissement.

Cette comptabilité générale permet de donner une idée de la situation financière de l’État, car elle permet de présenter tous les actifs et passifs de l’État.
Il s’agit d’une forme de comptabilité transcendant l’annualité, car elle permet d’identifier les dettes à venir de l’État.

💡
Les actifs de l’État correspondent à l’ensemble du patrimoine public, qui appartient directement à l’État.
Le passif de l’État correspond à toutes les sommes que l’État va devoir payer dans le futur.

L’avantage d’avoir cette vision est double :

  1. Elle permet de connaître la situation financière de l’État, en faisant un ratio entre ses actifs et son passif.
    Actuellement, actif > passif.

    Connaître cette situation permet à l’État de prévoir la situation de ses dettes à venir, et donc d’adapter ses lois de finances pour se rapprocher progressivement d’un équilibre.

    Concrètement, si on n’a qu’une comptabilité budgétaire, il est impossible de prévoir, parce qu’on va seulement identifier à posteriori combien on a gagné et perdu.
    La comptabilité générale permet d’envisager la situation de l’État sur plusieurs années et donc de prévoir un retour à l’équilibre progressif.

    Par exemple, si on augmente maintenant l’âge de départ à la retraite pour qu’il y ait plus de recettes dans le futur, la comptabilité générale permet d’envisager cela.
    Elle place l’État dans une temporalité plus large et le force à anticiper.

  1. La comptabilité permet de connaître le patrimoine de l’État, ce qui est indispensable à une gestion efficace de son patrimoine.

    En matière immobilière, la LOLF a forcé l’État à identifier véritablement son patrimoine immobilier.
    Avant les années 2000, l’État avait une connaissance très mauvaise de ce qui lui appartenait.

    Cela permet à l’État d’avoir une gestion plus active de son patrimoine, et de pouvoir dégager des recettes de l’utilisation de son patrimoine.
    La comptabilité générale permet et a permis à l’État d’accroître ses recettes dans la gestion de ses propriétés plutôt que de les laisser à l’abandon.

Conclusion :
L’exécution des lois de finances repose sur un équilibre entre liberté accordée au gouvernement et l’information du Parlement pour avoir un contrôle effectif.
On a vu que cette exécution faisait concrètement intervenir plusieurs catégories d’individus (ordonnateurs et comptables), avec comme objectif la préservation des deniers publics par un contrôle des dépenses et des recettes.
→ Contrôle de la bonne exécution de l’autorisation parlementaire.
Objectif : pouvoir identifier et contrôler clairement l’exécution d’une année + replacer cette exécution dans un cadre plus large et dans un cadre temporel plus large.

§ 5. Le contrôle de la mise en oeuvre des lois de finances

Une fois que la loi de finances a été exécutée, il faut contrôler son exécution concrète.
Ce contrôle est indispensable pour s’assurer que le gouvernement a respecté l’autorisation parlementaire.

A – Les contrôles administratifs

1) Les contrôles internes aux ministères

Le ministre a un pouvoir hiérarchique sur son administration, qui découle de de l’article 20 de la Constitution (”le gouvernement dispose de l’administration et de la force armée”).
En conséquence, c’est un supérieur hiérarchique de l’administration et un acteur politique.
Cela implique que le ministre répond politiquement des actions de l’administration.

Idée : des contrôles internes sont indispensables pour que ministre s’assurer que son administration a bel et bien appliqué la loi de finances.

La LOLF a profondément renforcé ces contrôles internes en modifiant leur logique.

Les programmes sont nécessairement ministériels, il s’agit du cadre budgétaire qui dépend d’un ministre en particulier.
De plus, les responsables de programmes sont généralement des ordonnateurs qui bénéficient du pouvoir d’ordonnateur par délégation du ministre (qui est ordonnateur principal).

Il y a donc une logique fonctionnelle qui justifie que le contrôle interne ait lieu au niveau du programme.

Enfin, c’est au niveau du programme que sont développés les rapports annuels de performance (au moment de la loi de finances initiale) et les projets annuels de performance (au niveau de la loi de règlement).
C’est donc au niveau des programmes que les parlementaires contrôlent l’efficacité de l’action publique + c’est au niveau des programmes que le ministre effectue au préalable un contrôle de cette gestion publique.

Il y a environ 70 responsables de programme pour le budget de l’État, pour 130 programmes.
Ces responsables sont sous la tutelle hiérarchique du ministre.

Il y a donc une approche verticale, qui remonte progressivement jusqu’au ministre.
Concrètement, au sein des ministères, ce sont généralement le secrétaire général ou le directeur des affaires financières qui effectuent pour ce ministre le contrôle hiérarchique et vérifient la bonne utilisation des deniers publics.

Le ministre doit faire ce contrôle, car in fine c’est lui qui a la responsabilité politique devant la représentation nationale : les assemblées qui ont préalablement consenti à l’utilisation des crédits.

Ensuite, le contrôle au sein des ministères peut être réalisé par certaines autorités internes.
Mais un contrôle interne n’est juridiquement pas suffisant, parce qu’un contrôle interne est nécessairement partial.
On a donc créé l’IGF :

2) Le contrôle de l’Inspection générale des finances

L’Inspection générale des finances (IGF) a été créée en 1931 pour remplacer l’Inspection du Trésor, qui remontait à 1801.

L’IGF dépend du ministère des Finances.
Elle est composée d’énarques et chargée de contrôler l’ensemble des administrations publiques et l’ensemble des organismes privés qui > reçoivent une aide financière publique, ou > sont sous la surveillance d’une personne publique.
Par exemple, une association qui reçoit des deniers publics peut être contrôlée par l’IGF.

L’IGF mène 3 types de contrôle différents :

  1. Un contrôle comptable, avec des brigades qui vérifient à l’improviste les comptes publics des comptables publics.
    Les administrations ne peuvent pas refuser l’accès au lieu ni au document.
    Ce contrôle peut conduire à une saisine de la Cour des comptes pour condamner pécuniairement un comptable public.
    Les comptables ont donc intérêt à vérifier que les ordres donnés par les ordonnateurs sont légaux, car ils répondent de leurs actions.
  1. Fonction d’examen de la bonne gestion publique, par 2 moyens :
    1- les enquêtes réalisées par l’IGF ;
    2- les évaluations des politiques publiques.

    Concrètement, l’IGF produit des rapports sur telle ou telle action des administrations, et propose par la suite des recommandations pour que ces administrations aient une meilleure gestion publique.

    Ces rapports sont essentiels, car ils permettent de rendre public une mauvaise gestion de l’argent public + forcent les administrations à améliorer leur action publique.
    Par exemple, l’IGF a produit récemment un rapport sur la dette des établissements publics de santé.

  1. Enfin, l’IGF peut être une forme de prestataire de service pour les administrations, qui peuvent la saisir afin de demander un audit ou des conseils sur la gestion des deniers publics.

    L’IGF est donc une sorte de cabinet de conseil interne à l’administration, ce qui fait qu’on peut se demander pourquoi parfois une administration préfère payer un prestataire extérieur alors qu’elle a accès gratuitement à l’IGF.
    En effet, depuis quelques années, les administrations ont tendance à préférer les cabinets de conseil privés. Une raison qu’on pourrait avancer est que l’IGF pourra finir par publier ses données et ainsi rendre publiques des erreurs de l’administration qui vont remonter jusqu’au ministre.
    Ces derniers ont donc parfois trop tendance à avoir recours à des cabinets de conseil privés pour éviter que les données soient rendues publiques.

Les conséquences de ce contrôle exercé par l’IGF sont de 2 ordres :

  1. Conséquences médiatiques à l’encontre du ministre, qui sera taxé de mauvaise gestion publique ;
  1. Les parlementaires vont bénéficier de nouvelles informations dont ils ne disposaient pas, dès lors qu’ils n’ont pas la capacité d’effectuer un contrôle similaire.
    Or, l’article 24 de la Constitution prévoit que le Parlement vote la loi, mais aussi qu’il évalue les politiques publiques et l’action du gouvernement.

    Le Parlement va pouvoir se fonder directement sur le travail de l’IGF pour demander des comptes au ministre, ce qui pourra être fait par exemple pendant les questions au gouvernement (le mercredi après-midi).

Cependant, ces contrôles sont largement insuffisants, puisqu’un contrôle n’est réellement efficace que s’il peut engendrer des conséquences, d’où la nécessité d’avoir un contrôle juridictionnel de la gestion publique :

B – Les contrôles du juge financier

Le principal juge financier est aujourd’hui la Cour des comptes, créée en 1807 et composée de magistrats inamovibles.
Elle est aujourd’hui présidée par Pierre Muscovici, ancien ministre.

Elle est composée de magistrats chargés de contrôler, d’un point de vue juridictionnel, la gestion publique.
Ces magistrats peuvent prendre des arrêts condamnant pécuniairement les mauvais gestionnaires publics.

Il y a, auprès de la Cour des comptes, un procureur général chargé d’exercer l’action du ministère public = de poursuivre les possibles contrevenants aux règles financières.

La Cour des comptes a bénéficié d’une constitutionnalisation à l’article 47-2 de la Constitution, qui a permis entre autres de garantir d’un point de vue constitutionnel l’indépendance de ses magistrats.
Cet article a aussi développé les compétences de la Cour des comptes dans la continuité de la LOLF, en lui permettant de venir en appui du Parlement pour qu’il puisse effectuer son contrôle politique.

La Cour des comptes assiste le Parlement et le gouvernement dans le contrôle d’exécution de la loi de finances et de l’application des lois de finances de la sécurité sociale.
Elle a donc un rôle essentiel dans le contrôle des comptes publics.

Ces 2 missions relèvent de ce qu’on appelle globalement la mission d’assistance aux pouvoirs publics.

Mais la Cour des comptes a aussi un autre rôle : l’article 47-2 précise que, par ses rapports, la Cour des comptes participe à la bonne information du public.
Elle a donc un rôle de contrôle de la gestion publique qui est réalisé par une action non-juridictionnelle : publier des rapports.

1) La responsabilité unifiée des gestionnaires publics

L’ordonnance du 23 mars 2022 a changé toute la responsabilité financière, en organisant à partir du 1er janvier 2023 un régime commun de responsabilité des gestionnaires publics.
Avant, la Cour des comptes ne contrôlait que les comptes des comptables publics ; dorénavant, elle va contrôler l’action de l’ensemble des gestionnaires publics.
Les arrêts qu’elle prendra dans ce cadre pourront faire l’objet d’un recours en cassation devant le Conseil d’État.
Cette ordonnance aura 2 autres conséquences :

  1. Les cours régionales des comptes (CRC) ne vont plus effectuer de contrôles juridictionnels, seule la Cour des comptes va le faire ;
  1. La Cour de discipline budgétaire et financière, qui devait contrôler les ordonnateurs et leurs actions, va disparaître, puisque ce contrôle a été intégré à la CDC.

Concrètement, à partir du 1er janvier 2023, la Cour des comptes va contrôler l’ensemble des gestionnaires publics dans le cadre d’une responsabilité financière : comptables publics, ordonnateurs… → toute personne qui intervient dans la chaîne financière publique.
Idée : on étend la compétence de la Cour des comptes, qui va seulement être limitée dans la mesure où elle ne peut pas contrôler financièrement les ministres ou les élus locaux, parce qu’ils sont soumis à un contrôle politique et non juridictionnel.

Lorsqu’une personne non habilitée intervient à la place d’un comptable public, même s’il est ministre ou même si c’est un élu local, il pourra être contrôlé par la Cour des comptes, dès lors que la gestion de fait constitue une infraction.
Il en est de même lorsqu’il n’exécute pas une décision de justice qui a prononcé une astreinte (= condamnation financière à agir).

La Cour des comptes va contrôler tous les gestionnaires publics, qu’ils soient locaux ou nationaux.
Les CRC se sont donc vues dépossédées du contrôle juridictionnel des comptables publics locaux, puisque dorénavant seule la Cour des comptes est compétente pour effectuer un contrôle juridictionnel.

Avant l’ordonnance de 2022, le Code des juridictions financières disposait que la Cour des comptes « contrôle les comptes des comptables publics ».
Si les comptes étaient réguliers, elle prenait un arrêt de décharge, qui déchargeait donc le comptable de toute responsabilité.
Si les comptes étaient irréguliers, elle prenait un arrêt de débet, qui condamnait pécuniairement le comptable sur ses deniers propres des irrégularités commises.

