Section 2 : L’invention d’un droit pour les marchands au Moyen Âge et sous la Renaissance

Cliquer ici pour revenir au sommaire de ce cours complet d’histoire du droit des affaires (L2).

§ 1. Le monde des marchands créateur de règles nouvelles

Le Moyen Âge commence en 476, avec la chute de Rome, et dure jusqu’en 1453, avec la fin de la Guerre de Cent Ans, la chute de Constantinople et début de l’empire Ottoman.
La Renaissance commence ensuite à la fin du 15e siècle et au début du 16e siècle.

Les historiens scindent parfois le Moyen Âge.
Le Haut Moyen Âge est surtout marqué par la féodalité.
Il y a un roi et un territoire royal, mais partout autour on a des seigneurs, à cause de l’affaiblissement de l’empire carolingien.
La société est marquée par les liens vassaliques.
Le Roi n’est qu’un seigneur parmi tant d’autres, mais à partir du 11e/12e siècle, il est reconnu comme suzerain (= le seigneur des seigneurs → il n’est le vassal de personne).
→ Apparition de la figure royale.

À partir du 12e siècle, on connaît un renouveau économique. On parle parfois de “1ère renaissance”.
En effet, on invente le soc, lame de terre qui tranche le sol et qui permet d’aller beaucoup plus vite. Cette invention technique permet de produire plus : on a même du surplus !
C’est aussi une période où certaines choses sont en train d’évoluer : on bouge géographiquement (ex : les croisades) + les marchands apparaissent.

Les marchands, qui au début sont des nomades qui vendent leurs produits dans les seigneuries, commencent à se regrouper dans des marchés et dans des foires ; ils finissent par se sédentariser et créer des villes.

3 possibilités :

  1. Soit le seigneur les accueille et en fait une ville à lui (prévôté) : il installe un agent, et cette ville apporte de la richesse à sa seigneurie.
  1. Parfois, ces marchands veulent créer une ville dont les seigneurs ne veulent pas : cela crée de véritables guerres. À l’issue de la bataille, ces villes deviennent autonomes.
  1. La ville s’installe et négocie une charte avec le seigneur : il met pas son prévôt, mais en contrepartie cette ville est vassale.

Ce mouvement des villes profite au roi.
Il apporte son aide à la création et à l’émancipation des villes.

On assiste aussi à la création de ligues internationales de marchands, qui font circuler des échanges entre l’Italie et les Flandres dans d’immenses foires.
Par exemple, les Foires de Champagne sont des foires immenses dans lesquelles ces gros marchands internationaux vont se croiser.

Ce mouvement est affecté par la Guerre de Cent Ans (la guerre n’est jamais bonne pour le commerce).

Grâce à ces échanges, on voit apparaître de nouvelles techniques.

2 énormes contraintes forcent les marchands à s’adapter :

  1. L’insécurité : les commerçants doivent s’adapter aux dangers et développer des techniques comptables et bancaires telles que l’assurance.
  1. L’Église : à partir de la réforme grégorienne, l’Église fait figure d’universelle et impose ses règles, sa morale et son dogme.
    1 chose heurte les commerçants : l’interdiction du prêt à intérêt par le droit canonique → impacte sérieusement le droit des affaires et la vie du commerce.

§ 1. Le monde des marchands créateur de règles nouvelles

I – Une activité subversive face aux cadres traditionnels

A – L’émancipation du marchand face à l’économie seigneuriale

Les marchands se déplacent le plus souvent en caravanes.
Pour pouvoir pénétrer dans les seigneuries et pouvoir vendre, ils doivent obtenir l’accord du seigneur, qui fait payer des taxes.
→ Ils doivent se conformer aux lois du seigneur + ils sont justiciables du seigneur.

Avec l’augmentation du monde des marchands, certains seigneurs créent des grandes foires, notamment en Champagne.
Pour attirer les marchands, les comtes de Champagne leur attribuent des privilèges : ils garantissent leur sécurité et lèvent l’interdiction du prêt à intérêt dans la foire.

Pour gagner en liberté face aux seigneurs, ces marchands finissent par se regrouper et s’organiser en corporations (spontanées cette fois-ci !), afin de tenter d’obtenir des libertés et des franchises auprès des seigneurs.
Ils créent même des villes à plusieurs corporations et marchands !
≠ les prévôtés sont des villes seigneuriales.

Dans ces villes, les marchands commencent à avoir un rôle politique, à créer des institutions politiques, à créer une hiérarchie avec les bourgeois…
Ils créent de véritables institutions, et notamment des beffrois (= tours de gardes), des murailles, des places fortes…
Ces villes fonctionnent un peu comme des seigneuries, mais de manière oligarchique.

« L’air de la ville rend libre ».

À Paris, la corporation de l’approvisionnement par eau fluviale est une puissante corporation qui existe depuis 1170. C’est elle qui constitue la 1ère municipalité de Paris.
D’où l’expression fluctuat nec mergitur !

Le roi Saint Louis décide de réformer cette municipalité.
Il discute avec leur chef pour en faire un prévôt des marchands.

Il y a donc, à Paris, une gestion à 2 têtes, avec un prévôt des marchands + un prévôt de Paris institué par le roi.

Dans ce mouvement d’émancipation urbaine, des villes se créent.
Avec les villes, le commerce s’épanouit : magasins, places marchandes, foires…

Les foires de Champagne sont les foires les plus connues.
Elles vont notamment accueillir des marchands internationaux, avec une organisation qu’on appelle la Hanse (on les appelle les hanséates).

