Chapitre 5 : Le principe d’interdiction du recours unilatéral à la force armée dans les relations internationales

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Section 1 : Un principe consacré par la Charte des Nations Unies

Cette section porte sur 2 des mythes fondateurs des Nations Unies :
1. la mise hors-la-loi de la guerre
2. la consécration de la paix par le droit
→ objectif de l’ONU : le maintien de la paix et de la sécurité internationales

La chapitre 6 de la Charte des Nations Unies porte sur le règlement pacifique des différends.
Le chapitre 7 porte sur l’action en cas de menace de la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression.
L’article 2 de la Charte interdit l’usage de la force armée et impose le règlement des différends par la voie pacifique.

I – La mise “hors la loi” de la guerre

A – L’origine de l’interdiction

Le droit international classique (16e au 18e siècle) n’a jamais restreint le recours à la guerre : les États jugeaient seuls si la guerre était envisageable ou pas.
Jusqu’à l’adoption du pacte de la Société des Nations, la guerre est vue comme une manifestation normale de la souveraineté des États.

On faisait néanmoins la distinction entre la guerre dite “juste” et la guerre “injuste” : les guerres “injustes” sont celles déclenchées par surprise, sans déclaration de guerre.

La Convention de La Haye de 1907, aussi dite “Convention Drago-Porter”, constitue une première tentative de limitation du recours à la guerre.
La limitation du recours à la force ne s’applique cependant pas si l’État débiteur refusait les modes de règlement pacifiques des différents.

Lorsque le Pacte de la Société des Nations est établi en 1919, les États ne sont pas encore prêts à restreindre de manière drastique l’usage de la force armée dans les relations internationales.
Seules certaines guerres sont expressément considérées comme illicites (ce qui signifie que les autres demeurent licites) :
> les guerres d’agression ;
> le recours à la force armée lorsque les différends n’ont pas été soumis à une procédure de règlement pacifique des différends.

La mise hors la loi ne résulte pas du pacte de la Société des Nations en tant que tel ; le pas décisif en la matière est le Pacte de Paris de 1928, en vigueur depuis 1929, souvent appelé Pacte Briand-Kellogg.
Il réunit quasiment tous les États et est donc quasiment universel.

Dans ce traité, les États renoncent à recourir à la guerre en tant qu’instrument de politique extérieure.
→ les États renoncent à leur possibilité de faire la guerre

Sa sanction et son efficacité n’ont pas été garanties → Seconde Guerre mondiale.

Il faut attendre l’épreuve de la Seconde Guerre mondiale pour que soit explicitement affirmée une interdiction générale du recours à la force armée dans les relations internationales.
Son fondement juridique se trouve à l’article 2 paragraphe 4 de la Charte des Nations Unies :
”Les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations unies.”

L’affirmation de cette prohibition générale s’accompagne de l’obligation de régler pacifiquement les différends.

On peut formuler 2 remarques :

  1. La notion de “force” est plus forte que celle de “guerre” (qui n’est pas mentionnée), mais il apparaît au vu du comportement des États qu’elle recouvre la notion de force armée, et non les contraintes économiques ou psychologiques.
  1. Cet article ne s’applique pas uniquement à l’usage de la force armée ; il recouvre l’hypothèse de la guerre, mais pas uniquement : “la menace”.
    + “de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies” : sous-entend qu’il y a des hypothèses d’emploi de la force qui sont compatibles avec les buts des Nations Unies.

Dans l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua de 1986, la CIJ a considéré qu’il y avait bien lieu de distinguer entre les formes les plus graves de l’emploi de la force armée et les autres modalités moins brutales.
→ la notion de force ne se résume pas uniquement à un acte d’agression armée

Cette prohibition établie par l’article 2 paragraphe 4 a une valeur coutumière et est une norme impérative. Si un État ne respecte pas ces interdictions, il verra sa responsabilité internationale engagée.

Les situations établies à la suite d’un recours à la force armée sont considérés comme nulles et non avenues ; la résolution 2625 de l’AGNU (💡 qui énonce les principes structurants de l’ordre juridique international) établit une obligation de non-reconnaissance qui s’impose aux États tiers.
Idée : les États n’ont pas le droit de maintenir ou de conforter la situation qui a été créée de manière illicite.

L’article 2 paragraphe 3 de la Charte édicte une obligation de règlement pacifique des différends.
”règlent leurs différents” : présent de l’indicatif → obligation.
Le Pacte Briand-Kellogg (1928) énonçait déjà la nécessité d’un règlement pacifique des différends.

B – Le libre choix du mode de règlement pacifique des différends

Les États ont la liberté de choisir le mode de règlement pacifique qu’ils estiment le plus approprié.

Le mode de règlement juridictionnel constitue une solution imposée.
Le mode de règlement diplomatique constitue une solution négociée.

1) Les modes diplomatiques

L’article 33 de la Charte des Nations Unies évoque différents modes diplomatiques de résolution des conflits :

  1. La négociation est le mode le plus utilisé ; elle constitue une obligation coutumière en droit international. Les discussions ont lieu directement entre les parties au litige (ne fait pas intervenir un tiers).
  1. La conciliation, la médiation, les bons offices impliquent l’intervention d’un tiers.
    Dans la médiation, le tiers a davantage un rôle dans la solution.
    La conciliation se fait de manière plus institutionnalisée.
  1. L’enquête vise à établir des faits.

Il n’y a pas de hiérarchie au niveau temporel : rien n’empêche les parties de saisir un juge international tout en continuant à négocier en même temps.
→ la distinction entre modes juridictionnel et diplomatique peut être brouillée

Ces modes de règlement diplomatique peuvent aussi intervenir sous les hospices des organisations internationales.

2) Les modes juridictionnels

Les États peuvent, pour régler leurs différends, faire intervenir un tiers, qui a le pouvoir de donner une décision qui aura autorité de chose jugée.

L’arbitrage a longtemps prévalu. Il laisse aux États la liberté de choisir les arbitres, la procédure et le droit applicable.

L’apparition des juridictions internationales permanentes est liée à l’institution des organisations internationales.
Elles se sont considérablement développées, notamment dans certaines branches matérielles du droit international public.

La liberté de choix est fixée à l’article 33 de la Charte.
L’article 33 indique aussi que le Conseil de sécurité de l’ONU peut inviter les parties à régler leurs différends et suggérer un moyen.

Section 2 : L’exception prévue par la Charte des Nations Unies : le cas de légitime défense

I – Le droit de légitime défense des États prévu par la Charte

Le droit de légitime défense a une valeur coutumière en droit international. La légitime défense est inhérente à tout système juridique.
Ses conditions ont pu être développées par la jurisprudence.

L’article 51 (au sein du chapitre 7) de la Charte établit le droit de légitime défense.
L’ajout de cet article a été négocié par les autres États qui n’étaient pas membres permanents du Conseil de sécurité et qui avaient une confiance limitée dans l’efficacité du système de sécurité collective.
Il s’agit d’une exception au monopole du recours à la force armée du Conseil de sécurité → a une importance significative.

L’expression “droit naturel” témoigne de l’importance accordée à ce droit.
Idée : ce droit existe indépendamment de toute consécration conventionnelle ou coutumière.
Dans l’affaire sur les activités militaires au Nicaragua (qui traite du recours à la force armée), la CIJ a considéré que l’expression “droit naturel” impliquait l’existence d’un droit coutumier de légitime défense.

Cette légitime défense peut s’exercer individuellement, mais aussi collectivement : un État victime d’un acte d’agression peut l’exercer seul, ou demander le concours d’autres États.
Exemple : l’Ukraine a sollicité en 2022 l’aide d’autres États ou organisations régionales dans sa légitime défense (qui n’ont pas répondu par l’affirmative).

A – Les conditions du recours à la légitime défense

1) Les conditions énoncées à l’article 51 de la Charte

La mise en œuvre du droit à la légitime défense n’est pas conditionnée à l’autorisation du Conseil de sécurité, puisqu’il s’agit d’un “droit naturel”).
Il y a quand même une condition de nature procédurale : l’État est dans l’obligation d’informer immédiatement le Conseil de sécurité.

Il y a une condition matérielle : la constatation d’une “agression armée” d’une certaine gravité.

Cette légitime défense doit être provisoire : “jusqu’à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales”.

2) Les précisions apportées par les organes de l’ONU

Le terme “agression armée” n’est pas précis.
Il peut paraître étonnant qu’une notion aussi importante n’ait pas été définie jusqu’à l’adoption par consensus le 14 décembre 1974 de la résolution 3314 “Définition de l’agression”.
Cette résolution donne une liste non exhaustive de ce qui constitue un crime d’agression.

La coutume est venue encadrer ce recours à la légitime défense, en posant des conditions qui ont été constatées par le juge international.
Dans l’affaire sur les activités militaires au Nicaragua, la CIJ a rappelé le 27 juin 1986 que le recours à la légitime défense était soumis aux conditions de proportionnalité et de nécessité.

B – L’interprétation extensive des conditions du recours à la légitime défense par les États dans le cadre de la lutte contre le terrorisme transnational

1) La condition relative à l’auteur de l’agression

Quand l’acte d’agression est commis par une personne privée (acte terroriste), les États font usage de leur droit de légitime défense.
Cette interprétation n’est pas conforme à la résolution 3314, ni à l’interprétation de la CIJ dans l’affaire Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (2004), selon laquelle l’agression armée doit correspondre à l’emploi de la force armée par un État.

Dans sa résolution 1368 de 2001, le Conseil de sécurité qualifie les menaces terroristes de menaces à la paix et à la sécurité collective, mais reconnaît aussi le droit à la légitime défense.

Dans sa résolution 2249 de 2015, adoptée à la suite des attentats terroristes en France, le Conseil de sécurité “demande aux États membres qui ont la capacité de le faire de prendre toutes les mesures nécessaires […] en vue de prévenir et de faire cesser les actes de terrorisme”.
Enjeu : court-circuiter le système de sécurité collective.

2) La condition relative à la survenance de l’agression

Les États-Unis et Israël ont invoqué un droit de légitime défense préventive, qui n’est autorisé ni par les conditions posées par l’article 51 ni par la coutume internationale.

II – Les autres exceptions invoquées par les États, non prévues par la Charte

A – L’intervention militaire humanitaire

L’intervention d’humanité a pu être invoquée dès le 19e siècle, pour permettre aux grandes puissances européennes de l’époque d’intervenir dans un pays étranger pour protéger leurs ressortissants qui y résidaient.

Elle prend aujourd’hui la forme de l’intervention humanitaire, qui consiste à intervenir pour protéger toute population civile contre un État territorial qui commettrait des exactions à son encontre.

L’intervention humanitaire n’est parfois qu’un prétexte qui dissimule mal des objectifs politiques.
Exemple : l’intervention russe en Ukraine (2022).
La CIJ est claire : dans son arrêt de 1949 dans l’affaire du détroit de Corfou, elle affirme que “le droit d’intervention ne saurait trouver aucune place dans le droit international”.
→ la licéité de telles interventions n’est pas admise, même si la pratique n’est pas encore arrêtée

Faute de consentement de l’État sur le territoire duquel elle se déploie, l’intervention est condamnable, dans la mesure où elle porte atteinte à la souveraineté de l’État.

⚠️ Il faut distinguer l’intervention militaire humanitaire de l’assistance humanitaire.
L’assistance humanitaire, qui consiste en l’envoi de secours privés ou publics auprès de populations victimes de situations d’urgence, ne met pas en jeu la force armée.
Si une partie de la doctrine a pu parler de “droit d’ingérence humanitaire”, la qualification est impropre, puisqu’il s’y a accord de l’État territorial, il n’y a pas d’ingérence.
L’assistance humanitaire n’est pas non plus subordonnée à la nationalité des personnes secourues.

Dans la résolution 43/131 relative à l’assistance humanitaire en cas de catastrophes naturelles et de situations d’urgence du même ordre, l’AGNU a invité les États concernés à en faciliter la mise en oeuvre.

L’AGNU conditionne l’assistance :
> à l’existence d’un cas d’urgence
> à l’accord préalable de l’État du territoire sur lequel l’assistance se déploie
> à l’action prioritaire des ONG et organisations internationales plutôt que celle des États
> à une intervention uniquement à titre subsidiaire (lorsque l’État affecté ne peut pas intervenir)
→ il n’y a pas de droit d’ingérence humanitaire

La résolution 44/100 vise à consacrer l’établissement de pouvoirs d’urgence humanitaire.

Dans un rapport de 2001, la Commission internationale indépendante de l’intervention et de la souveraineté des États établit la “responsabilité de protéger”.
Idée : c’est à l’État territorial de protéger sa population civile ; un État n’est pas seul maître chez lui, sa souveraineté ne lui permet pas de faire ce qu’il veut : il a l’obligation de respecter le droit international des droits de l’homme.

C’est à la communauté internationale d’intervenir quand l’État territorial est défaillant.
→ La responsabilité de protéger contribue à la redéfinition de la souveraineté : elle ne consacre pas un droit d’ingérence pour les États tiers, mais une obligation pour l’État de protéger sa population civile.

Dans l’hypothèse où un État contreviendrait aux obligations qui lui incombent, cette responsabilité de protéger reviendrait à la communauté internationale, qui pourrait alors le sanctionner, mais uniquement via le Conseil de sécurité sur la base du chapitre 7 de la Charte.

B – L’intervention militaire sollicitée

On parle d’intervention militaire sollicitée quand un État intervient militairement à la demande d’un autre État, dans l’hypothèse où il est confronté à des difficultés internes.
Idée : tant que cette sollicitation ne vise pas à porter atteinte à l’intégrité de l’État, elle n’est pas interdite.

L’intervention sollicitée soulève néanmoins de nombreuses interrogations, puisque la sollicitation d’un État ne peut pas rendre une intervention armée licite au regard du droit international.
Exemple : le droit international n’autorise pas les États à solliciter l’assistance militaire dans le contexte des guerres civiles (c’est contraire aux droits des peuples à disposer d’eux-mêmes).

Toutefois, il en va différemment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
Exemple : l’opération Serval, menée par la France au Mali en 2013, avait permis à la France d’intervenir sur le sol malien pour soutenir le gouvernement dans sa lutte contre les mouvements terroristes. À la demande du gouvernement malien, la France est intervenue militairement sur le territoire de cet État tiers.

Il est important d’essayer de limiter les hypothèses du recours à la force, dans l’intérêt de la communauté internationale.
Le recours à la force armée reste le monopole du Conseil de sécurité.

Chapitre 4 : La réalisation du droit international public

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Comme en droit interne, il existe dans l’ordre juridique international des mécanismes qui permettent de contrôler l’application des normes et de sanctionner leur non respect.

En raison de sa structure décentralisée et horizontale, les sanctions et contrôles sont dévolus aux États, qui apparaissent donc juges et parties.

Aujourd’hui, en réalité, malgré l’essor des organisations internationales et des juges internationaux, les États restent les instances privilégiées de contrôle et de sanction du droit international.

Section 1 : Les États, principaux garants du respect du droit international

Le droit international a force obligatoire, en vertu du principe pacta sunt servanda prévu à l’article 26 de la Convention de Vienne sur les traités.
En cas de non respect de leurs engagements internationaux, les États engagent leur responsabilité internationale.

Le Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite de la Commission du droit international (2001) définit un fait internationalement illicite comme un comportement qui consiste en une action ou une omission attribuable à l’État et qui constitue une violation d’une obligation internationale de l’État.

L’article 29 du Projet d’articles établit le maintien de l’obligation d’exécuter l’obligation internationale violée.
L’État doit également réparer le préjudice causé par le fait internationalement illicite ; cette réparation doit être intégrale (exigence posée en 1927 par la CPJI dans l’affaire de l’usine de Chorzow).

Les États sont à la fois juges et parties : ils sont juges de leur propre comportement comme du comportement des autres États.
L’État apprécie pour lui-même s’il agit dans le respect de ses engagements internationaux et si les États tiers en font de même.

Lorsqu’un État juge qu’un État tiers ne respecte pas ses engagements internationaux, de quels moyens dispose-t-il pour amener l’autre État à son conformer à ses obligations internationales ?

  1. L’exception d’inexécution, qui ne fonctionne que pour les obligations conventionnelles, est une exception à la règle pacta sunt servanda.
    Idée : la violation par un État de ses obligations conventionnelles peut justifier la non-exécution du traité.
  1. La non reconnaissance : les États disposent d’un pouvoir discrétionnaire pour reconnaître, mais il existe une obligation de non reconnaissance d’une situation illicite.
  1. Les sanctions unilatérales ou décentralisées : les États peuvent décider de recourir à des sanctions contre un État qui ne se conformerait pas à ses engagements internationaux.
    Problème : la détermination de la licéité internationale est subjective ; la décision de recourir ou non à une sanction dépend de l’État et de son appréciation de la situation.

Le recours à de telles mesures présentent des risques de déstabilisation ou d’escalade du conflit.
Leur utilisation est donc encadrée par le droit international.

I – Le recours aux sanctions unilatérales en cas de violation du droit international : le pouvoir discrétionnaire des États

Le recours aux sanctions est reconnu par le droit international comme un moyen d’amener l’État responsable à s’acquitter de ses obligations internationales.

La sentence arbitrale dans l’affaire de l’accord relatif aux services aériens (1928) affirme clairement le droit d’un État de faire respecter son droit par des “contre-mesures” (= sanctions).

Ces sanctions ont un caractère subjectif (c’est l’État qui apprécie pour lui seul si l’autre État est en violation de ses engagements) et aléatoire (c’est l’État seul qui décide ou non d’adopter des sanctions, sans obligation).

Le recours aux sanctions économiques est principalement l’apanage des grandes puissances, parce que l’effet des sanctions est tributaire du poids économique de l’État.

II – Le choix des sanctions unilatérales en cas de violation du droit international : le pouvoir conditionné des États

Si l’État peut recourir aux sanctions unilatérales, le choix de la sanction est encadré par le droit international public.

A – Panorama des sanctions unilatérales

À partir de l’exemple des sanctions adoptées par l’UE contre la Russie.

On constate un recours croissant aux sanctions depuis la fin de la guerre froide, notamment dans le contexte de blocage du Conseil de sécurité de l’ONU.
Les États-Unis, précurseurs en la matière, recouraient aux sanctions dès les années 1950.

Il faut distinguer les sanctions économiques unilatérales des sanctions collectives.
Exemple : les mesures coercitives adoptées par le Conseil de sécurité sont des sanctions collectives/centralisées.
Les États peuvent adopter des sanctions :
> soit à l’initiative des Nations Unies ;
> soit de leur propre initiative.

L’Union européenne distingue 3 types de “mesures restrictives” (= sanctions) :

  1. Les sanctions onusiennes, qui sont adoptées par le Conseil de sécurité ;
  1. Les sanctions mixtes, qui permettent un renforcement des sanctions onusiennes (l’UE ajoute) ;
  1. Les sanctions autonomes, qu’elle adopte de sa propre initiative.

L’UE considère que les “mesures restrictives” sont un outil de sa politique étrangère.
Les objectifs recherchés sont multiples ; voir Sanctions: comment et quand l’UE adopte des mesures restrictives – Consilium (europa.eu).

Les sanctions unilatérales ont soit un objet thématique (visent des États en particulier, ou toutes les personnes qui participent à la commission de violations), soit un objet géographique.
Elles peuvent cibler aussi bien les États et leurs dirigeants que des entités non étatiques (personnes morales ou physiques). On parle de “sanctions ciblées” lorsqu’elles visent des personnes privées.

Les sanctions extraterritoriales sont des sanctions pour lesquelles il n’y a aucun lien de rattachement personnel ou territorial. Elles permettent de sanctionner toute personne ou entité engagée dans certaines relations économiques avec ces États dits ennemis, peu importe qu’il y ait ou non compétence personnelle ou territoriale.

Il s’agit avant tout d’une pratique étatsunienne, mais certains États tels que la Chine y ont aussi recours.
Ce champ d’application extrêmement large inquiète l’Union européenne et certains États membres des Nations Unies.

B – Le droit de recourir à des mesures de rétorsion et à des contre-mesures

1) La notion de mesure de rétorsion

Les mesures de rétorsion sont des mesures qui sont inamicales, mais qui sont intrinsèquement licites. Elles ne sont pas contraires aux obligations internationales des États.

Exemple : le fait, pour un État de rappeler son ambassadeur accrédité auprès d’un État tiers, pour protester contre les agissements de ce dernier (parfaitement licite au regard du droit international).

2) La notion de contre-mesures

Les sanctions économiques (embargo, boycotts, discriminations tarifaires…) posent d’avantages de problèmes : elles peuvent contrevenir aux règles de droit international économique, telles que les traités bilatéraux d’amitié et de commerce, les traités de libre-échange, etc., qui favorisent la circulation des biens, des services et des personnes.
Ces sanctions économiques peuvent-elles constituer des contre-mesures ?

Les contre-mesures sont des réactions intrinsèquement illicites, mais dont l’illicéité serait exclue en raison même qu’elles répondent à un fait internationalement illicite.
→ elles deviennent licite parce qu’elles répondent à certaines conditions

L’article 51 du Projet d’articles énonce les conditions cumulatives suivantes :

  1. Une mesure adoptée par un État lésé en réponse à un fait internationalement illicite préalable
    Il faut qu’il y ait un fait internationalement illicite commis par un État, pour qu’ensuite un État lésé décide de réagir en adoptant une mesure illicite pour que ce fait cesse.
  1. Une mesure proportionnée au préjudice subi
    Dans l’affaire concernant l’accord relatif aux services aérien du 27 mars 1946, l’arbitre international affirme que “les contre-mesures ont pour objet de reconstituer l’égalité entre les parties…”.
  1. Une mesure limitée dans le temps
    Les contre-mesures doivent cesser dès l’instant où l’État auteur du fait internationalement illicite s’est acquitté de ses obligations internationales.
  1. Une mesure limitée dans son objet
    L’article 50 du Projet d’articles de la CDI dresse une liste d’obligations auxquelles les contre-mesures ne peuvent pas déroger :

    1. L’obligation de ne pas recourir à la menace et à l’usage de la force
      → une contre-mesure est non armée
    1. Les obligations de protection des droits fondamentaux de l’homme
    1. Les obligations de caractère humanitaire
    1. Les autres obligations qui découlent des normes impératives du droit international général

Enjeu : l’État ne voit pas sa responsabilité engagée au motif qu’il aurait entrepris une action internationalement illicite.
Les contre-mesures forment un contentieux important devant la CIJ, chargée de juger de la licéité des sanctions unilatérales entre États.

