Partie 1 : Les fondements du droit budgétaire

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§ 1. Les sources du droit budgétaire

A – Les sources internes

1) Les sources constitutionnelles

La Constitution est une source des finances publiques, via la DDHC avant tout : les articles 13 et 14 posent les principes essentiels du consentement à l’impôt et de l’égalité devant l’impôt.

La Constitution précise des dispositifs qui encadrent le Parlement :

  1. L’article 39 de la Constitution pose le fait qu’une loi de finances rectificative est nécessairement déposée en premier sur le bureau de l’Assemblée nationale.
    → Accentue le bicamérisme inégalitaire de la 5e République.
  1. L’article 40 de la Constitution prévoit un encadrement des amendements parlementaires en matière financière.
    Les parlementaires ne peuvent pas proposer d’amendement qui conduire l’État à avoir moins de recettes ou à dépenser plus.
    Cet article 40 s’applique à tous les textes : lois de finances comme lois lambdas.
    → Arme antiparlementaire, qui repose sur l’idée que les parlementaires sont dépensiers par nature.
  1. L’article 47 de la Constitution pose le fait que les lois de finances sont adoptées dans un délai limité.
    Les parlementaires ne peuvent pas faire durer la discussion, pour éviter que l’État ne soit bloqué au 1er janvier.

La Constitution octroie au gouvernement de nombreuses armes, au titre desquelles on retrouve les ordonnances de l’article 38 de la Constitution, ou l’article 49 alinéa 3, qui peut être utilisé 3 fois par an (1 fois pour une loi ordinaire + 1 fois pour une loi de finances + 1 fois pour une loi de financement de la sécurité sociale).

La Constitution organise un parlementarisme rationalisé en matière financière.
Depuis les années 2000, il y a une volonté de revaloriser le Parlement dans les lois organiques.

L’article 47-2 de la Constitution, ajouté en 2008, fait de la Cour des comptes une juridiction qui peut venir en aide au Parlement.
Concrètement, les parlementaires peuvent poser leurs questions à la Cour des comptes, et même lui demander d’effectuer des contrôles.

Enfin, l’article 72-2 de la Constitution pose le principe de l’autonomie financière des collectivités territoriales.

2) Les lois organiques

Les lois organiques sont des lois spécifiques, qui ont pour objet de préciser la Constitution, qui sont adoptées suivant une procédure particulière et qui ont une valeur supérieure à la loi ordinaire.

La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) est une initiative parlementaire transpartisane qui a voulu intégrer en droit français les principes du new public management.
Le texte en vigueur auparavant laissait trop de marge de manœuvre au pouvoir exécutif en encadrant totalement les parlementaires en matière financière. Il n’y avait pas d’autorisations spécifiques de dépense, seulement des autorisations par ministère, donc il n’y avait pas de réel contrôle parlementaire de l’utilisation des sommes allouées.

La doctrine du new public management impose aux collectivités publiques de se rapprocher d’une gestion privée.
Objectif : meilleure performance dans l’utilisation des finances + revalorisation parlementaire (lors de la préparation du budget et lors du contrôle de l’exécution du budget).

En vérité, la LOLF a été en partie un échec, parce que le Parlement n’a pas été suffisamment revalorisé.
Elle a donc été modifiée le 28 décembre 2021 par la loi organique relative à la gestion des finances publiques, qui revalorise le Parlement et vise une plus grande pluriannualité des finances (= approcher les finances sur le moyen terme).

En 1996, on a modifié la Constitution pour prévoir que, dorénavant, les finances liées à la sécurité sociale sont inscrites dans une loi spécifique.
Objectif : avoir une meilleure visibilité entre le budget de l’État et la sécurité sociale, pour permettre un meilleur contrôle parlementaire.

La loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS) est adoptée le 2 août 2005. Elle constitue le pendant de la LOLF pour les finances sociales (c’est la “constitution” des finances sociales de l’État).
Elle régit tout le droit applicable au financement de la sécurité sociale.
Objectif : essayer de rendre les dépenses plus utiles et limiter “le trou de la sécurité sociale”.

La LOLF et la LOLFSS sont ainsi 2 textes fondamentaux en matière de finances organiques et de finances sociales.

3) La jurisprudence

Depuis 1974, le Conseil constitutionnel a été saisi du contrôle de toutes les lois de finance.
Depuis 1996, il a été saisi de toutes les lois de financement de la sécurité sociale.
Il intervient à double titre :

  1. Le Conseil constitutionnel permet à l’opposition de s’assurer que la loi de finances est constitutionnelle.
    Son contrôle à ce titre porte essentiellement sur le respect du consentement à l’impôt et de l’ensemble des principes budgétaires qui en découlent.
  1. Il a aussi pour rôle de s’assurer que ce qui est dans la loi de finances a le droit d’y être.
    Il déclare systématiquement certaines dispositions de la loi de finances contraires à la Constitution, parce que ce sont des cavaliers législatifs.

Le Conseil constitutionnel doit intervenir dans un délai extrêmement court : entre le vote de la loi (souvent mi-décembre) et le 31 décembre, pour que la loi puisse être promulguée le jour avant le 1er janvier de l’année à venir.

La Cour des comptes a été créée en 1807. Il s’agit d’une juridiction financière composée de 3 ordres juridictionnels :
1- les cours régionales des comptes (CRC), chargées de contrôler les comptables locaux ;
2- la Cour des comptes, juge d’appel des CRC, ou juge en première instance des comptables publics nationaux ;
3- le litige peut se finir au Conseil d’État, juridiction de tutelle de la Cour des comptes et des CRC.

