Cours 15 : La consommation de l’infraction

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La consommation de l’infraction suppose la réunion de tous ses éléments constitutifs.

En théorie, une infraction n’est punissable qu’à partir du moment où son existence légale peut être constatée.
Le principe de légalité commande au juge d’établir que l’infraction satisfait à toutes les exigences du textes prévoyant les sanctions.

Ponctuellement, l’assimilation de l’infraction tentée à l’infraction consommée permet d’étendre le champ de la répression.

Il y a infraction tentée lorsque le comportement réalisé ressemble au comportement incriminé, mais ne coïncide pas totalement avec lui.
Idée : L’intention de commettre l’infraction est déjà certaine, mais en pratique cette intention n’a pu provoquer tous ses effets.
L’infraction n’est pas consommée soit parce que son processus d’exécution n’est pas arrivé à son terme, soit parce que même en arrivant à son terme, il n’a pas produit le résultat attendu.

§1. La diversité des tentatives

D’anciens criminologues prétendaient qu’il existerait un chemin du crime (iter criminis).
Ils montraient qu’entre le moment où un individu conçoit l’idée d’une infraction et le moment où l’infraction est effectivement réalisée, le processus infractionnel passe par plusieurs phases.

La simple conception de l’idée de commettre une infraction n’est pas punissable.
La simple décision arrêtée de commettre une infraction n’est pas davantage punissable.

Les renseignements, achats d’armes… constituent l’acte préparatoire à l’infraction → pas punissable en principe.

Le passage à l’acte suppose un commencement d’exécution.
Mais entre le commencement d’exécution et l’infraction consommée, un temps plus ou moins long peut s’écrouler.

Pour les infractions matérielles, il ne suffit pas que le processus soit arrivé à son terme, il faut apporter la preuve de l’obtention du résultat par le législateur.
Cependant, au cours de cette période (= avant la consommation de l’infraction), une tentative peut être sanctionnée. Cette tentative correspondra à l’exécution interrompue de l’infraction ou à une exécution infructueuse.

A – L’exécution interrompue

L’exécution interrompue est la forme de tentative la plus clairement envisagée :
Article 121-5 du Code pénal :
”La tentative est constituée dès lors que, manifestée par un commencement d’exécution, elle n’a été suspendue ou n’a manqué son effet qu’en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur.”

Idée : l’exécution commencée de l’infraction a été contrariée.
L’agent mérite d’être sanctionné parce qu’il avait la volonté d’aller au bout de son projet, et qu’il a déjà accompli des actes non équivoques parfaitement révélateurs de son intention coupable.

1) Le commencement d’exécution

Pour qu’il y ait tentative punissable, il faut que l’exécution de l’infraction ait commencé.

Les simples actes préparatoires sont trop équivoques pour permettre de conclure à une volonté certaine de commettre une infraction.

La jurisprudence retient que le commencement d’exécution suppose un acte devant avoir pour conséquence directe et immédiate de consommer l’infraction.

Exemple :
L’achat d’un poison n’est qu’un acte préparatoire.

Exceptionnellement, certains actes préparatoires sont incriminés et peuvent être sanctionnés indépendamment de leur suite.
Ils sont incriminés à titre autonome.
Exemple : projet d’attentat contre le Président de la République → rencontre des personnes sur les lieux du passage du PR, mais aucune tentative → poursuites pour association de malfaiteurs.

Cette incrimination peut être perçue comme attentatoire aux libertés individuelles, parce qu’elle intervient beaucoup trop tôt dans le chemin du crime.
Objectif : accorder à la police judiciaire tous les moyens pour interpeller les individus perçus comme dangereux sans attendre un passage à l’acte.

Pour que la tentative soit punissable, le commencement doit être établi, peu importe que l’infraction soit matérielle ou formelle.
Ce commencement n’est pas toujours facile à déterminer, parce que l’exécution de l’infraction peut durer dans le temps.

Le seuil à partir duquel le commencement d’exécution devient significatif est très variable en fonction des circonstances.
Les juges attachent parfois moins d’importance au degré d’accomplissement du projet qu’à la volonté exprimée de commettre l’infraction.
→ Dès qu’ils sont convaincus de la volonté coupable, les magistrats acceptent de sanctionner sous couvert de tentatives d’infraction des commencements d’exécution qui correspondent à des actes préparatoires.

Exemple :
Arrêt de la chambre criminelle de 1970 qui accepte de sanctionner pour tentative de vol à main armée des malfaiteurs placés en embuscade devant une banque avec des armes à l’arrière de leur véhicule.
Le commencement n’était pourtant pas établi : l’embuscade n’est qu’un acte préparatoire.

