Introduction générale : l’ordre juridique international et le droit international

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Le droit international est un droit très conceptuel : il existe des débats doctrinaux sur des notions fondamentales !

Section 1 : Définition du droit international public

Qu'est-ce que le droit international public ? C’est difficile à définir !

On pourrait penser que le droit international public est uniquement le droit qui régit les relations internationales, mais ce n’est pas du tout le cas ; ça ne rend pas compte des autres relations régies par le droit international.

La notion même de relations internationales a évolué.
Les relations internationales, ce n'est pas uniquement les relations interétatiques : les États occupent toujours une place centrale sur la scène internationale, mais ils ne sont plus les seuls à y intervenir (exemples : multinationales, groupes privés type Wagner, …).
Au sens large, les relations internationales sont donc les relations humaines qui débordent du cadre des frontières étatiques.

De relations internationales, on passe à des relations transnationales.

§ 1. Les relations d'État à État

Il s'agit des relations publiques nouées entre des représentants d'États.
Les individus interviennent en tant qu'agents de l'État, et non à titre personnel.

Les règles de droit portent sur des sujets très variés : délimitations de frontières, sécurité internationale, aide humanitaire, manière de conclure des traités, de mener une guerre…

Pour ces relations d'État à État, on considère que les États sont souverains.

Cette souveraineté a un corollaire : tous les États sont égaux.
Ça implique qu'aucun État ne peut être soumis au droit interne d'un autre : parce que les États sont souverains, le droit national de l'un d'eux, aussi puissant qu'il soit, ne peut pas régir les relations d'État à État.

En droit international public, le droit interne constitue un simple fait (dont il faut tenir compte et qui produit des effets juridiques !).

Si ce n'est pas du droit national, quel droit pourrait régir les relations d'État à État ?
On pourrait imaginer un droit supra-étatique, produit par une entité qui serait supérieure aux États, mais ça non plus ça marche pas, parce que sinon les États ne seraient pas souverains.
Il n’existe pas une organisation internationale qui peut imposer du droit aux États.

On aboutit ainsi à la définition du droit international.
Le droit est international parce qu'il est produit dans l'ordre juridique international, selon ses techniques propres.
→ Le DIP est défini formellement (par là où il est produit) et non matériellement (par ses règles).

§ 2. Les relations entre les États et les organisations internationales (et les relations entre organisations internationales)

Exemple : convention entre l'UNESCO et la France pour installer son siège à Paris.

§ 3. Les relations internes des organisations internationales

Toutes les relations internes aux relations internationales ne peuvent être régies que par du droit qui est produit dans l'ordre juridique international.

Exemple : le statut des fonctionnaires internationaux, qui peuvent être envoyés en mission dans certains États sans visa, en étant protégés par une immunité.

Section 2 : Caractéristiques de l'ordre juridique international

Un ordre juridique est un ensemble coordonné de normes dotées de force obligatoire à l'égard de sujets déterminés et dont la méconnaissance entraîne certaines conséquences.

Dans l'ordre juridique international, on retrouve ces éléments, mais il y a une différence : ça ne ressemble en rien à l'ordre interne.

Il y a eu une période de négation du droit international.
On pense que cette querelle a aujourd’hui disparu, mais on entend encore souvent dire dans les médias que “le droit international n'est pas vraiment du droit”.
Généralement, ceux qui soutiennent cela s'appuient sur Spinoza.

Spinoza considère que, parce que le droit international n'est pas comme le droit interne, alors que ça n'est pas vraiment du droit.
Pour les négationnistes du droit international, la preuve est qu’il y a toujours la guerre.

2ème objection : il n'y a pas de mécanisme de mise en œuvre du droit international.
Autrement dit, il n'y a personne pour le faire respecter (pas de gendarme ni de législateur), donc quand on le viole, il n'y a pas vraiment de conséquences.

