Chapitre 13 : L’établissement non contentieux de la filiation paternelle et maternelle

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On distingue 3 sources d’établissement de la filiation :
1- l’effet de la loi ;
2- la volonté ;
3- un jugement.

I – La filiation établie par l’effet de la loi

Ici, “l’effet de la loi” désigne 2 modes d’établissement de la filiation :

  1. L’acte de naissance, qui fonctionne pour l’établissement de la maternité que la mère soit mariée ou non ;
  1. La présomption de paternité, qui établit la paternité seulement pour le mari de la mère.

L’article 311-25 du Code civil énonce que “la filiation est établie, à l’égard de la mère, par la désignation de celle-ci dans l’acte de naissance de l’enfant”.
Pendant longtemps, la règle n’a valu que pour les femmes mariées.

Cette règle est souvent exprimée sous la forme d’une maxime : “la mère est toujours certaine”.

La mère peut demander à ce que son identité ne soit pas connue (”accouchement sous X” ou “secret de son admission et de son identité”), ce qui empêche l’établissement d’un lien de filiation.

Pater is est quem nuptiæ demonstrant, ou Pater is est : “le père est celui que les noces désignent.
Idée : en principe, puisqu’une femme est mariée, elle doit être fidèle à son mari ; les enfants nés d’elle sont donc en principe les enfants de son mari.
Le devoir de cohabitation pèse sur les mariés : en épousant telle femme et en ayant des enfants avec elle, le mari accepte que les enfants qui naissent de cette femme soient les siens.

La présomption de paternité est l’un des effets du mariage.
Aujourd’hui, c’est la seule règle qui n’est pas commune à tous les enfants.

Depuis 1972, idée : la présomption de paternité ne doit pas servir à établir une paternité totalement invraisemblable par rapport à la vérité biologique.

A – Application de la règle

L’article 312 établit la présomption de paternité.
On distingue 2 conditions :

  1. Il faut un mariage, qui soit valable ou nul (l’article 202 indique que le fait que le mariage ait été annulé et que les époux aient été ou non de bonne foi n’a aucune incidence sur le sort des enfants)
    → il n’y a pas de présomption de paternité au sein d’un couple de concubins
  1. Il faut un acte de naissance qui prouve la maternité

L’article 342-11 met en place un système spécial pour établir la filiation au sein d’un couple de femmes : “La filiation est établie, à l’égard de la femme qui accouche, conformément à l’article 311-25. Elle est établie, à l’égard de l’autre femme, par la reconnaissance conjointe [précédemment établie]”.

B – Exclusion de la règle

La présomption de paternité disparaît de plein droit (= automatiquement ; il n’y a pas besoin d’une action en justice pour exclure la paternité du mari) dans 2 cas :

  1. En cas de séparation légale des époux : si les époux n’ont plus l’obligation de cohabiter, la paternité du mari vis-à-vis de l’enfant né de sa femme perd de sa vraisemblance.
    Il s’agit du cas où l’enfant est conçu plus de 300 jours (~ 9 mois) après l’introduction de la demande en divorce,
  1. Si l’acte de naissance de l’enfant ne désigne pas le mari comme père.
    L’article 313 dispose que “la présomption de paternité est écartée lorsque l’acte de naissance de l’enfant ne désigne pas le mari en qualité de père”.

C – Les effets de l’exclusion sur la filiation de l’enfant et le rétablissement éventuel de la présomption de paternité

La présomption de paternité qui a ainsi été exclue peut être rétablie.

L’article 314 dispose que, si la filiation a été écartée sur la base de l’article 313, elle se trouve rétablie de plein droit si l’enfant a la possession d’état et n’a pas déjà une filiation paternelle établie.

L’article 329 dispose qu’il est possible d’intenter une action en justice pour faire reconnaître la paternité dont la présomption a été écartée, à condition que cet enfant n’ait pas déjà 2 parents.
Cette action est ouverte à chacun des époux pendant la minorité de l’enfant et dans les 10 ans qui suivent sa majorité.

