Cours 2 : Les caractères du droit pénal

Cliquer ici pour revenir au sommaire de ce cours complet de droit pénal général (L2).

§ 1. La subsidiarité du droit pénal

A – La subsidiarité de principe du droit pénal

Le droit pénal ne peut légitimement intervenir qu’en dernier ressort, quand la sanction civile ou administrative n’est plus suffisante.
Idée : une sanction spécifique doit être prononcée pour répondre aux comportements les plus graves.

1) La discontinuité du droit pénal

Le droit pénal découle d’une démarche sélective : le législateur ne s’intéresse qu’à des comportements particuliers.
Idée : seuls les comportements les plus graves doivent être sanctionnés.

Ex : le droit pénal ne sanctionne pas le comportement d’un père qui a un rapport sexuel avec sa fille majeure.
Ex : le suicide n’est pas une infraction → pas considéré comme une menace à l’ordre public.

2) L’absence de normativité du droit pénal

Une norme est un énoncé abstrait qui dicte un comportement.
≠ une incrimination, qui inflige une peine sans imposer une attitude contraire.

Le droit pénal ne prescript pas de règles de comportement.
Il n’érige en infractions que les abstentions les plus graves → il se contente de fixer un tarif.

La règle enfreinte est rarement une règle pénale : elle relève souvent d’autres disciplines.

B – Les dérogations au caractère subsidiaire du droit pénal

L’inflation législative tend à banaliser le recours à la fonction pénale.

1) L’exception contraventionnelle

Les contraventions cherchent à imposer une discipline sociale en luttant contre les manquements, et non plus de montrer l’attachement de la société à certaines normes et la réprobation des comportements les plus graves.

2) La dérive correctionnelle

L’inflation législative en matière correctionnelle rend le droit pénal omniprésent, en raison d’un besoin de sécurité croissant de nos sociétés.

Si une vaste entreprise de dépénalisation du droit pénal s’imposerait, il reste quand même subsidiaire et exceptionnel.

§ 2. L’originalité du droit pénal

Rousseau, Du contrat social : “les lois criminelles sont moins une espèce particulière de loi que la sanction de toutes les autres”.
→ Condamne toute autonomie du droit pénal.

A – La dimension auxiliaire du droit pénal

Pour Portalis, les lois pénales tendent à défendre des intérêts supérieurs défendus par d’autres textes de droit positif.
Le droit pénal assure une protection de la vie humaine ; il tente de protéger la vie, la propriété…

Lorsque l’intérêt protégé est défini en termes généraux, le juge doit rechercher quelle peut être sa signification dans le système juridique tout entier.
Il n’y a donc pas de valeur spécifiquement pénale.
La loi pénale est un moyen de faire respecter la cohérence du système, mais ne cesse pas d’être auxiliaire.

B – La dimension autonome du droit pénal

Le droit pénal dispose d’une autonomie technique, car il possède des mécanismes juridiques qui lui sont propres.

1) Les manifestations de l’autonomie normative du droit pénal

L’article 384 du Code de procédure pénale précise que le juge de l’action est le juge de l’exception.
Autrement dit, lorsque le juge pénal est face à une action publique et qu’une question non pénale se pose, il doit y répondre lui-même.

Par exemple, s’est posée un jour la question de savoir s’il pouvait y avoir vol d’arbres sur pied.
Pour le droit civil, l’arbre sur pied a un statut d’immeuble (tant qu’il est rattaché au sol, il a le statut du sol dans lequel s’enfoncent ses racines).
Il ne peut pas y avoir de vol d’immeuble, donc il ne peut pas y avoir de vol d’arbre sur pied.
Le juge pénal a cependant accepté que l’on sanctionne le vol d’arbre sur pied, en définissant le bien “arbre sur pied” autrement qu’en droit civil, marquant ainsi son autonomie par rapport au droit civil.

2) Les critiques de l’autonomie du droit pénal

Si le juge répressif donne une interprétation différente d’un intérêt protégé par une incrimination, il méconnaît l’esprit de la loi qu’il doit servir → il se détache de la volonté du législateur.

Cette revendication d’autonomie semble relativement en retrait au 21ème siècle.
Par exemple, arrêt du 11 décembre 2012 : la Cour de cassation relève que le délit de pénétrer dans un établissement scolaire sans autorisation ne peut pas être appliqué dans un établissement d’enseignement supérieur, car il ne relève pas du même livre du Code de l’éducation.
→ Refus de faire sa propre interprétation.

Ce recul d’autonomie est même renforcé par l’évolution de la technique législative : les nouvelles incriminations pénales obligent généralement le recours à un juge précis, qui est lié à des renvois précis.

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