Section 3 : La mainmise de l’État sur les affaires

Cliquer ici pour revenir au sommaire de ce cours complet d’histoire du droit des affaires (L2).

1673 est marquée par l’ordonnance sur le commerce, écrite par Jacques Savary sous la direction du ministre Colbert.
Cette ordonnance est aussi appelée à cette époque le « Code de commerce ». Elle réunit les coutumes des commerçants.
Elle marque l’entrée dans une ère nouvelle, avec une implication beaucoup plus importante du législateur dans le domaine du droit des affaires.

À partir du 17e siècle, les affaires changent de visage et suivent des transformations économiques profondes.

Tout d’abord, une crise économique nationale commence dans la 2ème moitié du 17e siècle, en raison des guerres :
> Fronde (groupement de princes qui agissent contre le pouvoir royal) ;
> Guerre de 30 ans, qui engage la France contre l’empire des Habsbourg et se termine en 1648 ;
> Guerres de religion entre guerres entre catholiques et protestants.

Il y a aussi une émigration des gens d’affaires.
À partir de 1685, l’édit de Fontainebleau met fin à l’édit de Nantes qui, en 1598, avait permis aux protestants de vivre librement.
En 1685, les protestants fuient donc le royaume et emportent avec eux leurs savoirs, notamment bancaires.

Ces guerres de religion engendrent aussi une crise démographique.

De plus, en France, les nobles ne pouvaient pas faire de commerce, sinon ils étaient frappés de dérogeance (= ils dérogeaient à leur rang).

Cette crise arrive à un moment de grandes transformations dans le contexte économique général.
En effet, en 1492, les espagnols découvrent le nouveau monde, qui permet la création d’un nouveau commerce : le commerce atlantique.
Le commerce atlantique commence pour la France en 1648 avec le traité de Westphalie, qui est un traité de paix qui permet l’ouvrir l’Atlantique à d’autres puissances que les alliés des Habsbourg.
Cela donne lieu à la création de grandes compagnies de commerce maritime.

On découvre des mines d’or au Mexique, qui engendrent petit à petit un afflux de capital dans les États.

On découvre de nouvelles techniques, et notamment 1 très importante : la machine à vapeur, inventée par James Watt à la fin du 17ème siècle.
L’être humain actionne une machine qui a beaucoup plus de force que lui → facilite la fabrication.
On entre ainsi dans l’industrie ; mais cette invention n’arrivera en France qu’au 18ème siècle.

Une autre invention très importante est le métier à tisser.
Lui aussi est inventé Angleterre et n’arrive en France que dans la 2e moitié du 18ème siècle.

À partir du 18ème siècle, on est dans le contexte particulier de l’absolutisme royal.
En effet, depuis le 17ème siècle, une nouvelle théorie entoure le roi : il devient un souverain absolu (cela commence sous Louis 13).

On est face à un absolutisme royal, ce qui signifie que le roi est absous des lois : il peut faire et défaire la loi et il contrôle les 3 pouvoirs.
Il n’y a aucun corps intermédiaire entre le peuple et lui.
Louis 14 endort les parlements, en leur disant qu’ils ne peuvent faire des remontrances qu’après avoir enregistré la loi. Il ne réunit plus les États généraux.

On entre dans une monarchie de droit divin.
C’est une idée développée par Bossuet, qui est un évêque/théologien, qui écrit que le roi prend son pouvoir directement de Dieu → il est sacré.

L’absolutisme se traduit dans le monde des affaires : le roi gouverne l’économie et les affaires.
C’est une nouveauté, parce qu’auparavant on laissait beaucoup les commerçants s’organiser eux-mêmes (ils devaient simplement s’homologuer).

À partir de Louis 13 et Louis 14, on voit l’instauration d’une véritable politique économique, qui aura une influence très importante pour le droit des affaires.
Le roi conduit les affaires.

§ 1. Le commerce réglementé : la mise en œuvre du mercantilisme

Le mercantilisme est une théorie née sous Henri IV via son ministre des finances Sully.
Idée : l’État doit conduire l’économie en conservant un maximum de richesses à l’intérieur du pays et en rayonnant dans le commerce international.

Cette théorie ne sera mise en application que sous Louis 13, avec son ministre Richelieu, mais surtout sous Louis 14, avec son ministre Colbert, qui applique cette théorie à sa façon à lui, que l’on appellera le colbertisme.

