Cours 18 : La complicité

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Alors que la co-action revient à commettre une infraction à plusieurs, la complicité revient à s’associer à l’infraction d’autrui. Ce comportement dépendant est susceptible de prendre des formes variables, toutes sous le même régime.

§1. Les hypothèses de complicité punissable

La complicité est susceptible de prendre quatre forme
➔ aide et assistance
➔ provocation et instruction
La législateur a voulu envisager les différentes façons de s’associer à l’infraction d’autrui. Une interprétation stricte s’impose compte tenu de leur conséquence en terme répressif.

A – L’aide et l’assistance

Article 121-7 alinéa 1« Est complice d’un crime ou d’un délit la personne qui, sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation » ➤ dimension matérielle et psychologique de la complicité.

1) La matérialité de l’acte de l’acte reproché au complice

L’acte d’aide ou d’assistance s’apprécie par rapport à l’objectif reproché. Cet acte doit avoir facilité la préparation ou la consommation d’une infraction par autrui. Le comportement du complice doit avoir été utile au délinquant ou au criminel : tout acte utile peu importe qu’il le soit directement ou indirectement.
Distinction de l’aide et de l’assistance dans le code de 1810. Pour justifier la distinction on prétend que l’assistance est une forme de participation directe. Il y avait assistance lorsque le complice est présent sur les lieux au coté de l’auteur. L’aide ne serait qu’une forme de participation indirecte. Le plus souvent, en pratique, les deux termes sont tenus pour synonymes. Les magistrats ne distinguent pas ès lors qu’un acte a été utile à l’infraction ➤ complicité par fourniture de moyens.

L’aide ou l’assistance se traduit le plus souvent par un acte positif de la part du complice. Est complice d’un outrage à magistrat celui qui rédige la lettre offensante qu’autour peut adresser à un juge. L’absence de définition de la matérialité de l’acte reprochable au complice permet également de considérer quine simple abstention peut être prise en compte dans certaines circonstances. En principe un individu qui assiste sans regain à la commission de l’infraction ne s’en rend pas complice. Mais la jurisprudence accepte d’assimiler l’abstention à l’action lorsqu’elle s’est révélée utile à l’auteur des faits et était convenue d’avance. Dans une telle hypothèse l’abstention va eu delà du soutien moral apporté à l’auteur de l’abstention. Il en va ainsi chaque fois qu’un personne n’a l’obligation d’intervenir dans certaines circonstances et s’abstient de le faire. Dans ce cas, elle facilite la commission de l’infraction et on considère qu’elle a aidé ou assisté l’auteur de l’acte. Au delà de l’élément matériel, le texte requiert un élément moral.

2) La dimension psychologique de l’acte reproché au complice

La complicité par aide ou assistance n’est punissable que si elle accomplie sciemment. Cette précision de l’article 121-7. Elle condamne l’idée selon laquelle le complice serait un innocent associé au coupable. Le complice doit assurer une culpabilité qui lui est propre. Il doit avoir recherché la commission d’une infraction par autrui. Son comportement est donc nécessairement intentionnel. Même si sans le savoir on apporte une aide à la commission d’une infraction on n’engage pas nécessairement sa responsabilité pénale. Au contraire, si le comportement est conscient on est responsable. La complicité suppose un élément moral, une parfaite perception des faits auquel le complice s’associe. La jurisprudence est obligée de réduire la portée de cet élément moral dans l’hypothèse où l’infraction commise à titre principal, n’était pas celle à laquelle le complice comptait s’associer.

Exemple : complice fournit une arme à l’auteur d’un vol pour lui permettre de commettre un vol à main armée. Si l’auteur tire et abat la personne. Le complice deviendra complice de meurtre. L’exigence d’un fait accompli sciemment aurait du exclure la poursuite au titre de la complicité de meurtre. La jurisprudence part du principe qu’à partir du moment où il décide de s’associer à une infraction, il doit être puni avec la sanction la plus haute. Les juges répressifs font assumer au complice l’aléa de son acte, il doit répondre de toutes les conséquences de son acte même celles non prévues.

➤ solution à l’encontre du principe de légalité. Le juge souhaite donner un caractère dissuasif.

B – La provocation et l’instruction

Article 121-7 alinéa 2 ajoute « Est également complice la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus d’autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre ».

1) La complicité par instruction

En l’absence de précisions législatives, il est très difficile d’identifier les instructions en cause. Le plus souvent, il s’agit de conseils, d’informations données à autrui pour lui permettre de réaliser l’infraction. Tout renseignement utile permettant ou facilitant la commission d’une infraction peut être prise en compte à ce titre. L’essentiel est que ces renseignements soient suffisamment précis pour permettre à autrui de commettre l’infraction.

