Chapitre 2 : Les acteurs non-étatiques, sujets en devenir du droit international public

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Section 1 : L’affirmation de l’individu sur la scène internationale

La société westphalienne (composée d’États souverains) ne reflète plus la réalité des relations internationales.

Traditionnellement, les individus sont des sujets des ordres juridiques internes aux États.
La question de savoir si l’individu est ou non un sujet de droit international est une question très controversée en doctrine.

Le courant dominant considère que le droit international est produit par et pour les États.
→ l’individu est absent de la société internationale
→ l’individu peut être un objet du droit international

Pour le courant objectiviste, l’individu est un sujet de droit international.

Dans son avis du 3 mars 1928 dans l’affaire de la compétence des tribunaux de Dantzig, la CPJI affirme : “un accord international ne peut comme tel créer directement des droits et des obligations pour des particuliers”, parce qu’un accord est conclu entre États.

Mais la CPJI précise ce principe : rien n’empêche les États de créer des droits et des obligations au profit des individus, par le biais de règles internationales.
→ des instruments internationaux peuvent s’adresser directement aux individus

Il faut néanmoins que ces derniers puissent se prévaloir de ces droits ou en répondre sur la scène internationale.

I – L’individu, destinataire de droits internationaux

Cette section est fondée sur l’exemple du droit international des droits de l’homme.

A – La reconnaissance internationale des droits de l’homme

Les droits de l’homme sont les droits et libertés inhérents à la dignité de la personne humaine.
Ils sont consacrés dans des conventions internationales à dimension universelle ou régionale.

1) L’adoption de textes à vocation universelle

La Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée le 10 décembre 1948, donne un coup d’envoi au processus d’internationalisation des droits de l’homme.

Il existait 2 textes antérieurs :

  1. La déclaration du président Roosevelt du 6 janvier 1941 sur “les 4 libertés” : la liberté d’expression, la liberté de religion, la liberté de vivre à l’abri du besoin, la liberté de vivre à l’abri de la peur (= guerre).
  1. La Charte des Nations Unies, qui constitue un tournant philosophique important, dans la mesure où elle investit les membres des Nations Unies de la charge de protéger ces droits (les États se doivent de les respecter sur leurs territoires).

La DUDH n’a pas débouché sur l’adoption d’un traité internationale, parce que les États n’avaient pas les mêmes visions des droits de l’homme.

Naissance de 2 instruments à vocation universelle sous l’égide des Nations Unies :

  1. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) : couvre les droits “de première génération” (droits et libertés classiques).
  1. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) : couvre les droits “de seconde génération” (libertés des individus).

Le Comité des droits de l’homme de l’ONU a été créé en 1976 pour s’assurer du respect du PIDCP.
⚠️ Comité des droits de l’homme ≠ Conseil des droits de l’homme

Il n’existe pas de 3e pacte dédié à la protection des droits “de troisième génération” (à un environnement sain, au développement, à la paix), mais un projet de Pacte mondial pour l’environnement a été présenté en 2017.

Le 10 mai 2018, l’AGNU a adopté une résolution qui lance les négociations entre les États vers l’adoption d’un Pacte mondial pour l’environnement.
Mais problème : les négociations patinent. Il est peu vraisemblable qu’elles aboutissent sur un instrument contraignant.

2) L’adoption de textes à vocation régionale

La Convention européenne des droits de l’homme, signée par les États membres du Conseil de l’Europe en 1950, en vigueur depuis 1953.

L’Union Européenne s’est dotée en décembre 2000 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE, qui a la même valeur juridique que le droit primaire de l’UE.

L’Organisation des États américains (OEA ou OAS) a adopté la Convention américaine relative aux droits de l’homme.

L’Organisation de l’unité africaine (prédécesseur de l’Union africaine) a adopté la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

Ces textes régionaux suscitent le débat sur la question de l’universalité des droits de l’homme.

B – Les mécanismes internationaux de protection des droits de l’homme

1) La réclamation internationale de l’État de nationalité de l’individu (protection médiate)

Dans l’hypothèse de la réclamation internationale de l’État de nationalité, l’individu agit sur la scène internationale par l’intermédiaire de l’État dont il est le ressortissant.
La protection est opérée par l’intermédiaire de l’État.

