Chapitre 1 : Le mode conventionnel

Ce chapitre est consacré au droit des traités internationaux.
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  • Introduction aux modes de formation des engagements internationaux

    La formation du droit international n’obéit pas à la logique centralisée, unilatérale et hiérarchisée qui est celle des ordres internes.
    Elle suppose la rencontre de volontés égales et indépendantes.

    L’article 38 du Statut de la Cour internationale de Justice (CIJ) propose une typologie des sources formelles du droit international public.

    💡
    Les sources formelles sont les procédés techniques de création et de validation des normes juridiques, par opposition aux sources matérielles, qui sont les fondements éthiques et les causes sociales poursuivies par la norme.

    Cet article 38 liste 3 sources du droit international public :

    1. Les conventions (= traités) ;
    1. La coutume ;
    1. Les principes généraux du droit.

    Ce texte est vieilli et incomplet, parce qu’il manque 4. Les actes unilatéraux ; or l’engagement est une notion essentielle.


Les traités constituent l’expression écrite du consentement et de l’engagement des États.
Il est plus facilement démontrable, puisqu’on a un contenu qui est écrit et qui fait autorité.

Le droit des traités a été codifié par un traité : la Convention de Vienne sur le droit des traités (1969), qui indique comment rédiger les traités.
Une deuxième Convention de Vienne (1986) présente les règles relatives aux traités entre les États et les organisations internationales.

💡
La Convention de Vienne est une convention de codification → elle n’a pas de valeur supérieure aux traités.
C’est un mode d’emploi qui a la valeur d’un traité.

Cette Convention de Vienne définit ce qu’est un traité :
« L’expression traité s’entend d’un accord international conclu par écrit entre États et régi par le droit international, qu’il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle que soit sa dénomination particulière ».

C’est une définition assez large.
Elle indique cependant que le traité ne peut être conclu que par écrit.

Les États sont absolument libres de la procédure, de la forme du traité…
Ça peut être par exemple un simple communiqué conjoint.
CIJ, 1994, Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn :
Après avoir analysé un procès-verbal, la Cour estime que, par son contenu, c’est un traité → les États parties doivent le respecter.

Un traité est donc un écrit qui lie des parties dans le but de créer des effets juridiques.
Il est soumis au principe du respect des engagements et de la bonne foi.

Il existe différentes classifications des traités :

  • On peut distinguer en fonction de leur nombre de parties ;
  • On peut distinguer en fonction de leur objet ;
    Exemple : les traités constitutifs d’une organisation internationale).
  • On peut distinguer en fonction de leur procédure de conclusion ;
    Traités en forme solennelle ≠ traités en forme simplifiée.
    Cette distinction produira des conséquences en droit interne.
  • On peut distinguer les traités contrats des traités lois.
  • On peut distinguer suivant les obligations créées.
    Obligations normales ≠ obligations erga omnes.

À quoi ressemble un traité ?
Tous les traités contiennent 4 blocs :

  1. Un préambule, qui explique les raisons d’être du traité ;
  1. Des clauses de définition, qui définissent l’objet du traité et tous les mots utilisés ;
  1. Les obligations matérielles des parties = ce à quoi s’engagent les parties ;
  1. Des clauses finales, situées à la fin, qui sont toutes les clauses qui expliquent comment l’on devient partie au traité, comment l’on s’engage et exprime son consentement, comment l’on peut le modifier, comment il prend fin…
    💡 Cette distinction est importante parce que
    les clauses finales entrent en vigueur dès que le traité est adopté.

Contenu

Section 1 : Formation de l’engagement conventionnel

§ 1. La capacité à conclure des traités

La capacité de conclure des traités dépend de la personnalité internationale.
Les États ont pleine capacité ; les organisations n’ont qu’une capacité limitée ; les personnes privées n’en ont pas.

A – La pleine capacité de traiter des États

1) Principe

Le principe est formellement explicité à l’article 6 de la Convention de Vienne :
« Tout État a la capacité de conclure les traités ».

Cette capacité illimitée découle de leur personnalité juridique / de leur qualité d’État.
Dès lors que le droit international constate qu’une entité est un État, cette entité a la capacité de conclure des traités.

Cela pose toutefois des questions concernant les entités qui aspirent à devenir un État ou dont le statut est discuté.


2) Application : les représentants de l’État

Dans la mesure où l’État est une personne morale, il a besoin de représentants qui agissent et s’engagent à sa place. Qui sont ces représentants ?

Il faut ici distinguer entre 2 hypothèses :
> soit l’agent présente les pleins pouvoirs ;
> soit il existe une présomption de représentativité.

L’article 7 de la Convention de Vienne prévoit une présomption de représentativité pour :
> le chef de l’État ;
> le chef du gouvernement ;
> le ministre des Affaires étrangères.

Ils n’ont pas à présenter les pleins pouvoirs.
On dit que ce sont des représentants ex officio de l’État.

Que se passe-t-il quand une personne présumée représenter l’État en droit international ne l’est pas selon son droit interne ? Est-il possible de faire tomber cette présomption ?

Oui, c’est possible, dans un seul cas prévu par l’article 46 de la Convention de Vienne : il faut que la violation du droit interne de l’État ait été manifeste et concerne une règle de son droit interne d’importance fondamentale.
Il y a violation manifeste « si elle est objectivement évidente pour tout État se comportant en la matière conformément à la pratique habituelle et de bonne foi ».

Dans les autres hypothèses, l’agent doit présenter les pleins pouvoirs.
Il s’agit d’une formalité : il présente un document écrit attestant des pleins pouvoirs.

📖
Chaque État détermine librement, selon ses propres règles, qui est l’autorité compétente pour négocier un traité.

Affaire célèbre :
CIJ, 2002, Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria :
La Cour explique que : “Les règles relatives au pouvoir de signer des traités au nom d’un État sont des règles constitutionnelles d’une importance fondamentale. Cependant, si la capacité d’un chef d’État à cet égard est restreinte, cette restriction n’est manifeste au sens du paragraphe 2 de l’article 46 que si, à tout le moins, elle a été rendue publique de manière appropriée”.

Ici, elle estime que le Nigéria n’avait pas fait connaître cette restriction, et que par conséquent le représentant du Cameroun pouvait se fier à la représentativité du chef de l’État.
Autrement dit, le Cameroun était de bonne foi : il a cru et ne pouvait que croire que le chef de l’État du Nigéria avait les pleins pouvoirs pour engager l’État.

B – La capacité limitée des organisations internationales

Les organisations internationales sont des sujets secondaires dans l’ordre juridique international, parce qu’elles sont créées par traité, donc par les États.

Elles concluent des conventions pour pouvoir exercer leurs fonctions et atteindre leurs buts.

L’article 6 de la Convention de Vienne de 1986 prévoit que :
”La capacité d’une organisation internationale à conclure des traités est régie par les règles de cette organisation”.

Principe :
Il faut se référer au traité constitutif de l’organisation international, qui désigne les organes qui ont qualité pour négocier et conclure des traités.

Présomptions de représentativité :
L’article 7.3 de la Convention de Vienne de 1986 affirme que :

C – Les autres situations

Les personnes privées physiques ou morales ne peuvent jamais conclure des traités, mais si elles disposent de droits dans l’ordre juridique international.
Le droit des traités est réservé aux États et aux organisations internationales.

Parfois, des contrats majeurs entre grandes entreprises d’un État sont conclus, liés d’une manière ou d’une autre à une visite étatique.
On pourra par exemple dire que le président français va en Uruguay et y « vend 50 Airbus » ; mais ce ne sont pas des traités.

→ Les personnes privées ne peuvent pas faire des règles internationales.

Par exception, certaines entités peuvent conclure des traités.
Exemples :

  1. Le Vatican possède une personnalité internationale reconnue par les accords du Latran de 1929 par l’Italie.
  1. Le Comité international de la Croix-Rouge.

§ 2. Les préalables à l’engagement

Il y a normalement 3 étapes avant d’arriver à l’engagement :
1- la
négociation ;
2- l’
adoption collective ;
3- l’
authentification.
Plus le traité est compliqué et plus il regroupe un nombre important de parties, plus ces étapes sont longues.

A – La négociation

La négociation est une phase de concertation pendant laquelle les participants se mettent d’accord sur le contenu du traité.

Il n’y a qu’une seule condition à l’étape de la négociation : le respect du principe de l’égalité des participants.
Sinon, cette phase est organisée librement par les participants :

  • Ils peuvent négocier entre eux ;
  • Ils peuvent négocier au sein d’une conférence internationale ;
  • Ils peuvent négocier au sein d’une organisation internationale.

B – L’adoption

L’adoption est l’acte officiel par lequel la forme et la teneur du texte d’un traité sont fixées.
L’adoption du texte marque la fin des négociations.

L’article 9 de la Convention de Vienne suggère une adoption “à la majorité des deux tiers des États présents et votants”, mais les participants sont libres de choisir les modalités d’adoption.
Le plus souvent, le texte est adopté par consensus.

Le texte est adopté comme traité → il n’est plus modifiable.
Mais à cette étape, on n’a que le texte : il n’y a pas encore le consentement des États à respecter le traité.

Les clauses finales s’appliquent immédiatement.

C – L’authentification

L’authentification individuelle du texte est procédure par laquelle le texte d’un traité est arrêté comme authentique et définitif.

L’article 10 de la Convention de Vienne prévoit que :
”Le texte d’un traité est arrêté comme authentique et définitif : […] par la signature ou le paraphe apposé par les représentants de l’État”.

En pratique, ce sont les représentants de l’État qui signent le texte.
Ce faisant, ils reconnaissent que le texte arrêté est bien le texte qu’ils ont négocié.

La signature est souvent le 1er acte avant une ratification.

Après la signature, l’État devient un État signataire, mais le traité n’a toujours pas de force obligatoire.

Mais l’article 18 de la Convention de Vienne prévoit que les États signataires doivent s’abstenir d’actes qui priveraient le traité de son but et de son objet tant qu’ils n’ont pas exprimé leur intention de ne pas devenir contractants ou parties.

Exemple : la Cour pénale internationale (CPI) est une juridiction internationale universelle créée dans le but de lutter contre l’impunité pour les crimes les plus graves.
Les États-Unis sont aujourd’hui hostiles à la création d’un tel tribunal ; entre le moment où ils ont signé le statut de Rome et son entrée en vigueur, ils ont passé des conventions avec d’autres États en s’auto-empêchant d’extrader ou de transmettre à la CPI une personne qu’elle recherche.

