Partie 2 : Le budget de l’État

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Le budget de l’État renvoie aux modalités permettant la vie de l’État en tant que tel, et notamment à l’adoption et l’application des lois de finance.

Contenu

§ 1. Les lois de finances, support du budget de l’État

La loi de finances est aujourd’hui la notion juridique qui traduit le budget.

Juridiquement, la loi de finances supplante l’idée de budget.
C’est un acte juridique, alors que le budget correspond à une description d’une situation en décrivant pour une année l’ensemble des recettes et des dépenses – mais ce n’est pas le budget qui l’autorise.

Le budget ne deviendra d’ailleurs définitif que lorsque les comptes de l’Etat seront approuvées en loi de règlement lors de l’année N+1.

La loi de finances constitue donc l’acte juridique support du budget.

A – La notion de lois de finances

La notion de lois de finances renvoie à plusieurs réalités.

L’article 1 de la LOLF définit la loi de finances comme étant celle qui détermine, pour 1 exercice, la nature, le montant et l’affectation des ressources et des charges de l’État, ainsi que l’équilibre financier et budgétaire qui en résulte.
Conséquence : ces lois de finances vont déterminer, pour 1 an, l’ensemble des ressources de l’État et l’ensemble des dépenses autorisées.

1) La nomenclature budgétaire

La loi de finances doit suivre une nomenclature budgétaire préalablement définie.
Concrètement, la présentation même de la loi de finances doit aider à une meilleure compréhension de celle-ci, afin d’identifier aisément quels sont les postes de dépense.

Cela permet d’abord d’améliorer l’information pour les parlementaires et pour le public.
C’est aussi censé permettre de contribuer à une meilleure gestion publique.
Enfin, ça doit permettre d’améliorer la qualité du service public.
Principe : « la forme, c’est le fond qui remonte à la surface ».

Les lois de finances sont réparties par missions.
Les crédits budgétaires sont divisés en 7 grandes catégories :

  1. Le titre 1 est relatif aux dépenses pour les pouvoirs publics (pour le Président de la République, l’Assemblée nationale, le Sénat, le Conseil constitutionnel…).
    → Combien coûte la démocratie + comment ces sommes sont utilisées.
  1. Le titre 2 est relatif aux seules dépenses de personnel.
    Objectif : connaître l’ensemble des dépenses de personnel de l’État, qui sont présentées en équivalent temps plein travaillé.
  1. Le titre 3 présente toutes les dépenses de fonctionnement de l’État, c’est-à-dire toutes les dépenses autres que celles relatives aux personnels, indispensables pour faire vivre les services publics.
    Exemple : ramettes de papier à la fac.
  1. Le titre 4 présente le coût de la charge de la dette.
    Objectif : permettre de comprendre quelles sont les dépenses nécessaires au remboursement de la dette, en prenant en compte les différentes catégories d’emprunt.

    On distingue les emprunts négociables des emprunts non négociables.
    Dette négociable : peut être revendues à quelqu’un d’autre, en créant un nouvel emprunt.

  1. Le titre 5 présente les dépenses d’investissement.
    On distingue les investissements corporels des investissements incorporels.
    Par exemple, l’achat d’un bâtiment public est un investissement corporel.
    La création d’un logiciel est un investissement incorporel.
  1. Le titre 6 présente les dépenses d’intervention, qui sont des dépenses réalisées par l’État vers d’autres secteurs : collectivités territoriales, Union européenne, question des garanties…
  1. Le titre 7 présente les dépenses d’opération financière = les prêts et avances consenties par l’État.

Il y a donc 7 titres qui dépendent de la nature de la dépense.
Cette division est censée permettre une meilleure lisibilité de la loi de finances, en y inscrivant par groupes les dépenses qui ont la même nature.

Cependant, la Cour des comptes est particulièrement critique sur cette nomenclature, qu’elle considère comme étant trop simpliste.
Elle considère que cette nomenclature n’est pas suffisamment en lien avec les missions, et donc qu’elle n’est pas cohérente, dans la mesure où elle ne permet pas de mieux appréhender la logique de ces dépenses et in fine leur utilité.
→ Nomenclature trop simpliste + pas suffisamment en lien avec les missions.

En ce qui nous concerne, cette nomenclature ne sera pas au coeur du raisonnement de ce cours, parce qu’elle n’est pas LOLFienne.

2) Le domaine des lois de finances

Le domaine des lois de finances est un élément fondamental, parce qu’il faudrait, dans l’idéal, que les parlementaires ne discutent que des éléments financiers, mais de tous les éléments financiers.

Idée : si on met trop de choses dans une loi de finances, on dilue nécessairement la discussion des éléments financiers, ce qui ne permet pas concrètement aux parlementaires de voter efficacement la loi et de la discuter.

Autrement dit, si la loi de finances pouvait inclure n’importe quelles dispositions, le gouvernement serait tenté de la surexploiter, parce qu’elle est enserrée dans des délais stricts (par exemple, pour faire voter dans un temps court des réformes).

En plus, le gouvernement peut en l’espèce utiliser le 49-3 ; il peut adopter par ordonnance la loi de finances, et donc réduire le débat parlementaire.
Enfin, les amendements votés en commission des finances ne conduisent pas à modifier le texte tel qu’il sera examiné en séance parlementaire.
Il y aurait donc un avantage considérable pour le gouvernement à pouvoir faire passer en loi de finances d’autres éléments.

C’est pour ça que la LOLF organise un domaine propre aux lois de finances, en intégrant 3 éléments :
1- les éléments obligatoires ;
2- le domaine réservé, mais non obligatoire ;
3- dispositions qui peuvent être présentes ou non.
Il y a aussi : 4- le domaine interdit aux lois de finances.

  1. Les éléments obligatoires : la la loi de finances initiale doit avant tout évaluer chacune des recettes budgétaires et autoriser leur perception → obligatoire.

    Elle doit ensuite fixer le plafond de dépenses du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux → obligatoire.

    La loi de finances doit également comporter l’article d’équilibre, permettant de justifier l’emprunt ou les emprunts de l’État.

    Enfin, elle doit déterminer les montants de dépense par mission + le plafond des emplois autorisés par ministère.

    L’article 35 de la LOLF prévoit que la loi de règlement doit comportement certains éléments obligatoires, puisqu’elle détermine le tableau d’équilibre (= quels ont été effectivement l’ensemble des dépenses et l’ensemble des recettes réalisées).
    Surtout, elle doit inclure la certification des comptes publics faite par la Cour des comptes, qui permet de clore l’exercice comptable de l’État.

    Les lois de finances rectificatives sont tenues de déterminer les modifications de dépense et les modifications d’emprunt.
    Elles doivent aussi déterminer en quoi cette augmentation de dépenses a une influence sur l’équilibre, et donc elles pourront modifier l’article d’équilibre de la loi de finances initiale.

  1. Le domaine réservé aux lois de finances, mais non obligatoire a pour objectif d’éviter que ces éléments se retrouvent dans une loi ordinaire.

    Par exemple : l’évaluation de chacune des recettes de l’État, et précisément les prélèvements sur ces recettes de l’État, c’est-à-dire les éléments qui seront réduits des recettes de l’État.

    Exemple : le pourcentage de TVA que l’on reverse à l’Union européenne pour la financer.
    Cela n’est pas obligatoire, parce que rien ne nous oblige à financer l’UE ; mais, si on le fait, cela doit obligatoirement être dans une loi de finances.

    La loi de finances doit comprendre l’ensemble des éléments relatifs aux décrets d’avance = les décrets pris par le gouvernement pour utiliser les crédits de la loi de finances précédente l’année suivante.
    Si le gouvernement a pris un tel décret, celui-ci ne peut être validé que dans une loi de finances.

  1. Les dispositions qui peuvent ou non être en loi de finances peuvent aussi se retrouver dans une loi ordinaire.

    Pour le Conseil constitutionnel, il s’agit principalement des dispositions fiscales.
    Conseil constitutionnel, 1991, Dispositions d’ordre économique et financière :
    Si des dispositions fiscales viennent bouleverser l’équilibre budgétaire, alors elles doivent être intégrées dans une loi de finances rectificative ; en revanche, si les dispositions fiscales ne viennent pas bouleverser l’équilibre, alors elles peuvent être dans une loi ordinaire.

  1. Le domaine interdit aux lois de finances comprend les “cavaliers budgétaires”, qui sont contrôlés par le Conseil constitutionnel qui, s’ils sont présents, les déclare contraires à la Constitution.

    Le Conseil constitutionnel ne dispose généralement que d’1 semaine pour contrôler une loi qui fait plusieurs centaines de pages, donc il anticipe généralement son contrôle en suivant les débats parlementaires.

Les lois de finances sont donc encadrées en ce qu’elles doivent ou peuvent inclure, pour permettre une meilleure discussion parlementaire et permettre d’éviter que la loi de finances soit un prétexte à l’adoption d’autres éléments.

3) La structure des lois de finances

L’article 34 de la LOLF détermine la structure de la loi de finances.
Objectif : permettre un meilleur débat parlementaire pour un meilleur consentement à l’impôt.

La loi de finances est constituée d’un exposé des motifs qui identifie et calcule le solde structurel.
Le gouvernement doit explicitement poser ses objectifs de déficit structurel.

Elle est ensuite composée d’un article liminaire, qui retrace l’ensemble des dépenses et des recettes envisagées, lui permettant donc de pouvoir donner quel sera l’objectif de déficit.

Cela s’inscrit directement dans la logique de la loi organique de 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.
C’est cet article liminaire que va examiner le Haut Conseil des finances publiques.

La loi de finances est composée de 2 parties depuis 1956 :

  1. Partie 1 :
    1. Le titre 1 de la partie 1 est appelé “condition générale de l’équilibre financier » et permet de comprendre les éléments déterminants du budget.
      Il identifie les ressources à venir de l’État + autorise l’État à percevoir l’impôt.
    1. Le titre 2 concerne les charges de l’État.
      Il intègre les recettes fiscales et non fiscales de l’État → évalue toutes les recettes.
      Il permet au ministre des finances de réaliser des emprunts.

    Cette partie 1 peut entre en vigueur sans la partie 2, et permet alors de percevoir l’impôt et de procéder aux dépenses de l’État.
    Cette division entre partie 1 et partie 2 est également justifiée par le fait que la partie 1 doit nécessairement être votée avant la partie 2.

  1. La partie 2 porte plus spécifiquement sur les moyens des politiques publiques.
    Elle autorise spécifiquement les dépenses, et donc fixe les plafonds de dépense.
    Elle permet concrètement de connaître le budget prévisionnel de l’État et sa répartition.

    Elle doit être discutée après la partie 1, parce que cette partie 2 est directement déduite du solde déterminé en partie 1.
    Exemple : si en partie 1, on détermine qu’il y aura 350 milliards d’€ de dépense, alors la somme des dépenses de la partie 2 ne pourra pas être supérieur.

4) Les documents budgétaires

Les documents budgétaires sont prévus aux articles 50 à 52 de la LOLF.

Dans les années 1990, la direction du budget a entamé un projet de refonte totale de ces documents, avec comme but premier d’accroître leur lisibilité et donc d’accroître leur utilité pour les parlementaires.

Ces documents budgétaires sont écrits par le gouvernement pour être ensuite transmis aux parlementaires au moment de l’examen de la loi de finances.
Ils s’inscrivent directement dans la logique de sincérité budgétaire, puisqu’ils permettent aux parlementaires de mieux comprendre la volonté du gouvernement et surtout d’avoir des éléments chiffrés et crédibles sur la loi de finances.

La LOLF distingue 2 types de documents :
1- les documents obligatoires ;
2- les documents complémentaires.

  1. Les documents obligatoires sont des documents budgétaires qui sont inséparables du projet de loi de finances.

    Exemple : le rapport relatif à la situation et à la perspective économique, qui découle de la loi organique de 2012 relative à la programmation des lois de finances.
    Concrètement, chaque année, la Cour des comptes publie un rapport sur la situation et sur la perspective des finances, qui va permettre de développer le débat d’orientation des finances publiques.

    Les bleus budgétaires (”projets annuels de performance”, “PAP”) sont des annexes explicatives au projet de loi de finances, qui sont sont indispensables à la discussion de ce projet de loi de finances.
    Elles détaillent la répartition des crédits au sein des programmes.

    Elles ont aussi pour intérêt d’intégrer le projet annuel de performance → le gouvernement doit prévoir quels résultats sont attendus.
    Cela permet aux parlementaires d’examiner de manière efficace le titre 1 de la partie 2 du projet de loi de finances (= le titre relatif à l’ensemble des missions).

    Les plafonds de dépense dépendent aussi en partie des justificatifs apportées par les bleus budgétaires, qui permettent de justifier les demandes du gouvernement.
    Les bleus budgétaires constituent donc la première source d’information des parlementaires.

    💡 Les bleus budgétaires sont accessibles en ligne et sont faciles à lire.

  1. Les documents budgétaires qui sont séparables sont notamment constitués des jaunes budgétaires, qui ont pour objectif de préciser une approche financière.
    Ils permettent de prendre en compte des politiques publiques qui relèvent de 2 ou 3 missions.

    Les oranges budgétaires permettent eux d’appréhender des éléments transversaux = relevant de plusieurs ministères.
    Exemple : il y a un orange budgétaire sur l’outremer.

Enfin, les verts budgétaires constituent le pendant des bleus budgétaires.
Ils ont pour objet de présenter la répartition des crédits entre chaque programme d’une mission, dans la mesure où les crédits sont votés par mission par le parlement et sont ensuite ventilés par décret par le gouvernement.

Ces verts budgétaires servent à représenter la ventilation (= la répartition) de ces crédits issue des décrets du gouvernement.
Ils constituent le pendant des bleus budgétaires dans la mesure où ils constituent une forme de bleus budgétaires modifiés, puisque les bleus permettent d’expliquer chaque mission et chaque programme de chaque mission, et les verts affectent les crédits au programme en fonction des objectifs fixés préalablement.

L’ensemble de cette documentation sert donc à informer le Parlement, pour qu’il puisse voter et discuter la loi de finances en ayant une pleine connaissance du projet.

Ces documents obligent aussi le gouvernement à justifier ses choix, sachant qu’en principe ce même gouvernement devra répondre au moment de la loi de règlement de l’efficacité de ses choix préalables.
Logique : mieux informer pour pouvoir mieux contrôler.

Risque : les documents doivent être d’une bonne qualité, et ne doivent pas être trop importants en taille.
Un document de 800 pages fait à peu près 8,5 kilos…

B – Les différents types de lois de finances

L’article 1er de la LOLF dispose qu’il y a 3 formes de loi de finances :
1- la loi de finances de l’année et les lois de finances rectificatives ;
2- la loi de règlement ;
3- les lois qui sont prévues à l’article 45 de la LOLF (→ hypothèses où une partie de la loi de finances doit être adoptée en urgence).