La suppression de la responsabilité propre des comptables a été actée pour 2 raisons :

  1. Généralement, le ministère des Finances venait à posteriori libérer le comptable de toute condamnation pécuniaire, car car dans la majorité des cas les erreurs de comptabilité n’étaient pas dues à l’action du comptable, mais à celle de l’ordonnateur ayant ordonné au comptable de payer des sommes indues.
  1. Les ordonnateurs étaient eux responsables devant la Cour de discipline budgétaire et financière ; or cette cour ne condamnait que très rarement un ordonnateur.
    Il y a donc quelque chose d’assez peu logique : 2 autorités différentes interviennent pour juger ordonnateurs et comptables, mais 1 seul des 2 est sanctionné → forme d’injustice et d’iniquité dans ce contrôle.

L’ordonnance unifie la responsabilité de l’ensemble des gestionnaires publics.
Ils seront responsables devant la Cour des comptes dans le cadre d’une infraction principale prévue à l’article 131-9 du CJF, quand une faute grave a causé un préjudice significatif.
On retient 2 conditions cumulatives :

  1. La gravité de la faute ;
  1. Cette action doit avoir causé un préjudice financier significatif.

Objectif de cette réforme : octroyer une plus grande marge de manœuvre aux gestionnaires publics, en contrepartie de quoi ils seront responsables des erreurs grossières.
Dorénavant, on ne contrôlera que les hypothèses les plus graves de mauvaise gestion publique.
Conséquence : les infractions décelées par la Cour des comptes pourront conduire au maximum à une amende qui ne dépasse pas 6 mois de rémunération.

On donne à la CDC une marge d’appréciation très entendue, dans la mesure où la CDC va devoir apprécier la gravité de la faute, qui est un élément très subjectif, et va devoir apprécier ce qu’est un préjudice financier significatif.
Malgré ces incertitudes, le professeur Ducharme considère que cette unification de la responsabilité est plutôt une bonne chose, parce qu’elle permet que les ordonnateurs et les comptables soient soumis à une responsabilité similaire.

Ces poursuites n’empêchent en rien de poursuivre pénalement un gestionnaire public, par exemple pour prise illégale d’intérêts.
C’est une responsabilité financière et non pénale, même si se pose la question de l’application du principe non bis in indem → la CEDH devra probablement se prononcer sur le respect de ce principe qui interdit d’être condamné 2 fois pour le même fait.

2) Le contrôle de la gestion publique

La Cour des comptes a un rôle essentiel dans le contrôle de la gestion publique, parce qu’il y a une complémentarité entre le contrôle juridictionnel (que l’on vient de voir) et le contrôle de la gestion.
Ce contrôle de la gestion est prévu par l’article L111-2 du CJF.

Concrètement, la Cour des comptes doit vérifier la régularité des dépenses et des recettes inscrites dans les comptes, mais également du bon emploi des crédits.
Le contrôle comptable est indispensable pour certifier les comptes de l’État.
Il est aussi important pour s’assurer qu’il n’y a pas d’erreur de gestion ; s’il y a une erreur, la Cour des comptes dispose de la possibilité de publier des rapports pointant cette mauvaise gestion.

Ensuite et surtout, on s’intéresse au bon emploi des derniers publics.
La Cour des comptes a une marge d’appréciation sur ce qu’elle va décider de contrôler.
Elle peut s’assurer et examiner le bon emploi des deniers publics par toutes les administrations et par les organismes privés bénéficiant d’argent public.

Ce contrôle est la traduction de la LOLF au niveau de la Cour des comptes : il amène la Cour des comptes à évaluer l’efficience / l’efficacité de l’action publique.

Ce contrôle permet donc de s’assurer que l’action publique est financièrement performante suivant la logique LOLFienne.

La Cour des comptes ne contrôle pas les choix politiques ; elle contrôle leur efficacité.
”Est-ce que les actions menées ont effectivement permis d’aboutir au résultat escompté ?”

Elle fixe elle-même son programme des administrations qu’elle va contrôler, et la LOLF garantit cette autonomie à son article 58.

Les rapports produits par la Cour des comptes pourront être publiés.

Les CRC peuvent faire la même chose au niveau local : contrôler la gestion des administrations locales : régionales, départementales, (inter)communales.
Les CRC ont donc dorénavant pour rôle principal de contrôler la gestion publique locale.

Cela permet de rendre public la mauvaise gestion publique, ce qui est parfaitement complémentaire avec la logique de performance de la LOLF.

3) La mission d’assistance aux pouvoirs publics

La Cour des comptes assure aussi une mission d’assistance aux pouvoirs publics, qui la conduit à apporter aux autres pouvoirs publics une expertise dans la gestion publique.

On a d’abord vu que la Cour des comptes est essentielle pour le Parlement, car elle doit l’assister.
Cette assistance se traduit par le fait que la Cour des comptes doit répondre aux demandes formulées par les parlementaires, et plus précisément aux demandes formulées par les commissions des finances.
Celles-ci peuvent demander à la Cour des comptes un rapport sur la gestion d’une administration, et elle a l’obligation de rendre ce rapport dans les 8 mois.
→ Améliore l’information des parlementaires du fait de l’expertise particulière de la Cour des comptes.

Ensuite, la Cour des comptes doit transmettre au Parlement l’ensemble de ses travaux qui portent sur le contrôle du gouvernement.
Elle certifie la comptabilité générale produit par l’exécutif (la comptabilité générale = celle qui repose sur les droits et obligations, et non celle qui repose sur les encaissements et décaissements).

Cette certification permet d’assurer au Parlement que l’exécution qu’il va contrôler repose sur des données qui sont exactes.
La Cour des comptes constitue donc aujourd’hui un organe indispensable pour le Parlement.

Ensuite, plus largement, la Cour des comptes vient en appui du Parlement et du gouvernement par le biais de rapports.

Le 1er rapport obligatoire est le rapport relatif aux résultats de l’exercice transmis au Parlement et au gouvernement avant le débat d’orientation des finances publiques.
Il a pour but d’éclairer les discussions entre le Parlement et le gouvernement afin d’expliciter quels ont été les principaux résultats de l’exercice précédent.

Ensuite, la Cour des comptes produit un rapport conjointement à la loi de règlement qui analyse, mission par mission, programme par programme, l’exécution budgétaire.
Ce rapport permet d’éclairer les discussions sur la loi de règlement.

Enfin, au moment où est déposée une loi de finances (initiale ou rectificative), la Cour des comptes doit produire un rapport analysant l’ouverture des crédits pour donner une information plus fiable aux parlementaires.

En résumé, la Cour des comptes doit produire de la documentation à toutes les étapes de la vie financière : au moment de la préparation, au moment de la discussion d’une loi de finances, et au moment du contrôle de l’exécution de la loi de finances.
La Cour des comptes constitue donc un outil indispensable pour donner une information impartiale aux différents pouvoirs publics.

C’est pour cette raison que le Haut Conseil des finances publiques a été rattaché à la Cour des comptes : parce qu’il a une fonction similaire dans l’information qu’il apporte, même si cette information a pour particularité d’être en lien avec des obligations européennes et avec le respect des traités européens.

La Cour des comptes a donc des fonctions variées, qui vont du contrôle juridictionnel, au contrôle de la bonne gestion publique, à l’information des pouvoirs publics.

Il faut bien avoir à l’esprit que la fonction de contrôle de la gestion publique est directement en lien avec l’information des pouvoirs publics.
Depuis 2008, le Parlement peut demander de lui-même à la Cour des comptes d’effectuer un contrôle sur une thématique choisie par les commissions des finances.
C’est essentiel, parce que c’est le Parlement, qui vote la loi de finances et en contrôle l’exécution. C’est donc le Parlement qui effectue ce contrôle budgétaire et qui s’assure que le gouvernement n’a pas outrepassé l’autorisation qui lui a été accordée.

C – Le contrôle parlementaire

Le contrôle parlementaire s’est développé à partir de 1814.
Le Parlement, depuis cette époque, dans le prolongement du consentement à l’impôt, s’assure de la mise en oeuvre de la loi de finances.

La LOLF a profondément modifié le contrôle de l’exécution en essayant de revaloriser le Parlement.
Cette revalorisation est d’abord passée par la comptabilité générale et sa certification par la Cour des comptes, tout simplement parce que cette comptabilité informe le Parlement sur la situation financière de l’État.

Ensuite et surtout, la LOLF a revalorisé 2 éléments :
1- les commissions des finances ;
2- la loi de règlement, pour essayer d’en faire un moment clé du contrôle parlementaire.

1) Les commissions des finances, acteurs-clés du contrôle

Les commissions des finances avaient traditionnellement sous la 3e République un rôle considérable, car elles pouvaient contrôler l’emploi des crédits par chaque ministère pendant et à la fin de l’exécution.

La Constitution de 1958 a renversé cette compétence : les commissions des finances ont perdu leurs compétences de contrôle pour n’avoir plus seulement qu’un droit à l’information.
Les commissions des finances des 2 assemblées n’étaient plus dans la capacité juridique de s’assurer que le gouvernement n’avait pas outrepassé l’autorisation parlementaire.

Ce n’est que dans les années 1970 que les commissions des finances ont progressivement commencé à recontrôler le gouvernement.
Concrètement, les commissions des finances ont commencé à auditionner les hauts fonctionnaires en charge des finances, ainsi qu’à rédiger des rapports sur la gestion du gouvernement.
→ Passage dans les années 1970 d’un rôle passif à un véritable rôle de contrôle du gouvernement.

La LOLF a poursuivi en ce sens de 2 manières :

  1. En développant l’information attribuée aux commissions des finances ;

    Les décrets qui modifient la répartition et le montant des crédits font l’objet d’une information spéciale de la commission des finances, qui peut rendre un avis.

    Cette information a également été développée par le biais des documents budgétaires, qui constituent une source prévue par la loi organique d’information des parlementaires.

  1. En développant les compétences de contrôle, avec son article 57 qui précise que les commissions des finances suivent et contrôlent l’exécution des lois de finances.

    Cet article a l’avantage de donner un fondement juridique aux commissions des finances, prévues par une loi organique.
    Dans le cadre de cet article, les parlementaires peuvent demander à toute administration les documents d’ordre financier qu’ils souhaitent obtenir.

    En cas de refus, les parlementaires peuvent saisir le juge administratif en référé, c’est-à-dire en procédure d’urgence.
    Le refus pour les administrations de transmettre des documents est pénalement répréhensible, sauf si ces documents concernent la défense nationale ou la sécurité de l’État.

Enfin, en dehors de la LOLF, les commissions des finances se sont imposées d’elles-mêmes, avec un outil qu’on appelle la mission d’évaluation et de contrôle (MEC).
Cette mission a été créée par commission des finances à l’Assemblée nationale et reprise au Sénat.
Elle fixe une semaine pendant laquelle les commissions des finances auditionnent tous les responsables administratifs qu’ils souhaitent auditionner.
Ils auditionnent également les membres de la Cour des comptes, afin de bénéficier d’une véritable expertise.

Cette mission d’évaluation et de contrôle a un intérêt : elle est égalitaire entre majorité et opposition, donc elle est assez largement non partisane → permet un contrôle plus efficace de l’action publique.

→ Les commissions des finances ont vu leur rôle s’améliorer dans le contrôle de l’exécution.

2) L’examen et le vote de la loi de règlement, moment clé du contrôle

La loi de finances est créée en 1817-1818, car créée sur l’exécution budgétaire de 1817 et votée en loi de règlement en 1818.

La loi de règlement est désormais appelée loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année (nom modifié avec la loi organique de 2021, qui renforce le rôle de la loi de règlement).

Idée de la LOLF renforcée par la loi organique de 2021 : faire en sorte que les parlementaires se prononcent effectivement sur l’exécution qui vient d’avoir lieu.

Traditionnellement, la loi de règlement ne fait pas l’objet d’une discussion très développée, parce qu’elle est généralement discutée et votée en moins d’une semaine.
→ Tradition : les parlementaires ne se saisissent pas de cette loi de règlement.

La LOLF a essayé de changer la donne en modifiant le contenu de la loi de règlement et en améliorant principalement 3 points :

  1. Dorénavant, la loi de règlement va constater le solde définitif de l’année précédente.

    Elle est le miroir de la loi de finances.
    La loi de finances, dans son article liminaire, identifie le solde prévisionnel qui sera le fondement à l’emprunt public pour financer le déficit à venir.
    La loi de règlement continent un article liminaire qui pose le solde définitif.
    Cet article permet d’apprécier si l’évaluation initiale s’est avérée correcte, principalement au regard des recettes perçues.

