Cours 12 : Le jeune âge de l’agent

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La majorité pénale est fixée, comme la majorité civile, à 18 ans, mais tous les mineurs ne sont pas traités de la même façon par le droit pénal.
Tant qu’ils n’ont pas atteint l’âge de raison, ils n’ont pas le discernement nécessaire pour répondre de leurs actes ; les faits qu’ils accomplissent ne leur sont alors pas imputables.

La question de la responsabilité pénale des très jeunes enfants ne peut pas être posée, alors qu’à partir de l’âge minimal de raison, la responsabilité pénale d’un mineur est susceptible d’être engagée s’il est établi que les faits commis lui sont bien imputables.

Toutefois, le mineur ne répond alors pas des faits dans les mêmes conditions qu’un majeur.
Si son aptitude à la responsabilité est certaine dès qu’il a atteint l’âge de raison, son aptitude à la peine laisse encore à désirer.
→ Jusqu’à sa majorité, sa capacité pénale n’est pas entière.

Il convient de distinguer 2 situations :
> les faits ne sont pas imputables au mineur, parce qu’il n’a pas atteint l’âge de raison ;
> les faits sont imputables au mineur, parce qu’il a atteint l’âge de raison, mais il encourt une sanction pénale atténuée.

§ 1. L’aptitude à la responsabilité pénale

L’aptitude à la responsabilité pénale est la conséquence de l’imputabilité des faits accomplis à leur auteur.
En dessous d’un certain âge, cette aptitude ne peut être établie : jusqu’à l’adolescence, les enfants constituent des êtres imparfaits – ils n’ont qu’une perception immédiate du monde qui les entoure et ne considèrent pas les conséquences de leurs actes ; on dit donc qu’ils sont privés de discernement.

Un tel constat ne signifie pas qu’aucune mesure ne peut être prise contre ceux qui auront déjà manifesté leur dangerosité (→ ce n’est pas parce qu’on est petit qu’on est inoffensif).

En revanche, les mesures adoptées pour répondre à cette dangerosité ne peuvent pas pas être des peines, parce que leur responsabilité pénale n’est pas susceptible d’être envisagée.
De telles mesures ne relèvent donc pas du droit pénal, mais du droit civil : à l’égard des très jeunes enfants, qui sont privés de discernement, c’est ainsi la procédure d’assistance éducative, prévue aux articles 375 et suivants du Code civil, qui a vocation à s’appliquer.

L’imputabilité d’un fait à un mineur est donc essentiellement liée à son développement intellectuel.
Lorsque le discernement existe, la responsabilité pénale du mineur peut être recherchée ; mais, aussi longtemps qu’une telle faculté de comprendre et de vouloir n’est pas établie, les faits ne peuvent être imputés au mineur qui les a réalisées.

Dans son arrêt Laboube du 13 décembre 1956, la Cour de cassation met fin aux hésitations antérieures :
Le jeune Laboube est un enfant de 6 ans, poursuivi pour avoir blessé un camarade en jouant.
La Cour de cassation s’est opposée à ce que cet enfant soit déclaré coupable de violences involontaires, en soulignant que « pour engager sa responsabilité pénale, encore faut-il, conformément aux principes généraux du droit, que le mineur dont la participation à l’acte matériel à lui est reprochée est établie, ait compris et voulu cet acte ».
Il n’y a qu’à cette condition que l’enfant relève du droit pénal.
Tel n’était pas le cas en l’espèce → la Cour de cassation censure l’arrêt approuvant la déclaration de culpabilité.

Idée : on a atteint l’âge de raison quand on comprend ce qu’on le fait et ce que l’on veut en conséquence accomplir.
L’accès à cet âge de raison est progressif et variable ; les psychologues estiment que l’intelligence se développe entre 7 et 12 ans chez l’enfant.
On a longtemps déterminé qu’il n’appartient pas à la loi de développer ce seuil abstraitement ; la loi a depuis évolué.

La solution est désormais précisée dans le Code de la justice pénale des mineurs, entré en vigueur le 30 sept 2021 :
Article L11-1 : « lorsqu’ils sont capables de discernement, les mineurs […] sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils sont reconnus coupables ».

Ce même article ajoute que les mineurs de moins de 13 ans sont présumés ne pas être capables de discernement. Les mineurs âgés d’au moins 13 ans sont présumés capables de discernement.

Un mineur d’au moins 13 ans étant présumé discernant, sa responsabilité pénale peut a priori être engagée.
L’âge de raison a été fixé à 13 ans pour éviter toute contestation.