1) La loi de finances initiale et la loi de finances rectificative

D’après cet article 1, la loi de finances initiale détermine pour 1 exercice la nature, le montant et l’affectation des ressources et des charges de l’Etat, ainsi que l’équilibre budgétaire et financier qui en résulte.
Il s’agit donc du texte qui est à la base de l’autorisation budgétaire (= un texte essentiel pour la vie financière de l’État).

On a vu que ce texte s’applique pour 1 année, avec la possibilité d’avoir une modification en cours d’année par les lois de finances rectificatives.
L’article 1 de la LOLF met dans la même catégorie la loi de finances initiale et les lois de finances rectificatives, parce qu’on modifie un texte avec un texte de valeur similaire.

Les lois de finances rectificatives permettent de modifier les autorisations initiales en cours d’exercice, pour les adapter au regard d’éléments avancés par le gouvernement, parce que ces 2 textes ne peuvent faire l’objet que d’un projet de loi → ils sont exclusivement l’initiative du gouvernement.

2) La loi de règlement du budget et d’approbation des comptes

La loi de règlement a été modifiée par la loi organique du 28 décembre 2021 (qui modifie la LOLF).

Cette loi de règlement intervient à la fin du cycle budgétaire.
Elle a pour objet principal de constater les résultats de l’exécution budgétaire et financière de l’année écoulée.
Elle permet également d’approuver les comptes de l’État, comme une entreprise le ferait.

La loi de règlement est née en 1817 (donc en 1818).
Elle a été créée pour permettre aux parlementaires de contrôler l’exécution de la loi de finances par le gouvernement.
💡 1818 correspond à l’époque du début du parlementarisme en France, avec la Charte de 1814 → développement de l’idée qu’il faut contrôler le gouvernement.

À l’époque, le ministre des finances (le Baron Louis) décrivait la vie financière de l’Etat en distinguant 4 temps alternés :
1- la préparation de la loi de finances par le gouvernement ;
2- la discussion et le vote devant le Parlement ;
3- l’exécution par le gouvernement ;
4- le contrôle de cette exécution par le Parlement.

Cette logique est considérée comme indispensable pour avoir un encadrement efficace du gouvernement, d’autant plus dans un régime parlementaire.
Le contrôle peut servir à développer un contrôle politique ; or le fondement du régime parlementaire, c’est la responsabilité politique du gouvernement devant la chambre basse.

Contrôler l’exécution est donc indispensable dans un régime parlementaire.
Ce contrôle est d’autant plus indispensable qu’il permet de s’assurer que l’autorisation votée par le parlement a été exécutée correctement par le gouvernement.
Il serait indispensable, d’un point de vue démocratique, de ne pas l’exercer, dans la mesure où il appartient aux représentants du corps électoral de consentir aux recettes et d’autoriser les dépenses de l’Etat.

De plus, l’article 15 de la Déclaration de 1789 permet à chacun de demander des comptes à tout agent public.

→ Cette loi de règlement repose donc sur ces différentes logiques.

La loi de règlement conclut le cycle budgétaire à N+1, en arrêtant définitivement les recettes encaissées et le montant des dépenses réalisées.
Elle permet d’arrêter le véritable socle budgétaire de l’État et le déficit de l’année précédente.

Cette loi de règlement a été enrichie par la LOLF de 2 manières :

  1. L’article 37 prévoit que la loi de règlement doit permettre au Parlement de se prononcer sur les modalités de financement de l’État + de discuter de ces modalités de financement + d’approuver les comptes préalablement certifiés par la cour des comptes.
  1. L’article 54 prévoit que la loi de règlement est accompagnée de documents budgétaires similaires à ceux de la loi de finances initiale.

    Le meilleur exemple est le projets annuels de performance (= bleus budgétaires), pour l’examen de la loi de finances initiale.
    La loi de règlement doit avoir en annexe les rapports annuels de performance, qui permettent d’évaluer si les objectifs ont été effectivement remplis.

La loi de règlement a aussi été modifiée par la loi organique du 1er décembre 2012, pour contenir un article d’équilibre qui va présenter le solde structurel de l’État + le solde effectif de l’ensemble des administrations publiques.
Comme pour la loi de finances initiale, le Haut Conseil des finances publiques produit un avis sur ces soldes, pour permettre éventuellement à la commission européenne d’engager une procédure pour déficit excessif.

Cette loi de règlement constitue donc le pendant de la loi de finances et est censée constituer le texte qui va permettre au Parlement d’effectuer l’une de ses missions constitutionnelles prévues à l’art 24 de la Constitution : contrôler l’action du gouvernement.

Mais problème : la loi de règlement est un texte qu’il n’est pas nécessaire en soit d’adopter.
C’est aussi un texte sur lequel le débat parlementaire est difficile à développer, dans la mesure où il traite des comptes publics.

  • Actualité :

    La dernière loi de règlement, celle pour 2021 présentée en 2022, a été rejetée par l’Assemblée nationale et le Sénat.
    La loi de règlement est très régulièrement rejetée par le Sénat : cela constitue un moyen pour lui de montrer un désaccord politique.
    Mais – évolution importante – en 2022, l’Assemblée nationale a aussi voté contre en lecture définitive, ce qui fait qu’il n’a pas été adopté.

    Les parlementaires ont refusé d’adopter ce texte, parce que :

    1. le projet de loi de règlement n’a pas été déposé dans les temps, puisque en principe il doit être déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale avant le 1er juin (il a été déposé avec 2 jours de retard) ;
    1. ils critiquaient aussi le fait que la loi de règlement permettait de reporter sur 2022 des crédits non consommés pour lutter contre la pandémie en 2021 → près de 20 milliards d’€ non consommés ; or les parlementaires disaient qu’ils n’avaient pas autorisé cette consommation de crédits, qui a été décidée par décret.

Conséquences juridiques du rejet de la loi de finances :

  1. Si la loi de règlement n’est pas adoptée, l’État ne peut pas emprunter ;
    Mais le gouvernement a fait passer cet article dans une loi ordinaire…
  1. La LOLF précise que la loi de finances pour 2023 ne peut être mise en discussion qu’après un vote par les 2 assemblées sur le projet de loi de règlement.
    Mais « vote » ≠ « adoption » : avoir voté le texte veut simplement dire qu’il faut que le texte ait été mis au vote, peu importe ou non qu’il soit adopté.
    → Ne pas voter une loi de règlement n’est pas une limite à la continuité de la vie financière de l’État.

Ce rejet n’a donc pas de conséquences pour la suite.
Il n’a pas de conséquences non plus pour le passé, puisque l’exécution qui a eu lieu en 2021 ne sera pas remise en cause.

Il a cependant des conséquences politiques très importantes.
Il permet potentiellement aux parlementaires d’engager la responsabilité du gouvernement, en considérant que son exécution est contraire aux principes de la loi de finances initiale.

Jèze affirmait que « ce qui est essentiel, c’est la production complète et la vérification des comptes ; la forme sous laquelle le Parlement exprime son opinion est sans grande influence ».
Idée : ce qui importe, ce n’est pas tant le vote que le capacité de contrôler, capacité qui découle de la production complète et de la vérification des comptes.

Mais la logique de la LOLF est également de développer la capacité pour le Parlement d’exprimer son opinion, et pas seulement des lire des comptes.
Pour ce faire, la LOLF améliore la loi de règlement, mais améliore aussi des espaces de discussion en dehors du vote des lois de finances, avec notamment les débats d’orientation des finances publiques, qui sont inscrits dans la LOLF.

3) Les lois de finances particulières

Les lois de finances particulières sont celles qui relèvent de l’article 45 de la LOLF.

Ces lois de finances particulières concernent l’hypothèse où le gouvernement demande en urgence au Parlement l’autorisation de percevoir les impôts et l’autorisation d’ouvrir par décret la répartition de certains crédits.

Il s’agit de l’hypothèse où la loi de finances initiale n’a pas été votée dans les temps afin qu’elle soit promulguée avant le 1er janvier.
Dans cette hypothèse, l’article 45 de la LOLF prévoit 2 procédures particulières :

  1. Si, avant le 11 décembre, le projet de lois de finances n’a pas été adopté, le gouvernement peut demander à l’Assemblée nationale de se prononcer seulement sur une partie du texte = la première partie de la loi de finances.
    Il recourt alors à la procédure d’urgence prévue par l’article 47 de la Constitution, qui permet au gouvernement de définir un temps de débat préalable afin que le texte soit voté dans des délais particulièrement brefs.
    Idem ensuite pour le Sénat.
  1. Si cette procédure a échoué, l’article 45 prévoit qu’avant le 19 décembre, si la 1ère procédure n’a pas abouti, alors le gouvernement peut présenter devant l’Assemblée nationale un projet de loi spéciale, afin de continuer à percevoir les impôts tels qu’ils existaient l’année passée jusqu’à ce qu’on ait une nouvelle loi de finances.
    + Suivant la procédure d’urgence de la Constitution.

La LOLF organise donc des modalités permettant d’adopter en urgence une partie au moins du texte, qui aura alors la valeur de loi de finances.
Elle sera remplacée ensuite par la loi de finances définitivement adoptée.

Dernière possibilité : l’hypothèse d’une déclaration d’inconstitutionnalité.
Si le Conseil constitutionnel déclare contraire à la Constitution la loi de finances votée, le gouvernement pourra présenter au Parlement un projet de lois de finances spéciale, pour percevoir les impôts suivant ceux de l’année passée.

Ce projet de loi spéciale permet aussi au gouvernement de prendre des décrets pour ouvrir les crédits nécessaires, c’est-à-dire les crédits considérés comme étant nécessaires par cette loi de finances spéciale.

Cette 3ème catégorie est ainsi destinée à forcer le temps, pour qu’au moins 1 bout de la loi de finances soit adoptée.
Cela permet en principe d’éviter ce qu’on peut connaître aux États-Unis, à savoir un shutdown institutionnel, puisque l’État continuera à percevoir des recettes et à pouvoir payer des dépenses.

→ Objectif : que la vie financière puisse se dérouler à minima.

Pour revenir à l’actualité, le gouvernement n’était donc pas obligé d’utiliser le 49-3 fin 2022 ; il l’a fait uniquement pour des motifs politiques.

§ 2. La préparation des lois de finances

A – Une prérogative gouvernementale

La préparation des lois de finances est réalisée par le gouvernement, mais cela ne doit pas être vu comme de l’antiparlementarisme.

Si le Parlement devait écrire le projet, il ferait face à des problèmes de lenteur + il ne disposerait pas des outils techniques pour le faire.
Idée : le gouvernement est celui qui exécute le projet de loi de finances → on lui accorde donc la faculté de préparer ce projet.

C’est un projet et non une proposition, parce qu’elle ne peut émaner que du gouvernement.

Cette compétence du gouvernement est justifiée par l’article 20 de la Constitution, selon lequel « le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation ».
Déterminer la politique de la nation passe par établir le projet de lois de finances.

Cette préparation du projet de loi de finances n’est presque pas appréhendée par la LOLF, qui ne lui consacre qu’1 article : son article 38, qui précise que le projet de loi de finances est préparé par le ministre chargé des finances sous l’autorité du 1er ministre + est délibéré en conseil des ministres.
→ Le Premier ministre a la charge de l’autorité de la conduite de la préparation du budget.

La LOLF précise donc qu’il existe un ministre chargé des finances, alors même que la composition d’un gouvernement et l’attribution des ministères est entièrement libre.
2 limites à cette liberté : il faut donc un ministre chargé des finances et un ministre chargé de la santé (qui prennent le nom qu’ils veulent).

Les parlementaires sont principalement associés aux sources d’information par des débats budgétaires.
En revanche, ils ne peuvent pas modifier – juridiquement parlant – le projet de budget avant qu’il ne soit déposé sur le bureau de l’assemblée.

Cette préparation par le gouvernement est importante, puisque les commissions des finances ne peuvent pas modifier le projet → le texte qui sera soumis à la discussion en séance publique, c’est le texte préparé par le gouvernement.

→ Le projet de lois de finances ne peut être qu’un projet et donc ne peut être déposé que par le gouvernement.
C’est une constante que l’on retrouve dans la grande majorité des États ; par exemple, aux États-Unis, la préparation du projet de budget a été transféré du Congrès au Président en 1920 après des retards considérables.

Cependant, les autres textes ne le sont pas.
Par exemple, la LOLF (→ constitution financière de la France) est d’origine parlementaire, et non gouvernementale.

Le gouvernement n’a donc pas le monopole en matière financière.
Il n’a un monopole que pour la présentation des 3 catégories de lois de finances, mais il n’a pas le monopole pour les lois organiques qui vont encadrer ces lois de finances.

Gaston Jèze déclarait ainsi que « il est logique de donner cette compétence au gouvernement, parce que c’est l’autorité qui sera responsable de son application”.

L’élaboration de la loi de finances fait collaborer 2 entités : le Premier ministre et le ministre chargé des finances.
Parfois, 3 entités, lorsque le ministre chargé des finances est divisé en 2 ministres, comme c’est actuellement le cas entre le ministre des Finances et le ministre des Comptes publics.
(Le poids politique pèse sur le ministre des Finances alors que le poids technique pèse sur le ministre des Comptes publics.)

Il y a même potentiellement 4 acteurs, avec le Président de la République.
Il n’a aucune compétence en matière budgétaire, ne détermine et ne conduit pas la politique de la nation, donc en principe il n’a pas vocation à intervenir.

En période de cohabitation, le rôle du Président de la République est relativement limité.
En matière financière, son rôle se limite à un pouvoir de décision et à une influence sur les affaires étrangères et la défense (la matière de la défense dépend des financements qu’il va obtenir).

En temps de concordance politique, le poids du Président s’accentue considérablement, parce qu’on a tendance à considérer que c’est lui qui détermine la politique de la nation et que c’est le gouvernement sous son autorité qui sera chargé de la conduire.

Il exerce ainsi son autorité via la présidentialisation du régime, parce qu’il exerce son autorité sur le Premier ministre qu’il a choisi.
Le PR interviendra donc politiquement, mais pas juridiquement, à une nuance près : le projet de loi de finances est délibéré en Conseil des ministres, qui a lieu à l’Élysée sous la direction du PR.

Le Premier ministre est pour sa part considéré comme l’autorité qui dirige la préparation du budget au regard de l’article 21 de la Constitution (qui dit que le PM dirige l’action du gouvernement, ce qui s’applique en matière financière).
Dans le cadre de la préparation du budget, le PM dispose d’un pouvoir hiérarchique sur ses ministres.