À partir du 1er janvier 2023, le rôle juridictionnel de la Cour des comptes et des CRC va s’étendre, puisqu’elles vont également contrôler les ordonnateurs, qui ont pour rôle d’autoriser la perception de recettes ou de procéder à des dépenses.
Les ordonnateurs principaux sont les ministres, qui peuvent déléguer leurs pouvoirs à des autorités ; chaque établissement public dispose de son propre ordonnateur (ex : la présidente d’une université).

La Cour des comptes est devenue une institution qui assiste le Parlement et le gouvernement dans le cadre du contrôle des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale.
Elle certifie les comptes publics à l’année suivant l’année d’application de la loi de finances.
Elle s’assure de la sincérité du projet de loi de finances du gouvernement.

La Cour des comptes peut d’elle-même produire des rapports afin de dénoncer soit des anomalies soit des erreurs de gestion.

4) La loi et le règlement

La loi est nécessairement une source des finances publiques, puisque la Constitution affirme la compétence exclusive du législateur pour intervenir en matière financière.

  1. La loi de finances initiale (LFI) est censée organiser le budget de l’État pour une année civile.
    Elle organise l’ensemble des plafonds de dépense et l’ensemble des recettes qui peuvent être perçues.
    Elle autorise également à emprunter, lorsque les dépenses sont supérieurs aux recettes.
    Elle s‘applique sur 1 an et est adoptée en principe l’année précédente.
  1. La loi de finances rectificative (LFR) est une loi particulière qui peut prévoir de nouvelles dépenses ou de nouvelles recettes.
  1. La loi de règlement et d’approbation des comptes publics est adoptée l’année qui suit l’application de la LFI.
    Elle clôt définitivement les comptes de l’État pour 1 année.
    Intérêt : déterminer si les dépenses qui ont été autorisées dans un but spécifique ont véritablement été dépensées pour réaliser cet objectif.

La loi ordinaire est aujourd’hui en partie concurrencée par les lois de programmation financière, introduites à l’article 34 de la Constitution en 2008 et précisées par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.
Ces lois précisent pour 4 ans quels sont les objectifs de l’État → permet d’avoir une approche à moyen terme de ses finances.

Elles ont été inspirées fortement par l’Union européenne, qui impose aux États de lui présenter un budget sur 3 ans et un programme de stabilité sur 4 ans.

Par exemple, sur la période 2023-2027, le gouvernement a précisé quels sont les objectifs à atteindre en 2027, en prévoyant l’équilibre financier pour 2027.

Dans une décision de 2012, le Conseil constitutionnel a précisé que les lois de programmation n’ont pas de valeur contraignante : une loi de finances annuelle peut ne pas respecter la programmation faite initialement.

Les lois de programmation ont vu leur intérêt renforcé par la modification de la LOLF en 2021, qui fixe des objectifs par politique publique.
Une loi organique fait aussi désormais coïncider le contrôle parlementaire avec le contrôle européen (au printemps).

Certains textes règlementaires sont aussi applicables, notamment le décret relatif à la comptabilité publique, “décret GBCP” de 2012, qui modernise la comptabilité de l’État, en passant à une comptabilité annuelle qui prend en compte la situation patrimoniale de l’État : tous les ans, on produit 1 compte qui liste les dépenses et les recettes et 1 compte qui présente la situation financière de la France en indiquant quelles seront les dépenses à venir.

Le droit règlementaire est un droit au service du gouvernement pour appliquer la loi de finances.
Pendant l’année d’application, le gouvernement peut prendre des décrets pour modifier à la marge ce qui a été voté.
Il peut reporter d’une année sur l’autre les crédits : même si le droit des finances publiques est censé être un droit de la loi (consentement à l’impôt), le gouvernement peut modifier à la marge ce que la loi a prévu.

B – L’européanisation des sources

1) L’objectif de convergence (issu du traité de Maastricht)

Le Pacte de stabilité et de croissance (1997), qui fait suite au traité de Maastricht, vise à faire en sorte que les États convergent vers des finances publiques soutenables.
Il prévoit 2 éléments :

  1. Le volet préventif, qui impose aux États de transmettre à la Commission européenne soit un programme de stabilité (s’ils font partie de la zone euro), soit un programme de convergence.
    Ils doivent préciser dans ce programme quelles seront leurs finances publiques dans 5 ans et comment ils vont réaliser cet objectif.
    La Commission européenne contrôle ces objectifs fixés et leur faisabilité. Si elle est en désaccord avec ces objectifs, elle peut utiliser :
  1. Le volet correctif (mis en place en 2005).

2) Le recours à la discipline budgétaire

Le TSCG (= Pacte budgétaire européen) est un traité de 2012 qui lie 25 États de l’Union européenne.
Son article 3 pose le principe suivant lequel les États s’engagent à l’équilibre budgétaire (”la règle d’or budgétaire”).

Il modifie l’approche initiale, on introduisant le nouveau critère de 0,5% de déficit structurel.
Ce critère a l’avantage d’être plus lisible pour les États et de ne pas entraver la capacité des États à répondre à une crise quelconque.

Le TSCG doit être intégré dans les droits nationaux des États par une disposition contraignante, généralement inscrite dans la Constitution.
En France, une loi organique de 2012 développe 2 outils pour mettre en oeuvre le TSCG :
1- la programmation financière ;
2- la création d’une institution indépendante, chargée de vérifier le respect de la règle d’or budgétaire : le Haut conseil aux finances publiques.

Le mécanisme de correction vient in fine de l’Union européenne : depuis le TSCG, si un État ne respecte pas ses obligations, la Commission européenne ou les autres États européens peuvent saisir la CJUE afin que celle-ci prononce un arrêt et des sanctions financières.

