Section 1 : Un droit pragmatique ancien

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Ce cours utilise les termes de marchand et de commerçant comme synonymes.

§ 1. La genèse d’institutions en devenir

I – Les premiers usages du droit commerçant des peuples commerçants

Il sera ici question des premiers usages qui ont Ă©tĂ© portĂ©s Ă  notre connaissance grâce Ă  l’archĂ©ologie.
On a notamment dĂ©couvert des tablettes d’argile : 500 000 tablettes d’argile nous ont renseignĂ© sur le droit des babyloniens, des phĂ©niciens, des carthaginois… → peuples commerçants de l’Orient mĂ©diterranĂ©en.

Le Code d’Hammurabi remonte Ă  ~1700 avant notre ère.
Dans ce code, écrit en écriture cunéiforme, on découvre un droit rigoureux.
Hammurabi s’est intéressé aux affaires : on retrouve des dispositions sur le prêt à intérêt et des dispositions sur la société de commerce.

On voit notamment, dans le code d’Hammourabi, les contours de la sociĂ©tĂ© en commandite, oĂą s’associent une personne qui apporte les capitaux et un gestionnaire.

On retrouve aussi dans les tablettes une activité bancaire.

Dans ces 1ers usages du droit commercial des peuples commerçants, certains usages viennent aussi des phéniciens.
Les phéniciens sont un peuple de la mer, qui étaient situés sur le Liban actuel, et notamment dans les ports de Tyr et de Sidon.

Avec les phéniciens, on découvre la genèse du grand commerce maritime.
Non seulement ils font des échanges, mais ils créent aussi des comptoirs, qui permettent aux navires des commerçants de ne pas faire 1 seul aller-retour mais de faire plusieurs étapes pour écouler leurs marchandises.
Alors que Tyr et Sidon Ă©taient bien sur le territoire des phĂ©niciens, ils placent aussi des comptoirs dans d’autres territoires, en passant des contrats d’autres citĂ©s.

Cela permet, entre l’Orient et l’Occident, la diffusion de droits qui vont devenir les mĂŞmes.
En effet, les notions de droit des phĂ©niciens vont passer Ă  l’occident par le biais de Carthage.
C’est comme ça que l’on arrive Ă  crĂ©er, petit Ă  petit, une coutume des commerçants : on trouve des contrats intĂ©ressants qui permettent un bon dĂ©veloppement du commerce → ils deviennent communs Ă  tous les peuples.

II – L’apport du droit grec

💡 Athènes est alors considérée comme la cité du commerce, tandis que la cité de Sparte est la cité de la guerre. Les cités communiquent cependant.

A – L’influence des mĂ©tèques sur le droit commercial

Les métèques ont une activité exclusivement liée au commerce et ne participent pas à la vie politique.
Parfois, leur installation est mĂŞme momentanĂ©e : ils peuvent venir le temps d’un Ă©change commercial et partir par la suite.

N’ayant pas d’accès Ă  la vie politique, les mĂ©tèques sont souvent obligĂ©s de vivre dans un quartier spĂ©cial dans les citĂ©s.
À Athènes, le Pirée est un quartier de métèques très célèbre.

Dans ces quartiers tels que le quartier du Pirée, on développe un droit qui va vraiment se diffuser.
Ce droit est nécessairement plus souple que celui des citoyens : il répond aux besoins des affaires → simple, rapide.
Le lĂ©gislateur grec s’en dĂ©sintĂ©resse.

Les métèques créent des juridictions spéciales : les tribunaux consulaires.
Ils dĂ©veloppent des pratiques judiciaires simples comme l’
arbitrage → procédure non formaliste et courte.
Les tribunaux consulaires rendent donc une justice qui est prompte.
Ce côté prompt est nécessaire, parce que les commerçants ne sont parfois que de passage.

Les juges, qui sont des marchands, sont nommés pour 1 an.
Ils sont rémunérés en fonction de leur rapidité.

Certaines conventions plus particulières ont survécu par la suite :

B – Le legs du droit grec

Le legs est ce qu’on donne au moment de sa mort.

De manière générale, le droit privé grec nous est très peu connu.
On le connaît surtout grâce à certaines plaidoiries, comme celle de Démosthène à Athènes.

1) Le jet Ă  la mer

Le jet Ă  la mer a Ă©tĂ© inventĂ© par le lĂ©gislateur : il s’agit de la loi de la citĂ© de Rhodes (lex rhodia de jactu).