Le PM a une certaine prépondérance dans le cadre de la préparation du budget, et ce pour 3 raisons :

  1. Il assure la direction de la préparation du budget en le cadrant, c’est-à-dire en définissant les grandes étapes de ce budget, mais aussi en déterminant le cadre général du budget ;
  1. Il contrôle le bon déroulement de la préparation du budget, en s’assurant qu’il soit préparé dans les temps ;
  1. Enfin, il dispose d’un pouvoir de sanction.
    Par exemple, si un ministre critique le budget en cours de préparation, il pourra lui demander de démissionner
    (démission contrainte, opposée au ministre).

    Ce rôle est essentiel, parce que pendant la préparation du budget on constate une guerre de tranchées entre les ministres, qui souhaitent chacun obtenir un maximum de crédits pour leurs ministères.
    Il est donc indispensable qu’il y ait une autorité qui tranche les conflits entre ministres → c’est le rôle de Matignon.

Le rôle concret de préparation revient plus largement au ministre chargé des finances, qui va devoir organiser l’ensemble de ce projet.

Chaque ministre qui demande un budget envoie une demande à Bercy, qui a pour rôle de récupérer toutes les demandes d’ouverture de crédit, d’examiner ces demandes et leur pertinence au regard des objectifs définis par le Premier ministre.

Le ministre chargé des finances a un rôle qui est central, puisque c’est lui qui va décider – sous l’autorité du Premier ministre – de la répartition des crédits
Il n’est cependant qu’un ministre parmi les ministres, donc il n’a pas de pouvoir décisionnaire en tant que tel, ni de pouvoir de sanction (→ principe d’égalité entre les ministres).

Pour autant, cette place centrale du ministre chargé des finances est réelle et s’appuie entre autres sur le fait qu’il dispose de l’administration financière (”Bercy”), c’est-à-dire de l’ensemble des administrations qui sont techniquement à même de préparer un budget.

Pour rappel, le ministre des Finances a un pouvoir hiérarchique sur les administrations chargées des finances.
Il s’agit principalement de 4 administrations :

  1. La direction de la réforme budgétaire, créée par la LOLF, qui a pour objectif de permettre d’appliquer les principes de la LOLF.
    Elle a donc pour objectif de permettre le passage à une logique de résultat dans le projet de loi de finances (logique de new public management).
  1. La direction du budget a un rôle central : à N-2, elle commence à préparer le projet de loi de finances, en effectuant un travail d’évaluation et d’analyse des besoins financiers de la France, ce qui permet d’établir un préprojet de lois de finances et donc d’établir un cadre général.

    Cette intervient ensuite directement dans la préparation du budget, puisque c’est elle direction qui conduit les discussions interministérielles, afin de pouvoir établir un arbitrage entre les différents ministres.

    Enfin, elle est chargée chargée d’exécuter le budget.
    → Intervient en amont et en aval.

    C’est bon véritablement la direction de Bercy, qui intervient à toutes les étapes de la loi de finances, et prépare également la loi de règlement.

    Elle a la compétence technique et juridique de faire le projet et de l’exécuter, alors que les autres directions de Bercy interviennent pas pour préparer concrètement le budget.

  1. La direction générale du Trésor intervient pour établir les diagnostics macroéconomiques à côté de l’INSEE.
    Elle a donc pour rôle principal de déterminer tous les éléments qui sont connexes au budget mais indispensables (prévisions macroéconomiques, en termes de chômage et d’emploi…).
    Elle détermine le cadre économique dans lequel se situe le projet en cours, afin d’avoir une idée de l’influence de ce cadre économique sur le projet de budget, mais aussi pour connaître l’influence de ce budget sur ce cadre économique.
  1. La direction général des finances publiques (DGFiP) est la direction de Bercy qui a une expertise principale en matière d’élaboration des dispositions fiscales, qu’elles soient législatives ou réglementaires.

    Son attribution est directement en lien avec le projet de loi de finances, puisqu’elle porte sur la détermination des recettes fiscales et sur leur évaluation.

    La DGFiP intervient également parce qu’elle a un rôle central dans le recouvrement des recettes de l’État : c’est à ce service qu’on paie les impôts, donc c’est ce service qui peut établir les recettes de l’État pour la loi de règlement.

Ces directions dépendent de Bercy, ce qui assoit considérablement son pouvoir par rapport aux autres ministres.

La LOLF a essayé de développer la place des parlementaires dans la préparation de la loi de finances, par son article 48.
Concrètement, à partir des années 1990, on assiste à la création d’un débat d’orientation budgétaire, qui a pour but d’informer les parlementaires sur le projet en cours de création.

L’information a généralement lieu après l’examen de la loi de règlement.
En 4 mois, on a donc : loi de règlement, puis débat d’orientation budgétaire, puis projet de loi de finances.

Depuis 2005 et la LOLFSS, ce débat est devenu le débat d’orientation des finances publiques, puisqu’il porte tant sur le projet de budget de l’État que sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le gouvernement va devant chacune des 2 assemblées pour présenter les grandes lignes de son futur projet.
Il y a ensuite un débat dans l’hémicycle, qui ne donne pas lieu à un vote.

C’est une évolution considérable, d’autant plus que la Cour des comptes produit avant le débat un rapport préliminaire portant sur le cadre général des finances publiques → permet aux parlementaires d’avoir de l’information extérieure fiable.

Ce débat a été en partie modifié en 2021.
Il a désormais lieu au printemps, pour qu’il ait lieu en même temps que l’examen du programme triennal de stabilité, qui explique comment, sur les 3 ans à venir, l’orientation des finances publiques va permettre de s’approcher des critères de stabilité européens.

À partir de 2023, ces débats commenceront donc plus tôt, et l’on intégrera une approche triannuelle à l’approche annuelle du débat d’orientation des finances publiques.
Objectif : permettre aux parlementaires d’avoir, en 1 débat, une vision d’ensemble.

B – Le cadrage macro-économique

Si le gouvernement dispose juridiquement quasiment des mains libres, il est limité par le cadrage macro-économique, qui repose sur l’idée qu’on ne peut pas faire un projet de budget sans s’intéresser au cadre économique dans lequel il est réalisé.

Le gouvernement est donc limité par un double cadrage :
1- par les prévisions économiques ;
2- par les prévisions financières.

L’article 1 de la LOLF évoque un équilibre économique.
La direction générale du trésor fait donc un “budget économique”, avec comme objectif de déterminer des prévisions sur les activités économiques à venir.

Ces prévisions sont ensuite transmises à un organe indépendant, la Commission économique de la nation, composée d’experts en économique, chargée d’émettre des avis sur les prévisions effectuées par la Direction générale du Trésor.
Objectif : avoir un organe extérieur qui intervient dans la détermination de ce cadrage économique, pour s’assurer que le gouvernement n’a pas caché ou modifié à dessein des prévisions économiques, puisque de ces prévisions économiques dépendent la logique financière du projet et surtout sa faisabilité financière.

À côté de ce cadrage économique, on a des prévisions financières, qui ont été pendant longtemps marginales en France et qui n’ont été développées qu’à partir de 1994 sous l’empire de la doctrine du new public management.
Idée : il faut une efficacité efficacité dans la gestion des deniers publics.

Cette prévision financière est issue d’un double mouvement : mouvement interne, avec le développement des lois d’orientation quinquennales (aujourd’hui lois de programmation des finances publiques) + mouvement européen, avec le pacte de stabilité et de croissante (PSC, 1997), qui a imposé aux États membres la transmission à la commission de leurs programmes triennaux de stabilité.

Objectif : établir les prévisions financières pour les 3 ou 4 années à venir → savoir comment le projet en cours de rédaction s’inscrit dans ces prévisions et comment il doit permettre de remplir ces prévisions.

Le Haut Conseil des finances publiques a un rôle essentiel dans cette matière, puisqu’il apporte une expertise impartiale aux parlementaires et à l’Union européenne sur le cadre financier et sur la faisabilité financière du projet.
Concrètement, il émet un avis public afin de préciser si le projet du gouvernement est réaliste et s’il ne méconnaît pas ou ne risque pas de méconnaître les critères fixés par l’Union européenne.

Le Haut Conseil des finances publiques a donc un double intérêt : il apprécie lui aussi le cadrage macroéconomique effectué par le gouvernement (via la Direction générale du Trésor) et surtout il vérifie que le gouvernement n’a pas surévalué les critères économiques.
Idée : éviter que le gouvernement se fonde à dessein sur des prévisions qui sont trop optimistes et qui vont artificiellement augmenter les prévisions de recettes.

Il apprécie ensuite la trajectoire financière de l’État afin qu’il se rapproche de l’équilibre structurel.
Son avis ne lie pas le gouvernement, mais il peut avoir une influence politique forte et peut pousser la Commission européenne à engager une procédure contre l’État afin d’essayer de le forcer à modifier son projet de loi de finances.

En conclusion :

  1. Le gouvernement n’est pas totalement libre dans la préparation du projet de lois de finances et il ne peut pas faire ce qu’il veut, puisque pèse sur lui une épée de Damoclès : la Commission européenne, avec les critères de convergence européens.
  1. Dans la préparation du projet de loi de finances, les différentes étapes qui s’imposent au gouvernement (débats, cadrages) sont une source d’amélioration de la sincérité budgétaire, puisqu’ils forcent le gouvernement à s’appuyer sur des données fiables et à présenter de manière sincère la trame de son budget.

Ces étapes participent donc d’une meilleure transparence et d’une meilleure lisibilité du projet qui sera présenté.

C – Le processus de négociation et d’arbitrage

Le gouvernement dispose d’une liberté qu’il a tenté d’utiliser pour s’adapter à la logique de la LOLF (= logique de résultat et de performance).

La procédure de construction de la loi de finances est historiquement non déterminée, et la LOLF n’a pas remis en cause cette liberté gouvernementale.

Le gouvernement avait déjà tenté de revoir cette procédure de construction, pour adopter une procédure de rationalisation des choix budgétaires.
Idée dans les années 1960-70 : les ministères présentent leurs souhaits en termes de finances publiques dans des projets de budgets qui sont pluriannuels et rationnels.
Mais cette tentative a échoué à cause de la logique de l’ordonnance de 1959, dont on a vu qu’elle n’organisait pas une vision de résultats, mais qu’elle laissait les ministères libres dans la répartition des crédits.

La LOLF organise aujourd’hui la répartition des crédits par mission et par programme, mais en 1959 les crédits étaient répartis au sein des ministères.
Les ministères avaient tendance à utiliser l’intégralité des crédits → peu d’aspects rationnels.

Après la LOLF, le gouvernement a tenté de rationaliser et d’organiser la procédure de création de budget, ce qu’il a fait fait par une circulaire du Premier ministre du 21 janvier 2005 qui cadre cette procédure de création du budget.
Les Premiers ministres ont un pouvoir fondamental pour cadrer cette construction du budget.

Cette circulaire précise également une temporalité générale à suivre, permettant sur 8 mois de construire un projet de loi de finances.

  1. 1ère étape : les séminaires budgétaires, entre janvier et février, qui vont permettre à chaque ministère de préciser quelles sont leurs volontés générales pour l’année à venir.
    Ces séminaires permettent de créer une sorte de solidarité gouvernementale face aux stratégies financières pour l’année à venir, puisque les ministres vont être intégrés à la détermination de cette stratégie.
    Ils se déroulent parfois en dehors de Paris pendant 1 semaine.
  1. Des réunions techniques se déroulent de mars à avril entre services des ministères et la Direction générale du budget.
    > Réunions de budgétisation (résultats budgétaires de l’année passée) ;
    > Conférences de performance, dans lesquels chaque ministère va préciser, pour les programmes qui dépendent de son ministère, quels sont les objectifs pour l’année à venir et quels pourraient être les indicateurs de performance.
  1. Le Premier ministre intervient directement autour d’avril : il transmet une lettre de cadrage à tous ses ministres, qui indique les stratégies effectivement retenues et les stratégies qui seront à la base du projet de loi de finances.
    Cela permet de trancher les premiers conflits entre ministres, en déterminant un cadre général.
    Base : article 21 de la Constitution, qui dit que le PM dirige le gouvernement → il cadre son action.
  1. En même temps, le gouvernement adresse à la Commission européenne son programme de stabilité → début du contrôle de la Commission sur le respect des obligations européennes.
  1. Les conférences de budgétisation sont le pendant des réunions techniques : c’est au cours de ces réunions que les ministères vont négocier les demandes d’ouverture de crédit pour l’année à venir.

    Les autorisations d’engagement sont le plafond maximum de dépenses qui peut être ordonné sur plusieurs années.
    Le crédit de paiement est le plafond maximum de dépenses pouvant être autorisées chaque année dans le cadre des autorisations d’engagement.
    Exemple : pour la construction d’un bâtiment public, on vote 5 millions d’€ d’autorisation d’engagement.

    Le rôle central de Bercy est de négocier, mais c’est le Premier ministre qui tranche.

    Ces demandes doivent se faire à l’€ près, dès lors que dans le projet de loi de finances chaque demande d’ouverture de crédit doit être justifiée à l’€ près.

  1. En juin, la Commission européenne va envoyer à la France ses recommandations par rapport au projet qui lui a été envoyé en avril.
    Elle peut mettre en place le volet préventif en cas de dépassement des critères de convergence.
  1. Après les conférences de budgétisation, le Premier ministre envoie à ses ministres une lettre de plafond qui détermine pour chaque mission :
    > quel est le plafond maximum d’ouverture de crédit ; et
    > quel est le plafond maximum d’ouverture d’emplois ministériels.
    Les gagnants sont ceux qui ont une lettre de plafond qui va dans leur sens.
  1. Le débat d’orientation des finances publiques a lieu généralement à l’Assemblée nationale et au Sénat entre fin juin et juillet.
    Il s’agit d’un débat qui ne fait pas l’objet d’un vote, mais qui permet une prise d’informations.

    Le “printemps d’évaluation” correspond à cette période de contrôle du gouvernement en matière financière, issue d’une volonté politique de l’ancien président de l’Assemblée nationale François de Rugy.
    Objectif : que les parlementaires aient une vision gloable de la gestion publique, dès lors que vont bénéficier en plus d’une information par la Cour des comptes.

    La loi organique de 2021 a donc pour objectif d’accroître l’intervention des parlementaires dans la construction du budget, mais sans leur permettre juridiquement de le modifier.

