Introduction et évolution du droit pénal général et de la criminologie

Fiche rédigée par Yannick JOSEPH-RATINEAU, alors étudiant en droit à Aix-en-Provence.

Le droit pénal est important : c’est la 1ère idée que se font du droit ceux qui le connaissent de l’extérieur. C’est une vision assez réductrice qui s’explique par le caractère exceptionnel de la matière. Le procès d’assises est une sorte de spectacle avec une mise ne scène, des costumes, une évolution. S’il y a un tel marché, c’est qu’il y a un certain intérêt pour la matière. Cela s’explique car les affaires pénales fascinent de part le fait qu’il y ait une transgression de l’interdit. L’acteur a commis un acte qui se fait pas ou que l’on n’ose pas faire. Il y a aussi ne curiosité pour son acte qui est inaccessible par les différents obstacles dont l’entoure notre éducation. L’acte criminel devient comme un acte sportif, que seul une préparation physique et mentale permet de vaincre.

En droit pénal, l’interdit n’est pas gratuit et sa violation entraîne des conséquences. La société va chercher des sanctions à l’interdit, dans des répliques souvent douloureuses : la peine. Interdiction et punition sont les deux mots clés du droit pénal. Le droit pénal est abstrait, mais dans son application il va saisir des actes pour le mettre au compte d’une personne. Ces manifestations individuelles au nom de la transgression sont envisagées et nommées : Phénomène criminel. Il est un fait inhérent au groupe social et à la nature humaine. Malgré sa permanence dans le temps et dans l’espace, le phénomène est difficile à combattre. Il existe toute une partie de ce phénomène qui reste ignoré, c’est ce que l’on appelle le chiffre noir, il va donc minimiser le phénomène, c’est la criminalité réelle.

Il existe une criminalité apparente qui est constitué par le nombre d’affaires traitées par les services de police, de gendarmerie ou du parquet. Cette criminalité apparente grossit le phénomène criminel car toutes les plaintes ne conduisent pas à une condamnation. Il existe une criminalité légale qui représente le nombre d’affaires traitées par les tribunaux et qui nous permet de connaître le nombre exact de condamnation. Les statistiques ne reflètent pas de manière parfaite le phénomène criminel et que ce n’est qu’une indication de tendance.

Globalement, on peut dire que les infractions contre les biens représentent 75% de la criminalité globale alors que les infractions contre les personnes représentent 6% seulement de cette criminalité globale. On constate une progression de la délinquance acquisitive, une progression en matière de stupéfiant de 20% et on observe également une certaine stabilité des infractions contre les personnes depuis le XIX siècle. Le phénomène criminel qui est difficile à cerner par de simples chiffres peut-être envisagé de manière plus fiable.

En effet, c’est d’abord la violation d’une règle sociale par un individu. La société va réagir, mais elle ne réagit pas n’importe comment, elle réagit par l’intermédiaire de droit et frappe l’auteur de l’infraction par une sanction qui sera plus ou moins rigoureuse selon la règle transgressée. Elle va envisager des moyens pour réduire ce phénomène par des moyens préventifs. Le phénomène est toutefois un phénomène humain et de ce fait l’individu doit être pris en considération pour apprécier sa responsabilité et éventuellement le condamner mais également lui conférer des droits nécessaires tout au long de ce processus.

Section 1. Les données scientifiques

On peut définir la science comme un ensemble de connaissances exactes et raisonnées portant sur un objet déterminé. Pour les juristes, les sciences qui étudient le phénomène criminel sont les sciences juridiques : les droit criminel. A côté il y a un nombre de sciences non juridiques qui vont être nécessaire à la connaissance du phénomène criminel.

§ 1. Les disciplines juridiques

Que peut-on entendre par droit criminel ? Qu’est-ce que sous-entend le terme de droit criminel, autant de question que nous devons nous poser dès à présent. Nous devons également nous demander quels sont les interactions, les rapports entre le droit pénal et les autres branches du droit.

A – Définition de la notion de droit criminel

Sur le terme de droit criminel on désigne l’ensemble de règles de droit qui détermine les infractions et les peines. A l’intérieur de ce droit, il faut distinguer ses branches.

Le droit pénal général étudie les règles qui sont communes à toutes les infractions et à la fixation des peines.

Le droit pénal spécial étudie les éléments constitutif de chaque infraction particulière et le régime juridique qui lui est propre.

La pénologie est l’étude des sanctions et de leur mode d’exécution.

La procédure pénale définit l’organisation judiciaire en matière de procès et répressive.