Quand on part Ă  la mer, la pratique voulait que l’on puisse jeter certaines marchandises Ă  la mer pour Ă©viter soit une contamination (ex : caisses infestĂ©es de rats) soit, en cas de tempĂŞte, pour allĂ©ger le navire.
Il faut que ce soit ordonné par le capitaine ; ensuite, le marchand dont les marchandises ont été jetées aura une action contre le capitaine, mais le capitaine pourra se retourner vers tous les chargeurs pour leur demander solidairement de rembourser la part des marchandises perdues (parce que ça aurait pu être la leur).
→ Cette loi impose la solidarité entre les marchands.

Cette loi est reprise telle quelle par les romains ; ils continuent Ă  l’appliquer lorsque le monde hellĂ©nique disparaĂ®t.
On retrouve la même chose dans le Code de commerce de 1807, au titre 1 sur les avaries et dans le titre 12 intitulé Du jet et de la contribution.
On la retrouve encore dans un chapitre d’une loi de 1867 intitulĂ© Des avaries, qui dĂ©crit comment on jette Ă  la mer ce qui est avariĂ©.

On a ici une mutualisation des risques, qui montre l’importance de la solidaritĂ© en matière de commerce.


2) Le nautikon daneion (= prĂŞt Ă  la grosse aventure)

Le prêt à la grosse aventure sera repris tel quel par les romains sous le nom de nauticum fœnus.
Il sera intégré au Code de commerce, dans des dispositions abrégées en 1969.

L’idée du prêt à la grosse aventure, c’est qu’armer un navire coûte très cher.
Des personnes riches vont prĂŞter de l’argent en demandant le remboursement avec un intĂ©rĂŞt sur la vente des marchandises.

Si le voyage réussit, le préteur récupère son argent (= il se voit rembourser le capital) et il empoche en + un intérêt sur la vente (au minimum de 30%, parfois de 50% !).
Ces taux d’intĂ©rĂŞt sont extrĂŞmement forts, parce que si le voyage ne rĂ©ussit pas, il perd tout → l’emprunteur n’aura pas Ă  rembourser.
Ces forts taux d’intĂ©rĂŞt sont donc justifiĂ©s par le risque considĂ©rable que prend le prĂ©teur.

Ces préteurs vont créer des sociétés de grosse aventure, pour prêter à plusieurs.
Ce prĂŞt Ă  la grosse aventure est normalement interdit par l’Église (= par le droit canonique) Ă  partir du 13e siècle, mais certaines villes continuent Ă  l’accepter.

Il est remplacĂ© peu Ă  peu par une autre technique nouvelle : l’assurance :


3) Le droit des sociétés

Les grecs (surtout des mĂ©tèques) sont très tournĂ©s vers l’association : ils se rĂ©unissent pour monter des entreprises communes.
Ils créent des sociétés de grosses aventures, mais aussi des sociétés bancaires et même des sociétés de brigandage (pour traquer les brigands en mer).

Un koinon est un regroupement politique de citĂ©s, voire un État fĂ©dĂ©ral, dans la Grèce ancienne, souvent Ă  l’Ă©chelle rĂ©gionale.
Ils voient le dĂ©veloppement de l’idĂ©e de la bonne loi.
C’est notamment le sage Solon qui crĂ©e au -6e siècle une loi sur les sociĂ©tĂ©s qui impose Ă  chaque associĂ© de bien libĂ©rer leurs apports lorsqu’ils crĂ©ent une sociĂ©tĂ©.
Autrement dit, lors de la création d’une société, chacun fait un apport, mais cet apport doit être libéré : il doit être dans les caisses de la société, il ne doit pas être hypothétique.

→ Participation proportionnelle aux bénéfices et aux pertes.
IdĂ©e : cela participe d’une bonne justice distributive → d’une bonne loi.

Les grecs sont les inventeurs de l’intuitu personae.
Idée : quand on crée une société, on a une affection réciproque. On la crée pour être ensemble et pour réaliser quelque chose ensemble.
Dans cette société, chaque personne compte → intuitu personae.

En grec, philia signifie « affection » ou « amour ».
Ces principes sont à l’origine de la solidarité commerciale.

Ce droit des sociĂ©tĂ©s grec s’est diffusĂ© avec le dĂ©veloppement des centres portuaires, oĂą l’on Ă©change et oĂą l’on crĂ©e des sociĂ©tĂ©s.
Dans ces centres portuaires, les règles commerciales se fixent peu Ă  peu, puis se transmettent d’une citĂ© Ă  l’autre.

