Leçon 6 : Les droits subjectifs

Cliquer ici pour revenir au sommaire du cours complet d’introduction au droit privé.

Les droits subjectifs sont des prérogatives accordées par le droit objectif aux individus.
Ces prérogatives portent soit sur des biens déterminés, soit contre des personnes identifiées.

Aubert et Savaux : “des pouvoirs d’imposer, d’exiger ou d’interdire attribués par la loi à une personne en considération de leur utilité individuelle et sociale”.

3 éléments caractéristiques des droits subjectifs :
1- c’est un pouvoir ou une prérogative précise
2- il est attribué au sujet de droit par le droit objectif
3- ce pouvoir est susceptible d’être défendu devant une juridiction

Section 1 : Les personnes et les choses : sujets et objets des droits subjectifs

Jusqu’à l’abolition de l’esclavage (en 1848 en France), certaines personnes pouvaient naître ou devenir esclaves.
Les esclaves étaient juridiquement considérés comme des choses, et non comme des personnes.
Ils étaient donc dépourvus de toute personnalité juridique.

Pendant longtemps, les animaux ont en France été qualifiés juridiquement comme des choses.
Article 515-14 du Code civil : “les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité”.
Mais ils restent soumis au régime des biens.

§ 1. Les personnes

A – Les personnes physiques

Les éléments juridiques qui permettent d’identifier la personne forment l’état civil :
> le prénom
> le nom de famille
> le sexe
> la date de naissance
> le domicile administratif
> l’affiliation

En principe, ces éléments ne peuvent pas être modifiés (immutabilité : la volonté des individus ne compte pas).

Des exceptions existent :

  • On peut changer de domicile ;
  • On peut, par demande judiciaire justifiée par un intérêt légitime, obtenir une modification de son nom ou de son prénom ;
  • Il est possible, sous conditions, de changer de sexe : voir Chapitre 1 : L’identification des personnes humaines (§ 4).

B – Les personnes morales

Personne morale : groupement doté sous certaines conditions d’une personnalité juridique plus ou moins complète et qui ont vocation à une activité distincte des individus qui la composent.
(Vocabulaire juridique de l’association Henri Capitant)

Une personne morale poursuit une activité totalement autonome des activités de ceux qui la composent.
Elle est juridiquement indépendante et dispose d’un patrimoine propre.

Il existe une pluralité de personnes morales :

  • Les personnes morales de droit public : l’État français, les collectivités territoriales, l’administration, les établissements publics, les universités…
  • Les personnes morales de droit privé : sociétés commerciales, sociétés civiles, sociétés non économiques (associations, syndicats, GIE)…

Les éléments qui permettent l’identification des personnes morales sont :

  • Le nom : on parle de titre pour les associations et de raison sociale ou dénomination sociale pour les entreprises.
    → elles peuvent le changer simplement
  • La nationalité :
    • En droit public, elles ont la nationalité de l’État qui les a créées ;
    • En droit privé, elles ont la nationalité de l’État dans lequel se trouve leur siège social.

§ 2. Les choses

Les choses qui nous entourent sont toutes saisies par le droit, pour leur attribuer un régime juridique (= ensemble des règles de droit qui régissent des domaines / catégories).

A – La qualification des choses selon leur appropriation

On distingue les choses appropriables des choses non-appropriables (= il ne peut pas y avoir de propriétaire ; par exemple : l’air, la mer, les rivages, etc.).

Article 714 du Code civil :

Il est des choses qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous.

On parle de choses communes (res communes).

Il existe des choses appropriables mais non appropriées :

  • Les choses sans maître (res nullius), qui n’ont jamais été appropriées mais peuvent l’être.
    Exemple : gibier, poissons dans la mer, etc.
  • Les choses abandonnées par leur propriétaire (res derelictae).

💡 Seules les choses appropriées ou susceptibles d’être appropriées peuvent être qualifiées de biens.