Une hanse est une association de marchands au Moyen Âge.
On distingue 2 hanses :
> l’une part du sud de l’Italie et remonte vers l’Europe ;
> l’autre est située vers la mer Baltique.

Ces marchands sont très organisés : ils se déplacent ensemble et s’organisent ensemble, avec 1 assemblée générale qui réunit 70 cités de toute l’Europe (elle a un rôle consultatif).

Les hanséates peuvent communiquer avec les souverains.
Ils ont par exemple pu obtenir la protection royale du roi d’Angleterre, qui leur permet d’installer des convois à Londres.

Cette Hanse est une organisation puissante : elle est même dotée de sa propre armée.
C’est une organisation internationale qui n’est pas rattachée à un souverain en particulier, et qui quelque part est elle-même souveraine.

Ils ont même un style : celui des maisons en brique rouge, que l’on retrouve notamment à Amsterdam.

Ils bénéficient aussi de règlements avantageux qui leur permettent d’installer des comptoirs, notamment en Belgique et en Russie.
Ces comptoirs sont des endroits d’échange qui leur appartiennent.

Ils obtiennent des contrats avantageux.
Dans certains territoires, ils obtiennent le droit d’épave (= le droit de récupérer les bateaux échoués sur les côtes).

La hanse sera très puissante, mais elle commence à décliner au 15e siècle, lorsque d’autres marchands apparaissent et que beaucoup de marchands commencent à se sédentariser.
Cette organisation perd alors en importance.

Le commerce bouscule aussi d’autres cadres, notamment le cadre religieux :

B – Une évolution nécessaire face à la prohibition canonique du prêt à intérêt

La prohibition du prêt à intérêt est la prohibition de l’usura (« intérêt »).
⚠️ De nos jours, quand on dit « usure », on pense uniquement à l’intérêt excessif.

L’Église interdit le prêt à intérêt à partir du 11e/12e siècle, parce qu’à cette époque, la royauté a perdu en vigueur : après Charles le Chauve (9e siècle), c’est la féodalité.
L’Église fait alors figure d’autorité universelle dans le territoire : au-dessus du pouvoir des seigneurs, elle impose petit à petit son droit et sa manière de voir, notamment avec la réforme grégorienne menée au 11ème siècle par le pape Grégoire 9.

L’Église s’intéresse à l’économie.
Depuis longtemps, elle n’aime pas les marchands, et encore moins le prêt à intérêt.
Voir déjà, dans la Bible : Jésus qui chasse les marchands du temple.

Dans le Décret de Gratien (12ème siècle), qui est un gros livre qui réunit un grand nombre de décisions ecclésiastiques + la propre doctrine de Gratien, il écrit que « le marchand ne peut plaire à Dieu, ou difficilement ».
Plus tard, le théologien St Thomas d’Aquin, dans La somme théologique (13e siècle) écrit “il est plus difficile à un riche d’entrer au paradis qu’à un chameau de passer dans le chas d’une aiguille”.

L’Église s’attaque au prêt à intérêt, qu’elle interdit dans la société française à partir du 11e siècle.
Mais cette interdiction a des racines + anciennes : en effet, l’Église se fonde d’abord sur des raisons empiriques (= ce qu’on a appris de l’expérience) pour interdire le droit à intérêt.

  • On voit que, quand il y a des intérêts trop forts, il y a de l’usure → l’argent devient cher, ce qui met en danger l’économie.
  • Elle s’appuie sur des raisons morales générales : condamnation de l’esprit de lucre.
  • Elle s’appuie sur des raisons plus théologiques / philosophiques, qui disent que l’usure est contre nature.
    En effet, lorsque l’on plante un grain dans la terre, il fait une plante.
    Lorsque l’on plante de l’argent, l’argent ne se reproduit pas ; il est donc contre-nature de décider soi-même que l’argent va créer de l’argent.
    💡 Cet argument était déjà donné par Aristote, un laïc.
  • Elle s’appuie sur une raison religieuse : les théologies disent que « le temps n’appartient qu’à Dieu » ; or, le préteur prend le temps à son profit.
  • Elle s’appuie sur une raison théologique et sociétale : la relation au travail.
    Pour l’Église, c’est le labeur qui justifie un enrichissement : le verset 19 du chapitre 3 de la Genèse affirme que « à la sueur de ton front tu gagneras ton pain ».
    Or, on estime que le préteur à intérêt ne travaille pas (même si le préteur prend un risque…).

Quand l’Église s’impose dans la société, des tribunaux civils la suivent.
L’Église applique sa peine (→ l’excommunication), mais elle est relayée par les tribunaux civils qui condamnent eux aussi l’usure.
En 1787, le Parlement de Lyon condamne encore un préteur qui a prêté à 2%.

Dans la société à cette époque, les marchands catholiques doivent se tourner vers des non catholiques (parce que le droit canonique ne s’impose qu’aux catholiques).
Il y a 3 types de personnes qui vont pratiquer du prêt à intérêt à cette époque :

  1. Les juifs.
  1. Les lombards, qui sont des chrétiens qui viennent de régions où le prêt à intérêt est légalisé.
    En effet, à l’époque, l’Italie est chrétienne, mais les villes marchandes ont gardé une certaine liberté vis-à-vis de l’Église.
  1. Les cahorsins, qui sont des banquiers et préteurs chrétiens usuriers.
    La ville de Cahors était une place bancaire très importante au Moyen Âge.