Les illustrations jurisprudentielles sont rares. Elles concernent essentiellement les infractions disparues : IVG. Conseiller une femme de se faire avorter n’a pas été jugé suffisant pour caractériser une complicité par instruction. Le conseil donné est apparu trop vague pour pouvoir admettre que celui qui l’a donné a influencé le comportement de la femme. Or donner l’adresse d’une avorteuse caractérisait la complicité par instruction.

Les moyens fournis à autrui sont d’ordre intellectuel à défaut d’être d’ordre matériel. Les magistrats préfèrent retenir une complicité par commission de moyens plutôt que par instruction. Lorsqu’ils relèvent une complicité par instruction, ils la dénaturent pour l’appliquer dans une situation de provocation (emploi de moyens déterminés).

2) La complicité par provocation

Elle se distingue tant par sa nature que par sa gravité. Cet acte se double d’une intention coupable, et sans cette intention il serait paru anodin. Il devient illégitime parce que il est accompli sciemment par quelqu’un qui se sait associé à cette infraction, d’où la sanction pénale.
En matière de provocation, l’acte du complice n’a plus rien de neutre. Il semble intrinsèquement inacceptable parce que il incite une autre personne à commettre une infraction. Le complice semble encore plus responsable que l’auteur des actes matériels d’exécution qui s’est contenté d’obéir. Il est véritablement à l’origine de l’acte commis, il est donc normal que sa responsabilité soit engagée.

Repose sur une matérialité faible, mais sur un élément moral très dense. Une telle volonté apparait certaine, ne prête pas à discussion. Le législateur exigeait qu’il s’incarne par l’emploi de moyens déterminés, il doit utiliser l’un des adminicules de l’infraction énoncés dans l’article 121-7 alinéa 2. L’utilisation d’un de ces moyens permet de tenir pour certain le lien de causalité entre le comportement du complice et celui de l’auteur matériel. Le conseil donné à autrui de commettre de l’infraction est censé relever de la complicité par instruction ou par fourniture.

L’incitation doit être réelle, il faut pouvoir démontrer que des moyens ont été mis en oeuvre pour persuader autrui, provoquer le passage à l’acte. Cette pression n’équivaut pas à la contrainte morale, elle doit être suffisante pour qu’on puisse admettre qu’elle a été un lien causal de l’infraction. Cette provocation ne doit pas avoir privé l’exécutant de son libre arbitre.

§2. Le régime de la complicité punissable

A – Le domaine de la complicité

La complicité s’apprécie par rapport à une infraction de référence. Il n’y a pas de complicité sans infraction. Pour autant l’exigence de l’infraction n’est vérifiée qu’abstraitement. Elle doit exister, mais il n’est pas nécessaire qu’elle soit sanctionnée, que son auteur ait été identifiée et puisse être poursuivi. Il suffit que le fit principal auquel le complice s’associe puisse être déclaré punissable par le juge.

Ce qui pose la question de la nature de l’infraction. Il importe pour que la complicité soit punissable qu’elle ait précédé ou accompagné le fait.

1) La nature de l’infraction de référence

La complicité peut être envisagée largement, chaque fois qu’elle semble compatible avec l’infraction principale. En réalité la complicité n’est pas toujours punissable. Le domaine de la complicité connait certaines limites. Elle ne se conçoit guère qu’à l’égard d’une infraction intentionnelle. Le complice et l’agent doivent avoir voulu l’infraction. La complicité ne peut être retenue pour abstention. On peut en revanche toujours être poussé à ne rien faire. Même à l’égard des infractions intentionnelles de commission, il n’y a pas toujours punissable. Alors que les différentes formes de complicité sont punissables. En matière de contravention, seule la complicité par provocation et instruction est toujours punissable, à l’inverse, la complicité par aide ou assistance n’est punissable que si le texte le prévoit.

2) Le moment de l’infraction de référence

La complicité suppose la volonté de s’associer à une infraction qui n’est pas entièrement commencée. Elle est donc antérieure à l’acte sur lequel elle se greffe. Il contribue à la réalisation de l’infraction. La complicité ne se conçoit donc pas a posteriori. Dans une seule hypothèse la jurisprudence considère que se rend complice d’une infraction, celui qui aide l’auteur lorsque l’aide a été convenue d’avance. La complicité doit intervenir avant la totale commission de l’infraction. Il n’est pas nécessaire que l’infraction soit immédiate pour être punissable. Il peut y avoir complicité de s’associer avec un autre complice.