B – La qualification des choses selon leur mobilité

On distingue 2 notions juridiques :
> les biens meubles, qui sont mobiles
> les biens immeubles, qui ne peuvent pas être déplacés

C – La qualification des choses selon leur nature

On distingue :

  • Les choses corporelles : tout ce qui peut être appréhendé par les sens et qui est extérieur à la personne ; autrement dit, qui peut être touché physiquement : maison, arbre, terrain, pièce de monnaie…
  • Les choses incorporelles : fond de commerce, brevet, marque…

On distingue aussi :

  • Les choses consomptibles, qui peuvent disparaître totalement ou partiellement lorsqu’elles sont utilisées ; ex : l’argent, la nourriture…
  • Les choses non consomptibles, que l’on peut utiliser sans porter atteinte à leur essence.

Et aussi :

  • Les choses fongibles, qui peuvent être remplacées indifféremment par une autre chose.
  • Les choses non fongibles, qui ne sont pas interchangeables.

Section 2 : La classification des droits subjectifs

Les droits subjectifs (= prérogatives individuelles accordées aux individus) sont très nombreux et très divers.
Jusqu’au 16e siècle, on ne prenait en compte que le droit objectif.
Jean Carbonnier parle de « pulvérisation du droit objectif en droit subjectif ».

Exemples récents de droits subjectifs issus de lois :
> droit à vivre dans un environnement sain
> droit à un accès internet à haut débit

On distingue les droits subjectifs fondamentaux, qui occupent une place particulière dans l’ordre juridique et sont issus de la DDHC, de la CEDH, du préambule de la Constitution, etc., des droits subjectifs ordinaires.

Il faut aussi distinguer les droits subjectifs patrimoniaux et les droits subjectifs non patrimoniaux.

§ 1. Les droits patrimoniaux

Un droit patrimonial est directement appréciable en argent.
Il entre directement dans le patrimoine des personnes juridiques.
Exemple : droit de propriété, droit de créance.

A – Un contenant : le patrimoine

Patrimoine : une universalité de droits comprenant l’ensemble de ses biens et obligations présents et à venir, l’actif répondant du passif.

Pour Aubry et Rau, il existe 3 corollaires :

  1. Toute personne juridique a nécessairement un patrimoine.
  2. Seule une personne juridique peut avoir un patrimoine.
  3. Une personne ne doit avoir d’un seul patrimoine.
    Ce dernier est de moins en moins vrai aujourd’hui.

Au sein du patrimoine, l’actif répond au passif : si jamais la personne ne paie pas ses dettes, tous ses biens qui composent le patrimoine vont servir à désintéresser les créanciers (articles 2284 et 2285 du Code civil).

B – Un contenu : la triade des droits patrimoniaux

Il existe 3 grandes catégories : les droits réels, personnels et intellectuels.

1) Les droits réels

Les droits réels sont les pouvoirs exercés directement par une personne sur une chose.
Ils sont donc composés de 2 éléments :
> une personne, sujet actif du droit réel
> une chose, objet du droit réel

On distingue 2 types de droits réels :

a) Les droits réels principaux

Cette catégorie englobe le droit de propriété et les démembrements du droit de propriété.

Le droit de propriété est un droit fondamental, protégé par les articles 2 et 17 de la DDHC et par l’article 1 du 1er protocole additionnel de la CEDH.

Il est défini par l’article 544 du Code civil :

La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

On distingue 3 composantes dans le droit de propriété :
> l’usus : le droit d’user de la chose
> le fructus : le droit de tirer profit des fruits de la chose
> l’abusus : le droit de disposer du bien – soit juridiquement, soit matériellement

On parle de démembrement de la propriété lorsque l’on sépare ces 3 composantes entre des personnes différentes.
Souvent, la séparation se fait entre un usufruitier (qui a l’usus et le fructus) et un nu-propriétaire (qui a l’abusus).

b) Les droits réels accessoires

Les droits réels accessoires viennent s’adosser à un autre droit : « l’accessoire suit le principal ».

  • Le droit réel de préférence permet à la banque de saisir l’immeuble pour récupérer le prix de vente en priorité des autres créanciers.
  • Le droit de suite est la faculté offerte au créancier hypothécaire de saisir le bien entre les mains du tiers détenteur en cas de vente ou de transmission de celui-ci, afin de se faire payer sa créance.
    Exemple : si on revend notre maison sans rembourser notre crédit, son droit d’hypothèque permet de récupérer la maison auprès du nouveau propriétaire.