Toutefois, il ne faut pas oublier que ces centres subissent parfois l’influence de quelques lois venant de la cité.
→ Dans le droit des affaires, on a une petite part de droit public.

Athènes institue des magistrats qui viennent surveiller les questions liées au commerce des grains (notamment le blé, qui est essentiel et dont Athènes importe beaucoup).

De manière générale, sauf pour les grains et quelques taxes, le législateur grec laisse les contrats entre commerçants plutôt libres.

§ 2. Les apports essentiels du droit romain

Notre droit privĂ© s’est en grande partie fondĂ© sur le droit romain, surtout du point de vue des obligations et des contrats.
On retrouve ça en droit des affaires.

Un historien nommĂ© Michel Villey Ă©crit ainsi dans son ouvrage Le droit romain (1945) que « l’Europe a traversĂ© 8 siècles de culture romaniste ininterrompue ».
Cette phrase est intĂ©ressante, parce qu’elle montre notre très grand passĂ© culturel vis-Ă -vis du droit romain que l’on partage avec les autres nations europĂ©ennes.

Pour rappel, Rome a été constituée en -753 avant notre ère.
3 grandes périodes politiques suivent :
1- la période de la Rome royale (dont nous parlerons très peu) s’étend de -753 à -509 ;
2- la pĂ©riode de la RĂ©publique romaine, avec des institutions plus ou moins dĂ©mocratiques (plutĂ´t aristocratiques), suit jusqu’en -27 ;
3- la pĂ©riode de l’Empire commence en -27 et s’achève en 476.

À partir du 3e siècle, Rome se scinde en 2 administrativement.
Toutefois, quand l’Ouest (Rome) chute en 476, Constantinople continue Ă  vivre (la chute de Constantinople aura lieu en 1453).

Ces périodes connaissent une évolution du droit.
On distingue 2 périodes très importantes pour le droit romain :

  1. La période (de droit) classique, du -3e siècle à 150.
    Durant cette période, le droit des obligations se façonne peu à peu. Le fond de notre droit des obligations et du droit des contrats se constitue surtout durant cette période.
    Cette période de droit classique nous est connue grâce au Digeste de Justinien, publié en 530.
  1. La période tardive, après 250.
    On l’appelle aussi le Dominat. C’est un rĂ©gime qui relève de la monarchie absolue : l’empereur tient dans ses mains tous les pouvoirs et toutes les sources du droit.
    Le droit des affaires subit alors une politique interventionniste qui l’influencera.

I – Panorama des affaires Ă  Rome

Parce que la pratique, c’est important !

Rome est au centre du commerce mondial (l’Occident, l’Afrique, l’Orient).
L’Italie est dans le bassin méditerranéen et elle tient déjà la mer.
Rome tisse des liens commerciaux avec la Chine et avec l’Inde.
→ Réseau commercial romain très large.

Voir : carte de Peutinger.

Ă€ Rome, on est nombreux. Les villes s’accroissent et, très vite, se pose le problème du ravitaillement des villes.
Sous la RĂ©publique romaine, les romains crĂ©ent un magistrat chargĂ© du ravitaillement : le prĂ©fet de l’annone.

Le commerce tenu par les pérégrins, qui sont des étrangers qui viennent des cités conquises par Rome ou alliées à Rome. Ils s’installent dans des quartiers particuliers où ils font des affaires.
Le bon citoyen romain, quant Ă  lui, ne devait pas se livrer Ă  un commerce de dĂ©tail qui n’Ă©tait pas marchand : les grosses affaires romaines Ă©taient plutĂ´t celles des citoyens (sauf quelques gros commerçants Ă©trangers).

Ă€ Rome, peu Ă  peu, on assiste Ă  la constitution d’une bourgeoisie d’affaires / une noblesse d’affaires, qui fait partie de l’ordre Ă©questre.

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Ă€ Rome, un peu comme sous l’Ancien RĂ©gime en France, il y a une sorte de sociĂ©tĂ© d’ordres : les citoyens les plus importants font partie de l’ordre sĂ©natorial ; ils dĂ©tiennent les terres et s’occupent de la politique.
L’ordre équestre est tout aussi riche (surtout une fortune mobilière).

Vers la fin de la RĂ©publique, ces 2 ordres fusionnent.
Par exemple, CicĂ©ron, qui Ă©tait dans l’ordre Ă©questre, entre dans l’ordre sĂ©natorial.