§ 3. L’engagement

L’engagement de l’État doit être formellement exprimé.

L’engagement a une double dimension :
> une dimension internationale ;
> une dimension interne.

A – La dimension internationale de l’engagement

L’article 11 de la Convention de Vienne prévoit que :
”Le consentement d’un État à être lié par un traité peut être exprimé par la signature, l’échange d’instruments constituant un traité, la ratification, l’acceptation, l’approbation ou l’adhésion, ou par tout autre moyen convenu”.

Il y a donc 3 modalités d’engagement :

  1. La signature ou l’échange d’instruments ;
  1. La ratification ;
  1. L’adoption.

1) La signature et l’échange d’instruments

On parle alors d’un traité en forme simplifiée.

Quand on utilise cette modalité, l’authentification et l’engagement se manifestent par la même matérialité pratique.

L’échange d’instruments renvoie à des échanges de lettres ou de notes.
On l’utilise généralement pour des accords techniques et précis.

Exemple : Accord sous forme d’échange de notes portant modification de l’accord du 24 novembre 2003 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’Australie relatif au programme vacances-travail.

⚠️
Il ne faut pas oublier que, pour que le texte soit un traité, il faut nécessairement : un échange de consentements entre États + un écrit + que le texte soit destiné à produire des effets de droits + qu’il crée des obligations.

2) La ratification

On parle alors de traité en forme longue ou de traité en forme solennelle.

C’est la procédure de droit commun.
La ratification est un acte solennel, émanant généralement du chef de l’État, par lequel un État indique son consentement à être lié par un traité.

On procède à la ratification en envoyant des lettres de ratification, ou en déposant ces lettres de ratification.

Exemple : la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies dans sa résolution 34/180 du 18 décembre 1979.
L’article 25 de cette Convention prévoit toutes les étapes de son entrée en vigueur et désigne le Secrétaire général des Nations unies comme dépositaire → c’est lui qui reçoit les lettres de ratification.

Modèle d’un instrument de ratification :

Les droits internes peuvent imposer des procédures pour la ratification d’un traité (par exemple, solliciter l’accord ou l’autorisation du Parlement).

La ratification, tout comme la signature, est un acte discrétionnaire de l’exécutif, tant sur le plan interne qu’international.

La différence entre ratification et approbation repose sur la personne qui exprime le consentement.
La ratification, c’est l’attribut des anciens monarques : normalement, seuls les chefs d’État peuvent ratifier les traités.


3) L’adhésion

L’adhésion est la dernière modalité d’expression du consentement.

L’adhésion est l’acte par lequel un État accepte l’offre ou la possibilité de devenir partie à un traité déjà négocié et signé par d’autres États.
Ici, l’État exprime son consentement au traité une fois que celui-ci est en vigueur.

Exemple : l’article 125 du statut de la Cour pénale internationale prévoit que “le présent Statut est ouvert à l’adhésion de tous les États” → il est possible de le rejoindre après son entrée en vigueur.

B – La dimension interne de l’engagement en droit français

1) La compétence de l’exécutif

L’article 52 de la Constitution française prévoit que :
”Le Président de la République négocie et ratifie les traités.
Il est informé de toute négociation tendant à la conclusion d’un accord international non soumis à ratification.”

→ L’exécutif maîtrise la politique extérieure.

Idée : signer un traité, c’est un acte de politique étrangère.
C’est l’exécutif qui engage discrétionnairement les procédures permettant de devenir partie à un traité.

Sur le plan interne, l’exécutif est aussi à l’origine de l’introduction du traité dans l’ordre étatique.
Il assure aussi la publication du texte au Journal Officiel.
→ Ce sont des actes de gouvernement.


2) L’intervention du législateur

L’article 53 de la Constitution française prévoit que :
Les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l’organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l’État, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l’état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi”.

Pour ces traités, la ratification n’est possible qu’une fois que le législateur aura donné son accord.
L’intervention du législateur reste une exception
: elle ne vaut que pour certains traités en raison de leur objet.

Tous les accords en forme simplifiée ne relèvent jamais du champ d’application de l’article 53.

Il est cependant possible que l’exécutif sollicite l’intervention du législateur pour des raisons d’opportunité, mais son intervention reste relativement exceptionnelle.

Dans les cadres où il faut l’intervention du législateur, il s’agit d’une procédure d’adoption ordinaire de la loi : l’exécutif dispose de tous les moyens offerts par la Constitution pour le faire adopter, ce qui inclut notamment l’article 49-3.
Ça a été le cas pour la modification permettant l’élection du Parlement européen au suffrage universel.

La loi doit ensuite être publiée au Journal Officiel.
Cette publication est la condition de l’invocabilité du texte devant le juge français.

Le législateur ne peut pas proposer d’amendements ni de réserves.
→ L’exécutif est à l’initiative.

Il est possible d’avoir recours au référendum.
En effet, l’article 11 de la Constitution de 1958 prévoit que le Président de la République peut soumettre tout projet de loi au référendum.

Une fois adoptée, la loi autorise l’exécutif à ratifier le traité, mais ne l’oblige pas à le faire.

En moyenne, 20 à 25% des traités conclus par la France imposent l’intervention du législateur.


3) L’intervention du Conseil constitutionnel

Enfin, le Conseil constitutionnel est la 3ème autorité qui intervient dans la procédure d’engagement international de la France, sur le fondement des articles 61 et 54 de la Constitution.

L’article 61 est le fondement ordinaire du contrôle de constitutionnalité des lois par le Conseil constitutionnel.

En matière d’engagements internationaux, l’article 54 dispose que :
« Si le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, par le Premier ministre, par le président de l’une ou l’autre assemblée ou par 60 députés ou 60 sénateurs, a déclaré qu’un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l’autorisation de ratifier ou d’approuver l’engagement international en cause ne peut intervenir qu’après la révision de la Constitution”.

Autrement dit, il n’y a pas de contrôle systématique ; mais, dans certains cas, les autorités listées peuvent demander de vérifier si le texte est compatible avec la Constitution.

💡 Le Conseil constitutionnel n’intervient que lorsque le traité est soumis à une autorisation de ratifier.

Si le Conseil constitutionnel affirme que le traité est inconstitutionnel, cela rend impossible toutes les opérations permettant de ratifier.

Exemple : pour ratifier le Statut de Rome, il a fallu modifier la Constitution pour y ajouter l’article 53-2, qui dispose que “La République peut reconnaître la juridiction de la Cour pénale internationale dans les conditions prévues par le traité signé le 18 juillet 1998”.

Ici, on est simplement dans un contrôle de comparaison de 2 textes.

§ 4. Validité

A – Les vices du consentement

La théorie des vices du consentement permet la protection de l’authenticité du consentement.
Elle est tout à fait semblable à ce qu’on connaît dans l’ordre interne à propos des contrats.

Il y a en droit international public 4 vices du consentement :
1- l’erreur ;
2- le dol ;
3- la corruption ;
4- la contrainte.

En pratique, le dol, la corruption et la contrainte sont extrêmement rares ; l’erreur est parfois retenue mais, de manière générale, la pratique est très faible.

1) La corruption

La corruption est prévue à l’article 50 de la Convention de Vienne.
Ici, il s’agit de la corruption d’un représentant de l’État.
« Si l’expression du consentement d’un État à être lié par un traité a été obtenue au moyen de la corruption de son représentant par l’action directe ou indirecte d’un autre État ayant participé à la négociation, l’État peut invoquer cette corruption comme viciant son consentement à être lié par le traité. »

Affaire très célèbre relative aux contrats d’investissement :
CJUE, 2021, World Duty Free :
Des investisseurs personnes privées corrompent des représentants d’un État pour obtenir un contrat de concession.
Le contrat s’exécute pendant X années, puis l’État veut nationaliser et invoque la corruption.


2) Le dol

Le dol est prévu à l’article 49 de la Convention de Vienne.
« Si un État a été amené à conclure un traité par la conduite frauduleuse d’un autre État ayant participé à la négociation, il peut invoquer le dol comme viciant son consentement à être lié par le traité ».

Dans le dol, il y a une manœuvre frauduleuse destinée à obtenir le consentement.
Le dol implique un élément illicite caractérisant une tromperie.
Il a le même effet que l’erreur : l’État se fait une fausse représentation de la réalité.
Concrètement, ça se manifeste par la transmission de fausses informations, l’espionnage, des piratages informatiques…

2 précédents de dol :

  1. Les accords de Munich conclus en 1938 entre l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l’Italie avaient comme objet présenté de régler le problème des minorités allemandes en Tchécoslovaquie ; mais pour le gouvernement allemand, ça n’était qu’une étape vers l’annexion → il y a dol.
  1. Dans un différend entre l’Australie et le Timor, l’Australie aurait saisi des informations conditionnelles des avocats du Timor.
    L’Australie s’est finalement engagée à restituer les éléments.

3) L’erreur

L’erreur est prévue à l’article 48 de la Convention de Vienne.
Un État peut invoquer une erreur dans un traité comme viciant son consentement à être lié par le traité si l’erreur porte sur un fait ou une situation que cet État supposait exister au moment où le traité a été conclu et qui constituait une base essentielle du consentement de cet État à être lié par le traité.

Idée : si l’État avait eu connaissance de ce fait, il n’aurait jamais consenti.
Cela explique que l’erreur est rarement acceptée ou invoquée.

Les cas d’invocation de l’erreur concernent généralement des cartes géographiques ou topographiques, souvent dans des différends relatifs aux délimitations des frontières.

CIJ, 1962, Temple de Préah Vihéar :
Dans cette affaire, le Cambodge considérait que la Thaïlande occupait une partie de son territoire où sont situées les ruines du temple de Préah Vihéar, lieu de pèlerinage pour les cambodgiens.
Le Cambodge saisit la CIJ et lui demande d’affirmer la souveraineté du Cambodge sur le temple et demande en même temps à ce que les thaïlandais retirent leurs forces armées.
La Thaïlande invoque l’erreur : ça n’est pas elle qui a rédigé cette carte, elle s’est trompée, et si l’on suit le texte du traité le temple devrait être sur son territoire.