2) Les droits personnels

Un droit de créance est le pouvoir d’une personne (le créancier) d’obtenir d’une autre personne (le débiteur) l’accomplissement d’une prestation quelconque.
→ création d’un lien de droit qui est une obligation (créance ou dette)


3) Les droits intellectuels

Les droits intellectuels sont des droits qui confèrent à leur titulaire un monopole d’exploitation sur une œuvre de l’esprit ou sur une clientèle.
→ création littéraire, artistique…

On distingue 2 types de clientèle :
> la clientèle commerciale : commerces…
> la clientèle civile : avocats, médecins…

§ 2. Les droits extrapatrimoniaux

Les droits extrapatrimoniaux ne sont pas directement appréciables en argent.
Ils sont hors du patrimoine.
Ils ne peuvent pas être vendus.
Exemple : la plupart des droits fondamentaux.

A – Les droits de la personne

Les droits de la personne sont inhérents à la seule qualité de personne humaine.
Ils appartiennent à tous les individus qui sont des êtres humains.

⚠️ Ils ne doivent pas être confondus avec les droits de l’homme.

1) Les droits sur son corps

a) Le droit au respect et à l’inviolabilité de son corps

L’article 16-1 du Code civil dispose :

Chacun a droit au respect de son corps.
Le corps humain est inviolable.
Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial.

+ L’article 3 de la CEDH interdit toute forme de torture.

Par exemple, il est interdit pour un médecin de pratique une intervention / un traitement sans l’accord du patient.

b) L’indisponibilité du corps humain

L’indisponibilité du corps humain (= il ne peut pas faire l’objet d’un droit de patrimonial) est consacré par l’article 16-1 du Code civil.
On n’a donc pas de droit de propriété sur son corps.
Exemple : interdiction de la GPA (art. 16-7 du Code civil).

Le don ne peut se faire qu’à titre gratuit (pas de rémunération).

Le respect du corps humain ne cesse pas après la mort.
Le cadavre et les cendres doivent être traités « avec respect et décence ».

2) Les droits au-delà de son corps

a) Le droit au respect de la vie privée

Le droit au respect de la vie privée est garanti par l’article 8 de la CEDH et l’article 9 du Code civil.
Il attribue aux sujets de droit une sphère d’intimité dans laquelle nul ne peut pénétrer sans leur autorisation.

Les éléments considérés comme faisant partie de la vie privée d’un individu sont :
> son domicile
> sa vie sentimentale et conjugale
> sa vie familiale
> son intimité corporelle
> sa santé
> ses loisirs
> son utilisation d’internet
> certains aspects de sa pratique religieuse

Il est possible de porter atteinte au droit à la vie privée au motif de la liberté d’expression.
L’atteinte doit être légitime.
Les critères définis par la CEDH sont : il faut que l’information recherchée ou révélée soit en relation avec un évènement public, d’actualité ou avec une question ou un débat d’intérêt général.

La CEDH admet la publication de photos de personnes lors d’un évènement, mais la Cour de cassation pose des limites : il faut que la dignité humaine soit respectée, et qu’il y ait un lien entre l’évènement et les images ou révélations publiées.
Exemple : la fonction qu’occupe une personne dans la société peut constituer une atteinte à la vie privée.

Arrêt de la CEDH du 18 mai 2004 « Plon contre France » :
Un médecin, publie un ouvrage qui porte atteinte au droit au respect de la vie privée de François Mitterrand.
Pour la CEDH, l’interdiction ne peut être justifiée que temporairement ; elle doit répondre à un « besoin social impérieux ».

Un droit subjectif est une prérogative individuelle.
Lorsqu’il y a une violation du droit au respect de la vie privée, on peut ouvrir une action en justice / en responsabilité civile fondée sur l’article 9 du Code civil.

Il est possible de demander des dommages et intérêts de la part de la personne qui a violé le droit.
Il est aussi possible de demander des réparations en nature, comme par exemple le retrait d’un ouvrage ou la publication de la décision de condamnation.

Il n’est pas possible d’agir pour le droit au respect de la vie privée d’un mort, mais sa famille peut agir si elle considère que son droit au respect de sa vie privée a été atteint.

b) Le droit au respect du domicile

L’article 8 de la CEDH protège les individus des immixtions qui pourraient atteindre leur domicile.