Ça n'est pas forcément faux ; mais quand on écoute les discours des États, quand on observe les acteurs et la pratique, on constate qu’ils invoquent toujours le droit international pour justifier leurs actions.
→ Montre vraiment que le droit international, c'est du droit.

La spécificité essentielle, c'est la souveraineté, qui est le facteur de différenciation avec les droits internes.
Le droit international est un système qui a sa propre logique.
Il y a 3 facteurs de différentiation :

  1. C’est un ordre décentralisé et horizontal.

    Le droit international est un droit de coordination qui est produit par des acteurs qui sont égaux et qui vont devoir se concerter pour se mettre d'accord.
    → Il n'y a pas de super État.

    Le droit international coutumier pose des règles qui sont communes à tous les États.

    Comme l’État est souverain, il ne peut être soumis à aucune autre puissance que lui-même (sinon il ne serait pas souverain !).
    → Les États se concertent et consentent à s'auto-limiter.

    La souveraineté signifie qu'un État ne peut pas se voir imposer une règle qu'il n'a pas acceptée.
    L’État est toujours libre de s'engager, d'accepter de nouvelles règles / de nouvelles contraintes ; mais une fois qu'il les a choisies, il doit les respecter, donc ce n’est pas un ordre arbitraire → il y a des conséquences à la violation.

  1. La formation repose sur le consentement.

    En droit interne, la règle s'impose à tous dès sa création.
    → Logique de validité.
    → Logique objective : la règle s'applique à tous ses destinataires.

    En droit international, les règles sont relatives – elles ne s'appliquent qu'à ceux qui les ont choisies.
    On n’est pas dans une logique de validité, mais dans une logique d'opposabilité.

    Par exemple, si un groupe de français se rend en Libye et y est arrêté et torturé, peut-on demander à la Libye de respecter les standards de la Convention EDH ? Non, parce qu'elle n’y est pas partie.
    Dès lors, lorsque l’on veut appliquer une règle internationale, on doit vérifier qu'elle est opposable à l’État – elle ne lui est opposable que lorsqu’il a accepté qu’elle le soit.

  1. L’opposabilité : que se passe-t-il quand un État ne respecte pas le droit international ?

    Un État engage sa responsabilité dès lors qu'il ne respecte pas le droit international.
    Il a une obligation de réparer les dommages → conséquence juridique, qui se traduit souvent par une indemnisation ou une restitution.

    Un État peut prendre des mesures de rétorsion, qui sont mesures conformes au droit international mais inamicales.
    Exemples : renvoi de l’ambassadeur, suspension des programmes d’échange…

    Enfin, un État peut prendre des contremesures lorsque l’on considère qu’il a le droit de violer le droit international. Elles sont destinées à inciter l'autre État à respecter le droit international.

Section 3 : Fondement du droit international public

Difficulté : en droit international public, il faut s'habituer à une certaine forme de relativité et d'incertitude.
C'est une matière très riche en débats doctrinaux.
Les choix ne sont pas neutres : quand on choisit une explication particulière, on se rattache à un courant doctrinal.

Quel facteur explique la force obligatoire du droit international public ?

§ 1. Théories naturalistes

La notion de droit naturel implique qu'il y a certaines règles et valeurs inhérentes à la nature humaine, qui existent ipso facto et qui sont supérieures et antérieures au droit positif et dont les principes fondent le caractère obligatoire du droit.

Autrement dit, pour les tenants du droit naturel, les fondements du caractère obligatoire du droit international résident en dehors du droit lui-même.

Ces théories sont très anciennes.
Elles ont notamment été avancées par Francisco de Vitoria et Francisco Suarez.

C’est Grotius, dans son ouvrage Droit de la guerre et de la paix (1625), qui fonde le droit naturel ne reposant pas sur une explication divine, mais sur une explication laïque.
Il explique que le droit naturel dérive de la raison : pour lui, c'est la raison qui fait connaître si une action est moralement honnête ou non.
Il distingue le
droit naturel du droit volontaire, qui est le droit issu de l'accord de nations.