I – Une théorie propre à l’absolutisme

L’idée générale du mercantilisme est d’enrichir les nations par l’accumulation des richesses.
Ces richesses peuvent être des marchandises, et notamment les marchandises que l’on gagne avec les colonies.

En Angleterre, il existe aussi le bullionisme qui est un courant de pensée qui repose sur la conviction que la quantité de métaux précieux détenue par un pays est la mesure de sa richesse. C’est aussi une théorie mercantiliste basée sur l’accumulation des métaux précieux ; le colbertisme va plus loin avec l’accumulation de toutes les richesses.

Colbert développe l’industrie de luxe : Montesquieu écrira ensuite dans L’Esprit des lois (1748) qu’il voit le luxe comme un bienfait économique.
Idée : on produit sur le territoire français des produits de luxe sont des produits extrêmement précieux, qui seront estampillés français, ce qui va attirer les plus riches du pays + qui vont se vendre à l’étranger pour faire entrer des capitaux et améliorer l’image du pays.
À l’époque, les produits de luxe sont la faïence, la soie et autres tissus, les miroirs, la porcelaine, le cristal…

Il crée des manufactures, qui entrent en concurrence avec les corporations.
Il encourage la création de grandes compagnies commerciales.
→ Modification du paysage économique.

Ce système utilise l’un des ressorts juridiques de l’absolutisme : le monopole.
L’État n’hésite pas à octroyer des monopoles d’État à ces manufactures et ces grandes compagnies commerciales.

Colbert dira qu’il est pour la liberté du commerce, parce qu’il considère que le fait que le roi concède la possibilité de faire des monopoles est une liberté.
C’est une liberté collective → on laisse aux commerçants le droit de faire.

→ Économie dirigée, favorisée par le pouvoir.

Le mercantilisme connaît ensuite une évolution sous la Régence avec le néomercantilisme.

💡
La Régence est une période particulière qui s’étend de 1715 à 1723 : pendant la période entre la mort de Louis 14 et l’arrivée sur le trône de Louis 15, Philippe d’Orléans est le régent.

Philippe d’Orléans écoute les conseils de l’écossais John Law et adopte l’idée du néomercantilisme, qui élargit le mercantilisme au domaine des banques et des finances.
John Law devient même ministre des Finances et met en place le système de Law (prononcé “lass”).

Idée : créer une banque d’État qui émet du papier monnaie en échange de l’or.
On dit aux personnes d’apporter leur or, en échange duquel on leur donne du papier monnaie.
On peut même payer les impôts avec le papier-monnaie.

Law crée aussi en 1717 une grande compagnie maritime : la Compagnie des Indes, qui englobe toutes les autres compagnies de commerce qui existaient à l’époque.
Elle a un monopole d’exploitation de 25 ans et elle reçoit le monopole d’émission des billets.

Elle émet des actions (même s’il n’y a pas encore de lieu physique, la compagnie était située rue Quincampoix, au futur lieu de la Bourse de Paris) et des billets.
Au départ, les actions ont un tel succès que leur cours est multiplié par 3000 → on fait de la spéculation avec ces actions.
On peut payer ces actions en billets, mais les deux reposent sur de l’or que la Compagnie est sûre de trouver au Mississipi ; mais, au final, l’or du Mississippi n’arrive pas.
Les deux se mordent finalement la queue sur leur base en or.

Certains individus puissant et jaloux, qui n’aiment pas la compagnie, commencent à diffuser de fausses nouvelles sur la compagnie, au point où le public demande le remboursement en liquide de leur actions.
En 1720, ceci ne tient plus et entraîne la banqueroute de Law = un gros krach boursier.
Malgré ce krach, la compagnie réussit à éponger une grande partie des dettes de Louis 14 et à renflouer les caisses de l’État.

La banqueroute de Law crée une grande peur du papier monnaie ; on arrêtera donc d’en émettre jusqu’à la Révolution (où ça se passera mal), puis sous Napoléon avec la Banque de France.

Dans les années 1750, l’impact des Lumières amène l’idée de libéralisme.
Pour les physiocrates (école de pensée économique dont la thèse centrale est que la valeur provient de l’agriculture, et que cette dernière doit être laissée à elle-même), il faut absolument appliquer le libéralisme.
Parmi eux, il y a Quesnay, médecin de Mme de Pompadour. Il est très intéressé par la circulation sanguine et il se dit que le sang circule bien quand il n’y a rien qui bouche les veines ; sur cette base, il milite pour la liberté de circulation des grains pour que tout circule bien.
Gournay développe également l’idée du “Laisser passer, laisser faire”.