  1. La conférence de répartition, de juillet à mi-août, correspond dernière étape principale.
    Dans le cadre des plafonds fixés par le PM, les crédits sont répartis par programme : la lettre de plafond prévoit des plafonds de dépense par mission.

    Ces conférences de répartition permettent de répartir ces plafonds entre les programmes d’une même mission + de finaliser le projet annuel de performance qui existe pour chaque programme, et qui sera précisé dans les bleus budgétaires, qui indique ce qu’on peut faire et comment il est possible de contrôler.

    La loi organique de 2021 prévoit une certaine évolution, dans la mesure où les objectifs et indicateurs de performance pourront dorénavant aussi être votés et amendés par le Parlement.
    → Intégration directe de la logique de résultat.
    Idée : les indicateurs de performance doivent être mieux construits et permettre effectivement d’évaluer l’action du gouvernement.

C’est la fin du projet de loi de finances, qui est conclu entre août et fin septembre.
Tous les documents annexés sont terminés à cette date.

Enfin, le gouvernement envoie son projet de loi de finances au Conseil d’État, qui rend un avis.

La discussion parlementaire commence alors à l’Assemblée nationale, qui durera 70 jours, afin qu’il y ait une adoption autour du 15 décembre (pour laisser le temps au Conseil constitutionnel d’examiner la loi s’il est saisi).

Le projet est nécessairement déposé en premier devant l’Assemblée nationale, parce que les députés sont élus au suffrage universel direct → l’appréciation du consentement à l’impôt est plus importante.
On donne 40 jours à l’Assemblée nationale et 20 jours au Sénat.
L’AN a plus de temps + les amendements des sénateurs sont plus limités → bicamérisme inégalitaire.

Une fois que les 9 mois de préparation sont écoulés, il y a 2 mois de discussion et d’adoption de la loi de finances :

§ 3. L’adoption de la loi de finances

L’adoption de la loi de finances est un moment clé de la construction d’un budget, puisque la représentation nationale va exprimer son consentement pour percevoir des recettes et procéder à des dépenses.
C’est donc aussi un moment clé de l’année parlementaire (pour certains, un moment trop important, puisque cette discussion limite la capacité d’examiner d’autres textes…).

Cette procédure est parfois critiquée, puisque les heures de débat ne vont conduire qu’à des modifications, d’autant plus lorsque le gouvernement a recours au 49-3, puisque tous les débats qui ont eu lieu sont choisis par le gouvernement.

On constate aujourd’hui un besoin d’équilibre entre la nécessité d’adopter un projet de loi de finances et la nécessité que la représentation nationale ne soit pas bâillonnée.

Sous la 3ème République, il était régulier que la loi de finances ne soit adoptée qu’en mai ou juin de l’année d’application ; jusqu’à cette période, on appliquait le droit antérieur pour percevoir les recettes et procéder aux dépenses.
On additionnait toutes les recettes et dépenses de l’année précédente et on les divisait par 12 pour avoir une moyenne de ce que l’on peut dépenser par mois.

Ce n’était pas très respectueux du consentement à l’impôt, donc la 5e République a fait le choix de limiter la discussion parlementaire.
Idée : le plus important, c’est d’avoir une loi de finances au 1er janvier, plutôt que d’avoir une discussion parlementaire.

L’objectif de la LOLF est de revaloriser le parlement, surtout qu’elle est d’origine parlementaire.
Cependant, le parlement n’a été revalorisé qu’à la marge, surtout avec la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui a en grande partie exclu la matière financière des compétences du Parlement.
On a donc un Parlement très limité, alors même que les régimes parlementaires se sont développés en partie grâce aux finances publiques.

Aujourd’hui, le pouvoir des parlementaires est encadré, mais les difficultés ne sont pas uniquement juridiques : on remarque que la LOLF a du mal à modifier les pratiques des parlementaires et à intéresser les parlementaires.

A – Le rôle renforcé des commissions permanentes

Les commissions permanentes correspondent aux commissions qui sont organisées au sein du Sénat et de l’Assemblée nationale.
Elles sont permanentes puisqu’elles existent quoi qu’il arrive.

Il est aussi possible de créer des commissions temporaires pour certains sujets transversaux.
Par exemple, une commission sur la réforme des retraites pourrait être envisagée.

Au sein des 2 assemblées, il existe une commission des finances, qui a pour rôle d’examiner les textes ayant une influence financière.
La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 n’a pas modifié le rôle de ces commissions des finances.

Dès lors que le texte discuté en séance publique n’est pas le texte tel que modifié en commission, mais bien le texte qui a été initialement présenté par le gouvernement, cela signifie que les commissions des finances n’ont pas la capacité de modifier le projet de loi de finances.

💡
Le rôle des commissions n’est fortement atténué de cette matière (= ne peuvent pas modifier le projet de loi) que dans 3 domaines :
1- en matière de lois de finances ;
2- en matière de lois de révision de la Constitution ;
3- en matière de lois relatives à l’État d’urgence.

En effet, sous les 3ème et 4ème République, les commissions avaient un rôle trop prépondérant : les commissions des finances pouvaient modifier le texte avant qu’il ne soit présenté en séance publique, donc le texte discuté n’avait au final plus grand chose de financier.
Par exemple, en 1911, 80% des articles de la loi de finances n’avaient rien à voir avec les finances publiques (= cavaliers budgétaires).

De plus, sous les 3ème et 4ème République, les membres des commissions des finances jouaient beaucoup sur la carrière politique du ministre des finances.
Jèze affirmait que « les membres des commissions des finances se comportent comme des héritiers présomptifs des ministres au pouvoir ».
Le sort du ministre des Finances dépendait de ces commissions et les membres de ces commissions se voyaient tous comme le possible futur ministre.

Conséquence : ces commissions des finances provoquaient très régulièrement la chute du ministre des Finances en espérant pouvoir le remplacer.
→ Contrôle exclusivement politique des finances publiques.

La LOLF a tenté de revaloriser ces commissions à plusieurs titres.
Tout d’abord, la LOLF a augmenté l’information transmise aux commissions des finances dans le cadre de l’exécution budgétaire, puisque les commissions des finances vont pouvoir donner leur avis sur les modifications du crédit en cours d’année.

Les commissions des finances ont aussi vu leur rôle renforcé.
Ce rôle renforcé est d’abord dû à l’organisation même de ces commissions : elles sont composées d’un président, d’un rapporteur général et d’un rapporteur spécial.
Depuis 2007, à l’Assemblée nationale, le président de la commission des finances est choisi parmi l’opposition.
Depuis 2011, la présidence de la commission des finances du Sénat est également attribuée à un membre de l’opposition.

Lorsqu’il faut élire le président de la commission des finances, la majorité ne vote pas → elle laisse les oppositions choisir, pour 3 raisons principales :

  1. Le président de la commission est l’interlocuteur privilégié du gouvernement au moment de l’adoption ou au moment du contrôle de la loi de finances ;
  1. Le président de la commission a un rôle sur le contrôle de la recevabilité des amendements, donc donner ce rôle à l’opposition permet de contrebalancer l’hyperpuissance gouvernementale et le fait majoritaire ;
  1. Le président de la commission des finances peut aller à Bercy pour faire des contrôles sur pièce – il dispose donc d’un droit de regard sur l’administration fiscale et financière → lui permet d’avoir accès à des informations.
    Or, en matière parlementaire et financière, l’information c’est le pouvoir !

Le rapporteur général est issu de la majorité.
Il est à l’origine du rapport général sur le projet de loi de finances = rapport parlementaire qui constitue une lecture du projet de loi de finances autre que celle du gouvernement.

+ une cinquantaine de rapports spéciaux, qui portent sur les différentes missions et qui constituent des sources d’information pour les parlementaires.

L’article 49 de la LOLF permet aux commissions des finances d’adresser au gouvernement, avant le 10 juillet, des questions sur le projet de loi de finances.
Le gouvernement doit répondre au plus tard avant le 10 octobre = au moment du début des débats à l’Assemblée.
Objectif : améliorer l’information des parlementaires et forcer le gouvernement à donner son avis et ses raisons sur le projet qu’il présente.
Dans l’hypothèse où le document ne serait pas transmis, ils peuvent faire un référé.

Ces commissions des finances sont obligatoirement saisies du projet de loi de finances, ce qui veut par exemple dire qu’un article 49 aliéna 3 ne pourra être mobilisé qu’après intervention des commissions.

Enfin, ces commissions ont une véritable influence sur la discussion à venir du projet, même si leurs amendements ne modifient pas le texte, au regard de 2 éléments :

  1. Les rapports écrits qu’ils proposent justifient et sont à l’origine des débats qui suivent, donc ces rapports sont à la source des amendements présentés en séance ;
  1. Près de 90% des amendements adoptés en séance publique ont été préparés au préalable par la commission des finances, qui a donc une véritable influence sur le fond de la discussion à venir.

La Cour des comptes peut être saisie par le présent de la commission des finances ou par le rapporteur général pour réaliser toute enquête qu’il demande.
Elle doit donner ses conclusions sous 8 mois.

Cela permet de bénéficier d’une enquête extérieure sur les politiques publiques.
Les résultats de cette enquête peuvent être à la source de propositions d’amendements.

En matière d’amendements, le président de la commission des finances contrôle leur recevabilité.
Il s’assure notamment que ces amendements peuvent être constitutionnellement présentés, parce que l’article 40 de la Constitution encadre très (trop ?) fortement le pouvoir d’amendement des parlementaires.

B – L’exercice encadré du droit d’amendement parlementaire

L’article 40 de la Constitution précise 2 limites :
”Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence :
1- soit une diminution des ressources publiques ;
2- soit la création ou l’aggravation d’une charge publique.”

La seule possibilité constitutionnelle qu’ont les parlementaires est donc d’augmenter les recettes ou de diminuer les dépenses.
Sur la moitié du projet de loi de finances, les parlementaires ne peuvent donc pas proposer de modifications, puisqu’ils ne peuvent pas diminuer un impôt et ne peuvent pas prévoir de créer une nouvelle dépense publique.

C’est un problème, parce que le droit d’amendement est au fondement même du pouvoir parlementaire.

Cet article 40 s’applique à toutes les lois, mais il a des implications plus importantes en matière financière.

En séance publique, les parlementaires comme les gouvernements peuvent proposer des amendements, mais seuls les parlementaires sont limités.
Motif : crainte que les parlementaires, pour des raisons politiques, ne détériorent les finances publiques (pour « faire plaisir » à leur base).

Les parlementaires ont cependant trouvé des capacités d’agir.

La 1ère a été développée par la pratique des sénateurs, qui ont remis en cause l’impossibilité de diminuer une ressource en proposant un amendement qui diminue une ressource mais en augmente une autre ; cette pratique est utilisée depuis.

Idée : si un parlementaire veut diminuer une recette de l’État, il va en contrepartie augmenter la taxe sur le tabac.
Les parlementaires laissent le gouvernement faire un choix : si l’amendement est adopté, le prix du tabac explose, ce qui n’est pas tenable politiquement.
Le gouvernement peut alors « lever le gage » = reprendre à son compte l’amendement proposé, en supprimant l’augmentation de la taxe tabac.

Conseil constitutionnel, 1976, Règlement du Sénat :
Le Conseil constitutionnel a validé ce mécanisme en déclarant qu’il ne constituait pas de véritable diminution des ressources puisque l’équilibre budgétaire est maintenu.

L’article 47 de la LOLF permet aux parlementaires de déposer un amendement qui va aggraver une charge ou créer une charge si et seulement si cette création ou aggravation est composée au sein de la même mission.
Cela permet seulement aux parlementaires, au sein de cette même mission, de créer une nouvelle dépense en en limitant une autre.
Le Conseil constitutionnel a validé en 2020 cette procédure, en considérant qu’elle n’allait pas à l’encontre de l’article 40.

Concrètement, au sein d’une mission, les parlementaires vont pouvoir créer un nouveau programme qui n’existait pas en lui affectant des dépenses et ils vont compenser ces dépenses en prenant au programme qui existait déjà dans cette même mission.
Le droit d’amendement est limité au sein des missions, au sein des budgets annexes et au sein des comptes spéciaux, puisque les budgets annexes et les comptes spéciaux correspondent à une mission.

L’article 40 est toujours très discuté.
Par exemple, le député René Pleven fait remarquer en 1959 que l’article 40 aurait interdit la suppression de la peine de mort par voie parlementaire, parce que supprimer la peine de mort aurait conduit à aggraver les charges publiques (ça coûte plus cher de garder quelqu’un en prison que de lui couper la tête).

L’article 40 interdirait ce type d’amendements parlementaires, ce qui est absurde.
Il repose sur l’idée que les parlementaires sont des mauvais gestionnaires publics et que le gouvernement s’assurerait de la soutenabilité des finances.
Or, depuis que l’article 40 existe, la dette publique a explosé → signifie que le gouvernement n’est pas bon gestionnaire public.

Cela peut amener à penser que les parlementaires ne seraient pas en soit des dépensiers et que supprimer l’article 40 ne reviendrait pas à ouvrir les vannes des finances publiques.
Les statistiques montrent que les parlementaires ne font que très peu de propositions d’amendement qui sont contraires à l’article 40 (7% des amendements à l’Assemblée et 4% au Sénat).

Il y a une distinction à opérer entre les sénateurs et les députés.
En effet, les députés bénéficient d’un droit d’amendement plus important : ils examinent en premier le projet de loi de finances.

Les amendements des sénateurs sont limités, puisque les sénateurs ne pourront proposer des amendements que sur une question déjà existante dans le projet de loi de finances ou sur une question qui a été créée par un député.
Ils ne peuvent pas poser de nouvelles questions au moment de l’examen de la loi de finances, parce qu’elle doit être adoptée dans des délais relativement stricts.
→ La discussion doit être efficace.

Objectif de la discussion du parlementaire : que les 2 assemblées votent le même texte.
Comme l’Assemblée nationale se prononce en premier, on contraint le Sénat à ne discuter que du texte tel qu’il résulte de l’assemblée.
Cela permet de limiter un élargissement du débat parlementaire qui n’aurait pas été envisagé par les députés et donc d’éviter de relancer la navette parlementaire.

Ces justificatifs sont-elles suffisantes pour limiter l’un des droits les plus fondamentaux de la démocratie représentative ?
Le professeur Ducharme ne le pense pas.

C – La discussion et le vote

Ce marathon budgétaire qui dure 2 mois est particulièrement encadré, dans la mesure où la loi de finances de l’année doit être adoptée avant le 31 décembre.

Pour ce faire, la discussion parlementaire est segmentée temporellement entre l’Assemblée nationale et le Sénat.
Devant l’Assemblée nationale, 40 jours sont attribués pour voter en 1ère lecture la loi de finances.