Certains ordres mendiants ont aussi voulu que le prêt à intérêt soit possible.
Idée : on ne prête qu’aux riches, parce qu’on sait qu’ils vont nous rembourser → comment vont faire les pauvres ?
Cette prohibition aura un effet important sur leurs activités.

En 1236, le pape interdit le prêt à la grosse aventure.

Les marchands vont inventer des techniques pour se détourner de ces interdictions.

Cette prohibition explique le retard des pays catholiques sur les pays protestants.
Le protestantisme est né en 1517 avec Martin Luther, qui proteste contre l’Église et propose sa réforme. Ce qu’il déteste, c’est qu’avec l’Église catholique il y a un ministre de Dieu entre les dieux et les hommes.
Par exemple, selon lui, il n’y a pas besoin du sacrement du mariage → on laisse les hommes se marier.
Ce qui déteste le plus Luther, ce sont les indulgences ; voir

Calvin, un autre moine protestant, considère qu’il faut autoriser le prêt à intérêt.
Pour les protestants, ce n’est pas mauvais de faire du prêt à intérêt : les protestants sont déculpabilisés vis-à-vis de l’argent.

Cette doctrine avancée par le philosophe Marx Weber au début du 20e siècle, dans L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme. Il y explique que les nations catholiques sont + en retard.

En France, les protestants sont poursuivis, sauf entre 1598 et 1685 (le temps de l’édit de Nantes).
À partir de l’édit de tolérance de 1787, certains reviennent et installent des « maisons de Haute banque » (= banques).

En 1789, il n’y a plus de prohibition du prêt à intérêt, mais cela va rester dans les façons de faire des banques gérées par des catholiques.

II – L’adaptation de la pratique au renouveau des affaires

Au Moyen Âge et sous la Renaissance, on assiste à l’apparition de nouvelles pratiques et de nouvelles règles qui forment un embryon de droit commercial.

A – Les foires et la naissance d’un droit des marchands

1) La création d’institutions originales

Le commerce a besoin de rapidité et de simplicité ; il faut donc mettre en place très tôt des juridictions qui vont permettre un règlement rapide des procès.

Dans certaines villes, on crée des tribunaux consulaires (= les commerçants créent leurs propres tribunaux).
Mais, surtout, on voit se mettre en place ce genre de tribunaux dans les foires.

Les foires sont une sorte d’immense marché éphémère ; dans ces foires, se mettent très rapidement en place un grand nombre d’institutions → droit des foires.

L’autorité en place chez laquelle s’installe la foire (seigneur, comte, roi…) désigne des officiers qui seront là pour veiller au maintien de l’ordre → mise en place d’une véritable police de foire par le seigneur du lieu.
Cette police de foire veille au maintien de l’ordre, mais vérifie aussi la qualité des marchandises, leur provenance et les poids et mesures.
💡 Ce n’est que sous la Révolution française qu’on unifie les poids et mesures.

On surveille les cours des monnaies, parce que les monnaies sont différentes.
On recommence à utiliser la monnaie surtout à partir du 12e siècle, mais chaque seigneur peut battre sa propre monnaie → travail essentiel du changeur.

Les marchands eux-mêmes vont au-dessus de ce droit des foires, en mettant en place des gardes des foires, qui ont des pouvoirs de justice et de police.
Ils sont compétents pour tout litige qui survient dans la foire.

En cas de problème sur une vente, un contrat… ces gardes ne sont pas compétents, parce qu’ils ne sont pas très calés en affaires ni en droit.
Les marchands préfèrent donc organiser leurs propre juridictions internes.

Dans les villes, on voit de + en + se constituer des tribunaux consulaires, comme ceux qui existaient dans l’Antiquité, qui ont la particularité d’être paritaires.
Encore aujourd’hui, les tribunaux du commerce sont des tribunaux consulaires et paritaires !

On les voit surtout s’implanter à partir du 15ème siècle.
La 1ère juridiction dédiée aux marchands est fondée en 1419 : la Conservation des foires de Lyon.

Ils ont des compétences à la fois :

  1. Rationae materiae : compétence sur les biens vendus dans la foire ;
  1. Rationae personae : compétence sur les personnes (= les commerçants) ;
  1. Rationae loci : compétence de lien (→ ils s’occupent des procès ayant lieu dans la foire ou nés sur la foire).

Ces juridictions, qui n’étaient là qu’au moment des foires, finissent par s’implanter de manière permanente dans les villes avec une activité économique importante.

Elles constituent l’embryon du droit commercial, puisqu’elles appliquent les coutumes des commerçants (+ les règles du lieu lui-même) et fixent petit à petit le droit avec leurs décisions.

Les foires prennent surtout place aux 13ème et 14ème siècles.

Dès le 13ème siècle, on met en place dans les foires un notaire, qui est une personne qui a la possibilité de rendre un acte probant et de l’authentifier.
Ce notaire, qui est également choisi et mis en place par les autorités, porte le sceau de la foire, qui va donner une force probante et exécutoire à certains documents.

Tous les marchands n’utilisent pas le notaire (beaucoup d’actes se passent sous seeing privé) ; mais quand on a besoin d’une force probante supplémentaire, on recourt au notaire.
Les créanciers qui ont un acte qui porte ce sceau peuvent le présenter aux gardes des foires pour exécution.