Après eux, les économistes ont eux aussi des idées libérales, mais beaucoup plus générales.
Pour eux, ce ne sont pas que les produits agricoles qui doivent être en libre circulation, mais toutes les marchandises.
Dupont de Nemours et Turgot militent pour la libre circulation du commerce et de l’industrie.
Turgot veut par exemple libérer les métiers en abolissant les corporations. Avec 2 édits, il libère les corporations et la circulation des grains ; mais son libéralisme arrivera trop tôt, ce qui entrainera son échec à ce moment.

En revanche, en 1786, un traité de libre-échange est conclu entre la France et l’Angleterre.

II – Le rayonnement extérieur

Ici, toujours dans l’idée de rayonnement international, on veut briller sur les mers.
Pour ceci, l’État favorise la création des compagnies à privilèges ; par la suite, il met en place un système anti-libéral appelé l’Exclusif colonial, où l’État dicte aux compagnies comment commercer.

A – Les compagnies à privilèges

Ces compagnies apparaissent au 17e siècle ; on en voit les toutes premières avec Richelieu, mais elles n’auront pas grand succès.

Il faut attendre 1648 pour que l’Atlantique soit totalement libérée.
Elles voient quand même voir le jour avec la Compagnie du Morbihan et la Compagnie des Indes orientales. Ces dernières ne vont pas encore aux Amériques, mais elles sont installées en 1625 avec un système de monopole + des privilèges.

En faisant ceci, Richelieu imite des systèmes qui existent déjà en Angleterre et en Hollande.
En effet, la Compagnie des Indes hollandaise existe déjà depuis 1602 (mais cette dernière a accès au commerce vers les Amériques).

Pour pouvoir être constituées, elles doivent obtenir l’autorisation du roi par lettres patentes (= des lettres ouvertes, visibles par tous).
Le roi autorise la constitution de ces sociétés par actions, qui divisent leur capital en titres d’actions.
Ces titres sont achetés par des actionnaires ; au départ, ce sont des titres nominatifs : il n’y a pas encore un grand marché des actions.
Ces actionnaires reçoivent des dividendes.

Toutefois, le roi et sa famille royale prennent au moins 20% des actions.
De plus, Colbert met en place une surveillance de la souscription des actions de ces compagnies. Il oblige les officiers et les secrétaires d’État (= ancêtres des ministres) à détenir des actions.

Le roi, au moment où il constitue la compagnie, lui attribue des privilèges (= petites lois privées).
Ces privilèges sont inscrits dans une charte : c’est pour cela que l’on parle de compagnies à privilège ou de compagnies à charte.

Parmi ces privilèges, elles reçoivent même des droits régaliens, qui sont liés leur mission de colonisation. Cette mission de colonisation participe à la volonté du roi de faire rayonner le Royaume à l’extérieur.
C’est ainsi que l’île de Madagascar devient propriété de la Compagnie des Indes occidentales en 1664.

Parmi ces droits régaliens, elles ont des droits de justice, des droits de commandement… elles s’installent dans ces colonies et ont des droits similaires à ceux du roi.
Ces privilèges sont attribués pour de très longues années (souvent 30 ans).

Le roi attribue aussi à ces compagnies des monopoles économiques : elles reçoivent un monopole commercial sur certains ports ou certains comptoirs qui leur étaient réservés.
Dans ces comptoirs, elles actionnent notamment le commerce triangulaire : acheminement des esclaves pour exploiter les champs de coton / de canne à sucre / …

Le commerce triangulaire part de l’Europe, où les bateaux sont chargés de marchandises ; ils s’arrêtent en Afrique, pour les échanger contre des esclaves ; ces derniers sont amenés aux Amériques pour servir de main d’œuvre.
Louis 16 interdit l’esclavage en métropole en 1772 : à partir du moment où un esclave met pied sur le sol français, il est affranchi et doit être rémunéré.

Ces compagnies ont aussi une mission d’évangélisation.
Ils apportent aussi des femmes blanches pour les hommes blancs pour éviter les mélanges.
Il y a aussi des compagnies biologistes qui se déplacent pour étudier et déplacer les produits.