Les activités de l’ordre équestre sont :

  1. La banque ;

    Les argentarii sont des membres de l’ordre Ă©questre qui mènent les activitĂ©s de la banque → ils manipulent l’argent : dĂ©pĂ´t, change, prĂŞt.
    Ils reçoivent les impôts des provinces romaines.
    Ces banquiers travaillent non seulement avec des riches particuliers, mais aussi avec des collectivités et des provinces impériales.

  1. Le grand commerce, surtout maritime.

    Les negociatores sont de très riches négociants qui mènent le grand commerce, surtout maritime.
    Ce n’est pas eux qui Ă©coulent la marchandise, mais les profits leur reviennent.

    Ils doublent leur commerce de l’exploitation coloniale des provinces pour le compte de l’État.
    En effet, l’État romain est un État conquĂ©rant ; or, quand il colonise, il est intĂ©ressant pour lui d’avoir des personnes qui s’y connaissent bien en affaires pour exploiter les richesses sur le territoire.

  1. La levée des impôts.

    Les publicains sont des personnes privées issues de l’ordre équestre qui s’occupent de l’impôt.
    Le plus souvent, ce sont des gens qui ont beaucoup d’argent, parce que l’État demande des avances : la personne qui prĂ©lève les impĂ´ts doit faire une avance Ă  l’État, puis se rembourser sur le prĂ©lèvement des impĂ´ts.
    → Système semi-public.

    Pour la levée des impôts, les romains mettent en place en -215 le système de l’affermage.
    On met en place un bail à ferme, dans lequel un fermer perçoit les impôts et les revenus de l’impôt.
    Celui-ci paie un loyer très cher, mais en même temps il prélève un pourcentage sur les impôts qu’il percevra.
    Ce fermier recueille les impôts auprès des particuliers + toutes les taxes du commerce + des revenus de l’État.
    Un système similaire est mis en place à la Renaissance dans le Royaume de France.

    Des sociétés de publicains se créent, dans l’objectif de pouvoir faire des prêts plus importants.
    Ils ont une caisse commune, appelée corpus.
    → Naissance de la personnalité morale, avec une caisse commune qui est au-delà de la fortune des associés.

II – L’émergence d’un droit pour le commerce

A – Le jus gentium Ă  l’origine du droit des commerçants

Ă€ Rome, on a 2 droits pour les personnes :

  1. Le jus civile, qui est le droit exclusivement réservé aux citoyens romains ;
  1. Le jus gentium, beaucoup plus universel, puisé dans le droit naturel, qui vaut pour tous.
    💡 Il vaut pour les pérégrins + pour les citoyens romains lorsqu’ils traitent avec les pérégrins.
⚠️
Il n’y a que le sui juris (→ le père de famille) qui peut user du jus civile ; en effet, sa femme et ses enfants sont des alieni juris.
Le droit civil ne s’applique donc qu’aux citoyens romains, mais pas à tous les citoyens romains !

On a plusieurs types de droits civils.
Celui qui nous intĂ©resse est le jus commercium = le droit de passer tous les actes juridiques, que ce soit des actes du commerce ou n’importe quel acte de droit civil.

Le droit civil n’est qu’à moitiĂ© intĂ©ressant pour les affaires, parce qu’il est très lourd (il est issu de la coutume romaine et des lois romaines).
Il répond à un formalisme extrêmement important, avec des rites quasiment religieux.
Un magistrat est mis en place au -4ème siècle pour appliquer ce droit : le préteur urbain.

L’activité des pérégrins devient de + en + importante, donc on crée un préteur pérégrin au -3e siècle.
Le droit qu’il applique est un droit très souple, beaucoup basĂ© sur le consentement, le consensualisme et la bonne foi.
→ Intéresse le droit des affaires.

À partir du 2e siècle, on ne voit quasiment plus de différences entre le préteur urbain et le préteur pérégrin.
En -150, la loi aebutia réforme la procédure. Le nouveau droit civil romain est ouvert à tous ; il est très inspiré du jus gentium.
Les citoyens romains vont préférer se tourner vers le préteur pérégrin.

Le droit des affaires y trouve un droit beaucoup plus souple, qui intègre les usages et conventions que les pérégrins ont amené à Rome :

B – Le contenu du droit commercial romain

1) Les techniques générales

À partir de -150, avec la loi aebutia, la procédure menée par le préteur (désormais unique) met en place un droit simplifié, basé sur les idées de bonne foi et de consensualisme déjà développées par les grecs.
On accorde, dans les procès, beaucoup + d’importance Ă  la volontĂ© des parties qu’Ă  la forme.