Le droit au respect s’applique à tous les occupants d’un domicile et concerne les personnes physiques comme morales.

Corollaires :
> le droit de se clore
> le droit de protéger son domicile des yeux indiscrets de ses voisins

Un huissier ne peut donc pas entrer « comme ça » dans un domicile.
Seules les autorités administratives peuvent effecteur des perquisitions ou des visites domiciliaires, mais seulement entre 6h et 21h et avec l’autorisation d’un juge.

Autres exemples de droits de la personnalité :
> le droit au secret des correspondances
> le droit à l’honneur et à la réputation
(l’injure et la diffamation sont des infractions pénales)

B – Les droits familiaux

Au sein d’un couple, il y a :
> devoir d’assistance entre époux et pacsés
> entre époux, devoir de respect mutuel / de fidélité / de communauté de vie / conjugal

Les relations entre parents et enfants sont régis par le concept d’autorité parentale : ensemble de droits et de devoirs au profit des parents et des enfants.

§ 3. Les principaux traits de régime des droits patrimoniaux et extrapatrimoniaux

Les droits patrimoniaux :
> on ne peut pas s’en déposséder / les transmettre
> ils sont insaisissables
> ils sont imprescriptibles (= extinction d’un droit ou d’une action selon le temps)

Exception : le droit de propriété est un droit subjectif mais il est imprescriptible.

La question de l’abus de droit anime la doctrine au début du 20ème siècle : est-il possible d’abuser d’un droit subjectif ?
Pour Josserand, on peut abuser de son droit lorsqu’on le détourne de la finalité prévue à l’origine.

La Cour de cassation a reconnu que l’exercice du droit de propriété pouvait dégénérer en abus : arrêt Clément Bayard (3 août 1915), sur les ballons dirigeables.

→ Il y a abus de droit lorsque l’on utilise un droit subjectif pour nuire à autrui.

Section 3 : Les sources des droits subjectifs

La source principale des droits subjectifs est le droit objectif.

Parfois, il y a aussi des évènements qui vont déclencher la création de droits subjectifs, selon des conditions prévues par le droit objectif.
faits juridiques
ex : licenciement d’un salarié, conduite dangereuse d’un automobiliste à l’origine d’un accident…

Un acte juridique n’est pas un fait quelconque, mais un acte de volonté qui fait naître le droit subjectif.

Une règle du droit objectif va habiliter une ou plusieurs personnes à créer des droits selon leur volonté.
ex : le contrat

§ 1. Les actes juridiques

Les actes juridiques sont définis par l’article 1100-1 du Code civil :

Les actes juridiques sont des manifestations de volonté destinées à produire des effets de droit. Ils peuvent être conventionnels ou unilatéraux.

Un des effets possibles est la création d’un droit subjectif.
Exemple : les contrats sont des actes juridiques conclus selon la volonté des parties. Pareil pour les testaments (volonté unilatérale).

Il y a une distinction entre l’opération juridique (negotium) et le document qui matérialise cette volonté (instrumentum).

En droit français, il n’est pas nécessaire qu’il y ait un instrumentum pour que le contrat soit valable.
→ Il est possible de conclure un contrat sans signer aucun document.

Mais certains contrats nécessitent un document écrit.
Exemple : les contrats solennels doivent être posés par écrit, sous peine de nullité (art. 931 du Code civil).

§ 2. Les faits juridiques

L’article 1100-2 du Code civil dispose :

Les faits juridiques sont des agissements ou des événements auxquels la loi attache des effets de droit.

Un fait juridique produit aussi des effets de droit, mais la différence est que l’évènement qui va déclencher ces effets n’est pas la manifestation d’une volonté.

Exemple : que se passe-t-il si une personne sans domicile fixe vole quelque chose de façon à aller en prison ?
→ Peu importe la volonté du voleur, c’est le vol qui va déclencher l’effet de droit.

Section 4 : La preuve des droits subjectifs

Le droit objectif et les droits subjectifs qui en découlent sont dans la plupart des cas respectés par tous sans difficultés.
Mais la mission principale du juriste est d’anticiper les litiges et les difficultés.