    Le Haut Conseil des finances publiques produit également un avis sur ce solde définitif, qui pourra permettre à l’Union européenne d’engager une procédure à l’encontre de l’État pour déficit excessif.

  1. La loi de règlement contient les rapports annuels de performance.
    Il s’agit donc du moment où les parlementaires vont effectivement pouvoir contrôler la bonne gestion publique et s’assurer que l’utilisation des crédits par le gouvernement permet de remplir les objectifs fixés.

    Ces objectifs doivent permettre d’évaluer l’efficacité d’une action publique et l’efficacité des dépenses réalisées pour mener cette action.
    Problème : ces indicateurs de performance et ces objectifs sont généralement soit trop faciles à remplir, soit déconnectés de la dépense.

    Par exemple, si on met 10 milliards d’€ pour les lycées et qu’on fixe comme objectif que + de 95% des lycéens aient le bac, mais que dans le même temps on change le bac pour que les matières optionnelles aient un plus gros coefficient, on obtiendra de meilleurs résultats, mais le service n’aura pas forcément été amélioré.

    En théorie, ce lien est plutôt intéressant dans une logique de performance.
    Le problème, c’est que cet outil ne sera utile que si les parlementaires s’en saisissent réellement, ce qui reste aujourd’hui l’une des principales difficultés, puisque les parlementaires ont tendance à délaisser d’eux-mêmes ce pouvoir.

La loi organique de décembre 2021 va peut-être, à partir de l’année prochaine, permettre un meilleur intérêt des parlementaires sur les projets et rapports annuels de performance.
En effet, elle prévoit que dorénavant, au moment de l’examen de la loi de finances, les parlementaires pourront modifier les indicateurs de performance.
Ils pourront donc fixer les modalités leur permettant de contrôler le gouvernement.
→ Évolution qui pourrait potentiellement permettre un + grand intérêt des parlementaires pour la loi de finances.

Enfin, la loi de règlement a aussi vu son calendrier modifié, puisqu’elle est déposée maintenant avant le débat d’orientation des finances publiques.
Elle permet donc aux parlementaires, pendant ce débat, d’anticiper la loi de règlement et en principe d’intéresser plus grandement les parlementaires à cette loi de règlement.

Conclusion :
On a a encore du mal à dépasser ce problème, parce qu’il y a un désintérêt des parlementaires qui découle encore d’une contingence politique.
Critiquer l’exécution est politiquement relativement neutre, puisque l’exécution a déjà eu lieu, donc contrairement à l’examen de la loi de finances, les parlementaires n’en tirent que peu de profit.

Même quand les parlementaires s’y intéressent, le contrôle est très politisé → il ne porte pas sur le fond.
On pourrait même dire qu’il n’y a pas eu de véritable de contrôle, seulement une opposition de principe.
Rejet = moyen de montrer que, politiquement, on est en désaccord avec le gouvernement.

Le contrôle de l’exécution budgétaire a donc été détourné en un contrôle politique.
C’est aujourd’hui le seul texte où les oppositions sont réunies, avec un vote commun NUPES + LR + LFI… car c’est le seul texte qui n’a pas de conséquences juridiques : si la loi de règlement n’est pas adoptée, ça n’empêche pas de voter la loi de finances (il suffit de l’examiner et de voter).

Ce texte est le grand oublié du rôle du Parlement, qui ne contrôle pas efficacement l’action du gouvernement lors de cette loi de règlement, avec tout ce que ça implique : ce contrôle ne permet pas de vérifier le respect de l’autorisation budgétaire par le gouvernement.
C’est pour cette raison aussi que le contrôle de la Cour des comptes est d’autant plus essentiel, parce qu’il s’agit de l’organe qui contrôle l’action du gouvernement et de l’ensemble des administrations.

Conclusion de cette partie 2

On a donc vu, du début à la fin, les modalités d’adoption, d’exécution et de contrôle de la loi de finances.
Ce qu’il faut retenir : les grandes logiques.

L’objectif de la LOLF était double :
> renforcer le Parlement ;
> limiter le déficit public en ayant une approche plus performante de la dépense.

Est-ce que la LOLF a véritablement été une réussite pour renforcer le Parlement et limiter la dépense publique ?
Au regard de ce qu’on a dit, pas vraiment, même s’il y a eu des améliorations manifestes, principalement en ce qui concerne le renforcement du Parlement (meilleure information, meilleur contrôle, plus de pouvoir des parlementaires pour proposer des amendements, etc).

Il ne faut pas oublier que, depuis la LOLF, il y a eu des crises financières qui n’ont pas aidé.
Plus largement, malgré ces crises, on observe que le déficit se creuse → on peut questionner l’efficacité de la dépense publique, d’autant plus au regard du droit de l’UE.

La modification de la LOLF en 2021 montre qu’elle n’a pas été une réussite complète – mais attention de ne pas être trop affirmatif sur les échecs sur la LOLF.

Partie 1 : Les fondements du droit budgétaire

Cliquer ici pour revenir au sommaire de ce cours complet de Finances publiques (L2).

§ 1. Les sources du droit budgétaire

A – Les sources internes

1) Les sources constitutionnelles

La Constitution est une source des finances publiques, via la DDHC avant tout : les articles 13 et 14 posent les principes essentiels du consentement à l’impôt et de l’égalité devant l’impôt.

La Constitution précise des dispositifs qui encadrent le Parlement :

  1. L’article 39 de la Constitution pose le fait qu’une loi de finances rectificative est nécessairement déposée en premier sur le bureau de l’Assemblée nationale.
    → Accentue le bicamérisme inégalitaire de la 5e République.
  1. L’article 40 de la Constitution prévoit un encadrement des amendements parlementaires en matière financière.
    Les parlementaires ne peuvent pas proposer d’amendement qui conduire l’État à avoir moins de recettes ou à dépenser plus.
    Cet article 40 s’applique à tous les textes : lois de finances comme lois lambdas.
    → Arme antiparlementaire, qui repose sur l’idée que les parlementaires sont dépensiers par nature.
  1. L’article 47 de la Constitution pose le fait que les lois de finances sont adoptées dans un délai limité.
    Les parlementaires ne peuvent pas faire durer la discussion, pour éviter que l’État ne soit bloqué au 1er janvier.

La Constitution octroie au gouvernement de nombreuses armes, au titre desquelles on retrouve les ordonnances de l’article 38 de la Constitution, ou l’article 49 alinéa 3, qui peut être utilisé 3 fois par an (1 fois pour une loi ordinaire + 1 fois pour une loi de finances + 1 fois pour une loi de financement de la sécurité sociale).

La Constitution organise un parlementarisme rationalisé en matière financière.
Depuis les années 2000, il y a une volonté de revaloriser le Parlement dans les lois organiques.

L’article 47-2 de la Constitution, ajouté en 2008, fait de la Cour des comptes une juridiction qui peut venir en aide au Parlement.
Concrètement, les parlementaires peuvent poser leurs questions à la Cour des comptes, et même lui demander d’effectuer des contrôles.

Enfin, l’article 72-2 de la Constitution pose le principe de l’autonomie financière des collectivités territoriales.

2) Les lois organiques

Les lois organiques sont des lois spécifiques, qui ont pour objet de préciser la Constitution, qui sont adoptées suivant une procédure particulière et qui ont une valeur supérieure à la loi ordinaire.

La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) est une initiative parlementaire transpartisane qui a voulu intégrer en droit français les principes du new public management.
Le texte en vigueur auparavant laissait trop de marge de manœuvre au pouvoir exécutif en encadrant totalement les parlementaires en matière financière. Il n’y avait pas d’autorisations spécifiques de dépense, seulement des autorisations par ministère, donc il n’y avait pas de réel contrôle parlementaire de l’utilisation des sommes allouées.

La doctrine du new public management impose aux collectivités publiques de se rapprocher d’une gestion privée.
Objectif : meilleure performance dans l’utilisation des finances + revalorisation parlementaire (lors de la préparation du budget et lors du contrôle de l’exécution du budget).

En vérité, la LOLF a été en partie un échec, parce que le Parlement n’a pas été suffisamment revalorisé.
Elle a donc été modifiée le 28 décembre 2021 par la loi organique relative à la gestion des finances publiques, qui revalorise le Parlement et vise une plus grande pluriannualité des finances (= approcher les finances sur le moyen terme).

En 1996, on a modifié la Constitution pour prévoir que, dorénavant, les finances liées à la sécurité sociale sont inscrites dans une loi spécifique.
Objectif : avoir une meilleure visibilité entre le budget de l’État et la sécurité sociale, pour permettre un meilleur contrôle parlementaire.

La loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS) est adoptée le 2 août 2005. Elle constitue le pendant de la LOLF pour les finances sociales (c’est la “constitution” des finances sociales de l’État).
Elle régit tout le droit applicable au financement de la sécurité sociale.
Objectif : essayer de rendre les dépenses plus utiles et limiter “le trou de la sécurité sociale”.

La LOLF et la LOLFSS sont ainsi 2 textes fondamentaux en matière de finances organiques et de finances sociales.

3) La jurisprudence

Depuis 1974, le Conseil constitutionnel a été saisi du contrôle de toutes les lois de finance.
Depuis 1996, il a été saisi de toutes les lois de financement de la sécurité sociale.
Il intervient à double titre :

  1. Le Conseil constitutionnel permet à l’opposition de s’assurer que la loi de finances est constitutionnelle.
    Son contrôle à ce titre porte essentiellement sur le respect du consentement à l’impôt et de l’ensemble des principes budgétaires qui en découlent.
  1. Il a aussi pour rôle de s’assurer que ce qui est dans la loi de finances a le droit d’y être.
    Il déclare systématiquement certaines dispositions de la loi de finances contraires à la Constitution, parce que ce sont des cavaliers législatifs.

Le Conseil constitutionnel doit intervenir dans un délai extrêmement court : entre le vote de la loi (souvent mi-décembre) et le 31 décembre, pour que la loi puisse être promulguée le jour avant le 1er janvier de l’année à venir.

La Cour des comptes a été créée en 1807. Il s’agit d’une juridiction financière composée de 3 ordres juridictionnels :
1- les cours régionales des comptes (CRC), chargées de contrôler les comptables locaux ;
2- la Cour des comptes, juge d’appel des CRC, ou juge en première instance des comptables publics nationaux ;
3- le litige peut se finir au Conseil d’État, juridiction de tutelle de la Cour des comptes et des CRC.

À partir du 1er janvier 2023, le rôle juridictionnel de la Cour des comptes et des CRC va s’étendre, puisqu’elles vont également contrôler les ordonnateurs, qui ont pour rôle d’autoriser la perception de recettes ou de procéder à des dépenses.
Les ordonnateurs principaux sont les ministres, qui peuvent déléguer leurs pouvoirs à des autorités ; chaque établissement public dispose de son propre ordonnateur (ex : la présidente d’une université).

La Cour des comptes est devenue une institution qui assiste le Parlement et le gouvernement dans le cadre du contrôle des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale.
Elle certifie les comptes publics à l’année suivant l’année d’application de la loi de finances.
Elle s’assure de la sincérité du projet de loi de finances du gouvernement.

La Cour des comptes peut d’elle-même produire des rapports afin de dénoncer soit des anomalies soit des erreurs de gestion.

4) La loi et le règlement

La loi est nécessairement une source des finances publiques, puisque la Constitution affirme la compétence exclusive du législateur pour intervenir en matière financière.

  1. La loi de finances initiale (LFI) est censée organiser le budget de l’État pour une année civile.
    Elle organise l’ensemble des plafonds de dépense et l’ensemble des recettes qui peuvent être perçues.
    Elle autorise également à emprunter, lorsque les dépenses sont supérieurs aux recettes.
    Elle s‘applique sur 1 an et est adoptée en principe l’année précédente.
  1. La loi de finances rectificative (LFR) est une loi particulière qui peut prévoir de nouvelles dépenses ou de nouvelles recettes.
  1. La loi de règlement et d’approbation des comptes publics est adoptée l’année qui suit l’application de la LFI.
    Elle clôt définitivement les comptes de l’État pour 1 année.
    Intérêt : déterminer si les dépenses qui ont été autorisées dans un but spécifique ont véritablement été dépensées pour réaliser cet objectif.

La loi ordinaire est aujourd’hui en partie concurrencée par les lois de programmation financière, introduites à l’article 34 de la Constitution en 2008 et précisées par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.
Ces lois précisent pour 4 ans quels sont les objectifs de l’État → permet d’avoir une approche à moyen terme de ses finances.