Exemple : l’Iran saisit la CIJ de 16 juillet 2018 pour contester la licéité des sanctions américaines réintroduites en mai 2018 par le président Donald Trump après son retrait de l’accord sur le nucléaire iranien (2015).
Pour l’Iran, il s’agit d’une violation du traité d’amitié et de commerce signé dans les années 1990 entre les 2 États.

C – L’interdiction de recourir à des mesures de représailles

Les mesures de représailles sont les mesures qui n’ont pas revêtu la qualification de contre-mesures, et qui restent donc illicites au regard du droit international.

Exemples : sanctions unilatérales armées, sanctions qui contreviennent aux obligations qui concernent les droits fondamentaux de l’homme, aux normes impératives du droit international général, etc.

Section 2 : Les organisations internationales et le juge international, autres garants du respect du droit international

Ces organisations ne sont pas totalement détachées des États, dans la mesure où leurs compétences leur ont été attribuées par les États.

I – La centralisation des mécanismes de contrôle et de sanction de la violation du droit international au sein des organisations internationales

A – L’attribution de pouvoirs de contrôle aux organisations internationales

Les organisations internationales sont en charge de contrôler l’application par les États membres de leurs engagements juridiques, qu’ils soient inclus dans leurs actes constitutifs ou dans leurs droits dérivés.
Ce contrôle est confié à des organes intergouvernementaux ou à des organes intégrés de l’organisation internationale.

Elles disposent de 3 moyens de contrôle :

  1. Prévoir la communication de renseignements et la soumission de rapports par les États membres
    Objectif : vérifier que les politiques des États membres sont en conformité avec leurs engagements internationaux.
    Cette exigence de communication est très fréquente dans le domaine économique ; exemple : OMC, OCDE.
  1. Pouvoirs d’enquête et d’inspection sur place
    Offre la possibilité à un État membre de déclencher une inspection internationale contre un autre État membre s’il est suspecté de ne pas respecter ses engagements internationaux.
    Exemple : l’OIAC (Organisation pour l’interdiction des armes chimiques) est aussi chargée de veiller à l’application par les États membres de la Convention ; elle dispose pour cela de pouvoirs d’enquête et d’inspection sur place.
  1. Contrôle juridictionnel ou quasi juridictionnel
    Certaines organisations internationales disposent d’organes intégrés en charge d’exercer un contrôle juridictionnel à l’égard de leurs États membres.

    1. Exemple : Union européenne, une organisation régionale, a prévu dans son acte constitutif l’institution d’une Cour de justice de l’UE, qui est compétente pour veiller au respect de la législation européenne par les États membres et par les institutions de l’UE.
    1. Exemple : l’ONU, une organisation universelle, a prévu dans sa Charte l’institution de la Cour de justice internationale (chapitre 14).

    Ces organes juridictionnels ou quasi juridictionnels peuvent également être institués par des traités conclus par des États membres sous l’égide d’une organisation internationale.
    C’est notamment le cas dans le cadre de la protection régionale et internationale des droits de l’homme. Exemple régional : la Cour européenne des droits de l’homme, qui peut être saisie de requêtes individuelles comme interétatiques, a été instituée par la Convention européenne des droits de l’homme entre les États membres du Conseil de l’Europe.
    → la CEDH trouve son fondement dans un texte conventionnel

    Autre exemple : le Comité des droits de l’homme, organe quasi juridictionnel qui ne rend que des recommandations, a été institué par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
    ⚠️ Ce n’est pas un organe juridictionnel, mais quasi juridictionnel : il est composé d’experts et peut recevoir des plaintes qui émanent d’États parties ou de personnes privées qui seraient victimes d’une violation de droits reconnus dans le Pacte.

B – L’attribution de pouvoirs de sanction aux organisations internationales

Une organisation internationale peut être habilitée à adopter des sanctions à l’égard de ses États membres qui n’exécuteraient pas leurs engagements internationaux découlant de leur adhésion à l’organisation.

Les États peuvent doter l’organisation internationale d’un pouvoir de sanction dans son acte constitutif.
Ces sanctions sont adoptées par un organe de l’organisation, et non par les États membres individuels, c’est pourquoi on parle de sanctions collectives.

Exemple : l’Union européenne peut être dotée d’un pouvoir de sanction.
Exemple : l’article 23 de l’acte constitutif de l’Union africaine prévoit la faculté pour la conférence d’adopter des sanctions institutionnelles contre tout État membre qui ne respecterait pas ses engagements budgétaires, ainsi que la faculté d’adopter des sanctions politiques et économiques contre tout État membre qui ne respecterait pas les décisions politiques de l’union.

Exemple : au plan universel, le Conseil de sécurité des Nations Unies est investi d’un pouvoir de sanction, dans le cadre du chapitre 7 de la Charte des Nations Unies, qui institue un système de sécurité collective sous l’égide du Conseil de sécurité.

Ces sanctions collectives prennent des formes plus ou moins coercitives.

  1. Les sanctions institutionnelles désignent la possibilité, pour une organisation internationale, de priver un État membre de ses droits ou de sa qualité d’État membre (= suspension ou exclusion).
    Elles interviennent généralement en cas de violation des engagements financiers ou des valeurs de l’organisation.

    1. Exemple : 26 ans après son adhésion, la Russie a quitté le Conseil de l’Europe, après avoir été suspendue sur la base de l’article 8 du Statut du Conseil de l’Europe.
    1. Exemple : l’Union africaine a suspendu le Mali, la Guinée, le Soudan et le Burkina Faso, parce que ce sont des régimes qui ont fait l’objet de coups d’état militaires (motif : changements inconstitutionnels de régime).
  1. Les sanctions économiques ou politiques peuvent être prises par les organisations internationales qui interviennent dans le domaine du maintien de la paix.
    1. Ces organisations peuvent aussi adopter des sanctions vis-à-vis d’États tiers ; par exemple, la Russie est visée par des sanctions de l’Union européenne.
    1. Ces sanctions adoptées par les organisations internationales peuvent viser des États, mais aussi prendre la forme de sanctions ciblées ; par exemple, le Conseil de sécurité de l’ONU adopte des régimes de sanctions, dont la plupart concernent des États, mais certaines personnes privées sont aussi visées (ex : Daesh).
  1. Les sanctions militaires.

II – Focus : la contestation de la violation du droit international devant le juge international

Le juge international est toute institution investie par les États du pouvoir de juger, c’est-à-dire de trancher un litige en toute impartialité par une décision obligatoire sur le fondement du droit international.
Intérêt : avoir une dénomination objective de la légalité internationale.

Le juge international peut être institué par l’acte constitutif d’une organisation internationale (exemple : Cour internationale de justice) ou par un traité (exemple : CEDH).

Il peut être :

  1. Un organe arbitral, avec un caractère ad hoc : le juge va être saisi pour un litige spécifique, mais il n’a pas d’existence permanente ;
  1. Un organe judiciaire, avec un caractère permanent.

Le juge international apparaît aujourd’hui comme une figure importante, bien que non obligatoire.
Il faut qu’il soit saisi par les États (→ ces derniers doivent accepté sa compétence).
Les États peuvent décider de saisir le juge international en cas de différend, mais il faut que tous les États parties aient consenti à sa compétence.

Historiquement, on a d’abord vu le règlement arbitral des litiges interétatiques.
Le règlement judiciaire s’est ensuite développé, même s’il présente moins de libertés pour les États, avec la mise en place croissante d’organisations internationales et la multiplication des juridictions internationales à caractère permanent.
→ juridictionnalisation du droit international

La Cour internationale de justice est la seule juridiction internationale universelle à compétence générale.
Elle a succédé à la CPJI, qui était l’organe judiciaire principal de la Société des Nations.
⚠️ Ne pas confondre la CIJ et la CPI : la CIJ ne juge que les États et la CPI que les individus.

A – Les fonctions et pouvoirs du juge international

Le juge international peut exercer une fonction contentieuse et/ou consultative.
La CIJ est investie de ces 2 fonctions, avec comme objectif la pacification des relations internationales.

1) Dans le cadre de l’exercice de sa compétence contentieuse

La CIJ tranche les différends juridiques entre les États conformément aux règles de droit international. Elle définit de manière objective la licéité des situations internationales.
Elle ne juge que des États, et seuls des États peuvent la saisir → les individus et les organisations internationales n’ont pas qualité pour agir devant elle.

L’article 36 de son statut dispose qu’elle est compétente pour trancher tous les différends d’ordre juridique ayant pour objet :

  1. L’interprétation d’un traité ;
  1. Tout point de droit international ;
  1. La réalité de tout fait qui, s’il était établi, constituerait la violation d’un engagement international ;
  1. La nature ou l’étendue de la réparation due pour violation d’un engagement international.

→ la compétence de la CIJ est générale

La CIJ a été saisie pour trancher des différends très variés.
Elle ne peut pas se prononcer en l’absence de différend.
La CPJI, dans l’affaire des Concessions Mavrommatis de 1924, définit le différend comme un “désaccord sur un point de droit ou de faits, une opposition de thèses juridiques ou d’intérêts entre 2 personnes”.
Le différend doit être né, réel et actuel.

Le juge international peut également juger de différends entre personnes privées et États, notamment en droit international des droits de l’homme.
Depuis le protocole n°11, la CEDH peut être saisie de différends mixtes, si :
> épuisement des voies de recours interne
> respect des délais
> existence d’un préjudice important pour le requérant
> le requérant est directement victime de la violation d’un droit contenu dans la Convention

2) Dans le cadre de sa compétence consultative

La CIJ peut aussi rendre des avis consultatifs (≠ arrêts).
L’AGNU et le Conseil de sécurité peuvent poser toute question juridique à la Cour.

Ces avis n’ont aucune force obligatoire, mais ils ont une autorité indéniable, parce qu’ils contribuent à éclairer et développer le contenu du droit international.
Exemple : dans l’affaire Réparation des dommages subis au service des Nations Unies de 1949, la CIJ établit que l’ONU possède la personnalité juridique internationale.

B – Le recours au juge international

Le recours à un juge international est facultatif : il est subordonné au consentement des parties à la juridiction, en raison de l’égalité souveraine des États.

1) Le principe de la juridiction facultative

Lorsqu’un litige survient, les États peuvent décider de saisir le juge par un compromis pour régler leur litige. Ce compromis précise l’objet du litige que le juge international sera dans l’obligation de trancher. Il constitue un traité au regard du droit international.
→ formalise le consentement des États dans un instrument conventionnel

Devant la CIJ, le compromis constitue l’un des fondements de compétence de la Cour.
La CIJ admet aussi un autre fondement de compétence, où le consentement de l’État demandeur est reconnu de manière explicite après le dépôt de la requête : forum prorogatum.

2) L’exception de la juridiction obligatoire

Il arrive que des États consentent, avant la survenue de tout litige, à la compétence du juge international pour régler des catégories de litiges qu’ils ont préalablement défini.
Ce n’est pas une exception au consensualisme, puisque l’État demandeur a bien consenti à la compétence du juge (avant la survenue du litige).

Exemple : dans le champ du droit international économique.

Le consentement préalable à la juridiction est contenu :
> soit dans une clause compromissoire contenue dans un traité
> soit dans un traité dont l’objet serait lui-même la résolution des différends entre États
Exemple : Convention contre la torture, qui prévoit la résolution des litiges par la CIJ.

L’Ukraine a introduit une requête unilatérale devant la Cour, sur le fondement des clauses compromissoires contenus dans les traités auxquels les 2 États sont parties. Elle invoquait notamment la Convention pour la prévention et la répression du génocide de 1948.
L’Ukraine conteste les allégations de l’État russe (utilisées pour justifier l’invasion) selon lesquelles l’Ukraine serait coupable de génocide.
Cela limite l’objet matériel du différend dont est saisie la CIJ, qui porte donc uniquement sur la Convention sur le génocide.

Les États peuvent consentir à la compétence de la CIJ dans un acte unilatéral – c’est l’article 36 de son Statut qui prévoit un tel fondement de compétence.
Un État qui n’aurait pas lui-même accepté la compétence de la Cour ne peut pas attaquer un autre État.
Ces déclarations ont diminué au fil du temps, ce qui illustre la préférence des États pour une justice optionnelle. Aujourd’hui, seul le Royaume-Uni a fait une telle déclaration, mais avec des réserves. Les États-Unis et la France en avaient fait une, mais l’ont retirée en concluant que c’était trop dangereux (1974 pour la France).

Les 4 fondements de la compétence de la Cour sont donc :

Fondements où le consentement survient a priori :

  1. Clause compromissoire au traité
  1. Déclaration d’acceptation

Fondements où le consentement survient a posteriori du litige :

  1. Compromis
  1. Forum prorogatum

Les États continuent de préférer la justice optionnelle : le recours à un juge international (= la détermination objective de la légalité internationale) reste optionnel.

Chapitre 3 : La formation du droit international public

Cliquer ici pour retourner au sommaire du cours.

L’article 38 du Statut de la CIJ énumère les différentes sources que la Cour va appliquer pour régler les différends qui lui sont soumis :
> les conventions internationales (générales ou spéciales)
> la coutume internationale
> les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées (expression vieillie)
> les décisions judiciaires et la doctrine des publicistes les plus qualifiés des différentes nations

Pour les positivistes, le droit n’existe que par la volonté des États.

On remarque que sont absents :
> les actes unilatéraux des États
> les actes unilatéraux des organisations internationales (ex : décisions de l’AGNU / du Conseil de sécurité ; ex : directives et règlements de l’UE)

La CIJ est tenue de les appliquer.

Il existe aussi des instruments dépourvus de force obligatoire (ex : actes concertés non conventionnels).

Section 1 : Les modes de formation du droit international public

I – Le mode volontaire de formation du droit international public

Les sources du droit international qui sont issues de ce mode de formation volontaire sont celles qui émanent directement de la volonté des États / qui découlent d’un processus conscient de création du droit.

Cela implique pour les États de manifester leur volonté à s’engager juridiquement.

Le mode volontaire de formation du droit international public regroupe les traités et les actes unilatéraux.

A – Les traités internationaux

Les traités sont la source la plus formalisée et utilisée du droit international.
Ils peuvent aussi être nommés “convention”, “protocole”, “pacte”…
Ils sont la source la plus formalisée et utilisée du droit international.

Article 2 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 : un traité est un accord international conclu par écrit et régi par le droit international.

La technique du bilatéralisme, issue du système westphalien, a longtemps été la norme.
La technique multilatérale apparaît au Congrès de Vienne de 1815 qui institue le concert européen en établissant les droits et obligations respectives de tous les États parties.

La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, négociée pour approuvée à l’unanimité en décembre 1948 par l’AGNU, illustre cette évolution de la portée des traités.

On relève aussi un développement de l’objet des traités, qui dans les premiers temps du droit international n’avaient pour objet que de renforcer la coopération entre les États.

Le traité est un accord de volonté entre sujets du droit international.
Il est l’expression de la volonté concordante des États.
💡 “sujets du droit international” = pas uniquement les États
→ une organisation internationale peut également conclure un traité

La Cour internationale de justice a affirmé qu’un État ne peut pas, dans ses rapports conventionnels, être lié sans son consentement.
→ incarnation de la doctrine positiviste volontariste

Ce consentement doit être conclu par écrit.
La signature indique que le texte est devenu définitif, mais la ratification est importante. C’est la ratification qui manifeste la volonté définitive de l’État d’être lié par le traité.

La procédure de ratification est propre au droit interne de chaque État, qui va en définir les modalités.
En France, la procédure de ratification est définie par les articles 52 et 53 de la Constitution.

Un traité international est porteur d’effets juridiques. Il crée des droits et des obligations internationales.
L’article 26 de la Convention de Vienne pose le principe pacte sunt servanda (”tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi”).
→ principe d’effet relatif : un traité ne lie que les parties

Il faut distinguer les traités des actes concertés non conventionnels (exemples : communiqués publiés à l’issue du G7/G20 ; textes issus de conférences internationales pour officialiser l’issue d’une discussion ; etc.).

Le droit international prévoit la possibilité d’adopter des réserves.

B – Les actes unilatéraux

Les actes unilatéraux sont adoptés par les États ou les organisations internationales.
Ils constituent un autre mode de formation volontaire de droit international, en permettant de créer des normes et situations juridiques opposables aux tiers sous réserve de certaines conditions établies par le droit international.

1) Les actes unilatéraux des États

Les États peuvent faire valoir leurs intérêts de manière unilatérale dans l’ordre juridique international, par exemple pour prendre position à l’égard d’une situation de faits, pour affirmer qu’ils sont en position d’un droit…
Ces actes vont aussi produire des effets juridiques.

On distingue 3 catégories d’actes unilatéraux :

  1. Les actes unilatéraux qui ont trait à l’exercice de droits souverains : ils sont pris dans l’ordre juridique interne afin d’exercer des compétences conférées par le droit international aux États.
    Exemples : délimitation des eaux territoriales ou de la ZEE, attribution de sa nationalité à une personne physique ou morale, immatriculation d’un navire ou d’un aéronef, déclaration d’embargo ou de guerre…
    Ces actes, qui ont trait à l’exercice de ces droits souverains, permettent à l’État de revendiquer unilatéralement ces droits. Ils prennent le plus souvent la forme d’une loi ou d’un règlement interne, dont la validité dépend de leur conformité au droit international.
  1. Les actes unilatéraux qui ont trait à l’opposabilité d’une situation juridique : ils sont pris dans l’hypothèse où l’État proteste ou reconnaît la validité d’une situation porteuse d’effets juridiques.
    Exemple : pratique de la reconnaissance de l’État : lorsqu’un État reconnaît l’existence d’un autre, cette reconnaissance lui est opposable.
  1. Les actes unilatéraux qui ont trait à la création d’engagements juridiques : ils sont pris par l’État dans l’objectif de renoncer à l’exercice d’un droit, ou pour créer une obligation à son égard.
    On peut parler de “promesse unilatérale” : l’État s’engage à faire ou ne pas faire.
    Exemple : dans l’affaire des essais nucléaires opposant la France à l’Australie devant la CIJ, la France a renoncé par une déclaration à poursuivre ses essais nucléaires dans l’atmosphère.

2) Les actes unilatéraux des organisations internationales

On distingue :

  1. Les actes qui ont pour fonction la régulation interne de l’organisation internationale : on parle d’actes autonormateurs ;
  1. Les actes qui visent à réguler le comportement des États membres : on parle d’actes hétéronormateurs.

Dans la grande majorité des cas, les organes des organisations internationales ont simplement un pouvoir de recommandation.
Le Conseil de sécurité de l’ONU peut néanmoins adopter des résolutions obligatoires pour les membres de l’organisation, au titre de l’article 35 de la Charte des Nations Unies.

L’article 289 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) prévoit 3 types d’actes unilatéraux obligatoires : les règlements, les directives et les décisions du Parlement européen.
Il mentionne également les avis et les recommandations, qui sont des actes unilatéraux mais qui ne créent aucun droit ni obligation pour leurs destinataires.

II – Le mode spontané de formation du droit international public

Dans le mode volontaire de formation du droit international, les normes internationales naissent d’une manifestation expresse de la volonté des États et/ou des organisations internationales.

Dans le mode spontané de formation du droit international, les normes internationales naissent d’un processus empirique fondé sur les répercussions des comportements des membres de la communauté internationale convaincus de respecter une norme.
→ pas formalisées dans un écrit

La difficulté est de les identifier, puisqu’il s’agit de droit non écrit.
Le processus par lequel se forme la norme internationale est invisible.

A – La coutume internationale

La coutume a longtemps été la source principale du droit international.
Exemple : liberté en haute mer, immunité diplomatique…

La coutume s’applique à l’ensemble des membres de la communauté internationale : elle a une portée erga omnes (et non inter partes comme les traités).

Il y a une controverse doctrinale sur le fondement de la coutume internationale :

  1. Selon l’interprétation volontariste, la coutume est le reflet d’un accord tacite ; elle s’impose donc aux États. Elle est une sorte de “traité implicite” entre États.
    Cette interprétation a été consacrée dans l’affaire du Lotus de 1927, dans laquelle la CPJI rappelle le fondement volontariste du droit international.
    Elle est aujourd’hui remise en cause par l’interprétation objectiviste, qui défend le fondement spontané du droit coutumier :
  1. Selon l’interprétation objectiviste, la coutume est avant tout un phénomène sociologique dicté par des nécessités sociales.

Les approches convergent sur ce qu’est la coutume.
Les éléments constitutifs de la coutume sont :

  1. Un élément objectif ou matériel : renvoie à l’existence d’une pratique générale.
    Cette pratique doit être “générale” (et non “universelle” ou “unanime”).
    Problème : à partir de quel seuil peut-on considérer une pratique comme “générale” ?
    Dans l’arrêt du plateau continental de la mer du Nord de 1989, la CPI affirme qu’une pratique très large et représentative peut suffire, à condition toutefois qu’elle comprenne les États particulièrement intéressés à cette pratique.
    Le droit international établit l’existence de coutumes régionales/bilatérales/locales, comme reconnu par la CIJ dans l’affaire du droit de passage sur le territoire indien, qui oppose l’Inde et le Portugal en 1960.
    Il doit exister une forme de continuité dans les comportements → cette pratique doit être répétée.

    Cet élément objectif et matériel est plus simple à démontrer que l’élément subjectif :

  1. Un élément subjectif ou psychologique : renvoie à l’acceptation par les États de cette pratique comme étant du droit (opinio juris).

Les sources spontanées du droit international laissent une grande place à l’interprétation, notamment du juge.
Souvent, en cas de différend, lorsque les États invoquent la violation d’une règle coutumière, le juge doit rechercher si cette coutume existe.

La coutume, à la différence des traités, oblige l’intégralité des États, sans qu’ils n’aient activement participé à sa conception.

La théorie de l’objecteur persistant affirme que seul un État qui n’aurait cessé de s’opposer à l’émergence d’une règle coutumière peut se voir dispensé de l’appliquer.

B – Les principes généraux du droit

Le statut de la CIJ fait référence aux “principes généraux du droit reconnus par les nations civilisées”, qui constituent une source distincte de la coutume.
Ils sont mobilisés par le juge international lorsque la solution au litige ne peut pas être trouvée dans une coutume ou un traité.

Les principes généraux du droit sont des principes communs aux ordres juridiques de droit interne. Tous les États n’ont pas les mêmes traditions juridiques, mais ils ont des principes communs que l’on peut internationaliser.
Exemple : principes en matière de responsabilité internationale.