Cet excès de zèle est regrettable, parce qu’il peut être perçu comme contraire au principe de légalité (→ les faits n’ont pas pour conséquence directe la commission de l’infraction).
→ On sanctionne sur l’idée d’une infraction, alors qu’on ne doit sanctionner les idées que quand elles se matérialisent dans un acte.

2) L’interruption de l’exécution

Pour encourager les désistements, le droit pénal fait des faveurs si l’agent s’arrête de lui même.
Il distingue si l’interruption de l’exécution était volontaire ou involontaire.

Le projet doit avoir été mis en échec pour une raison qui est étrangère à l’agent.
Si l’exécution est interrompue contre la volonté de l’agent, la tentative est punissable qu’importe les circonstances qui l’ont poussé à arrêter l’infraction.
Exemple : si, au moment de commettre un vol, l’agent déclenche une alarme et prend la fuite, il n’a pas décidé volontairement d’arrêter.

Pour que la tentative soit punissable, il faut que la phase de l’exécution soit interrompue alors qu’elle témoignait déjà de la volonté certaine de l’agent d’aller au bout de son projet.
Idée : l’agent a été contrarié dans un projet d’ores et déjà certain.

L’exécution d’une infraction n’est pas punissable lorsqu’elle s’interrompt spontanément.
En cas d’interruption volontaire (= lorsque l’agent renonce de lui-même à l’infraction), le commencement d’exécution n’est pas punissable, car le caractère volontaire du désistement établit que l’intention de commettre l’infraction n’est pas irrévocable chez son auteur.

Idée : malgré le commencement d’exécution, il a fini par abandonner son projet.
La société n’a aucun intérêt à ce qu’un individu persiste dans un projet criminel en étant persuadé qu’il sera dans tous les cas sanctionné. Pour l’encourager, la loi garantit l’impunité s’ils le font spontanément.

En pratique, les magistrats sont assez hostiles à cette idée d’interruption volontaire.
Ils interprètent la notion strictement : une personne arrêtée pour tentative doit parvenir à convaincre les juges que son désistement relevait d’un choix personnel.
Pour que le désistement volontaire soit pris en compte, il faut qu’il soit crédible et qu’il intervienne à un moment utile (= avant que l’infraction ne soit complète).

Exemple : l’auteur de détournements de fonds publics qui renonce à la somme ne constitue pas un désistement volontaire susceptible de réduire la responsabilité pénale.
Il peut au mieux témoigner des regrets des auteurs des faits.

B – La consommation manquée

On parle de consommation manquée lorsque l’agent a accompli tous les actes matériels constitutifs de l’infraction, sans produire le résultat incriminé par le législateur.
L’infraction n’est pas totalement consommée, parce que l’objet poursuivi n’a pas été atteint.

1) L’infraction manquée

Lorsque, malgré tous ses efforts, l’agent n’a pas réussi à produire tous les effets attendus, sa volonté coupable ne fait aucun doute.

Cette tentative ne se conçoit qu’à l’égard des infractions matérielles (= dont la consommation suppose la preuve des résultats obtenus).

Si un comportement incriminé n’a pas produit le résultat, l’auteur des actes n’échappe pas à la sanction.
La tentative est punissable car l’auteur n’a pas lui-même fait échec au résultat.

2) Comportements connexes

On distingue :

  1. L’infraction manquée : malgré l’accomplissement de tous les actes d’exécution, le résultat escompté n’a pas été obtenu.
    → Le résultat aurait pu être atteint.
  1. L’infraction impossible : dès lors que l’agent a eu le comportement incriminé + que l’absence de résultat est étrangère à son volonté, on considère que la société doit pouvoir l’incriminer et lui infliger une sanction – même s’il n’a pas troublé l’ordre public.
    Exemple : la Cour de cassation a admis que le fait de porter des coups mortels à une personne morte peut constituer une tentative de meurtre.
  1. L’infraction putative : infraction qui n’existe que dans la tête de son auteur ; l’agent pense commettre une infraction, mais il ne tombe pas objectivement sous le coup de la loi pénale.
    Exemple : un individu qui se marie alors qu’il n’est pas encore divorcé commet le délit de bigamie ; mais si sa 1ère épouse a divorcé sans qu’il ne le sache, il n’est pas bigame.

§2. Le régime de la tentative

A – Domaine de la tentative

L’infraction tentée est punie comme l’infraction consommée.
Pour le droit français, à partir du moment où la tentative était punissable, la volonté coupable est la même : une sanction maximale s’impose.

B – Sanction de la tentative

  • La tentative de crime est toujours punissable ;
  • La tentative de délit n’est punissable qu’à partir du moment où le texte d’incrimination le prévoit ;
  • La tentative d’infraction de police (= contravention) n’est jamais punissable : le législateur considère que ces infractions ne sont pas assez graves pour sanctionner leur tentative.

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