Elles ont été inspirées fortement par l’Union européenne, qui impose aux États de lui présenter un budget sur 3 ans et un programme de stabilité sur 4 ans.

Par exemple, sur la période 2023-2027, le gouvernement a précisé quels sont les objectifs à atteindre en 2027, en prévoyant l’équilibre financier pour 2027.

Dans une décision de 2012, le Conseil constitutionnel a précisé que les lois de programmation n’ont pas de valeur contraignante : une loi de finances annuelle peut ne pas respecter la programmation faite initialement.

Les lois de programmation ont vu leur intérêt renforcé par la modification de la LOLF en 2021, qui fixe des objectifs par politique publique.
Une loi organique fait aussi désormais coïncider le contrôle parlementaire avec le contrôle européen (au printemps).

Certains textes règlementaires sont aussi applicables, notamment le décret relatif à la comptabilité publique, “décret GBCP” de 2012, qui modernise la comptabilité de l’État, en passant à une comptabilité annuelle qui prend en compte la situation patrimoniale de l’État : tous les ans, on produit 1 compte qui liste les dépenses et les recettes et 1 compte qui présente la situation financière de la France en indiquant quelles seront les dépenses à venir.

Le droit règlementaire est un droit au service du gouvernement pour appliquer la loi de finances.
Pendant l’année d’application, le gouvernement peut prendre des décrets pour modifier à la marge ce qui a été voté.
Il peut reporter d’une année sur l’autre les crédits : même si le droit des finances publiques est censé être un droit de la loi (consentement à l’impôt), le gouvernement peut modifier à la marge ce que la loi a prévu.

B – L’européanisation des sources

1) L’objectif de convergence (issu du traité de Maastricht)

Le Pacte de stabilité et de croissance (1997), qui fait suite au traité de Maastricht, vise à faire en sorte que les États convergent vers des finances publiques soutenables.
Il prévoit 2 éléments :

  1. Le volet préventif, qui impose aux États de transmettre à la Commission européenne soit un programme de stabilité (s’ils font partie de la zone euro), soit un programme de convergence.
    Ils doivent préciser dans ce programme quelles seront leurs finances publiques dans 5 ans et comment ils vont réaliser cet objectif.
    La Commission européenne contrôle ces objectifs fixés et leur faisabilité. Si elle est en désaccord avec ces objectifs, elle peut utiliser :
  1. Le volet correctif (mis en place en 2005).

2) Le recours à la discipline budgétaire

Le TSCG (= Pacte budgétaire européen) est un traité de 2012 qui lie 25 États de l’Union européenne.
Son article 3 pose le principe suivant lequel les États s’engagent à l’équilibre budgétaire (”la règle d’or budgétaire”).

Il modifie l’approche initiale, on introduisant le nouveau critère de 0,5% de déficit structurel.
Ce critère a l’avantage d’être plus lisible pour les États et de ne pas entraver la capacité des États à répondre à une crise quelconque.

Le TSCG doit être intégré dans les droits nationaux des États par une disposition contraignante, généralement inscrite dans la Constitution.
En France, une loi organique de 2012 développe 2 outils pour mettre en oeuvre le TSCG :
1- la programmation financière ;
2- la création d’une institution indépendante, chargée de vérifier le respect de la règle d’or budgétaire : le Haut conseil aux finances publiques.

Le mécanisme de correction vient in fine de l’Union européenne : depuis le TSCG, si un État ne respecte pas ses obligations, la Commission européenne ou les autres États européens peuvent saisir la CJUE afin que celle-ci prononce un arrêt et des sanctions financières.

Le Two-pack de 2013 vient renforcer le suivi des projets de budget des États membres de la zone euro.
Vers avril/mai, le gouvernement transmet son projet de budget à la Commission européenne, qui rend un avis sur chaque projet et peut imposer sa révision.
Si l’État ne change pas son projet, il doit déposer sur un compte une somme équivalant à 0,2% de son PIB.
S’il maintient encore son budget en opposition à l’UE, la Commission européenne pourra prendre une sanction financière qui va jusqu’à 0,5% du PIB.
Enfin, si l’État ne respecte toujours pas l’avis de la Commission, celle-ci peut mettre en pause les versements de l’Union à cet État.

Le volet sanction est donc divisé en 3 étapes :
1- avis ;
2- incitation (dépôt des 0,2%) ;
3- répression.

L’Union européenne peut laisser une marge de manœuvre temporelle aux États, en leur disant qu’ils ont 4 à 5 ans pour respecter les critères du PSCG.
Cela limite la capacité à mener la politique pour laquelle on a été élu.

Aujourd’hui, ces contraintes laissent la place à un système de solidarité européenne, avec le MES + le plan de relance européen + la création d’une dette commune.

§ 2. Les principes du droit budgétaire

On recense 5 principes propres aux finances publiques, qui encadrent la matière :
1- annualité budgétaire ;
2- unité budgétaire ;
3- universalité budgétaire ;
4- spécialité budgétaire ;
5- sincérité budgétaire.

Objectif : le respect du consentement à l’impôt.
Ces grands principes budgétaires sont pour la plupart issus des monarchies parlementaires françaises. Ils limitent les capacités de nuisance du gouvernement et permettent aux parlementaires de consentir librement à l’impôt.

A – Le principe de l’annualité

Principe de l’annualité budgétaire : une loi de finances est votée pour 1 an, pas plus et pas moins.
→ Une loi de finances doit être votée avant le début de chaque année.

L’article 1 de la LOLF pose ce principe d’annualité, en précisant que l’exercice s’étend sur une année civile.

1) La définition du principe d’annualité

Le principe d’annualité tire son origine de 3 logiques différentes :

  1. Il est pragmatique : cela correspond en même temps au rythme de la vie économique et des bilans annuels des entreprises.
  1. Il est justifié par le consentement à l’impôt, en ce qu’il permet un contrôle régulier par le Parlement, qui se prononce au moins une fois par an sur les finances étatiques.
  1. Il permet de contraindre l’administration à produire régulièrement des comptes publics et donc à être soumise à des vérifications régulières sur l’utilisation des sommes.
    → Meilleure gestion des finances publiques.

Ce principe d’annualité implique que les lois de finances et les LFSS ne sont valables que pour 1 an, ce qui signifie que :

  1. Il n’y a pas d’impôt permanent : c’est la loi de finances qui, tous les ans, autorise l’administration fiscale à percevoir l’impôt.
  1. Les crédits ne peuvent être dépensés que jusqu’au 31 décembre.

Pour contourner en partie cette 2ème limite, le Parlement peut voter des autorisations d’engagement, qui sont considérées comme utilisées lors de la signature de l’acte juridique qui va engager la dépense de l’État.
Exemple : contrat de marché public pour réaménager un bâtiment universitaire ; la présidence de l’université a voté une autorisation d’engagement de 100 millions d’euros. Dès que le contrat est passé avec l’entreprise, on considère que les 100 millions d’euros sont consommés. Les dépenses vont ensuite pouvoir s’étaler sur plusieurs années.
Il peut aussi voter des crédits de paiement.

En France, les finances publiques fonctionnent suivant un système de caisse, c’est-à-dire une comptabilité qui rattache une opération à l’année où il y a eu le décaissement effectif (ou l’encaissement pour une recette), et ce peu importe le moment où l’État s’est obligé à dépenser.

L’article 9 de la LOLF dispose qu’il est possible, pour le gouvernement, de faire des engagements par anticipation pour la fin de l’année civile.
À partir du 1er novembre, le gouvernement peut autoriser des dépenses qui n’ont pas été prévues par la loi de finances initiales et qui seront effectivement payées l’année suivante.
Cela permet à l’État d’engager des dépenses sur les 2 derniers mois de l’année.
Ces engagements par anticipation ne doivent pas dépasser 1/4 de l’ensemble du budget de l’État et ils doivent être inscrits ensuite dans une loi de finances.

L’article 15 de la LOLF porte sur les reports de crédits.
Le ministre des Finances et les ministres concernés peuvent prendre des arrêtés ministériels qui précisent que des crédits seront reportés sur l’année suivante.
Ces crédits doivent être utilisés pour les mêmes fins que la fin justifiant leur ouverture (même politique publique).
Ces reports de crédits ne peuvent se faire que dans la limite des 3% de crédits qui avaient été ouverts.
Cela permet au gouvernement de poursuivre une politique qu’il n’aurait pas eu le temps de faire sur 1 an, mais contrevient en partie à l’annualité budgétaire.

2) Les limites du principe d’annualité

Ce principe d’annualité a pour vocation d’encadrer le gouvernement, pour favoriser le contrôle parlementaire et ainsi le consentement à l’impôt.
On distingue 3 limites principales :

  1. Les lois de finances rectificatives, prévues à l’article 35 de la LOLF, qui permettent de modifier la loi de finances jusqu’à la fin de l’année.
    Elles sont justifiées dans plusieurs hypothèses : 1- à la suite d’une élection, pour appliquer le projet politique de la nouvelle majorité jusqu’à la fin de l’année ; 2- pour faire face à un évènement conjoncturel ; 3- même sans alternance ni crise, pour permettre une adaptation et une évolution du budget.
    Le Conseil constitutionnel contrôle très strictement les lois de finances rectificatives adoptées en janvier, pour éviter que le gouvernement n’ait été insincère dans sa LFI.
  1. Les lois de programmation financière, qui s’étendent sur plusieurs années et limitent donc politiquement l’annualité.
    Elles ne la limitent pas juridiquement, puisque les lois de finances ne sont pas obligées de les respecter.
  1. Le budget triennal de l’État, qui impose depuis 2008 à l’État de prévoir son budget sur le moyen terme (3 ans).

Même si ce principe d’annualité est parfois remis en cause, il demeure indispensable pour l’autorisation parlementaire et pour contrôler les comptes de l’État.

B – Le principe de l’unité

Principe de l’unité budgétaire : toutes les recettes et toutes les dépenses sont dans un seul document budgétaire.
Il est prévu par l’article 6 de la LOLF.

Pour Gaston Jèze, le budget devrait être dressé de telle façon qu’il suffirait de 2 additions pour avoir le total des dépenses et des recettes.

L’unité budgétaire favorise le contrôle du Parlement en simplifiant la lecture du budget de l’État.

Conseil constitutionnel, 1994, Loi de finances pour 1995 :
Le principe d’unité est un principe fondamental du droit budgétaire, qui s’impose au législateur.
Ce principe connaît quelques exceptions limitées par la LOLF, que le Conseil constitutionnel autorise lui-même.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, l’État procède à des débudgétisations, c’est-à-dire au transfert à d’autres personnes morales des compétences qu’il exerçait auparavant.
Cela lui permet de faire sortir de son budget des dépenses et lui permet donc d’avoir un solde moins négatif.
Le Conseil constitutionnel a précisé que toute compétence et toute dépense qui relève par nature de l’État et qui présente un caractère permanent doit être inscrit dans le budget de l’État → sanctionne les débudgétisations.
⚠️ Transférer une compétence aux collectivités (= décentralisation) n’est pas une débudgétisation.

Le principe d’unité justifie l’existence de 3 documents :
1- le budget général ;
2- les budgets annexes ;
3- les comptes spéciaux.

1) Les budgets annexes

La LOLF sépare les budgets annexes du budget général, pour mieux les contrôler.
Les budgets annexes doivent répondre à 3 conditions :
1- Ils correspondent à des activités d’un service de l’État qui n’a pas la responsabilité morale (= qui n’est pas un établissement public) ;
2- Il doit y avoir une activité économique (production de biens ou de services) ;
3- Ces activités économiques doivent faire l’objet d’une redevance ;

Une redevance est la somme qui est versée par un usager d’un service public ou d’un ouvrage public et qui trouve sa contrepartie directe dans le service public.
Exemple : lorsque l’on paie son entrée à la piscine municipale.

C’est une modalité de financement qu’il ne faut pas confondre avec la taxe.
Il y a des taxes qui se rapprochent de la redevance mais qui ne trouvent pas leur utilité dans la contrepartie directe (exemple : taxe d’enlèvement des ordures ménagères, que l’on paie peu importe que l’on ait des poubelles ou non).
De plus, le législateur française a tendance à confondre (par exemple, la “redevance audiovisuelle” doit être payée peu importe que l’on allume ou non la télévision).