Les principes généraux du droit international sont des principes qui sont propres à l’ordre juridique international. Ce sont généralement des principes abstraits desquels découlent des normes internationales plus précises, qui pourront être formalisées dans des traités ou donner lieu à l’émergence de règles coutumières.

Ces principes généraux sont par définition abstraits. Ils guident le comportement des États et s’appliquent en l’absence de règles internationales plus précises.

Section 2 : Les dynamiques de formation du droit international public

I – La codification du droit international public

Le processus de codification consiste en le passage d’un droit non écrit à un droit écrit.
De nombreuses normes coutumières se sont vues être codifiées dans des conventions internationales.

La codification a certains avantages :
> elle rend le droit international plus intelligible ;
> elle permet de garantir la sécurité juridique, en figeant le droit international.

C’est la Commission du droit international qui est en charge de la codification des normes coutumières. Elle est composée de 34 experts à la compétence reconnue.
On peut noter son Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite (2001).

II – La fragmentation du droit international public

On constate une dynamique de fragmentation qui concerne les normes du droit international (et non les sources), en raison d’un mouvement de spécialisation croissant du droit international.

Difficulté : certaines règles peuvent entrer en contradiction.
Par exemple, les règles relatives à la libéralisation des échanges internationaux (dans le cadre de l’OMC) sont-elles compatibles avec les règles relatives à l’environnement ? Un État pourrait-il interdire l’entrée de produits fabriqués dans un État tiers au motif qu’ils sont dommageables pour l’environnement ?

La Commission du droit international a proposé une solution fondée sur la Convention de Vienne sur le droit des traités (1969) : la règle spéciale s’applique en priorité sur la règle générale.
+ quand 2 règles contradictoires dans 2 traités sont toutes les 2 des règles spéciales, la règle postérieure s’applique en priorité.

Cette solution ne s’applique que sur les traités auxquels les mêmes États sont parties, elle est donc insuffisante. Pour la Commission du droit international, il est nécessaire d’établir une hiérarchie des normes. Cette hiérarchie des normes ne semble cependant pas envisageable dans le droit international, en raison de l’équivalence des sources.

III – L’objectivisation du droit international public

A – Les normes erga omnes (applicables à tous les États)

Le droit international des droits de l’homme et le droit international humanitaire ont donné naissance à des normes qui doivent être respectées par tous les États.
Ce concept a été reconnu par la Cour internationale de justice, lors de sa décision dans l’affaire Barcelona Traction opposant en 1970 la Belgique à l’Espagne.
Exemple : l’interdiction de commettre un crime d’agression ou un génocide.

B – Les normes impératives

À la suite de la Seconde Guerre mondiale, l’article 53 de de la Convention de Vienne sur les traités mentionne l’existence de normes impératives.
L’apparition de ces normes impératives remet en cause l’équivalence normative en instaurant une hiérarchie entre normes impératives et normes classiques.

Comment définir quelles normes sont impératives ?
Il n’existe pas de liste de normes impératives, mais seulement quelques exemples : l’interdiction du recours à la force, l’auto-détermination des peuples, le caractère sacré de la personne humaine…

Les États ont refusé de consacrer ces normes impératives, laissant le soin aux juridictions internationales de déterminer le contenu de cette notion.
La CIJ a longtemps refusé d’admettre leur existence, avant de consacrer cette notion en 2006 dans l’affaire des activités armées sur le territoire du Congo, en affirmant que l’interdiction du génocide est une norme impérative.
La CIJ ne tire cependant aucune conséquence juridique de cette qualification de norme impérative, parce qu’elle a un rôle juridictionnel, et non politique.
→ elle ne souhaite pas entrer dans une logique de hiérarchisation, pour éviter les critiques des États

Si la notion de norme impérative participe au phénomène d’objectivisation du droit international public, elle n’a pas remplacé sa logique horizontale et intersubjective.

Chapitre 2 : Les acteurs non-étatiques, sujets en devenir du droit international public

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Section 1 : L’affirmation de l’individu sur la scène internationale

La société westphalienne (composée d’États souverains) ne reflète plus la réalité des relations internationales.

Traditionnellement, les individus sont des sujets des ordres juridiques internes aux États.
La question de savoir si l’individu est ou non un sujet de droit international est une question très controversée en doctrine.

Le courant dominant considère que le droit international est produit par et pour les États.
→ l’individu est absent de la société internationale
→ l’individu peut être un objet du droit international

Pour le courant objectiviste, l’individu est un sujet de droit international.

Dans son avis du 3 mars 1928 dans l’affaire de la compétence des tribunaux de Dantzig, la CPJI affirme : “un accord international ne peut comme tel créer directement des droits et des obligations pour des particuliers”, parce qu’un accord est conclu entre États.

Mais la CPJI précise ce principe : rien n’empêche les États de créer des droits et des obligations au profit des individus, par le biais de règles internationales.
→ des instruments internationaux peuvent s’adresser directement aux individus

Il faut néanmoins que ces derniers puissent se prévaloir de ces droits ou en répondre sur la scène internationale.

I – L’individu, destinataire de droits internationaux

Cette section est fondée sur l’exemple du droit international des droits de l’homme.

A – La reconnaissance internationale des droits de l’homme

Les droits de l’homme sont les droits et libertés inhérents à la dignité de la personne humaine.
Ils sont consacrés dans des conventions internationales à dimension universelle ou régionale.

1) L’adoption de textes à vocation universelle

La Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée le 10 décembre 1948, donne un coup d’envoi au processus d’internationalisation des droits de l’homme.

Il existait 2 textes antérieurs :

  1. La déclaration du président Roosevelt du 6 janvier 1941 sur “les 4 libertés” : la liberté d’expression, la liberté de religion, la liberté de vivre à l’abri du besoin, la liberté de vivre à l’abri de la peur (= guerre).
  1. La Charte des Nations Unies, qui constitue un tournant philosophique important, dans la mesure où elle investit les membres des Nations Unies de la charge de protéger ces droits (les États se doivent de les respecter sur leurs territoires).

La DUDH n’a pas débouché sur l’adoption d’un traité internationale, parce que les États n’avaient pas les mêmes visions des droits de l’homme.

Naissance de 2 instruments à vocation universelle sous l’égide des Nations Unies :

  1. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) : couvre les droits “de première génération” (droits et libertés classiques).
  1. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) : couvre les droits “de seconde génération” (libertés des individus).

Le Comité des droits de l’homme de l’ONU a été créé en 1976 pour s’assurer du respect du PIDCP.
⚠️ Comité des droits de l’homme ≠ Conseil des droits de l’homme

Il n’existe pas de 3e pacte dédié à la protection des droits “de troisième génération” (à un environnement sain, au développement, à la paix), mais un projet de Pacte mondial pour l’environnement a été présenté en 2017.

Le 10 mai 2018, l’AGNU a adopté une résolution qui lance les négociations entre les États vers l’adoption d’un Pacte mondial pour l’environnement.
Mais problème : les négociations patinent. Il est peu vraisemblable qu’elles aboutissent sur un instrument contraignant.

2) L’adoption de textes à vocation régionale

La Convention européenne des droits de l’homme, signée par les États membres du Conseil de l’Europe en 1950, en vigueur depuis 1953.

L’Union Européenne s’est dotée en décembre 2000 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE, qui a la même valeur juridique que le droit primaire de l’UE.

L’Organisation des États américains (OEA ou OAS) a adopté la Convention américaine relative aux droits de l’homme.

L’Organisation de l’unité africaine (prédécesseur de l’Union africaine) a adopté la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

Ces textes régionaux suscitent le débat sur la question de l’universalité des droits de l’homme.

B – Les mécanismes internationaux de protection des droits de l’homme

1) La réclamation internationale de l’État de nationalité de l’individu (protection médiate)

Dans l’hypothèse de la réclamation internationale de l’État de nationalité, l’individu agit sur la scène internationale par l’intermédiaire de l’État dont il est le ressortissant.
La protection est opérée par l’intermédiaire de l’État.

Peu importe que l’individu lésé soit sur le territoire de l’État, il faut juste que l’individu ait sa nationalité.

L’État endosse la réclamation individuelle de son ressortissant, qui est transformée en une entre 2 États.

Arrêt du 30 août 1924 dans l’affaire Mavrommatis : la CPJI définit la protection diplomatique, qui “autorise l’État à protéger ses nationaux lésés”.

Les États peuvent avoir recours à un juge international.
La CIJ s’est prononcée sur la protection diplomatique dans 2 affaires importantes des années 2000 : LaGrand et Avena. Dans les 2 cas, l’Allemagne et le Mexique reprochaient aux États-Unis de ne pas avoir respecté le droit à la protection consulaire de leurs ressortissants.

La CIJ rappelle que, bien que ça soit l’individu qui est titulaire de droits internationalement reconnus, ce sont les droits propres de l’État de nationalité qui jouent.

Il faut : la violation d’un droit internationalement reconnu + l’individu doit avoir la nationalité de l’État qui exerce sa protection diplomatique + cette nationalité doit être effective (≠ fictive ; voir affaire Nottebaum) + l’individu doit avoir exercé toutes les voies de recours interne.

Par le biais de la protection diplomatique, l’État cherche à réparer son préjudice, mais pas celui de l’individu.
S’il obtient réparation, il n’est pas obligé de reverser cette réparation à l’individu.

2) La réclamation internationale de l’individu (protection immédiate)

Dans le cadre du recours juridictionnel, une instance juridictionnelle est investie de la protection des droits internationalement protégés.

Le droit de recours juridictionnel n’existe pas à l’échelle universelle : la CIJ n’est pas ouverte aux individus.
Il est prévu par les instruments régionaux de protection des droits de l’homme.


La Cour européenne des droits de l’homme

Dans les États membres du Conseil de l’Europe, le protocole n°11 entré en vigueur en 1998 établit l’obligation de reconnaître la compétence de la CEDH.
Cela permet d’instituer un recours direct devant la CEDH sans qu’un mécanisme de filtrage ne soit assuré par un organe politique.

La CEDH peut être saisie d’une requête individuelle (= un individu qui va assigner un État qui n’aurait pas respecté les dispositions de la Convention) ou par le biais d’un recours étatique (rare).

Le Conseil de l’Europe a été fondé le 5 mai 1949 par le traité de Londres, avec 10 membres fondateurs : Belgique, Danemark, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Norvège, Suède et Royaume-Uni.

La convention a été complétée par des protocoles additionnels.

Le schéma de la CEDH est assez complexe, afin de protéger la souveraineté des États.
On distingue 3 organes en charge de contrôler le respect des droits par les États parties :
1- Une commission
2- Une cour
3- Un comité des ministres

La commission n’était pas un organe juridictionnel. Elle établissait un rapport qui permettait d’établir les faits. Ensuite, le rapport était présenté devant la Cour si les États avaient accepté au préalable sa compétence.

Il s’agissait d’une anomalie importante qui mettait en cause l’efficacité du système, puisque c’était les États qui jugeaient la violation des droits par un autre État.
→ organe politique et non juridictionnel

Ce système initial a donc été refondé par le protocole n°11 (1998) :
> disparition de la commission
> suppression de la fonction juridictionnelle du comité des ministres
> affirmation de la CEDH

Le Conseil de l’Europe, qui vise à promouvoir la prééminence du droit et de la démocratie, a vu l’intégration progressive de nouveaux États à l’est.
Enjeu : faire côtoyer au sein du Conseil de l’Europe les démocraties occidentales avec de nouveaux États qui n’avaient pas des traditions démocratiques aussi affirmées.

À partir de l’entrée en vigueur du protocole n°11, un droit d’accès direct à la CEDH est reconnu à tout individu ou groupe d’individus, ainsi qu’aux personnes morales (non étatiques ; ex : organisations internationales).

Tous les États parties à la Convention EDH ont accepté la compétence obligatoire de la Cour.

La CEDH a fait l’objet d’une influence notable sur la législation des États membres.
Exemple : la CEDH a largement contribué à l’évolution du régime de la garde à vue en France.
Elle fait aujourd’hui l’objet de critiques et de défiances.

CEDH : “les droits ne doivent pas être théoriques et illusoires, mais concrets et effectifs”.
Les juges de Strasbourg ont pu faire évoluer le contenu de la Convention par le processus de l’adaptation évolutive : la Convention n’est pas figée ; elle peut être modifiée par les amendements des États et par la jurisprudence établie par les juges.

Les États ont l’obligation de respecter les arrêts de la Cour (article 46 de la Convention EDH).
Ils doivent adapter leur législation interne aux articles.

Pour saisir la CEDH, le demandeur doit avoir épuisé les voies de recours interne.
Les juridictions nationales ont la responsabilité d’appliquer la Convention EDH. Elles peuvent demander un avis consultatif à la CEDH sur des questions de principe relatives à l’application de la Convention.

Défi n°1 : le Conseil de l’Europe regroupe des démocraties et des régimes autoritaires ; les démocraties occidentales sont également fragilisées.

Défi n°2 : la CEDH doit rendre ses décisions dans un délai raisonnable, mais en 2020 elle a reçu 64 000 requêtes et rendu 1 750 arrêts.


La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples

Créée par le protocole de Ouagadougou (1998) entré en vigueur en 2004.
Elle peut être saisie par la Commission africaine des droits de l’homme ou par des individus ou des ONG sous réserve de la déclaration d’acceptation de juridiction obligatoire par les États.
→ compétence optionnelle


Le droit de pétition individuel a une portée relativement limité : il fait appel à des organes quasi juridictionnels qui ne sont pas investis du pouvoir de juger.
”name and shame” : permet de désigner un État comme mauvais élève en matière de protection des droits de l’homme.

II – L’individu, destinataire d’obligations internationales

L’exemple du droit international pénal

A – La définition de crimes internationaux

Le droit international des droits de l’homme confère aux individus des droits et une capacité d’agir.
Si l’individu dispose de droits internationalement reconnus et d’une capacité d’agir (limités), il doit aussi répondre de ses actes sur la scène internationale.

Le droit international pénal est un ensemble de règles gouvernant l’incrimination et la répression des infractions qui soit présentent un élément d’extranéité soit sont d’origine internationale.

Le fait que le droit international appréhende certaines activités et comportements des individus est relativement récent et s’est développé surtout après la Seconde Guerre mondiale.

La piraterie en haute mer est une incrimination d’origine coutumière remontant au 17e siècle, visant à protéger les échanges maritimes.
+ piraterie aérienne
+ terrorisme et financement du terrorisme
+ trafic de drogue

De nombreuses conventions internationales existent en la matière et sanctionnent les agissements à titre privé des individus.

L’incrimination d’actes d’agents publics et d’agents de l’État est une nouveauté issue des tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et Tokyo.

Le droit international humanitaire a pour objectif la répression des abus et des infractions aux Conventions de Genève.
Ces conventions constituent l’ébauche d’une responsabilité pénale individuelle, car elles prévoient l’obligation pour les soldats de répondre individuellement des infractions au droit de la guerre ; mais elles n’envisagent des sanctions que par des tribunaux nationaux.

C’est le traité de Versailles (1919) qui constitue la 1ère convention créant un tribunal international, mais celui-ci n’entrera jamais en activité en raison du refus de l’Allemagne d’extrader ses ressortissants.
Il faudra attendre la Seconde Guerre mondiale pour que les premiers tribunaux internationaux apparaissent.

Le tribunal de Nuremberg

Le tribunal militaire international de Nuremberg avait comme objectif de juger les grands criminels nazis. Son statut prévoyait 3 crimes internationaux :
1- le crime contre la paix
2- le crime contre l’humanité
3- le crime de guerre
💡 Le crime de génocide n’existait pas.

Il est mis en place par l’accord de Londres signé entre les États-Unis, le Royaume-Uni, l’URSS et la France, qui consacre la responsabilité pénale internationale des individus.

“Ce sont des hommes, et non des entités abstraites, qui commettent les crimes dont la répression s’impose comme sanction du droit international.”
~ jugement du tribunal de Nuremberg

Ce tribunal est novateur en ce qu’il reconnaît la responsabilité pénale individuelle des hauts dirigeants. Ils ne peuvent pas invoquer leur immunité au regard du droit international pour éviter la justice pénale internationale.
Le fait d’avoir obéi à des ordres qui proviennent d’un gouvernement ou du supérieurs hiérarchiques n’exonère pas ces individus de leur responsabilité pénale internationale.

Le tribunal de Tokyo

Le tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient est créé en 1946 pour juger les dirigeants japonais, et notamment l’empereur.
Les juges sont désignés par le général américain MacArthur.

28 responsables japonais sont jugés : 7 sont condamnés à mort, 18 à des peines de prison, et le président américain accorde l’immunité à l’empereur du Japon.

La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (1948) définit ce qui constitue un crime de génocide.

Pour la Commission du droit international, les crimes internationaux doivent être correctement définis et le droit à un procès équitable garanti.

B – Les mécanismes internationaux de responsabilité pénale individuelle

1) Les tribunaux pénaux internationaux ad hoc

Les tribunaux pénaux internationaux ad hoc sont constitués pour un cas d’espèce en particulier.
Ils ont par nature une compétence temporelle et géographique limitée.

Ils sont institués par des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui ont force obligatoire et s’imposent aux États.

Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a été créé en 1993 et a fermé en 2017.
Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a été créé en 1994 et a fermé en 2015.
Leurs missions résiduelles ont été transférées au Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux.

2) La Cour pénale internationale

La Cour pénale internationale est instituée par le Statut de Rome, qui est entré en vigueur le 1er juillet 2002.
Elle a pour vocation une compétence universelle.

La CPI peut aujourd’hui exercer sa compétence dans 2 situations :
1- lorsque l’auteur présumé du crime est un ressortissant d’un État partie ;
2- lorsque le crime a été commis sur le territoire d’un État partie.

La CPI ne peut juger que des crimes commis postérieurement à l’entrée en vigueur de son statut (1er juillet 2002).
Si un État a rejoint la CPI ensuite, la CPI ne peut juger que des crimes relatifs à cet État ou à ses ressortissants postérieurs à l’entrée en vigueur du Statut de Rome pour cet État, sauf décision expresse de cet État.
(compétence temporelle)

Pourquoi la CPI n’enquête-t-elle pas sur la répression du peuple Ouïghour ?
→ Parce que la Chine n’est pas partie à la CPI (les persécutions sont commises en Chine, par des ressortissants chinois).

La CPI ne juge que “les crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale” (article 5 du Statut de Rome).
(compétence matérielle)

C’est le contexte dans lequel les crimes ont été commis qui va justifier leur répression internationale.
Exemple : un meurtre pourra être porté devant la CPI s’il a été commis dans l’intention de détruire un groupe en particulier.

  • Crime de génocide

    Défini à l’article 6 du Statut de la CPI : actes commis “dans l’intention de détruire, tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux”.

    Les actes visés par cette disposition incluent : le meurtre et l’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale des membres du groupe ; le transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe ; les mesures entravant les naissances au sein du groupe ; et la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle.

    À ce jour, 1 seule affaire de génocide a été portée devant la CPI : l’affaire Al Bashir.

  • Crime contre l’humanité

    Trouve son origine dans le statut du Tribunal de Nuremberg.
    Défini à l’article 7 du Statut de la CPI : actes commis “dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque”.

    Actes visés par la disposition (liste non exhaustive) : meurtre ; extermination ; réduction en esclavage ; déportation ou transfert forcé de population ; emprisonnement ; torture ; viol : esclavage sexuel ; prostitution forcée ; disparitions forcées ; crime d’apartheid ; …

    À ce jour, 20 affaires ont été portées devant la CPI.

  • Crime de guerre

    Trouve son origine dans le droit international humanitaire.
    Défini à l’article 8 du Statut de la CPI.

    La CPI est compétente pour juger “les crimes de guerre, en particulier lorsque ces crimes s’inscrivent dans le cadre d’un plan ou d’une politique ou lorsqu’ils font partie d’une série de crimes analogues commis sur une grande échelle”.
    → crimes de guerre visés par la disposition : infractions graves aux Conventions de Genève et de La Haye

    ⚠️ Les “troubles et tensions internes” à un État sont exclus.

    À ce jour, 21 affaires ont été portées devant la CPI.

  • Crime d’agression

    Trouve son origine dans le statut du tribunal de Nuremberg (”crimes contre la paix”).
    La CPI est compétente en la matière depuis le 17 juillet 2018.

La CPI ne juge que les personnes majeures au moment des faits.
Le statut officiel n’est pas un motif d’exonération.

Article 17 du Statut :

  1. Complémentarité de la Cour : la CPI ne peut agir qu’en l’absence de poursuites engagées par l’État compétent, sauf en cas d’absence de volonté ou d’incapacité de l’État de mener ces procédures nationales.
  1. Gravité de l’affaire : la CPI est compétente uniquement pour juger les crimes les plus graves. La notion de gravité est précisée par la jurisprudence.

Le procureur peut demander d’ouvrir une enquête à la chambre criminelle.
Il peut aussi enquêter à la demande du Conseil de sécurité.
Un État partie peut également renvoyer une affaire.

Jusqu’en 2016, aucune enquête ne visait une grande puissance ou un membre du Conseil de sécurité, étant donné que de nombreuses grandes puissances ne sont pas parties à la CPI.
On constate néanmoins une multiplication des demandes d’ouverture d’enquêtes de la part des procureurs ; ex : Ukraine, Afghanistan, Palestine.

La CPI ne peut être efficace que si elle repose sur la coopération des États.
Exemple : la Côte d’Ivoire a refusé en 2014 de livrer Simone Gbagbo à la CPI.

La longueur des procédures peut être critiquée : les affaires soumises sont très complexes, les standards de preuve exigeants et la procédure orale.

3) Les tribunaux pénaux internationalisés

Les tribunaux internationalisés sont des juridictions hybrides qui mêlent le droit national et international. Ils se créent sur la base d’un accord entre l’ONU et l’État concerné.
Ils sont composés de juges nationaux et de juges internationaux.
La compétence matérielle de ces tribunaux mixtes est plus étendue que celle des autres tribunaux nationaux. Leur compétence territoriale est limitée au territoire de l’État sur lequel se sont déroulés les crimes.

Exemple : Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (depuis 1979).

💡
En conclusion : le droit international participe à l’affirmation de l’individu comme sujet du droit international ; il est débiteur d’obligations juridiques internationales et doit répondre de la commission de crimes internationaux.
Néanmoins, l’individu ne se place pas sur le même plan que les États ou les organisations internationales, puisque certaines capacités lui manquent (ex : produire du droit international).

Section 2 : La concurrence des organisations privées sur la scène internationale

I – Les organisations non gouvernementales

Par manque de temps, cette partie du cours n’est pas abordée cette année.

