Cours 20 : La justification des faits

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Dans certaines hypothèses où un comportement présente tous les caractères requis par un texte d’incrimination, pour contester l’infraction, la loi permet aux magistrats d’écarter la qualification pénale si de tels faits sont justifiés. L’élément légal de l’infraction est ainsi neutralisé. On en déduit qu’aucun blâme social ne s’attache au comportement en question.

Alors même que l’infraction semble constituée, elle n’est pas toujours reconnue, le juge peut être empêcher de qualifier pénalement les faits. Car le droit pénal n’est pas fait tout entier de rigueur, il en conduit pas à une répression aveugle. Il admet que dans certaines circonstances, un individu puisse décider d’accomplir un acte pouvant relever d’une qualification pénale plutôt que de subir lui-même ou ses proches un acte aussi grave que celui qu’il va accomplir. Lorsque les faits sont justifiés, aucune peine ne peut être prononcé contre l’auteur, mais celui-ci n’est même pas déclaré coupable. L’existence de l’infraction est oubliée.

Les circonstances pouvant entraîner une telle justification des faits tendent à se multiplier. Le code pénal admet 4 causes générales de justifications (il en existe d’autres en droit pénal spécial). Ces dernières correspondent à des hypothèses où le comportement justifié équivaut à l’exécution d’une loi qui impose ou qui permet des actes de protection dans cette même circonstances précisé par la loi.

§1. Les actes dexécution

Un véritable conflit de loi apparait lorsqu’un comportement semble prescrit par un texte parfois même sous la menace de sanctions pénales tout en étant constitutif d’infraction en fonction d’un autre texte. L’acte d’exécution s’impose directement à l’agent ou par son supérieur hiérarchique?

A – L’autorisation directe de la loi

Une loi ne peut sans se contredire à la fois exiger obéissance et punir. L’article 122-4 alinéa 1 « N’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires ». Il n’y a pas infraction à accomplir un acte que la loi ou le règlement imposait ou permettait. La rédaction laisse à désirer.

1) Les textes justificatifs

Il résulte de cet article qu’un acte susceptible de constituer une infraction ne peut être justifié que si il a été pris en exécution d’une loi ou d’un règlement. Ils s’entendent au sens du droit français. Une loi ou un règlement étranger ne peut produire des effets justificatifs sur un comportement.
S’agissant de la loi, elle dispose d’une portée justificative générale. Elle peut justifier n’importe quel acte, peu importe qu’elle sot incriminée par une autre loi ou par un règlement.

Exemple : le commissaire au compte qui certifie les commîtes d’une entreprise est tenu par le secret professionnel, il ne doit rien divulguer. Violer ce secret est une infraction. Mais le commissaire au compte, qui, dans son exercice de vérification des comptes, découvre qu’il y a un abus de biens sociaux fait par le dirigeant de l’entreprise, est tenu d’en informer le procureur de la République. D’un côté, un texte lui impose de se taire, de l’autre lui impose de parler. La loi qui condamne le commissaire au compte de dénoncer un abus de biens sociaux s’impose. Elle justifie le comportement.

Un règlement ne peut neutraliser qu’une incrimination de nature règlementaire. Il n’y a jamais obligation à suivre un règlement illégal ➔ exception d’illégalité.
A priori toutes lois et tous règlements français propres à chaque texte peut produire un effet justificatif pas subordonné au texte qui autorise le comportement sanctionné par railleurs. Le juge répressif peut prendre en copte des textes extra pénaux pour justifier le comportement d’une infraction.

Peu importe que l’autorisation résultant du texte légal ou règlementaire soit expresse ou tacite. La justification sera d’autant plus facile que le texte prescrit expressément l’acte. Si l’acte est accompli pour respecter la disposition, il ne peut être reproché à son auteur.

2) L’objet du texte justificatif

Le texte justificatif peut avoir deux objets suivant qu’il commande ou permet un acte susceptible de constituer une infraction. Les conséquences sont les mêmes pour les deux. 

La justification des faits s’impose lorsque leur agissement a été imposé par un texte. Par exemple, un banquier à l’obligation de dénoncer une suspicion de blanchiment sur le compte d’un client. Il enfreint ainsi le secret professionnel mais est obligé de dénoncer. 

Mais que faire lorsque le texte n’impose pas mais permet ? L’article 73 du CPP permet à toute personne d’appréhender l’auteur d’un crime ou d’un délit fracturant afin de le conduire devant l’office de police judiciaire la plus proche. Pourtant, cela porter atteinte à la liberté d’autrui et constitue ainsi une infraction très grave. Mais l’article 73 du CPP nous permet de commettre un tel acte. 