Ces compagnies connaissent toutefois des débuts difficiles, autant sous Richelieu que sous Colbert.
Elles étaient souvent un peu trop ambitieuses.
Exemples : la compagnie des Indes occidentales, des Indes orientales, du Levant, du Nord, de Chine, du Sénégal, …
C’est John Law, en 1717, qui trouve une solution en initiant la fusion de 5 grosses compagnies en une unique Compagnie des Indes.

B – L’Exclusif colonial

Pour protéger ce système du commerce maritime, le roi met en place une protection supplémentaire : l’Exclusif colonial.

L’Exclusif colonial, que l’on appelle aussi l’Exclusif ou le Pacte colonial, est un système mis en place avec 2 ordonnances royales de 1717 et 1727.
Il s’agit d’une série de lois prohibitives sur le commerce étranger dans l’économie.
Idée : éviter que le commerce des compagnies étrangères ne gêne le commerce français.

La plus importante de ces mesures est que les colonies ne peuvent pas faire de commerce entre elles, ni avec des puissances étrangères : elles doivent obligatoirement passer les bateaux des compagnies à privilège.

Le roi décide donc d’installer des ports privilégiés, qui sont tenus par ces compagnies privilégiées, et dans lesquels on commerce avec les colonies.
Il y a 13 ports privilégiés en 1717 et 20 en 1763.

Dans ces ports privilégiés, il y a très peu d’impôts pour éviter la contrebande.
Il existe même des ports francs, où on ne paie aucun impôt.
Les compagnies gagnent très peu en taxes directes, mais elles gagnent beaucoup grâce au protectionnisme.

Il est interdit de faire entrer des produits étrangers dans ces ports.
Les bateaux des compagnies étrangères n’ont pas le droit de s’approcher à moins d’1 lieue des côtes.
Il y a beaucoup de contrebande dans ces lieux, sanctionnée par la peine de mort.

Ce système est critiqué dès 1765, mais il faut attendre 1783 pour que soit créé l’Exclusif mitigé, qui permet l’installation d’entrepôts étrangers autorisés par le roi, mais qui ne pourront entreposer que certains produits listés.

Les critiques libérales portent aussi sur le système des privilèges en général.
On voit qu’à partir de 1753, la Compagnie des Indes perd le privilège l’Inde orientale ; elle perd ensuite celui de l’Océan Indien en 1759 ; mais elle récupère tout en 1783.
En effet, à partir des années 1750, le libéralisme économique commence à infléchir le mercantilisme et le protectionnisme de la politique du royaume.
On limite donc les privilèges ; toutefois, la compagnie récupère tous ses privilèges en 1783.
La Compagnie des Indes est supprimée en 1789.

III – La direction intérieure

A – La règlementation des communautés de métiers

Les édits de 1581 et 1597 généralisent encore + le système des corporations : tout nouveau métier qui se constitue est obligé de le faire en corporation.
Colbert, le 23 mars 1673, au moment de l’ordonnance sur le commerce, rappelle l’obligation de s’organiser en corporations (certains ne l’étaient pas encore).
À Paris, on parle aussi de métiers jurés.

Après ce rappel, on passe à Paris de 60 corporations à 129.

Colbert ne s’arrête pas là : à partir de 1673, il veut moderniser les statuts des corporations en imposant des statuts types.

On a vu que la jurande (= ceux qui sont en haut des corporations) avaient parmi leurs membres des gardes (= l’équivalent des inspecteurs techniques).
Colbert fait disparaître les gardes, pour leur substituer un corps spécial d’inspecteurs nommés par le roi et rattachés au Bureau du commerce.
Colbert dit que c’est pour assurer le prestige de richesses intérieures.

Ces corporations subissent des critiques.
La première est la tendance à l’hérédité, qui crée petit à petit une sorte de plafond de verre
qui empêche les compagnons de devenir maîtres et certains maîtres de devenir jurés.

En effet, à partir de 1691, les fonctions des jurés deviennent vénales = on doit payer pour devenir juré. On achète pour cela une charge au roi → ce système est critiqué, car il est moins démocratique.