4- Toutes les opérations qui apparaissent dans ce budget annexe doivent être effectuées à titre principal par le service de l’État concerné ;
5- Pour qu’il y ait un budget annexe, il faut qu’il y ait une loi de finances qui l’autorise, et seule une loi de finances peut le supprimer.

Idée : le principe d’unité justifie que les parlementaires doivent donner leur accord pour contrevenir à l’unité budgétaire.
Une fois le budget annexe créé, le Parlement examine chaque année son fonctionnement lors du vote de la loi de finances.

Avant la LOLF, on constatait une utilisation abusive des budgets annexes, puisqu’on y faisait entrer des activités non commerciales pour limiter l’impact négatif qu’elles pouvaient avoir sur le budget général.
Par exemple : le service de la Légion d’honneur.

Aujourd’hui, il n’existe que 2 budgets annexes :

  1. Le contrôle et l’exploitation aérienne, service chargé de la régulation du trafic aérien et du guidage des avions.
    Il s’autofinance par les redevances payées par les compagnies aériennes (~ 2,5 milliards d’euros par an).
  1. Le service des publications administratives, qui intègre notamment la Documentation française.
    Il fait payer un certain nombre de publications.
    Son budget est faible.

Ces budgets annexes fonctionnent comme un mini budget. On y inscrit les recettes et les dépenses ainsi que le potentiel déficit qui en découle, parce qu’ils n’ont pas besoin d’être à l’équilibre.

2) Les comptes spéciaux

Les comptes spéciaux sont créés pour 3 raisons :

  1. Ils permettent parfois de retracer des opérations non définitives (= des avances).
    Ces avances ne figurent pas au budget général, puisqu’elles seront compensées en cours d’année.
  1. Ils permettent d’affecter une recette à une dépense.
    L’universalité budgétaire interdit que l’on affecte une dépense à une recette ; on ne peut le faire que dans un budget spécial.
  1. Ils permettent de faire sortir du budget général certaines politiques publiques particulières, et permettent donc un contrôle parlementaire plus spécifique de ces activités.

Ces comptes spéciaux ne peuvent être créés que par une loi de finances (ou LOLF).
Ils correspondent à une mission (la grande subdivision du budget), qui porte sur une politique publique en particulier.
Ils font ensuite l’objet d’un contrôle parlementaire similaire au budget général, avec une autorisation parlementaire de dépense et de percevoir des recettes → fonctionne comme un mini budget.

Aujourd’hui, l’article 19 de la LOLF organise 4 types de comptes spéciaux :

  1. Les comptes d’affectation spéciale (CAS), qui ont vocation à permettre à l’État de financer des dépenses par des recettes particulières.
    → Utilité : affecter des recettes à des dépenses.

    Ces comptes d’affectation spéciale sont variés.
    Le plus important est le compte Pensions militaires et civiles de l’État, qui retrace, à part du budget général, les modalités de financement de la retraite et les dépenses pour financer les retraites des fonctionnaires.
    Idée : on enlève ce compte du budget général, parce qu’il doit s’autofinancer.

    Le CAS Gestion du parc immobilier de l’État repose sur la même idée : l’entretien des bâtiments doit être financé par la vente ou la location de certains bâtiments de l’État.
    Depuis la LOLF, on promet cette gestion active de ce patrimoine pour arriver à un autofinancement.
    On réalise que l’État est un très mauvais gestionnaire, parce qu’il vend des biens à des prix parfois largement inférieurs à leur valeur ; par exemple, le bâtiment St Guillaume de Sciences Po a été vendu pour 40% de sa valeur.

  1. Les comptes de concours financiers retracent des opérations non définitives, et principalement les avances consenties aux collectivités territoriales.

    Chaque mois, l’État avance aux collectivités 1/12e des impôts qu’elle percevront au final.
    On crée un compte spécial, parce que cette opération a vocation à être neutre : l’État avance autant que ce que les impôts locaux lui apportent.

  1. Les comptes de commerce fonctionnent quasiment comme les budgets annexes.
    Ils permettent de retracer des activités commerciales effectuées par un service non personnalité de l’État, mais quand l’opération est effectuée à titre accessoire.
    Exemples : approvisionnement des armées en pétrole, travail des détenus…
  1. Les comptes d’opérations monétaires retracent toutes les opérations relatives à l’émission des pièces ou liées au financement d’organisations internationales comme le FMI.
    Ces dépenses ont un caractère aléatoire qui n’est pas prévisible ; elles sont donc mises à part du budget général, qui repose sur la prévision des recettes et des dépenses.

Ces budgets annexes et comptes spéciaux ne correspondent pas à la débudgétisation, parce qu’ils n’échappent pas au contrôle parlementaire, et que chaque année la loi de finances les traite directement.

Le risque est que si l’on multiplie les documents annexes, alors on rend plus délicat le contrôle parlementaire.
Le gouvernement peut chercher à noyer des informations essentielles dans un grand nombre de documents différentes.
→ Seul le Parlement peut autoriser la création d’un budget annexe ou d’un compte spécial.

Chaque mission de l’État fait l’objet d’informations spécifiques, avec des documents budgétaires spécifiques (”bleus budgétaires”) qui sont transmis au Parlement en même temps que le projet de loi de finances.
Chaque mission de l’État fait l’objet d’un rapport par un rapporteur spécial de la Commission des finances de chaque assemblée.

C – Le principe de l’universalité budgétaire

Principe de l’universalité budgétaire : il ne peut pas y avoir d’affectation d’une recette à une dépense (sauf en matière de comptes spéciaux).
Il s’agit d’une règle fondamentale du droit des finances publiques, apparue sous la Restauration.

Dans sa décision Loi de finances pour 1983, le Conseil constitutionnel affirme que ce principe d’universalité répond à un double objectif :

  1. Assurer la clarté des comptes, en indiquant les recettes et les dépenses de manière brute ;
  1. Permettre un meilleur contrôle parlementaire, en inscrivant véritablement toutes les dépenses et toutes les recettes.

Ce principe est aujourd’hui inscrit à l’article 6 de la LOLF.
Il se compose de 2 éléments :

1) La règle du produit brut (ou règle de non-contraction)

Toute recette et toute dépense sont inscrites pour leurs montants bruts, et non pour leurs montants nets.
Par exemple, l’impôt sur le revenu correspond à des recettes et des dépenses, parce que percevoir l’impôt coûte de l’argent.
Règle : on ne met pas le produit final de l’impôt sur le revenu, mais on inscrit combien ça a rapporté concrètement + combien ça a coûté concrètement à mettre en oeuvre.

Cette règle permet une meilleure gestion des finances publiques, car elle permet d’appréhender les coûts concrets de la perception d’un impôt.
Elle permet la suppression d’impôts qui coûtent plus cher à collecter qu’ils ne rapportent.
Elle ne s’applique pas à certains comptes spéciaux.

2) La règle de non-affectation des recettes à une dépense

Cette règle s’oppose à ce qu’une recette spécifique (par exemple, l’impôt sur le revenu) ne serve à financer une dépense spécifique (par exemple, l’école).
Elle repose sur une raison théorique : l’affectation d’une recette à une dépense remettrait en cause la solidarité nationale.

Si on reçoit plus de recettes que nécessaire pour financer ce service, il y aurait alors d’autres services qui ne pourront pas bénéficier de cet impôt.
De plus, l’affectation d’une recette à une dépense est souvent source de création de “caisses noires” = le fait qu’un ministère conserve pour lui le montant des sommes qu’il n’a pas utilisées.
Or le principe de la solidarité nationale veut que tout ce qui n’est pas utile pour un service soit utilisé par un autre.

D’un point de vue politique, ce principe n’est pas respecté, puisque les politiques ont tendance à justifier la création d’un impôt pour pallier une dépense particulière.
Juridiquement, cette rhétorique est fausse.

Exception n°1 à la non-affectation : les fonds de concours, organisés par l’article 17 de la LOLF, qui retracent dans le budget général des recettes à caractère non fiscal versées par des individus physiques ou moraux et qui ont vocation à financer une activité d’intérêt général (principalement des donations faites à l’État ou à des collectivités territoriales).
→ Quand on lègue de l’argent à l’État, il est obligé de l’utiliser suivant notre volonté.

Exception n°2 : les rétablissements de crédits.
Il s’agit de l’hypothèse où l’État a indûment payé une somme qui lui est ensuite reversée. Cette somme est réaffectée directement au service qui avait payé.

Enfin, les budgets annexes et les comptes spéciaux, qui fonctionnent sur une logique d’autofinancement, constituent aussi des exceptions à ce principe d’universalité.

D – Le principe de la spécialité budgétaire

Principe de la spécialité budgétaire : l’autorisation parlementaire de procéder à des dépenses n’est pas globale – elle est spécialisée en fonction de l’objet même des crédits.
Les parlementaires n’autorisent pas le gouvernement à dépenser 400 milliards d’euros – ils l’autorisent à dépenser 2 milliards d’euros pour chauffer les bâtiments, 3 milliards d’euros pour acquérir de l’équipement, etc.

L’ordonnance de 1959 établissait une spécialité à 3 niveaux dans laquelle l’autorisation parlementaire portait sur chaque titre ; plusieurs titres étaient propres à chaque ministère.
Les ministères avaient tendance à ne pas respecter la répartition des crédit au sein de leurs ministères, et les titres étaient peu précis, ce qui limitait la spécialité.

Aujourd’hui, l’article 7 de la LOLF autorise une spécialité à 3 niveaux, avec des missions, puis des programmes, puis des actions.
Il existe aujourd’hui 50 missions (dont 34 sont dans le budget général) et 180 programmes (dont 125 dans le budget général).
Les missions sont divisées en plusieurs programmes, qui contribuent à la même politique publique. L’autorisation parlementaire est répartie entre les différentes missions, puis entre les différents programmes.
→ Dans chaque programme, le Parlement autorise des plafonds de dépense.

1) Les missions

Les missions sont le premier niveau d’autorisation de dépense. Elles peuvent être interministérielles.
Elles portent sur une politique publique définie, qui peut relever de plusieurs ministres.
Elles ne peuvent être créées que par une loi de finances (= qu’avec l’autorisation parlementaire).

Les missions correspondent à des échelles de valeur très différentes : la plus petite mission correspond à 500 millions d’€, alors que la plus lourde correspond à ~100 milliards d’€.

Il y a 2 missions qui sont à part, parce qu’elles ne correspondent pas à des politiques publiques :

  1. La mission Pouvoirs publics, qui bénéficie de tous les crédits relatifs aux pouvoirs publics constitutionnels (Conseil constitutionnel, Cour des comptes…).
    Les mettre dans une mission commune spécifique leur offre une autonomie financière qui assure la séparation des pouvoirs et évite que le financement de ces pouvoirs publics constitutionnels ne dépende d’un ministère.
  1. La mission Crédits non répartis intègre des crédits qui sont votés par le Parlement pour être utilisés en cas de calamité naturelle (inondations, séismes, tsunamis…).
    ~ 400 à 500 millions d’euros.
    Si le coût de ces catastrophes naturelles est supérieur à ces crédits non répartis, il faudra adopter une loi de finances rectificative.

2) Les programmes

Les programmes sont définis par l’article 7 de la LOLF comme l’entité de regroupement des crédits destinés à mettre en oeuvre une action ou un ensemble d’actions cohérents relevant d’un même ministère.
Ils se fixent des objectifs précis.

Ces programmes s’inscrivent dans une logique de modernisation de la gestion publique.
La LOLF dispose que chaque dépense inscrite dans un programme doit être justifiée à l’euro près. Dans le projet de loi de finances, le gouvernement explique donc pourquoi chaque somme d’argent est nécessaire pour la finalité d’intérêt général poursuivi et par rapport aux résultats qui sont attendus.
Objectif : imposer au gouvernement de justifier ses choix + d’expliquer comment il compte arriver à ses fins.

Pour cela, on associe à chaque programme des projets annuels de performance (PAP, aussi appelés “bleus budgétaires”).
Ces bleus budgétaires établissent les objectifs que se fixe un programme + les indicateurs qui permettent d’évaluer si ces objectifs sont remplis.

Les rapports annuels de performance (RAP) sont inscrits en loi de règlement (qui approuve les comptes une fois l’exercice terminé).
Idée de la LOLF : la loi de règlement doit permettre d’évaluer si les objectifs fixés ont bien été remplis, en utilisant les indicateurs de performance, pour aider à construire le nouveau projet de loi de finances → chaînage vertueux.