De même, sur place, les officiers peuvent délivrer des mandats d’exécution, que l’on appelle les lettres de foire.
Elles permettent de poursuivre un débiteur jusque dans la juridiction de son habitation.
→ Le droit des foires s’exporte au-delà des foires.

Ainsi, un débiteur qui a une dette avec un marchand de la foire peut être poursuivi en dehors de la foire grâce à ce mandat d’exécution.
La juridiction de domicile du débiteur peut organiser la saisie des biens du débiteur récalcitrant.

L’officier a un moyen de pression supplémentaire auprès de cette juridiction : la défense des foires.
Par la défense des foires, on incite la juridiction du lieu du débiteur à exécuter le jugement.
Si la juridiction refuse de mettre en exécution ce jugement auprès du débiteur récalcitrant, les officiers de la foire peuvent décider que les ressortissants du lieu de cette juridiction ne seront plus autorisés à venir à la foire.

Le créancier qui détient un acte notarié peut, sans passer par l’officier, utiliser son acte avec le sceau de la foire pour poursuivre jusque chez lui le débiteur.
Droit de suite.

Celui qui refuse de payer peut être contraint par corps, c’est-à-dire enfermé en prison jusqu’à ce qu’il ait payé sa dette.

Ces lettres de foire permettent à ces créanciers d’être privilégiés par rapport aux autres créanciers du débiteur en question.
Ce système s’appelle la rigueur des foires.

On voit ici la mise en place de tout un système au sein des foires, avec des moyens de justice mis en place par les autorités + par les marchands eux-mêmes.
→ Invention d’un droit propre à la foire.

Mais comment le droit des contrats et des obligations évolue avec les commerçants ?


2) Le droit des obligations renouvelé

a) Un renouvellement pragmatique

Les techniques commerciales s’affinent avec le développement du commerce.

La 1ère technique qui montre cette modernisation est celle de l’assurance.
On voit en effet apparaître au 14e siècle les 1ers contrats d’assurance.

L’assurance naît d’un besoin de sécurité. Lorsque l’on fait du commerce, on prend des risques, et on veut réduire ces risques ou les partager.
Avant même que n’existe le contrat d’assurance, on voit dès le début du 12e siècle qu’une sécurité est assurée par les seigneurs : ils escortaient les marchands sur leurs terres en échange d’un paiement.
C’était le conduit, taxe qu’il fallait payer pour pouvoir traverser en sécurité le domaine du seigneur (parce qu’il y avait beaucoup de brigands à l’époque).

À partir du 13e siècle, les marchands essaient d’inventer des conventions qui leur permettent de partager un maximum les risques.
On ne détaillera pas ces conventions, mais on les voit s’accoler à des contrats (par ex : la vente).

Ces conventions deviennent peu à peu indépendantes : les marchands se mettent à créer des vrais contrats d’assurances.

Dans un contrat d’assurance, le marchand s’oriente vers une personne qui détient des capitaux.
Cette personne lui propose de le garantir contre le risque, en échange du paiement à l’avance d’une prime. On évalue le risque, on paie une prime, et si jamais le risque se produit, cette personne à laquelle on a payé la prime assure de garantir un certain montant qui a été payé à l’avance.
Si le risque se produit, on l’indemnise.

Ce contrat sera assez tôt encadré.
Le principe indemnitaire fait que l’assurance ne peut pas être un moyen pour l’assuré de gagner de l’argent.

Ce contrat n’a pas été mal vu par l’Église, parce qu’elle n’y voit pas un moyen de s’enrichir, mais plutôt du partage.

Ce contrat d’assurance apparaît à partir du 14e siècle.
Il s’exerce beaucoup en matière maritime.
Puisque la grosse aventure est interdite, c’est grâce à l’assurance qu’on trouve un moyen de faire du commerce maritime sans être inquiété si les marchandises n’arrivent pas à bon port.
L’assurance se développe surtout autour de la Méditerranée : vers le 15e siècle, on voit déjà se créer des compagnies d’assurance.

On voit aussi se développer le contrat de commande (= la commandite).
Idée : on réunit des détenteurs de capitaux qui veulent faire fructifier leur argent avec des personnes qui veulent faire des affaires.
Les marchands mettent en place un système qui veut qu’on sépare bien les fonctions des 2.
L’apporteur des capitaux ne fait qu’apporter le capital ; on le récompense en lui versant un intérêt (il n’y a pas encore d’actions). Il ne s’immisce pas dans la société.
Si la société fait faillite, l’apporteur n’est responsable qu’à hauteur de son apport.
≠ les commanditaires sont responsables soit en fonction de leurs apports, soit solidairement, en fonction de comment la société est organisée.

Au 15ème siècle, on voit déjà apparaître à Toulouse l’organisation du moulin à blé, qui met en place ce système.

Les marchands vont de plus en plus développer entre eux des règles communes.
Par exemple, pour le contrat de vente, on développe les coutumes des marchands plutôt que les coutumes du lieu.

Si la coutume des marchands se développe, c’est parce qu’ils ont leurs propres tribunaux.
Par exemple, la bonne foi étant très utilisée dans les procès en matière de commerce, cela facilite les procès.
De même, on met aussi en place des règles de solidarité en matière de commerce.

Ces règles changent peu à peu la nature de certains contrats du droit civil.