II – Les entreprises multinationales

Les firmes transnationales sont une catégorie juridique inexistante en droit international.

Elles sont structurées suivant des chaînes de valeur mondiale.
Elles ont leur siège sur un territoire et peuvent nouer des relations à l’étranger :
> via des filiales (structuration verticale)
> en nouant des relations contractuelles avec des fournisseurs (structuration horizontale ; “entreprise réseau”)
→ leurs activités “débordent” hors du territoire d’un État

Elles sont fragmentées par les droits internes : la maison mère est régie par les lois de l’État où elle a son siège social, tandis que les filiales sont régies par le droit interne local.
Dès lors, comment réguler ces multinationales ?

Le droit international du commerce, incarné par l’OMC, composé de traités qui visent à libéraliser les échanges de marchandises et de services entre les États, a largement encouragé le développement des entreprises multinationales.

Ces traités ont permis à des entreprises multinationales de contester les législations des pays-hôtes lorsqu’elles considéraient que ces derniers adoptaient des mesures trop drastiques (ex : protection des droits humains ou de l’environnement).

→ Le droit international du commerce ne font pas des entreprises multinationales des sujets de droit international, mais ont favorisé leur émergence et leur développement.
Il s’est en revanche fait beaucoup plus discret en matière de régulation des entreprises multinationales.

A – Les sources internationales de réglementation des EMN en matière de responsabilité sociétale des entreprises

1) Une régulation de soft law

L’ENM n’est pas un sujet du droit international parce qu’elle n’est pas débitrice d’obligations internationales.

Le manque de volonté des États de s’engager sur le terrain de la responsabilité des entreprises a conduit à une régulation fondée sur la soft law.

a) La régulation interne des ENM

Il s’agit d’un mouvement spontané et volontaire des entreprises visant à rassurer les consommateurs des pays du Nord.
Elles agissent ici dans un but réputationnel, afin d’atteindre des objectifs économiques.

Les codes de conduite privés sont très variables ; certains sont adoptés en association avec des ONG ; certains font référence aux textes adoptés par des ONG.

Les domaines les plus couramment traités sont l’environnement, les relations entre partenaires sociaux, la protection des consommateurs et la lutte contre la corruption.

Ils privilégient les obligations négatives (= obligations de ne pas faire) aux obligations positives (= obligations de faire ; ex : droit à la liberté syndicale, droit à un salaire décent…).

Certains considèrent qu’un manquement à ces codes peut constituer une faute et engager la responsabilité juridique de l’entreprise, tandis que d’autres considèrent qu’ils ne constituent aucune valeur juridique.
La cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 22 mars 2013 AFPS c Alstom, a considéré que de tels codes sont dépourvus de valeur contraignante et ne peuvent engager la responsabilité juridique de l’entreprise.

Les accords-cadre internationaux sont conclus entre les entreprises internationales et les organisations internationales syndicales afin de réguler l’ensemble des relations du travail tout au long de la chaîne d’approvisionnement.

Ils ont souvent un champ sectoriel (ils interviennent dans une industrie spécifique).
Exemple : accord-cadre sectoriel adopté à la suite de la catastrophe de Rana Plaza en 2013.


b) La régulation externe des EMN par les organisations internationales

Les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des EMN (1976) sont des recommandations, et non des obligations ; leur application dépend de la bonne volonté des EMN.
Ces principes directeurs apparaissent comme l’instrument le plus complet ; de nombreux sujets y sont abordés.
Un nouveau chapitre sur les droits de l’homme y a été ajouté en 2011.

Des points de contact nationaux sont répartis dans les territoires des États membres et sont habilités à recevoir des plaintes qui concerneraient une action ou une omission d’une entreprise qui seraient contraires aux principes directeurs.
Ces points de contact nationaux peuvent ensuite alerter sur l’activité de l’entreprise → effet réputationnel.

La Déclaration de principes tripartites sur les EMN et la politique sociale de l’OIT (1977) intègre le concept de diligence raisonnable.

Le Pacte mondial des Nations Unies (ou Global Compact) (2005) contient 10 principes, parmi lesquels les droits de l’homme, les droits sociaux fondamentaux, le droit de l’environnement ou la lutte contre la corruption.

Les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et droits de l’homme (principes de Ruggie) (2011) sont dépourvus de force obligatoire.
Ils s’adressent à la fois aux États et aux EMN.
Ils établissent un standard de diligence raisonnable opposable aux EMN.

Standard de diligence raisonnable :
Il ne s’agit pas d’une norme de conduite qui pourrait engager la responsabilité juridique de l’entreprise, mais davantage un processus qui consiste à évaluer les incidences négatives sur les droits de l’homme que l’entreprise peut avoir du fait de ses propres activités mais aussi de celles qui découlent de ses relations avec ses filiales à l’étranger, ses fournisseurs ou ses sous-traitants.

Devoir de prévention :
L’entreprise doit évaluer les incidences négatives sur les droits de l’homme qu’elle peut avoir, directement ou indirectement.

Vers une régulation conventionnelle sous l’égide des Nations Unies ?
À priori, non – les ambitions originelles de considérer les EMN comme des sujets de droit international apparaissent perdues.

B – Les palliatifs à l’absence de responsabilité juridique internationale des EMN

1) Le développement du standard de diligence raisonnable applicable aux EMN

💡 due diligence = diligence raisonnable

Les entreprises n’ont pas de responsabilité internationales parce qu’elles n’ont pas d’obligations ni de juridiction compétente pour traiter leurs agissements.

La diligence raisonnable est un engagement moral, sauf s’il est incorporé dans les législations internes des États.

2) L’adoption de législations internes destinées à renforcer la responsabilité sociétale des EMN

La France est une figure pionnière en la matière : elle a adopté une loi sur le devoir de diligence pour les grandes entreprises (loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre).

En cas de non respect de cette obligation de diligence, la responsabilité juridique de l’EMN peut être mise en œuvre.
Il s’agit d’une responsabilité civile dans une optique réparatrice.

Il n’est pas facile de mettre en œuvre cette responsabilité civile de la faute, parce que la charge de la preuve incombe au demandeur.

Chapitre 1 : Les acteurs étatiques, sujets traditionnels du droit international public

Cliquer ici pour retourner au sommaire du cours.

Les sujets de droit international sont des acteurs auxquels le droit international confère des droits mais aussi des obligations.
→ le sujet est appréhendé par le droit

Dans un arrêt de 1949, la CIJ affirme que “les sujets de droit dans un système juridique ne sont pas nécessairement identiques quant à leur nature ou à l’étendue de leurs droits”.
Sujets originaires : les États.
Sujets dérivés : par exemple, les organisations internationales, dont la création ne découle pas d’un fait juridique mais de la volonté des États.

Section 1 : La place centrale de l’État, sujet originaire du droit international public

I – La formation de l’État souverain

A – L’existence de l’État : la réunion de critères matériels

Théorie des éléments constitutifs

1) Une dimension spatiale : un territoire

Les conditions d’existence apparaissent assez aisées à remplir :

  • Il n’existe aucune exigence relative à l’étendue d’un territoire (les micro-États peuvent exister).
  • Il n’y a pas d’exigence quant à la continuité du territoire : il peut exister des enclaves.
    Exemple : le territoire de la Palestine est séparé entre Gaza et la Cisjordanie.
  • Il n’y a pas d’exigence quant à la délimitation des frontières : l’absence de tracé exact des frontières internationales ne peut être invoqué pour dénier la qualité étatique à une collectivité humaine.
    Exemple : on ne peut pas invoquer l’incertitude des frontières entre Israël et la Palestine pour contester leur existence étatique.

La CIJ est chargée de traiter des contentieux concernant des différends territoriaux entre États.

Les États disposent d’un territoire terrestre, aérien et maritime.

  • Le territoire terrestre correspond à l’ensemble des terres émergées ; cela comprend à la fois le sol et le sous-sol.
  • Le territoire maritime (uniquement quand l’État a une frontière maritime) inclut plusieurs zones sur lesquelles le pouvoir de l’État s’exerce exclusivement :
    • Les eaux intérieures, constituées des baies, ports, havres, rades, etc.
    • Les eaux territoriales s’étendent vers le large jusqu’à 12 miles marins à partir des côtes.
      L’État y dispose d’un pouvoir exclusif, avec comme seule obligation d’y laisser passer les navires étrangers (droit de passage inoffensif).
      Pour le reste, il y est souverain ; il dispose de compétences économiques (pêche) et de sécurité (douanes, environnement).
    • La zone contigüe s’étend au-delà de la mer territoriale, jusqu’à 24 miles marins depuis la côte.
      L’État n’y exerce que des compétences de police (douanière, sanitaire, fiscale, immigration).
    • La zone économique exclusive s’étend jusqu’à 200 miles marins depuis la côte.
      L’État y exerce à titre exclusif certains droits précisément définis, qui concernent l’exploitation, l’exploration, la conservation et la gestion des ressources économiques.
    • Le plateau continental est constitué des fonds marins et de leur sous-sol, au-delà de la mer territoriale.
      L’État y dispose de droits exclusifs en ce qui concerne l’exploration et l’exploitation des ressources naturelles.
    • 💡 La haute mer échappe à toute emprise des États.

    C’est la Convention de Montego Bay de 1982 qui régit ces droits maritimes.

    Les 3 premières puissances maritimes (en taille de l’espace maritime) sont :
    1- Les États-Unis
    2- La France
    3- L’Australie

  • Le territoire aérien est le territoire atmosphérique qui surplombe le territoire, les eaux intérieurs et les eaux territoriales de l’État.
    Dans ce territoire, l’État est libre d’autoriser ou d’interdire le survol de son territoire à tout aéronef étranger.
    Au-delà de cet espace atmosphérique (80 à 160 km selon les spécialistes), on trouve l’espace extra-atmosphérique.
    La Convention sur l’utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique du 19 décembre 1967 prévoit un régime de liberté des États qui exclut son appropriation (comme pour la haute mer) et interdit son utilisation à des fins non pacifiques.

Le territoire apparaît donc comme l’espace sur lequel s’exerce exclusivement l’autorité étatique : c’est la raison pour laquelle ce territoire fonde ce que l’on appelle la compétence territoriale de l’État.

2) Une dimension humaine : une population

Tout comme l’État ne peut pas exister sans son territoire, il ne peut exister sans sa population.
Il s’agit d’une société humaine.

La population comprend tous les habitants qui vivent et qui travaillent sur son territoire, indépendamment de leur qualité (nationaux ou étrangers).
Au sens juridique, la population ne correspond donc pas exactement à la collectivité humaine qui se trouve sur le territoire de l’État.

Au sens juridique, la nationalité est définie comme “l’ensemble des individus rattachés de façon stable à l’État par un lien juridique”.
Elle fonde la compétence personnelle de l’État.

L’importance politique et symbolique de ce rattachement par la nationalité est soulignée par l’absence de règles internationales sur ce point : chaque État décide des modalités d’octroi de la nationalité (ex : droit du sol, droit du sang).

Le droit international n’exige aucune condition quant à :
> la dimension de la population
> son caractère sédentaire
> son homogénéité culturelle, religieuse, linguistique

→ Aucune règle de droit international n’impose à chaque État de correspondre à une nation.

  • Qu’est-ce qu’une nation ?

    Conception subjective : nation = les individus qui la composent possèdent une volonté de vivre ensemble.

    Conception objective : nation = facteurs factuels – exemple : partage d’une culture, langue, histoire, …

3) Une dimension politique : un gouvernement effectif et indépendant

L’existence d’un appareil politique est nécessaire à l’existence de l’État.
Un territoire sans gouvernement ne peut pas être considéré comme un État.
Ici, gouvernement = pouvoir exécutif + législatif + judiciaire.

Le droit international public n’exige pas de modalités particulières de représentation gouvernementale.
Monarchie, république, autocratie, démocratie… le droit international n’interfère pas dans le choix du régime politique.
On ne peut pas remettre en cause le caractère étatique d’une entité politique au motif de la nature de son régime.

Les seules conditions exigées sont celles d’indépendance et d’effectivité.

La condition d’indépendance établit que le gouvernement n’est soumis à aucune autre autorité de même nature, à l’intérieur comme à l’extérieur de son territoire.
Les fonctions étatiques doivent être exercées en toute autonomie.
Il doit les exercer de manière exclusive, ne pas être concurrencé par des autorités de même nature.

Cela exclut les États fantoches, tels que la Transnistrie (contrôlée par la Russie) et la République de Chypre du Nord (contrôlée par la Turquie), ainsi que les peuples coloniaux.

Les entités politiques expriment ce souhait d’indépendance dans une déclaration unilatérale.

La condition d’effectivité porte sur la capacité à exercer réellement les fonctions étatiques, et notamment le maintien de l’ordre et l’exécution des engagements internationaux.
Cette capacité doit porter sur l’ensemble de la collectivité.

Cette condition est généralement assumée.
Le droit international s’accommode de contestations ponctuelles ou pérennes dès lors qu’il n’y a pas de remise en cause de l’autorité du gouvernement sur l’ensemble de son territoire.

On distingue différents niveaux de défaillance :

  1. Le plus grave : les structures gouvernementales ont totalement disparu pour une période donnée.
    Exemple : entre 1991 et 2000, l’État somalien n’avait plus de gouvernement.
    Pour autant, la Somalie existe toujours ; l’État défaillant se voit protégé dans son statut. Il y a une présomption de maintien de la structure étatique contre sa disparition, pour garantir la stabilité des relations internationales (les États ne peuvent pas disparaître ou apparaître au gré d’événements qui leur sont extérieurs).
  1. Il existe bien des structures gouvernementales, mais celles-ci n’ont pas d’emprise totale sur son territoire et sa population en raison d’autorités concurrentes ou de ses propres défaillances à gouverner.
    Exemple : Syrie, Libye.

Cas pratique #1 : la Principauté de Sealand a déclaré son indépendance en 1967.
Composée de 5 habitants, elle dispose de sa propre constitution, monnaie et drapeau. En 2004, elle a proposé une équipe nationale pour jouer un match officiel.
Au vu des critères, peut-elle être considérée comme un État ?

Réponse : non → puisqu’il s’agit d’un îlot artificiel, on ne peut pas réellement parler de territoire.

⚠️ La reconnaissance n’est pas une condition d’existence de l’État ; elle n’a qu’un effet déclaratif.

Cas pratique #2 : le Kurdistan est situé à cheval sur plusieurs États déjà constitués.
Mais difficulté : il n’y a pas de gouvernement qui représente l’ensemble du peuple kurde.

B – L’accession à l’indépendance d’une collectivité

L’accession à l’indépendance d’une collectivité demeure un processus factuel lié à des considérations historiques.
Le droit international public ne prévoit pas de procédure d’émergence des États. Cela reste une question de faits.

1) Un processus factuel

a) Apparition d’un nouvel État par dissolution ou fusion (disparition de l’État prédécesseur)

La dissolution d’un État est l’éclatement d’un État préexistant en 2 ou plusieurs États nouveaux dont aucun ne peut prétendre être le successeur de celui dont ils sont issus, sauf accord entre les États successeurs.

Dans le cadre de l’URSS, les nouveaux États qui lui ont succédé ont accepté que la Russie succède à l’URSS dans toutes les organisations internationales (Accords d’Alma-Ata du 21 décembre 1991).

Être considéré comme le continuateur de l’État prédécesseur présente pour l’État nouvellement formé des enjeux économiques, politiques et diplomatiques.
Exemple : lui permet de bénéficier du statut de membre qu’avait l’État prédécesseur dans les organisations internationales.

Un nouvel État peut également apparaître par fusion.

Exemple : les États-Unis d’Amérique procèdent de la fusion des États qui composaient la Confédération des États-Unis (association d’États indépendants qui ont décidé de se transformer en État fédéral).
Exemple : réunification de l’Allemagne le 31 août 1990.


b) Apparition d’un nouvel État par sécession (maintien de l’État prédécesseur)

Sécession : séparation d’une partie du territoire d’un État préexistant pour former un autre État indépendant.

Il est logique que les États préexistants soient peu enclins à admettre une amputation d’une partie de leur territoire.

Dans le contexte de décolonisation :

La décolonisation s’est déroulée sur différentes vagues (phénomène progressif).
Elle a commencée avec le continent américain (États-Unis à la fin du 18e siècle ; Amérique du Sud au 19e siècle) et s’est poursuivie sur les continents asiatique et africain au 20e siècle, notamment après la Seconde Guerre mondiale.

Les États ont fait sécession des puissances coloniales, mais cela n’a pas posé de difficultés d’un point de vue territorial, puisque ces territoires étaient situés hors de la métropole.
Ce processus était encouragé par l’Assemblée générale des Nations unies.

Hors du contexte de décolonisation :

La sécession s’exprime notamment dans le cadre de minorités qui vont revendiquer leur indépendance au sein d’un État central.
Exemple : sécession du Kosovo en 2008 de la Serbie.

2) Un processus saisi par le droit

Le droit international ne condamne pas en tant que tel les déclarations unilatérales d’indépendance, y compris lorsqu’elles interviennent dans l’hypothèse d’une sécession.

En principe, le droit international public est neutre face à l’indépendance de collectivités humaines, comme réaffirmé en 2010 par la CIJ dans un avis sur la déclaration d’indépendance unilatérale du Kosovo.

Contexte :
Le Kosovo avait fait sécession de la Serbie en 2010.
La Serbie avait considéré que faire sécession portait atteinte à son intégrité territoriale et n’était donc pas légal au regard du droit international.

Réponse de la Cour :
Le droit international n’interdit nullement les déclarations d’indépendances.
Le principe d’intégrité territoriale ne se joue qu’entre les États et non à l’intérieur des États ; il ne peut être opposé qu’à un autre État et non à une minorité qui choisit de faire sécession.

Le droit international n’encadre donc pas la manière dont émergent les États.
Une collectivité humaine peut faire sécession et déclarer son indépendance ; elle sera reconnue comme un État si elle en remplit les critères.

Néanmoins, le droit international peut, dans certaines circonstances, encourager ou condamner un processus d’accession à l’indépendance :

a) Reconnaissance d’un “droit” à l’indépendance sur le fondement du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes

Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes n’est reconnu que dans le contexte de décolonisation. Il s’agit d’un droit d’accès à l’indépendance qui ne concerne que les peuples coloniaux ou les peuples soumis à des formes de domination étrangère.

Autrement dit, la Crimée et le Kosovo ne pouvaient pas se fonder sur ce droit des peuples à disposer d’eux-mêmes pour invoquer leur droit à l’indépendance.

Ce droit d’accès à l’indépendance des peuples coloniaux est clairement affirmé dans la résolution 1514 de l’AGNU du 14 décembre 1960.
Un peuple colonial est défini par la résolution 1541 de l’AGNU du 15 décembre 1960 — “territoire géographique séparé et ethniquement ou culturellement distinct du pays qui l’administre”.

Les peuples soumis à un régime raciste ou à des formes de domination étrangère sont également concernés par ce droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Exemple : l’Afrique du Sud et la Rhodésie du Sud connaissaient un régime d’apartheid ; les Nations unies ont considéré que la minorité disposait d’un droit à l’indépendance dans la mesure où celle-ci était opprimée.
Exemple de peuples faisant l’objet d’une domination étrangère : Palestine, Sahara occidental.


b) Condamnation de l’accession à l’indépendance en cas de violation des principes du droit international

Il peut arriver que l’AGNU ou la communauté internationale condamnent une déclaration d’indépendance dans la mesure où celle-ci s’est accompagnée d’une violation des principes du droit international, notamment celui d’acquérir un territoire par la force.

Exemple : la sécession de la Crimée a été condamnée par la communauté internationale dans la mesure où celle-ci procédait d’une annexion par un autre État, ce qui constitue une violation de l’interdiction du recours à la force armée dans les relations internationales.
Exemple : la République chypriote du Nord a fait sécession avec l’aide de la Turquie ; sa déclaration d’indépendance a ensuite été condamnée par la résolution 541 de l’AGNU (1983).

Certains parlent d’un “droit de sécession-remède” : théorie qui cherche à reconnaître un droit de sécession lorsqu’une minorité est opprimée par son État central.
Le Kosovo ne s’est pas prévalu de cette théorie parce qu’elle n’est pas fondée juridiquement.
Il s’est même gardé d’invoquer le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, parce qu’il ne s’agit pas d’un peuple colonisé.

II – La reconnaissance de l’État souverain

A – Les formes et effets de la reconnaissance

1) Formes de la reconnaissance

La reconnaissance d’un État par un autre État peut être tacite ou expresse.

La reconnaissance tacite peut se déduire du comportement de l’État qui souhaiterait reconnaître un nouvel État : échanges d’ambassadeurs, conclusion de traités bilatéraux, …
La reconnaissance expresse résulte d’un acte unilatéral pris par un État : déclaration officielle à la presse, communiqué officiel, conclusion d’un accord bilatéral traitant spécifiquement de la reconnaissance.

La reconnaissance est individuelle ; elle est opérée par l’État qui va reconnaître un nouvel État.
Mais certaines reconnaissances ont un poids diplomatique particulier, notamment quand la reconnaissance est opérée par l’État colonisateur (quand le nouvel État est une ancienne colonie) ou par l’État central (quand le nouvel État résulte d’une sécession).

Depuis quelques années, on observe la tendance de certains États à vouloir “collectiviser” la reconnaissance.
Les États membres des communautés européennes avaient adopté une déclaration fixant les lignes directrices concernant la reconnaissance des nouveaux États issus du processus de dissolution de l’ex-Yougoslavie.
Intérêt : avoir une ligne politique commune, éviter des divergences.

Le fait que l’État palestinien obtienne le statut d’État observateur de l’ONU ou qu’il devienne un membre de l’UNESCO n’oblige pas les États à reconnaître la Palestine comme un État.

2) Effet déclaratif versus effet constitutif de la reconnaissance

Il existe une opposition doctrinale sur la question.

Selon l’effet constitutif (≠ effet déclaratif), la reconnaissance parachèverait la création d’un État et son existence.
La portée de la reconnaissance serait donc essentielle pour la reconnaissance de l’État.

Ce n’est pas la doctrine majoritaire, parce qu’il s’agit d’un critère par nature subjectif ; il relève de l’appréciation discrétionnaire des États ; il revient à conférer une position privilégiée voire supérieure aux États préexistants qui forment la société internationale (≠ principe de l’égalité souveraine des États).

L’existence de l’État demeure une appréciation objective.
Il faut uniquement remplir les conditions d’existence ; un État peut exister indépendamment de toute reconnaissance.