On divise le débat parlementaire, puisque la 1ère semaine porte exclusivement sur la 1ère partie du texte.
Ce n’est qu’une fois que cette première partie est adoptée que l’étude de la seconde partie commencera.

Conseil constitutionnel, 1979, Loi de finances pour 1980 :
Si la seconde partie est étudiée avant le vote de la 1ère partie, la loi de finances est entièrement contraire à la Constitution.
Il faut donc respecter cet ordre.

Après cette 1ère semaine, l’ordre du jour restant (généralement 4 semaines) est consacré exclusivement à la répartition des crédits au sein des missions.
Généralement, les ministres concernés viennent justifier leurs demandes et défendre leurs projets dans l’hémicycle.

Ensuite, l’ensemble de la loi de finances est votée en 1ère lecture :

  • Soit normalement, par un vote de l’ensemble des députés sur ce projet ;
  • Soit par l’article 49 alinéa 3 ;
  • Soit par la procédure du vote bloqué, prévu à l’article 44 de la Constitution, qui permet à tout moment au gouvernement d’arrêter les débats.

Le Sénat ne dispose que de 20 jours, mais la commission des finances du Sénat commence à travailler le texte avant qu’il ne soit adopté par l’assemblée.

Le Sénat procède de la même façon, mais avec 1 différence : devant le Sénat, il n’y a pas d’article 49 al 3, ce qui veut dire que le gouvernement ne peut pas engager sa responsabilité pour faire adopter le texte.

Si le Sénat vote un texte identique à celui de l’Assemblée nationale, la procédure s’arrête là → la loi de finances est adoptée, ce qui permettrait dans le meilleur des cas d’avoir un vote de la loi de finances autour de fin novembre / début décembre.

Si le Sénat n’adopte pas un texte similaire à celui proposé par l’assemblée, une nouvelle procédure est engagée.
La LOLF et la Constitution prévoient que les lois de finances sont adoptées suivant la procédure accélérée (prévue à l’article 45 de la Constitution).
Sauf pour la loi de règlement, dès lors que la loi de règlement n’a pas besoin d’être adoptée avant une date particulière.

Cette procédure accélérée conduit à ce que, en cas de désaccord entre le Sénat et l’Assemblée, une commission mixte paritaire est réunie.
(alors qu’en temps normal, une CMP ne peut être réunie qu’après 2 lectures par les chambres)

C’est un pouvoir du gouvernement, ça n’est pas une obligation.
Il peut laisser la navette parlementaire continuer, potentiellement indéfiniment.
La CMP tente de trouver un accord entre les députés et les sénateurs. Elle est composée à parité entre les députés et les sénateurs.

Généralement, il y a désaccord.
En cas de désaccord ou en cas d’accord, le texte est remis à la commission.
En cas d’accord de la CMP, les 2 chambres votent pour dire si elles acceptent ce compromis ; en cas de désaccord, le texte revient devant l’Assemblée nationale, qui dispose de quelques jours pour le discuter et le voter.
Cela nous amène généralement au 10 décembre ; idem au Sénat, qui se prononce sur le texte voté par l’Assemblée.

Si les 2 chambres n’ont toujours pas voté le même texte, le dernier mot est donné à l’Assemblée nationale, dans ce que l’on appelle une lecture définitive.
Le 49 al 3 pourra être remobilisé en lecture définitive pour faire adopter le projet de loi de finances.

C’est un processus long, qui conduit ensuite à la saisine du Conseil constitutionnel.
💡 C’est une saisine facultative, mais qui a lieu dans l’immense majorité des cas.

Il se prononce rapidement pour que les parties de la loi qui sont conformes à la Constitution puissent être promulguées.
Cela signifie que, par exemple, les cavaliers budgétaires seront déclarés contraires à la Constitution et ne pourront donc pas être promulgués.

Le Conseil constitutionnel effectue ce contrôle en s’appuyant sur l’ensemble des normes ayant valeur constitutionnelle.
Il vérifie également que la loi de finances respecte les dispositions prévues par la LOLF.

Il effectue donc une sorte de contrôle de constitutionnalité de la loi de finances par rapport à la LOLF, alors même que la LOLF n’a pas valeur constitutionnelle.
Cela est justifié par le fait que l’article 34 de la Constitution précise que les lois de finances sont votées « dans les conditions et sous les réserves de la loi organique ».

Une fois cette loi contrôlée, elle est promulguée par le Président de la République et enfin publiée au Journal officiel.

La discussion de la loi de finances ne laisse guère de place au Parlement, dont le rôle est souvent jugé négligeable.
Certains voient le Parlement comme un imprimeur, qui va juste chercher les coquilles dans le texte présenté par le gouvernement → parce que le Parlement est fortement encadré par la Constitution, et qu’il n’a pas été suffisamment libéré par la LOLF.

Ce constat ne doit pas être totalement noirci, puisque généralement une loi de finances contient 2 fois plus d’articles après son examen par les parlementaires.
Il y a donc une influence normative des parlementaires sur la loi de finances.

L’adoption des projets de loi de finances est donc une adoption qui est encadrée temporellement et normativement.

Si le Parlement est limité par le gouvernement, le gouvernement lui-même est limité dans sa marge de manœuvre : il n’est pas tout puissant.
Outre une possible responsabilité politique, le gouvernement est limité par les critères de l’Union européenne + sa marge de manœuvre est limitée par « les dépenses obligatoires » (= payer le personnel, payer les retraites, payer la dette).

§ 4. L’exécution des lois de finances

Le gouvernement dispose de moyens pour adapter la loi de finances, en s’éloignant quelque peu de ce qui est prévu, en ouvrant de nouveaux crédits ou en déplaçant des crédits d’un programme à un autre.
La loi de finances, pour son exécution, laisse donc une certaine margé de liberté au gouvernement, qui pourra moduler soit l’affectation des crédits soit leur montant.

Cela pose d’abord une difficulté juridique, puisque ce sont des décrets qui vont venir modifier ce que la loi avait prévu, parce que la LOLF autorise le gouvernement.
Question : comment contrôle-t-on ces modifications ? Logiquement, si on donne une marge de manœuvre au gouvernement, il faut pouvoir, pour le parlement, contrôler cette marge de manœuvre pour s’assurer qu’elle n’est pas incompatible avec la loi de finances et qu’elle respecte l’autorisation donnée par la représentation nationale.

Principe de la LOLF : conserver une marge de manœuvre pour le gouvernement en l’encadrant plus fortement.
La LOLF considère que le gouvernement doit pouvoir s’adapter, mais qu’il doit aussi y avoir un contrôle efficace de ces adaptations.

L’article 20 de la Constitution prévoit que “le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation”.
→ Il est logique qu’il appartienne au gouvernement d’exécuter cette loi de finances.

Il faut avoir à l’esprit que la loi de finances organise 2 modalités différentes, dans la mesure où elle est un acte d’autorisation qui a une incidence différente entre les recettes et les dépenses :

  1. En matière de recettes, la loi de finances pose une obligation de les percevoir.
    → Obligation de prélever l’impôt tel qu’il a été voté et autorisé.

    Motif : question d’égalité entre les contribuables.
    Les articles 13 et 14 de la DDHC affirment ainsi que l’on doit contribuer aux charges de l’État en fonction de nos ressources.
    Conséquence : le gouvernement (en l’espère, la DGFI) doit obligatoirement prélever l’impôt.
    Mais souvent, il décide gracieusement qu’on n’a pas à payer l’impôt (dégrèvement).

  1. En matière de dépenses :
    Conseil d’État, 1928, Jaurou :
    L’autorisation de dépenses ne vaut pas obligation de dépenses.
    En effet, une loi de finances fixe un plafond maximum de dépenses, à charge pour le gouvernement de déterminer de combien de dépenses il a besoin pour mener à bien sa mission.
    Le gouvernement peut donc geler des crédits lorsqu’il considère qu’ils ne sont plus utiles.

Cette loi de finances peut être adaptée en cours d’année par le vote d’une loi de finances rectificative.
C’est une procédure assez longue et lourde à mettre en oeuvre, mais qui est juridiquement la procédure normale de modification de la loi de finances initiale (”ce que la loi a fait, seule la loi peut le défaire”).

Le début de l’exécution budgétaire, c’est la répartition des crédits entre les programmes qui est proposée par le gouvernement et qui est validée par le Parlement.
Cette répartition a valeur législative, mais la 1ère action que prend le gouvernement, c’est de prendre un décret de répartition.

Objectif : répartir les crédits au sein des programmes.
Le décret de répartition fixe l’architecture précise des crédits, alors que la loi de finances s’était arrêtée à une répartition générale.
Ces décrets de répartition sont le premier acte de répartition de la loi de finances que va prendre le gouvernement.

L’exécution de la loi de finances a été profondément modifiée avec une idée générale : la modernisation de la gestion publique avec la théorie du new public management.
Idée : cette théorie veut que l’État ait une gestion publique proche de la gestion privée, qui repose nécessairement sur l’idée de ne pas dépenser à tort + de contrôler l’utilité des dépenses.

Cette idée a été transcrite dans le décret GBCP de 2012, qui est la traduction, pour la matière comptable, de la LOLF.
Il organise la comptabilité publique (= la présentation des comptes de l’État).

C’est au sein de cette comptabilité publique que le contrôle des dépenses de l’État est effectué, donc les présentations comptables retenues ont une influence directe sur l’étendue du contrôle de l’exécution budgétaire.
Ce décret de 2012 a totalement rénové la comptabilité publique, en essayant d’avoir une vision plus générale de la situation financière de l’État et une vision qui permette de connaître sur le moyen terme la situation financière de l’État.

A – Les instruments de l’exécution budgétaire

1) Les décrets de répartition initiale des crédits

Dès que la loi de finances initiale a été promulguée au Journal Officiel, le Premier ministre, sur le fondement de l’article 44 de la LOLF, prend un décret de répartition des crédits.

Concrètement, ce décret répartit les autorisations de crédit programme par programme aux ministères.
Cette répartition des crédits concerne donc le budget général, les budgets annexes et les comptes spéciaux.

Ce décret reprend donc les autorisations du Parlement pour les préciser et pour les répartir entre les ministères.

Ces crédits peuvent être annulés ou reportés sur l’année à venir.
Concrètement, si 100 millions d’€ sont ouverts pour un programme en 2021 et que tout n’a pas été consommé, le gouvernement peut reprendre dans son décret 3 millions d’€ pour l’année suivante.
Idée le pouvoir règlementaire peut considérer qu’il a besoin d’une fraction de ses crédits pour terminer l’action menée l’année passée.

Les articles 11 à 14 de la LOLF viennent préciser comment le gouvernement, par décret, modifie ce qui a été voté par le Parlement.
Idée de la LOLF : mieux encadrer cette exécution qui, avant 2001, était trop libre.
En effet, avant la LOLF, la Cour des comptes critiquait systématiquement l’exécution de la loi de finances par le gouvernement, en considérant que celui-ci avait détourné l’autorisation parlementaire.

Avant la LOLF, les décrets pris par le gouvernement permettaient de s’éloigner manifestement de ce qui avait été voté, soit en ce qui concerne le montant des crédits, soit en ce qui concerne leur répartition.
L’objectif de la LOLF n’est pas d’empêcher le gouvernement, mais de mieux l’encadrer ; il faut donc trouver un juste milieu très délicat entre la nécessité d’adaptation et la nécessité de respecter la loi.

La Cour des comptes a maintenu des critiques relatives à la sous-budgétisation (= pour le gouvernement, prévoir un montant de dépenses inférieur à ce qu’il sera nécessaire).
Le Parlement vote ce montant parce qu’il n’a pas les capacités techniques d’évaluer le montant des dépenses nécessaires pour mener une mission.

Le gouvernement prévoit un montant inférieur, en sachant qu’en cours d’année il pourra l’augmenter ou alors qu’il pourra y affecter des crédits devant financer un autre programme.
Le gouvernement sous-budgétise pour laisser penser que son budget est plus à l’équilibre, puisque les dépenses sont inférieures à ce qu’il sera nécessaire.

2) Les modifications règlementaires en cours d’exécution

La loi de finances rectificative est utilisée plusieurs fois par an, mais d’autres décrets permettent aussi de modifier la loi de finances initiale.

Tout d’abord, il est possible pour le gouvernement de modifier la répartition des crédits (= prendre un côté pour donner de l’autre), en utilisant les crédits globaux, prévus par l’article 11 de la LOLF.

Ces crédits globaux sont votés par le Parlement, mais ne sont affectés à aucun programme.
Ils permettent au gouvernement, par décret, de les affecter en cours d’exécution à tel ou tel programme, pour des raisons exceptionnelles.

Pour les dépenses accidentelles ou imprévisibles (= catastrophes naturelles), le gouvernement peut, par décret, prendre des crédits globaux pour les mettre dans un programme particulier, ce qui permet de répondre à ces dépenses accidentelles ou imprévisibles.
On est ici dans l’hypothèse où il y a une augmentation des rémunérations publiques qui n’était pas prévue initialement.

Dans ce cas-là, le gouvernement peut piocher dans ces crédits globaux pour les affecter à des dépenses de personnel.

Les virements de crédits permettent, entre programmes qui relèvent du même ministère, de prendre d’un programme pour donner à l’autre.
Dans ce cas-là, les crédits changent de nature, puisqu’ils vont être affectés à une logique différente.
Ils sont limités dès lors qu’ils contreviennent à l’autorisation parlementaire ; il y a 2 limites :

  1. Ce décret de virement de crédit ne peut pas être supérieur à 2% de ce qui figure dans les 2 programmes.
  1. Ce décret de virement ne peut être pris qu’en respectant certaines formalités : il faut un rapport du ministre des Finances qui est transmis aux commissions des finances des 2 assemblées.
    Il faut donc une information qui soit transmise aux commissions des finances pour expliquer les raisons de ce virement.

Les transferts de crédits, à la différence des virements, se font entre programmes de ministères différents.
Particularité : ce transfert doit conduire à ce que les sommes transférées soient utilisées pour une dépense similaire au programme initial.

Concrètement, dans cette hypothèse, le crédit ne change pas de nature, puisqu’il servira à ce qui était prévu à l’origine.
Il y a 1 seule différence : ce n’est pas le même ministère qui va dépenser l’argent.

Dès lors que cette nature du crédit n’est pas changée, il n’y a pas de limite de montant, puisque finalement l’argent sera utilisée pour ce que le Parlement avait voté.
La seule limite est formelle : ce décret est pris sur rapport du ministère des finances, qui est transmis pour information aux commissions des finances.