Par exemple, pour qu’un contrat réel (contrat de gage, de dépôt ou de prêt) soit valable, il faut une remise de la chose.
DĂ©sormais, on regarde simplement la remise de la chose, alors qu’auparavant il fallait des rites gestuels et verbaux.

Beaucoup de contrats solennels deviennent consensuels : la seule condition de validitĂ© devient celle d’un consentement valable.

L’usage de l’écrit se développe.
⚠️ Utiliser l’Ă©crit ne signifie pas forcĂ©ment qu’on est dans un contrat solennel, puisqu’on peut utiliser l’Ă©crit pour des raisons simplement pratiques de preuve.
Les commerçants vont utiliser l’Ă©crit, parce que ça leur permet de matĂ©rialiser leurs obligations.

Avec cet écrit, on voit aussi se développer les contrats litteris, qui sont des contrats exclusivement écrits.
Par exemple, la reconnaissance de dette n’est pas vraiment un contrat, mais plutĂ´t une obligation → la mettre Ă  l’Ă©crit permet de la faire circuler.
La reconnaissance de dette va ainsi, petit à petit, circuler → assouplit encore les relations des marchands, qui vont pouvoir grâce à cela accélérer leurs affaires.

Les romains développent aussi la notion de représentation, avec le contrat de mandat.
Dans un contrat de mandat, le mandant prend la responsabilitĂ© de l’acte, qu’il fait passer par son mandataire, ce qui rassure le crĂ©ancier.

La solidaritĂ© prĂ©sumĂ©e est aussi l’un des grands principes du droit commercial, qui le distingue du droit civil.
En droit civil, la solidarité ne se présume pas, mais en droit commercial, elle est présumée.

Un autre principe est le caractère onéreux : dans les obligations commerciales, on a forcément une contrepartie en argent.


2) Les institutions commerciales

Dans ses Institutes, Gaïus catégorise et systématise les contrats.
Il distingue 4 catégories de contrats :

  1. Les contrats qui se forment par la remise de la chose (res) ;
  1. Les contrats qui se forment par des paroles solennelles (verbis) ;
  1. Les contrats qui se forment par les lettres (litteris) ;
  1. Les contrats qui se forment par le seul consentement (consensu).

Il existe 4 contrats consensuels : vente + louage + mandat + société.

Rien n’empĂŞche un contrat consensuel d’être Ă©crit ; Ă  ce moment-lĂ , l’Ă©crit vaut ad probationem (= pour la preuve).
≠ pour les contrats solennels, l’écrit vaut ad validitatem (= pour la validité du contrat).

a) Le prĂŞt

Ă€ Rome, il existe 2 sortes de prĂŞt :
1- le prêt à usage (aussi appelé « commodat ») ;
2- le prĂŞt Ă  la consommation (mutuum).

Le mutuum porte sur des choses fongibles.
Il se fait soit à titre gratuit, soit à titre onéreux (dans ce cas, on paie un intérêt).
Normalement, on prĂ©lève un certain pourcentage sur la somme prĂŞtĂ©e : Ă  l’issue du contrat, l’emprunteur doit rembourser le capital, mais aussi les intĂ©rĂŞts.

Ici, les romains ont eu Ă  coeur de faire attention Ă  lutter contre l’usure (= l’intĂ©rĂŞt excessif) : la lĂ©gislation romaine est parfois intervenue pour lutter contre des taux d’intĂ©rĂŞt excessifs.

Elle lutte aussi contre l’anatocisme, qui consiste Ă  faire produire des intĂ©rĂŞts aux intĂ©rĂŞts.
Cette pratique est formellement interdite Ă  Rome.

b) La vente romaine

Dans les 1ers temps de Rome, avant que le prĂ©teur n’assouplisse ce droit et ne le rende plus proche des attentes du droit des affaires, le contrat de vente Ă©tait très lourd.

On utilisait l’action de l’emptio-vendito (« achat-vente »).
Cette action romaine archaïque se déroule en 2 temps :

  1. Le propriétaire abandonne la propriété de la chose → la chose devient res nullus (= une chose sans propriétaire).
  1. L’acheteur, par des gestes rituels, met la main sur cette chose.

Cette vente ne se faisait pas de façon instantanée : la procédure était compliquée.

Le droit prétorien a simplifié les choses.
La vente devient un contrat purement consensuel : l’accord de volontĂ©s suffit Ă  sa formation.
En matière de commerce, on utilise aussi beaucoup la notion de bonne foi.