Dans sa mise en oeuvre, cette logique rencontre de nombreuses difficultés :

  1. Les indicateurs de performance, qui sont établis par le gouvernement, sont souvent trop faciles à remplir.
  1. Les parlementaires se sont trop peu saisis de l’importance de l’évaluation en loi de règlement, donc le chaînage vertueux voulu n’est pas optimal.
    Politiquement, ça n’est pas utile aux parlementaires, et juridiquement, puisque le budget a déjà été réalisé, il n’y a pas vraiment de moyen d’action.

Il existe aujourd’hui 180 programme, dont 150 dans le budget général.
Certains auteurs considèrent que les programmes sont trop généreux, parce qu’ils ne permettent pas une spécialisation de l’autorisation parlementaire.

La difficulté tient à la structure même des programmes : à l’intérieur d’un programme, un ministre peut par décret répartir un crédit entre les différentes composantes du programme (on dit que les crédits d’un programme sont fongibles). Le ministre a donc une latitude pour déterminer comment l’argent va être concrètement dépensé.
Cette fongibilité est justifiée par le fait que le ministre connaît les besoins précis de son portefeuille ministériel, et que ce serait trop lourd d’adopter une loi de finances rectificative à chaque fois que ces besoins changent.

Le gouvernement peut aussi faire des virements de crédit, c’est-à-dire prendre des crédits d’un programme pour les mettre dans un autre programme, mais sous conditions : les 2 programmes doivent participer à la même politique publique, et il doit informer les commissions des finances du Parlement.
Ces virements de crédits permettent de contourner légèrement l’autorisation parlementaire initiale.

Le programme constitue le cœur de la logique de la LOLF.

3) Les actions et sous-actions : la déclinaison opérationnelle des programmes

Les programmes sont eux-mêmes divisés en budgets opérationnels de programme (BOP), qui permettent aux ministres de répartir les crédits.
C’est à ce niveau que les dépenses sont réalisées.

L’intérêt de cette structure de pyramidale est que chaque unité est dirigée par un directeur, qui dépend du ministre responsable du programme.
C’est grâce à ces directeurs que le responsable du programme (= le ministre) peut établir ses projets annuels de performance.

Il y a donc une déclinaison et une spécialité qui relèvent de la compétence du législateur jusqu’au programme, puis de la compétence de l’exécutif en dessous du programme.

E – Le principe de sincérité budgétaire

Principe de sincérité budgétaire : le gouvernement doit présenter des prévisions budgétaires fiables.
Il s’agit d’un principe moins technique, plus lié à la morale et à l’intention du gouvernement. Il a principalement vocation à jouer au moment de l’examen de la loi de finances, et non de la loi de règlement.

1) L’affirmation initiale du principe de sincérité par le Conseil constitutionnel

Dès 1993, des parlementaires soulèvent dans leur requête au Conseil constitutionnel une méconnaissance d’un principe de sincérité.
Dans sa décision Loi de finances rectificative pour 1993, le Conseil constitutionnel décide de ne pas constitutionnaliser ce principe.

Il reconnaît explicitement ce principe en 1996, en se fondant d’une part sur les droits du Parlement et d’autre part sur l’obligation d’information du Parlement.
Il considère que la sincérité permet de garantir les droits du Parlement et permet une meilleure information parlementaire. Il se fonde sur les articles 14 et 15 de la DDHC → relie explicitement sincérité et consentement à l’impôt.

Ce principe de sincérité est indispensable pour contrebalancer la force du gouvernement par rapport au parlementaire. En effet, le gouvernement produit un projet de loi de finances en s’appuyant sur Bercy et dispose d’une d’une capacité d’expertise que n’a pas le Parlement.
Il est alors facile pour lui de cacher des informations que les parlementaires ne peuvent pas connaître.

2) L’application du principe de sincérité par la LOLF

L’article 32 de la LOLF pose le principe de sincérité, mais ne définit pas comment elle doit être appréciée – c’est donc le Conseil constitutionnel qui en a défini les contours.
Idée de la LOLF : la sincérité s’applique tant aux recettes qu’aux dépenses.

Dans son projet de loi de finances, le gouvernement présente l’équilibre (ou le déséquilibre) de ce projet de loi de finances, qui justifie et autorise l’emprunt pour couvrir le potentiel déséquilibre.
On applique la sincérité budgétaire aux lois de finances, ce qui est paradoxal, puisqu’il s’agit d’un acte de prévision.
→ Marge de manœuvre dans l’appréciation de ce principe.

Le Conseil constitutionnel se fonde sur l’intention de nuire du gouvernement ; mais puisqu’il s’agit d’un critère subjectif, le contrôle reste limité.
Il se limite à contrôler “l’erreur manifeste d’appréciation” du gouvernement.

Depuis 1997, le Conseil constitutionnel identifie parfois une insincérité, mais n’en tire aucune conséquence.
Il admet donc que le consentement à l’impôt (le fondement de la démocratie parlementaire !) a été faussé, mais que ça ne justifie pas pour considérer que la Constitution est méconnue.
→ Le Conseil constitutionnel préfère une loi de finances mal votée qu’une loi de finances votée en retard.

Ce pragmatisme est discutable, puisqu’il pourrait ne pas déclarer contraire à la Constitution toute la loi, et permettre l’entrée en vigueur de l’article 1 (qui permet de procéder aux recettes et aux dépenses courantes).

F – L’existence d’un principe d’équilibre budgétaire ?

1) L’équilibre recherché du budget de l’État

Le principe d’équilibre se traduit normalement par une égalité parfaite entre les ressources et les dépenses.
Néanmoins, un équilibre pur apparaît comme une fiction, puisqu’il est dans la pratique impossible d’avoir une égalité parfaite entre recettes et dépenses (les finances publiques en France n’ont plus connu l’équilibre depuis 1974).
Il faut donc comprendre le principe d’équilibre comme un but visant à s’approcher le plus possible de cette fiction.

Le respect de l’équilibre budgétaire peut être transgressé de 2 manières :

  1. Lorsqu’il y a une situation de déficit, c’est-à-dire lorsqu’il y a des recettes ordinaires qui sont insuffisantes pour couvrir l’ensemble des dépenses.
    Cela serait considéré comme l’identification d’une mauvaise gestion financière, mais il faut relativiser cette affirmation, parce qu’il y aurait une distinction entre le bon et le mauvais déséquilibre.
    Idée : le mauvais déséquilibre dure sur le long terme et est impossible à résorber → l’État vit au-dessus de ses moyens. Le bon déséquilibre est limité dans le temps, permet l’investissement public et rapporte donc de l’argent à l’État.
    Par exemple, si on investit 10 milliards d’euros pour la rénovation des bâtiments publics, cela permettra ensuite chaque année des économies substantielles.
  1. Lorsqu’il y a un excédent budgétaire.
    Traditionnellement, cette situation n’est pas considérée comme étant positive pour l’État : il a alors perçu trop de recettes, il n’a pas assez dépensé, et les personnes privées ont perdu une partie de leur patrimoine inutilement.

Le strict équilibre est semble quasiment inenvisageable, parce que les finances publiques portent sur des dépenses qui sont très différentes par nature et qui sont donc difficiles à appréhender de manière homogène.

Juridiquement, il n’y a pas de déséquilibre : pour qu’il y ait une dépense, il faut qu’il y ait quelque chose dans les caisses de l’État. Le déséquilibre provient de l’emprunt.

Dans la LOLF, l’équilibre renvoie à 1- un équilibre économique ; 2- un équilibre budgétaire ; 3- un équilibre financier.

Le Conseil constitutionnel a en fait un principe fondamental dans sa décision Loi de finances pour 1980 du 24 décembre 1979.
⚠️ Le fait de faire du principe d’équilibre un principe fondamental n’en fait pas pour autant un principe à valeur constitutionnelle.
Juridiquement, une loi de finances peut être constitutionnelle alors même qu’elle emprunte pour couvrir ses dépenses.
→ Il s’agit plutôt d’un objectif à atteindre.

2) L’équilibre et les finances sociales

Mais cette recherche de l’équilibre n’impose pas nécessairement que, pour chaque branche de la sécurité sociale, il y ait un équilibre effectif pour chaque exercice.

Par exemple, pour les finances étatiques, c’est aussi un but recherché, mais si on ne l’atteint pas, c’est pas grave.
Pour les finances sociales, il y a une exigence d’équilibre financier, qui justifie que le coût des finances sociales peut être lié par exemple à des conditions de ressources :
Conseil constitutionnel, 18 décembre 1997 :
Le Conseil constitutionnel affirme que cette exigence justifie que le versement des allocations familiales soit soumis à des conditions de ressources.
Il considère donc que limiter les dépenses sociales est envisageable pour arriver vers cet équilibre.

Pourtant, ce principe d’équilibre est plus strict en matière de finances sociales, puisqu’il s’agit d’un but même à rechercher.
Ce but constitue véritablement une forme d’obligation pour les finances sociales, qui devraient être à l’équilibre.

Idée : une fois cette limite atteinte, on ne peut pas refuser de dépenser de l’argent, même si on tente de déterminer des objectifs de dépenses qui soient couverts par les recettes.

En principe, l’article 34 de la Constitution dispose que la LFSS doit déterminer les conditions générales de son équilibre.
Cependant, contrairement à la loi de finances, la LFSS ne fixe pas des limites de dépense, mais des objectifs.

Ce principe d’équilibre est presque respecté.
En 2019, il y avait 1,9 milliards de déficit, ce qui est relativement faible, sachant que les finances sociales correspondent à 350 milliards d’€ de dépenses par an.
En 2020, on est passé à 44 milliards d’€ de déficit → c’est surtout en matière sociale qu’on a pu visualiser le « quoi qu’il en coûte », avec une augmentation des allocations et des coûts médicaux (par exemple : les finances sociales ont compensé le coût des tests Covid).
En 2020, une loi de finances rectificative a donc été adoptée pour adopter de nouvelles dépenses.

3) L’équilibre strict des finances locales

Les budgets locaux sont soumis à une obligation d’équilibre.
Cette obligation a été posée pour la première fois dans la loi du 5 avril 1884.
Aujourd’hui, ce principe repris par Code général des collectivités territoriales à son article 1612-4.

Le principe d’équilibre pour les finances locales s’identifie de la manière suivante : il doit y avoir un équilibre dans la « section de fonctionnement ».
Il peut y avoir un déséquilibre dans la « section d’investissement ».

Il s’agit d’une obligation juridique pour les collectivités : elles ne peuvent pas emprunter pour faire fonctionner normalement la collectivité. C’est une stricte obligation.

Les collectivités peuvent en revanche emprunter pour investir, mais avec une limite fondamentale : le remboursement de l’emprunt ne peut pas être financé par un nouvel emprunt, ce qui permet en principe d’éviter que les collectivités soient en déficit chronique.

Si les collectivités ont un déficit (= sont en déséquilibre non justifié), le préfet pourra alors saisir la chambre régionale des comptes pour que cette dernière modifie unilatéralement les comptes.
Les collectivités territoriales sont donc les seules administrations publiques à être soumises à un véritable principe d’équilibre, qui autorise l’emprunt pour investissement.

Cela pose 2 problématiques :

  1. Ces limites posent de vraies difficultés lorsque l’État ne compense pas suffisamment le coût des compétences qu’il a transféré aux collectivités.

    Par exemple, le montant global du RSA n’a cessé d’augmenter depuis qu’il a été transféré aux départements.
    Or la somme que donne l’Etat aux collectivités est restée la même, ce qui signifie que les collectivités doivent > soit faire des économies sur d’autres compétences ; > soit trouver de nouveaux moyens de recettes.

    Le principe d’autonomie financière des collectivités, garanti par l’article 72-2 de la Constitution, est donc un principe à la portée très faible.

  1. Lorsque les collectivités mettent en oeuvre ce pouvoir d’emprunt, certaines ont eu la mauvaise idée de réaliser des “emprunts toxiques”, qui sont des emprunts à priori attractifs puisque leur taux d’intérêt est indexé sur quelque chose.
    Ces taux d’intérêt ont explosé avec la crise de 2008, et certaines collectivités devaient finalement rembourser 200 000 € sur des emprunts de 100 000 €.

    L’État est venu encadrer, en empêchant les emprunts dits “toxiques”.
    Cette obligation est justifiée par le fait que c’est l’État qui va se substituer aux collectivités.

En matière de collectivités, l’État joue donc un double jeu : il limite la capacité d’emprunt des collectivités, mais en même temps il essaie de limiter les montants qu’il verse en dotation aux collectivités.