La Cour rejette l’argument en considérant que c’est une règle de droit établie qu’une partie ne saurait invoquer une erreur comme vice du consentement si elle a contribué, par sa propre conduite, à cette erreur, si elle était en mesure de la limiter ou si les circonstances étaient telles qu’elle avait été avertie de la possibilité de cette erreur.

L’État doit donc avoir agi avec diligence de manière à ne pas se tromper.
Par exemple, il y a une obligation de vérification pour les cartes.


4) La contrainte

La contrainte sur le représentant de l’État est prévu à l’article 51 de la Convention de Vienne.
« L’expression du consentement d’un État à être lié par un traité qui a été obtenue par la contrainte exercée sur son représentant au moyen d’actes ou de menaces dirigés contre lui est dépourvue de tout effet juridique. »

Exemple : le tribunal de Nuremberg a retenu la contrainte pour le traité de 1939 établissant un protectorat en Tchécoslovaquie ; en effet, le président de la Tchécoslovaquie a été menacé physiquement.

La contrainte sur l’État est prévue à l’article 52 de la Convention de Vienne.
« Est nul tout traité dont la conclusion a été obtenue par la menace ou l’emploi de la force en violation des principes de droit international incorporés dans la Charte des Nations Unies.”

La contrainte est militaire, elle n’est jamais économique.
Toutes les contraintes qui reposent sur les inégalités de puissance ne constituent pas des vices du consentement.

Lors des négociations de la Convention de Vienne, les États en voie de développement voulaient que la contrainte soit plus développée, en incorporant les contraintes politiques ; mais les États occidentaux ont refusé cette extension.
Finalement, on a simplement adossé une déclaration à la Convention de Vienne sur l’interdiction de la contrainte militaire, politique et économique lors de la signature du traité, pour condamner la violation des principes d’égalité souveraine des États et de la liberté des consentements.

Pour en savoir plus : Les effets de la contrainte sur les traités à la lumière de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 (persee.fr)

→ Les vices classiques sont très rarement invocables.
Ça tient notamment à la situation de l’État dans la société internationale : puisque les États sont égaux, il est difficile d’affirmer que leur consentement puisse avoir été vicié.

B – L’illicéité de l’objet et du but du traité (jus cogens)

Si la Convention de Vienne reprend les définitions classiques des vices du consentement, elle innove complètement sur la notion de jus cogens.

Une règle impérative, ou règle de jus cogens, est une règle à laquelle aucune dérogation n’est possible.

L’article 53 de la Convention de Vienne pose la définition suivante : une norme de jus cogens est une « norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des États dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n’est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit international général ayant le même caractère”.

→ On ne peut pas y déroger par traité.

Ici, ce n’est pas un problème de hiérarchie des normes ; c’est simplement la qualité attachée à certaines normes.
La norme de jus cogens est coutumière ou conventionnelle.
Quoi qu’il en soit, il faut que l’ensemble de la communauté internationale considère que cette norme est une norme indérogeable.

L’article 64 de la Convention de Vienne prévoit l’apparition d’une nouvelle norme de jus cogens :
« Si une nouvelle norme impérative du droit international général survient, tout traité existant qui est en conflit avec cette norme devient nul et prend fin ».

CIJ, 1989, Sentence arbitrale du 31 juillet 1989 (Guinée-Bissau c. Sénégal) :
Le tribunal arbitral a considéré que, du point de vue du droit des traités, le jus cogens est simplement la caractéristique propre à certaines normes juridiques de ne pas être susceptibles de dérogation par voie conventionnelle.

Problème du jus cogens : puisque qu’il se construit par développement progressif, ça n’est pas du droit coutumier et il ne vaut que pour les États qui ont ratifié la Convention de Vienne sans faire de réserves.
Par exemple, la Belgique a émis des réserves.

Jurisprudence implicite de la CIJ :
CIJ, 1970, Barcelona Traction :
« Une distinction essentielle doit en particulier être établie entre les obligations des États envers la communauté internationale dans son ensemble et celles qui naissent vis-à-vis d’un autre État dans le cadre de la protection diplomatique. Par leur nature même, les premières concernent tous les Etats. Vu l’importance des droits en cause, tous les États peuvent être considérés comme ayant un intérêt juridique à ce que ces droits soient protégés ; les obligations dont il s’agit sont des obligations erga omnes. »
« Ces obligations découlent par exemple, dans le droit international contemporain, de la mise hors la loi des actes d’agression et du génocide mais aussi des principes et des règles concernant les droits fondamentaux de la personne humaine, y compris la protection contre la pratique de l’esclavage et la discrimination raciale ».

Par exemple, la Gambie peut invoquer une violation de la Convention interdisant le génocide par la Birmanie. Les 2 pays sont tous 2 parties à cette convention.
En soi, la Gambie n’a aucun élément matériel de rattachement (ce ne sont pas ses ressortissants), mais elle affirme que c’est tellement grave que ça lui donne un intérêt à agir.
Il y a ici une norme erga omnes : tous les États peuvent invoquer sa violation pour obtenir le rétablissement de la légalité.

Jurisprudence explicite de la CIJ :

  • CIJ, 1986, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua : interdiction de l’emploi de la force.
  • CIJ, 2006, Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête) : interdiction du génocide.

Les normes de jus cogens sont souvent des règles coutumières, mais on peut aussi les trouver dans des traités.
Ces normes ne sont pas impératives en raison de leur origine, mais en raison de la valeur qui est derrière l’interdiction.

Est-ce que les articles 53 et 64 sont opposables aux États qui ne sont pas parties à la Convention de Vienne ?
Dans les années 1970, ça n’était que du droit conventionnel → les États non parties ne pouvaient pas se voir opposer la Convention de Vienne. 50 ans plus tard, est-ce que le droit a suffisamment évolué ?

Pour répondre à cette question, il faut étudier la pratique.
On a aujourd’hui plus de textes qui mentionnent l’existence du
jus cogens.

Par exemple, des textes de l’Assemblée générale des Nations unies mentionnent les « normes impératives ».
Par exemple, des juridictions internationales emploient la notion.

Aujourd’hui, tout le monde emploie les termes “jus cogens” et “norme impérative ».
On peut donc considérer que c’est devenu ou est en passe de devenir du droit coutumier
; mais il faudra le démontrer pour des États qui ne sont pas parties.

À quoi sert le jus cogens ?
Le jus cogens permet de déroger à une norme importante.

Par exemple, imaginons qu’un État A fait l’objet d’une agression et que, en vertu d’un traité conclu en 1945, un État B doit lui fournir une assistance militaire incluant notamment l’arme nucléaire.
Il pourrait sembler normal qu’en 2023 on considère qu’il y a une interdiction
jus cogens d’utiliser l’arme nucléaire.
Le traité qui prévoit une assistance militaire imposant l’obligation de bombarder l’état agresseur avec l’arme nucléaire serait alors contraire à la règle de jus cogens.

⚠️ Mais on ne vit pas dans un monde idéal et les États ont le droit de recourir à l’arme nucléaire → cet exemple spécifique ne fonctionne pas, il sert simplement à illustrer la notion.

  • Que se passe-t-il si un traité est mis en œuvre pour protéger une norme de jus cogens mais est contraire à une norme de jus cogens ?

    Imaginons : sur une île vit une population autochtone reculée ; en tant que population autochtone, elle a le droit à la survie et le droit de rester en isolation par rapport aux autres populations. Cependant, un autre État décide aussi d’aller vivre sur cette île parce qu’il n’a plus de territoire là où il vit originellement en raison de la montée des eaux.

    Cela se passe très mal et, finalement, l’État d’origine des nouveaux colons fait un traité avec l’État sur le territoire duquel est l’île, qui va organiser un déplacement forcé de population.
    On a ici un traité qui protège une norme de
    jus cogens (le droit des peuples autochtones) mais qui, dans son application, conduit à violer une autre norme de jus cogens (l’interdiction d’un déplacement forcé de population).
    Est-ce que ce traité serait nul ?

    On peut ainsi aujourd’hui imaginer des situations où il y a des points de tension entre le droit des traités et des normes impératives, parce qu’on reconnaît de + en + de normes impératives.


Jurisprudence des juridictions spécialisées :

La notion de jus cogens est utilisée par la CIJ, mais aussi par les organisations de protection des droits de l’homme.
Sont des normes de jus cogens :

  • TPIY, 1998, Furundzija : l’interdiction du génocide ;
  • CEDH, 2001, Al-Adsani : la prohibition de la torture ;
  • Tribunal de l’UE, 2005, Yusuf : « jus cogens, entendu comme un ordre public international qui s’impose à tous les sujets du droit international, y compris les instances de l’ONU, et auquel il est impossible de déroger ».

Il y a aujourd’hui de plus en plus de normes de jus cogens.
On peut donc imaginer des traités qui deviendraient nuls parce qu’ils entreraient en contradiction avec des normes de jus cogens.

Juridiquement, quand il y a une violation d’une norme de jus cogens, tous les autres États doivent protester et ont interdiction de reconnaître la situation, de manière à ce qu’on puisse rétablir la légalité.

C – Portée de l’invalidité : la nullité

Dans tous les cas, un traité invalide est nul.
En ce sens, la nullité est une conséquence de l’invalidité de l’engagement étatique.

L’article 69 de la Convention de Vienne prévoit que :
« Est nul un traité dont la nullité est établie en vertu de la présente Convention. Les dispositions d’un traité nul n’ont pas de force juridique”.

La nullité fait qu’aucun État ne peut se prévaloir du traité et qu’aucun État ne peut l’appliquer.
→ Le traité est inopposable.

Les conséquences juridiques de la nullité peuvent varier en fonction des causes.
La nullité est en principe relative, mais dans certains cas, elle est aggravée : l’acte est tellement grave qu’on va plus loin qu’une nullité relative.

En cas de corruption ou de dol, l’État dont le consentement a été vicié peut demander à rester partie au traité en cas de corruption ou de dol.
De plus, la nullité peut ne porter que sur certaines dispositions du traité.
L’État victime peut demander la nullité de tout le traité ou d’une seule partie.