Le Two-pack de 2013 vient renforcer le suivi des projets de budget des États membres de la zone euro.
Vers avril/mai, le gouvernement transmet son projet de budget à la Commission européenne, qui rend un avis sur chaque projet et peut imposer sa révision.
Si l’État ne change pas son projet, il doit déposer sur un compte une somme équivalant à 0,2% de son PIB.
S’il maintient encore son budget en opposition à l’UE, la Commission européenne pourra prendre une sanction financière qui va jusqu’à 0,5% du PIB.
Enfin, si l’État ne respecte toujours pas l’avis de la Commission, celle-ci peut mettre en pause les versements de l’Union à cet État.

Le volet sanction est donc divisé en 3 étapes :
1- avis ;
2- incitation (dépôt des 0,2%) ;
3- répression.

L’Union européenne peut laisser une marge de manœuvre temporelle aux États, en leur disant qu’ils ont 4 à 5 ans pour respecter les critères du PSCG.
Cela limite la capacité à mener la politique pour laquelle on a été élu.

Aujourd’hui, ces contraintes laissent la place à un système de solidarité européenne, avec le MES + le plan de relance européen + la création d’une dette commune.

§ 2. Les principes du droit budgétaire

On recense 5 principes propres aux finances publiques, qui encadrent la matière :
1- annualité budgétaire ;
2- unité budgétaire ;
3- universalité budgétaire ;
4- spécialité budgétaire ;
5- sincérité budgétaire.

Objectif : le respect du consentement à l’impôt.
Ces grands principes budgétaires sont pour la plupart issus des monarchies parlementaires françaises. Ils limitent les capacités de nuisance du gouvernement et permettent aux parlementaires de consentir librement à l’impôt.

A – Le principe de l’annualité

Principe de l’annualité budgétaire : une loi de finances est votée pour 1 an, pas plus et pas moins.
→ Une loi de finances doit être votée avant le début de chaque année.

L’article 1 de la LOLF pose ce principe d’annualité, en précisant que l’exercice s’étend sur une année civile.

1) La définition du principe d’annualité

Le principe d’annualité tire son origine de 3 logiques différentes :

  1. Il est pragmatique : cela correspond en même temps au rythme de la vie économique et des bilans annuels des entreprises.
  1. Il est justifié par le consentement à l’impôt, en ce qu’il permet un contrôle régulier par le Parlement, qui se prononce au moins une fois par an sur les finances étatiques.
  1. Il permet de contraindre l’administration à produire régulièrement des comptes publics et donc à être soumise à des vérifications régulières sur l’utilisation des sommes.
    → Meilleure gestion des finances publiques.

Ce principe d’annualité implique que les lois de finances et les LFSS ne sont valables que pour 1 an, ce qui signifie que :

  1. Il n’y a pas d’impôt permanent : c’est la loi de finances qui, tous les ans, autorise l’administration fiscale à percevoir l’impôt.
  1. Les crédits ne peuvent être dépensés que jusqu’au 31 décembre.

Pour contourner en partie cette 2ème limite, le Parlement peut voter des autorisations d’engagement, qui sont considérées comme utilisées lors de la signature de l’acte juridique qui va engager la dépense de l’État.
Exemple : contrat de marché public pour réaménager un bâtiment universitaire ; la présidence de l’université a voté une autorisation d’engagement de 100 millions d’euros. Dès que le contrat est passé avec l’entreprise, on considère que les 100 millions d’euros sont consommés. Les dépenses vont ensuite pouvoir s’étaler sur plusieurs années.
Il peut aussi voter des crédits de paiement.

En France, les finances publiques fonctionnent suivant un système de caisse, c’est-à-dire une comptabilité qui rattache une opération à l’année où il y a eu le décaissement effectif (ou l’encaissement pour une recette), et ce peu importe le moment où l’État s’est obligé à dépenser.

L’article 9 de la LOLF dispose qu’il est possible, pour le gouvernement, de faire des engagements par anticipation pour la fin de l’année civile.
À partir du 1er novembre, le gouvernement peut autoriser des dépenses qui n’ont pas été prévues par la loi de finances initiales et qui seront effectivement payées l’année suivante.
Cela permet à l’État d’engager des dépenses sur les 2 derniers mois de l’année.
Ces engagements par anticipation ne doivent pas dépasser 1/4 de l’ensemble du budget de l’État et ils doivent être inscrits ensuite dans une loi de finances.

L’article 15 de la LOLF porte sur les reports de crédits.
Le ministre des Finances et les ministres concernés peuvent prendre des arrêtés ministériels qui précisent que des crédits seront reportés sur l’année suivante.
Ces crédits doivent être utilisés pour les mêmes fins que la fin justifiant leur ouverture (même politique publique).
Ces reports de crédits ne peuvent se faire que dans la limite des 3% de crédits qui avaient été ouverts.
Cela permet au gouvernement de poursuivre une politique qu’il n’aurait pas eu le temps de faire sur 1 an, mais contrevient en partie à l’annualité budgétaire.

2) Les limites du principe d’annualité

Ce principe d’annualité a pour vocation d’encadrer le gouvernement, pour favoriser le contrôle parlementaire et ainsi le consentement à l’impôt.
On distingue 3 limites principales :

  1. Les lois de finances rectificatives, prévues à l’article 35 de la LOLF, qui permettent de modifier la loi de finances jusqu’à la fin de l’année.
    Elles sont justifiées dans plusieurs hypothèses : 1- à la suite d’une élection, pour appliquer le projet politique de la nouvelle majorité jusqu’à la fin de l’année ; 2- pour faire face à un évènement conjoncturel ; 3- même sans alternance ni crise, pour permettre une adaptation et une évolution du budget.
    Le Conseil constitutionnel contrôle très strictement les lois de finances rectificatives adoptées en janvier, pour éviter que le gouvernement n’ait été insincère dans sa LFI.
  1. Les lois de programmation financière, qui s’étendent sur plusieurs années et limitent donc politiquement l’annualité.
    Elles ne la limitent pas juridiquement, puisque les lois de finances ne sont pas obligées de les respecter.
  1. Le budget triennal de l’État, qui impose depuis 2008 à l’État de prévoir son budget sur le moyen terme (3 ans).