La redécouverte du droit romain, à partir du 12e siècle, va aussi être bien acceptée par les commerçants.
Le droit romain est redécouvert au 12e siècle au même moment où on voit le commerce s’épanouir, ce qui impulse par exemple le caractère consensualiste du contrat de vente → très peu de formalités, ce qui est être apprécié des commerçants.

De manière générale, ces contrats qui se forment vont peu à peu se cristalliser au sein des tribunaux et être pensés par des juristes.

→ Création d’une coutume de commerçants + premiers commentaires de la part de juristes :

b) L’écriture du droit commercial

Pour l’écriture du droit commercial, outre les jugements, certains recueils de coutume finissent par être écrits.
Par exemple, le recueil Les coutumes, styles et usages des foires de Champagne et de Brie est écrit au 13ème siècle.

Par ailleurs, certaines villes publient les jugements des tribunaux de commerce.
Exemple : la ville de Gênes (Italie) publie un recueil des jugements de ses tribunaux.

Il y a également des recueils en matière maritime qui apparaissent très tôt.
Exemple : le Livre du consulat de la mer du tribunal de Barcelone est publié en 1262 ; c’est un gros recueil de jurisprudence du tribunal maritime de Barcelone.

Plus tard, au 16e siècle, le Royaume de France aura aussi sa coutume, avec le guidon de la mer, qui s’inspire beaucoup du livre du consulat de la mer, même s’il comporte au moins 2 mesures protectionnistes.

→ Peu à peu, et surtout dans le domaine maritime, les coutumes sont rédigées.

Cette coutume est plutôt internationale.
Sous l’Ancien Régime, l’écriture du droit commercial a lieu avec l’ordonnance du commerce de 1673.

Certains juristes vont commenter ces coutumes.
Par exemple, le portugais Pierre de Santarem, installé à Venise ; ou l’italien Straccha d’Ancône, qui écrit Du commerce et du commerçant en 1575.
Ces ouvrages sont faits pour être lus par des commerçants pour qu’ils comprennent les usages.
Ils fondent le droit commercial : Straccha d’Ancône est considéré comme le fondateur de la science moderne du droit commercial.
À ce moment-là, il n’y a pas encore une telle coutume en France.

En France, à la même époque, on s’intéresse surtout au droit civil.
Certains auteurs, comme Charles Dumoulin, rédigent des ouvrages qui comprennent des points de droit commercial, mais ce n’est pas majeur.

💡
En résumé :
Au Moyen Âge, les marchands créent eux-mêmes des règles, qui deviennent de + en + fines à mesure que le commerce se développe.
En même temps, les autorités – notamment les seigneurs – imposent aussi leurs règles et leurs règlementations locales.
Exemple : le droit des foires est principalement organisé par les marchands mais est aussi une règlementation qui vient des seigneurs (qui fixent la fiscalité, l’ordre à respecter…).

Les juridictions, quant à elles, sont surtout des juridictions de commerçants.
Au départ, les seigneurs installent leur propres juridictions sur les foires, mais elles ne sont pas assez rapides pour les commerçants, qui finissent par organiser eux-mêmes les leurs (d’abord par l’arbitrage, puis avec les juridictions consulaires).

On reverra tout ça à l’époque de Louis 14, où le roi s’intéressera vraiment au droit commercial.

B – Les communautés de métiers créatrices de règles : les corporations

À partir du 12e siècle, avec le développement du commerce, les métiers s’organisent en corporations : dans chaque ville, les personnes qui exercent un même métier se réunissent autour de règles communes et de représentants selon une organisation hiérarchique.
On avait déjà connu ces groupements sous l’Antiquité.

💡 On parle de corporation parce que plusieurs personnes qui font le même métier font corps.

2 types de métiers voient le jour :

  1. Les métiers réglés (ou métiers libres) sont relativement autonomes.
    Ce sont des métiers qui sont très rares et qui n’ont pas une grande importance.

    Ils sont soumis aux règles de l’autorité locale de la localité dans laquelle ils exercent.
    Exemple : petits commerçants qui vendent au détail.
  1. Les métiers jurés sont aussi appelés à l’origine « guildes » et « anses ».
    On parle de métiers « jurés » parce qu’on prête serment.

    Ces métiers jurés sont des groupements professionnels importants qui sont dotés d’une personnalité juridique.
    Voir le Livre des métiers de 1268 pour la liste.

Les corporations de métiers réunissent tous ceux qui exercent le même métier dans un territoire donné.
Elles sont organisées de manière hiérarchique :

  • En bas de l’échelle : les apprentis, qui vivent avec la famille du maître et qui doivent payer pour être instruits ;
  • Ensuite : les compagnons, qui travaillent à l’heure et aux pièces pour le compte d’un maître ;
  • Enfin : les maîtres, qui sont les seuls à pouvoir exercer le métier pour leur compte.

Il est possible de monter dans la hiérarchie : en général, les apprentis finissent compagnons, et les compagnons peuvent devenir maître.
Mais pour devenir maître, il faut avoir atteint un certain niveau de compétence et il faut notamment réaliser un chef d’œuvre, qui est examiné par une assemblée de maîtres qui décide si l’on peut devenir maître.
Réaliser un chef d’œuvre n’est pas donné à tout le monde : c’est cher parce qu’il faut réunir des matériaux, parcourir le monde…

De manière plus ou moins clandestine, les compagnons se réunissent en associations d’entraide, que l’on va appeler le compagnonnage.
Ils réunissent de l’argent en commun pour aider l’un d’entre eux à devenir maître en payant son chef d’œuvre.
On se rendra cependant rapidement compte qu’il est très rare qu’un compagnon devienne maître sans être fils de maître.