Exemple : CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua :
La Cour a considéré que le Nicaragua avait perdu son droit d’invoquer la nullité du traité conclu sous la contrainte en 1928 à la période où le pays était occupé par les États-Unis, parce que le Nicaragua n’a pas demandé l’annulation du traité pendant plus de 50 ans + il a agi à diverses reprises comme si ce traité était valide.
La Cour déduit de ces 2 comportements (1 comportement négatif + 1 comportement positif) que le Nicaragua ne peut plus invoquer un vice du consentement.

Idée derrière le principe de nullité relative : les États ont mis du temps de parvenir à un accord, donc on essaie le plus possible de le maintenir.
Seul l’État dont le consentement a été vicié peut agir pour demander la nullité du traité.

À côté de cette nullité relative, il y a une nullité aggravée ou renforcée ; elle n’est jamais absolue au sens du droit interne, mais ses effets sont plus graves.

Par exemple, en matière de contrainte, le traité est frappé d’une nullité aggravée.
Il n’est normalement pas possible de sauver ses dispositions.
Les parties doivent être replacées dans la situation qui serait la leur si le traité n’avait pas été conclu.

Mais qu’en est-il des actes d’application du traité ?
Normalement, eux aussi sont nuls : aucun acte juridique ne peut être fondé sur le traité nul.

Exception : la Convention de Vienne prévoit un tempérament pour les actes accomplis de bonne foi avant que la nullité n’ait été invoquée : ces actes peuvent être soldés et peuvent ne pas être rendus illicites du seul fait de la nullité.
→ Dans certains cas, on sauve des actes juridiques.

§ 5. Entrée en vigueur dans l’ordre international

L’entrée en vigueur dans l’ordre international n’est pas conditionnée à l’entrée en vigueur dans l’ordre interne.

Les États peuvent décider d’une entrée en vigueur différée du traité ; le plus souvent, l’entrée en vigueur est différée et conditionnée.

Il y a parfois une différence entre l’entrée en vigueur objective et subjective :

A – L’entrée en vigueur objective

Ce sont les clauses finales du traité qui règlent la question de son entrée en vigueur.
La plupart du temps, l’entrée en vigueur est conditionnée à un certain nombre de ratifications.
Idée : on attend d’avoir atteint un nombre suffisant de participants pour que le traité entre en vigueur.

L’entrée en vigueur peut être soumise à d’autres conditions, laissées à la discrétion des États.

Dans le cas où l’entrée en vigueur est conditionnée au dépôt de X instruments de ratification, il faut attendre que X États aient leur instrument de ratification pour que le traité soit applicable.
Les qualités de contractant et de partie ne se confondent pas : le traité n’est pas applicable même entre contractants, tant que le nombre d’instruments requis n’est pas atteint.

Exemple : il est indiqué dans la Charte des Nations unies que « la présente Charte entrera en vigueur après le dépôt des ratifications par la République de Chine. la France. l’Union des Républiques socialistes soviétiques, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, les États-Unis d’Amérique et par la majorité des autres États signataires ».

Exemple : l’article 27 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes prévoit que :
« La présente Convention entrera en vigueur le 30ème jour qui suivra la date du dépôt auprès du Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies du 20èle instrument de ratification ou d’adhésion.
Pour chacun des États qui ratifieront la présente Convention ou y adhéreront après le dépôt du 20ème instrument de ratification ou d’adhésion, ladite Convention entrera en vigueur le trentième jour après la date du dépôt par cet État de son instrument de ratification ou d’adhésion. »

B – L’entrée en vigueur subjective

L’entrée en vigueur subjective désigne le début du lien conventionnel.
Il faut distinguer :

  • Soit le traité est entré en vigueur objectivement : le traité peut être immédiatement subjectivement en vigueur pour l’État qui vient de déposer son instrument de ratification.
    En pratique, il faut regarder si la clause finale prévoit un délai.
  • Soit le traité n’est pas objectivement en vigueur : il faut attendre l’entrée objective du traité.
    → Les 2 dates d’entrée en vigueur objective et subjective coïncideront.

C – Enregistrement et publication dans l’ordre juridique international

Article 80 de la Convention de Vienne :
En principe, les traités doivent être transmis au secrétariat de l’ONU pour être publiés et enregistrés.

Objectif : éviter la pratique des traités secrets.
Cela concernait principalement les traités d’alliance et les traités de partage du territoire.
Exemple de risque : que l’Ukraine passe un traité avec les États-Unis, et que la Russie déclare accidentellement la guerre aux États-Unis.

En pratique, la Convention de Vienne ne prévoit aucune sanction !
Selon l’article 102.2 de la Charte des Nations unies : « Aucune partie à un traité ou accord international qui n’aura pas été enregistré conformément aux dispositions du paragraphe 1 du présent Article ne pourra invoquer ledit traité ou accord devant un organe de l’Organisation”.

CIJ, 1994, Différend territorial (Jamahiriya arabe libyenne/Tchad) :
La CIJ accepte d’appliquer des traités non publiés.

L’entrée en vigueur marque le point de départ de pacta sunt servenda.
Difficulté : le droit interne fait ce qu’il veut.
Il faut retenir que le droit international ne s’intéresse pas au droit interne : pour lui, c’est juste du fait. Dans certains cas, le droit international renvoie au droit interne, parce qu’il en a besoin (ex : questions de nationalité), mais c’est tout.

Section 2 : Étendue de l’engagement conventionnel

Il ne faut pas oublier qu’un traité est un accord de consentements entre États, proche d’un contrat.
Idée : la raison de l’engagement d’A, c’est l’engagement de B et C.
Certes, le traité est un tout, mais c’est aussi une somme d’engagements individuels.

Cependant, les États parties ne sont pas nécessairement tous engagés de la même façon → ils n’ont pas tous pris l’engagement de respecter l’intégralité du traité.
Le traité peut s’appliquer de manière différente entre les différentes parties : c’est ce que permettent les réserves.

→ Les réserves permettent de moduler l’engagement conventionnel.

Au moment où l’État il consent à s’engager, il détermine ce à quoi il consent, en essayant de retrancher certaines dispositions du traité.

§ 1. La définition des réserves

A – Définition positive

La définition des réserves est donnée par l’article 2 d) de la Convention de Vienne :
« l’expression
réserve s’entend d’une déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un État quand il signe, ratifie, accepte ou approuve un traité ou y adhère, par laquelle il vise à exclure ou à modifier l’effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur application à cet État ».

Il existe 4 éléments d’identification d’une réserve :

  1. Un acte unilatéral de l’État ;
  1. Le nom que lui donne l’État n’a pas d’importance : « réserve », « déclaration », « avis »… ;
  1. Il le fait jusqu’à son engagement, c’est-à-dire au moment où il signe, ratifie ou adhère → jamais après ;
  1. Cette déclaration a un objet précis : exclure ou modifier.

Les réserves sont donc une technique qui permet de restreindre l’engagement d’une partie à son initiative et suivant les termes qu’elle choisit.

Les réserves ne produiront d’effets qu’en fonction de la réaction des autres parties au traité.

Il existe 2 types de réserves :

  1. Les réserves d’exclusion : l’État, en formulant cette réserve, refuse l’application d’une disposition du traité.
    Par exemple, il consent aux articles 1 à 30 mais refuse l’application de l’article 33.

    Exemple : la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale prévoit une clause compromissoire (→ en cas de différend sur l’interprétation d’une clause, un des États parties pourra saisir directement la CIJ).
    De manière générale, les États n’apprécient pas les clauses compromissoires. L’Afghanistan a émis une réserve en affirmant, dans une déclaration : « tout en adhérant […] la République démocratique d’Afghanistan ne se considère pas liée par les dispositions de l’article 22 de la Convention ».

  1. Les réserves modificatives visent à modifier une disposition du traité.
    Ce sont principalement des réserves qui visent à donner un sens au traité qui ne l’appelle pas.
    Exemple : un État peut, en ratifiant le traité de délimitation de la zone économique exclusive (ZEE), affirmer que pour lui la ZEE s’étend sur 300 miles marins et non 200 miles.

    Ici, un État tente de réécrire le texte à son avantage, soit parce que le texte ne lui convient pas, soit parce qu’il n’a pas participé aux négociations.

    Parmi les réserves modificatives, il y a aussi les réserves personnelles : l’Etat réservataire entend refuser que le traité soit en vigueur entre lui et un autre État.
    Ces réserves sont généralement utilisées entre États qui ne se reconnaissent pas mutuellement.
    Par exemple, c’est courant vis-à-vis d’Israël.

B – Définition négative : les déclarations interprétatives

Il y a des règles relatives aux réserves, mais les déclarations (→ tout ce qui n’est pas des réserves) ne font l’objet d’aucune règlementation.
→ Les déclarations sont totalement libres.

On parle de déclarations interprétatives pour désigner les déclarations faites par les États qui ont pour but de préciser le sens qu’entend donner l’État aux termes employés par la convention.

On peut aussi avoir des déclarations purement politiques, où l’État donne son sentiment sur le texte.
Exemple : l’Afghanistan a affirmé, à propos de
la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, que « la République démocratique d’Afghanistan déclare que les dispositions des articles 17 et 18 de la Convention […] sont d’un caractère discriminatoire à l’égard de certains États ».

La Commission du droit international, dans son Guide pratique sur les réserves aux traités, écrit que :
« L’expression déclaration interprétative s’entend d’une déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un État ou par une organisation internationale, par laquelle cet État ou cette organisation vise à préciser ou à clarifier le sens ou la portée d’un traité ou de certaines de ses dispositions. »

L’objet de ces déclarations ne visent pas à conditionner l’engagement à une modification du traité ou à une exclusion de certaines de ses dispositions ; il s’agit simplement de préciser par avance le sens qui est donné à cette disposition.

Les déclarations présentent une neutralité par rapport au traité ; elles ne relèvent jamais du régime des réserves et ne font donc l’objet d’aucune règlementation.

Dans ce travail de qualification, il faut déterminer l’intention de l’auteur : lorsqu’il a fait cette déclaration, voulait-il modifier le traité ? ou simplement interpréter une disposition ?
Ce point donne lieu à des différends entre États, d’autant plus qu’il n’y a pas d’autorité centrale qui peut trancher.