Même si ce principe d’annualité est parfois remis en cause, il demeure indispensable pour l’autorisation parlementaire et pour contrôler les comptes de l’État.

B – Le principe de l’unité

Principe de l’unité budgétaire : toutes les recettes et toutes les dépenses sont dans un seul document budgétaire.
Il est prévu par l’article 6 de la LOLF.

Pour Gaston Jèze, le budget devrait être dressé de telle façon qu’il suffirait de 2 additions pour avoir le total des dépenses et des recettes.

L’unité budgétaire favorise le contrôle du Parlement en simplifiant la lecture du budget de l’État.

Conseil constitutionnel, 1994, Loi de finances pour 1995 :
Le principe d’unité est un principe fondamental du droit budgétaire, qui s’impose au législateur.
Ce principe connaît quelques exceptions limitées par la LOLF, que le Conseil constitutionnel autorise lui-même.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, l’État procède à des débudgétisations, c’est-à-dire au transfert à d’autres personnes morales des compétences qu’il exerçait auparavant.
Cela lui permet de faire sortir de son budget des dépenses et lui permet donc d’avoir un solde moins négatif.
Le Conseil constitutionnel a précisé que toute compétence et toute dépense qui relève par nature de l’État et qui présente un caractère permanent doit être inscrit dans le budget de l’État → sanctionne les débudgétisations.
⚠️ Transférer une compétence aux collectivités (= décentralisation) n’est pas une débudgétisation.

Le principe d’unité justifie l’existence de 3 documents :
1- le budget général ;
2- les budgets annexes ;
3- les comptes spéciaux.

1) Les budgets annexes

La LOLF sépare les budgets annexes du budget général, pour mieux les contrôler.
Les budgets annexes doivent répondre à 3 conditions :
1- Ils correspondent à des activités d’un service de l’État qui n’a pas la responsabilité morale (= qui n’est pas un établissement public) ;
2- Il doit y avoir une activité économique (production de biens ou de services) ;
3- Ces activités économiques doivent faire l’objet d’une redevance ;

Une redevance est la somme qui est versée par un usager d’un service public ou d’un ouvrage public et qui trouve sa contrepartie directe dans le service public.
Exemple : lorsque l’on paie son entrée à la piscine municipale.

C’est une modalité de financement qu’il ne faut pas confondre avec la taxe.
Il y a des taxes qui se rapprochent de la redevance mais qui ne trouvent pas leur utilité dans la contrepartie directe (exemple : taxe d’enlèvement des ordures ménagères, que l’on paie peu importe que l’on ait des poubelles ou non).
De plus, le législateur française a tendance à confondre (par exemple, la “redevance audiovisuelle” doit être payée peu importe que l’on allume ou non la télévision).

4- Toutes les opérations qui apparaissent dans ce budget annexe doivent être effectuées à titre principal par le service de l’État concerné ;
5- Pour qu’il y ait un budget annexe, il faut qu’il y ait une loi de finances qui l’autorise, et seule une loi de finances peut le supprimer.

Idée : le principe d’unité justifie que les parlementaires doivent donner leur accord pour contrevenir à l’unité budgétaire.
Une fois le budget annexe créé, le Parlement examine chaque année son fonctionnement lors du vote de la loi de finances.

Avant la LOLF, on constatait une utilisation abusive des budgets annexes, puisqu’on y faisait entrer des activités non commerciales pour limiter l’impact négatif qu’elles pouvaient avoir sur le budget général.
Par exemple : le service de la Légion d’honneur.

Aujourd’hui, il n’existe que 2 budgets annexes :

  1. Le contrôle et l’exploitation aérienne, service chargé de la régulation du trafic aérien et du guidage des avions.
    Il s’autofinance par les redevances payées par les compagnies aériennes (~ 2,5 milliards d’euros par an).
  1. Le service des publications administratives, qui intègre notamment la Documentation française.
    Il fait payer un certain nombre de publications.
    Son budget est faible.

Ces budgets annexes fonctionnent comme un mini budget. On y inscrit les recettes et les dépenses ainsi que le potentiel déficit qui en découle, parce qu’ils n’ont pas besoin d’être à l’équilibre.

2) Les comptes spéciaux

Les comptes spéciaux sont créés pour 3 raisons :

  1. Ils permettent parfois de retracer des opérations non définitives (= des avances).
    Ces avances ne figurent pas au budget général, puisqu’elles seront compensées en cours d’année.
  1. Ils permettent d’affecter une recette à une dépense.
    L’universalité budgétaire interdit que l’on affecte une dépense à une recette ; on ne peut le faire que dans un budget spécial.
  1. Ils permettent de faire sortir du budget général certaines politiques publiques particulières, et permettent donc un contrôle parlementaire plus spécifique de ces activités.

Ces comptes spéciaux ne peuvent être créés que par une loi de finances (ou LOLF).
Ils correspondent à une mission (la grande subdivision du budget), qui porte sur une politique publique en particulier.
Ils font ensuite l’objet d’un contrôle parlementaire similaire au budget général, avec une autorisation parlementaire de dépense et de percevoir des recettes → fonctionne comme un mini budget.

Aujourd’hui, l’article 19 de la LOLF organise 4 types de comptes spéciaux :

  1. Les comptes d’affectation spéciale (CAS), qui ont vocation à permettre à l’État de financer des dépenses par des recettes particulières.
    → Utilité : affecter des recettes à des dépenses.