B – L’encadrement de la reconnaissance

1) Le principe de liberté

Les États sont en principe libres de reconnaître ou non un nouvel État.
Certains États choisissent de ne pas reconnaître des États qui sont pourtant souverains.
L’appréciation de l’existence d’un État relève des États eux-mêmes ; il s’agit d’une appréciation subjective.

2) Les limites

a) L’élaboration par les États de leur propre doctrine de reconnaissance

De nombreux États et organisations internationales ont développé la reconnaissance conditionnelle : un État, pour être reconnu, doit répondre à des exigences d’État de droit, de légitimité démocratique ou de pacifisme.

Depuis la chute du bloc soviétique, l’exigence de la légitimité démocratique s’est répandue ; la démocratie est désormais perçue comme le mode de gouvernement à privilégier.

Les États peuvent décider de conditionner leur reconnaissance à la satisfaction d’exigences démocratiques ou pacifistes.

Exemple : la Déclaration des pays des communautés européennes sur les lignes directrices sur la reconnaissance de nouveaux États en Europe centrale et en Union soviétique subordonne la reconnaissance de ces nouveaux États au respect de plusieurs critères, notamment le respect des engagements internationaux + exigence démocratique + État de droit.

Cette exigence démocratique et pacifiste qui se généralise et apparaît comme constitutive des organisations internationales (ex : la Charte de l’ONU parle d’”État pacifique”).


b) L’interdiction de reconnaître un État né en violation de normes impératives

Il existe une obligation de non-reconnaissance de situations illicites, lorsque ces situations naissent de la violation de normes impératives.

Cette obligation est prévue par l’article 41 des Articles de la Commission du droit international sur la responsabilité de l’État, qui reflète le droit coutumier.

C’est notamment le cas lorsque le nouvel État est constitué en violation de normes impératives ; par exemple, lorsque la création du nouvel État s’accompagne d’un usage illicite de la force (ex : soutien militaire d’un autre État pour déclarer son indépendance comme en Crimée).

Quand il y a violation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (qui est aussi une norme impérative), il y a aussi interdiction de reconnaître.
Exemple : lors du régime d’apartheid en Afrique du Sud le Conseil de sécurité de l’ONU a appelé à la non-reconnaissance des bantoustans.

III – Le statut d’État souverain

L’existence de l’État a un caractère objectif (3 critères).

A – Les caractéristiques de la personnalité juridique internationale de l’État

L’État est une personne souveraine.
Aucun autre sujet de droit international ne dispose d’une personnalité juridique comparable.

1) Un sujet originaire

La personnalité juridique de l’État découle immédiatement de son existence : aucun acte n’est requis pour lui conférer sa personnalité juridique internationale.
L’État est donc un sujet originaire ; il est le seul sujet à disposer de cette qualité.

Dès qu’un État existe au sens du droit international public, celui-ci se voit immédiatement attribuer une personnalité juridique internationale (≠ autres sujets du droit international).

2) Un sujet indépendant (= souverain)

L’État n’est subordonné à aucun autre sujet du droit international public.

a) La notion de souveraineté étatique

Six Livres de la République (1576), Jean Bodin : définit la souveraineté comme “le pouvoir de commander et de contraindre, sans être commandé ni contraint”.

Bodin distingue 2 facettes de la souveraineté étatique :

  1. Une dimension interne (on parle de “souveraineté dans l’État”) ;
  1. Une dimension externe (renvoie à la souveraineté de l’État dans les relations internationales).

On retrouve ces 2 dimensions dans la sentence arbitrale du 4 avril 1928 de la Cour permanente d’arbitrage, qui définit la souveraineté de l’État comme “l’indépendance relativement à une partie du globe, et le droit d’y exercer, à l’exclusion de tout autre État, les fonctions étatiques”.

Cette souveraineté s’appuie sur une assise territoriale.
L’arrêt de la CIJ du 9 avril 1949 dans l’affaire du détroit de Corfou affirme que “entre États indépendants, le respect de la souveraineté territoriale est l’une des bases essentielles des rapports internationaux”.


b) Les attributs de la souveraineté étatique

L’égalité souveraine des États :

Il s’agit d’une égalité juridique : tous les États sont juridiquement égaux entre eux et devant la loi internationale.
Aucun État n’est supérieur à un autre sur le plan juridique.
→ un État ne peut pas imposer sa volonté à un autre État

Article 2 paragraphe 1 de la Charte de l’ONU : “L’organisation est fondée sur le principe de l’égalité souveraine de tous ses membres”.

Mais il y a des inégalités informelles ; par exemple, le G20 regroupe les principales économiques qui représentent 85% du commerce mondial, les 2/3 de la population et plus de 90% du produit mondial brut.

Au sein du FMI, il existe une pondération des votes par le poids économique des États membres.
Les États-Unis disposent de + de 15% des droits de vote au sein du FMI et donc d’une capacité de blocage.

La liberté d’action des États :

L’État est le seul maître sur son territoire.
Il est libre de choisir son régime politique et d’y exercer les fonctions étatiques comme il l’entend.
Les États sont libres de s’engager et de nouer des relations avec d’autres États.

Cette liberté est relative : la faculté pour les États de s’engager juridiquement, par exemple en concluant des traités, est un attribut de la souveraineté de l’État.

💡
Le droit international est volontariste (fondé sur la volonté des États de s’engager et de restreindre leur liberté).

c) La protection de la souveraineté étatique

La souveraineté est le fondement essentiel du droit international public et est donc protégée par ce dernier.

Le droit international impose aux États le devoir de ne pas porter atteinte aux territoires ni à l’indépendance des autorités étatiques des autres États.

En vertu du principe d’égalité juridique des États, chaque État dispose d’un droit au respect de son territoire et au respect de l’indépendance de ses autorités.

Le principe d’inviolabilité et d’intégrité du territoire étatique :

Le principe d’inviolabilité empêche tout acte d’autorité ou de contrainte exercé par des agents étatiques ou des agents internationaux sur le territoire d’un État étranger sans l’accord de ce dernier.
Il renvoie aux frontières d’un État.

Exemple : si une personne suspectée d’un crime s’enfuit d’un territoire : la police de cet État ne peut franchir la frontière pour aller l’arrêter sans l’accord de l’État intéressé.

On n’envisage pas uniquement l’intervention militaire, mais aussi les actes d’enquête, de poursuite et d’intervention → interdits sans l’autorisation de l’État territorial.

Autrement dit, le territoire apparaît comme un sanctuaire dont on ne saurait franchir les frontières sans l’accord de l’État territorial.

Ce principe n’est pas toujours respecté, notamment par les services de renseignement.
Exemple : ancien criminel de guerre nazi Eichmann, enlevé par les services secrets israéliens en Argentine.

Le principe d’intégrité renvoie à l’interdiction de modifier la sphère spatiale d’un État sans son accord.
Mais cela peut être fait dans le cadre de traités de paix, où les puissances vaincues cèdent parfois des territoires aux vainqueurs.

La résolution 2625 de l’AGNU (24 octobre 1970) établit que “Le territoire d’un État ne peut faire l’objet d’une acquisition territoriale par un autre État à la suite du recours à la menace ou à l’emploi de la force. Nulle acquisition territoriale obtenue par la menace ou l’emploi de la force ne sera reconnue comme légale.”

Le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures étatiques :

Le principe de non-ingérence interdit de porter atteinte à l’indépendance des autorités d’un autre État, par exemple en s’ingérant dans sa politique intérieure ou extérieure.

Ce principe découle des articles de la Charte des Nations unies ainsi que de la jurisprudence internationale.
Résolutions 2131 (1965) et 2625 (1970 – répertorie tous les principes structurants de l’ordre juridique international) de l’AGNU.

Cette ingérence ne se limite pas à l’intervention armée ; elle englobe toute forme d’ingérence ou toute menace dirigée contre la personnalité d’un État ou ses éléments économiques, politiques et culturels.

Exemple : la Russie qui influence les élections américaines en 2016.
Exemple : affaire Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua : le fait pour les États-Unis de soutenir des groupes armés opposés au gouvernement est une violation du principe de non-ingérence.

Cette affaire est importante parce qu’elle précise ce principe : peu importe que l’ingérence soit armée ou non, directe ou indirecte, il faut qu’il y ait une contrainte matérielle ou immatérielle + une ingérence dans un domaine réservé de l’État.

Domaines réservés : domaines où l’État peut agir seul parce qu’il n’y est pas engagé internationalement ; ex : choix de son gouvernement.
Il n’existe pas de domaines réservés par nature : les États sont libres de déterminer quelles matières ils décident d’encadrer par des règles communes.

CPJI, affaire des décrets français, 7 février 1923 : la nationalité entre-t-elle dans le champ des domaines réservés des États ?
Réponse : c’est une question essentiellement relative ; elle dépend du développement des rapports internationaux.
→ l’État est libre ou non d’encadrer ces matières
→ la nationalité n’est pas en principe réglée par le droit international

L’État, en raison de sa souveraineté, dispose de la pleine capacité à agir sur la scène internationale.

B – Les attributs de la personnalité juridique internationale de l’État

1) Les capacités internationales de l’État souverain

a) La capacité d’établir des relations diplomatiques et consulaires

Une ambassades sont des fonctionnaires envoyés dans un État étranger pour assurer la représentation de cet État.
Les missions diplomatiques peuvent être permanentes ou ad hoc.

La Convention de Vienne sur les relations diplomatiques (1961) vient codifier la coutume existante.

Pour établir des relations diplomatiques et envoyer des missions diplomatiques permanentes, il faut l’accord des 2 États.
Celui qui envoie la mission diplomatique est l’État accréditant.
Celui qui reçoit la mission diplomatique est l’État accréditaire.

3 fonctions des missions diplomatiques :

  1. Protéger dans l’État accréditaire les intérêts (économiques, culturels, scientifiques) de l’État accréditant
  1. Protéger les ressortissants de l’État accréditant dans l’État accréditaire
  1. Négocier

L’ambassade fournit également un travail de veille sur la situation de l’État accréditaire et permet de promouvoir les relations amicales entre les 2 pays.

La mission diplomatique peut débuter et se finir à tout moment : l’État accréditaire pour à tout moment retirer son accréditation de manière unilatérale et discrétionnaire.
Les diplomates deviennent alors persona non grata.
C’est un acte fort symboliquement qui traduit l’existence d’une grave crise entre les États.

En cas d’atteinte à l’inviolabilité des locaux diplomatiques ou de la valise diplomatique, c’est l’État accréditaire qui en assume l’entière responsabilité.

Les missions consulaires sont soumises au consentement mutuel.
Les formalités sont simplifiées ; les droits des agents consulaires sont moins étendus que ceux des agents diplomatiques.


b) La capacité d’édicter des normes internationales

Conclusion de traités bilatéraux ou multilatéraux.


c) La capacité de devenir membre d’une organisation internationale

≠ droit d’adhérer


d) La capacité de présenter des réclamations contentieuses en cas de litige

L’État souverain peut saisir des juges ou arbitres internationaux.

On distingue 2 modes de règlement des différends :
1- diplomatique
2- juridictionnel

Les tribunaux arbitraux sont également un mode de règlement juridictionnel.

Les réclamations des États peuvent être portées par les États en cas de violation de leurs droits ou de violation des droits de leurs nationaux (mécanisme de la protection diplomatique).


e) La capacité de répondre de la commission d’un fait internationalement illicite

Idée : l’État peut voir sa responsabilité juridique internationale engagée en cas de fait internationalement illicite (lorsqu’il viole ses obligations internationales).

Fait imputable à l’État + fait constitutif d’une violation d’une obligation internationale de l’État.

L’État ne peut pas invoquer que ce fait est licite dans son ordre juridique interne (ex : conforme à sa constitution) en raison du principe de supériorité du droit international sur le droit interne.


f) La capacité de se prévaloir d’une immunité souveraine

Immunité de juridiction : les tribunaux internes d’un État ne peuvent pas juger des faits d’un État tiers.

Immunité d’exécution : impossibilité de se saisir des biens qui appartiennent à l’État et qui sont situés sur le territoire d’autres États.

2) Les compétences de l’État souverain

a) La compétence territoriale

La délimitation des frontières présente des enjeux importants pour l’État dans la mesure où les frontières terrestres correspondent aux limites territoriales de sa souveraineté.
→ les frontières = la ligne d’arrêt des compétences étatiques

Cette délimitation peut être unilatérale, notamment lorsqu’il s’agit de séparer le territoire étatique d’un espace international (ex : haute mer, espace extra-atmosphérique).
C’est alors un acte unilatéral, mais pas discrétionnaire : l’État doit respecter les conditions établies par le droit international.

Méthode conventionnelle : la délimitation résulte d’un accord entre 2 territoires étatiques (2 États souverains se mettent d’accord pour séparer leurs territoires respectifs, terrestres ou maritimes).

Ces accords prennent la forme de traités internationaux.
Ils présentent un caractère objectif (ils sont opposables à tous les États tiers).

En cas de différend, la délimitation peut également être définie par un juge international.

La plénitude et l’exclusivité de la compétence territoriale :

Plénitude : à l’intérieur de son territoire, l’État exerce l’ensemble des pouvoirs qui s’attachent à sa qualité d’autorité suprême.

L’État assume toutes les fonctions nécessaires à l’organisation de la vie en collectivité, notamment les fonctions régaliennes : rendre la justice, assurer la sécurité extérieure et intérieure, etc.

Exclusivité : l’État détient sur son territoire le droit exclusif d’exercer les fonctions étatiques (à l’exception de tout autre État).
Il régit l’ensemble des personnes, des biens, des activités qui se situent
L’État est le seul à déterminer le choix de son système politique, économique, social et culturel.

Une sentence arbitrale du 16 octobre 1957 dans l’affaire du Lac Lanoux affirme que “La souveraineté territoriale joue à la manière d’une présomption. Elle doit fléchir devant toutes les obligations internationales, quelle qu’en soit la source, mais elle ne fléchit que devant elles.”
→ l’exercice de la compétence territoriale, en principe pleine et exclusive, peut être encadrée par le droit international

L’encadrement de l’exercice de la compétence territoriale :

Les limitations peuvent être d’origine conventionnelle ou coutumière.

Le devoir de protéger sa population civile :
> droit international des droits de l’homme
> droit international humanitaire

Objectif : protéger l’intégrité et la dignité des individus contre l’État territorial, peu importe leur nationalité.

La différence entre ces 2 branches réside dans leur contexte d’application : le droit international humanitaire est applicable dans le contexte d’un conflit armé, tandis que le droit international des droits de l’homme applicable en temps de paix comme de guerre.

4 Conventions de Genève de 1949 + 2 protocoles additionnels en 1997 : un État ne peut pas tout faire lorsqu’il est en proie à un conflit armé.

L’État se doit d’assurer le respect de ces 2 droits à l’égard de sa population entendue au sens sociologique (≠ nationalité).

En cas de violation grave et massive par un État, existe-t-il un droit d’ingérence humanitaire ?
Notion de responsabilité de protéger : il revient à chaque État de protéger sa population ; il existe des exemples de limitation à l’exercice de la compétence territoriale, apportés pour protéger les individus.

Chaque État détermine les conditions d’admission et de séjour des étrangers sur son territoire.
Le droit international, construit par et pour les États, n’a jamais consacré un droit d’accès / de séjour au profit des étrangers.
La DUDH consacre le droit de quitter son pays (art 13-2), mais ne consacre pas le droit d’entrer dans un pays étranger.

La Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés définit un réfugié comme “toute personne qui, craignant avec raison d’être persécutée […], se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection du pays”.
Elle prévoit des droits aux demandeurs d’asile, qu’ils se voient au non accorder le statut de réfugié.
Article 33 : un réfugié ne peut pas être refoulé sur la frontière où sa liberté est menacée.

💡 Il y avait en 2020 21 millions de réfugiés relevant de la compétence du HCR.

La Convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides dispose que ceux-ci ont des droits particuliers en matière de liberté de circulation, de séjour, etc.

En vertu du principe d’utilisation non dommageable du territoire, l’État doit veiller à ce que ses propres activités ou celles qu’il autorise sur son territoire ne causent pas préjudice aux États tiers.

La décision prise dans l’affaire du détroit de Corfou souligne l’obligation pour tout État de ne pas laisser utiliser son territoire aux fins d’actes contraires aux droits des autres États.
→ constitue une limitation à la souveraineté territoriale de l’État

Dans l’affaire des usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay opposant l’Argentine et l’Uruguay, la CIJ applique le principe de l’utilisation non dommageable du territoire au droit de l’environnement.

Il peut aussi être utilisé pour réprimer toute atteinte qui pourrait être menée à l’encontre de la stabilité des États tiers : les États ne peuvent pas, depuis leur territoire, mener des actes qui viseraient à déstabiliser des États tiers.


b) La compétence personnelle

À la différence de la compétence territoriale, qui s’exerce sur le territoire, la compétence personnelle s’exerce à l’égard des personnes qui sont les nationaux de l’État.

Elle fonde la faculté de l’État à mettre en œuvre sa protection diplomatique.

Pour les personnes physiques, l’État détermine qui sont ses nationaux à l’aide de plusieurs critères : filiation, lieu de naissance, etc.
Cette liberté n’est pas arbitraire ; le droit international fixe les conditions d’opposabilité de la nationalité (quand un État peut opposer à un autre État que “cette personne est mon ressortissant”).

Dans son arrêt Nottebohm du 6 avril 1955, la CIJ déclare que la nationalité de M. Nottebohm a été accordée sans rattachement réel et est donc considérée comme inopposable en matière de protection diplomatique.
Elle définit la nationalité comme “un lien juridique ayant à sa base un fait social de rattachement, une solidarité effective d’existence, d’intérêts, de sentiments jointe à une réciprocité de droits et de devoirs”.
→ le lien de nationalité n’est donc pas quelque chose de fictif

Pour les personnes morales, les États sont libres de déterminer lesquelles ont sa nationalité.
Les pays anglo-saxons retiennent le critère de l’enregistrement/l’incorporation (toutes les sociétés constituées et enregistrées conformément aux dispositions du pays acquièrent la nationalité).
D’autres pays, comme la France, retiennent des conditions de fait de nature économique (idée : réserver le bénéfice de la nationalité aux seules sociétés dont l’activité est susceptible de présenter un intérêt pour l’économie nationale). Le critère retenu est généralement celui du siège social de la société.

Les États peuvent réglementer la condition de leurs ressortissants qui se situent à l’étranger, mais l’exercice d’une telle compétence peut entrer en conflit avec la compétence territoriale d’un autre État :

Affaire du Lotus, arrêt du 7 septembre 1927 de la CIJ : la France conteste l’exercice de la compétence de la Turquie en haute mer ; la Cour refuse de suivre l’interprétation française.

Idée : les États peuvent exercer de manière extraterritoriale leurs compétences législatives et judiciaires, mais ils doivent avoir un titre de compétence.
Ils ne peuvent pas exercer de manière extraterritoriale leurs compétences d’exécution
; cela reviendrait à exercer un acte de contrainte / d’autorité sur le territoire d’un État étranger.


c) La compétence universelle

La compétence universelle consiste, pour un État, à exercer sa compétence à l’égard de personnes qui ont commis des infractions, personnes qui ne sont pas ses nationaux, qui n’ont causé aucun tort à ses nationaux et qui n’ont pas été commis sur le territoire de l’État.

L’État peut alors exercer sa compétence indépendamment de tout lien de rattachement territorial ou personnel.

Cette compétence est prévue dans le champ du droit international, notamment pénal, et vise à garantir la répression des infractions particulièrement graves.

L’article 105 de la Convention de Montego Bay établit la compétence universelle des États pour des crimes de piraterie commis en haute mer.
D’autres conventions établissent aussi cette compétence pour les crimes les plus graves : terrorisme, crime d’apartheid, crime de torture, etc.
(règle “extrader ou punir”)

Section 2 : Le développement des organisations internationales, sujets dérivés du droit international public

Dans son avis consultatif du 11 avril 1949 sur la réparation des dommages subis par les Nations unies, la CIJ affirme que “les sujets de droit dans un système juridique ne sont pas forcément identiques quant à leur nature ou à l’étendue de leurs droits”.

Les organisations internationales disposent d’une personnalité juridique internationale, sans pour autant se confondre avec celle des États.
Elles constituent des sujets dérivés – et non originaires – du droit international public.

Contrairement à l’État, dont l’existence constitue un fait juridique, l’existence d’une organisation international repose sur un acte juridique (ex : traité conclu entre États).

Ces organisations internationales sont souvent assimilées aux organisations interétatiques / intergouvernementales (organisations dont les membres sont des États et instituées sur la base d’un traité international).

Ce modèle d’organisation développé dans l’entre deux guerres connaît un essor considérable après la Seconde Guerre mondiale.
Ce cours se concentre sur ce modèle, mais il existe d’autres modèles d’organisations (ex : G20, Comité international de la Croix-Rouge, …).

I – La nature hétérogène des organisations internationales

La scène internationale compte + de 300 organisations internationales.

A – L’institutionnalisation des relations interétatiques

Les États peuvent renforcer leur collaboration en instituant des entités communes.
Le droit relationnel devient un droit institutionnel : les États confèrent des compétences à des organisations distinctes d’eux pour régir des questions d’ordre international.

1) L’essor du fonctionnalisme

Le fonctionnalisme est un courant doctrinal qui désigne un processus par lequel des activités spécifiques (des fonctions) vont être exécutées par des organisations internationales et non par des autorités étatiques.

Idée : mettre en œuvre la paix par une coopération internationale, organisée dans chaque secteur d’intérêt (environnement, économie, santé…) de la vie internationale.

Mitrany élabore en 1943 la 1ère théorie du fonctionnalisme en étudiant l’échec de la Société des Nations.
Il constate que la SDN a échoué parce qu’il s’agissait d’une organisation à vocation politique et qu’elle avait donc attaqué de front la souveraineté de ses États membres.
Pour lui, il est nécessaire de privilégier les organisations à vocation technique, qui interviennent sur des thèmes spécifiques, pour permettre que l’État soit “dépouillé” de ses compétences en douceur.

2) L’essor du multilatéralisme

Le multilatéralisme renvoie à une méthode de coopération entre États.
À la différence du bilatéralisme (coopération entre 2 États) et du plurilatéralisme (entre plusieurs États), le multilatéralisme propose une coopération ouverte à l’ensemble des États.

Il prend la forme conventionnelle, par l’adoption de traités multilatéraux (ex : conventions sous l’égide des Nations unies), mais peut aussi prendre une forme institutionnalisée (sous la forme d’organisations internationales).