  • Cas pratique : les réserves et les déclarations du Qatar lors de son adhésion du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP)

    Le Qatar a formulé 2 réserves et 2 déclarations :

    Pour les réserves :
    « L’État du Qatar ne se considère pas lié par les dispositions ci-après du Pacte international relatif aux droits civils et politiques pour les raisons visées ci-dessous :
    • L’article 3 en ce qui concerne les dispositions relatives à la succession au pouvoir, qui sont contraires aux dispositions de l’article 8 de la Constitution.
    • Le paragraphe 4 de l’article 23, qui est contraire à la charia. »

    Pour les déclarations :
    « • L’État du Qatar interprète le terme peine à l’article 7 du pacte conformément à la législation applicable du Qatar et à la charia.
    • L’État du Qatar interprète le terme syndicats, et toutes les questions connexes, tel que visé à l’article 22 du Pacte, conformément à la législation du travail et à la législation nationale. L’État du Qatar se réserve le droit d’appliquer cet article conformément à cette interprétation. »

    Pour la 1ère déclaration :
    Elle se présente comme une déclaration interprétative, mais est-ce vraiment une déclaration interprétative ou est-ce en réalité une réserve déguisée ?
    L’article 7 prévoit que “Nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En particulier, il est interdit de soumettre une personne sans son libre consentement une expérience médicale ou scientifique”.
    → C’est une réserve déguisée ; il faudra ensuite vérifier si elle est valable.

    Concernant la 2nde déclaration :
    On constate que c’est aussi une réserve déguisée.

De manière générale, les interprétations qui se font conformément au droit interne manifestent souvent l’intention de l’État de moduler son engagement.

§ 2. Le régime des réserves

Seules les réserves font l’objet d’une règlementation, prévue à l’article 19 de la Convention de Vienne :
« Un État, au moment de signer, de ratifier, d’accepter, d’approuver un traité ou d’y adhérer, peut formuler une réserve, à moins :
a) Que la réserve ne soit interdite par le traité ;
b) Que le traité ne dispose que seules des réserves déterminées, parmi lesquelles ne figure pas la réserve en question, peuvent être faites ; ou
c) Que, dans les cas autres que ceux visés aux alinéas a et b, la réserve ne soit incompatible avec l’objet et le but du traité. »

On adopte donc un raisonnement en 3 temps :

  1. On vérifie s’il est possible de faire une réserve ;
  1. On vérifie si la condition matérielle est satisfaite ;
  1. On vérifie si la condition temporelle est satisfaite (il y a un bon moment pour faire une réserve).

A – Les conditions d’admission

Faut-il accepter ou non les réserves ?
Sur ce point, le choix est laissé aux États lors de la négociation.

En réalité, il s’agit d’un pur choix entre savoir s’il faut élargir le cercle des participants (→ faire qu’il y ait le + d’États possibles) ou préserver l’unité du traité.
→ Laissé à la discrétion des États.

  • Soit le traité prévoit une disposition sur les réserves :
    Dans la pratique, il existe 3 formes de dispositions concernant les réserves dans un traité :
    1. Soit il interdit les réserves ;
      C’est généralement le cas pour toutes les organisations internationales (on pourrait difficilement imaginer un État formuler une réserve sur les dispositions de financement de l’organisation…).
      Exemple : c’est le cas pour la Cour pénale internationale.
    1. Soit il autorise toutes les réserves ;
    1. Soit il n’autorise que certaines réserves.
      Exemple : la Convention de Genève sur les réfugiés prévoit, à son article 42 : « au moment de la signature, de la ratification ou de l’adhésion, tout État pourra formuler des réserves aux articles de la Convention autres que les articles 1, 3, 4, 16, 33, 36 à 46 inclus ».
  • Soit le traité ne prévoit rien :
    CIJ, 1951, Réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (avis) :
    Tranche la question.
    Cette convention ne prévoyait aucune condition sur les réserves et plusieurs États ont voulu faire des réserves sur la clause compromissoire.
    La Cour a considéré que l’absence de disposition relative aux réserves ne signifiait pas que les États avaient voulu interdire les réserves et qu’au contraire il fallait prendre en compte le caractère de la convention multilatérale + son objet + ses dispositions + son mode d’élaboration et d’adoption pour apprécier la possibilité d’émettre des réserves.

Certains États ont soutenu qu’au nom de la souveraineté absolue des États, qu’on pouvait faire des réserves sur tout ; mais ça n’est pas la solution qui a été retenue par le droit positif.
Il y a une condition matérielle que doivent remplir toutes les réserves : la compatibilité avec le but et l’objet du traité.
La validité d’une réserve est conditionnée à sa compatibilité avec le but et l’objet du traité.
Cette condition a été fixée par la CIJ dans son avis de 1951 relatif à la convention sur le génocide ; on la retrouve aujourd’hui codifiée à l’article 19 de la Convention de Vienne.

Cela engendre 2 difficultés :

  1. Il faut déterminer quel est le but et l’objet du traité ;
  1. Chaque État partie apprécie pour lui-même la validité des réserves, et donc leur compatibilité avec le but et l’objet du traité.
    Les États sont soumis au principe de bonne foi, mais il n’existe pas d’autorité centrale qui peut trancher.

    💡 Exception : juridictions régionales des droits de l’homme.
    Par exemple, CEDH, 1988, Belilos contre Suisse : la CEDH a requalifié une déclaration interprétative de la Suisse en réserve et a considéré qu’elle était contraire au but et à l’objet de la Convention.

B – Opposabilité de la réserve

L’effet des réserves dépend de la réaction des autres États.
Le droit international est simple : les États ont un droit inconditionnel pour accepter ou ne pas accepter la réserve.

Pour que la réserve produise un effet, il faut attendre de voir les réactions des autres États parties.
Aucune partie ne peut être lié par une réserve à laquelle il n’a pas exprimé son consentement.

Ici, il faut bien voir que la réserve est un acte unilatéral → ça n’est qu’une prétention de l’État.

Initialement, il fallait l’acceptation de tous.
Dans certaines conventions, une règle est fixée suivant laquelle l’acceptation par la majorité ou par les 3/4 des participants vaut acceptation de la réserve.

Il existe 3 réactions possibles à une réserve :

  1. L’acceptation, qui peut être implicite ou explicite.
    Le silence gardé pendant 12 mois est considéré comme un acquiescement à la réserve.

    Effet : entre l’État réservataire et les autres États qui ont accepté, c’est le traité tel que modifié par la réserve qui s’applique.

  1. L’objection aggravée est l’objection par laquelle l’État considère l’objection comme invalide.
    Il considère qu’elle est tellement invalide qu’il refuse de voir le traité entrer en vigueur entre lui et l’État réservataire.

    Effet : les 2 États ne pourront jamais mutuellement s’opposer le traité.

  1. L’objection simple, par laquelle l’État considère que la réserve est incompatible avec le but et l’objet du traité, mais que ce n’est pas de nature à empêcher l’entrée en vigueur du traité entre lui et l’État réservataire.

    Effet (article 20 de la Convention de Vienne) : le traité entre en vigueur et les dispositions sur lesquelles porte la réserve ne s’appliquent pas entre les 2 États dans la mesure prévue par la réserve.

    Pourquoi les États font des objections simples ?
    En la faisant, l’État se réserve la possibilité de contester la réserve ultérieurement en cas de différend.
    On pourrait penser que ça ne change rien, puisque la réserve s’applique ; cependant, en ayant fait une objection simple, l’État sera dans la position de contester ensuite la réserve et de contester l’application du traité, ce qu’il ne peut pas faire s’il n’est pas partie (généralement, pour des traités en matières de droits de l’homme).

    • Exemple : article 7 du PIDCP, réserve du Botswana

      Objection simple reçue par le Secrétaire général de l’ONU de la part de l’Autriche :
      « Le fait que le Botswana assujettisse ces articles à une réserve générale renvoyant à sa législation nationale peut […] faire douter de l’adhésion du Botswana à l’objet et au but du Pacte…
      Par ces motifs, l’Autriche fait objection à la réserve formulée…
      Cette objection ne fait pas obstacle à l’entrée en vigueur du Pacte dans son intégralité ».

Section 3 : Effets de l’engagement conventionnel

§ 1. L’effet du traité à l’égard des parties

A – Pacta sunt servanda

1) Énoncé du principe

Le caractère obligatoire des traités découle du principe pacta sunt servanda, qui signifie « ce qui a été conclu doit être respecté ».
C’est le principe fondamental du droit international, prévu à l’article 26 de la Convention de Vienne :
« Tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi ».

Cet article prévoit donc 2 principes :
1- l’exécution de bonne foi ;
2- le respect du principe de
pacta sunt servanda.

Ce principe est particulièrement important, comme le rappelle fréquemment la CIJ.
CIJ, 1997, Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie c. Tchéquie) :
Un traité est conclu entre les 2 États par lequel ils s’engagent à construire un système d’écluses sur le Danube.
La Tchéquie construit ses installations, mais la Hongrie change de régime politique et ne le fait pas, au motif que c’est contraire à la protection de l’environnement.
Des négociations durent très longtemps, avant que la Tchécoslovaquie décide de modifier ses installations de manière à les utiliser seules, en détournant le Danube → comportement illégal.
Ici, on est donc dans une situation où 2 États chacun ne respectent pas le même traité.
La CIJ dit que la violation par les 2 États parties d’un traité ne met pas fin à ce traité, parce que ce qui a été conclu doit être respecté ; si c’était le cas, ça aurait été un précédent très préjudiciable à
pacta sunt servanda.


2) Portée du principe

Le principe pacta sunt servanda a 3 conséquences :

  1. Les parties sont tenues d’exécuter le traité, et doivent accepter les conséquences de la violation du traité.
  1. Une partie ne peut pas rejeter unilatéralement les obligations qu’elle a acceptées.
    Si elle veut se séparer du texte, elle doit le faire suivant les procédures.
  1. Une partie ne peut pas invoquer les dispositions de son droit interne pour ne pas exécuter le traité (article 27 de la Convention de Vienne : le droit interne est du fait pour le droit international !).

En principe, les dispositions des traités ne sont pas rétroactives, mais les États peuvent décider autrement dans le traité.
Ils peuvent aussi décider de mettre une limite temporelle ou spatiale dans le traité.

B – L’interprétation

L’interprétation est la détermination de ce qui doit être exécuté.
Interpréter, c’est donner le sens et la portée des termes.

En droit international, l’interprétation est importante parce qu’il s’agit d’interpréter le consentement et l’étendue des engagements des États ; il faut donc le faire dans le respect de la souveraineté pour ne pas engager l’État au-delà de son consentement.