ConsĂ©quence : les risques pèsent dorĂ©navant sur le nouveau propriĂ©taire (= sur l’acheteur).
Du moment oĂą il consent, les risques deviennent res perit emptori = la chose pĂ©rit pour l’acheteur.
≠ res perit domino

Pour ce qui est des arrhes, Rome reprend la tradition orientale suivant laquelle si on ne veut plus conclure le contrat mais qu’on a versĂ© des arrhes, on a non seulement perdu ces arrhes, mais on doit aussi payer le double des arrhes versĂ©es.
En effet, selon la tradition orientale, les arrhes constituent un véritable engagement, et non une simple avance.

c) La société commerciale

Le professeur Jean Hilaire, qui a beaucoup travaillé sur les sociétés commerciales, a montré que la société commerciale est née de la société civile, qui était une société familiale.
Les affaires se faisaient beaucoup en famille.

Peu à peu, avec le développement du commerce, cette société devient une société entre étrangers (entre personnes qui ne sont pas de la même famille).
C’est ce qu’on appelle le consortium = une sociĂ©tĂ© faite pour le commerce entre personnes qui n’ont pas de liens familiaux.
Par exemple, des sociĂ©tĂ©s pour les jeux du cirque et des sociĂ©tĂ©s pour l’Ă©ducation des esclaves sont dĂ©veloppĂ©es par Caton l’Ancien.

Mais plus l’activitĂ© est importante, plus elle demande de capitaux → comment faire pour faire venir ces capitaux ?

Les romains dĂ©veloppent petit Ă  petit un droit des sociĂ©tĂ©s qui permet d’unir des capitalistes Ă  des gestionnaires.
On assiste ainsi à la naissance de la société en commandite.
D’un cĂ´tĂ©, des commanditaires apportent les capitaux ; de l’autre, des commanditĂ©s gèrent la sociĂ©tĂ© (les commanditĂ©s peuvent aussi avoir leur apport).

Pour ce droit des sociĂ©tĂ©s, les romains reprennent des idĂ©es grecques, notamment celle Ă©manant du sage Solon de la bonne rĂ©partition / de la juste loi, qui veut qu’on rĂ©partisse les bĂ©nĂ©fices et les pertes proportionnellement aux apports.
→ Participation aux bénéfices et aux pertes proportionnelle aux apports.

Cette règle de participation proportionnelle devient automatique, alors qu’au tout dĂ©but du droit romain, les sociĂ©taires Ă©taient obligĂ©s d’Ă©crire une clause pour cette participation proportionnelle (sinon, c’Ă©tait par tĂŞte).

Ils reprennent aussi des grecs l’animus societatis = l’idĂ©e que l’on est animĂ©s par un but commun (”si l’un des associĂ©s va mal, tout le monde va mal”).
→ Responsabilité solidaire des associés.
Ă€ Rome, cette solidaritĂ© est très importante : souvent, la mort d’un associĂ© entraĂ®nait la dissolution de la sociĂ©tĂ©.

On a donc : participation aux bénéfices et aux pertes + responsabilité solidaire + embryon de la personnalité morale + caisse commune.
On commence à parler de la société, plutôt que “d’untel et untel et untel”.

De vĂ©ritables conseils d’administration se dĂ©veloppent dans ces sociĂ©tĂ©s, notamment dans les sociĂ©tĂ©s en commandite, avec une organisation hiĂ©rarchique.
Un directeur gĂ©nĂ©ral, que l’on appelle le magister, a en gĂ©nĂ©ral ses bureaux Ă  Rome et, pour les succursales dans d’autres endroits de l’Empire, a fait Ă©lire ou dĂ©signer des promagistri.

→ Bases de la société commerciale.

d) La faillite

Le problème du débiteur malheureux se pose dans la loi des Douze Tables de -450.
De la loi des Douze Tables jusqu’en -118, le dĂ©biteur malheureux doit payer de sa personne : il n’y a aucune action sur les biens → il devenait la chose du crĂ©ancier.
Le crĂ©ancier en faisait son prisonnier et si, au bout de 60 jours, le remboursement n’avait pas eu lieu, il devenait l’esclave de son crĂ©ancier (nexus).