    Ces comptes d’affectation spéciale sont variés.
    Le plus important est le compte Pensions militaires et civiles de l’État, qui retrace, à part du budget général, les modalités de financement de la retraite et les dépenses pour financer les retraites des fonctionnaires.
    Idée : on enlève ce compte du budget général, parce qu’il doit s’autofinancer.

    Le CAS Gestion du parc immobilier de l’État repose sur la même idée : l’entretien des bâtiments doit être financé par la vente ou la location de certains bâtiments de l’État.
    Depuis la LOLF, on promet cette gestion active de ce patrimoine pour arriver à un autofinancement.
    On réalise que l’État est un très mauvais gestionnaire, parce qu’il vend des biens à des prix parfois largement inférieurs à leur valeur ; par exemple, le bâtiment St Guillaume de Sciences Po a été vendu pour 40% de sa valeur.

  1. Les comptes de concours financiers retracent des opérations non définitives, et principalement les avances consenties aux collectivités territoriales.

    Chaque mois, l’État avance aux collectivités 1/12e des impôts qu’elle percevront au final.
    On crée un compte spécial, parce que cette opération a vocation à être neutre : l’État avance autant que ce que les impôts locaux lui apportent.

  1. Les comptes de commerce fonctionnent quasiment comme les budgets annexes.
    Ils permettent de retracer des activités commerciales effectuées par un service non personnalité de l’État, mais quand l’opération est effectuée à titre accessoire.
    Exemples : approvisionnement des armées en pétrole, travail des détenus…
  1. Les comptes d’opérations monétaires retracent toutes les opérations relatives à l’émission des pièces ou liées au financement d’organisations internationales comme le FMI.
    Ces dépenses ont un caractère aléatoire qui n’est pas prévisible ; elles sont donc mises à part du budget général, qui repose sur la prévision des recettes et des dépenses.

Ces budgets annexes et comptes spéciaux ne correspondent pas à la débudgétisation, parce qu’ils n’échappent pas au contrôle parlementaire, et que chaque année la loi de finances les traite directement.

Le risque est que si l’on multiplie les documents annexes, alors on rend plus délicat le contrôle parlementaire.
Le gouvernement peut chercher à noyer des informations essentielles dans un grand nombre de documents différentes.
→ Seul le Parlement peut autoriser la création d’un budget annexe ou d’un compte spécial.

Chaque mission de l’État fait l’objet d’informations spécifiques, avec des documents budgétaires spécifiques (”bleus budgétaires”) qui sont transmis au Parlement en même temps que le projet de loi de finances.
Chaque mission de l’État fait l’objet d’un rapport par un rapporteur spécial de la Commission des finances de chaque assemblée.

C – Le principe de l’universalité budgétaire

Principe de l’universalité budgétaire : il ne peut pas y avoir d’affectation d’une recette à une dépense (sauf en matière de comptes spéciaux).
Il s’agit d’une règle fondamentale du droit des finances publiques, apparue sous la Restauration.

Dans sa décision Loi de finances pour 1983, le Conseil constitutionnel affirme que ce principe d’universalité répond à un double objectif :

  1. Assurer la clarté des comptes, en indiquant les recettes et les dépenses de manière brute ;
  1. Permettre un meilleur contrôle parlementaire, en inscrivant véritablement toutes les dépenses et toutes les recettes.

Ce principe est aujourd’hui inscrit à l’article 6 de la LOLF.
Il se compose de 2 éléments :

1) La règle du produit brut (ou règle de non-contraction)

Toute recette et toute dépense sont inscrites pour leurs montants bruts, et non pour leurs montants nets.
Par exemple, l’impôt sur le revenu correspond à des recettes et des dépenses, parce que percevoir l’impôt coûte de l’argent.
Règle : on ne met pas le produit final de l’impôt sur le revenu, mais on inscrit combien ça a rapporté concrètement + combien ça a coûté concrètement à mettre en oeuvre.

Cette règle permet une meilleure gestion des finances publiques, car elle permet d’appréhender les coûts concrets de la perception d’un impôt.
Elle permet la suppression d’impôts qui coûtent plus cher à collecter qu’ils ne rapportent.
Elle ne s’applique pas à certains comptes spéciaux.

2) La règle de non-affectation des recettes à une dépense

Cette règle s’oppose à ce qu’une recette spécifique (par exemple, l’impôt sur le revenu) ne serve à financer une dépense spécifique (par exemple, l’école).
Elle repose sur une raison théorique : l’affectation d’une recette à une dépense remettrait en cause la solidarité nationale.

Si on reçoit plus de recettes que nécessaire pour financer ce service, il y aurait alors d’autres services qui ne pourront pas bénéficier de cet impôt.
De plus, l’affectation d’une recette à une dépense est souvent source de création de “caisses noires” = le fait qu’un ministère conserve pour lui le montant des sommes qu’il n’a pas utilisées.
Or le principe de la solidarité nationale veut que tout ce qui n’est pas utile pour un service soit utilisé par un autre.

D’un point de vue politique, ce principe n’est pas respecté, puisque les politiques ont tendance à justifier la création d’un impôt pour pallier une dépense particulière.
Juridiquement, cette rhétorique est fausse.

Exception n°1 à la non-affectation : les fonds de concours, organisés par l’article 17 de la LOLF, qui retracent dans le budget général des recettes à caractère non fiscal versées par des individus physiques ou moraux et qui ont vocation à financer une activité d’intérêt général (principalement des donations faites à l’État ou à des collectivités territoriales).
→ Quand on lègue de l’argent à l’État, il est obligé de l’utiliser suivant notre volonté.