Idem est non esse et non probari : « ne pas pouvoir prouver son droit équivaut à ne pas avoir de droit ».
→ tout ce qui n’est pas prouvé n’existe pas
→ la question de la preuve est donc centrale

Il faut se poser 3 questions :
> que faut-il prouver ?
> qui doit prouver ?
> comment prouver ?

§ 1. Ce qu’il faut prouver : l’objet de la preuve

Il y a des éléments qu’il n’est pas nécessaire de prouver.
Les parties doivent uniquement prouver les faits (ici, « faits » par opposition au droit) qui donnent naissance au droit subjectif invoqué, selon l’article 9 du Code de procédure civile.
jura novit curia : « le juge connaît le droit »

L’objet de la preuve, c’est qu’il y a eu un negocium.
L’instrumentum n’est qu’un des moyens de preuve que l’on utilise.

§ 2. Celui qui doit prouver : la charge de la preuve

Que se passe-t-il si, malgré les preuves fournies, une incertitude subsiste ?

  • En matière pénale, on a porté atteinte à la société dans son ensemble, donc le juge a pour mission de faire éclore la vérité.
    Il joue un rôle actif en matière de recherche des preuves. Il ordonne des mesures d’instruction (pour les affaires les plus graves, il y a un juge d’instruction).
    procédure inquisitoire : le juge joue un rôle actif en matière de preuves
  • En matière civile, le juge a pour mission de trancher un litige entre 2 parties.
    procédure accusatoire : ce n’est pas le juge qui recherche les preuves, mais aux parties de les communiquer au juge

A – Le principe (de la charge de la preuve en matière civile)

Principe : la charge de la preuve pèse sur le demandeur (= celui qui assigne l’autre partie).
Actori incumbit probatio : la preuve incombe au demandeur.

Dès lors que le demandeur oppose un moyen de défense (= élément qui vise au rejet de la demande), c’est à lui de prouver la négation qui forme son moyen de défense.

→ va-et-vient de la charge de la preuve

B – L’exception (à la charge de la preuve en matière civile)

Par exception au principe, il arrive que la loi ou le juge impose la charge de la preuve à une personne déterminée, peu importe qu’elle soit demandeur ou défendeur.
→ s’opère par une présomption des droits

Présomption : « conséquences que la loi ou un magistrat tire d’un fait connu un autre fait inconnu ».

La présomption va permettre à la partie de prouver un autre fait et, si elle arrive à le prouver, on va en induire l’existence du fait de base.
Exemple : article 312 du Code civil.

Il existe 3 catégories de présomption de droit :

  1. Les présomptions simples : présomptions qui peuvent être renversées par n’importe quel moyen de preuve contraire.
  2. Les présomptions mixtes : présomptions qui peuvent être renversées, mais la loi détermine les modes de preuve qui sont admis pour renverser la présomption.
  3. Les présomptions irréfragables : présomptions qui ne peuvent jamais être renversées par une preuve contraire.
    → dispense de preuve d’une partie au détriment de son adversaire

§ 3. Comment prouver : les moyens de preuve

A – La diversité des moyens de preuve

Le Code civil énumère 5 modes de preuve :
1- l’écrit
2- l’aveu
3- le serment
4- le témoignage
5- les présomptions du fait de l’homme

Les preuves scientifiques (ex : ADN) et techniques (ex : vidéosurveillance) sont des témoignages.

1) L’écrit

Aussi appelée « preuve privé littérale ».
Il s’agit du mode de preuve le plus efficace.
Il lie le juge, mais uniquement quand il s’agit de prouver un acte juridique (on parle de « preuve parfaite »). Le juge est obligé d’admettre que la preuve est vraie.

C’est un mode de preuve que l’on peut préconstituer (= faire avant le litige).

L’article 1365 du Code civil définit :

L’écrit consiste en une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d’une signification intelligible, quel que soit leur support.

⚠️ Il faut que l’acte soit signé.
La signature permet d’identifier l’auteur et manifeste le consentement.

L’article 1366 du Code civil pose une condition : quand l’écrit est produit sous forme électronique, il faut « que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité ».