On distingue 2 manières de faire du multilatéralisme :

  1. Le multilatéralisme universel s’adresse à l’ensemble des États.
    Exemple : ONU.
  1. Le multilatéralisme régional s’adresse spécifiquement à certains États.
    Exemple : OTAN, Union africaine.

B – Une quête de typologie des organisations interétatiques

1) Le critère de la composition de l’organisation

Les organisations internationales sont dites ouvertes lorsqu’elles sont accessibles à l’ensemble des États (organisations universelles) et fermées lorsqu’elles ne sont accessibles qu’à certains États en particulier.

2) Le critère de la finalité de l’organisation

On oppose parfois les organisations à vocation politique de celles à vocation technique.

Mais cette distinction reste artificielle : même dans les domaines techniques, la décision relève de choix politiques.

3) Le critère de la nature des compétences exercées par l’organisation

On distingue les organisations à compétence normative, qui visent à ériger des normes, et les organisations à compétence opérationnelle, qui apportent un soutien technique/logistique/financier aux États et interviennent sur leurs territoires.
Mais les organisations exercent souvent à la fois des compétences normatives et opérationnelles.

On peut aussi distinguer les organisations selon le degré de compétences qu’elles exercent :

  • Les organisations internationales de coopération sont composées de représentants d’États membres qui prennent des décisions à l’unanimité ;
  • Les organisations internationales d’intégration fonctionnent sur un transfert de compétences étatiques à des organes composés de personnalités indépendantes des États membres (exemple : l’UE avec la Commission européenne).

Mais certaines organisations de coopération intègrent des mécanismes d’intégration.

→ L’exercice de classification est complexe.

II – Les caractéristiques communes aux organisations interétatiques

A – Une organisation fondée sur un traité international

Le traité sur lequel l’organisation est fondée s’appelle son acte constitutif.
Cet acte constitutif est le droit originaire de l’organisation, adopté par les États et non par l’organisation elle-même.

L’acte constitutif d’une organisation internationale est un traité international.
L’objet de ce traité international est toutefois singulier : il ne s’agit pas uniquement d’un accord entre États qui régirait leurs droits et obligations, mais d’une constitution qui crée une institution permanente qui lie chaque État ratifiant cet acte constitutif à l’organisation elle-même.
Les États sont à la fois parties au traité qu’est l’acte constitutif et membres de l’organisation que le traité a créé.

L’acte constitutif précise les buts, les règles de fonctionnement et les compétences de l’organisation.
Il fixe les règles relatives à sa révision.
(≠ révision d’un traité classique : nécessite l’accord de toutes les parties)

Par exemple, l’article 108 de la Charte des Nations unies prévoit une adoption de la révision aux 2/3.

Une organisation peut donc souvent être révisée sans l’accord de tous ses membres.
→ l’organisation peut s’émanciper de ses créateurs

B – Une organisation composée d’États souverains

1) L’acquisition de la qualité de membre

Membres originaires ≠ membres admis

Ce sont les membres fondateurs qui déterminent dans l’acte constitutif les conditions et la procédure pour accueillir les nouveaux membres.

L’article 4 de la Charte des Nations unies précise les conditions et la procédure pour devenir membre des Nations unies.

Conditions :
> il faut être un État
> être pacifique
> accepter les obligations de la Charte
> être capable et disposé à les remplir

Procédure : sur la recommandation du Conseil de sécurité (à une majorité de 9 voix) → décision de l’AG (à une majorité de 2/3) qui entérine l’adhésion.

2) La perte de la qualité de membre

Retrait : il est rare que les organisations internationales prévoient un mécanisme de retrait volontaire.
Par exemple, la Charte des Nations unies n’en prévoit pas.

L’article 50 du traité sur l’Union Européenne (1992) prévoit un mécanisme de retrait.

Exclusion :
Un défaut de paiement ou un non-respect du droit dérivé de l’organisation ne suffisent pas à exclure un membre.

La Charte des Nations unies prévoit 2 hypothèses :

  1. L’article 5 dispose que : “Un Membre de l’Organisation contre lequel une action préventive ou coercitive a été entreprise par le Conseil de sécurité peut être suspendu par l’Assemblée générale, sur recommandation du Conseil de sécurité, de l’exercice des droits et privilèges inhérents à la qualité de Membre. L’exercice de ces droits et privilèges peut être rétabli par le Conseil de sécurité.”
  1. L’article 6 dispose que : “Si un Membre de l’Organisation enfreint de manière persistante les principes énoncés dans la présente Charte, il peut être exclu de l’Organisation par l’Assemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité”.

3) Autres participants à l’organisation internationale

L’organisation internationale peut prévoir d’autres statuts que celui d’État membre (”participation restreinte” ≠ “plénière”).

Le statut d’observateur (ou d’associé) permet d’assister aux travaux de l’organisation, sans pour autant avoir le droit de vote.

Le statut d’observateur à l’ONU n’est pas prévu par la Charte, mais relève de l’usage.

C – Une organisation autonome des États membres

L’organisation internationale se voit conférée une personnalité juridique internationale et va ainsi disposer de compétences propres différentes de celles des États qui la composent.
→ peut laisser craindre une émancipation vis-à-vis des États membres

1) La consécration juridique de l’autonomie

a) L’octroi d’une personnalité juridique internationale

L’organisation va exister dans les 2 ordres juridiques où elle peut être amenée à agir ; elle dispose d’une personnalité juridique interne + internationale.

La personnalité juridique interne n’a jamais causé de difficultés car elle est généralement prévue explicitement dans les actes constitutifs des organisations.

Elle tient au fait que les organisations internationales, à l’inverse des États, n’ont pas de territoire propre ; il est donc nécessaire de les accueillir sur les territoires pour qu’elles puissent exercer leurs activités.

Cette personnalité est aussi nécessaire pour l’acquisition de biens immobiliers, pour passer des contrats, pour ester en justice…

La question de la personnalité juridique internationale a suscité le plus de débats, avant d’être tranchée par un avis de la CIJ du 11 avril 1949, dans lequel la Cour affirme que l’ONU dispose d’une personnalité juridique objective et confirme que cette personnalité juridique est dérivée.

Cette existence en tant que personne juridique internationale est opposable aux États membres qui l’ont créée, mais aussi aux États tiers (qui ne sont pas partie à leur acte constitutif).

“Cela signifie que l’organisation est un sujet de droit international, qu’elle a capacité d’être titulaire de droits et de devoirs internationaux et qu’elle a capacité de se prévaloir de ses droits par voie de réclamation internationale.”


b) Les attributs de la personnalité juridique internationale

Les compétences dont disposent les organisations internationales ne sont pas générales, contrairement aux États.

Principe de spécialité : les organisations internationales disposent uniquement de compétences d’attribution, c’est-à-dire celles que leur ont conféré les États.

L’organisation internationale peut d’elle-même produire du droit ou adopter des actes unilatéraux.

Dans son avis du 11 avril 1949, la CIJ reconnaît que les organisations internationales peuvent également bénéficier de compétences implicites.

L’organisation internationale dispose de capacités internationales à la fois normatives et opérationnelles.

Capacités normatives : capacité pour l’organisation internationale de produire du droit dérivé.

Capacités opérationnelles :
> activités d’assistance (économique, militaire, policière, technique)
> activités de contrôle des manquements des États membres au droit originaire ou dérivé ; ce contrôle peut être de nature juridictionnelle (ex : CIJ, CJUE)

2) Les moyens institutionnels de l’autonomie

a) Les organes de l’organisation internationale

Comme l’État, l’organisation internationale est une personne morale qui va fonctionner au travers de ses organes.

On peut distinguer les organes selon leur origine :

Les organes principaux sont créés par l’acte constitutif de l’organisation, qui précise leur organisation, leur fonctionnement, leurs pouvoirs, etc.
Les organes subsidiaires résultent d’un acte unilatéral d’un organe principal. Ils sont créés par ces organes principaux pour les aider à mener leurs tâches.

Exemple : le fonctionnement de l’ONU repose sur 6 organes principaux qui sont listés à l’article 7 de la Charte des Nations unies :
1- la Cour internationale de justice
2- le Conseil économique et social
3- le Conseil de tutelle
4- le Conseil de sécurité
5- l’Assemblée générale
6- le Secrétariat

L’article 7 prévoit également la possibilité de créer des organes subsidiaires.
Ces organes subsidiaires peuvent revêtir différentes formes : comités d’experts (ex : Commission du droit international), juridictions internationales…
Lorsque l’autonomie de certains organes subsidiaires devient suffisamment importante, ils peuvent devenir des institutions spécialisées et ainsi obtenir une personnalité juridique ; ex : Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI).

On peut aussi distinguer les organes selon leur composition :

Les organes interétatiques (ou intergouvernementaux) sont constitués de représentants des États membres.
Les organes intégrés sont composés d’agents internationaux, qui ne sont pas au service des États membres mais au service l’organisation internationale en tant que telle.

Les organes intergouvernementaux peuvent être pléniers (ex : AGNU) ou restreints (ex : Conseil de sécurité).

Un organe intergouvernemental s’exprime d’une seule voix, mais il s’agit en réalité politiquement de la somme des positions collectives de ses membres.
Il peut exister différents modes décisionnels :
> l’unanimité
> la majorité
> le consensus (n’induit pas de vote formel)

Certains membres peuvent avoir des privilèges décisionnels.

Les organes intégrés sont composés de fonctionnaires internationaux, qui exercent leurs fonctions dans le seul intérêt de l’organisation.
Ils sont soumis à une obligation d’indépendance à l’égard de leurs intérêts nationaux.
Ils permettent à l’organisation de se détacher des États et d’agir dans son intérêt exclusif.

On distingue différents types d’organes intégrés :
1- Ceux qui exercent une activité administrative ; ex : Secrétariat général de l’ONU ;
2- Ceux qui exercent une activité judiciaire ; ex : CIJ ;
3- Ceux qui exercent une activité militaire ; ex : Commandement intégré de l’OTAN ;
4- Ceux qui exercent une activité technique.

Voir plus bas pour les organes principaux des Nations Unies.


b) Les ressources financières de l’organisation internationale

Les ressources des organisations internationales reposent sur les contributions obligatoires et volontaires des États membres.

Pour l’ONU, objectif : répartir les contributions selon les capacités de paiement de chaque État.
Les contributions sont calculées à partir du PNB de chaque État.

En 2021, le budget de l’ONU était de + de 3 milliards USD.
Les principaux contributeurs au budget des Nations unies sont les membres du Conseil de sécurité + l’Allemagne + le Japon (avec les États-Unis en tête).
Depuis l’an 2000, les cotisations sont plafonnées de 0,001% à 22%.

Les ressources financières sont aussi un levier de pression pour les grands contributeurs.

III – L’organisation interétatique : un modèle en crise ?

Les États continuent de coopérer entre eux en dehors des organisations internationales, parce qu’elles peuvent apparaître comme trop attentatoires à la souveraineté.

Les États préfèrent généralement la coopération informelle.
Exemple : groupes de concertation politique (G7, G20…) qui ne s’appuient sur aucun traité constitutif.

Certains États puissants expriment un rejet du multilatéralisme.
Exemple : phénomène de retrait des organisations internationales qui s’est multiplié sous l’ère de l’administration Trump.

Exemples :
> Retrait de la France de l’Afghanistan en 2014
> Retrait des États-Unis et d’Israël de l’UNESCO en 2017
> Retrait et menaces de retrait auxquels fait face la CPI
> Retrait du Royaume-Uni de l’Union Européenne

Ces retraits affectent à la fois l’efficacité et la légitimité des organisations internationales concernées.

L’autonomie des organisations internationales peut être réduite par des moyens financiers limités.
Exemple : après l’admission de la Palestine par l’UNESCO, certains États ont décidé de bloquer leurs contributions.

Une organisation internationale peut être paralysée en cas de désaccord de certains de ses États membres.
Exemple : depuis mars 2017, le président Donald Trump a bloqué le renouvellement de ses juges au sein de l’organe d’appel de l’OMC, le paralysant.

Étude de cas :
Les organes principaux des Nations Unies

Les organes intergouvernementaux

L’Assemblée générale

L’Assemblée générale des Nations unies est conçue comme une enceinte de dialogue.

Elle ne se réunit pas en permanence : elle tient une session annuelle qui débute en septembre à New York et dure de 3 à 4 mois.
Elle peut se réunir en session exceptionnelle quand des circonstances particulières l’exigent.

L’article 12 de la Charte des Nations unies instaure une compétence subsidiaire de l’AGNU pour les missions touchant au maintien de la paix et de la sécurité internationale (la compétence principale revient au Conseil de sécurité).
→ elle ne peut, en principe, discuter d’une question relevant du maintien de la paix et de la sécurité internationale si le Conseil de sécurité s’en saisit

La résolution 377 de l’AGNU (1950), votée dans le contexte de la guerre de Corée où le Conseil de sécurité était bloqué, autorise l’AGNU à se substituer au Conseil de sécurité lorsque ce dernier est bloqué.

L’AGNU n’a cependant qu’un pouvoir de recommandation.
Ses résolutions sont adoptées par vote à la majorité des 2/3 pour les questions importantes (paix et sécurité internationale) et à la majorité simple pour les autres questions.

Le Conseil de sécurité

Le Conseil de sécurité a “la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationale” (article 24 de la Charte).

Depuis 1965, le Conseil de sécurité compte 10 membres non permanents, qui sont élus tous les 2 ans par un système de rotation sur la base de :
> la contribution des États membres au maintien de la paix
> la répartition géographique

La CIJ, dans une décision de 1971, établit que l’abstention d’un des membres permanents n’équivaut pas à un vote négatif.

Le Conseil de sécurité est organisé de façon à pouvoir exercer ses fonctions à tout moment.
Chaque État doit donc avoir, à tout moment, un représentant au siège des Nations unies à New York.

Il peut être saisi par tout État membre, par l’AGNU ou par le secrétaire général chaque fois que le maintien de la paix et de la sécurité internationale est en péril.

L’article 27 de la Charte distingue les questions de procédure (adoptées à une majorité de 9 membres quel que soit leur statut) des autres questions (adoptées à une majorité de 9 membres sur 15, dont obligatoirement les voix des 5 membres permanents).

Chapitre 6 de la Charte : “Règlement pacifique des différends”.
Chapitre 7 de la Charte : “Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression”.
Lorsque le Conseil de sécurité constate l’une de ces 3 situations, il peut adopter des mesures coercitives de nature militaire ou non militaire (ex : sanctions économiques).

Le Conseil économique et social

Le Conseil économique et social veille à une meilleure coopération des États en matière économique et sociale.

Il est composé de 54 membres élus par l’AGNU pour 3 ans.

Il agit par le biais de recommandations.

Les organes intégrés

Le Secrétariat

Le Secrétariat des Nations unies comprend le secrétaire général lui-même + quelques agents internationaux.

Le secrétaire général est élu par l’AGNU sur recommandation du Conseil de sécurité.

Il est chargé de fonctions administratives et politiques.
Il représente l’ONU et exerce un rôle de médiation lorsqu’un différend naît entre plusieurs États.
Il est indépendant de l’ensemble des États membres.

La Cour internationale de justice

La CIJ est l’organe judiciaire principal des Nations unies.
Elle succède à la Cour permanente de justice internationale.

Elle est composée de 15 magistrats indépendants élus par l’AGNU et le Conseil de sécurité pour un mandat de 9 ans.

Elle a une double compétence : elle peut être saisie de questions juridiques au titre de sa compétence consultative ou de sa compétence contentieuse (les États la saisissent pour régler leurs différends).

Introduction aux relations internationales et au droit international public

Cliquer ici pour retourner au sommaire du cours.

Ce cours étudiera la place du droit international public pour réguler les relations internationales.
C’est important dans la mesure où ces relations sont souvent représentées comme étant archaïques.

La société internationale est caractérisée par l’absence d’une institution qui détient le monopole de la violence légitime.
→ il n’y a pas de “super-État” qui régit la société internationale

💡
Pourquoi est-ce que l’ONU n’est pas un “super-État” qui régit la société internationale ?
Parce que c’est une organisation internationale qui dispose de compétences qui lui ont été attribuées par les États (charte constitutive) ; elle n’a pas de territoire ni de population.
L’ONU est un sujet dérivé du droit international.

L’ONU est composée de 193 États (contre 53 à son origine en 1945).
Elle dispose de 3 sièges : New York, La Haye, Genève.
Ses organes principaux sont :

  • le Conseil de sécurité ;
  • l’Assemblée générale ;
  • le Secrétariat général ;
  • la Cour internationale de justice (CIJ) ;

⚠️ L’ONU ne dispose que des compétences qui lui ont été attribuées par les États.
Si on regarde la Charte constitutive, on constate que l’organisation n’a pas vocation à remplacer les États.
4 buts de l’ONU :

  1. Maintenir la paix et la sécurité internationales ;
  1. Développer entre les nations des relations amicales ;
  1. Réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux […] ;
  1. Être un centre où s’harmonisent les efforts des nations vers ces fins communes.

→ correspondent à des buts politiques

“L’anarchie est le trait fondamental de la vie internationale et le point de départ de toute réflexion sur celle-ci.”
~ Hedley Bull

On distingue les approches réaliste et idéaliste :

  • Selon l’approche réaliste, les rapports internationaux sont gouvernés par la méfiance et la prédation.
    Il s’agit d’un système compétitif et non coopératif, parce que les États tendent à définir leurs politiques extérieures en fonction de leur intérêt national, qui se résume principalement en des termes de puissance et de sécurité.
    → rapports conflictuels ; vision assez pessimiste
  • Selon l’approche idéaliste, la régulation est souhaitable et possible. Les organisations internationales jouent un rôle important dans la pacification des rapports internationaux, en promouvant le droit international.
    Les rapports internationaux ne sont pas uniquement des questions de puissance et de sécurité ; ils dépendent des préférences des décideurs politiques et de la nature du régime. Ainsi, un régime démocratique sera + pacifique, parce que la majorité peut s’exprimer.
    → accorde une place importante au droit international

On distingue un glissement du concept de société internationale à celui de communauté internationale.
La communauté internationale est l’expression de la solidarité commune des États, qui transcenderait leurs oppositions et leurs intérêts particuliers.
Ce concept s’inscrit dans l’approche idéaliste ; à ce jour, il semble avoir du mal à s’imposer.

Les “problèmes sans passeport” sont des problèmes qui appellent à des réponses mondiales.
La réponse à ces problèmes pourrait être trouvée au niveau d’instances multilatérales comme l’ONU.
Exemples : réchauffement climatique ; pandémies ; creusement des inégalités sociales à l’échelle de la planète ; hyperterrorisme ; flux migratoires.

Sous l’administration Trump, les États-Unis ont mis en place la politique America First.
Ils ont affirmé vouloir se retirer de l’OMS et se sont retirés de l’UNESCO.
Ils sont à l’origine du blocage de l’OMC en 2020.
Ils se sont retirés du traité de libre-échange avec l’Union Européenne (TAFTA) et la zone Asie-Pacifique (TPP).

“Paix impossible, guerre improbable”
Cette expression prend son origine dans le contexte de la guerre froide.
Aujourd’hui, on constate une persistance des conflits, qui a plusieurs causes : revendications d’autonomie de la part d’une région (ex : conflit en Ethiopie dans la région du Tigré), États défaillants, …

On distingue aujourd’hui 2 possibilités :

  1. Que des puissances étrangères apparaissent dans le conflit ; même s’il est intraétatique, il y a un affrontement indirect entre les États
  1. Qu’il y ait un conflit direct entre les États (ex : Ukraine / Russie, Israël / Palestine, …).

Relations internationales : l’ensemble des liens et des rapports entretenus par des acteurs capables d’agir au-delà de la sphère étatique.
→ aussi bien des acteurs publics (États, organisations internationales) que des acteurs privés (ONG, FTN, groupes criminels)

Le développement de ces relations internationales épouse le phénomène de mondialisation et prend naissance à la fin du Moyen-Âge (période de grandes découvertes).

À l’heure actuelle, les relations internationales englobent les relations de nature interétatique et les relations de nature transétatique.

Section 1 : La définition des relations internationales contemporaines

I – Présentation des relations internationales contemporaines

A – Les relations de nature interétatique (ou internationales stricto sensu)

1) Les relations entre États

Les relations entre États se nouent entre les gouvernements des États respectifs.
Ces rapports peuvent être informels ou être formalisés dans des traités internationaux.

L’objet de ces relations peut être international comme purement interne (ex : régir la situation des personnes privées étrangères sur le territoire d’un des États).

Ces relations entre États sont apparues en Europe à la fin du Moyen-Âge, quand la société européenne est divisée entre États souverains par les traités de Westphalie (1648).
”système westphalien”

De la fin du 19ème siècle au début de la Seconde Guerre mondiale, les États prennent activement part aux relations internationales et concluent de nombreux traités de libre-échange.
Ce système westphalien sera ensuite étendu à l’échelle du globe.

2) Les relations entre États et organisations internationales

L’ONU reconnaît 197 États et on compte plus de 300 organisations internationales.

Un État peut conclure un traité avec une organisation internationale ; par exemple, le TAFTA entre l’Union Européenne (organisation internationale) et les États-Unis.

Dans l’Union Européenne, les États membres adoptent des règlements et directives obligatoires.

3) Relations entre organisations internationales

Les organisations internationales peuvent entretenir des rapports formels comme informels.
Exemple : rapports entre le FMI et l’ONU, ou entre la Banque mondiale et l’ONU.

B – Les relations de nature transétatique (ou transnationales)

1) Les relations de nature mixte

Les relations mixtes mettent en présence un État et une personne privée étrangère (physique ou morale).
L’État exerce son autorité au titre de sa compétence territoriale.

C’est le phénomène de mondialisation qui explique le développement des relations mixtes.

Les relations mixtes comprennent notamment :
> le droit international des étrangers
> le droit international des investissements
→ le droit régit des rapports entre un État et des personnes qui ne sont pas ses nationaux mais qui sont présents sur son territoire

L’État qui exerce sa juridiction territoriale doit respecter les obligations internationales.
On distingue :

  • Les obligations de nature coutumière, par exemple le standard minimum de traitement des étrangers (l’État doit traiter de manière non arbitraire et non discriminatoire les étrangers présents sur son territoire) ;
  • Les obligations conventionnelles ; par exemple, la Convention de Genève de 1951 sur le statut des réfugiés impose le principe de non refoulement.