đź’ˇ Cette action n’était possible que si le dĂ©biteur n’Ă©tait pas citoyen romain, puisqu’un citoyen romain ne peut pas devenir esclave.
En thĂ©orie, s’il y a plusieurs crĂ©anciers, ils peuvent se partager le corps du dĂ©biteur, mais ça n’a probablement jamais Ă©tĂ© appliquĂ©…

En 118, on crée la vendito bonorum : on vend les biens du débiteur pour se rembourser.
C’est une procédure longue, qui se déroule en plusieurs temps :

  1. Le débiteur devient infâme.
    Ce n’est pas rien chez les romains, chez lesquels la fama (= rĂ©putation) est très importante.
    À Rome, un censeur vient surveiller les citoyens et les sanctionne par des mala nota qui peuvent donner lieu à des suppressions de droits ; par exemple, le citoyen qui aurait mal géré ses affaires se fait retirer le jus commercium.

    Le dĂ©biteur malheureux se retrouve infâme de manière importante : on lui enlève le commercium + ses droits politiques → il est un citoyen, mais il n’a plus aucun droit.

  1. Les créanciers demandent au préteur une action en possession des biens du débiteur.
    Un curateur chargé de surveiller le patrimoine du débiteur est désigné.
    Il donne d’abord une estimation de quand son activitĂ© s’est arrĂŞtĂ©e.
  1. Le préteur désigne un maître des biens (magister bonorum) parmi les créanciers, qui sera chargé de la vente aux enchères.

    Mais, à Rome, on ne vend pas les biens les uns après les autres : on vend le bloc !
    Ce qu’on vend aux enchères, c’est donc tout le patrimoine du débiteur (actif + passif).

Parfois, l’actif permet de rembourser le passif.

S’il n’y a aucun acquĂ©reur, c’est un des esclaves du dĂ©biteur qui est dĂ©signĂ©.
L’esclave ne peut pas se mettre Ă  la place du dĂ©biteur, parce qu’il n’est pas sujet de droits : il est chargĂ© de liquider le patrimoine du dĂ©biteur.

C’est une procĂ©dure lourde, très longue et très alĂ©atoire (les crĂ©anciers ne se retrouveront pas forcĂ©ment dĂ©sintĂ©ressĂ©s, il n’y a pas d’ordre de prioritĂ© chez les crĂ©anciers…).
Par ailleurs, cette procédure est exactement la même pour les particuliers que pour les commerçants → on ne distingue pas entre particuliers et commerçants en termes de faillite.

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En France, c’est l’ordonnance de 1673 qui fera pour la 1ère fois la différence entre la faillite du commerçant et la faillite du particulier.

Cette procĂ©dure est inĂ©galitaire, puisque les membres de l’ordre sĂ©natorial et Ă©questre bĂ©nĂ©ficient d’une procĂ©dure allĂ©gĂ©e :

  1. Ils ne se voient pas frappĂ©s d’infamie.
  1. Ils ont droit Ă  la distraction des biens (procĂ©dĂ© qui permet de vendre les biens les uns après les autres jusqu’Ă  atteindre le passif).
    Ils ne sont donc pas confrontés à une faillite totale.

→ Justice à double vitesse.
→ Droit inégalitaire, qui vaut pour tous (pas limité aux commerçants).


3) L’incidence du droit public économique

Quand les romains lancent des politiques Ă©conomiques, certaines règles impactent le droit des affaires, qui va devoir s’adapter.

Les romains inventent des politiques fiscales et des règlementations économiques.
Pour les techniques fiscales, ils s’inspirent de l’Orient mĂ©diterranĂ©en des grecs pour appliquer des impĂ´ts, notamment sur le commerce.

Les commerçants sont impactĂ©s par ce droit, parce qu’ils doivent donc payer certains impĂ´ts, et notamment des impĂ´ts sur les barrières douanières.
Les impôts portoria (= de douane) frappent les produits qui entrent sur le territoire. C’est un impôt particulièrement fructueux : à Rome, il y a des grandes villes qu’il faut approvisionner → beaucoup de marchandises sont importés.

Des questions de politique Ă©conomique se posent : est-ce qu’on veut ĂŞtre libĂ©ral, avec des impĂ´ts très bas pour favoriser le commerce et les importations ? ou est-ce qu’on veut ĂŞtre protectionniste, avec une augmentation des droits de douane ?

Les impĂ´ts sur le commerce vont se multiplier.
Exemple : crĂ©ation d’impĂ´ts sur les ventes de marchandises → l’on fait payer aux marchands un droit d’octroi = droit que l’on doit payer pour entrer dans une ville avec des marchandises.

La dynastie des SĂ©vères (empereurs des annĂ©es 200) inventent ensuite le droit d’Ă©talage, plus moderne et plus intĂ©ressant.
Ils instaurent une taxe sur les professions marchandes : pour avoir le droit d’être marchand, il faut payer le droit d’étalage, qui est un impôt spécifique au commerce.