Peu importe que l’individu lésé soit sur le territoire de l’État, il faut juste que l’individu ait sa nationalité.

L’État endosse la réclamation individuelle de son ressortissant, qui est transformée en une entre 2 États.

Arrêt du 30 août 1924 dans l’affaire Mavrommatis : la CPJI définit la protection diplomatique, qui “autorise l’État à protéger ses nationaux lésés”.

Les États peuvent avoir recours à un juge international.
La CIJ s’est prononcée sur la protection diplomatique dans 2 affaires importantes des années 2000 : LaGrand et Avena. Dans les 2 cas, l’Allemagne et le Mexique reprochaient aux États-Unis de ne pas avoir respecté le droit à la protection consulaire de leurs ressortissants.

La CIJ rappelle que, bien que ça soit l’individu qui est titulaire de droits internationalement reconnus, ce sont les droits propres de l’État de nationalité qui jouent.

Il faut : la violation d’un droit internationalement reconnu + l’individu doit avoir la nationalité de l’État qui exerce sa protection diplomatique + cette nationalité doit être effective (≠ fictive ; voir affaire Nottebaum) + l’individu doit avoir exercé toutes les voies de recours interne.

Par le biais de la protection diplomatique, l’État cherche à réparer son préjudice, mais pas celui de l’individu.
S’il obtient réparation, il n’est pas obligé de reverser cette réparation à l’individu.

2) La réclamation internationale de l’individu (protection immédiate)

Dans le cadre du recours juridictionnel, une instance juridictionnelle est investie de la protection des droits internationalement protégés.

Le droit de recours juridictionnel n’existe pas à l’échelle universelle : la CIJ n’est pas ouverte aux individus.
Il est prévu par les instruments régionaux de protection des droits de l’homme.


La Cour européenne des droits de l’homme

Dans les États membres du Conseil de l’Europe, le protocole n°11 entré en vigueur en 1998 établit l’obligation de reconnaître la compétence de la CEDH.
Cela permet d’instituer un recours direct devant la CEDH sans qu’un mécanisme de filtrage ne soit assuré par un organe politique.

La CEDH peut être saisie d’une requête individuelle (= un individu qui va assigner un État qui n’aurait pas respecté les dispositions de la Convention) ou par le biais d’un recours étatique (rare).

Le Conseil de l’Europe a été fondé le 5 mai 1949 par le traité de Londres, avec 10 membres fondateurs : Belgique, Danemark, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Norvège, Suède et Royaume-Uni.

La convention a été complétée par des protocoles additionnels.

Le schéma de la CEDH est assez complexe, afin de protéger la souveraineté des États.
On distingue 3 organes en charge de contrôler le respect des droits par les États parties :
1- Une commission
2- Une cour
3- Un comité des ministres

La commission n’était pas un organe juridictionnel. Elle établissait un rapport qui permettait d’établir les faits. Ensuite, le rapport était présenté devant la Cour si les États avaient accepté au préalable sa compétence.

Il s’agissait d’une anomalie importante qui mettait en cause l’efficacité du système, puisque c’était les États qui jugeaient la violation des droits par un autre État.
→ organe politique et non juridictionnel

Ce système initial a donc été refondé par le protocole n°11 (1998) :
> disparition de la commission
> suppression de la fonction juridictionnelle du comité des ministres
> affirmation de la CEDH

Le Conseil de l’Europe, qui vise à promouvoir la prééminence du droit et de la démocratie, a vu l’intégration progressive de nouveaux États à l’est.
Enjeu : faire côtoyer au sein du Conseil de l’Europe les démocraties occidentales avec de nouveaux États qui n’avaient pas des traditions démocratiques aussi affirmées.

À partir de l’entrée en vigueur du protocole n°11, un droit d’accès direct à la CEDH est reconnu à tout individu ou groupe d’individus, ainsi qu’aux personnes morales (non étatiques ; ex : organisations internationales).

Tous les États parties à la Convention EDH ont accepté la compétence obligatoire de la Cour.

La CEDH a fait l’objet d’une influence notable sur la législation des États membres.
Exemple : la CEDH a largement contribué à l’évolution du régime de la garde à vue en France.
Elle fait aujourd’hui l’objet de critiques et de défiances.