Pour que la logique de la LOLF s’applique, tout virement ou tout transfert doit être explicité dans les rapports annuels de performance, qui seront transmis avec la loi de règlement.
Idée : le Parlement, lorsqu’il contrôle la gestion, doit pouvoir effectivement contrôler la logique de ces répartitions de crédit.

Ces 2 modalités sont bien moins attentatoires que les décrets qui permettent de modifier le montant des crédits :

Les décrets d’avance permettent de modifier les lois de finances rectificatives.
L’article 13 de la LOLF permet au gouvernement, en cas d’urgence, d’augmenter les crédits affectés à un programme.
Il ne peut le faire qu’après avis du Conseil d’État et des commissions des finances ; ces avis ne lient pas le gouvernement, qui n’est pas obligé de les suivre.

Ces décrets permettent d’augmenter les dépenses jusqu’à 1,5% de la totalité de la loi de finances.
Si le gouvernement peut augmenter les crédits de 1,5%, il ne peut le faire que s’il supprime de manière équivalente un certain nombre de crédits : il doit supprimer des crédits dans d’autres programmes dans d’autres missions, ou alors il doit augmenter des recettes de manière équivalente.

Principe : le gouvernement ne doit pas modifier l’équilibre budgétaire tel qu’il a été voté par le Parlement.

Dernière condition : ces décrets d’avance doivent être ratifiés par la loi après leur adoption, c’est-à-dire qu’ils devront être ratifiés dans la prochaine loi de finances qui sera votée.

Cette procédure a été utilisée au tout début de la sécheresse de 2003, avant que ne soit adoptée une loi de finances rectificatives.
En urgence avant la loi de finances rectificative, le gouvernement bénéficie ainsi de nouveaux crédits pour lutter contre les effets de cette urgence.
Elle a également été utilisée dans le cadre de la grippe H1N1.

On est ici dans l’hypothèse d’une urgence et d’une nécessité impérieuse d’intérêt national, qui justifie le décret → véritable crise obligeant d’agir immédiatement.
Dans ce cadre, le formalisme beaucoup moins important : il est seulement nécessaire d’avoir l’avis du Conseil d’État et une simple information des commissions des finances.

À priori – mais la LOLF n’en dit rien – ces décrets peuvent porter atteinte à l’équilibre budgétaire au regard de la nécessité impérieuse.
Ces crédits doivent être ratifiés par le Parlement dans la prochaine loi de finances, ou bien immédiatement une fois qu’il se réunit de nouveau.
→ Situation d’exception justifiant une procédure exceptionnelle.

Par exemple, cette procédure a été utilisée à la mort de Pompidou en 1974, puisqu’une fois décédé, il était indispensable de dépenser en urgence des crédits pour mettre en oeuvre une nouvelle élection présidentielle, mais aussi pour rassurer les marchés financiers.

Les annulations de crédits permettent au gouvernement, pour éviter qu’il y ait une détérioration de l’équilibre budgétaire, d’annuler des crédits.
Ces annulations sont limitées à 1,5% des crédits ouverts.
Elles font l’objet d’un formalisme relativement réduit, puisqu’il faut seulement informer les commissions des finances.

Cette procédure peu utilisée, puisque le gouvernement préfère geler les crédits (= les bloquer pendant un certain temps) plutôt que de les annuler.
Concrètement, ces crédits gelés seront rendus indisponibles par décret du ministre des Finances, qui prendra ensuite un nouveau décret pour les dégeler et les rendre de nouveau disponibles.

Les reports de crédits :
Principe : en fin d’année, tout ce qui n’a pas été utilisé est perdu.
Mais le gouvernement peut, par décret, reporter des crédits de l’exercice précédent sur l’exercice suivant.

Les autorisations d’engagement constituent le montant maximum de ce que l’on peut dépenser sur plusieurs années pour mener une mission ; par exemple, 100 millions sur 4 ans.
Les crédits de paiement constituent le montant maximum de ce que l’on va pouvoir dépenser annuellement dans ce qui est prévu par les autorisations d’engagement ; pour le même exemple : chaque année, les crédits de paiement limitent combien l’on peut utiliser sur les 100 millions.
Les autorisations d’engagement peuvent être reportées d’une année sur l’autre sans limite, mais les crédits de paiement ne peuvent être reportés que dans la limite de 3% sur un programme équivalent.

Les fonds de concours, qui sont des dons et legs que l’on peut faire à l’État, sont automatiquement reportés, parce qu’ils sont affectés aux dépenses choisies par ceux qui ont versé les sommes.

Conclusion :
Toute la problématique consiste à déterminer si l’information du Parlement est suffisante lorsque le gouvernement souhaite modifier en cours d’année la loi de finances.
Sur ce point, la LOLF a permis d’accroître l’information du Parlement et principalement des commissions des finances.

Idée : les les commissions des finances sont le lieu où doit être réalisé le contrôle de l’exécution.
Pour qu’un contrôle efficace soit réalisé, il faut une information de ces commissions, qui s’accroît au fur et à mesure de l’atteinte portée à la loi de finances.

Cependant, une information n’est utile que si elle sert effectivement à un contrôle parlementaire.
Si le contrôle parlementaire est insuffisant, l’information n’apportera rien et n’aura pas d’utilité en soit.

B – Les opérations relatives à l’exécution budgétaire

La LOLF a voulu introduire une culture de management qui se traduit dans l’exécution, avec comme logique d’avoir une gestion publique qui soit inspirée du secteur privé.
Idée : mieux distinguer les fonctions de l’État et fixer à l’État une stratégie identifiable et évaluable.

Dans le cadre de l’exécution du budget, la LOLF et le décret GBCP de 2012 donnent une plus grande liberté aux gestionnaires publics pour exécuter la loi de finances.
Cette plus grande liberté trouve en contrepartie une responsabilité accrue.
→ Cette responsabilité des gestionnaires publics est la contrepartie de leur capacité d’agir.

Concrètement, la logique actuelle consiste à responsabiliser les gestionnaires publics pour les seules erreurs importantes qu’il commettent, pour éviter une paralysie de l’exécution des gestionnaires publics.

Les gestionnaires publics sont divisés en 2 grandes catégories :
1- les ordonnateurs ;
2- les comptables.

Cette division est au fondement de l’exécution budgétaire.
Elle repose sur l’idée que ce ne doit pas être la même personne qui décide de la dépense et qui procède à la dépense.

À partir du 1er janvier 2023, les ordonnateurs et les comptables seront soumis à un contrôle similaire de la Cour des comptes.

La LOLF et le décret de 2012 ont essayé de rénover cette répartition entre ordonnateurs et comptables, pour permettre une action plus efficace.

Dans un 1er temps, la LOLF a imposé à ce que soit repensée la comptabilité publique.
Le décret de 2012 a traduit juridiquement cette obligation en créant de nouvelles comptabilités publiques et notamment une comptabilité dite générale.
Cette comptabilité générale s’inspire de ce qui se fait dans les entreprises pour l’appliquer à l’État.

Cette nouvelle comptabilité publique est censée améliorer le contrôle parlementaire et la logique de résultat de l’État.
Cependant, la comptabilité n’a pas en soit de conséquences : c’est juste un moyen d’améliorer la gestion publique, en imposant à l’État des manières différentes de présenter son action.

1) Le principe de séparation des ordonnateurs et des comptables

Principe : toute opération d’exécution d’une opération budgétaire fait intervenir 2 acteurs : les ordonnateurs et les comptables.

Cette division existe depuis 1822 et a été reprise par le décret GBCP de 2012.
Elle repose sur l’idée suivant laquelle une meilleure protection des deniers publics implique qu’une personne ne puisse pas décider des dépenses et les exécuter.

Les ordonnateurs sont les individus qui prescrivent l’exécution des recettes et des dépenses.
Les comptables publics vont pour leur part manier les fonds, c’est-à-dire effectivement percevoir les recettes et procéder aux dépenses.

On distingue 3 catégories d’ordonnateurs, en fonction de l’étendue du pouvoir dont ils disposent :

  1. Les ordonnateurs principaux sont les ministres et les questeurs ;
  1. Les ordonnateurs secondaires sont considérés comme secondaires dans la mesure où leur pouvoir se limite à un territoire particulier ; par exemple : les préfets, les ambassadeurs, les présidents des autorités administratives indépendantes (AAI)…
    Ils ne peuvent ordonner des dépenses que sur leur territoire ou sur leur champ d’intervention spécifique.
  1. Les ordonnateurs délégués se sont vus octroyée leur compétence par un ordonnateur principal ou secondaire.

    Concrètement, au sein d’un ministère, le ministre n’autorise et n’ordonne pas toutes les dépenses et toutes les recettes lui-même.
    Il délègue cette compétence à son cabinet ministériel, à des directeurs d’administration et à des hauts fonctionnaires.

    Ces ordonnateurs sont les responsables de programme et les responsables de budget opérationnel de programme.
    Ils ont pour responsabilité de mettre en oeuvre les autorisations votées par le Parlement.
    Ce sont eux qui rédigent les projets annuels et les rapports annuels de performance.

Ces ordonnateurs décident de la dépense et de la recette.
Les comptables interviennent après, puisqu’ils vont réaliser concrètement ce qui a été ordonné.

On distingue 3 catégories de comptables :

  1. Les comptables assignataires, c’est-à-dire les comptables qui sont assignés à un ordonnateur en particulier et qui vont être chargés de payer les dépenses ordonnées ou de recouvrir les recettes ordonnées par un ordonnateur spécifique.
  1. Les comptables secondaires, qui réalisent concrètement au jour le jour les actions ordonnées par les différents ordonnateurs.
  1. Les comptables principaux, qui généralisent et centralisent les opérations des comptables secondaires.

Pour exécuter une recette, il y a 2 étapes à respecter.

D’abord, une phase administrative, qui relève de l’ordonnateur qui établit l’assiette de l’impôt (= sur quoi porte l’impôt) et qui constate la créance qui lui est due.
Si c’est l’impôt sur le revenu, l’assiette correspond aux revenus sur 1 an, puis on établit la créance → par rapport à ce que j’ai perçu, combien je dois en impôt.
Enfin, l’ordonnateur émet un ordre de recouvrement, qui rend cette créance exigible.

Il y a des recettes de l’État qui sont versées de façon volontaire, sans intervention du législateur ; par exemple, la TVA.

On suit 2 étapes qui permettent de dépenser de l’argent :

  1. L’ordonnateur prend un acte d’engagement, qui crée une obligation : marché public, bon de commande…
  1. Le comptable effectue le paiement après vérification.
    Il vérifie d’abord la qualité de l’ordonnateur (que celui qui lui demande de payer est bien l’ordonnateur).
    Il vérifie ensuite la bonne imputation de la dépense (= que la dépense relève bien de cet ordonnateur).
    Il vérifie aussi que les crédits sont disponibles (= qu’il y a suffisamment de crédits pour payer).
    Il s’assure enfin que cette dette est valable juridiquement, et que le paiement va bien le libérer de la dette.

    Il doit être attentif, car il engage sa responsabilité sur les dépenses qu’il réalise → il doit s’assurer de la légalité de ce qui a été ordonné.

Avant le 1er janvier 2023, les comptables étaient responsables de leurs comptes sur leurs deniers propres devant la Cour des comptes.
À partir de 2023, la Cour des comptes va connaître de la responsabilité des ordonnateurs et des comptables.

La séparation entre les 2 est essentielle et repose sur un contrôle des 2 autorités, dans la mesure où le comptable contrôle l’ordonnateur et contrôle l’existence de la dépense ou de la recette.

Plus les sommes sont importantes, plus le contrôle du comptable est poussé et plus sa responsabilité risque d’être engagée.
Ensuite, Bercy contrôle ses ordonnateurs et ses comptables en fonction du montant ou de la nature des dépenses.

Cette séparation est donc indispensable à l’exécution des dépenses et est essentielle pour :
1- s’assurer de l’exécution de l’autorisation parlementaire ; et
2- s’assurer de la légalité des actions réalisées.

Depuis la LOLF, l’exécution a également fait l’objet d’une rénovation de la comptabilité publique :

2) Les logiques d’organisation de la comptabilité publique

L’article 47-2 de la Constitution, introduit par la réforme de 2008, oblige l’État à présenter des comptes réguliers (= conformes à la réalité) et sincères.

⚠️ La sincérité comptable n’est pas la sincérité budgétaire.
La sincérité budgétaire est un principe financier qui s’applique au moment de l’examen de la loi de finances, alors que la sincérité comptable (plus objective) est propre aux comptes de l’État et à leur présentation.

Cet article 47-2 poursuit en précisant que les comptes de l’État doivent donner une image fidèle du résultat de la gestion du patrimoine de l’État et de sa situation financière.

Plusieurs obligations comptables ont été initiées par la LOLF de 2001, constitutionnalisées en 2008 et précisées par le décret de 2012 :

Historiquement, on a en France une comptabilité budgétaire très simple, qui ne présente que les décaissements et les encaissements réalisés sur 1 an, c’est-à-dire qu’elle va présenter toutes les dépenses et toutes les recettes réalisées pour l’exécution d’une loi de finances.

Elle a une utilité fondamentale : elle permet de comparer l’exécution réalisée par rapport aux autorisations de la loi de finances.

La comptabilité permet de porter un jugement sur ce qu’avait prévu le gouvernement au moment de la préparation de la loi de finances (→ il doit essayer au mieux d’approcher le montant définitif de ses prévisions, c’est la seule manière d’avoir une exécution budgétaire réalisée à l’équilibre).

Pour les dépenses, la comptabilité budgétaire permet d’identifier, programme par programme, combien ont réellement été dépensés par rapport à ce qui était prévu.

Mais cette comptabilité est bien trop limitée, car elle permet seulement sur un an de savoir combien on a gagné et payé.
La LOLF a donc imposé une 2ème forme de comptabilité :

La comptabilité générale ne repose pas sur les dépenses et les recettes effectives, mais sur les créances et sur les dettes, donc sur les droits et les obligations de l’État.
Cette comptabilité permet d’identifier chaque année les dépenses ou les recettes engagées par l’État mais pas encore définitivement réalisés.

C’est le lien juridique qui nous intéresse : celui qui oblige l’État, et pas l’encaissement ou le décaissement.

Cette comptabilité générale permet de donner une idée de la situation financière de l’État, car elle permet de présenter tous les actifs et passifs de l’État.
Il s’agit d’une forme de comptabilité transcendant l’annualité, car elle permet d’identifier les dettes à venir de l’État.

💡
Les actifs de l’État correspondent à l’ensemble du patrimoine public, qui appartient directement à l’État.
Le passif de l’État correspond à toutes les sommes que l’État va devoir payer dans le futur.