Avantage de la solution : souplesse + évite l’arbitraire d’un effet de seuil.
Parce que cette présomption n’est qu’une présomption simple, elle peut être combattue ; il appartient alors au juge, s’entourant si besoin d’experts, de vérifier si le mineur au moment des faits a perçu plus que la stricte matérialité de son acte et s’il était capable de porter sur lui un jugement de valeur. Si oui, peu importe qu’il ait moins de 13 ans, sa responsabilité pénale peut alors être engagée.

  • Si l’enfant a moins de 13 ans, c’est au ministère public de renverser la présomption.
  • Si l’enfant a plus de 13 ans, c’est au mineur d’établir son absence de discernement.

§ 2. L’aptitude à la sanction pénale

L’article 122-8 du Code pénal dispose que “les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables dans les conditions fixées par une loi particulière” [→ renvoie au Code de la justice pénale des mineurs].

→ Subordonne la responsabilité pénale au discernement du mineur délinquant.
+ Renvoie à une loi particulière qui précise les conditions dans lesquelles cette responsabilité pénale peut être engagée.

En effet, on ne peut pas déduire de l’aptitude à la responsabilité pénale une aptitude générale à la sanction pénale.
Tout mineur auquel les faits reprochés sont imputables et qui engage à ce titre la responsabilité pénale ne s’expose pas à une peine.
Lorsqu’exceptionnellement il s’expose à une peine, il ne la subit pas de la même façon qu’un majeur.

Le législateur a voulu adapter la sanction pénale à la situation des jeunes responsables.
Idée : le mineur discernant n’est pas un adulte en réduction ; il doit faire l’objet d’une réponse pénale différente des majeurs.

Lorsque l’imputabilité du fait au mineur a été vérifiée et que ce fait est bien constitutif d’une infraction, le mineur s’expose le plus souvent à une simple mesure de sûreté.
Ce n’est que dans des hypothèses exceptionnelles que de véritables peines peuvent être prononcées contre un mineur.

A – Les mesures de sûreté applicables au mineur délinquant

Le prononcé de véritables peines devant rester exceptionnel à l’encontre des mineurs, le Code de la justice pénale des mineurs invite le juge à prononcer des mesures éducatives à l’encontre des mineurs reconnus coupables d’infractions.

Peu importe la gravité de l’infraction commise par le mineur : les mesures éducatives ne sont pas déterminées par référence au texte incriminant le comportement poursuivi. Elles sont envisagées pour elles-mêmes, dans le CJPM, et non pas dans le code pénal.
Le juge les prononce en tenant compte essentiellement du mineur, de sa situation et de sa personnalité.

En l’occurrence, les mesures éducatives prévues par le CJPM sont de 2 sortes : l’article L111-1 distingue :
> l’avertissement judiciaire ; de
> la mesure éducative judiciaire.

L’avertissement judiciaire n’est pas précisé ; il permet un rappel à la loi, qui peut suffire à l’égard du mineur sans ancrage dans la délinquance.

La juridiction de jugement doit pouvoir inclure dans les mesures éducatives judiciaires différents modules, ainsi que des interdictions et obligations.

1) Les modules relevant d’une mesure éducative judiciaire

On utilise ici le langage de l’éducation, parce qu’il s’agit d’éducation pour le mineur, et non de répression.

La mesure éducative peut être composée de 4 modules :

  1. L’insertion consiste en une orientation du mineur vers une prise en charge scolaire ou professionnelle adaptée à ses besoins.
    La durée du module est précisée par la juridiction (maximum 1 an).
  1. La réparation est une activité d’aide ou d’assistance au bénéfice de la victime ou de la collectivité.
  1. Le module de santé consiste en l’orientation du mineur vers une prise en charge sanitaire adaptée à ses besoins (ex : placement dans un établissement médico-social).
  1. Le module de placement est essentiellement destiné à sortir le mineur du milieu dans lequel il a évolué jusque là et qui expliquerait les infractions commises.
    Il peut être confié à un autre membre de sa famille ou à une personne de confiance, voire à un établissement de la protection judiciaire de la jeunesse.

La juridiction est libre de prononcer en toute ou partie ces modules.

2) Les autres sanctions relevant de la mesure éducative judiciaire

Il est possible de prononcer, en plus des modules, les obligations et interdictions suivantes :

3 interdictions :

  1. L’interdiction de paraître dans le ou les lieux où l’infraction aurait été commise (maximum 1 an) ;
  1. L’interdiction d’entrer en contact avec la victime ou ses co-auteurs et complices ;
  1. L’interdiction d’aller et de venir sur la voie publique entre 22h et 6h du matin sans être accompagné de l’un de ses représentants légaux (obligation de couvre-feu).