Exception n°2 : les rétablissements de crédits.
Il s’agit de l’hypothèse où l’État a indûment payé une somme qui lui est ensuite reversée. Cette somme est réaffectée directement au service qui avait payé.

Enfin, les budgets annexes et les comptes spéciaux, qui fonctionnent sur une logique d’autofinancement, constituent aussi des exceptions à ce principe d’universalité.

D – Le principe de la spécialité budgétaire

Principe de la spécialité budgétaire : l’autorisation parlementaire de procéder à des dépenses n’est pas globale – elle est spécialisée en fonction de l’objet même des crédits.
Les parlementaires n’autorisent pas le gouvernement à dépenser 400 milliards d’euros – ils l’autorisent à dépenser 2 milliards d’euros pour chauffer les bâtiments, 3 milliards d’euros pour acquérir de l’équipement, etc.

L’ordonnance de 1959 établissait une spécialité à 3 niveaux dans laquelle l’autorisation parlementaire portait sur chaque titre ; plusieurs titres étaient propres à chaque ministère.
Les ministères avaient tendance à ne pas respecter la répartition des crédit au sein de leurs ministères, et les titres étaient peu précis, ce qui limitait la spécialité.

Aujourd’hui, l’article 7 de la LOLF autorise une spécialité à 3 niveaux, avec des missions, puis des programmes, puis des actions.
Il existe aujourd’hui 50 missions (dont 34 sont dans le budget général) et 180 programmes (dont 125 dans le budget général).
Les missions sont divisées en plusieurs programmes, qui contribuent à la même politique publique. L’autorisation parlementaire est répartie entre les différentes missions, puis entre les différents programmes.
→ Dans chaque programme, le Parlement autorise des plafonds de dépense.

1) Les missions

Les missions sont le premier niveau d’autorisation de dépense. Elles peuvent être interministérielles.
Elles portent sur une politique publique définie, qui peut relever de plusieurs ministres.
Elles ne peuvent être créées que par une loi de finances (= qu’avec l’autorisation parlementaire).

Les missions correspondent à des échelles de valeur très différentes : la plus petite mission correspond à 500 millions d’€, alors que la plus lourde correspond à ~100 milliards d’€.

Il y a 2 missions qui sont à part, parce qu’elles ne correspondent pas à des politiques publiques :

  1. La mission Pouvoirs publics, qui bénéficie de tous les crédits relatifs aux pouvoirs publics constitutionnels (Conseil constitutionnel, Cour des comptes…).
    Les mettre dans une mission commune spécifique leur offre une autonomie financière qui assure la séparation des pouvoirs et évite que le financement de ces pouvoirs publics constitutionnels ne dépende d’un ministère.
  1. La mission Crédits non répartis intègre des crédits qui sont votés par le Parlement pour être utilisés en cas de calamité naturelle (inondations, séismes, tsunamis…).
    ~ 400 à 500 millions d’euros.
    Si le coût de ces catastrophes naturelles est supérieur à ces crédits non répartis, il faudra adopter une loi de finances rectificative.

2) Les programmes

Les programmes sont définis par l’article 7 de la LOLF comme l’entité de regroupement des crédits destinés à mettre en oeuvre une action ou un ensemble d’actions cohérents relevant d’un même ministère.
Ils se fixent des objectifs précis.

Ces programmes s’inscrivent dans une logique de modernisation de la gestion publique.
La LOLF dispose que chaque dépense inscrite dans un programme doit être justifiée à l’euro près. Dans le projet de loi de finances, le gouvernement explique donc pourquoi chaque somme d’argent est nécessaire pour la finalité d’intérêt général poursuivi et par rapport aux résultats qui sont attendus.
Objectif : imposer au gouvernement de justifier ses choix + d’expliquer comment il compte arriver à ses fins.

Pour cela, on associe à chaque programme des projets annuels de performance (PAP, aussi appelés “bleus budgétaires”).
Ces bleus budgétaires établissent les objectifs que se fixe un programme + les indicateurs qui permettent d’évaluer si ces objectifs sont remplis.

Les rapports annuels de performance (RAP) sont inscrits en loi de règlement (qui approuve les comptes une fois l’exercice terminé).
Idée de la LOLF : la loi de règlement doit permettre d’évaluer si les objectifs fixés ont bien été remplis, en utilisant les indicateurs de performance, pour aider à construire le nouveau projet de loi de finances → chaînage vertueux.

Dans sa mise en oeuvre, cette logique rencontre de nombreuses difficultés :

  1. Les indicateurs de performance, qui sont établis par le gouvernement, sont souvent trop faciles à remplir.
  1. Les parlementaires se sont trop peu saisis de l’importance de l’évaluation en loi de règlement, donc le chaînage vertueux voulu n’est pas optimal.
    Politiquement, ça n’est pas utile aux parlementaires, et juridiquement, puisque le budget a déjà été réalisé, il n’y a pas vraiment de moyen d’action.

Il existe aujourd’hui 180 programme, dont 150 dans le budget général.
Certains auteurs considèrent que les programmes sont trop généreux, parce qu’ils ne permettent pas une spécialisation de l’autorisation parlementaire.

La difficulté tient à la structure même des programmes : à l’intérieur d’un programme, un ministre peut par décret répartir un crédit entre les différentes composantes du programme (on dit que les crédits d’un programme sont fongibles). Le ministre a donc une latitude pour déterminer comment l’argent va être concrètement dépensé.
Cette fongibilité est justifiée par le fait que le ministre connaît les besoins précis de son portefeuille ministériel, et que ce serait trop lourd d’adopter une loi de finances rectificative à chaque fois que ces besoins changent.