L’avantage d’avoir cette vision est double :

  1. Elle permet de connaître la situation financière de l’État, en faisant un ratio entre ses actifs et son passif.
    Actuellement, actif > passif.

    Connaître cette situation permet à l’État de prévoir la situation de ses dettes à venir, et donc d’adapter ses lois de finances pour se rapprocher progressivement d’un équilibre.

    Concrètement, si on n’a qu’une comptabilité budgétaire, il est impossible de prévoir, parce qu’on va seulement identifier à posteriori combien on a gagné et perdu.
    La comptabilité générale permet d’envisager la situation de l’État sur plusieurs années et donc de prévoir un retour à l’équilibre progressif.

    Par exemple, si on augmente maintenant l’âge de départ à la retraite pour qu’il y ait plus de recettes dans le futur, la comptabilité générale permet d’envisager cela.
    Elle place l’État dans une temporalité plus large et le force à anticiper.

  1. La comptabilité permet de connaître le patrimoine de l’État, ce qui est indispensable à une gestion efficace de son patrimoine.

    En matière immobilière, la LOLF a forcé l’État à identifier véritablement son patrimoine immobilier.
    Avant les années 2000, l’État avait une connaissance très mauvaise de ce qui lui appartenait.

    Cela permet à l’État d’avoir une gestion plus active de son patrimoine, et de pouvoir dégager des recettes de l’utilisation de son patrimoine.
    La comptabilité générale permet et a permis à l’État d’accroître ses recettes dans la gestion de ses propriétés plutôt que de les laisser à l’abandon.

Conclusion :
L’exécution des lois de finances repose sur un équilibre entre liberté accordée au gouvernement et l’information du Parlement pour avoir un contrôle effectif.
On a vu que cette exécution faisait concrètement intervenir plusieurs catégories d’individus (ordonnateurs et comptables), avec comme objectif la préservation des deniers publics par un contrôle des dépenses et des recettes.
→ Contrôle de la bonne exécution de l’autorisation parlementaire.
Objectif : pouvoir identifier et contrôler clairement l’exécution d’une année + replacer cette exécution dans un cadre plus large et dans un cadre temporel plus large.

§ 5. Le contrôle de la mise en oeuvre des lois de finances

Une fois que la loi de finances a été exécutée, il faut contrôler son exécution concrète.
Ce contrôle est indispensable pour s’assurer que le gouvernement a respecté l’autorisation parlementaire.

A – Les contrôles administratifs

1) Les contrôles internes aux ministères

Le ministre a un pouvoir hiérarchique sur son administration, qui découle de de l’article 20 de la Constitution (”le gouvernement dispose de l’administration et de la force armée”).
En conséquence, c’est un supérieur hiérarchique de l’administration et un acteur politique.
Cela implique que le ministre répond politiquement des actions de l’administration.

Idée : des contrôles internes sont indispensables pour que ministre s’assurer que son administration a bel et bien appliqué la loi de finances.

La LOLF a profondément renforcé ces contrôles internes en modifiant leur logique.

Les programmes sont nécessairement ministériels, il s’agit du cadre budgétaire qui dépend d’un ministre en particulier.
De plus, les responsables de programmes sont généralement des ordonnateurs qui bénéficient du pouvoir d’ordonnateur par délégation du ministre (qui est ordonnateur principal).

Il y a donc une logique fonctionnelle qui justifie que le contrôle interne ait lieu au niveau du programme.

Enfin, c’est au niveau du programme que sont développés les rapports annuels de performance (au moment de la loi de finances initiale) et les projets annuels de performance (au niveau de la loi de règlement).
C’est donc au niveau des programmes que les parlementaires contrôlent l’efficacité de l’action publique + c’est au niveau des programmes que le ministre effectue au préalable un contrôle de cette gestion publique.

Il y a environ 70 responsables de programme pour le budget de l’État, pour 130 programmes.
Ces responsables sont sous la tutelle hiérarchique du ministre.

Il y a donc une approche verticale, qui remonte progressivement jusqu’au ministre.
Concrètement, au sein des ministères, ce sont généralement le secrétaire général ou le directeur des affaires financières qui effectuent pour ce ministre le contrôle hiérarchique et vérifient la bonne utilisation des deniers publics.

Le ministre doit faire ce contrôle, car in fine c’est lui qui a la responsabilité politique devant la représentation nationale : les assemblées qui ont préalablement consenti à l’utilisation des crédits.

Ensuite, le contrôle au sein des ministères peut être réalisé par certaines autorités internes.
Mais un contrôle interne n’est juridiquement pas suffisant, parce qu’un contrôle interne est nécessairement partial.
On a donc créé l’IGF :

2) Le contrôle de l’Inspection générale des finances

L’Inspection générale des finances (IGF) a été créée en 1931 pour remplacer l’Inspection du Trésor, qui remontait à 1801.

L’IGF dépend du ministère des Finances.
Elle est composée d’énarques et chargée de contrôler l’ensemble des administrations publiques et l’ensemble des organismes privés qui > reçoivent une aide financière publique, ou > sont sous la surveillance d’une personne publique.
Par exemple, une association qui reçoit des deniers publics peut être contrôlée par l’IGF.

L’IGF mène 3 types de contrôle différents :

  1. Un contrôle comptable, avec des brigades qui vérifient à l’improviste les comptes publics des comptables publics.
    Les administrations ne peuvent pas refuser l’accès au lieu ni au document.
    Ce contrôle peut conduire à une saisine de la Cour des comptes pour condamner pécuniairement un comptable public.
    Les comptables ont donc intérêt à vérifier que les ordres donnés par les ordonnateurs sont légaux, car ils répondent de leurs actions.
  1. Fonction d’examen de la bonne gestion publique, par 2 moyens :
    1- les enquêtes réalisées par l’IGF ;
    2- les évaluations des politiques publiques.

    Concrètement, l’IGF produit des rapports sur telle ou telle action des administrations, et propose par la suite des recommandations pour que ces administrations aient une meilleure gestion publique.

    Ces rapports sont essentiels, car ils permettent de rendre public une mauvaise gestion de l’argent public + forcent les administrations à améliorer leur action publique.
    Par exemple, l’IGF a produit récemment un rapport sur la dette des établissements publics de santé.

  1. Enfin, l’IGF peut être une forme de prestataire de service pour les administrations, qui peuvent la saisir afin de demander un audit ou des conseils sur la gestion des deniers publics.

    L’IGF est donc une sorte de cabinet de conseil interne à l’administration, ce qui fait qu’on peut se demander pourquoi parfois une administration préfère payer un prestataire extérieur alors qu’elle a accès gratuitement à l’IGF.
    En effet, depuis quelques années, les administrations ont tendance à préférer les cabinets de conseil privés. Une raison qu’on pourrait avancer est que l’IGF pourra finir par publier ses données et ainsi rendre publiques des erreurs de l’administration qui vont remonter jusqu’au ministre.
    Ces derniers ont donc parfois trop tendance à avoir recours à des cabinets de conseil privés pour éviter que les données soient rendues publiques.

Les conséquences de ce contrôle exercé par l’IGF sont de 2 ordres :

  1. Conséquences médiatiques à l’encontre du ministre, qui sera taxé de mauvaise gestion publique ;
  1. Les parlementaires vont bénéficier de nouvelles informations dont ils ne disposaient pas, dès lors qu’ils n’ont pas la capacité d’effectuer un contrôle similaire.
    Or, l’article 24 de la Constitution prévoit que le Parlement vote la loi, mais aussi qu’il évalue les politiques publiques et l’action du gouvernement.

    Le Parlement va pouvoir se fonder directement sur le travail de l’IGF pour demander des comptes au ministre, ce qui pourra être fait par exemple pendant les questions au gouvernement (le mercredi après-midi).

Cependant, ces contrôles sont largement insuffisants, puisqu’un contrôle n’est réellement efficace que s’il peut engendrer des conséquences, d’où la nécessité d’avoir un contrôle juridictionnel de la gestion publique :

B – Les contrôles du juge financier

Le principal juge financier est aujourd’hui la Cour des comptes, créée en 1807 et composée de magistrats inamovibles.
Elle est aujourd’hui présidée par Pierre Muscovici, ancien ministre.

Elle est composée de magistrats chargés de contrôler, d’un point de vue juridictionnel, la gestion publique.
Ces magistrats peuvent prendre des arrêts condamnant pécuniairement les mauvais gestionnaires publics.

Il y a, auprès de la Cour des comptes, un procureur général chargé d’exercer l’action du ministère public = de poursuivre les possibles contrevenants aux règles financières.

La Cour des comptes a bénéficié d’une constitutionnalisation à l’article 47-2 de la Constitution, qui a permis entre autres de garantir d’un point de vue constitutionnel l’indépendance de ses magistrats.
Cet article a aussi développé les compétences de la Cour des comptes dans la continuité de la LOLF, en lui permettant de venir en appui du Parlement pour qu’il puisse effectuer son contrôle politique.

La Cour des comptes assiste le Parlement et le gouvernement dans le contrôle d’exécution de la loi de finances et de l’application des lois de finances de la sécurité sociale.
Elle a donc un rôle essentiel dans le contrôle des comptes publics.

Ces 2 missions relèvent de ce qu’on appelle globalement la mission d’assistance aux pouvoirs publics.

Mais la Cour des comptes a aussi un autre rôle : l’article 47-2 précise que, par ses rapports, la Cour des comptes participe à la bonne information du public.
Elle a donc un rôle de contrôle de la gestion publique qui est réalisé par une action non-juridictionnelle : publier des rapports.

1) La responsabilité unifiée des gestionnaires publics

L’ordonnance du 23 mars 2022 a changé toute la responsabilité financière, en organisant à partir du 1er janvier 2023 un régime commun de responsabilité des gestionnaires publics.
Avant, la Cour des comptes ne contrôlait que les comptes des comptables publics ; dorénavant, elle va contrôler l’action de l’ensemble des gestionnaires publics.
Les arrêts qu’elle prendra dans ce cadre pourront faire l’objet d’un recours en cassation devant le Conseil d’État.
Cette ordonnance aura 2 autres conséquences :

  1. Les cours régionales des comptes (CRC) ne vont plus effectuer de contrôles juridictionnels, seule la Cour des comptes va le faire ;
  1. La Cour de discipline budgétaire et financière, qui devait contrôler les ordonnateurs et leurs actions, va disparaître, puisque ce contrôle a été intégré à la CDC.

Concrètement, à partir du 1er janvier 2023, la Cour des comptes va contrôler l’ensemble des gestionnaires publics dans le cadre d’une responsabilité financière : comptables publics, ordonnateurs… → toute personne qui intervient dans la chaîne financière publique.
Idée : on étend la compétence de la Cour des comptes, qui va seulement être limitée dans la mesure où elle ne peut pas contrôler financièrement les ministres ou les élus locaux, parce qu’ils sont soumis à un contrôle politique et non juridictionnel.

Lorsqu’une personne non habilitée intervient à la place d’un comptable public, même s’il est ministre ou même si c’est un élu local, il pourra être contrôlé par la Cour des comptes, dès lors que la gestion de fait constitue une infraction.
Il en est de même lorsqu’il n’exécute pas une décision de justice qui a prononcé une astreinte (= condamnation financière à agir).

La Cour des comptes va contrôler tous les gestionnaires publics, qu’ils soient locaux ou nationaux.
Les CRC se sont donc vues dépossédées du contrôle juridictionnel des comptables publics locaux, puisque dorénavant seule la Cour des comptes est compétente pour effectuer un contrôle juridictionnel.

Avant l’ordonnance de 2022, le Code des juridictions financières disposait que la Cour des comptes « contrôle les comptes des comptables publics ».
Si les comptes étaient réguliers, elle prenait un arrêt de décharge, qui déchargeait donc le comptable de toute responsabilité.
Si les comptes étaient irréguliers, elle prenait un arrêt de débet, qui condamnait pécuniairement le comptable sur ses deniers propres des irrégularités commises.

La suppression de la responsabilité propre des comptables a été actée pour 2 raisons :

  1. Généralement, le ministère des Finances venait à posteriori libérer le comptable de toute condamnation pécuniaire, car car dans la majorité des cas les erreurs de comptabilité n’étaient pas dues à l’action du comptable, mais à celle de l’ordonnateur ayant ordonné au comptable de payer des sommes indues.
  1. Les ordonnateurs étaient eux responsables devant la Cour de discipline budgétaire et financière ; or cette cour ne condamnait que très rarement un ordonnateur.
    Il y a donc quelque chose d’assez peu logique : 2 autorités différentes interviennent pour juger ordonnateurs et comptables, mais 1 seul des 2 est sanctionné → forme d’injustice et d’iniquité dans ce contrôle.

L’ordonnance unifie la responsabilité de l’ensemble des gestionnaires publics.
Ils seront responsables devant la Cour des comptes dans le cadre d’une infraction principale prévue à l’article 131-9 du CJF, quand une faute grave a causé un préjudice significatif.
On retient 2 conditions cumulatives :

  1. La gravité de la faute ;
  1. Cette action doit avoir causé un préjudice financier significatif.

Objectif de cette réforme : octroyer une plus grande marge de manœuvre aux gestionnaires publics, en contrepartie de quoi ils seront responsables des erreurs grossières.
Dorénavant, on ne contrôlera que les hypothèses les plus graves de mauvaise gestion publique.
Conséquence : les infractions décelées par la Cour des comptes pourront conduire au maximum à une amende qui ne dépasse pas 6 mois de rémunération.

On donne à la CDC une marge d’appréciation très entendue, dans la mesure où la CDC va devoir apprécier la gravité de la faute, qui est un élément très subjectif, et va devoir apprécier ce qu’est un préjudice financier significatif.
Malgré ces incertitudes, le professeur Ducharme considère que cette unification de la responsabilité est plutôt une bonne chose, parce qu’elle permet que les ordonnateurs et les comptables soient soumis à une responsabilité similaire.

Ces poursuites n’empêchent en rien de poursuivre pénalement un gestionnaire public, par exemple pour prise illégale d’intérêts.
C’est une responsabilité financière et non pénale, même si se pose la question de l’application du principe non bis in indem → la CEDH devra probablement se prononcer sur le respect de ce principe qui interdit d’être condamné 2 fois pour le même fait.

2) Le contrôle de la gestion publique

La Cour des comptes a un rôle essentiel dans le contrôle de la gestion publique, parce qu’il y a une complémentarité entre le contrôle juridictionnel (que l’on vient de voir) et le contrôle de la gestion.
Ce contrôle de la gestion est prévu par l’article L111-2 du CJF.