CEDH : “les droits ne doivent pas être théoriques et illusoires, mais concrets et effectifs”.
Les juges de Strasbourg ont pu faire évoluer le contenu de la Convention par le processus de l’adaptation évolutive : la Convention n’est pas figée ; elle peut être modifiée par les amendements des États et par la jurisprudence établie par les juges.

Les États ont l’obligation de respecter les arrêts de la Cour (article 46 de la Convention EDH).
Ils doivent adapter leur législation interne aux articles.

Pour saisir la CEDH, le demandeur doit avoir épuisé les voies de recours interne.
Les juridictions nationales ont la responsabilité d’appliquer la Convention EDH. Elles peuvent demander un avis consultatif à la CEDH sur des questions de principe relatives à l’application de la Convention.

Défi n°1 : le Conseil de l’Europe regroupe des démocraties et des régimes autoritaires ; les démocraties occidentales sont également fragilisées.

Défi n°2 : la CEDH doit rendre ses décisions dans un délai raisonnable, mais en 2020 elle a reçu 64 000 requêtes et rendu 1 750 arrêts.


La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples

Créée par le protocole de Ouagadougou (1998) entré en vigueur en 2004.
Elle peut être saisie par la Commission africaine des droits de l’homme ou par des individus ou des ONG sous réserve de la déclaration d’acceptation de juridiction obligatoire par les États.
→ compétence optionnelle


Le droit de pétition individuel a une portée relativement limité : il fait appel à des organes quasi juridictionnels qui ne sont pas investis du pouvoir de juger.
”name and shame” : permet de désigner un État comme mauvais élève en matière de protection des droits de l’homme.

II – L’individu, destinataire d’obligations internationales

L’exemple du droit international pénal

A – La définition de crimes internationaux

Le droit international des droits de l’homme confère aux individus des droits et une capacité d’agir.
Si l’individu dispose de droits internationalement reconnus et d’une capacité d’agir (limités), il doit aussi répondre de ses actes sur la scène internationale.

Le droit international pénal est un ensemble de règles gouvernant l’incrimination et la répression des infractions qui soit présentent un élément d’extranéité soit sont d’origine internationale.

Le fait que le droit international appréhende certaines activités et comportements des individus est relativement récent et s’est développé surtout après la Seconde Guerre mondiale.

La piraterie en haute mer est une incrimination d’origine coutumière remontant au 17e siècle, visant à protéger les échanges maritimes.
+ piraterie aérienne
+ terrorisme et financement du terrorisme
+ trafic de drogue

De nombreuses conventions internationales existent en la matière et sanctionnent les agissements à titre privé des individus.

L’incrimination d’actes d’agents publics et d’agents de l’État est une nouveauté issue des tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et Tokyo.

Le droit international humanitaire a pour objectif la répression des abus et des infractions aux Conventions de Genève.
Ces conventions constituent l’ébauche d’une responsabilité pénale individuelle, car elles prévoient l’obligation pour les soldats de répondre individuellement des infractions au droit de la guerre ; mais elles n’envisagent des sanctions que par des tribunaux nationaux.

C’est le traité de Versailles (1919) qui constitue la 1ère convention créant un tribunal international, mais celui-ci n’entrera jamais en activité en raison du refus de l’Allemagne d’extrader ses ressortissants.
Il faudra attendre la Seconde Guerre mondiale pour que les premiers tribunaux internationaux apparaissent.

Le tribunal de Nuremberg

Le tribunal militaire international de Nuremberg avait comme objectif de juger les grands criminels nazis. Son statut prévoyait 3 crimes internationaux :
1- le crime contre la paix
2- le crime contre l’humanité
3- le crime de guerre
💡 Le crime de génocide n’existait pas.

Il est mis en place par l’accord de Londres signé entre les États-Unis, le Royaume-Uni, l’URSS et la France, qui consacre la responsabilité pénale internationale des individus.

“Ce sont des hommes, et non des entités abstraites, qui commettent les crimes dont la répression s’impose comme sanction du droit international.”
~ jugement du tribunal de Nuremberg

Ce tribunal est novateur en ce qu’il reconnaît la responsabilité pénale individuelle des hauts dirigeants. Ils ne peuvent pas invoquer leur immunité au regard du droit international pour éviter la justice pénale internationale.
Le fait d’avoir obéi à des ordres qui proviennent d’un gouvernement ou du supérieurs hiérarchiques n’exonère pas ces individus de leur responsabilité pénale internationale.