Le gouvernement peut aussi faire des virements de crédit, c’est-à-dire prendre des crédits d’un programme pour les mettre dans un autre programme, mais sous conditions : les 2 programmes doivent participer à la même politique publique, et il doit informer les commissions des finances du Parlement.
Ces virements de crédits permettent de contourner légèrement l’autorisation parlementaire initiale.

Le programme constitue le cœur de la logique de la LOLF.

3) Les actions et sous-actions : la déclinaison opérationnelle des programmes

Les programmes sont eux-mêmes divisés en budgets opérationnels de programme (BOP), qui permettent aux ministres de répartir les crédits.
C’est à ce niveau que les dépenses sont réalisées.

L’intérêt de cette structure de pyramidale est que chaque unité est dirigée par un directeur, qui dépend du ministre responsable du programme.
C’est grâce à ces directeurs que le responsable du programme (= le ministre) peut établir ses projets annuels de performance.

Il y a donc une déclinaison et une spécialité qui relèvent de la compétence du législateur jusqu’au programme, puis de la compétence de l’exécutif en dessous du programme.

E – Le principe de sincérité budgétaire

Principe de sincérité budgétaire : le gouvernement doit présenter des prévisions budgétaires fiables.
Il s’agit d’un principe moins technique, plus lié à la morale et à l’intention du gouvernement. Il a principalement vocation à jouer au moment de l’examen de la loi de finances, et non de la loi de règlement.

1) L’affirmation initiale du principe de sincérité par le Conseil constitutionnel

Dès 1993, des parlementaires soulèvent dans leur requête au Conseil constitutionnel une méconnaissance d’un principe de sincérité.
Dans sa décision Loi de finances rectificative pour 1993, le Conseil constitutionnel décide de ne pas constitutionnaliser ce principe.

Il reconnaît explicitement ce principe en 1996, en se fondant d’une part sur les droits du Parlement et d’autre part sur l’obligation d’information du Parlement.
Il considère que la sincérité permet de garantir les droits du Parlement et permet une meilleure information parlementaire. Il se fonde sur les articles 14 et 15 de la DDHC → relie explicitement sincérité et consentement à l’impôt.

Ce principe de sincérité est indispensable pour contrebalancer la force du gouvernement par rapport au parlementaire. En effet, le gouvernement produit un projet de loi de finances en s’appuyant sur Bercy et dispose d’une d’une capacité d’expertise que n’a pas le Parlement.
Il est alors facile pour lui de cacher des informations que les parlementaires ne peuvent pas connaître.

2) L’application du principe de sincérité par la LOLF

L’article 32 de la LOLF pose le principe de sincérité, mais ne définit pas comment elle doit être appréciée – c’est donc le Conseil constitutionnel qui en a défini les contours.
Idée de la LOLF : la sincérité s’applique tant aux recettes qu’aux dépenses.

Dans son projet de loi de finances, le gouvernement présente l’équilibre (ou le déséquilibre) de ce projet de loi de finances, qui justifie et autorise l’emprunt pour couvrir le potentiel déséquilibre.
On applique la sincérité budgétaire aux lois de finances, ce qui est paradoxal, puisqu’il s’agit d’un acte de prévision.
→ Marge de manœuvre dans l’appréciation de ce principe.

Le Conseil constitutionnel se fonde sur l’intention de nuire du gouvernement ; mais puisqu’il s’agit d’un critère subjectif, le contrôle reste limité.
Il se limite à contrôler “l’erreur manifeste d’appréciation” du gouvernement.

Depuis 1997, le Conseil constitutionnel identifie parfois une insincérité, mais n’en tire aucune conséquence.
Il admet donc que le consentement à l’impôt (le fondement de la démocratie parlementaire !) a été faussé, mais que ça ne justifie pas pour considérer que la Constitution est méconnue.
→ Le Conseil constitutionnel préfère une loi de finances mal votée qu’une loi de finances votée en retard.

Ce pragmatisme est discutable, puisqu’il pourrait ne pas déclarer contraire à la Constitution toute la loi, et permettre l’entrée en vigueur de l’article 1 (qui permet de procéder aux recettes et aux dépenses courantes).

F – L’existence d’un principe d’équilibre budgétaire ?

1) L’équilibre recherché du budget de l’État

Le principe d’équilibre se traduit normalement par une égalité parfaite entre les ressources et les dépenses.
Néanmoins, un équilibre pur apparaît comme une fiction, puisqu’il est dans la pratique impossible d’avoir une égalité parfaite entre recettes et dépenses (les finances publiques en France n’ont plus connu l’équilibre depuis 1974).
Il faut donc comprendre le principe d’équilibre comme un but visant à s’approcher le plus possible de cette fiction.

Le respect de l’équilibre budgétaire peut être transgressé de 2 manières :

  1. Lorsqu’il y a une situation de déficit, c’est-à-dire lorsqu’il y a des recettes ordinaires qui sont insuffisantes pour couvrir l’ensemble des dépenses.
    Cela serait considéré comme l’identification d’une mauvaise gestion financière, mais il faut relativiser cette affirmation, parce qu’il y aurait une distinction entre le bon et le mauvais déséquilibre.
    Idée : le mauvais déséquilibre dure sur le long terme et est impossible à résorber → l’État vit au-dessus de ses moyens. Le bon déséquilibre est limité dans le temps, permet l’investissement public et rapporte donc de l’argent à l’État.
    Par exemple, si on investit 10 milliards d’euros pour la rénovation des bâtiments publics, cela permettra ensuite chaque année des économies substantielles.
  1. Lorsqu’il y a un excédent budgétaire.
    Traditionnellement, cette situation n’est pas considérée comme étant positive pour l’État : il a alors perçu trop de recettes, il n’a pas assez dépensé, et les personnes privées ont perdu une partie de leur patrimoine inutilement.