Concrètement, la Cour des comptes doit vérifier la régularité des dépenses et des recettes inscrites dans les comptes, mais également du bon emploi des crédits.
Le contrôle comptable est indispensable pour certifier les comptes de l’État.
Il est aussi important pour s’assurer qu’il n’y a pas d’erreur de gestion ; s’il y a une erreur, la Cour des comptes dispose de la possibilité de publier des rapports pointant cette mauvaise gestion.

Ensuite et surtout, on s’intéresse au bon emploi des derniers publics.
La Cour des comptes a une marge d’appréciation sur ce qu’elle va décider de contrôler.
Elle peut s’assurer et examiner le bon emploi des deniers publics par toutes les administrations et par les organismes privés bénéficiant d’argent public.

Ce contrôle est la traduction de la LOLF au niveau de la Cour des comptes : il amène la Cour des comptes à évaluer l’efficience / l’efficacité de l’action publique.

Ce contrôle permet donc de s’assurer que l’action publique est financièrement performante suivant la logique LOLFienne.

La Cour des comptes ne contrôle pas les choix politiques ; elle contrôle leur efficacité.
”Est-ce que les actions menées ont effectivement permis d’aboutir au résultat escompté ?”

Elle fixe elle-même son programme des administrations qu’elle va contrôler, et la LOLF garantit cette autonomie à son article 58.

Les rapports produits par la Cour des comptes pourront être publiés.

Les CRC peuvent faire la même chose au niveau local : contrôler la gestion des administrations locales : régionales, départementales, (inter)communales.
Les CRC ont donc dorénavant pour rôle principal de contrôler la gestion publique locale.

Cela permet de rendre public la mauvaise gestion publique, ce qui est parfaitement complémentaire avec la logique de performance de la LOLF.

3) La mission d’assistance aux pouvoirs publics

La Cour des comptes assure aussi une mission d’assistance aux pouvoirs publics, qui la conduit à apporter aux autres pouvoirs publics une expertise dans la gestion publique.

On a d’abord vu que la Cour des comptes est essentielle pour le Parlement, car elle doit l’assister.
Cette assistance se traduit par le fait que la Cour des comptes doit répondre aux demandes formulées par les parlementaires, et plus précisément aux demandes formulées par les commissions des finances.
Celles-ci peuvent demander à la Cour des comptes un rapport sur la gestion d’une administration, et elle a l’obligation de rendre ce rapport dans les 8 mois.
→ Améliore l’information des parlementaires du fait de l’expertise particulière de la Cour des comptes.

Ensuite, la Cour des comptes doit transmettre au Parlement l’ensemble de ses travaux qui portent sur le contrôle du gouvernement.
Elle certifie la comptabilité générale produit par l’exécutif (la comptabilité générale = celle qui repose sur les droits et obligations, et non celle qui repose sur les encaissements et décaissements).

Cette certification permet d’assurer au Parlement que l’exécution qu’il va contrôler repose sur des données qui sont exactes.
La Cour des comptes constitue donc aujourd’hui un organe indispensable pour le Parlement.

Ensuite, plus largement, la Cour des comptes vient en appui du Parlement et du gouvernement par le biais de rapports.

Le 1er rapport obligatoire est le rapport relatif aux résultats de l’exercice transmis au Parlement et au gouvernement avant le débat d’orientation des finances publiques.
Il a pour but d’éclairer les discussions entre le Parlement et le gouvernement afin d’expliciter quels ont été les principaux résultats de l’exercice précédent.

Ensuite, la Cour des comptes produit un rapport conjointement à la loi de règlement qui analyse, mission par mission, programme par programme, l’exécution budgétaire.
Ce rapport permet d’éclairer les discussions sur la loi de règlement.

Enfin, au moment où est déposée une loi de finances (initiale ou rectificative), la Cour des comptes doit produire un rapport analysant l’ouverture des crédits pour donner une information plus fiable aux parlementaires.

En résumé, la Cour des comptes doit produire de la documentation à toutes les étapes de la vie financière : au moment de la préparation, au moment de la discussion d’une loi de finances, et au moment du contrôle de l’exécution de la loi de finances.
La Cour des comptes constitue donc un outil indispensable pour donner une information impartiale aux différents pouvoirs publics.

C’est pour cette raison que le Haut Conseil des finances publiques a été rattaché à la Cour des comptes : parce qu’il a une fonction similaire dans l’information qu’il apporte, même si cette information a pour particularité d’être en lien avec des obligations européennes et avec le respect des traités européens.

La Cour des comptes a donc des fonctions variées, qui vont du contrôle juridictionnel, au contrôle de la bonne gestion publique, à l’information des pouvoirs publics.

Il faut bien avoir à l’esprit que la fonction de contrôle de la gestion publique est directement en lien avec l’information des pouvoirs publics.
Depuis 2008, le Parlement peut demander de lui-même à la Cour des comptes d’effectuer un contrôle sur une thématique choisie par les commissions des finances.
C’est essentiel, parce que c’est le Parlement, qui vote la loi de finances et en contrôle l’exécution. C’est donc le Parlement qui effectue ce contrôle budgétaire et qui s’assure que le gouvernement n’a pas outrepassé l’autorisation qui lui a été accordée.

C – Le contrôle parlementaire

Le contrôle parlementaire s’est développé à partir de 1814.
Le Parlement, depuis cette époque, dans le prolongement du consentement à l’impôt, s’assure de la mise en oeuvre de la loi de finances.

La LOLF a profondément modifié le contrôle de l’exécution en essayant de revaloriser le Parlement.
Cette revalorisation est d’abord passée par la comptabilité générale et sa certification par la Cour des comptes, tout simplement parce que cette comptabilité informe le Parlement sur la situation financière de l’État.

Ensuite et surtout, la LOLF a revalorisé 2 éléments :
1- les commissions des finances ;
2- la loi de règlement, pour essayer d’en faire un moment clé du contrôle parlementaire.

1) Les commissions des finances, acteurs-clés du contrôle

Les commissions des finances avaient traditionnellement sous la 3e République un rôle considérable, car elles pouvaient contrôler l’emploi des crédits par chaque ministère pendant et à la fin de l’exécution.

La Constitution de 1958 a renversé cette compétence : les commissions des finances ont perdu leurs compétences de contrôle pour n’avoir plus seulement qu’un droit à l’information.
Les commissions des finances des 2 assemblées n’étaient plus dans la capacité juridique de s’assurer que le gouvernement n’avait pas outrepassé l’autorisation parlementaire.

Ce n’est que dans les années 1970 que les commissions des finances ont progressivement commencé à recontrôler le gouvernement.
Concrètement, les commissions des finances ont commencé à auditionner les hauts fonctionnaires en charge des finances, ainsi qu’à rédiger des rapports sur la gestion du gouvernement.
→ Passage dans les années 1970 d’un rôle passif à un véritable rôle de contrôle du gouvernement.

La LOLF a poursuivi en ce sens de 2 manières :

  1. En développant l’information attribuée aux commissions des finances ;

    Les décrets qui modifient la répartition et le montant des crédits font l’objet d’une information spéciale de la commission des finances, qui peut rendre un avis.

    Cette information a également été développée par le biais des documents budgétaires, qui constituent une source prévue par la loi organique d’information des parlementaires.

  1. En développant les compétences de contrôle, avec son article 57 qui précise que les commissions des finances suivent et contrôlent l’exécution des lois de finances.

    Cet article a l’avantage de donner un fondement juridique aux commissions des finances, prévues par une loi organique.
    Dans le cadre de cet article, les parlementaires peuvent demander à toute administration les documents d’ordre financier qu’ils souhaitent obtenir.

    En cas de refus, les parlementaires peuvent saisir le juge administratif en référé, c’est-à-dire en procédure d’urgence.
    Le refus pour les administrations de transmettre des documents est pénalement répréhensible, sauf si ces documents concernent la défense nationale ou la sécurité de l’État.

Enfin, en dehors de la LOLF, les commissions des finances se sont imposées d’elles-mêmes, avec un outil qu’on appelle la mission d’évaluation et de contrôle (MEC).
Cette mission a été créée par commission des finances à l’Assemblée nationale et reprise au Sénat.
Elle fixe une semaine pendant laquelle les commissions des finances auditionnent tous les responsables administratifs qu’ils souhaitent auditionner.
Ils auditionnent également les membres de la Cour des comptes, afin de bénéficier d’une véritable expertise.

Cette mission d’évaluation et de contrôle a un intérêt : elle est égalitaire entre majorité et opposition, donc elle est assez largement non partisane → permet un contrôle plus efficace de l’action publique.

→ Les commissions des finances ont vu leur rôle s’améliorer dans le contrôle de l’exécution.

2) L’examen et le vote de la loi de règlement, moment clé du contrôle

La loi de finances est créée en 1817-1818, car créée sur l’exécution budgétaire de 1817 et votée en loi de règlement en 1818.

La loi de règlement est désormais appelée loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année (nom modifié avec la loi organique de 2021, qui renforce le rôle de la loi de règlement).

Idée de la LOLF renforcée par la loi organique de 2021 : faire en sorte que les parlementaires se prononcent effectivement sur l’exécution qui vient d’avoir lieu.

Traditionnellement, la loi de règlement ne fait pas l’objet d’une discussion très développée, parce qu’elle est généralement discutée et votée en moins d’une semaine.
→ Tradition : les parlementaires ne se saisissent pas de cette loi de règlement.

La LOLF a essayé de changer la donne en modifiant le contenu de la loi de règlement et en améliorant principalement 3 points :

  1. Dorénavant, la loi de règlement va constater le solde définitif de l’année précédente.

    Elle est le miroir de la loi de finances.
    La loi de finances, dans son article liminaire, identifie le solde prévisionnel qui sera le fondement à l’emprunt public pour financer le déficit à venir.
    La loi de règlement continent un article liminaire qui pose le solde définitif.
    Cet article permet d’apprécier si l’évaluation initiale s’est avérée correcte, principalement au regard des recettes perçues.

    Le Haut Conseil des finances publiques produit également un avis sur ce solde définitif, qui pourra permettre à l’Union européenne d’engager une procédure à l’encontre de l’État pour déficit excessif.

  1. La loi de règlement contient les rapports annuels de performance.
    Il s’agit donc du moment où les parlementaires vont effectivement pouvoir contrôler la bonne gestion publique et s’assurer que l’utilisation des crédits par le gouvernement permet de remplir les objectifs fixés.

    Ces objectifs doivent permettre d’évaluer l’efficacité d’une action publique et l’efficacité des dépenses réalisées pour mener cette action.
    Problème : ces indicateurs de performance et ces objectifs sont généralement soit trop faciles à remplir, soit déconnectés de la dépense.

    Par exemple, si on met 10 milliards d’€ pour les lycées et qu’on fixe comme objectif que + de 95% des lycéens aient le bac, mais que dans le même temps on change le bac pour que les matières optionnelles aient un plus gros coefficient, on obtiendra de meilleurs résultats, mais le service n’aura pas forcément été amélioré.

    En théorie, ce lien est plutôt intéressant dans une logique de performance.
    Le problème, c’est que cet outil ne sera utile que si les parlementaires s’en saisissent réellement, ce qui reste aujourd’hui l’une des principales difficultés, puisque les parlementaires ont tendance à délaisser d’eux-mêmes ce pouvoir.

La loi organique de décembre 2021 va peut-être, à partir de l’année prochaine, permettre un meilleur intérêt des parlementaires sur les projets et rapports annuels de performance.
En effet, elle prévoit que dorénavant, au moment de l’examen de la loi de finances, les parlementaires pourront modifier les indicateurs de performance.
Ils pourront donc fixer les modalités leur permettant de contrôler le gouvernement.
→ Évolution qui pourrait potentiellement permettre un + grand intérêt des parlementaires pour la loi de finances.

Enfin, la loi de règlement a aussi vu son calendrier modifié, puisqu’elle est déposée maintenant avant le débat d’orientation des finances publiques.
Elle permet donc aux parlementaires, pendant ce débat, d’anticiper la loi de règlement et en principe d’intéresser plus grandement les parlementaires à cette loi de règlement.

Conclusion :
On a a encore du mal à dépasser ce problème, parce qu’il y a un désintérêt des parlementaires qui découle encore d’une contingence politique.
Critiquer l’exécution est politiquement relativement neutre, puisque l’exécution a déjà eu lieu, donc contrairement à l’examen de la loi de finances, les parlementaires n’en tirent que peu de profit.

Même quand les parlementaires s’y intéressent, le contrôle est très politisé → il ne porte pas sur le fond.
On pourrait même dire qu’il n’y a pas eu de véritable de contrôle, seulement une opposition de principe.
Rejet = moyen de montrer que, politiquement, on est en désaccord avec le gouvernement.

Le contrôle de l’exécution budgétaire a donc été détourné en un contrôle politique.
C’est aujourd’hui le seul texte où les oppositions sont réunies, avec un vote commun NUPES + LR + LFI… car c’est le seul texte qui n’a pas de conséquences juridiques : si la loi de règlement n’est pas adoptée, ça n’empêche pas de voter la loi de finances (il suffit de l’examiner et de voter).

Ce texte est le grand oublié du rôle du Parlement, qui ne contrôle pas efficacement l’action du gouvernement lors de cette loi de règlement, avec tout ce que ça implique : ce contrôle ne permet pas de vérifier le respect de l’autorisation budgétaire par le gouvernement.
C’est pour cette raison aussi que le contrôle de la Cour des comptes est d’autant plus essentiel, parce qu’il s’agit de l’organe qui contrôle l’action du gouvernement et de l’ensemble des administrations.

Conclusion de cette partie 2

On a donc vu, du début à la fin, les modalités d’adoption, d’exécution et de contrôle de la loi de finances.
Ce qu’il faut retenir : les grandes logiques.

L’objectif de la LOLF était double :
> renforcer le Parlement ;
> limiter le déficit public en ayant une approche plus performante de la dépense.

Est-ce que la LOLF a véritablement été une réussite pour renforcer le Parlement et limiter la dépense publique ?
Au regard de ce qu’on a dit, pas vraiment, même s’il y a eu des améliorations manifestes, principalement en ce qui concerne le renforcement du Parlement (meilleure information, meilleur contrôle, plus de pouvoir des parlementaires pour proposer des amendements, etc).

Il ne faut pas oublier que, depuis la LOLF, il y a eu des crises financières qui n’ont pas aidé.
Plus largement, malgré ces crises, on observe que le déficit se creuse → on peut questionner l’efficacité de la dépense publique, d’autant plus au regard du droit de l’UE.

La modification de la LOLF en 2021 montre qu’elle n’a pas été une réussite complète – mais attention de ne pas être trop affirmatif sur les échecs sur la LOLF.

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