1) Les interprètes

On distingue les interprétations authentiques des interprétations non authentiques.

L’interprétation authentique est celle qui émane du ou des auteurs de l’acte à interpréter.
CIJ, 1923, Jaworzina :
Le droit d’interpréter authentiquement une règle juridique appartient seulement à celui qui a le droit de la modifier ou de la supprimer → ce sont les États.

Ils peuvent le faire de manière collective : l’interprétation donnée par tous les États parties (interprétation collective), alors que l’interprétation individuelle est faite par un seul État.

L’interprétation non authentique est celle qui est donnée par un tiers, notamment par un juge.


2) Méthodes d’interprétation

Ces interprètes appliquent tous les mêmes règles d’interprétation énoncées à l’article 31 de la Convention de Vienne.

Cet article donne d’abord une règle générale d’interprétation :
« 1. Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but ».

Idée : il s’agit de reconstituer l’intention et la volonté des parties.
→ Principe d’interprétation de bonne foi.

L’article 31 prévoit ensuite différents moyens d’interprétation qui vont permettre de reconstituer la volonté et l’intention des États.
Le contexte, c’est le texte + le préambule + les annexes, qui donne une base objective à l’interprétation.
On prend aussi en compte l’ensemble des accords et instruments en rapport avec le traité, avec notamment les déclarations et les réserves.
On prend aussi en compte les accords ultérieurs conclus par les parties.
On prend enfin en compte toutes les règles pertinentes du droit international applicables entre les parties + l’intention.

Si on a des doutes, l’article 32 de la Convention de Vienne prévoit des moyens complémentaires d’interprétation que l’on peut utiliser en cas d’ambiguïté ou d’obscurité.
On peut alors utiliser les travaux préparatoires et les circonstances.
Objectif : donner plein effet au texte et à ce qui a été consenti.

À quelle date doit-on se placer ?
L’interprétation peut être évolutive, à la lumière des circonstances actuelles.

§ 2. L’effet du traité à l’égard des tiers

A – Le principe de l’effet relatif

La Convention de Vienne pose le principe très clair de l’effet relatif du traité à son article 34.
Le traité fait droit entre les parties et ne produit aucun effet pour les tiers.

CPJI, 1929, Certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise :
Pour les tiers, le traité est un fait (res inter alios acta : “une chose faite par d’autres”).

Cela veut dire qu’il n’y a d’obligations que pour les parties au traité.
Un tiers ne peut pas demander l’exécution d’un traité auquel il n’est pas partie.

Cour permanente d’arbitrage, 1928, Affaire de l’île de Palmas :
Différend entre les États-Unis et les Pays-Bas concernant la souveraineté de l’île.
Dans sa sentence, l’arbitre déclare dans sa sentence qu’il est évident que les traités conclus par l’Espagne avec des tiers comme des États-Unis et qui reconnaissent la souveraineté sur l’île ne peuvent pas lier les Pays-Bas.

Sentence arbitrale, 1931, Île de Clipperton (Mexique c. France) :
Un tiers ne peut pas se prévaloir de dispositions d’un traité auquel il n’est pas partie pour obtenir un droit.

B – L’extension conventionnelle

L’article 34 de la Convention de Vienne précise cependant :
« Un traité ne crée ni obligations ni droits pour un État tiers sans son consentement« .
→ Il peut y avoir une extension conventionnelle.

Les dispositions du traité peuvent être étendus aux tiers :
> soit sur une base consensuelle ;
> soit sur une autre base.

1) Extension sur une base consensuelle

Il existe 2 hypothèses dans lesquelles le tiers peut bénéficier des dispositions d’un traité auquel il n’est pas partie :

  1. La technique de l’accord collatéral est un mécanisme juridique qui permet à un État de tirer des droits, des obligations ou les 2 d’un traité auquel il n’est pas partie.

    Il y a 2 dispositions à ce sujet dans la Convention de Vienne :

    • L’article 35 porte les traités qui prévoient des obligations pour des États tiers :
      « Une obligation naît pour un État tiers d’une disposition d’un traité si les parties à ce traité entendent créer l’obligation au moyen de cette disposition et si l’État tiers accepte expressément par écrit cette obligation ».
      La Convention dit bien que ça ne fonctionne que s’il y a le consentement, formalisé par un écrit, du tiers → accord entre le tiers et les États parties.
    • L’article 36 évoque les traités prévoyant des droits pour des États tiers :
      « Un droit naît pour un État tiers d’une disposition d’un traité si les parties à ce traité entendent, par cette disposition, conférer ce droit soit à l’État tiers ou à un groupe d’États auquel il appartient, soit à tous les États, et si l’État tiers y consent. Le consentement est présumé tant qu’il n’y a pas d’indication contraire, à moins que le traité n’en dispose autrement. »

    La différence tient à la formalisation du consentement :
    > lorsqu’elle porte sur une obligation, l’acceptation doit être expresse et écrite ;
    > mais elle peut être présumée lorsqu’elle a pour objet un droit.
    Dans les 2 cas, le tiers ne devient pas partie au traité.

  1. La clause de la nation la plus favorisée est beaucoup plus utilisée.
    C’est une clause que l’on retrouve dans les traités économiques, qui sont les traités mis en place par les États pour favoriser les investissements étrangers.

    C’est un cas particulier de traité qui crée un droit au profit d’un État.
    C’est une technique conventionnelle qui permet d’étendre à des États tiers les avantages consentis à d’autre en vertu d’un traité.

    Il faut au minimum 3 États et 2 traités, dont l’1 au moins doit prévoir une clause de la nation la plus favorisée.
    Idée : l’1 des États peut bénéficier de tout droit plus favorable consenti ultérieurement par l’une des parties à un autre État.

    Objectif : proposer des garanties aux investisseurs étrangers.
    Exemple : Traité bilatéral de promotion et de protection des investissements France ↔ Madagascar : « chaque partie contractante applique, sur son territoire et dans sa zone maritime, aux nationaux ou sociétés de l’autre partie, en ce qui concerne leurs investissements et activités liées à ces investissements, un traitement non moins favorable que celui accordé à ses nationaux ou sociétés, ou le traitement accordé aux nationaux ou sociétés de la nation la plus favorisée, si celui-ci est plus avantageux ».


2) Extension sur une autre base

2 hypothèses :

  1. Les traités établissant une situation objective sont opposables aux tiers, qui devront en tenir compte.
    Exemple : traité de délimitation d’une frontière : seuls les États frontaliers sont parties au traité, mais la frontière telle que définie par les États sera opposable aux tiers.
  1. L’extension sur une base coutumière est extrêmement similaire aux situations purement objectives.

    L’une des situations les plus connues d’extension sur une base coutumière :
    CIJ, 1949, Réparation des dommages subis au service des Nations unies.

    Dans cette affaire, plusieurs incidents impliquent des agents de l’ONU, avec notamment l’assassinat de son médiateur en Palestine par des personnes privées israéliennes.
    L’ONU reproche à Israël, qui n’est pas membre à l’organisation, de ne pas avoir suffisamment recherché les coupables et de ne pas les punir.
    Question soumise à la CIJ : l’ONU peut-elle agir en responsabilité et obtenir réparation pour les dommages causés aux Nations unies ?
    Autrement dit, l’ONU a-t-elle une personnalité objective ? Peut-on opposer à un État tiers ?

    La CIJ répond que « 50 États, représentant une très large majorité des membres de la communauté internationale, ont le pouvoir, conformément au droit international de créer une entité possédant une personnalité objective et non pas simplement une personnalité reconnue par eux seuls ».
    On retrouve ici l’idée de personnalité objective qui s’impose aux autres.

    Ici, la CIJ insiste sur le cas particulier de l’ONU, parce qu’aucun État ne s’était opposé à la création de l’organisation, que l’ONU s’est consolidée avec le temps, que les tiers avaient fondamentalement fini par accorder – au moins tacitement – un consentement à l’existence de l’organisation → elle en conclut que les tiers ne peuvent pas nier l’existence / la réalité juridique de l’organisation.

Dans ces 2 hypothèses, le tiers doit prendre en compte le traité et, dans une certaine mesure, respecter ses dispositions sans y avoir expressément consenti.

§ 3. L’effet du traité à l’égard des autres normes

Les relations entre normes peuvent prendre plusieurs formes :
> les normes peuvent se compléter ;
> les normes peuvent se confirmer ;
> les normes peuvent être incompatibles et entrer en conflit.
Il faut alors trouver des solutions pour résoudre ces conflits normatifs.

A – Les relations traités-traités

Il n’y a normalement pas de hiérarchie – il y a surtout des priorités d’application.
Dans les hypothèses où 2 traités peuvent entrer en conflit, il faut qu’il y ait identité des parties.

La question se pose essentiellement pour des traités successifs, lorsque les États prennent successivement des engagements portant sur les mêmes matières, mais des dispositions sont incompatibles → quel traité doit-on appliquer ?

On regarde d’abord ce que disent les traités.
On se réfère aux choix des parties et, s’ils ne disent rien, on regarde les solutions que propose la Convention de Vienne.

Les parties doivent décider en amont quels traités doivent s’appliquer en priorité.
Elles peuvent le faire de manière positive ou négative.
Si elles le font positivement, les parties disent explicitement dans un traité que, en cas de conflit, ce traité s’applique en priorité.
Exemple : article 103 de la Charte des Nations unies :
« En cas de conflit entre les obligations des Membres des Nations unies en vertu de la présente Charte et leurs obligations en vertu de tout autre accord international, les premières prévaudront”.

L’article 30.2 de la Convention de Vienne évoque les traités à caractère supplétif :
« Lorsqu’un traité précise qu’il est subordonné à un traité antérieur ou postérieur ou qu’il ne doit pas être considéré comme incompatible avec cet autre traité, les dispositions de celui-ci l’emportent ».
Ce sont les États qui choisissent, lorsqu’ils négocient un traité, s’ils souhaitent que celui-ci soit supplétif ou non.

Quand ils n’ont rien choisi, la Convention de Vienne prévoit des solutions pour résoudre le conflit normatif.
Ces règles sont gouvernées par un principe : l’engagement le plus récent l’emporte ; on parle du principe de la lex postérieure.
Ce n’est pas surprenant : on fait prévaloir le traité le plus récent, c’est-à-dire la volonté commune des États la plus récente sur le sujet.