De même, on se rend compte qu’il est difficile, quand on est compagnon, de devenir maître.
Pour devenir maître, il faut réaliser un chef d’œuvre (= pièce qui montre son savoir-faire) après un tour de France et le présenter devant des maîtres.
Mais réaliser un chef d’œuvre coûte cher. Par ailleurs, un usage se met en place, qui veut que le compagnon offre un immense banquet le jour de la présentation de son chef d’œuvre.
Les compagnons commencent donc à se réunir en compagnonnage pour payer le chef d’œuvre d’un compagnon.

L’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 interdit les banquets ; cela est réaffirmé en 1581, ce qui signifie que l’usage continue…

Louis 14 tente d’imposer aux corporations un certain nombre d’enfants orphelins qui doivent devenir maîtres → on essaie d’ouvrir davantage les corporations.

Le système des corporations est critiqué pour sa tendance à l’hérédité, pour le fait qu’il porte atteinte à la libre concurrence…
On leur attribue aussi des privilèges de fabrication et de vente qui pénalisent la concurrence → affaiblit l’économie.

En 1776, Turgot (le ministre des Finances de Louis 16) met en place l’édit de Turgot, qui supprime toutes les corporations.
Cet édit est une catastrophe : le lendemain, les corporations manifestent et, de manière surprenante, les compagnons sont les plus nombreux parmi les manifestants.
L’édit est abrogé 7 mois plus tard.
La libéralisation du commerce des grains est faite au même moment et est elle aussi un échec.

B – Les manufactures

Les manufactures apparaissent à la fin du 17ème siècle, mais surtout au 18ème siècle.

Dans ces manufactures, on concentre le travail en embauchant un grand nombre de personnes.
→ Apparition de l’ouvrier.
La manufacture utilise une main d’œuvre, mais aussi la machine, et notamment le métier à tisser.

À cette époque, les manufactures participent au colbertisme et à la volonté de développer une industrie de luxe.
Elles se développent en dehors du circuit des corporations et sont sous la surveillance du ministre des Finances.
Leur constitution est soumise à l’autorisation du roi, qui leur attribue des monopoles de fabrication et des privilèges.

Il existe 2 types de manufactures :

  1. Dans la manufacture d’État, le roi est l’entrepreneur.
    Il nomme un régisseur chargé du fonctionnement de la manufacture.
    Ces manufactures gèrent souvent les produits qui concernent la Cour et les produits de l’État.

    Par exemple, la savonnerie et les ateliers militaires étaient des manufactures d’État.

  1. Les manufactures royales sont beaucoup plus nombreuses et fonctionnent comme les compagnies à privilège.
    Ce sont des compagnies privées, subventionnées par l’État, qui disposent de privilèges.

    Par exemple, la manufacture de Saint Gobain, fondée en 1665, se voit attribuer le privilège de la verrerie de Milano : elle seule peut utiliser ce procédé de fabrication.

    L’État s’implique en se faisant recruteur : il encourage l’appel à des ouvriers étrangers pour leur savoir-faire.

    Ces manufactures sont nombreuses.
    Par exemple, la porcelaine et la faïence.
    Par exemple, la manufacture d’Oberkampf est connue pour être le créateur de la toile de Jouy.
    Il y a aussi des manufactures avec de la métallurgie, comme celle de Wilkinson en 1770.

    Ces manufactures seront la base des futures usines industrielles.

Ce grand nombre de manufactures cherche à assurer le prestige de l’industrie française.
Dans ces corporations, on impose des marques et des poinçons qui garantissent la provenance de ces produits → naissance de la marque.

L’État réglemente également certains règlements de travail.

Ces manufacturent étaient soumises à des contrôles du corps des inspecteurs créé en 1673 pour surveiller les corporations.

Ces manufactures sont critiquées par les libéraux à cause de la présence de l’État (directe dans les manufactures d’État, tutélaire dans les manufactures royales).
Elles sont aussi critiquées par les corporations, qui sont en concurrence avec elles, notamment dans les domaines où il y a une manufacture et une corporation sur le même domaine (par exemple, les manufactures et corporations de porcelaine).

À cette époque, on constate aussi le développement de l’industrie minière et de l’industrie de Javel.

§ 2. La représentativité des commerçants

Le roi veut gouverner avec son administration et en même temps connaître les commerçants.
Pour cela, il utilise les chambres de commerce, puis le Bureau du commerce.