Le tribunal de Tokyo

Le tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient est créé en 1946 pour juger les dirigeants japonais, et notamment l’empereur.
Les juges sont désignés par le général américain MacArthur.

28 responsables japonais sont jugés : 7 sont condamnés à mort, 18 à des peines de prison, et le président américain accorde l’immunité à l’empereur du Japon.

La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (1948) définit ce qui constitue un crime de génocide.

Pour la Commission du droit international, les crimes internationaux doivent être correctement définis et le droit à un procès équitable garanti.

B – Les mécanismes internationaux de responsabilité pénale individuelle

1) Les tribunaux pénaux internationaux ad hoc

Les tribunaux pénaux internationaux ad hoc sont constitués pour un cas d’espèce en particulier.
Ils ont par nature une compétence temporelle et géographique limitée.

Ils sont institués par des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui ont force obligatoire et s’imposent aux États.

Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a été créé en 1993 et a fermé en 2017.
Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a été créé en 1994 et a fermé en 2015.
Leurs missions résiduelles ont été transférées au Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux.

2) La Cour pénale internationale

La Cour pénale internationale est instituée par le Statut de Rome, qui est entré en vigueur le 1er juillet 2002.
Elle a pour vocation une compétence universelle.

La CPI peut aujourd’hui exercer sa compétence dans 2 situations :
1- lorsque l’auteur présumé du crime est un ressortissant d’un État partie ;
2- lorsque le crime a été commis sur le territoire d’un État partie.

La CPI ne peut juger que des crimes commis postérieurement à l’entrée en vigueur de son statut (1er juillet 2002).
Si un État a rejoint la CPI ensuite, la CPI ne peut juger que des crimes relatifs à cet État ou à ses ressortissants postérieurs à l’entrée en vigueur du Statut de Rome pour cet État, sauf décision expresse de cet État.
(compétence temporelle)

Pourquoi la CPI n’enquête-t-elle pas sur la répression du peuple Ouïghour ?
→ Parce que la Chine n’est pas partie à la CPI (les persécutions sont commises en Chine, par des ressortissants chinois).

La CPI ne juge que “les crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale” (article 5 du Statut de Rome).
(compétence matérielle)

C’est le contexte dans lequel les crimes ont été commis qui va justifier leur répression internationale.
Exemple : un meurtre pourra être porté devant la CPI s’il a été commis dans l’intention de détruire un groupe en particulier.

  • Crime de génocide

    Défini à l’article 6 du Statut de la CPI : actes commis “dans l’intention de détruire, tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux”.

    Les actes visés par cette disposition incluent : le meurtre et l’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale des membres du groupe ; le transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe ; les mesures entravant les naissances au sein du groupe ; et la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle.

    À ce jour, 1 seule affaire de génocide a été portée devant la CPI : l’affaire Al Bashir.

  • Crime contre l’humanité

    Trouve son origine dans le statut du Tribunal de Nuremberg.
    Défini à l’article 7 du Statut de la CPI : actes commis “dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque”.

    Actes visés par la disposition (liste non exhaustive) : meurtre ; extermination ; réduction en esclavage ; déportation ou transfert forcé de population ; emprisonnement ; torture ; viol : esclavage sexuel ; prostitution forcée ; disparitions forcées ; crime d’apartheid ; …

    À ce jour, 20 affaires ont été portées devant la CPI.

  • Crime de guerre

    Trouve son origine dans le droit international humanitaire.
    Défini à l’article 8 du Statut de la CPI.

    La CPI est compétente pour juger “les crimes de guerre, en particulier lorsque ces crimes s’inscrivent dans le cadre d’un plan ou d’une politique ou lorsqu’ils font partie d’une série de crimes analogues commis sur une grande échelle”.
    → crimes de guerre visés par la disposition : infractions graves aux Conventions de Genève et de La Haye

    ⚠️ Les “troubles et tensions internes” à un État sont exclus.

    À ce jour, 21 affaires ont été portées devant la CPI.

  • Crime d’agression

    Trouve son origine dans le statut du tribunal de Nuremberg (”crimes contre la paix”).
    La CPI est compétente en la matière depuis le 17 juillet 2018.