Le strict équilibre est semble quasiment inenvisageable, parce que les finances publiques portent sur des dépenses qui sont très différentes par nature et qui sont donc difficiles à appréhender de manière homogène.

Juridiquement, il n’y a pas de déséquilibre : pour qu’il y ait une dépense, il faut qu’il y ait quelque chose dans les caisses de l’État. Le déséquilibre provient de l’emprunt.

Dans la LOLF, l’équilibre renvoie à 1- un équilibre économique ; 2- un équilibre budgétaire ; 3- un équilibre financier.

Le Conseil constitutionnel a en fait un principe fondamental dans sa décision Loi de finances pour 1980 du 24 décembre 1979.
⚠️ Le fait de faire du principe d’équilibre un principe fondamental n’en fait pas pour autant un principe à valeur constitutionnelle.
Juridiquement, une loi de finances peut être constitutionnelle alors même qu’elle emprunte pour couvrir ses dépenses.
→ Il s’agit plutôt d’un objectif à atteindre.

2) L’équilibre et les finances sociales

Mais cette recherche de l’équilibre n’impose pas nécessairement que, pour chaque branche de la sécurité sociale, il y ait un équilibre effectif pour chaque exercice.

Par exemple, pour les finances étatiques, c’est aussi un but recherché, mais si on ne l’atteint pas, c’est pas grave.
Pour les finances sociales, il y a une exigence d’équilibre financier, qui justifie que le coût des finances sociales peut être lié par exemple à des conditions de ressources :
Conseil constitutionnel, 18 décembre 1997 :
Le Conseil constitutionnel affirme que cette exigence justifie que le versement des allocations familiales soit soumis à des conditions de ressources.
Il considère donc que limiter les dépenses sociales est envisageable pour arriver vers cet équilibre.

Pourtant, ce principe d’équilibre est plus strict en matière de finances sociales, puisqu’il s’agit d’un but même à rechercher.
Ce but constitue véritablement une forme d’obligation pour les finances sociales, qui devraient être à l’équilibre.

Idée : une fois cette limite atteinte, on ne peut pas refuser de dépenser de l’argent, même si on tente de déterminer des objectifs de dépenses qui soient couverts par les recettes.

En principe, l’article 34 de la Constitution dispose que la LFSS doit déterminer les conditions générales de son équilibre.
Cependant, contrairement à la loi de finances, la LFSS ne fixe pas des limites de dépense, mais des objectifs.

Ce principe d’équilibre est presque respecté.
En 2019, il y avait 1,9 milliards de déficit, ce qui est relativement faible, sachant que les finances sociales correspondent à 350 milliards d’€ de dépenses par an.
En 2020, on est passé à 44 milliards d’€ de déficit → c’est surtout en matière sociale qu’on a pu visualiser le « quoi qu’il en coûte », avec une augmentation des allocations et des coûts médicaux (par exemple : les finances sociales ont compensé le coût des tests Covid).
En 2020, une loi de finances rectificative a donc été adoptée pour adopter de nouvelles dépenses.

3) L’équilibre strict des finances locales

Les budgets locaux sont soumis à une obligation d’équilibre.
Cette obligation a été posée pour la première fois dans la loi du 5 avril 1884.
Aujourd’hui, ce principe repris par Code général des collectivités territoriales à son article 1612-4.

Le principe d’équilibre pour les finances locales s’identifie de la manière suivante : il doit y avoir un équilibre dans la « section de fonctionnement ».
Il peut y avoir un déséquilibre dans la « section d’investissement ».

Il s’agit d’une obligation juridique pour les collectivités : elles ne peuvent pas emprunter pour faire fonctionner normalement la collectivité. C’est une stricte obligation.

Les collectivités peuvent en revanche emprunter pour investir, mais avec une limite fondamentale : le remboursement de l’emprunt ne peut pas être financé par un nouvel emprunt, ce qui permet en principe d’éviter que les collectivités soient en déficit chronique.

Si les collectivités ont un déficit (= sont en déséquilibre non justifié), le préfet pourra alors saisir la chambre régionale des comptes pour que cette dernière modifie unilatéralement les comptes.
Les collectivités territoriales sont donc les seules administrations publiques à être soumises à un véritable principe d’équilibre, qui autorise l’emprunt pour investissement.

Cela pose 2 problématiques :

  1. Ces limites posent de vraies difficultés lorsque l’État ne compense pas suffisamment le coût des compétences qu’il a transféré aux collectivités.

    Par exemple, le montant global du RSA n’a cessé d’augmenter depuis qu’il a été transféré aux départements.
    Or la somme que donne l’Etat aux collectivités est restée la même, ce qui signifie que les collectivités doivent > soit faire des économies sur d’autres compétences ; > soit trouver de nouveaux moyens de recettes.

    Le principe d’autonomie financière des collectivités, garanti par l’article 72-2 de la Constitution, est donc un principe à la portée très faible.

  1. Lorsque les collectivités mettent en oeuvre ce pouvoir d’emprunt, certaines ont eu la mauvaise idée de réaliser des “emprunts toxiques”, qui sont des emprunts à priori attractifs puisque leur taux d’intérêt est indexé sur quelque chose.
    Ces taux d’intérêt ont explosé avec la crise de 2008, et certaines collectivités devaient finalement rembourser 200 000 € sur des emprunts de 100 000 €.

    L’État est venu encadrer, en empêchant les emprunts dits “toxiques”.
    Cette obligation est justifiée par le fait que c’est l’État qui va se substituer aux collectivités.

En matière de collectivités, l’État joue donc un double jeu : il limite la capacité d’emprunt des collectivités, mais en même temps il essaie de limiter les montants qu’il verse en dotation aux collectivités.

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