B – Rapport du droit pénal avec les autres branches du droit

Le droit pénal est dépendant des autres branches du droit. En effet, il peut renforcer certaines branches du droit en sanctionnant l’inobservation de certaines règles, par exemple l’inobservation des règles de la propriété immobilière, cela peut constituer un vol. Il peut faire de même avec toutes les autres branches du droit privé et du droit public. Mais le droit pénal est autonome par rapport aux autres branches du droit. C’est un droit normatif, c’est à dire qu’il est le seul dans le cadre de certaines normes à défendre certaines valeurs tel que la vie, les bonnes mœurs, l’intégrité physique. C’est un droit sanctionnateur avec des sanctions spécifiques dont la peine. Les tribunaux peuvent manier des concepts qui sont extra-pénaux, par exemple la notion de domicile est entendu de manière plus large en droit pénal qu’en droit civil, afin de permettre la répression de violation de domicile. C’est là une manifestation de l’autonomie du droit pénal. Il n’est pas soumis au droit public, ni au droit privé parce qu’il est du droit privé dans certains de ses aspects ( compétence des tribunaux, rôle de la victime) mais aussi du droit public puisqu’il va y avoir l’intervention de la puissance publique sur un particulier. Le droit pénal est une discipline autonome.

§ 2. Les disciplines non-juridiques

De nombreuses disciplines intéressent le droit pénal.

Disciplines ayant un intérêt direct avec le droit pénal :

  • La criminalistique : Regroupe diverses techniques permettant la constitution matérielle des infractions. Identification, médecine légale, toxicologie, police scientifique.
  • La criminologie : étudie les facteurs et les processus de l’action criminelle et détermine les stratégies et les techniques les meilleurs pour réduire le mal social. Il y a une collaboration étroite entre la criminologie et le droit pénal.
  • La police criminelle : L’ensemble des moyens mis en œuvre pour lutter contre le phénomène criminel. Le droit pénal étant un instrument au service de l’Etat, c’est donc celui-ci qui va déployer cette politique criminelle.

Section 2. L’évolution de la matière

§ 1. L’évolution des idées

De manière schématique, on peut dire que trois grands courants de pensée ont eu une influence sur le domaine criminelle. Le courant classique, positiviste et contemporain.

A – Le courant classique

Le courant classique est un ensemble d’idée appelée droit pénal classique qui est apparu au XVIII siècle sous l’impulsion de grands philosophes français et certains criminalistes comme l’anglais Benthan, ou l’italien Beccaria qui publie son traité « des délits et des peines » en 1764. Ce courant de pensée considère l’homme comme détenteur d’un libre arbitre et donc comme responsable de ses actes. Celui qui a commis une infraction doit subir une peine au sens de châtiment. Cette peine a deux fonctions :

– Une fonction individuelle d’expiation, d’amendement et de reclassement.
– Une fonction sociale d’intimidation et de prévention.

Dans cette perspective, les châtiments corporels sont exclus, il y a une volonté d’égalité entre les individus, une exigence de légalité dans la détermination des infractions et des peines. Ces idées ont permis la mise en œuvre d’un système juridique cohérent et pratique. Cependant, le délinquant était considéré comme un être abstrait et les fonctions qui était assigné à la peine n’ont pas eu les résultats escomptés d’où un deuxième courant : le courant positiviste.

B – Le courant positiviste

Ces idées sont apparu à la fin du XIX avec les progrès de la science. Les théoriciens sont Lambroso, Ferri et Garofalo que l’on appelle les trois évangélistes du droit pénal. Ils développent une doctrine selon laquelle le délinquant serait déterminé par des tendances innées ou l’influence du milieu dans lequel il évolue. Ces idées se situent à l’opposé des précédents courants et considèrent l’homme comme un être déterminé. Ainsi il commet une infraction et manifeste son état dangereux, on va alors le condamner non pas à une peine, mais à une mesure de sûreté, mesure qui est destinée à juguler cet état dangereux dans une perspective individuel qui va se traduire dans un traitement et dans une perspective sociale à la neutralisation du délinquant. Ces idées ont eut le mérite de mettre en lumière des cause de la délinquance et d’ouvrir la voie à la criminologie en proposant une autre sanction que la peine. Cependant, on a pu observer que la détermination n’est pas la seule explication du comportement criminel.

C – Le courant contemporain

De nombreux système se sont efforcés de faire la synthèse des deux courants précédents. Le plus connu est celui de la défense sociale nouvelle représenté par Marc Ancel, dont l’ouvrage publié en 1954 a eu une très grande influence sur notre droit positif. Selon cette doctrine, lorsque l’on aborde le phénomène criminel, il faut rejeter le postulat du libre arbitre et celui de du déterminisme. Le problème criminel n’est pas une simple abstraction puisque l’homme est concret et humain. Lorsqu’il commet une infraction, le délinquant est partiellement libre et partiellement déterminé. Dès lors, les mesures qui doivent prises dite de défense sociale sont individuelles et collectives. L’objectif est la resocialisation en vue d’éviter une nouvelle victime et d’assurer la protection de la société.

Cette doctrine propose une action sociale humaniste et réaliste, orientée vers la resocialisation du délinquant chez qui il y a un sentiment de responsabilité. Notre système actuel repose sur la co-existence du système classique et du système positiviste qui va être compléter et affiner sous l’influence de la défense sociale nouvelle.