Le mari peut aussi établir la filiation par reconnaissance.
Exemple : hypothèse où une femme a accouché sous X, mais son mari sait qu’elle a eu un enfant.

II – La filiation établie par la reconnaissance

Les articles 316 et suivants organisent l’établissement de la filiation par la reconnaissance.

On constate une évolution du droit de la famille : la présomption de paternité, autrefois le fondement la filiation légitime, est devenue aujourd’hui une simple règle technique.

Certains enfants ne peuvent pas être légalement reconnus :
> ceux dont la filiation est déjà établie à l’égard d’une tierce personne ;
> lorsque l’établissement de la filiation est prohibé (en cas d’inceste).

A – La nature de la reconnaissance

La reconnaissance est à la fois un aveu et un acte juridique.

En principe, celui qui est à l’origine de la naissance d’un enfant est bien placé pour savoir qu’il est le père ou la mère.
La reconnaissance est par nature déclarative et donc rétroactive.
Puisque c’est un aveu, elle est par nature irrévocable.

Mais la source de cette reconnaissance est la volonté ; c’est un acte juridique, soumis au droit commun : il faut que cette volonté soit libre.

B – Le régime de la reconnaissance

1) La liberté de la reconnaissance

La reconnaissance est libre. Elle n’est soumise à aucun contrôle et aucune vérification.
→ Une reconnaissance d’enfant peut être de complaisance.

2) Le moment où intervient la reconnaissance

On peut reconnaître un enfant prénatalement.
Après sa naissance, un enfant peut être reconnu à tout âge, à la condition qu’il n’ait pas déjà de lien de filiation dans cette branche.
Il peut même être reconnu après après sa mort (enjeu successoral et/ou symbolique).

3) L’authenticité de la reconnaissance

La reconnaissance est un acte suffisamment important pour que le législateur ait exigé qu’elle ait lieu sous forme authentique ; un acte sous seeing privé ne suffit pas (article 316 al 3).

On distingue 3 voies possibles :

  1. L’acte de naissance contient la reconnaissance.
  1. Si la reconnaissance n’est pas faite au moment de l’acte de naissance, un acte de reconnaissance est établi, et mentionné en marge de l’acte de naissance.
    Il s’agit d’un acte notarié, spécialement destiné ou non (ex : testament).
  1. L’aveu judiciaire : quand, devant un juge, dans n’importe quelle procédure, un homme ou une femme reconnaît sa paternité/maternité.

4) La reconnaissance : un acte personnel et unilatéral

La reconnaissance est un acte personnel : elle doit émaner du parent de l’enfant reconnu.
Elle lui est strictement personnelle : on ne peut pas reconnaître un enfant à la place de quelqu’un.

C’est un acte unilatéral : il n’y a pas besoin de demander à l’enfant, ni à l’autre parent.

Si l’auteur de la reconnaissance est mineur, il doit effectuer lui-même la reconnaissance.

5) La reconnaissance : un acte irrévocable, déclaratif et absolu

Une fois faite par son auteur, la reconnaissance ne peut être rétractée.

C’est un acte déclaratif, et par conséquent rétroactif : la déclaration ne crée pas de lien de filiation, mais déclare un lien de filiation préexistant ; elle est donc rétroactive au jour de la naissance.

En principe, un acte déclaratif est relatif (aux parties concernées).
La reconnaissance est absolue : ses effets s’étendent à tout le monde (erga omnes).
→ on ne peut pas reconnaître un enfant déjà reconnu

III – La filiation établie par la possession d’état

La possession d’état est prise en compte comme un mode d’établissement de la filiation, en mariage comme hors mariage.
Elle doit être formalisée au moyen d’un acte de notoriété.
Elle revêt donc un caractère hybride : c’est une réalité factuelle qui a besoin d’un minimum de formalisme.

La possession d’état est une réalité factuelle à partir de laquelle la loi présume un lien de filiation.
Elle doit être prouvée ; puisqu’il s’agit de faits, la preuve en est libre.

L’article 317 du Code civil dispose que l’acte de notoriété est établi par le notaire à la demande de chacun des parents ou de l’enfant.

La possession d’état peut être établie post-mortem.

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