Introduction générale au cours de Finances publiques

Cliquer ici pour revenir au sommaire de ce cours complet de Finances publiques (L2).

Les finances publiques nous permettent de comprendre comment un État peut vivre.
Elles sont la traduction d’une volonté politique en une action concrète.

En France, toute politique publique a une traduction financière, en grande partie retracée dans 2 textes :
la loi de finances initiale (LFI) ;
la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS).
→ Traductions juridiques d’une politique menée par l’exécutif et acceptée par le législatif.

Les finances publiques sont essentielles pour comprendre le fonctionnement de l’État.

Le déficit est, sur une année, la différence négative entre les recettes et les dépenses.
La
dette est le cumul, au fur et à mesure des années, d’un déficit qui se reproduit.
La dette et le déficit français contraignent l’action publique parce que :

  1. L’État ne peut pas vivre indéfiniment au-dessus de ses moyens : il doit remboursera la dette qu’il a contractée.
    S’il n’est plus considéré comme étant en capacité de la rembourser, on ne lui prêtera plus.
    Ce n’est pas la quantité de dette qui est retenue : par exemple, le Japon a une dette très élevée mais est considéré comme apte à la rembourser, tandis que la Grèce n’avait pas une dette très importante mais était considéré comme insolvable.
  1. Plus on est endetté, plus on est soumis aux taux d’intérêt.
    L’État français dépenserait environ 60 milliards d’euros par an pour le remboursement des intérêts de la dette.
    Plus un État est endetté, moins il a de capacité de marge de manœuvre pour mener à bien les politiques publiques.

On peut aussi s’interroger sur la différence entre la bonne et la mauvaise dette.
Idée qui commence à imprégner au niveau européen : il ne faut pas s’endetter structurellement (= il ne faut pas qu’un État vive au-dessus de ses moyens pour vivre normalement).
Pour cela, l’État ne doit pas être en déficit.

Cela n’empêche pas, au niveau européen, de s’endetter pour investir, sachant qu’au moyen terme il y aura un retour d’investissement pour l’État qui permettra de rembourser cet endettement.
Par exemple, 4 milliards ont été investis pour rénover les bâtiments publics ; sur le moyen terme, cela rapportera bien plus en raison de la réduction des dépenses de chauffage / électricité / …

L’Union européenne est un acteur fondamental dans les finances publiques, en grande partie en raison de la monnaie unique, qui fait qu’il est essentiel d’avoir une convergence entre les États du point de vue de leurs finances.
L’UE pose un cadre juridique aux États, qui est plus ou moins strict selon si l’État est dans la zone euro ou non.

Exemple de critères de convergence, qui doivent permettre aux États de converger vers des finances publiques saines (= soutenables financièrement) :
– règle des 3% de déficit annuel ;
– règle de la dette <60%/PIB.

On constate actuellement un bouleversement au niveau européen, avec un passage d’une UE principalement sanctionnatrice à une UE principalement accompagnatrice.
L’emprunt commun européen post-Covid de 750 milliards d’euros a permis un partage des risques.
L’Union européenne est considérée comme plus sûre financièrement et emprunte donc à des taux que les États ne pourraient jamais espérer avoir.
Un impôt européen permettant de rembourser ces 750 milliards d’euros pourrait également voir le jour.
Les critères de convergence ont également été levés pendant le Covid : l’UE a accepté que les États s’endettent pour répondre à la crise.

Cette matière correspond à du droit constitutionnel appliqué : l’adoption du budget (la loi de finances initiale – LFI) est probablement le texte qui est le plus soumis aux caractéristiques de la 5ème République.
En raison de la rationalisation du parlement, celui-ci est enserré dans des procédures qui entravent sa capacité d’action, pour construire, discuter, voter et contrôler l’exécution du budget.

Par exemple, l’article 40 de la Constitution empêche les parlementaires de prévoir de nouvelles dépenses ou de diminuer les recettes par un amendement ou une proposition de loi.
Ceux-ci peuvent uniquement prévoir de nouvelles recettes en prévoyant une compensation (ex : augmenter la taxe sur le tabac).
Le gouvernement peut ensuite décider de “lever le gage”, c’est-à-dire retirer l’augmentation de la taxe sur le tabac.

La Loi organique relative aux finances publiques (LOLF) a été adoptée le 28 juin 2001.
Elle tente de revaloriser le Parlement, en accentuant ses capacités de contrôle.

La Loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques a été adoptée en 2021.
Elle complète la LOLF avec comme objectif de consolider le rôle central du Parlement dans l’examen et le contrôle des finances publiques.

L’argent public doit être bien utilisé.
Pour s’assurer de son utilisation performante, il faut passer par l’évaluation des politiques publiques : c’était l’objectif de la LOLF, qui voulait développer le contrôle parlementaire de l’action du gouvernement en matière financière.
Malheureusement, le moment du contrôle n’a pas intéressé les parlementaires, qui ne s’en sont pas saisis.

Les finances publiques s’apprécient sur le long terme.
Par exemple, pour la réforme des retraites, il faut réussir à calculer pour les 60 ans à venir les conséquences financières d’une réforme.
L’État indique chaque année dans ses comptes quelles seront les dépenses et recettes de l’année suivante.

Aujourd’hui, on ne s’intéresse plus seulement au coût d’une mesure, mais aussi à son influence positive ou négative sur la lutte contre le dérèglement climatique et la préservation de la biodiversité.
La performance n’est donc plus seulement financière, mais aussi écologique (green budget).

Les finances publiques concernent les finances de l’État (”le budget”), mais aussi les finances des organismes sociaux (la sécurité sociale → LFSS), et les finances locales.

I – Le pouvoir budgétaire : la dimension politique des finances publiques

Plus l’État est interventionniste, plus les finances publiques sont importantes.
Si certains considèrent que la France est un État néolibéral, les finances publiques nous montrent qu’elle est manifestement interventionniste : un État libéral voudrait que les finances publiques soient à l’équilibre et que l’État influence le moins possible la vie quotidienne des entreprises ou des particuliers.

Le pouvoir budgétaire est l’expression la plus éclatante du pouvoir politique.
Il prend ses origines dans le principe fondamental du consentement à l’impôt.

A – Le consentement à l’impôt au fondement du système représentatif

Il faut voir le principe du consentement à l’impôt comme la clé qui doit permettre de lire les finances publiques : il est à l’origine même des régimes parlementaires et donc du système représentatif.

La notion de consentement à l’impôt apparaît en Grande-Bretagne au 13ème siècle, avec la Magna Carta (1215) : pour la première fois, un texte impose que le roi ne pourra lever l’impôt qu’après le consentement des représentants des contribuables.

Ce principe est développé dans le Bill of Rights (1689) qui précise les conditions du consentement à l’impôt : pour qu’il y ait consentement à l’impôt, il faut que ce consentement soit périodique (→ annuel) et que l’utilisation de l’impôt soit réalisé au regard du consentement qui a été donné.

Ce principe a été repris par les révolutionnaires de 1789, qui ont inscrit ce principe aux articles 13 et 14 de la DDHC :

(13) Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.

(14) Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée.

La quotité est le taux des impositions.
L’assiette est la matière sur laquelle va porter l’impôt.

Ce principe est fondamental en matière de finances publiques : il est constitutionnel, et c’est l’une des raisons d’être de la Révolution française.

Depuis la décision Conseil constitutionnel, 1971, Liberté d’association, ce principe du consentement à l’impôt a valeur constitutionnelle.
Il interdit les impôts perpétuels et oblige à ce que l’utilisation de l’impôt soit faite suivant le consentement qui a été donné.

Ce principe a été fortement bousculé par la rationalisation du Parlement, qui limite fortement le consentement à l’impôt.
L’article 11 de la Constitution implique qu’il ne peut pas en principe y avoir de référendum sur la matière fiscale.
Le consentement à l’impôt n’est pas un droit ou une liberté invocable en QPC, alors même qu’il est au fondement du régime parlementaire et qu’il est historiquement le premier des droits reconnus aux individus.

B – Un levier de modernisation de l’action publique

Les finances publiques ont la particularité d’être à la fois l’élément permettant à l’État de fonctionner grâce à ses recettes et ses dépenses, mais aussi un moyen à disposition de l’État pour modifier son fonctionnement.

Pour Jean-Jacques Rousseau, les finances publiques sont “le sang de l’État” : ce sont elles qui permettent de faire fonctionner l’ensemble des organes de l’État.

Elles participent aussi de la définition et de la transformation de l’État, puisqu’elles nous permettent de comprendre comment il fonctionne et quels sont ses choix.
→ Les finances publiques permettent de déterminer une politique publique.

Historiquement, les finances publiques voulaient que l’État soit neutre et donc qu’il interfère le moins possible sur la vie économique.
Aujourd’hui, à l’inverse, on considère les finances publiques comme un moyen d’arriver à ses fins : elles traduisent une volonté publique.

La LOLF introduit en droit français l’idée de new public management, qui est l’idée suivant laquelle l’État et les personnes publiques doivent avoir une approche performante de leurs finances.
Depuis la LOLF, les lois de finances initiales qui sont votées avant leur année d’application précisent quels objectifs chaque dépense doit remplir, ce qui permettra de voir si ces objectifs ont été remplis lorsqu’on examine la loi de règlement.

Ce lien temporel est au cœur de la transformation de l’État.
Concept : chaînage vertueux : les parlementaires qui votent des autorisations de dépense ont en principe la charge de contrôle que ces dépenses ont rempli leurs objectifs.

Objectif de la LOLF : amener l’État à dépenser moins, pour éviter que l’argent des contribuables ne soit mal utilisé.
Cet objectif très important a en partie échoué, parce qu’il n’a pas véritablement réussi à conduire l’État à avoir une meilleure gestion.

Le budget est un acte descriptif, qui va présenter toutes les obligations de recettes et toutes les autorisations de dépenses.
La
loi de finances est un texte adopté annuellement, qui autorise juridiquement l’État à percevoir des recettes et à procéder à des dépenses.
→ ”Le budget décrit, la loi de finances prescrit.”

La loi de finances est un acte de prévision : elle prévoit, mais elle ne peut pas déterminer à l’avance quelles seront spécifiquement toutes les recettes et toutes les dépenses.
Le montant des recettes prévisionnelles dépend entre autres des indicateurs économiques ; par exemple, si le chômage augmente, les recettes diminuent et les dépenses augmentent.

La loi de finances peut être adaptée et modifiée avec des lois de finances rectificatives, qui viennent en cours d’année modifier les autorisations de dépenses et les autorisations de percevoir des recettes.

II – Les enjeux des finances publiques

A – L’extension du champ des finances publiques

Les finances publiques renvoient d’abord aux recettes et aux dépenses publiques, mais pas seulement.
La question monétaire et la question de l’emprunt et de son remboursement sont désormais intégrées aux finances publiques, car elles constituent des leviers d’action de l’État, qui ont une influence sur les finances.

Les finances publiques ont intégré de manière autonome les finances locales et les finances sociales, en raison du phénomène de décentralisation.
Le développement du principe constitutionnel d’autonomie financière des collectivités territoriales (article 72-2 de la Constitution) a entraîné la création d’un droit des finances locales.

Les collectivités territoriales sont aujourd’hui pris en tenaille par un double jeu de l’État, qui a tendance à limiter les ressources qu’il leur alloue.
Exemple : suppression de la taxe d’habitation pour un montant fixe.
Elles sont soumises à un principe d’équilibre budgétaire bien plus strict que celui auquel est soumis l’État : elles ne peuvent pas emprunter pour financer leurs gestions courantes.

Les finances publiques prennent aussi en compte les finances sociales, dont les organismes de sécurité sociale (vieillesse, maladie, chômage, famille).
Ces organismes de sécurité sociale sont maintenant présentés dans un texte spécifique : la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS), votée pour 1 an.
La LFSS a vu le jour dans les années 1990 pour isoler toute la politique sociale des autres politiques de l’État.
Idée : la politique sociale doit être financée par des ressources propres.

Ces LFSS suivent leurs propres règles, établies par la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS), adoptée en 2005.

B – L’État libéral : la période classique

Cette période s’étend environ de 1814 à 1914.
La fin de l’empire et le développement du parlementarisme (avec la Charte) ont pour conséquence le développement d’un droit des finances publiques parlementaires.

3 principes : le budget doit être neutre, limité et équilibré.

L’État ne doit pas influencer l’économie ; il doit rester cantonné à ses seules compétences régaliennes (armée, police, justice).
Il faut que la pression fiscale soit la plus faible possible, pour ne pas priver les personnes privées de leur argent et de leur capacité d’action.