Exemple : commanditaire d’un meurtre qui recrute des hommes de main pour tuer une personne se rend coupable de complicité de meurtre.
Tout comportement antérieur à la commission de l’infraction qui conduit à celle ci est potentiellement reprochable au titre de la complicité. Elle n’a pas besoin d’entretenir un rapport immédiat avec la consommation de l’acte. Il faut que l’acte du complice ait joué un rôle dans la commission de l’acte final.

B – La sanction de la complicité

Un individu n’est jamais déclaré abstraitement complice, mais toujours complice d’une infraction déterminée. La déclaration de culpabilité à l’égard du complice contient nécessairement une qualification pénale qui est celle du fait principal auquel le complice s’est associé. Si elle se définit en soi, cela ne suffit pas à justifier la sanction pénale du complice. La complicité n’a d’existence pénale qu’au regard d’une infraction effectivement commise. Ce qui justifie l’intervention du droit pénal est le trouble de l’ordre public du fait de l’infraction à laquelle il s’est rattaché. Théorie de l’emprunt de criminalité : le complice serait punissable car en s’associant à l’infraction d’autrui, il aurait accepté d’être assimilé à l’auteur de ce fait principal. Le complice accepterait d’assumer la dimension pénale du fait principal. Il est préférable de parler d’emprunt de qualification. Le complice est punissable parce que son fait qualifié comme le fait principal. Ainsi, il mérite d’être sanctionné comme l’auteur de celui ci. Le code actuel semble encore adhérer à cette théorie.

Article 121-6 « Sera puni comme auteur le complice de l’infraction ». La formule rappelle que la complicité appelle une sanction en relation avec une infraction. Pour autant l’article 121-6 n’exige pas que la poursuite du complice soit subordonnée celle de l’auteur principal. Cet emprunt de qualification fera exceptionnellement échec aux poursuites s’il apparait que les faits n’étaient pas encore punissable au moment où ils ont été commis.

Exemple : la corruption de salarié n’a été incriminée qu’en 2005. Au milieu de cette année et avant cette incrimination, une personne a posé un salarié à agir au détriment de son employeur. Des poursuites ont été engagées contre lui et contre son complice. Le complice s’est défendu en disant que ses faits n’avaient pas été incriminés, du fait de l’absence d’incrimination il n’y a pas eu de sanction pénale.
Nuance entre la formule de l’article 121-6 du CP actuel et celle de l’article 59 du code de 1810 « les complices d’un crime ou d’un délit seront punis de la même peine que les auteurs même de ce crime ou de ce délit ». Le complice se trouvait exposé aux mêmes peines que l’auteur principal.

Le code actuel semble avoir voulu rompre avec cette emprunt de pénalité puisqu’il ne dit plus que le complice est puni comme auteur de l’infraction, mais comme auteur des faits commis à titre principal. Il devrait s’ensuivre que les éventuellement circonstances aggravantes s’appliquent différemment. La responsabilité pénale de chacun devrait pouvoir être appréciée différemment selon les circonstances ➤ in concreto.

La formule de l’article 121-6 aurait pu permettre de considérer le complice comme un auteur et non pas l’assimiler à l’auteur. S’il on avait suivi à la lettre la nouvelle rédaction de cet article, on aurait pu pouvoir reprocher au complice des circonstances propres. Cet article témoigne d’un soucis d’individualisation légale par rapport à la formule de l’article 59 précédent.

La logique est dissociée en terme de pénalités, les sanctions de l’auteur et du complice seront sanctionnés en fonction des circonstances qui leur sont propres.
La Cour de cassation n’a pas accepté les conséquences de la nouvelle rédaction de l’article 121-6. Elle continue d’envisager les circonstances aggravantes que sur la tête de l’auteur principal. Dans certains cas l’assimilation de l’auteur et du complice n’est pas possible, si le complice en question n’a pas les qualités requises. Plutôt que garantir l’impunité du complice, la Cour de cassation a décidé de maintenir que le complice emprunte la qualification des faits, mais aussi la pénalité. Il s’ensuit qui les circonstances aggravantes ne peuvent être relevées qu’à l’encontre de l’auteur principal. Le complice ne peut se voir appliquer aucune circonstances aggravantes qui lui serait propre, contrairement à l’article 121-6, il n’est pas traité indépendamment de l’auteur. La solution est regrettable parce que il n’est pas normal de reprocher à un complice une circonstance aggravante reprochée sur la tête de l’auteur principal. La complicité suppose un élément moral dans lequel le complice a agi sciemment. La solution s’est imposée néanmoins pour la Cour de cassation qui témoigne de sa supériorité sur le législateur.

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