Un petit nombre de maîtres dirigent la corporation. Ils se réunissent dans ce que l’on appelle la maîtrise ou la jurande.
On élit parmi eux des jurés, gardes et des syndics, qui sont élus par leurs pairs (= les autres maîtres) pour 1 an.
Parfois, des autorités locales (ex : seigneur) peuvent intervenir dans ces élections et en désigner, mais c’est assez rare.

  1. Les syndics représentent la corporation.
    Ils sont très importants, parce qu’ils défendent les intérêts de la corporation auprès des autorités locales ou royales.
    C’est l’origine des syndicats !

    La réunion en corporation est un très grand avantage, parce que la corporation pourra être représentée et défendre ses intérêts.
    De plus, les autorités locales ou royales vont pouvoir avoir un interlocuteur privilégié pour pouvoir par exemple faire passer des ordres → facilité de communication.
    Cette représentation montre bien que la corporation a une véritable existence juridique.

  1. Les jurés ont des fonctions judiciaires qui sont limitées aux problèmes de la corporation.
    Un juré peut juger un compagnon qui aura mal agi ou un maître qui aura commis des abus.

    Toutefois, s’il y a un gros problème, l’arbitrage final revient au seigneur ou au roi.
    Par exemple, en 1291, le seigneur de Reims a tranché un conflit entre les maîtres et les ouvriers drapiers en ordonnant la rédaction d’un statut qui interdit les alliances des uns contre les autres.

  1. Les gardes s’occupent de l’ordre général et du contrôle des fabrications.
    Ils peuvent, à n’importe quelle heure, visiter les ateliers et contrôler la qualité et la fabrication.
    Ils peuvent faire des rappels à l’ordre puis donner des sanctions.

    Exemple : les ébénistes n’utilisent que des clous en bois ; le garde de la corporation des ébénistes peut vérifier que ce principe est bien respecté.
    On peut les assimiler à des contrôleurs qualité.
    Ce contrôle qualité est important, parce que tous les métiers au Moyen Âge se font en boutique ouverte (→ les clients voient toute la fabrication).

La création de ces métiers jurés se fait toujours avec des statuts rédigés.
Ces statuts contiennent des règles internes à la corporation (règles de discipline, règles de fabrication, règles sur l’apprentissage et la possibilité de devenir compagnon, numerus clausus…) + les privilèges qui ont été attribués à la corporation par les autorités.

En effet, les statuts sont soumis à l’homologation de l’autorité locale ou du roi.
La création de la corporation peut être spontanée, mais il y toujours l’autorité locale ou le roi qui vient lui donner une existence juridique en l’homologuant.

→ Ces statuts sont l’essence de la corporation.

Les avantages qu’ils fixent sont divers : par exemple, un monopole.
Exemple : entre le 13e et le 18e siècle, il n’y a les barbiers qui peuvent être chirurgiens.

Les statuts précisent bien les frontières entre les métiers.
Exemple : il y a une différence fixe entre charpentiers et ébénistes.

Ils mettent parfois en place des numerus clausus.
Ils prévoient aussi des règles de déontologie.

À partir du 13e siècle et jusqu’en 1791, on ne peut pas exercer les métiers jurés sans être membre d’une corporation.
Par exemple : si on est boulanger, on est obligé de faire partie d’une corporation.

Ces communautés de métiers (= corporation) vont se développer tout au long du 13e siècle.

Le prévôt (= celui qui dirige une ville) de Paris Étienne Boileau demande en 1268 la rédaction du Livre des métiers de Paris.
Il l’ordonne parce qu’il a besoin de connaître le tissu économique et les statuts des corporations.

Par la suite, les souverains ont favorisé la création de ces communautés.
Par exemple, les changeurs se voient octroyer des privilèges, notamment le monopole du change.

Au 18ème siècle, la critique des corporations viendra :
> d’un point de vue idéologique, dans le contexte de l’époque des Lumières ;
> d’un point de vue économique, dans le contexte de la machine à vapeur.

§ 2. Les apports de l’ère précapitaliste

Le capitalisme est un système économique basé sur les capitaux.
Par exemple, en droit des affaires, l’institution qui représente le plus le capitalisme est la société anonyme.

Ce système exclusivement basé sur les capitaux s’épanouit au 19e siècle, mais trouve ses prémices au Moyen Âge : c’est à ce moment qu’on met en place les outils indispensables au capitalisme, en commençant par la banque, puis en inventant de nouvelles techniques comme les lettres de change et les sociétés.

I – L’émergence du banquier

Le droit canonique s’impose au Moyen Âge, avec notamment l’interdiction du prêt à intérêt.
Les préteurs à intérêt font une activité « illicite » mais tolérée.

L’activité bancaire du banquier se développe surtout autour du change des monnaies.
Le banquier est l’homme essentiel au développement du commerce, parce qu’il peut conserver l’argent dans les foires (grâce au contrat du dépôt) puis, quand les marchands se seront sédentarisés, dans les villes.