Cette taxe est reprise par Constantin (~310), qui impose en + l’immatriculation obligatoire.
Les marchands doivent donc, tous les ans, payer une taxe annuelle calculĂ©e sur leurs bĂ©nĂ©fices + s’immatriculer (s’ils ne le font pas, ils sont hors-la-loi).

À partir de la seconde moitié du 3e siècle débute la période tardive : c’est le début du dominat, qui suit le principat.
Cette période se caractérise par le règne d’un empereur qui fonctionne comme un roi absolu : il prend dans la main toutes les institutions.
D’un point de vue économique et commercial, il mène une politique interventionniste.

Cette intervention accrue de l’État s’exprime Ă  Rome de 2 manières :
1- avec une certaine règlementation ;
2- avec la crĂ©ation de monopoles d’État.

Ces empereurs s’imposent en crĂ©ant des monopoles d’État dans certains secteurs.
Par exemple, les industries d’extraction (mines et carrières) deviennent des monopoles d’État : les esclaves qui travaillent dessus sont des agents de l’État.
→ Fonctionnarisation.

Autres exemples : l’État prend le monopole des armes, des transports et des chevaux.
Il prend aussi le monopole de certains produits de luxe comme la soie, parce que ça apporte au rayonnement de l’Etat + c’est fructueux.

Donc les industries d’extraction + certains secteurs Ă©conomies vitaux + le luxe + le sel deviennent des monopoles.
Le sel, à cette époque, n’est pas qu’un simple condiment : c’est surtout un moyen de conservation de la viande !

Les empereurs captent donc cette Ă©conomie avec des monopoles → ceux qui les gèrent sont des agents de l’État.

Ensuite, les empereurs font une règlementation assez interventionniste, notamment en matière monétaire.
En matière de politique monétaire, l’édit du maximum est passé en 301 par l’empereur Dioclétien.
Cet édit fixe un prix maximum → il y a un prix au-dessus duquel les marchandises ne peuvent pas être vendues.
Objectif : ralentir l’inflation pour éviter que le peuple ne se soulève lors d’une crise à Rome.

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Cet édit du maximum va inspirer les jacobins sous la Révolution française, qui mèneront eux aussi une politique de fixation autoritaire des prix.

DioclĂ©tien interdit aussi l’exportation d’une certaine quantitĂ© de mĂ©taux prĂ©cieux, avec la croyance qu’un État riche est un État qui conserve ses matières prĂ©cieuses (or, argent…).
C’est sous Dioclétien que les tarifs douaniers sont les + élevés…

Ce droit public économique s’intéresse aussi aux métiers.
Les empereurs imposent le corporatisme.
Normalement, le corporatisme fait peur aux dirigeants, parce qu’aucune empereur ne veut que des personnes se regroupent pour défendre leurs droits.
Mais, pour pouvoir mieux contrĂ´ler les mĂ©tiers, il fallait qu’ils soient plus visibles ; on leur impose donc de se regrouper en corporations, de rĂ©diger des statuts, et de dĂ©signer un chef (le patronus ou les patroni).

L’État s’implique aussi en imposant, pour certaines professions, des numerus clausus.
Objectif : mieux contrôler les métiers, par exemple en imposant des règles.

Au dĂ©part, le système de corporations n’est imposĂ© qu’aux mĂ©tiers nĂ©cessaires au ravitaillement des villes : boulangers, bouchers, transporteurs d’eau…
Ensuite, ce système est étendu à tous les autres métiers.

Certains professeurs font remarquer que ça n’a pas empĂŞchĂ© la crise et la dĂ©cadence de Rome…

On voit ici comment les règles du commerce se sont faites petit Ă  petit, surtout par le bas et par la coutume, mais aussi par des règles qui viennent d’en haut.

Par la suite, le droit romain va peu Ă  peu disparaĂ®tre jusqu’au Moyen-Ă‚ge.
Les rois barbares appliqueront en partie le droit romain, avec un système de personnalité des lois.
À ce niveau-là, il n’y a pas grand chose qui puisse nous intéresser au niveau du droit des affaires, parce que les rois barbares avaient une mentalité très basée sur les pillages ; au niveau du commerce, ils vivaient plutôt du troc, avec des économies autarciques.
On ne sait pas grand chose de cette époque : le commerce a sûrement continué, mais plus du tout à la même échelle.

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