I – Les Chambres de commerce

A – La création et l’organisation des chambres

Les chambres de commerce s’étaient développées spontanément : les commerçants se réunissaient pour tenir au courant le roi.
La toute première est la chambre de commerce de Marseille, créée en 1599. Elle est au départ rattachée à la ville de Marseille avec des officiers municipaux, puis elle devient autonome en 1650.

Ces chambres vont se créer peu à peu.
À partir de 1700, lorsque le Bureau de commerce sera créé, toutes ces chambres de commerce installées dans les villes commerçantes vont élire un représentant qui va y siéger.

Une décision royale de 1701 généralise l’institution des chambres de commerce : en 1701, le roi décide que dans toutes les villes où il n’y a pas de chambres de commerce, elles doivent être créées.
→ Toutes les villes vont avoir une chambre de commerce.

Ces chambres comptent 5 à 10 membres élus. Ce sont très souvent des membres du corps de la ville (souvent, le maire est un membre de droit de la chambre de commerce).
Ces membres forment la chambre de commerce.

Les requérants y sont accueillis pour toutes leurs demandes.

On prend ensuite conscience d’une lacune dans la composition des chambres de commerce : on ne voit pas de représentants des manufactures (= les fabricants).
C’est l’indentant Trudaine qui pousse dans les années 1730 les chambres de commerce à intégrer dans leurs membres des fabricants de manufacture.
💡 Trudaine est surtout connu pour avoir développé le corps des ponts et chaussées et le réseau routier français.

B – Les attributions des chambres

Les attributions des chambres de commerce sont essentiellement consultatives.
Elles élisent chacune 1 représentant qui va siéger au bureau de commerce.

Ce député va porter avec lui le cahier de doléances des commerçants.
→ Il fait passer l’intérêt local au niveau national.

L’autorité royale les consulte pour qu’elles rendent des avis.
On voit des clans qui se forment, avec des idéologies opposées : les libéraux (par exemple, les fabricants de vin) s’opposent à ceux qui sont favorables au protectionnisme (par exemple, les fabricants de textile).
Il est intéressant de voir que la confrontation entre libéralisme et protectionnisme existe depuis l’Antiquité.

Toute une doctrine de droit commercial se développe dans ces chambres : des experts en droit commercial y conseillent les commerçants et forment peu à peu une doctrine.

Les chambres de commerce ont par ailleurs certaines tâches d’administration.
Par exemple, à Marseille, c’est la chambre de commerce qui veille à l’entretien du port.

Au 18e siècle, sous l’Ancien Régime, on comptera 11 chambres de commerce.
En 1791, elles sont sans surprise supprimées ; mais Bonaparte les rétablit en 1802.

II – Le Bureau du commerce

Le Bureau du commerce est une institution spécifique, destinée à représenter les intérêts généraux du commerce.
Ce Bureau est constitué des députés des chambres de commerce.
L’objectif du roi est d’avoir un organe central pour demander des avis et d’écouter les doléances des commerçants.

Cet organe central mettra du temps à s’installer.
Sous Henri 4, son ministre des finances Sully tente d’organiser un Conseil de commerce avec une douzaine de membres, mais ses activités cessent vite.

L’idée est reprise par Colbert, qui crée un Conseil de commerce en 1669, mais il ne le fait qu’avec les ministres concernés par les affaires. Il finit par supprimer rapidement ce Conseil en 1676.

Ce n’est qu’en 1700 qu’on recrée un Conseil de commerce, qui prendra en 1722 le nom de Bureau de commerce en 1722.

Voir : Conseil et bureau du commerce — Wikipédia.

On y examine toutes les propositions et les requêtes.
Il est composé d’1 membre de chacune des 11 chambres de commerce + 1 membre qui représente les îles.
On ajoute à ces 12 représentants des conseillers d’État + les ministres des Finances, de la Marine, des Affaires étrangères + des intendants de commerce.

Les représentants n’ont pas de voix délibérative : seuls les représentants du pouvoir royal (les ministres) votent.
Mais l’avis du Bureau est très important
: ils rédigent un “Avis du Bureau du commerce » que le roi a tendance à suivre.

Le Bureau a une influence sur la législation : on y voit se rédiger des projets de texte.
→ Pouvoir politique très important.

Lorsque, dans ce Bureau de commerce, se trouvent des intendants comme Trudaine et Gournay, ils font évoluer la politique royale vers le libéralisme.

Bonaparte transforme cet organe purement consultatif en organe délibératif.

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