Dans les traités bilatéraux, cela ne pose pas de difficultés ; mais c’est plus compliqué dans les traités multilatéraux.
Si tous les États partie au traité antérieur sont parties au traité postérieur, on applique le traité postérieur.
Si toutes les parties au traité antérieur ne sont pas parties au traité postérieur, la situation est plus complexe : la solution dépend de la situation de chaque État par rapport au traité antérieur et par rapport au traité postérieur.

Dans l’hypothèse où un État est partie au traité antérieur sans être partie au traité postérieur, on applique le traité en vigueur entre les 2 États.
Entre les États qui sont partie au traité postérieur, on applique le traité postérieur.
Ces règles sont décrites à
l’article 30 de la Convention de Vienne.

Exemple :
A, B, C et D sont parties à un traité signé en 2010.
A, B et C sont parties à un traité signé en 2015.
Pour les conflits entre les parties A, B et C, on applique le traité de 2015 (application de la règle de la lex postérieure).
S’il y a un différend entre C et D, on applique le traité de 2010.

B – Les relations traités-coutumes

La coexistence des 2 règles est particulièrement manifeste dans les traités de codification, qui mettent par écrit les règles coutumières, tels que la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Pour les parties au traité de codification, on applique le traité.
Pour les autres, on continue à appliquer la coutume.

L’intérêt de ces traités est d’améliorer et préciser la coutume.
Fondamentalement, il y a un principe d’égalité : on peut déroger au traité pour la coutume + la coutume peut déroger au traité + on applique toujours la règle la plus récente.

⚠️ Exception : on ne peut déroger aux normes de jus cogens ni par traité ni par coutume.

Section 4 : Stabilité de l’engagement conventionnel dans le temps

§ 1. La modification

La modification peut être de 2 natures :
> soit on modifie le texte du traité (modification substantielle) ;
> soit on modifie le cercle des participants.

La modification substantielle modifie le contenu du traité après son entrée en vigueur.
Elle permet d’adapter le traité aux circonstances nouvelles.
Souvent, les traités indiquent la procédure pour les modifier ; quand ils ne prévoient rien, on se réfère à la Convention de Vienne.

Difficulté pratique : il faut obtenir l’accord des parties.
Le principe
pacta sunt servanda empêche toute réécriture unilatérale du texte ; la modification des traités est donc relativement rare.

Les parties peuvent interdire formellement toute modification du traité, mais dans la majorité des cas il faudra simplement l’accord des parties, ce qui impose de nouvelles négociations, de trouver un texte sur lequel les parties s’accordent → c’est le plus difficile.

Exemple : depuis de très nombreuses années, il y a un projet de réforme de la Charte des Nations unies, pour réformer la composition du Conseil de Sécurité ou au moins sur l’utilisation du droit de véto.

A – Modification explicite

La modification est explicite quand les parties modifient le texte en suivant la procédure qui est prévue.
Dans la pratique, on trouve des termes très différents : on parle parfois d’amendement, de révision, de modification ou de protocole.

Ici, la Convention de Vienne est supplétive ; on regarde en priorité la procédure prévue par le traité en question.

La Convention de Vienne demande l’accord de tous les États parties.
C’est une approche qui est aujourd’hui presque révolue, puisque la majorité des traités prévoient une possible modification des traités lorsqu’une majorité d’États partie sont d’accord (ça dépend de la nature de texte).

Exemple : la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée (2000) prévoit à son article 39.3 :
« Un amendement adopté conformément au paragraphe 1 du présent article est soumis à ratification, acceptation ou approbation des États Parties.”

Exemple : le protocole de Kyoto (1997) prévoit à son article 20.4 que l’amendement entrera en vigueur avec l’accord d’au moins 3/4 des parties au protocole.
Les États doivent officiellement consentir à être liés par un amendement en déposant un instrument d’approbation.
Le protocole prévoit même une date d’entrée en vigueur des amendements.

Dans certains cas, l’amendement peut simplement entrer en vigueur après X temps, si par exemple aucune partie ne s’y est opposée.

→ Grande liberté des États pour prévoir les modalités de modification des traités.

Le vrai problème consiste en savoir quelle disposition appliquer quand tous les États parties au traité ne sont pas parties à l’amendement.
SI la modification concerne tous les États parties, chaque partie a le droit de notifier une proposition d’amendement et chacun peut participer aux négociations et à la conclusion de l’accord.
S’ils acceptent, on applique le traité tel qu’amendé ; mais si certains refusent l’amendement, la situation est différente.

Dans certains cas, le traité peut prévoir que l’amendement, s’il atteint une certaine majorité, pourra s’appliquer à tous les États, qu’ils y aient consenti ou non.

Les États qui deviennent parties ultérieurement à l’amendement sont liés par le traité tels qu’il est amendé ; ils ne peuvent pas revenir à la version initiale.

Si la modification ne concerne que certains États, certaines parties vont alors décider de modifier les termes pour régir leurs relations réciproques.
Autrement dit, ils décident de faire un club au sein d’un traité !

De manière générale, on trouve ça dans les protocoles, où les États peuvent décider d’aller plus loin dans les interdictions.
Par exemple, une convention de droits de l’homme peut consacrer le droit à la vie en n’interdisant pas la peine de mort ; ensuite, il est possible de faire un protocole pour comprendre ce droit comme l’interdiction de la peine de mort.

⚠️ On n’applique toujours aux États que les règles auxquels ils ont mutuellement consenti.

B – Modification implicite

La modification peut aussi être implicite : dans ce cas, le contenu du texte est modifié sans que le texte soit formellement changé.

On peut utiliser à cet égard la pratique ultérieure des États parties.
Ici, c’est la pratique des États qui modifie les obligations ou le contenu du traité.

En effet, la pratique ultérieure peut revêtir le caractère d’une coutume → c’est la nouvelle coutume qui va s’appliquer.

Exemple :
La charte de l’ONU prévoit que pour qu’une décision soit approuvée par le Conseil de sécurité de l’ONU, il faut un vote positif des 5 membres permanents, mais une pratique s’est développée avec le temps consistant à modifier la charte pour considérer que, si l’1 des membres permanents s’abstient, ça ne bloque pas la résolution.
La CIJ, dans son avis sur la Namibie, a reconnu qu’une pratique générale de l’organisation s’était développée au point d’entraîner la modification d’une disposition fondamentale de la charte concernant l’adoption des résolutions au sein du Conseil de sécurité en ce sens que l’abstention d’un membre permanent n’était pas contraire à l’exigence d’un vote affirmatif.

Exemple :
Dans une sentence arbitrale relative à l’interprétation d’un accord aérien du 27 mars 1946 entre les Etats-Unis et la France, le tribunal a considéré que la conduite ultérieure des parties peut entrer en compte non pas seulement comme un moyen d’interpréter le texte, mais comme quelque chose de plus → comme une source de modifications ultérieures.

Une autre possibilité est la survenance d’une nouvelle règle de droit.
Ici, il y a une évolution du contenu du texte sans sa modification en raison de l’évolution des notions auxquelles le texte renvoie.
→ Évolution du sens du texte.

Exemple : CIJ, 1970, Barcelona Traction :
Le traité renvoyait à la CPJI, institution qui a disparu, remplacée par la CIJ.
Tous les traités qui renvoient à la CPJI doivent être compris comme renvoyant à la CIJ.

C – La modification du cercle des parties

Un État peut-il se retirer d’un traité pour des motifs propres et issus de sa propre volonté (autrement dit, s’il en a envie) ?
Y a-t-il un
droit de retrait (ou droit de dénonciation) des traités ?

La Convention de Vienne répond négativement : un État ne peut pas se retirer unilatéralement d’un traité si celui-ci ne prévoit pas de possibilité de retrait.

En principe, le droit de dénonciation doit avoir été prévu par le texte du traité (article 54 de la Convention de Vienne de 1969).
En pratique, de nombreux traités autorisent le retrait, en fixant des conditions (notamment de préavis).

Exemple : l’article 127 du Statut de Rome (établissant la Cour pénale internationale) prévoit ses modalités de retrait :
”Tout État Partie peut, par voie de notification écrite adressée au Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, se retirer du présent Statut. Le retrait prend effet un an après la date à laquelle la notification a été reçue, à moins que celle-ci ne prévoie une date postérieure”.

Le retrait est une action politiquement et diplomatiquement forte.
Exemple : dans une déclaration du 9 juin 2023, “la France condamne la décision de la Fédération de Russie de se retirer du Traité sur les Forces conventionnelles en Europe”.

Généralement, le traité prévoit des conditions à l’exercice du droit de retrait.
La majorité des traités incluent ainsi des clauses de retrait pour éviter les différends sur la possibilité même de se retirer.

Par exemple, le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires prévoit à son article 127 que :
« Chaque État Partie, dans l’exercice de sa souveraineté nationale, a le droit de se retirer du présent Traité s’il décide que des événements extraordinaires, en rapport avec l’objet du présent Traité, ont compromis les intérêts suprêmes de son pays. Il doit alors notifier ce retrait au Dépositaire. Ladite notification doit contenir un exposé des événements extraordinaires dont l’État en question considère qu’ils ont compromis ses intérêts suprêmes.
Le retrait ne prend effet que 12 mois après réception de la notification du retrait par le Dépositaire. Si toutefois. à l’expiration de cette période de 12 mois, l’État Partie qui se retire est partie à un conflit armé, il reste lié par les obligations résultant du présent Traité et de tout protocole additionnel jusqu’à ce qu’il ne soit plus partie à aucun conflit armé ».

Pour se retirer d’un traité, l’État doit donc regarder quelles sont les conditions posées par le texte.
Cependant, parfois, il n’y en a pas : certains traités ne prévoient rien.
Dans ce cas là, il faut consulter
la Convention de Vienne sur le droit des traités, qui a encadré le retrait à son article 56 :

« 1. Un traité qui ne contient pas de dispositions relatives à son extinction et ne prévoit pas qu’on puisse le dénoncer ou s’en retirer ne peut faire l’objet d’une dénonciation ou d’un retrait, à moins :
a) Qu’il ne soit établi qu’il entrait dans l’intention des parties d’admettre la possibilité d’une dénonciation ou d’un retrait; ou
b) Que le droit de dénonciation ou de retrait ne puisse être déduit de la nature du traité.
2. Une partie doit notifier au moins douze mois à l’avance son intention de dénoncer un traité ou de s’en retirer conformément aux dispositions du paragraphe 1″.