2) Les relations de nature privée

Les traités bilatéraux d’investissement sont des relations transétatiques de nature privée. Ce sont des conventions internationales passée entre l’État de nationalité de l’investisseur et l’État d’accueil de l’investissement.
Elles obligent l’État d’accueil à respecter certains droits de l’investisseur.

Ce sont des relations de nature mixte.

Exemple : Total sera soumis à la juridiction du Niger après un accord avec ce pays, mais cet accord peut faire l’objet d’un traité international.

Le commerce intrafirme est le commerce au sein d’une même firme internationale, par exemple entre maison mère et filiale.

On parle de “chaîne de valeur mondiale”.
≠ conception classique des relations internationales

Les échanges intrafirmes représentent 30% des échanges selon l’OCDE.
Selon l’OCDE, 70% des échanges internationaux actuels reposent sur des chaînes de valeur mondiales, c’est-à-dire mettant en relation toutes les entités correspondant aux groupes/FTN.

La mondialisation des chaînes de valeur a entraîné des niveaux sans précédent d’interdépendance.
Risque : que les États se retrouvent en situation de concurrence et qu’ils abaissent leur législation pour être + attractifs (”dumping réglementaire”).

Les relations internationales contemporaines ne sont donc pas exclusivement interétatiques.
Elles se distinguent par leur hétérogénéité.

II – Focus sur l’évolution historique des relations entre États

A – L’occidentalisation du monde (15e-20e siècle)

En 1453 (prise de Constantinople), la chute de l’Empire byzantin entraîne la fermeture des routes commerciales entre l’Orient et l’Occident.
L’Europe est alors contrainte de chercher de nouvelles routes vers l’Asie.

La “découverte de l’Amérique” par Christophe Colomb en 1492 entraîne un décloisonnement du monde.
En 1494, l’Espagne et le Portugal concluent le traité de Tordesillas pour se partager le nouveau monde en 2. Ils décrètent que les autres puissances européennes se voient refuser tout titre sur ces nouvelles terres.

En 1885, la Conférence de Berlin règle des différents entre les puissances colonisatrices en organisant le partage de l’Afrique.

C’est la relative stabilité entre les puissances européennes qui leur permettait de se concentrer sur la conquête de nouveaux territoires. Ce “concert européen” est mis en place en 1815 ; il reposait sur 3 grands principes :
1- l’inviolabilité des frontières entre États européens ;
2- le règlement pacifique des différends entre États européens ;
3- la mise en place d’une alliance en cas d’agression extérieure.
Il permet de garantir la paix jusqu’en 1854.

Après 2 guerres mondiales, le processus de décolonisation et la montée en puissance des États-Unis, on constate un effacement progressif de l’Europe dans les relations internationales.

B – L’américanisation du monde (20e siècle)

Les États-Unis sortent grands vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale ; ils s’imposent en s’appuyant sur leurs ressources politiques, économiques, culturelles et militaires :

  • Économiques :
    • les 2/3 des réserves mondiales d’or sont alors aux États-Unis ;
    • les États-Unis contrôlent 1/3 de tous les biens fabriqués ;
    • le dollar est la monnaie de référence des échanges internationaux.
  • Militaire : les États-Unis sont les seuls à bénéficier d’un statut de puissance nucléaire ;
  • Culturelle : l’american way of life s’exporte à l’échelle de la planète ;
  • Politique : les institutions nouvelles accordent aux États-Unis des privilèges statutaires (ex : le droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU).

Dès la fin de la guerre froide, le monde est dominé par 1 seule grande puissance.
On parle d’hyperpuissance américaine.
On constate une multiplication des interventions à l’étranger des États-Unis.

C – Un monde multipolaire ? (21e siècle)

Cette hégémonie américaine est aujourd’hui remise en cause, au regard de l’essor de nouvelles menaces telles que l’hyperterrorisme.

Les BRICS sont un groupe informel de 5 nations.
Elles sont membres du G20 mais forment un groupe politique distinct du G20, composé de puissances réformatrices d’un ordre actuel.

La Chine se manifeste surtout sur le plan économique : devenue membre de l’OMC en 2001, elle est aujourd’hui la 2e puissance économique mondiale.
Elle investit massivement dans le développement d’infrastructures pour développer la connexion de son territoire à d’autres continents ; exemple : le gigantesque projet des “nouvelles routes de la soie” avec l’Europe.
Son influence est particulièrement importante sur le continent africain, où elle mène une diplomatie de la dette.

Concernant la Russie : la Syrie, l’Afrique et l’Europe de l’Est sont les principaux théâtres de la réaffirmation de sa puissance.
Elle met en place des zones tampons.

On constate la remise en cause d’un modèle libéral, sur les plans politique et économique.
En effet, ces 2 puissances ne se prévalent pas de la démocratie, ce qui est aussi une manière de s’affirmer contre les États-Unis qui se présentent comme les défenseurs de ce modèle.

Section 2 : La régulation des relations internationales contemporaines par le droit international public

I – Le droit et la puissance : quelle différence ?

A – Une régulation spontanée par le jeu de la puissance

1) Notion d’équilibre des puissances

La société internationale est souvent présentée comme étant un état de nature.
Son organisation dépend des rapports de force en présence ; il va donc en ressortir un équilibre précaire et spontané des puissances.

Robert Gilpin identifie différentes formes d’équilibre entre puissances étatiques :

  1. La configuration unipolaire, ou hégémonique, est caractérisée par la prédominance d’1 seule puissance ;
  1. La configuration bipolaire est caractérisée par la prédominance de 2 puissances (exemples : guerre froide, actuellement entre la Chine et les États-Unis) ;
  1. La configuration multipolaire est caractérisée par le contrôle mutuel de 3 puissances ou + (exemple : concert européen au 19e siècle).

2) Définition de la puissance

La puissance est la capacité d’une unité politique d’imposer sa volonté aux autres unités.

Cette capacité peut être découpée de 3 façons :

  1. La capacité de faire : la possibilité d’agir par soi-même.
    Exemple : les États-Unis sont, en 2003, capables d’intervenir unilatéralement en Irak sans autorisation du Conseil de sécurité de l’ONU ;
  1. La capacité de faire faire : la possibilité d’obtenir d’autrui qu’il adopte un comportement spécifique ou qu’il assume une contrainte.
    Exemple : sanctions économiques données par le Conseil de sécurité de l’ONU.
  1. La capacité de refuser de faire.
    Après un arrêt de la CIJ de 1946 opposant les États-Unis au Nicaragua (les États-Unis avaient vu leur responsabilité internationale engagée parce qu’ils n’ont pas respecté leurs engagements internationaux), les États-Unis ont refusé d’appliquer le jugement rendu à leur égard.

     

    La Russie s’est réservée le droit de ne pas appliquer les décisions de la CEDH si elle les considère comme contraires à sa constitution (décision de 2015 de la cour constitutionnelle russe après l’affaire Ioukos).

Mais la Russie peut-elle invoquer son droit interne pour ne pas respecter les décisions internationales ?
→ Non ! Cela remet en question le principe de la primauté du droit international sur le droit national, y compris constitutionnel, affirmé par la Cour permanente de justice internationale (ancêtre de la CIJ) dans l’affaire de la compétence des tribunaux de Dantzig de 1928.
”Un État ne saurait invoquer vis-à-vis d’un autre État sa propre constitution pour se soustraire aux obligations qui lui imposent le droit international ou les traités en vigueur”.

La puissance d’un État s’évalue sur les plans démographique, militaire, institutionnel et culturel.
Ses ressources sont généralement prises en compte quand on mesure les différences de puissance entre les pays.

Les composantes de la puissance sont :

  1. Les composantes permanentes : la géographie du pays (accès maritime ?), les ressources naturelles…
  1. Les composantes évolutives : les compétences industrielles, démographiques, militaires…
    → les États peuvent les renforcer

On distingue :

  1. Le hard power : les moyens de contrainte économique et militaire dont disposent les États
    → puissance coercitive d’un État
  1. Le soft power : les instruments de communication et d’influence (voire de propagande) dont disposent les États
    → puissance douce/attractive, qui s’opère via l’enseignement, la culture, le fonctionnement des institutions

—> La puissance est un phénomène multidimensionnel, relationnel et contextuel

B – Une régulation volontaire par le jeu du droit international public

Le droit international public est un mode d’organisation volontaire : il repose sur le consentement des acteurs internationaux à être soumis à des règles obligatoires communes.

Le droit apparaît aujourd’hui comme un moyen plus pérenne et plus légitime d’ordonner la société internationale.

1) Définition du droit international public

a) Un droit “international” par son origine

Le droit international procède d’un accord de volonté entre États, dont la souveraineté implique qu’ils ne puissent être liés que par les règles auxquelles ils ont consenti.
→ fondement volontariste du droit international public

On dit aussi que le droit international public est fondé sur le consensualisme.

L’arrêt de la Cour permanente de justice international de 1927 dans l’affaire du Lotus consacre le fondement volontariste du droit international :
”les règles de droit liant les États procèdent de la volonté de ceux-ci, volonté manifestée dans des conventions ou dans des usages acceptés généralement comme consacrant des principes du droit”

Cette volonté des États se matérialise dans un accord explicite que sont les conventions ou les traités mais aussi dans un accord tacite que sont des “usages acceptés généralement comme consacrant des principes de droit”.

L’article 38-1 du statut de la CIJ présente les principales sources du droit international public :
> les conventions internationales
> la coutume internationale
> les principes généraux du droit
+ la doctrine comme “moyen auxiliaire de détermination des règles de droit”

Mais cet article est daté et ne correspond plus au développement du droit international : il manque les autres sources.
Le courant jusnaturaliste affirme qu’il faut prendre en compte des éléments extérieurs à la volonté des États.
Pour le courant sociologique, le fondement du droit international réside dans les nécessités sociales.
Approche défendue par Georges Scelle, qui explique que ces règles soient généralement respectées parce que ce sont eux qui les ont créées.


b) Un droit encore “public” par son objet ?

L’adjectif est apparu plus tardivement, notamment lorsque l’expression “droit international privé” a été introduite en France.
Idée : la différence entre droit international public et privé repose sur une différence d’objet.

  • Le droit international privé a pour objet de régir les relations entre les personnes privées qui présenteraient un élément d’extranéité (caractère de ce qui est étranger).
    → questions relatives à l’état civil pour des ressortissants de différentes nationalités
  • Le droit international public ne se limite quant à lui plus à la régulation de situations internationales (même s’il s’agit de son objet historique).
    Ex : délimiter des frontières, nouer des alliances, définir le statut des espaces internationaux, etc.
    De plus, le droit international public est une source du droit international privé : on peut avoir des conventions ou des coutumes qui régissent des situations où le droit international privé aurait à s’appliquer.

L’arrêt du Lotus rappelle quelles sont les fonctions immuables du droit international – “en vue de régler la co-existence de ces communautés indépendantes ou en vue de la poursuite de buts communs” :
1- fonction de coexistence ;
2- fonction de coopération.

Les grands principes qui permettent d’assurer la co-existence des États en droit international :
> principe d’égalité souveraine entre États (⚠️ égalité en droit)
> principe de non-ingérence

Depuis 1945, cette coexistence doit être pacifique : les Nations unies interdisent explicitement de recourir à la menace ou à l’envoi de forces armées.

Ce devoir de coopération se matérialise au travers d’institutions internationales et de l’adoption croissante de traités multilatéraux, notamment au sortir de la Seconde Guerre mondiale.

La résolution 2625 de l’AGNU (24 octobre 1970 – ”Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États”) énonce des principes fondamentaux qui structurent les rapports entre États :

  • Le principe d’interdiction du recours à la menace ou à l’emploi de la force dans les relations internationales ;
  • Le principe de règlement pacifique des différends ;
  • La principe de non-ingérence dans les affaires relevant de la compétence nationale d’un État ;
  • Le devoir de coopération entre États ;
  • Le principe de l’égalité de droit des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes ;
  • Le principe de l’égalité souveraine ;
  • Le principe que les États remplissent de bonne foi les obligations de la Charte des Nations unies.

Aujourd’hui : coopération entre États par le biais d’institutions internationales.
→ évolution d’un point relationnel à un point institutionnel
⚠️ ce droit institutionnel n’a pas remplacé le droit relationnel : ils sont entremêlés

Exemple : le droit international des droits de l’homme impose aux États de respecter les droits des personnes situées sous leur juridiction territoriale.
→ les États sont obligés de prévoir des infractions dans leur droit interne

Le Dictionnaire de droit international public (J. Salmon, 2001) définit le droit international public comme l’ensemble des normes qui ont pour origine des accords entre États ou qui émanent d’entités auxquelles les États ont accordé ou reconnu le pouvoir de créer des normes internationales.

2) Caractéristiques du droit international public

a) En tant que système juridique : quelle distinction avec le système juridique interne ?

i) Un système décentralisé et horizontal

Un ordre juridique est l’ensemble des règles et des institutions qui gouvernent des sujets déterminés.

L’ordre juridique interne et l’ordre juridique international sont distingués traditionnellement par leurs structures :

  • La structure de l’ordre juridique interne est centralisée et verticale ;
  • La structure de l’ordre juridique international est décentralisée et horizontale.

Au sein de l’ordre juridique interne, l’État constitue une organisation politique centralisée qui édicte des règles selon un mode hiérarchique illustré par la pyramide des normes de Kelsen.
L’État dispose du monopole de la violence légitime pour sanctionner la non-exécution de ces règles.

Au sein de l’ordre juridique international, il n’existe pas de “super État” pour édicter et faire respecter ces règles.
Ces tâches reviennent à l’ensemble des États qui sont égaux entre eux sur le plan juridique.
Il n’existe pas de rapport de subordination entre les États ; les règles internationales sont élaborées et appliquées par les États selon un mode dit décentralisé.
→ les États sont à la fois les auteurs et les garants du respect du droit international

Cette comparaison entre les 2 ordres juridiques explique que l’ordre juridique international public ait été remis en cause dans son existence même : pour certains, le droit international, dans la mesure où il n’est pas comparable au droit interne, n’est pas du droit.
Idée : il relèverait davantage de la morale que du droit.

Mais le droit international existe bien ; il s’agit d’un ordre juridique spécifique.

ii) Conséquences sur la production et l’exécution du droit

On distingue 2 catégories :

  1. Les normes primaires sont les règles qui prescrivent ou interdisent des conduites.
    → obligations de comportement
    Exemple : obligation de respecter l’intégrité territoriale des autres États.

     

    Mais ces obligations resteraient lettre morte si aucune sanction n’était prévue en cas de violation.

  1. Les normes secondaires sont les règles qui définissent les modalités selon lesquelles les normes primaires sont établies, modifiées, sanctionnées et abrogées.

→ Les règles que les États vont s’engager à respecter sont à la fois des règles du jeu et des règles dans le jeu.

Exemple de règle du jeu (norme secondaire) : règles qui sont relatives à la formulation des normes internationales → Convention de Vienne (1969), qui ne dit rien sur le contenu des normes que les États peuvent établir
> son article 26 établit la force obligatoire des traités (pacta sunt servanda)
> elle prévoit un régime de responsabilité internationale des États dans le cas où ceux-ci ne respectent pas leurs obligations

Exemple de règle dans le jeu (norme primaire) : les conventions peuvent avoir un objet illimité, encore faut-il qu’elles ne contreviennent pas aux normes impératives, définies par l’article 53 de la Convention de Vienne comme des principes de droit réputés universels et supérieurs et devant constituer les bases des normes impératives de droit international général (jus cogens).
→ tout traité qui entre en conflit avec une norme impérative est nul

Principe : équivalence des sources du droit international (elles ont la même valeur juridique).
Autrement dit, un traité n’est pas supérieur à la coutume, et inversement.

Dans l’ordre interne, le contrat conclu avec une personne tierce doit être conforme à la loi ; ça n’est pas le cas dans l’ordre international (équivalence entre normes primaires et secondaires).
La Convention de Vienne a la même valeur que les traités qui en résultent.

→ Absence de hiérarchisation des sources
→ En principe, absence de hiérarchisation des normes
→ Mais l’introduction des normes impératives vient intégrer une forme de hiérarchisation

Le recours à un juge international est possible, mais il n’est pas automatique.
Il faut que les États aient accepté la compétence du juge.
C’est donc aux États d’apprécier en premier lieu la licéité (synonyme de légalité) internationale d’un comportement.

On dit que la détermination de la légalité internationale est subjective : c’est l’État qui va apprécier ce comportement et en tirer les conséquences.

b) En tant que discours : quelle distinction avec la politique et la morale ?

Qu’est-ce qui distingue l’argumentation juridique et une argumentation fondée sur des considérations morales ou politiques ?

Différence de nature : l’argumentation juridique mobilise des règles de droit (”est-ce légal ?”)
≠ questions morales (”est-ce légitime ?”)
≠ questions politiques (”est-ce opportun ?”)

II – Le droit face à la puissance : quelle place ?

Dans l’approche réaliste, le rôle du droit international est minimisé voire nié.
Idée : les acteurs des relations internationales agissent en fonction de leurs intérêts et de leurs moyens. Le droit ne constitue qu’un moyen parmi d’autres pour réaliser leur politique extérieure.

Cette thèse, soutenu par Raymond Aron, permet de mettre en exergue les lacunes des relations internationales et mettre en évidence les rapports de puissance entre les États.

L’approche idéaliste est caractérisée par la place prépondérante qu’elle accorde aux valeurs et aux normes dans la régulation des comportements des acteurs internationaux.
Idée : le droit est un vecteur de pacification et un instrument de neutralisation des velléités de puissance des États.
Cette pacification se matérialise par la création d’institutions internationales qui permet de dépasser l’anarchie originelle des relations internationales.

Les régimes internationaux sont des ensembles de règles et de procédures visant à normaliser et encadrer des pans des relations internationales.
Ils sont généralement encadrés par des organisations internationales.

Dans ce cours, nous nous intéresserons au régime international du maintien de la paix et de la sécurité internationale sous l’égide de l’ONU.
Objectif : favoriser la paix par la coopération.

On a pu reprocher à l’approche idéaliste son pessimisme, et à l’approche idéaliste son optimisme.

On constate néanmoins l’existence de 2 interdépendances :

  1. Le droit peut être pour les États un instrument de consolidation de leur puissance.
    Exemple : traités de paix.
  1. La puissance a besoin du droit pour se légitimer.
    Fonder leurs actions sur le droit international public permet aux États d’acquérir une légitimité.
    Exemple : argumentation de la Russie pour annexer la Crimée en 2014 (”conforme au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes”).

 

Commentaire de texte complet : les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (2011)

Ce commentaire de texte a été proposé aux étudiants de L1 dans le cadre d’un cours d’Introduction au droit international public. Il porte sur les Principes de Ruggie.
Auteur : Timothée Peraldi


“Les entreprises opérant en Russie et au Bélarus pourraient se retrouver liées à de graves violations du droit international [et doivent donc faire] preuve d’une extrême diligence et, si nécessaire, retirer ou geler certains de leurs investissements”. C’est par ces mots que la Fédération internationale des droits de l’homme, organisation non gouvernementale fondée en 1922, relance le débat de la responsabilité des entreprises en cas d’atteintes aux droits de l’homme dans le cadre de leurs activités, dans le contexte de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 qui a poussé de nombreuses firmes transnationales d’importance, telles que Microsoft, Apple, McDonald’s ou Coca-Cola, à interrompre leurs activités commerciales en Russie.

Ce document, qui est un extrait des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme : mise en œuvre du cadre de référence “protéger, respecter et réparer” des Nations Unies, illustre cette volonté de la société internationale de responsabiliser les entreprises face aux potentielles violations des droits de l’homme engendrées par leurs activités. Ce texte de droit souple, composé de 31 principes ayant pour objectif “d’améliorer les normes et les pratiques concernant les entreprises et les droits de l’homme afin d’obtenir des résultats tangibles pour les individus et les collectivités concernés”, a été adopté à l’unanimité par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies (CDH) le 16 juin 2011.

Ces principes, qui ne sont contraignants juridiquement ni pour les États, ni pour les entreprises, visent “toutes les entreprises indépendamment de leur taille, de leur secteur, de leur cadre de fonctionnement, de leur régime de propriété et de leur structure”, c’est-à-dire toutes les organisations ayant pour objectif de produire et de vendre des biens ou des services. Les droits de l’homme sont quant à eux définis dans le Vocabulaire juridique de l’Association Henri Capitant comme un “ensemble de facultés et prérogatives considérées comme appartenant naturellement à tout être humain dont le droit […] s’attache à imposer le respect et la protection en conformité avec certains textes de portée universelle”.

Dans un contexte de vigilance accrue des États, des ONG et de l’opinion publique sur les potentielles atteintes aux droits de l’homme dont certaines entreprises se rendraient coupables ou complices, notamment dans le cadre des conflits syriens et ukrainiens ou dans celui de la répression des Ouïghours en Chine, il convient de s’interroger sur la portée concrète des initiatives telles que celle à l’origine de ce document.

Dès lors, comment le Conseil des droits de l’homme des Nations unies s’attache-t-il dans cette déclaration de principes à rendre les entreprises plus soucieuses des droits de l’homme ?

Si le CDH s’attache, par ces principes, à établir une responsabilité incombant aux entreprises de respecter les droits de l’homme, la portée de ce texte reste incertaine en l’absence de contraintes juridiques. Nous étudierons d’abord comment le CDH rappelle l’obligation pour l’État de protéger les droits de l’homme (I) ; nous nous intéresserons ensuite à la manière dont il tente d’établir une responsabilité morale de protection des droits de l’homme pour l’entreprise (II).

I – Le rappel pour l’État de son obligation de protection des droits de l’homme

Le texte commence par rappeler l’obligation de protection des droits de l’homme de l’État, qui est fondée sur le droit international des droits de l’homme (A) mais qui ne s’étend pas nécessairement aux activités des entreprises (B).

A – Une obligation fondée sur le droit international des droits de l’homme

Grandes idées :

Cette déclaration de principes part de l’obligation des États de protéger contre les potentielles atteintes aux droits de l’homme sous leur juridiction : on note l’utilisation des mots “ont l’obligation”. Il s’agit ici de la seule obligation juridique du texte, qui découle du droit international des droits de l’homme.

Il faut néanmoins souligner que les États ne sont pas, aux yeux du droit international, directement responsables des atteintes aux droits de l’homme commises par des personnes privées. On peut uniquement déduire du droit international des droits de l’homme l’obligation pour les États de prendre toutes les “mesures appropriées pour empêcher ces atteintes”. On remarque également une référence à l’obligation pour les États de protéger et de faire progresser l’État de droit (“de lois, de règles et de procédures judiciaires”) qui peut se déduire du droit international des droits de l’homme.