Le budget de l’État est donc limité. Les finances publiques ne prennent en compte que des montants relativement faibles.

Le budget doit être neutre.
L’État ne prélève que les recettes nécessaires pour couvrir les dépenses. L’emprunt est réservé à des dépenses exceptionnelles.

Le budget de l’État est équilibré dans les 2 sens : il ne faut pas de déficit, et il ne faut surtout pas d’excédent, puisque s’il y a un excédent cela veut dire qu’on a retiré aux personnes privées de l’argent non nécessaire.

C – L’État interventionniste : la période moderne

⚠️
Les États ne sont jamais purement libéraux ou purement interventionnistes.
Aujourd’hui, l’État français est plutôt interventionniste, mais l’Union européenne a tendance à limiter la capacité interventionniste de ses États membres.

La période moderne s’illustre par une remise en cause de la suprématie parlementaire en matière de finances publiques.
Exemple : entre mars et avril 2020, les parlementaires ont voté presque sans discuter une loi de finances rectificative.

Le budget n’est plus neutre : il est aujourd’hui compris comme un moyen pour l’État de mettre en place une stratégie visant à encadrer les acteurs privés.
Exemple : si on taxe très fortement le sucre, cela incite les industriels à limiter la quantité de sucre qu’ils utilisent dans leurs produits.

Le budget n’est plus limité : la dette de la France est passée de 30% du PIB en 1950 à 120% actuellement, parce que l’État intervient pour rééquilibrer les situations sociales.

Le budget n’est plus équilibré : l’endettement se creuse par la renonciation au principe d’équilibre, même si le droit de l’UE tente d’influencer les États pour qu’ils aient une meilleure gestion de leurs finances publiques.

III – Les contraintes contemporaines des finances publiques

A – Les contraintes dans la politique budgétaire

1) Les fonctions de la politique budgétaire

La LOLF a redécoupé le budget, qui n’est plus divisé en ministères, mais en grandes politiques publiques spécifiques auxquelles sont attribuées des financement.

Outre la LOLF, les fonctions de la politique budgétaire sont également influencées par l’interventionnisme économique, qui conduit à augmenter massivement le budget de l’État, qui est passé de 235 milliards d’euros en 2000 à 330 en 2019 (soit 1/3 d’augmentation en 19 ans).
Ces 330 milliards d’euros correspondent au seul budget de l’État et n’incluent pas le financement de la sécurité sociale !

Cette augmentation est due principalement à l’augmentation de 2 éléments :

  1. Le progrès de la démocratie : vivre en démocratie coûte cher – près de 10% du budget de l’État permet de faire vivre la démocratie ;
  1. Le développement du rôle de l’État (passage des finances publiques classiques aux finances publiques modernes).

Aujourd’hui, les 2 postes qui justifient une augmentation du budget de l’État sont la surenchère électorale et l’imprévoyance financière.
La LOLF a pour objectif de limiter cette dernière.

2) La réduction des marges de manœuvre pour l’État

La marge de manœuvre de l’État s’est réduite sous l’influence de 2 facteurs :

  1. Les dépenses à caractère permanent, qui sont les dépenses que l’on doit obligatoirement faire chaque année.

    Sur ~350 milliards d’euros de budget de l’État, on retrouve chaque année des postes de dépenses obligatoires tels que les intérêts de la dette (qui varient entre 30 et 50 milliards d’euros en fonction des taux d’intérêt), les retraites des agents publics…

  1. La contrainte des organisations internationales et de l’Union européenne.

    Certaines organisations internationales, telles que le FMI, la BIRD ou l’OCDE, imposent aux États de fournir des éléments statistiques sur leurs finances, et peuvent contraindre les États à organiser des programmes visant à réduire leurs finances publiques.

    Par exemple, durant la crise de 2008, la Grèce a été contrainte par le FMI à réduire ses finances publiques, par l’intermédiaire du versement d’une somme d’argent.

    Les contraintes européennes, quant à elles, n’ont cessé de se développer en matière financière.
    L’existence d’une monnaie commune rend indispensable de faire en sorte que les différents États aient des finances publiques soutenables.
    L’Union européenne est avant tout une union économique, donc il y a une interdépendance économique et financière entre les différents États européens.

3) Le défi (irréaliste ?) de la maîtrise du déficit budgétaire

Cette maîtrise du déficit public s’impose progressivement depuis les années 1970 (= depuis que les dépenses publiques sont supérieures aux recettes publiques).
La question qui se pose aujourd’hui n’est pas seulement celle de la réduction de la dette, mais plus largement celle de la soutenabilité de la dette.

Certains États font l’objet d’un endettement excessif mais n’ont pas de difficultés pour vivre avec cet endettement.
L’endettement du Japon s’élève à 260% de son PIB, mais il est considéré comme un État particulièrement soutenable financièrement, parce que la dette est en grande partie détenue par les japonais.

Ce n’est donc pas tant l’endettement qui pose problème, que la soutenabilité de cet endettement (= la capacité pour un État de rembourser sa dette en empruntant à nouveau).
La soutenabilité dépend de la vision que les créanciers ont de l’État.

L’Union européenne tente d’encadrer la dette publique et le déficit, avec comme objectif d’arriver à 60% d’endettement public.
Pour ce faire, il faudrait que les États soient en excédent budgétaire pendant plusieurs années, c’est-à-dire qu’ils mobilisent des recettes publiques qui ne sont pas indispensables en soit.

L’excédent budgétaire est un vrai problème d’un point de vue pratique et théorique.
En effet, si un État gagne trop d’argent, il a pris trop d’argent aux particuliers et aux entreprises et a donc limité leur capacité à investir.
Un État en excédent budgétaire est donc généralement appréhendé comme un mauvais gestionnaire public.

L’Union européenne est plus contraignante qu’avant, parce qu’elle met en avant un nouveau critère : il ne faut pas avoir un déficit structurel supérieur à 0,5% du PIB.
Le déficit structurel ne prend en compte que le train de vie de l’État, et non les dépenses liées à la conjoncture économique (crise énergétique, inflation…).

Si un État ne respecte pas les critères, l’Union européenne peut engager une procédure de déficit public excessif, qui permet de limiter les sommes d’argent versées à cet État ou de lui infliger des amendes punitives.
Cette procédure avait été envisagée contre l’Italie en 2019, et avait été levée lorsque l’Italie avait accepté de modifier son projet de budget.
Elle pose certaines difficultés, ce qui fait que l’Union européenne s’oriente plutôt aujourd’hui vers l’accompagnement financier des États, principalement en rachetant de la dette des États par le mécanisme de solidarité européen.

La Hongrie et la Pologne ont vu un grand nombre de leurs subventions européennes mises en pause tant qu’elles ne respecteront pas l’État de droit.
Les finances publiques ne servent donc plus seulement à sanctionner les États qui ne respectent pas les règles de déficit public.

Cet objectif semble peut-être irréaliste, parce que les crises à répétition (subprimes en 2008, dette souveraine en 2010, Covid en 2020…) nécessitent des dépenses publiques.
Ces crises ont conduit à l’Union européenne à lever provisoirement les critères de limitation de la dette et du déficit.

B – Les contraintes dans la politique monétaire

La politique monétaire est traditionnellement appréhendée comme l’expression même de la souveraineté d’un État : il dispose de sa monnaie en produisant des pièces et des billets.
La monnaie constitue un levier qui permet aux États d’influencer l’économie, mais aussi d’influencer sur les marchés financiers et sur la dette.

Traditionnellement, la monnaie et la politique monétaire sont gérés par une banque centrale nationale.
Depuis la mise en place de la CEE (1957), la politique monétaire échappe de plus en plus aux États.

En 1957, l’union est exclusivement économique, et non monétaire.
En 1972, le Serpent monétaire européen (SME) est créé pour limiter la marge de manœuvre monétaire des États : par rapport à un taux qui est fixé, la monnaie de chaque État ne peut pas fluctuer de plus de 2,25%.
Objectif : éviter que les monnaies ne soient complètement dévaluées les unes par rapport aux autres, pour éviter une concurrence monétaire entre les États et pour harmoniser l’économie entre ces États.

En 1978, on accentue la convergence monétaire avec l’adoption du Système monétaire européen (aussi SME, remplace le Serpent).
En 1986, l’Acte unique européen pose le principe suivant lequel la convergence des politiques économiques et monétaires est nécessaire pour le développement ultérieur de la communauté.

C’est avec le Traité de Maastricht de 1992 que l’idée d’une monnaie unique prend forme.
Cependant, une monnaie unique nécessite une convergence entre les États : avant d’avoir la même monnaie, encore faut-il s’assurer que tous les États qui vont l’adopter sont fiables financièrement.
Il faut également harmoniser dans une certaine mesure les prix et le niveau de la vie entre les différents États.

En 1998, l’Union pose la liste des 11 États qui peuvent, au regard de cette convergence, adopter cette monnaie commune.
La Banque centrale européenne, place à la tête des banques centrales nationales, est chargée de déterminer la politique monétaire de l’Union. Elle dispose seule de la compétence de créer des billets.
Elle est indépendante des autres institutions de l’UE.
→ Les États perdent leurs marges de manœuvre en matière monétaire. Ils ne peuvent plus influencer leurs finances publiques par la gestion de leur monnaie.

Si les États ont ainsi choisi de perdre en souveraineté financière, c’est parce que cela leur a apporté plus de stabilité, un marché économique plus large et des relations apaisées avec leurs voisins.

IV – Les finances publiques et les crises

La crise de 2007-2008, qui commence aux États-Unis avec les subprimes, repose principalement sur une bulle spéculative qui concernait des crédits à risque.
Elle s’accentue en 2008 avec la faillite de banques américaines comme Lehman Brothers, qui va provoquer un effondrement boursier qui contraint les États à dépenser de l’argent pour sauver les banques.

Cette crise a une double influence : les États augmentent les dépenses pour sauver leurs économies, et elle engendre une récession qui diminue les recettes des États.

Elle s’est poursuivie en 2009-2010 avec la crise grecque, lorsque la Grèce s’est retrouvée dans l’incapacité de rembourser ses créanciers.

Ces crises engendrent au niveau européen un mouvement de renforcement pesant sur les États et leurs finances publiques.
En 2011, l’Union européenne modifie ce qui avait été établi en 1997 dans le Pacte de stabilité et de croissance (PSC), pour accroître le contrôle des finances des États membres. Pour cela, elle adopte le Six-pack, qui augmente le contrôle et les sanctions qu’elle peut prononcer contre les États membres.

En 2012, le Pacte budgétaire européen (TSCG) pose la règle d’or budgétaire, qui s’apparente au principe d’équilibre dans les finances des États.

Ce TSCG est traduit en droit français par la loi organique relative à la programme et à la gouvernance des finances publiques, qui crée le Haut Conseil des finances publiques.
Ce dernier est rattaché à la Cour de comptes et joue un rôle fondamental dans l’évaluation de la conjoncture économique.
Il rend des avis sur le cadre économique sur lequel se fonde l’État pour créer son budget.
Il transmet à l’Union européenne un avis sur la sincérité du projet de loi de finances et un avis qui détermine si le projet de loi de finances a des chances de s’appliquer tel qu’il est prévu.

Ce premier mouvement issu des crises des années 2010 vise ainsi à contraindre et à limiter les États.
On distingue un second mouvement d’aide aux États européens, qui prend 2 formes :

  1. Le mécanisme européen de stabilité (MES) est chargé de racheter la dette des États membres.
    Il vise à éviter une mainmise de puissances étrangères sur les infrastructures européennes ; en effet, pour respecter les contraintes européennes, certains pays comme la Grèce (port du Pirée) ou l’Italie ont dû vendre leurs biens à des puissances étrangères.
  1. Un mouvement d’endettement européen : lors de la crise du Covid, l’UE s’est endettée au nom et pour le compte des États à hauteur de 750 milliards d’euros, divisés en 2 parts égales :
    1. Une première part sous forme de prêts : l’UE prête de l’argent aux États membres.
      Cela leur permet de disposer de taux d’intérêts très avantageux qu’ils n’auraient pas eu seuls.
    1. Une seconde part sous forme de dons.
      Cet argent donné sans contrepartie permet une meilleure solidarité entre les États.
      Ces sommes versées doivent être utilisées afin de lutter contre le dérèglement climatique et pour la préservation de la biodiversité.
      Le remboursement se fera par des impôts ayant une dimension européenne.