Pourquoi le change ?
Parce qu’avant le franc germinal, créé par Bonaparte en 1800, on avait 2 types de monnaie :

  1. La monnaie de compte est la livre royale.
    Elle contient le
    poids de référence.
  1. La monnaie de paiement est constituée de plein de pièces d’origine diverse, parce que chaque seigneur a le pouvoir de frapper monnaie.

Le poids de référence de la livre est important.
Par exemple, si on va acheter 1 kg de blé, qui vaut 30 livres : pour payer le vendeur, on calcule d’abord le poids de nos monnaies de paiement par rapport à la livre ; ensuite, on peut le payer avec nos monnaies de paiement.

Le changeur accompagne le développement du commerce.
Il est essentiel face à la différence entre monnaie de compte et monnaie de paiement.

Le changeur est présent dans les foires avec son banc (on parle de « banc du changeur ») et sa balance.

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Lorsque le changeur faisait faillite, on rompait son banc.
L’expression italienne banco rotta est l’ancêtre de “banqueroute”.

Lorsque les marchands se sédentarisent, le changeur s’installe dans les villes.

À Paris, à partir du 9ème siècle, on voit se réunir sur un pont en bois (le Pont aux changeurs, qui deviendra le pont au Change) des joailliers, des orfèvres et des changeurs.
Il est détruit en 1621 et reconstruit dans les années 1639-1647 en pierre, avec des maisons dessus.

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Au Moyen Âge, on construisait des maisons sur des ponts parce que la ville était entourée de murailles, qui étaient rapidement devenues trop petites.
La pression foncière invitait à occuper le maximum d’espace. Ce phénomène atteint son apogée aux 14ème et 15ème siècles.

Les banquiers (= changeurs) développent aussi des techniques intéressantes, avec notamment la technique du contrat de dépôt.

À partir du 14e siècle, ils développent la technique des virements par compensation.
Idée : si un client A envoie de l’argent à un client B du même banquier, aucun argent ne circule physiquement.
Cette technique s’étend ensuite aux transferts entre banquiers.

Avec l’argent de leurs clients, ils constituent des fonds de réserve, avec lesquels ils investissent dans le commerce de leurs clients ou ils octroient des prêts (gratuits, puisque l’intérêt est interdit).

Les commerçants utilisent de plus en plus des papiers, qui leur permettent d’éviter de faire circuler de l’argent.
Par exemple, si un commerçant A doit de l’argent à B qui en doit à C, on peut très bien utiliser des effets de commerce / lettres de change pour aller chez un banquier et demander une avance.

À la fin du 12ème siècle et au début du 13ème siècle, on voit se développer des monnaies en or qui sont très fortes comme le florin, le ducat et le sequin.
Le développement de ces monnaies limite peu à peu le change, parce que les marchands vont préférer payer ou être payées dans ces monnaies, qui sont des monnaies fortes.

Cette activité de change apparue au Moyen Âge connaît peu à peu une évolution parallèle à l’activité de banque : certains changeurs vont devenir banquiers, et d’autres vont devenir banquiers sans avoir été changeurs.

II – L’invention de techniques conventionnelles

Il s’agit ici de montrer comment, au Moyen Âge, on a déjà une évolution assez moderne dans les activités des affaires.

A – La lettre de change

La lettre de change est une technique qui a été manifestement inventée au 12ème siècle à Gênes, mais c’est surtout à partir du 14e siècle qu’on voit cette lettre de change se développer.

À la base, la lettre de change est inventée pour une raison pragmatique importante : éviter les transferts de fonds.
Quand on se déplace en étant un marchand, il est très dangereux de se promener avec des coffres de pièces. Les seigneurs et les rois développent un système de sécurité (→ le conduit, qui était parfois payant), mais ce n’est pas suffisant.

On développe donc la lettre de change.

Par exemple, un marchand vend de la laine à un acheteur (= le tiré). Il devient son débiteur.
Le tiré lui doit donc de l’argent, mais il ne l’a pas sur lui parce que c’est trop dangereux.
Il a cependant des lettres de change.

Cette lettre de change comporte le nom du tiré + la signature du tireur + le nom à l’ordre duquel le paiement doit être fait + le montant de la lettre de change.

La lettre de change peut ensuite être endossée et être utilisée comme moyen de paiement.

À partir du 14e siècle, on voit se développer l’escompte.
Normalement, la lettre de change comporte une date d’échéance à partir de laquelle le tiré est obligé de payer sa dette.
Cette date est très importante : les marchands sont itinérants et les voyages prennent du temps.

Qu’en pense l’Église ?
Elle déteste le prêt à intérêt, mais elle accepte la lettre de change, à plusieurs conditions :

  • Elle impose une condition de distance : le tireur et le tiré doivent venir de lieux différents.
    Mais, avec la technique de l’endossement, cette technique disparaît.
  • Elle impose ensuite une condition de temps : la lettre de change doit circuler pendant un temps limité (alors que le prêt à intérêt s’étale dans le temps, ce qui convoie l’idée qu’on joue avec le temps qui n’est censé n’appartenir qu’à Dieu).

Pour l’escompte, là encore, l’Église estime que ça n’est pas de l’intérêt, mais juste de la rémunération d’un service donné.
Idée : on ne fait pas un emprunt que l’on rembourse petit à petit → avec l’escompte, le banquier se fait payer une bonne fois pour toutes pour le service qu’il a rendu.