Ce texte n’a néanmoins pas comme objectif d’établir les obligations des États en matière de respect des droits de l’homme, mais celles des entreprises.

B – Une obligation qui ne s’étend pas nécessairement aux activités des entreprises

Grandes idées :

Les États ne sont pas obligés par le droit international des droits de l’homme, ou par toute autre convention internationale – de réglementer les activités des entreprises en dehors de leurs territoires, même lorsque ces entreprises sont domiciliées sur leur territoire ou juridiction. Cela n’est pas pour autant interdit, si l’État dispose d’un titre de compétence territoriale ou personnelle sur l’entreprise ; il s’agit ici du cas de figure envisagé par le texte : “Les États doivent énoncer clairement qu’ils attendent de toutes les entreprises domiciliées sur leur territoire et/ou sous leur juridiction qu’elles respectent les droits de l’homme”.

La mise en œuvre de cette obligation que pourraient imposer les États pourrait prendre plusieurs formes : l’obligation pour les “sociétés mères” de rendre compte de l’ensemble des activités de l’entreprise à travers le monde ; le conditionnement du versement d’investissements au respect effectif des droits de l’homme ; quand l’État est partie prenante à une entreprise, il peut l’exiger directement ; etc.

L’application concrète de cette obligation nous amène à nous interroger sur les critères concrets qui devraient être utilisés pour contrôler le respect effectif par les entreprises des principes établis ici en matière de droits de l’homme.

II – La responsabilité morale de protection des droits de l’homme pour l’entreprise

Le CDH établit ici une responsabilité morale de protection des droits de l’homme pour les entreprises, en la précisant et en donnant des clés d’application concrètes de celle-ci (A) ; l’absence de contraintes juridiques rend néanmoins la portée de ce texte incertaine (B).

A – La précision de ce principe

Grandes idées :

Le texte précise la définition des droits de l’homme visée par le texte, en s’appuyant sur des listes internationalement reconnues : “à savoir, au minimum, ceux figurant dans la Charte internationale des droits de l’homme et les principes concernant les droits fondamentaux énoncés dans la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail de l’Organisation internationale du Travail”. Il faut noter ici l’utilisation des mots “au minimum”, qui sous-entend que les entreprises pourraient envisager d’autres normes quand les circonstances l’imposent ; on peut ici penser par exemple au droit humanitaire international ou aux conventions sur les apatrides ou les migrants.

Pour mettre en œuvre les principes listés, le CDH établit pour les entreprises la nécessité de déclarer publiquement leur engagement dans une déclaration de principe mise à la disposition du public, mais aussi communiquée aux partenaires commerciaux et institutionnels de l’entreprise : “les entreprises doivent formuler leur engagement de s’acquitter de cette responsabilité par le biais d’une déclaration de principe”. Les dispositions comprises dans cette déclaration doivent ensuite être appliquées en pratique dans les actions et travaux de l’entreprise : “est reprise dans les politiques et procédures opérationnelles”. Pour cela, l’entreprise doit mener un travail d’identification et d’évaluation de l’impact réel et potentiel de l’entreprise sur les droits de l’homme (“diligence raisonnable”) tout au long de sa chaîne de valeur (“afin d’être incorporée d’un bout à l’autre de l’entreprise”).

Il convient néanmoins de rappeler que ce texte est dépourvu de force obligatoire, comme rappelé par le site internet du CDH : “Aucun élément des Principes directeurs ne doit être interprété comme instituant de nouvelles obligations en vertu du droit international” ; il convient dès lors de s’interroger sur l’applicabilité concrète de ces principes.

B – Un texte à la portée incertaine

Grandes idées :

On note, tout au long du texte, l’utilisation du conditionnel (“devraient”). Les principes établis dans ce texte sont en effet des normes de conduite qui ne s’imposent pas aux entreprises et qui ont été établies dans un but incitatif. Le CDH semble néanmoins ici ambitieux, en établissant la nécessité pour les entreprises de non seulement respecter les droits de l’homme, mais aussi de “remédier à toutes les incidences négatives sur les droits de l’homme qu’elles peuvent avoir ou auxquelles elles contribuent” ; il est ici question de réparations.

Dès lors, la portée du texte semble limitée : les entreprises devraient réparer leurs torts en matière d’atteintes aux droits de l’homme, mais elles n’y sont pas obligées ; son application concrète semble donc improbable. L’intérêt du texte pourrait résider dans l’incitation, pour les États, d’établir une législation contraignante en la matière en se fondant sur les principes qui sont établis ici. On peut ici citer comme exemples la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre en France, ou la résolution du Parlement européen adoptée en mars 2021 en faveur d’une diligence raisonnable obligatoire en matière de droits de l’homme.

Commentaire de texte : CIJ, avis consultatif du 22 juillet 2010 (déclaration d’indépendance du Kosovo)

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Auteur du commentaire : Timothée Peraldi

Depuis sa création en 1945, plus de 80 anciennes colonies et 11 territoires sous tutelle ont acquis leur indépendance ou sont parvenus à l’autodétermination selon l’Organisation des Nations unies, qui se targue d’avoir joué un rôle majeur dans ce processus, en se fondant sur l’application du droit international ; l’article premier de la Charte des Nations unies établit en effet le “principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes”.

Ce document, qui est un extrait d’un avis consultatif rendu le 25 février 2019 par la Cour internationale de justice, organe législatif principal de l’ONU ayant pour rôle de se prononcer sur des différends entre États, intitulé Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, illustre bien ce rôle joué par le droit international dans le processus de décolonisation et les difficultés qui l’accompagnent. Cet avis, demandé en 2017 par l’Assemblée générale des Nations unies, porte sur le conflit opposant le Royaume-Uni et la République de Maurice depuis l’indépendance de cette dernière en 1968 au sujet de la souveraineté de l’archipel des Chagos, dans l’océan Indien. “L’île Maurice et ses dépendances” ont en effet été sous le contrôle continu du Royaume-Uni entre 1814 et 1968, quand Maurice a accédé à son indépendance et est devenu un État souverain. L’accord de Lancaster House du 23 septembre 1965 conclu entre le Royaume-Uni et le conseil des ministres de Maurice, alors encore une colonie sous l’autorité du Royaume-Uni, avait auparavant organisé le détachement de l’archipel des Chagos du territoire mauricien pour le passer sous l’administration du Royaume-Uni, avec la condition que cet archipel “soit restitué à Maurice ultérieurement”. Cet accord a ensuite été dénoncé par le gouvernement mauricien, qui réclame la restitution de l’archipel. Les habitants de l’archipel ont quant à eux été progressivement expulsés entre 1968 et 1973, et nombre d’entre eux réclament encore aujourd’hui le droit de retourner y vivre, accentuant ainsi les tensions entre les deux pays.

Dans cet avis du 25 février 2019, la Cour internationale de justice s’interroge sur le droit à l’autodétermination des peuples et ses limites dans le contexte du processus de décolonisation, ainsi que sur la responsabilité des puissances colonisatrices en cas de décolonisation illicite ou incomplète. Si cet avis peut sembler tardif, plus de 50 ans après les faits et alors que la période de décolonisation est généralement considérée comme achevée, elle est importante dans un contexte où les tensions relatives à la décolonisation persistent, voire tendent à s’envenimer.

Quelles solutions la Cour internationale de justice propose-t-elle pour résoudre ce conflit lié à une décolonisation contestée car jugée incomplète ?

La CIJ, dans le contexte de ce conflit opposant Maurice et le Royaume-Uni sur la question de l’archipel de Chagos, réaffirme expressément le droit international prohibant des actions telles que celles prévues par l’accord de Lancaster House, sans pour autant parvenir à proposer de solutions réalistiquement applicables pouvant conduire à la résolution de ce conflit. Dans un premier temps, nous étudierons la façon dont la Cour réaffirme le principe du droit à l’autodétermination des peuples (I) ; nous nous intéresserons ensuite à l’application floue de ce principe au cas d’espèce (II).

I – Le principe : le droit à l’autodétermination des peuples

Dans cet avis, la Cour internationale de justice réaffirme le caractère obligatoire du principe du droit à l’autodétermination des peuples, à travers le prisme du respect de l’intégrité territoriale (A), avant d’examiner la possibilité de détachement d’une partie d’un territoire non autonome en cas de volonté du peuple (B).

A – L’obligation du respect de l’intégrité territoriale

Grandes idées :

Le cas d’espèce étudié par la Cour porte sur le détachement par une puissance coloniale (le Royaume-Uni) d’une partie du territoire d’une de ses colonies (Maurice) avant l’indépendance de cette dernière, afin d’en conserver le contrôle, c’est pourquoi elle étudie le droit à l’autodétermination sous l’angle de la condition de respect de l’intégrité territoriale.

La Cour établit le principe qu’un peuple doit pouvoir exercer son droit à l’autodétermination sur l’ensemble de son territoire : “les peuples des territoires non autonomes sont habilités à exercer leur droit à l’autodétermination sur l’ensemble du territoire, dont l’intégrité doit être respectée par la puissance administrante” (l.10). Elle établit ce principe sur la base du paragraphe 6 de la résolution 1514 de l’Assemblée générale des Nations unies, mais également sur la base du “droit à l’intégrité territoriale d’un territoire non autonome”, qu’elle estime confirmé par la coutume, c’est-à-dire à la fois par la pratique des États lors du processus de décolonisation et par l’opinio juris, c’est-à-dire la conscience d’être lié par une obligation juridique ; elle fonde cette solution sur le principe d’équivalence des sources du droit international, en vertu de laquelle la coutume internationale a la même valeur qu’un traité conclu entre États tel que celui de Lancaster House.

La Cour conclut donc qu’un détachement d’une partie d’un territoire non autonome entre en contradiction directe avec le droit à l’autodétermination, mais établit néanmoins une exception : un tel détachement reste possible en cas de volonté du peuple.

B – L’exception en cas de volonté du peuple

Grandes idées :

La Cour internationale de justice rappelle néanmoins qu’un détachement d’une partie d’un territoire non autonome reste néanmoins possible s’il est “fondé sur la volonté librement exprimée et authentique du peuple du territoire concerné” (l.13). Elle tente ensuite de limiter la portée de cette exception, en affirmant que la simple acceptation par les représentants d’une colonie ne constitue pas une expression de la volonté du peuple de celle-ci conforme aux dispositions de la résolution 1514. Une réelle consultation du peuple, et non le simple accord de ses représentants, est donc nécessaire pour effectuer un tel détachement ; un référendum, par exemple, pourrait ici être envisagé.

Après avoir ainsi établi ce principe et ses limites, la Cour l’applique à ce conflit portant sur l’archipel des Chagos.

II – Une application floue de ce principe au cas d’espèce

Dans cet avis, la Cour internationale de justice détermine que le Royaume-Uni a violé le principe d’autodétermination des peuples, en détachant illégalement l’archipel des Chagos du territoire mauricien, engageant ainsi sa responsabilité (A), mais la portée de cet avis reste incertaine (B).

A – En l’espèce, une violation du droit international applicable

Grandes idées :

La Cour, après avoir rappelé que Maurice était encore sous l’autorité du Royaume-Uni lorsque l’accord de Lancaster House a été signé, conclut que “il n’est pas possible de parler d’un accord international” et que le détachement de l’archipel de Chagos organisé par celui-ci “n’a pas été fondé sur l’expression libre et authentique du peuple”.

Elle souligne également que l’Assemblée générale des Nations unies, dans sa résolution 2066 du 16 décembre 1965, a rappelé au Royaume-Uni son obligation de “respecter l’intégrité territoriale de Maurice”, en l’invitant à revenir sur l’accord de Lancaster House passé quelques mois plus tôt.

De ces deux éléments, la Cour conclut que le détachement de l’archipel des Chagos du territoire mauricien était “illicite”, et que par conséquent la décolonisation de Maurice a été réalisée en violation du droit des peuples à l’autodétermination. Le Royaume-Uni est donc, selon la Cour, dans l’obligation “dans les plus brefs délais, de mettre fin à son administration de l’archipel des Chagos” (l.53). Elle souligne également que cette administration au mépris du droit international “engage la responsabilité internationale” (l.49) du Royaume-Uni, ce qui signifie que le Royaume-Uni pourrait être tenu de réparer le tort causé à Maurice et/ou aux habitants expulsés de l’archipel de Chagos.

Cet avis n’étant néanmoins que consultatif, sa portée semble incertaine.

B – Un avis à la portée incertaine

Grandes idées :

La Cour rappelle qu’elle ne donne qu’un avis consultatif et que les modalités de mise en œuvre de l’achèvement de la décolonisation du territoire mauricien doivent être déterminées par l’Assemblée générale des Nations unies.

Il semble donc peu probable que cet avis, et la résolution qui en découle, permettent la fin de ce conflit, puisque malgré le rappel par la Cour de la fonction de coopérer du droit international affirmée par la résolution 2625 de l’Assemblée générale (« Tout Etat a le devoir de favoriser […] la réalisation du principe de l’égalité de droits des peuples et leur droit à disposer d’eux-mêmes »), les Nations unies ne semblent pas en mesure de forcer le Royaume-Uni à appliquer les décisions de l’Assemblée générale relatives à l’archipel de Chagos.

Enfin, la CIJ refuse de se prononcer sur les dispositions relatives au retour des habitants de l’archipel.

Commentaire de texte : CIJ, avis consultatif du 25 février 2019 (archipel des Chagos de Maurice)

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Auteur du commentaire : Timothée Peraldi

Depuis sa création en 1945, plus de 80 anciennes colonies et 11 territoires sous tutelle ont acquis leur indépendance ou sont parvenus à l’autodétermination selon l’Organisation des Nations unies, qui se targue d’avoir joué un rôle majeur dans ce processus, en se fondant sur l’application du droit international ; l’article premier de la Charte des Nations unies établit en effet le “principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes”.

Ce document, qui est un extrait d’un avis consultatif rendu le 25 février 2019 par la Cour internationale de justice, organe législatif principal de l’ONU ayant pour rôle de se prononcer sur des différends entre États, intitulé Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, illustre bien ce rôle joué par le droit international dans le processus de décolonisation et les difficultés qui l’accompagnent. Cet avis, demandé en 2017 par l’Assemblée générale des Nations unies, porte sur le conflit opposant le Royaume-Uni et la République de Maurice depuis l’indépendance de cette dernière en 1968 au sujet de la souveraineté de l’archipel des Chagos, dans l’océan Indien. “L’île Maurice et ses dépendances” ont en effet été sous le contrôle continu du Royaume-Uni entre 1814 et 1968, quand Maurice a accédé à son indépendance et est devenu un État souverain. L’accord de Lancaster House du 23 septembre 1965 conclu entre le Royaume-Uni et le conseil des ministres de Maurice, alors encore une colonie sous l’autorité du Royaume-Uni, avait auparavant organisé le détachement de l’archipel des Chagos du territoire mauricien pour le passer sous l’administration du Royaume-Uni, avec la condition que cet archipel “soit restitué à Maurice ultérieurement”. Cet accord a ensuite été dénoncé par le gouvernement mauricien, qui réclame la restitution de l’archipel. Les habitants de l’archipel ont quant à eux été progressivement expulsés entre 1968 et 1973, et nombre d’entre eux réclament encore aujourd’hui le droit de retourner y vivre, accentuant ainsi les tensions entre les deux pays.

Dans cet avis du 25 février 2019, la Cour internationale de justice s’interroge sur le droit à l’autodétermination des peuples et ses limites dans le contexte du processus de décolonisation, ainsi que sur la responsabilité des puissances colonisatrices en cas de décolonisation illicite ou incomplète. Si cet avis peut sembler tardif, plus de 50 ans après les faits et alors que la période de décolonisation est généralement considérée comme achevée, elle est importante dans un contexte où les tensions relatives à la décolonisation persistent, voire tendent à s’envenimer.

Quelles solutions la Cour internationale de justice propose-t-elle pour résoudre ce conflit lié à une décolonisation contestée car jugée incomplète ?

La CIJ, dans le contexte de ce conflit opposant Maurice et le Royaume-Uni sur la question de l’archipel de Chagos, réaffirme expressément le droit international prohibant des actions telles que celles prévues par l’accord de Lancaster House, sans pour autant parvenir à proposer de solutions réalistiquement applicables pouvant conduire à la résolution de ce conflit. Dans un premier temps, nous étudierons la façon dont la Cour réaffirme le principe du droit à l’autodétermination des peuples (I) ; nous nous intéresserons ensuite à l’application floue de ce principe au cas d’espèce (II).

I – Le principe : le droit à l’autodétermination des peuples

Dans cet avis, la Cour internationale de justice réaffirme le caractère obligatoire du principe du droit à l’autodétermination des peuples, à travers le prisme du respect de l’intégrité territoriale (A), avant d’examiner la possibilité de détachement d’une partie d’un territoire non autonome en cas de volonté du peuple (B).

A – L’obligation du respect de l’intégrité territoriale

Grandes idées :

Le cas d’espèce étudié par la Cour porte sur le détachement par une puissance coloniale (le Royaume-Uni) d’une partie du territoire d’une de ses colonies (Maurice) avant l’indépendance de cette dernière, afin d’en conserver le contrôle, c’est pourquoi elle étudie le droit à l’autodétermination sous l’angle de la condition de respect de l’intégrité territoriale.

La Cour établit le principe qu’un peuple doit pouvoir exercer son droit à l’autodétermination sur l’ensemble de son territoire : “les peuples des territoires non autonomes sont habilités à exercer leur droit à l’autodétermination sur l’ensemble du territoire, dont l’intégrité doit être respectée par la puissance administrante” (l.10). Elle établit ce principe sur la base du paragraphe 6 de la résolution 1514 de l’Assemblée générale des Nations unies, mais également sur la base du “droit à l’intégrité territoriale d’un territoire non autonome”, qu’elle estime confirmé par la coutume, c’est-à-dire à la fois par la pratique des États lors du processus de décolonisation et par l’opinio juris, c’est-à-dire la conscience d’être lié par une obligation juridique ; elle fonde cette solution sur le principe d’équivalence des sources du droit international, en vertu de laquelle la coutume internationale a la même valeur qu’un traité conclu entre États tel que celui de Lancaster House.

La Cour conclut donc qu’un détachement d’une partie d’un territoire non autonome entre en contradiction directe avec le droit à l’autodétermination, mais établit néanmoins une exception : un tel détachement reste possible en cas de volonté du peuple.

B – L’exception en cas de volonté du peuple

Grandes idées :

La Cour internationale de justice rappelle néanmoins qu’un détachement d’une partie d’un territoire non autonome reste néanmoins possible s’il est “fondé sur la volonté librement exprimée et authentique du peuple du territoire concerné” (l.13). Elle tente ensuite de limiter la portée de cette exception, en affirmant que la simple acceptation par les représentants d’une colonie ne constitue pas une expression de la volonté du peuple de celle-ci conforme aux dispositions de la résolution 1514. Une réelle consultation du peuple, et non le simple accord de ses représentants, est donc nécessaire pour effectuer un tel détachement ; un référendum, par exemple, pourrait ici être envisagé.

Après avoir ainsi établi ce principe et ses limites, la Cour l’applique à ce conflit portant sur l’archipel des Chagos.

II – Une application floue de ce principe au cas d’espèce

Dans cet avis, la Cour internationale de justice détermine que le Royaume-Uni a violé le principe d’autodétermination des peuples, en détachant illégalement l’archipel des Chagos du territoire mauricien, engageant ainsi sa responsabilité (A), mais la portée de cet avis reste incertaine (B).

A – En l’espèce, une violation du droit international applicable

Grandes idées :

La Cour, après avoir rappelé que Maurice était encore sous l’autorité du Royaume-Uni lorsque l’accord de Lancaster House a été signé, conclut que “il n’est pas possible de parler d’un accord international” et que le détachement de l’archipel de Chagos organisé par celui-ci “n’a pas été fondé sur l’expression libre et authentique du peuple”.

Elle souligne également que l’Assemblée générale des Nations unies, dans sa résolution 2066 du 16 décembre 1965, a rappelé au Royaume-Uni son obligation de “respecter l’intégrité territoriale de Maurice”, en l’invitant à revenir sur l’accord de Lancaster House passé quelques mois plus tôt.

De ces deux éléments, la Cour conclut que le détachement de l’archipel des Chagos du territoire mauricien était “illicite”, et que par conséquent la décolonisation de Maurice a été réalisée en violation du droit des peuples à l’autodétermination. Le Royaume-Uni est donc, selon la Cour, dans l’obligation “dans les plus brefs délais, de mettre fin à son administration de l’archipel des Chagos” (l.53). Elle souligne également que cette administration au mépris du droit international “engage la responsabilité internationale” (l.49) du Royaume-Uni, ce qui signifie que le Royaume-Uni pourrait être tenu de réparer le tort causé à Maurice et/ou aux habitants expulsés de l’archipel de Chagos.

Cet avis n’étant néanmoins que consultatif, sa portée semble incertaine.

B – Un avis à la portée incertaine

Grandes idées :

La Cour rappelle qu’elle ne donne qu’un avis consultatif et que les modalités de mise en œuvre de l’achèvement de la décolonisation du territoire mauricien doivent être déterminées par l’Assemblée générale des Nations unies.

Il semble donc peu probable que cet avis, et la résolution qui en découle, permettent la fin de ce conflit, puisque malgré le rappel par la Cour de la fonction de coopérer du droit international affirmée par la résolution 2625 de l’Assemblée générale (« Tout Etat a le devoir de favoriser […] la réalisation du principe de l’égalité de droits des peuples et leur droit à disposer d’eux-mêmes »), les Nations unies ne semblent pas en mesure de forcer le Royaume-Uni à appliquer les décisions de l’Assemblée générale relatives à l’archipel de Chagos.

Enfin, la CIJ refuse de se prononcer sur les dispositions relatives au retour des habitants de l’archipel.

Qu’est-ce que la théorie de l’objecteur persistant en droit international public ?

En droit international public, la théorie de l’objecteur persistant affirme que, si un État s’est opposé sans cesse à l’émergence d’une règle coutumière, il peut se voir dispensé de l’appliquer.
Cette dispense ne s’appliquerait qu’à l’État qui s’est formellement opposé à l’émergence de cette règle.

La Cour internationale de justice n’a jamais formellement reconnu comme applicable la théorie de l’objecteur persistant : elle l’a déjà discutée dans l’Affaire des Pêcheries (Royaume-Uni c Norvège, 1951), mais sans la condamner. Sa validité est donc contestée sans être exclue pour autant.