La CPI ne juge que les personnes majeures au moment des faits.
Le statut officiel n’est pas un motif d’exonération.

Article 17 du Statut :

  1. Complémentarité de la Cour : la CPI ne peut agir qu’en l’absence de poursuites engagées par l’État compétent, sauf en cas d’absence de volonté ou d’incapacité de l’État de mener ces procédures nationales.
  1. Gravité de l’affaire : la CPI est compétente uniquement pour juger les crimes les plus graves. La notion de gravité est précisée par la jurisprudence.

Le procureur peut demander d’ouvrir une enquête à la chambre criminelle.
Il peut aussi enquêter à la demande du Conseil de sécurité.
Un État partie peut également renvoyer une affaire.

Jusqu’en 2016, aucune enquête ne visait une grande puissance ou un membre du Conseil de sécurité, étant donné que de nombreuses grandes puissances ne sont pas parties à la CPI.
On constate néanmoins une multiplication des demandes d’ouverture d’enquêtes de la part des procureurs ; ex : Ukraine, Afghanistan, Palestine.

La CPI ne peut être efficace que si elle repose sur la coopération des États.
Exemple : la Côte d’Ivoire a refusé en 2014 de livrer Simone Gbagbo à la CPI.

La longueur des procédures peut être critiquée : les affaires soumises sont très complexes, les standards de preuve exigeants et la procédure orale.

3) Les tribunaux pénaux internationalisés

Les tribunaux internationalisés sont des juridictions hybrides qui mêlent le droit national et international. Ils se créent sur la base d’un accord entre l’ONU et l’État concerné.
Ils sont composés de juges nationaux et de juges internationaux.
La compétence matérielle de ces tribunaux mixtes est plus étendue que celle des autres tribunaux nationaux. Leur compétence territoriale est limitée au territoire de l’État sur lequel se sont déroulés les crimes.

Exemple : Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (depuis 1979).

💡
En conclusion : le droit international participe à l’affirmation de l’individu comme sujet du droit international ; il est débiteur d’obligations juridiques internationales et doit répondre de la commission de crimes internationaux.
Néanmoins, l’individu ne se place pas sur le même plan que les États ou les organisations internationales, puisque certaines capacités lui manquent (ex : produire du droit international).

Section 2 : La concurrence des organisations privées sur la scène internationale

I – Les organisations non gouvernementales

Par manque de temps, cette partie du cours n’est pas abordée cette année.

II – Les entreprises multinationales

Les firmes transnationales sont une catégorie juridique inexistante en droit international.

Elles sont structurées suivant des chaînes de valeur mondiale.
Elles ont leur siège sur un territoire et peuvent nouer des relations à l’étranger :
> via des filiales (structuration verticale)
> en nouant des relations contractuelles avec des fournisseurs (structuration horizontale ; “entreprise réseau”)
→ leurs activités “débordent” hors du territoire d’un État

Elles sont fragmentées par les droits internes : la maison mère est régie par les lois de l’État où elle a son siège social, tandis que les filiales sont régies par le droit interne local.
Dès lors, comment réguler ces multinationales ?

Le droit international du commerce, incarné par l’OMC, composé de traités qui visent à libéraliser les échanges de marchandises et de services entre les États, a largement encouragé le développement des entreprises multinationales.

Ces traités ont permis à des entreprises multinationales de contester les législations des pays-hôtes lorsqu’elles considéraient que ces derniers adoptaient des mesures trop drastiques (ex : protection des droits humains ou de l’environnement).

→ Le droit international du commerce ne font pas des entreprises multinationales des sujets de droit international, mais ont favorisé leur émergence et leur développement.
Il s’est en revanche fait beaucoup plus discret en matière de régulation des entreprises multinationales.

A – Les sources internationales de réglementation des EMN en matière de responsabilité sociétale des entreprises

1) Une régulation de soft law

L’ENM n’est pas un sujet du droit international parce qu’elle n’est pas débitrice d’obligations internationales.

Le manque de volonté des États de s’engager sur le terrain de la responsabilité des entreprises a conduit à une régulation fondée sur la soft law.

a) La régulation interne des ENM

Il s’agit d’un mouvement spontané et volontaire des entreprises visant à rassurer les consommateurs des pays du Nord.
Elles agissent ici dans un but réputationnel, afin d’atteindre des objectifs économiques.