§ 2. L’évolution de notre droit pénal

Notre histoire est riche d’enseignement quant à l’évolution de notre droit pénal que l’on peut diviser en trois grandes périodes : La période ancienne, la période intermédiaire, la période moderne.

A – La période ancienne

A l’origine, les sociétés ont connu une évolution en trois temps dans cette période ancienne.

1er temps : Celui de la vengeance privée (la faïda) qui était la seule avant que l’Etat ne s’organise. Les réponses au crime était faite par la victime. La victime avec le groupe social auquel elle appartenait va réagir contre l’agresseur et son groupe sans mesure, ni contrôle.

2ème temps : Celui de la justice privée, durant laquelle s’institut le wergeld et les mallus, dans laquelle la victime agit mais en observant des règles sous le contrôle de l’Etat en appliquant la loi du talion qui fixe des limites. Il existe plusieurs moyens pour le groupe social de l’agresseur d’échapper à la vengeance privée. L’abandon noxal qui permet la famille de l’agresseur de le livrer à la famille de la victime et le système de composition qui consiste en le versement d’une somme d’argent où d’une bien et qui s’est généralisé avec la fixation de tarif selon l’infraction commise. Vient ensuite la vengeance publique, lorsque l’Etat va prendre le relais de la victime, il engage alors des poursuites, recherche les preuves et inflige une sanction.

3ème temps : Celui du moyen-âge jusqu’à la révolution dont le droit est issu du droit romain écrit et du droit germanique coutumier. Le droit romain est un droit évolué qui a atteint le stade de la justice public, en revanche le droit germanique n’a pas dépassé le stade de la vengeance privée. Le moyen-âge se situe entre les deux, mélange d’application de droit romain et de droit coutumier. Durant cette période beaucoup d’infractions dépendent du droit canonique et des juridictions ecclésiastiques. Du XVI au XVIII siècle le droit pénal en France présente trois caractéristiques :

– La rigueur du châtiment en vue de l’intimidation
– L’arbitraire des incriminations et des peines
– L’inégalité entre les individus en fonction de leur appartenance sociale

B – La période intermédiaire des codifications

La révolution allait prendre le contre-pied de l’ancien régime et par deux lois de 1791 allait décider la suppression des châtiments corporels, la suppression de l’arbitraire par l’instauration d’un droit écrit et le principe de la légalité des délits et des peines. La suppression du pouvoir du Roi par la mise en place d’un système de peines fixes et l’égalité des citoyens devant la loi furent les apports majeurs de la révolution.

Après la révolution, vint l’époque des codifications napoléoniennes avec le Code d’instruction criminelle du 16 décembre 1808 et le Code pénal du 20 février 1810. Ce dernier va modifier en partie l’acquis révolutionnaire de deux manières :

– La répression est accentuée par le rétablissement des châtiments corporels
– L’abandon du système des peines fixes au profit d’un pouvoir individualiste accordé aux juges

C – La période moderne

Le XIX siècle est placé sous le signe du libéralisme dans la mesure ou la plupart des lois vont aller dans le sens d’une atténuation de la rigueur. La suppression des châtiments corporels, l’abaissement de nombreuses peines et l’apparition de nouvelles mesures plus favorables tel que le sursis et la libération conditionnelle.

Le XX siècle se caractérise par un certain pragmatisme, d’un côté il reste libéral avec l’introduction des mesures de sûreté, des apports de la criminologie, de la mise en place d’un droit des mineurs, de l’abolition de la peine de mort, d’un autre côté il réintroduit une certaine rigueur dans les peines afin de faire face à de nouvelles formes de criminalités, comme le trafic de stupéfiant. Les modifications ont été faites au Code pénal de 1810, mais le Nouveau Code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994 n’est pas véritablement révolutionnaire, tant au fond, qui tend à assurer la défense des valeurs essentielles de notre époque avec une répression appropriée, qu’à la forme dans laquelle il s’efforce d’atteindre, dans sa représentation, une certaine simplicité.

Les infractions sont ainsi divisées en trois catégories : les crimes, les délits, les contraventions. C’est la division tripartites retenues par le Code de 1810 et conservées par le Code de 1994. On opère ainsi une classification tripartite en fonction de la gravité de l’infraction. Toutefois le Code pénal de 1994 dans son article 111-1 a maintenu cette classification en la formalisant de manière différente. Ainsi il dispose que les infractions pénales sont classées selon la gravité en crime, délit, amende, contraventions. C’est ensuite la nature de la peine prévue qui permet de définir la nature de l’infraction. La loi établit une échelle des peines qui permet de déterminer si l’infraction est un crime, un délit, une amende, une contravention. C’est donc par la peine que l’on reconnaît la gravité de l’infraction. Si l’infraction est punie de la réclusion criminelle, c’est un crime, si elle est punie par un emprisonnement, c’est un délit, si elle punie d’une amende, c’est une contravention.

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