2 obligations :

  1. L’obligation de remettre à la juridiction de jugement l’objet détenu, qui a servi à commettre l’infraction ;
  1. L’obligation de suivre un stage de formation civique (maximum 1 mois).

À priori, tous les mineurs déclarés coupables d’une infraction parce que les faits leur sont imputables s’exposent donc à soit un avertissement judiciaire, soit une mesure éducative judiciaire (→ boîte à outils dont le contenu est déterminé par le juge en fonction de la situation personnelle du mineur).
Objectif : pas de réprimer, mais ramener le mineur dans le droit chemin.

Lorsque ces mesures n’apparaissent pas suffisantes, une peine peut exceptionnellement être envisagée :

B – Les peines applicables au mineur délinquant

Le Code de la justice pénale des mineurs (CJPM) permet le prononcé de peines, même pour les mineurs primodélinquants.

1) Les mineurs délinquants primaires

Le CJPM se montre restrictif : il limite les cas dans lesquels une peine peut être prononcée.
Le principe posé dans l’art L11-4 est qu’aucune peine ne peut être prononcée à l’encontre d’un mineur de moins de 13 ans au moment des faits ; peu importe que les faits soient exceptionnellement imputables à ce mineur (parce que le ministère public a renversé la présomption vue précédemment).

C’est le constat d’échec des mesures précédentes qui conduit alors le juge à envisager le prononcé d’une peine.

Toute peine ne peut pas être prononcée contre un mineur de plus de 13 ans : certaines sont expressément exclues.
Exemples : interdiction de séjour, interdiction de territoire, peine de jours-amende, peine d’affichage de la condamnation…

Si une peine privative de liberté peut exceptionnellement être prononcée à l’encontre d’un mineur, elle ne peut jamais être accompagnée d’une période de sûreté (= laps de temps durant lequel le condamné ne peut prétendre à aucun aménagement de sa peine).

De plus, les autres peines n’ont pas une vocation à s’appliquer telles quelles : le mineur peut prétendre à une atténuation de responsabilité pénale, dont le régime varie selon l’âge du mineur.

Cette atténuation s’applique de plein droit aux mineurs de plus de 13 ans mais de moins de 16 ans au moment des faits : les peines principales encourues sont en principe réduites de moitié.
💡 La moitié de la perpétuité est fixée à 20 ans.

En principe, l’amende encourue par le mineur est fixée à la moitié de l’amende encourue par le majeur pour le même fait.
Cependant, l’amende ne peut pas excéder 7500€.

La contrainte judiciaire (= sanctions tant que l’amende n’a pas été payée) n’est pas applicable au mineur.
De facto, les amendes ne sont donc pas payées…

Si le mineur était âgé de plus de 16 ans au moment des faits, la juridiction de jugement peut décider à titre exceptionnel qu’il n’y a pas lieu de faire application de l’atténuation de responsabilité pénale (sauf pour l’exclusion de la période de sûreté).
Il faut pour cela que le juge explique les raisons pour lesquelles il serait nécessaire d’infliger au mineur la même peine qu’un majeur.
→ Fait disparaître l’effet de seuil fixé à 18 ans.

La condamnation à perpétuité est toujours impossible, mais il est possible de condamner à 30 ans de prison.

2) Les mineurs délinquants récidivistes

On parle de récidive lorsqu’une nouvelle infraction est commise après une 1ère condamnation pénale devenue définitive.

Les effets de la récidive sont les mêmes à l’égard des condamnés mineurs que majeurs : les peines encourues pour la nouvelle infraction commise sont nécessairement doublées.

Après avoir doublé le montant des peines encourues à raison de l’état de récidive légale, le juge est toujours tenu d’appliquer l’atténuation (= il divise par 2).
(+ le juge peut ne pas appliquer l’atténuation à partir de 16 ans)

Avis du professeur Dreyer :
Il y a une part de naïveté de la part du législateur, pour imaginer que tout délinquant mineur l’a fait parce qu’il n’a pas eu d’éducation suffisante et qu’il peut rentrer dans le droit chemin grâce aux modules de la mesure éducative judiciaire.
À l’inverse, les peines contre les mineurs n’ont pas fait preuve de leur efficacité : la peine n’a jamais rendu personne meilleur ; mais il n’y pas d’alternative réelle.

Conclusion :
Au titre des préalables de la responsabilité pénale, il faut pouvoir établir un fait qui ressemble à une infraction et l’imputabilité possible de ce fait à son auteur.
Une fois qu’on est certain qu’il existe un fait qui interpelle la justice pénale et qu’une personne peut être suspectée de les avoir commises, les conditions de la responsabilité pénale sont réunies.

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