La Convention de Vienne adopte une formulation volontairement négative, qui montre l’opposition de ses rédacteurs au droit de retrait ; mais ce droit de retrait existe s’il peut être dégagé de l’intention des parties ou qu’il peut être déduit de la nature du traité.

La Convention de Vienne liste 3 motifs qui permettent à un État de se retirer d’un traité.
Ces motifs sont les mêmes que pour la suspension du traité et l’extinction du traité :

  1. Le changement fondamental de circonstances ;
    On parle parfois de clauses rebus sic stantibus (”tant que les choses restent en l’état”).
  1. L’inapplication du traité en raison de sa violation par une autre partie contractante ;
  1. L’impossibilité d’exécution.

La Convention de Vienne prévoit un délai au bout duquel le traité prend fin, pour gérer les conséquences du retrait : il faut notifier au moins 12 mois à l’avance les parties ou le dépositaire.

L’État qui souhaite se retirer écrit aux autres parties pour en exposer les raisons.
Les autres parties doivent réagir à cette prévention : si elles ne font rien, on considère qu’elles acceptent.

Le droit international général est très peu ouvert aux cas de non-application des traités, parce que ne pas appliquer un traité est contraire à la sécurité juridique.
Par exemple, la Convention de Vienne explique que la rupture des relations diplomatiques entre 2 États n’a pas d’effet sur l’exécution du traité.

Un traité doit avoir un nombre suffisant de parties.
Que se passe-t-il si, après de trop nombreux retraits, il n’y a plus assez d’États parties à un traité ?
La Convention de Vienne ne dit rien sur ce sujet. On en déduit que ça n’est pas parce que le nombre d’États parties est inférieur au nombre requis pour l’entrée en vigueur du traité que ce même traité cesse.

→ Le droit international est très peu ouvert à l’inexécution des traités.

Il a été prévu des cas de suspension ou de terminaison des traités.
En cas de suspension, l’exécution du traité est interrompue pendant quelques temps. C’est l’hypothèse la moins gênante : le traité subsiste mais son exécution est interrompue.
En cas de
terminaison, le traité n’aura plus jamais d’effets juridiques.
Les motifs en sont laissés à la discrétion des États.

§ 2. La suspension

Les parties peuvent prévoir une clause relative à la suspension :

  1. La suspension peut résider de l’accord des parties.
  1. Le traité peut être suspendu en raison d’une évolution extérieure au traité.

Au sein de l’évolution extérieure, on retrouve tous les mécanismes mis en place par la Convention de Vienne :
> l’inapplication du traité en raison de sa violation ;
> l’impossibilité d’exécution ;
> le changement fondamental de circonstances.

1) L’exception d’inexécution

On l’appelle aussi l’exception non adimpleti contractus.
L’article 60 de la Convention de Vienne
dispose que :
« 1. Une violation substantielle d’un traité bilatéral par l’une des parties autorise l’autre partie à invoquer la violation comme motif pour mettre fin au traité ou suspendre son application en totalité ou en partie. »
« Une violation substantielle d’un traité multilatérale par l’une des parties autorise :
a) Les autres parties, agissant par accord unanime, à suspendre l’application du traité en totalité ou en partie ou à mettre fin à celui-ci :
i) Soit dans les relations entre elles-mêmes et l’Etat auteur de la violation;
ii) Soit entre toutes les parties”.

Les autres parties au traité peuvent donc soulever l’exception d’inexécution.

L’inexécution entraîne la responsabilité de celui qui ne respecte pas ses engagements.

CIJ (avis), 1971, Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité :
La CIJ rappelle qu’il existe un principe juridique général suivant lequel le droit de mettre fin à un traité comme conséquence de sa violation est présumé exister dans tous les traités.
Cependant, des conditions sont prévues.

Il faut une violation substantielle.
Autrement dit, n’importe quelle violation ne permet pas de mettre fin à l’exécution d’un traité.
Cela permet d’éviter des abus et une remise en cause trop fréquente des engagements conventionnels.

La Convention de Vienne définit elle-même la violation substantielle au paragraphe 3 de l’article 60 : une violation substantielle du traité est constituée par :

  1. un rejet du traité non autorisé par la convention ; ou
  1. la violation d’une disposition essentielle pour la réalisation de l’objet et du but du traité.

Généralement, les États invoquent le 2ème cas.

Dans un différent maritime entre la Croatie et la Slovénie, un tribunal arbitral a précisé que ce n’est pas l’intensité ou la gravité qui est importante : il faut que les violations rendent impossible la réalisation de l’objet du traité.
Dans cette affaire, la violation concernait un manquement à l’obligation de confidentialité prévue dans une convention d’arbitrage.
→ Seules certaines violations empêchent l’exécution du traité.

De plus, il faut que la suspension réponde à la violation.

Enfin, il n’est jamais possible d’invoquer la violation pour suspendre ou se retirer d’un traité portant sur les droits de l’homme ou présentant un caractère humanitaire.
→ Ces traités ne peuvent pas être suspendus au motif qu’il n’y a pas de réciprocité.


2) L’impossibilité d’exécution

L’impossibilité d’exécution est un autre cas de suspension d’un traité.

On peut invoquer l’impossibilité d’exécution quand l’impossibilité est temporaire.
Elle conduit nécessairement à la non application du traité dans les faits.
L’impossibilité doit être réelle, c’est-à-dire physique → elle doit avoir un caractère objectif.

Le cas est prévu à l’article 61 de la Convention de Vienne :
« Une partie peut invoquer l’impossibilité d’exécuter un traité comme motif pour y mettre fin ou pour s’en retirer si cette impossibilité résulte de la disparition ou destruction définitives d’un objet indispensable à l’exécution de ce traité. Si l’impossibilité est temporaire, elle peut être invoquée seulement comme motif pour suspendre l’application du traité ».

Exemple : traité qui porte sur une île qui disparaît.
Exemple : traité qui porte sur un fleuve asséché.

Limite : il ne faut pas que la disparition résulte de la violation du traité par la partie qui l’invoque (soit d’une partie du traité, soit de toute autre obligation internationale).

Par exemple, en matière de traités sur des infrastructures collectives : imaginons un traité qui a pour objet de réglementer une station spatiale avec des obligations en termes financiers.
S’il y a un problème technique et que la station spatiale tombe, les États peuvent demander la suspension ou l’interruption du traité ; mais si un État partie envoie un missile sur la station spatiale et que celle-ci tombe, cet État ne peut pas demander la suspension du traité.

Il n’est possible de faire une suspension partielle que quand on ne porte pas atteinte aux droits et obligations des autres parties contractantes.
La suspension peut aussi ne concerner que certains États.

§ 3. La terminaison

L’extinction peut résulter de l’accord des parties ou dépendre de l’évolution du droit extérieur.
→ Le traité perd sa force obligatoire et disparaît.

💡 Les États peuvent prévoir des clauses de terminaison du traité.

A – L’accord des parties

L’accord des parties peut être prévu à l’avance ; les parties peuvent aussi se mettre d’accord par la suite (article 54 de la Convention de Vienne).

Exemple : article 60 SI de l’accord international de 1986 sur l’huile d’olive et les olives de table :
« Le présent Accord restera en vigueur jusqu’au 31 décembre 1991 à moins que le Conseil ne décide de le proroger, de le reconduire, de le renouveler ou d’y mettre fin auparavant conformément aux dispositions du présent article ».

B – L’évolution ultérieure

Le traité peut s’éteindre en raison de l’évolution du droit ou des faits.

1) Apparition d’une nouvelle règle

Par exemple, un nouveau traité entre les parties prévoit l’abrogation de l’ancien traité.
Par exemple, l’article 44 §1 de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961 prévoit que, dès l’entrée en vigueur de la Convention, ses dispositions abrogeront et remplaceront toute une série de dispositions antérieures.

Cela peut aussi être le cas s’il existe une nouvelle règle de jus cogens.
Quand une nouvelle règle de jus cogens apparaît, les traités qui y sont contraires disparaissent.


2) Disparition de l’État

Cette hypothèse est très rare.
Elle s’est appliquée par exemple pour les traités conclus entre la RFA et la RDA.


3) Le changement fondamental de circonstances

Le changement fondamental de circonstances permet à une partie d’invoquer un changement de circonstances pour se retirer ou mettre fin au traité.
Ce principe vient du droit romain : on parle de clause rebus sic stantibus.

Ainsi, le droit international admet que si un changement fondamental des circonstances qui ont incité les parties à accepter un traité transforme radicalement la portée des obligations imposées, la partie lésée peut, à certaines conditions, en prendre argument, voire invoquer la caducité ou la suspension (CIJ, 1951, Pêcheries (Royaume-Uni c. Norvège)).

Les conditions sont prévues à l’article 62 de la Convention de Vienne, qui explique :
« Un changement fondamental de circonstances qui s’est produit par rapport à celles qui existaient au moment de la conclusion d’un traité et qui n’avait pas été prévu par les parties ne peut être invoqué comme motif pour mettre fin au traité ou pour s’en retirer,
à moins que :
a) L’existence de ces circonstances n’ait constitué une base essentielle du consentement des parties à être liées par le traité; et que
b) Ce changement n’ait pour effet de transformer radicalement la portée des obligations qui restent à exécuter en vertu du traité
« .

Les conditions sont donc très restrictives :

  1. Le changement doit vraiment être fondamental, voire vital : il faut qu’elle mette en péril l’existence d’une des parties.
  1. Le changement doit porter sur les circonstances qui existaient au moment de la conclusion du traité → ce changement ne devait pas être prévisible.
  1. Les circonstances doivent avoir constitué la base essentielle du consentement.

Conclusion

En droit des traités, les procédures sont souvent longues et complexes.
Ces procédures permettent d’aboutir à un écrit, dont le droit issu des coutumes et de la Convention de Vienne viennent assurer la stabilité.
Une fois qu’on a un accord qui produit des effets de droit, on essaie de tout faire pour le garder !

Ce qui est intéressant, c’est de voir que, même dans le droit des traités, on a très souvent des actes unilatéraux, qui sont liés à des instruments conventionnels.

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