Les codes de conduite privés sont très variables ; certains sont adoptés en association avec des ONG ; certains font référence aux textes adoptés par des ONG.

Les domaines les plus couramment traités sont l’environnement, les relations entre partenaires sociaux, la protection des consommateurs et la lutte contre la corruption.

Ils privilégient les obligations négatives (= obligations de ne pas faire) aux obligations positives (= obligations de faire ; ex : droit à la liberté syndicale, droit à un salaire décent…).

Certains considèrent qu’un manquement à ces codes peut constituer une faute et engager la responsabilité juridique de l’entreprise, tandis que d’autres considèrent qu’ils ne constituent aucune valeur juridique.
La cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 22 mars 2013 AFPS c Alstom, a considéré que de tels codes sont dépourvus de valeur contraignante et ne peuvent engager la responsabilité juridique de l’entreprise.

Les accords-cadre internationaux sont conclus entre les entreprises internationales et les organisations internationales syndicales afin de réguler l’ensemble des relations du travail tout au long de la chaîne d’approvisionnement.

Ils ont souvent un champ sectoriel (ils interviennent dans une industrie spécifique).
Exemple : accord-cadre sectoriel adopté à la suite de la catastrophe de Rana Plaza en 2013.


b) La régulation externe des EMN par les organisations internationales

Les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des EMN (1976) sont des recommandations, et non des obligations ; leur application dépend de la bonne volonté des EMN.
Ces principes directeurs apparaissent comme l’instrument le plus complet ; de nombreux sujets y sont abordés.
Un nouveau chapitre sur les droits de l’homme y a été ajouté en 2011.

Des points de contact nationaux sont répartis dans les territoires des États membres et sont habilités à recevoir des plaintes qui concerneraient une action ou une omission d’une entreprise qui seraient contraires aux principes directeurs.
Ces points de contact nationaux peuvent ensuite alerter sur l’activité de l’entreprise → effet réputationnel.

La Déclaration de principes tripartites sur les EMN et la politique sociale de l’OIT (1977) intègre le concept de diligence raisonnable.

Le Pacte mondial des Nations Unies (ou Global Compact) (2005) contient 10 principes, parmi lesquels les droits de l’homme, les droits sociaux fondamentaux, le droit de l’environnement ou la lutte contre la corruption.

Les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et droits de l’homme (principes de Ruggie) (2011) sont dépourvus de force obligatoire.
Ils s’adressent à la fois aux États et aux EMN.
Ils établissent un standard de diligence raisonnable opposable aux EMN.

Standard de diligence raisonnable :
Il ne s’agit pas d’une norme de conduite qui pourrait engager la responsabilité juridique de l’entreprise, mais davantage un processus qui consiste à évaluer les incidences négatives sur les droits de l’homme que l’entreprise peut avoir du fait de ses propres activités mais aussi de celles qui découlent de ses relations avec ses filiales à l’étranger, ses fournisseurs ou ses sous-traitants.

Devoir de prévention :
L’entreprise doit évaluer les incidences négatives sur les droits de l’homme qu’elle peut avoir, directement ou indirectement.

Vers une régulation conventionnelle sous l’égide des Nations Unies ?
À priori, non – les ambitions originelles de considérer les EMN comme des sujets de droit international apparaissent perdues.

B – Les palliatifs à l’absence de responsabilité juridique internationale des EMN

1) Le développement du standard de diligence raisonnable applicable aux EMN

💡 due diligence = diligence raisonnable

Les entreprises n’ont pas de responsabilité internationales parce qu’elles n’ont pas d’obligations ni de juridiction compétente pour traiter leurs agissements.

La diligence raisonnable est un engagement moral, sauf s’il est incorporé dans les législations internes des États.

2) L’adoption de législations internes destinées à renforcer la responsabilité sociétale des EMN

La France est une figure pionnière en la matière : elle a adopté une loi sur le devoir de diligence pour les grandes entreprises (loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre).

En cas de non respect de cette obligation de diligence, la responsabilité juridique de l’EMN peut être mise en œuvre.
Il s’agit d’une responsabilité civile dans une optique réparatrice.

Il n’est pas facile de mettre en œuvre cette responsabilité civile de la faute, parce que la charge de la preuve incombe au demandeur.

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