Mais tout n’est pas aussi simple. Parfois, la loi autoriser à causer un acte à l’occasion d’un commandement donné par une autorité légitime : autorisation indirecte. 

B – L’autorisation indirecte de la loi

Article 122-4 alinéa 2 « N’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l’autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal ». Ce n’est qu’une extension que de la précédente. Cette autorisation est accordée par l’intermédiaire d’un supérieur, qui en donnant un ordre conforme à la loi, légitime l’acte d’exception accompli par son subordonné. Quand les actes paraissent trop graves pour être laissés à l’exercice d’un seul individu.

1) L’autorité de commander

L’article précité est interprété de façon restrictive et n’est réputé applicable que dans un cadre administratif. La justification n’opère que dans les relations d’une personne attachée l’exécution de services publics et son supérieur. une telle réduction est justifiée par le fait que le supérieur a un statut d’autorité, il est chargé institutionnellement de veiller à la bonne exécution de la loi. La justification n’est pas applicable à un ordre donné par un chef d’entreprise à son salarié. La justification s’opère pas dans les rapports de droit privé. L’obéissance ne peut être absolue parce que l’exécutant conserve sa liberté d’exécution et sa responsabilité. L’autorité n’a pas la portée de l’autorité publique, elle doit convaincre plutôt qu’obéir. Il ne suffit pas que l’acte ait été accompli en exécution d’un commandement d’autorité, il faut qu’il ait disposé d’une apparence de légalité.

2) La légalité du commandement

Selon l’article 122-4 alinéa 2, « l’accomplissement de l’acte commandé par l’autorité l’égide n’est justifié que si ce commandement ne paraissait pas manifestement illégal au moment où il a été commis ». Légalité au sens du droit administratif. 

C’est d’abord une légalité externe : l’agent d’exécution doit pouvoir se convaincre que l’autorité n’avait pas la compétence de délivrer le commandement litigieux. La question s’est posée à la Libération lorsqu’on été poursuivi certaines collaborateurs, notamment les miliciens.

Ensuite c’est une légalité interne : l’agent d’exécution doit être convaincu que l’acte qui lui est demandé respecte bien les dispositions légales applicables. On ne conçoit pas qu’un acte intrinsèquement illégal puisse être imposé sans que la responsabilité pénale de celui qui l’exécute et celui qui l’ordonne doit engager. 

Une présomption de régularité s’attache à l’action administrative. Tout commandement émanant d’une autorité légitime est légal de sort qu’il peut être mis à exécution. Mais si l’illégalité est manifeste alors celui qui a reçu le commandement peut en tirer argument pour échapper à la responsabilité pénale. La présomption de régularité ne peut être maintenu si ‘illégalité est manifeste. 

Le législateur avait le choix entre plusieurs théorie donc celle en vertu de laquelle toute personne qui reçoit un commandement d’une autorité légitime doit vérifier la légalité du commandement avant d’exécuter le commandement au risque de voir sa responsabilité pénale engagé. 

Plus l’agent est haut dans la hiérarchie administrative plus on doit s’attendre qu’il s’aperçoive de l’illégalité d’un commandement. Mais cela ne veut pas dire que les agents d’exécution sont irresponsables. S’il reçoit un ordre manifestement illégal, il doit s’y opposer sous peine d’engager sa propre responsabilité pénale. 

Par exemple, en Corse, un préfet avait convoqué un colonel de gendarmerie pour lui demander de bien vouloir envoyer des gendarme incendier des paillotes tout ne mettant sur les lieux de l’incendie des tracts indépendantistes pour mettre à mal les indépendantistes. L’officier à dit « a vos ordres », de même pour les gendarmes. Ainsi, les gendarmes ont incendié les paillotes et y ont mis des tracts. Mais les traces laissés par les véhicules des gendarmes ainsi que leur chaussures paraissait louche pour le juge d’instruction qui a alors demander à la police judiciaire d’enquêter. Toutes ces personnes ont été poursuivi. Chacun s’est défendu en dénonçant son supérieur et l’ordre qui avait donné par une autorité légitime. Le magistrat a dit que l’ordre était manifestement illégal et donc que les faits n’étaient pas justifiés. 

§2. Les actes de protection

Légitime défense, défense en état de nécessité. Ce qui distingue ces deux causes de justification sont les circonstances dans lesquels l’acte de protection va agir. 

Légitime défense : réponse à une agression.
Défense en état de nécessité : réponse à un péril.

Ces actes de protection obéissent à peu près au même régime. 