Pour Grotius, le droit naturel contient un principe : pacta sunt servada → “ce qui a été conclu doit être respecté”.
Pour lui, c'est ce principe qui fonde le caractère obligatoire du droit, et ce principe appartient au droit naturel.

Au 18ème siècle, Emer de Vattel reprend la théorie de Grotius, en ajoutant que l'État est l'interprète souverain de ce droit.

§ 2. Théories positivistes

Parmi les positivistes, on retrouve plusieurs branches :
1- le volontarisme ;
2- le normativisme ;
3- l'objectivisme sociologique.

A – Le volontarisme

Dans le droit naturel, le fondement du caractère obligatoire est extérieur au droit.
À l’inverse, le volontarisme considère que le fondement du caractère obligatoire n'est plus la morale ni les valeurs, mais uniquement la volonté des États.

Heinrich Tripel estime que l'État est la source unique du droit.
Conséquence : le droit ne peut dépendre que de la volonté des États.

Cette théorie a été développée et a connu un très grand succès, notamment grâce à Dionisio Anzilotti, considéré comme l'un des pères du droit international.
Pour Anzilotti, le droit s'impose à tous les membres de la communauté internationale parce qu'il émane d'une volonté supérieure.
Idée : il n'y a pas de volonté supérieure à celle de l'État.

Le volontarisme se construit autour de la notion de souveraineté.

Comment un État peut-il s'obliger par sa propre volonté ?
E. M. Jellinek se fonde uniquement sur la théorie de l'autolimitation.
Idée : l'État a la volonté de s'autolimiter et le fait dans son propre intérêt (→ appartenir à la communauté internationale).

C’est une vision du droit international qui n’est construit que par des règles prohibitives.
Les États, qui ont une faculté totale d'action, vont s'autolimiter et interdire des comportements

Triepel estime qu'il faut distinguer la volonté isolée, qui ne vaut rien, de la rencontre des volontés.
Pour lui, le droit est obligatoire parce qu'il résulte d'un accord de volontés.

Anzilotti s’appuie quant à lui sur une règle supérieure.
Il recherche une norme qui va fonder la règle d'après laquelle l’État est lié par le droit international : cette règle, c'est
pacta sunt servanda.

💡
Ici, on estime que cette règle appartient au droit, et non pas qu’elle lui est extérieure → on peut trouver un fondement de droit naturel ou un fondement volontariste à la même règle !

B – Le normativisme

Les volontaristes sont concurrencés par les normativistes, avec à leur tête Kelsen et l'école de Vienne.

Selon Kelsen, la conception de l'État est entièrement fictive : l'État est le droit, et rien de plus.
L’État est un système de normes / un ordonnancement juridique.

Pour lui, dans l'ordre international, le fondement du caractère obligatoire repose sur le principe pacta sunt servanda.

C – L’objectivisme sociologique

Le représentant le plus connu de ce mouvement est Georges Scelle.
Idée : ne pas se fonder sur la volonté ni sur les techniques de production, mais sur le caractère matériel → le contenu de la règle.

Georges Scelle adopte une conception solidariste de la société internationale.
Il considère qu’il y a vraiment une solidarité sociale, et que c'est cette solidarité sociale qui fonde le caractère obligatoire du droit international public.

Idée : si l’on vit en société, il faut nécessairement qu'on ait des règles que l’on respecte tous.
Ce sont ces règles et ces valeurs qui vont fonder le caractère obligatoire du droit.

Conclusion

On est confrontés à beaucoup d'explications différentes, mais qui reposent toutes sur l'idée qu'il faut respecter ses engagements.
C'est ensuite à nous de décider à laquelle des écoles l’on appartient.

De manière générale, ce cours se contentera de présenter les différentes conceptions doctrinales sans trop s'y intéresser.
Le plus intéressant, c'est comment ça se passe en vrai !

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