Pour l’Église, il n’y a donc pas de problème vis-à-vis du prêt à intérêt, alors que c’est quand même du crédit.
→ Les marchands jouent un peu avec la prohibition du prêt à intérêt…

Ce qui est intéressant ici, c’est de prendre conscience de l’inventivité du commerce.
Dans les affaires, il n’y a pas d’obstacles : les règlements étouffent les affaires temporairement, avant qu’on trouve une solution.

B – Les sociétés

Les sociétés sont des personnes qui se regroupent et passent un contrat pour mettre en commun des fonds pour pouvoir réaliser ensemble des projets dont ils partagent les pertes et les bénéfices.

Au début du Moyen Âge, on n’a pas encore la renaissance des sociétés.
Ce n’est qu’à partir du 11e siècle à Venise – et seulement à partir du 14e siècle en France – qu’on voit apparaître les 1ères sociétés : les sociétés en commandite, qui existaient déjà à Rome.

Les 1ères sociétés qui se développent sont familiales.
Ensuite, la commandite est un système qui permet d’associer des personnes tierces.

En effet, dans la société en commandite, il y a une séparation entre les commandités, qui sont les gérants de la société, et les commanditaires, qui sont des capitalistes (= apporteurs de capitaux).
Il y a une règle très importante : les apporteurs de capitaux ne peuvent pas être gérants.

Les commandités sont responsables ad infinitum = à l’infini → ils sont responsables des dettes de la société.
≠ les apporteurs de capitaux ne sont responsables qu’à hauteur des capitaux qu’ils ont engagés.

On verse aux apporteurs de capitaux un intérêt.
L’Église permet cette société en commandite, car il s’agit d’une société : c’est quelque chose qui œuvre, et non qui récolte juste de l’intérêt par elle-même avec le temps.

Elles réapparaissent au 11e siècle à Venise, surtout dans le domaine maritime, sous la forme des sociétés de mer.
Au départ, elles sont temporaires
: elles financent le voyage de marchandises.
Elles font aussi du prêt à la grosse aventure (qui est interdit par l’Église, mais les vénitiens s’en fichent).

  • Pourquoi l’Église autorise ?

    Parce que ce ne sont pas des préteurs, mais des sociétés.
    L’Église essaie d’évoluer avec son temps.
    Par ailleurs, en Italie, les princes italiens font fi des règles posées par l’Église.

À partir du 14ème siècle, elles commencent à doubler leur activité d’une activité bancaire.
On les appellera des banques banco ; on les appellera aussi des monte, parce qu’elles sont presque exclusivement destinées à des emprunts pour les princes.

Ces sociétés deviennent de + en + importantes.
Elles vont associer de grandes et riches familles ; la famille la plus importante donnera son nom à la société.
Exemple : la famille des Médicis.

Ces sociétés deviennent internationales.
Exemple : les Médicis créent un véritable trust = groupement de sociétés qui vont toutes dans une même direction pour avoir une influence considérable sur le marché.
Ils deviennent même les dirigeants de la république florentine !
Ce trust devient international, avec un siège social et des succursales, et bénéficie de nombreux appuis politiques.
Cette société (le trust Médicis) fait faillite en 1494.

La plus ancienne banque du monde est la Monte dei Paschi di Siena. Elle est créée en 1472 par des magistrats de Sienne en Toscane, qui se sont enrichis en faisant du prêt sur gage et du prêt agricole.
En France, il faudra attendre 1760 pour voir la création de la plus vieille maison de banque française : Courtois et Cie.

Ces sociétés évoluent vers une forme plus proche des sociétés de capitaux.
Plus le temps passe, moins le côté familial est important. L’intuitu personae s’efface dans ces grosses sociétés.

On voit que, de plus en plus, ces sociétés portent des noms de société qui ne sont pas des noms de famille → sociétés de capitaux.
Exemple : la Casa di San Giorgio, grosse société italienne créée en 1408, prend le nom du saitn patron de la ville.

Ces sociétés évoluent avec plusieurs activités.
Elles n’ont pas forcément une activité bancaire : à partir du 15ème siècle, on voit la création d’autres types de sociétés.
Exemple : levée des impôts, travaux publics pour les villes…
Exemple : sociétés spécifiques qui font des prêts pour les villes (les pouvoirs publics ont besoin d’argent ; pour avoir de l’argent, il faut lever les impôts ; recourir à une société privée est plus efficace que développer une administration).

La France est alors un peu en retard à ce niveau : elle n’a pas de grandes maisons de banque avant le 18e siècle.
En revanche, on y voit apparaître quelques sociétés de capitaux.
Par exemple, à Toulouse au 15e siècle, la Société des Moulins du Bazacle, où le capital est divisé en parts appelées « uchaux ».

Ce qu’il faut retenir, c’est que tout ce domaine bancaire qui se développe en Italie préfigure les 1ères banques d’affaires du 19e siècle.
Petit à petit, on développe ces grandes sociétés.

On assiste aussi à l’apparition des emprunts d’État en Italie : les banques prêtent aux États et émettent des titres avec son accord pour rembourser l’emprunt qui a été fait.
Les gens qui sont porteurs de ces titres deviennent préteurs de l’État.
Ces titres sont rémunérés, parce que les gens qui les achètent prêtent indirectement à l’État.
Bien plus tard, plutôt que de passer par les banques, Napoléon décidera d’émettre les titres avec la Caisse d’amortissement, qui est un organe de l’État.

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