A – Les différents actes de protection

1) La défense à une agression

a) La défense des personnes

Article 122-5 alinéa 1 « N’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle- même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte ». L’acte de protection est susceptible de constituer une infraction qui va être justifiée si elle a été commise concomitamment avec l’infraction. Elle acquise à l’acte de protection si l’agression était actuelle. À l’inverse, elle est refusée si l’acte a été accompli après l’agression, quand il n’est plus nécessaire. L’acte de protection est justifié s’il est commandé par l’agression. Il est réputé légitime s’il y avait urgence à agir et si aucune autre solution moins préjudiciable pour autrui n’était à la disposition de la victime de l’agression. Ce caractère impérieux de l’acte de protection n’entraine sa justification qu’à partir du moment où il est resté proportionné à la justification.

b) La défense des biens

L’article 122-5 alinéa 2 dispose que n’est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l’exécution d’un crime ou d’un délit contre un bien accompli un acte de défense lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi, dès lors que les moyens employés sont proportionné à la gravité de l’infraction. 

 La légitime défense a alors une portée plus réduite. Exemple, dans le cadre d’un viol, le fait de tuer le violeur est considéré comme une justification de l’agression subi. De surcroît, au titre de l’article 122-5 alinéa 2, le législateur supprime toute présomption. L’auteur de l’acte doit pouvoir démontrer qu’il a agi ainsi pour se défendre d’un crime ou d’un délit. 

Si on surprend un cambrioleur dans note maison, alors on peut le tuer, mais quand les gendarmes vont intervenir, il faut prétendre avoir agi pour soi-même et non pour ses biens, sinon notre responsabilité pénale peut être engagé. 

2) La défense en état de nécessité

Cette autre hypothèse est envisagée à l’article 122-7 du CP qui dispose que « n’est pas pénalement responsable la personne qui face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien accompli un acte nécessaire à la sauvegarde d’autrui, d’elle-même ou du bien, sauf si la proportion entre la gravité du danger… »

Différence avec la légitime défense c’est l’origine du péril. Ici, il s’agit de réagir face à un danger. 

L’acte de protection doit apparaître nécessaire, utile pour répondre au danger, et qu’il doit accomplie n urgence, qu’il n’y a pas d’autres solutions moins dangereuses.

Si on constat qu’un accident de la route vient de se produire, on doit s’arrêter et appeler les secours, mais si les secours ne peuvent pas agir directement, on peut pratiquer la médecine sans avoir l’infraction d’exercice illégale de la médecine. On peut aussi faire un excès de vitesse. Mais si les secours arrivent et que vous avez été prévenu, alors pas autorisé d’agir de la sorte. 

B. Le régime des actes de protection

1) La faute antérieure

Il est traditionnellement admis que a faute de celui qui s’est mis en situation de péril volontairement le prive de tout acte de protection justificatif. Par exemple, parler de légitime défense dans le cadre d’une bagarre mais être celui à l’origine de celle-ci. 

La question s’est posée il y a quelques années lorsqu’un chasseur qui était monté très haut dans une montagne jusqu’à se retrouver devant un ours. L’endroit était connu pour être peuplé d’ours. L’ours a chargé le chasseur. Le chasseur, pour sauver sa vie a tiré. Il a été poursuivi pour meurtre sur une espèce protégé. Il a dit qu’il s’est défendu en état de nécessité. Mais le juge dit qu’il aurait du savoir qu’à cet endroit, il risquait d’être confronté à un ours qui pouvait le charger. Le chasseur, avait par sa propre faute crée le péril dans lequel il s’était trouvé. 

La faute antérieure prive donc l’auteur de l’acte de protection le bénéfice de la légitime défense ou de la défense en état de nécessité. 

2) La défense à un acte imaginaire

Peut-il y avoir justification alors qu’aucun danger réel n’est avéré ? Lorsque l’auteur de l’acte de protection s’est faussement cru menacé ? La jurisprudence distinguée selon que ce soit une légitime défense ou un état de nécessité. 

La jurisprudence reconnaît la légitime défense putative : celui qui se croit victime d’une agression et qui agit en conséquence peut se prévaloir d’une légitime défense. En revanche, celui qui se pense en état de péril ne peut prétendre à une justification. 

Un policier qui se croit menacé par un malfaiteur qui brandit dans sa direction une arme factice, mais que le policier croit réel, est autorisé à ouvrir le feu. Néanmoins, le magistrat tient compte de l’état d’esprit de l’agent. 

En revanche, le même raisonnement n’est pas tenu pour l’état de nécessité. Un chasseur qui voit un buisson bouger ne peut pas tirer, il n’est face à un péril.  Les magistrats ont raison de raisonner ainsi d’avant l’état de nécessité, mais tort de raisonner ainsi pour la légitime défense putative, notamment pour le cas de la police. Dénaturation du fait justificatif

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