Il existe 2 grandes catégories d’actes écrits :

  1. Les actes authentiques : actes dressés par des officiers publics (notaires, huissiers, juges…).
    Ils doivent répondre à des conditions strictes de rédaction et de conservation.
    Ils ont une force probante particulière : ils font foi jusqu’à leur inscription en faux (= procédure qui permet de contester l’acte ; a de lourdes conséquences).
  2. Les actes sous seeing privé : actes dressés entre 2 personnes sans intervention d’un officier public.
    L’acte doit être signé.
    Dans les contrats où il y a plusieurs parties, il faut autant d’originaux que de parties.

     

    2 preuves parfaites, qui vont lier le juge.
    Différence : l’acte sous seeing privé est plus facile à contester ; pour cela, on peut suivre une procédure de vérification d’écriture.


2) L’aveu

Article 1383 du Code civil :

L’aveu est la déclaration par laquelle une personne reconnaît pour vrai un fait de nature à produire contre elle des conséquences juridiques.

Il faut distinguer :

  • L’aveu judiciaire (art. 1383-2 du Code civil), fait :
    • soit lors d’une audience ;
    • soit lors d’une audition devant un juge ;
    • soit par écrit dans le cadre d’une procédure judiciaire.
  • L’aveu extra-judiciaire : aveu en dehors d’une audience, d’une audition…
    A une force patente beaucoup moins importante.
    Relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond.

3) Le serment décisoire

Le serment décisoire est le procédé par lequel une partie va demander à son adversaire de prêter serment sur une question de droit donnée, qui va déterminer l’issue du litige.
Si l’adversaire refuse de prêter serment, il perd le procès.
Il peut aussi renvoyer le serment à l’envoyeur (« référer le serment »).


4) Le témoignage

Un témoignage est une déclaration faite par un tiers au litige de faits dont il a eu personnellement connaissance.
Il peut être fait soit à l’oral, soit par écrit (attestation).

Il a une force probante faible.
Les juges du fond apprécient librement la crédibilité du témoignage.

On ne peut pas prouver contre un écrit par un témoignage.


5) Les présomptions du fait de l’homme

Les présomptions du fait de l’homme ont le même fonctionnement que les présomptions de droit, mais sont abandonnées à l’appréciation du juge.

B – L’admissibilité des modes de preuve

L’admissibilité des modes de preuve n’est jamais totale.
Elle a toujours été plus ou moins réglementée par le législateur, qui prévoit dans certains cas de figure des preuves plus probantes que d’autres.

  • En matière pénale, toutes les preuves sont admissibles, y compris celles obtenues par un procédé illégal ou déloyal.
    Exemple : l’enregistrement d’un appel téléphonique à l’insu de son interlocuteur (→ illégal et déloyal).
    Limites du principe : ne concerne que des modes de preuve constitués par des personnes privées. Pour la police, les preuves doivent être obtenues de manière légale et loyale.
    Les preuves qui fuitent dans la presse peuvent être utilisées par la police.
  • En matière civile, la preuve doit être légale et loyale, sinon elle sera déclarée irrecevable et ne sera pas prise en compte par le juge.
    Chambre sociale, 20 novembre 1991 : l’enregistrement audio et vidéo d’employés à leur insu par leur employeur constitue un mode de preuve illicite.

     

    Apparition d’un nouveau droit subjectif : le droit à la preuve.
    Fondé sur l’article 6-1 de la CEDH, il peut permettre de produire dans un procès civil une preuve illégale ou déloyale.
    > Condition de proportionnalité (ex : atteinte à la vie privée ?)
    > Seulement s’il n’y a pas d’autres preuves disponibles

    Quels modes de preuves peuvent être utilisés dans quelles situations ?

1) La preuve des actes juridiques

En matière civile, on peut prouver librement l’acte juridique, sauf au-delà de 1500€ (art. 1359 du Code civil + décret du 20 août 2004).
Au-delà de 1500€, la preuve doit être un écrit.

Dès lors qu’il y a un écrit qui prouve un acte juridique, on ne pourra prouver outre ou contre cet écrit que par un autre écrit (quel que soit le montant).

Exceptions : l’exigence d’un écrit au-delà de 1500€ peut être contournée :

  1. Si on n’a pas d’écrit pour prouver l’acte, on peut avoir recours à un commencement de preuve par écrit, qui nous autorise à prouver l’acte juridique par tout moyen (art. 1362 du Code civil).
  2. Article 1360 du Code civil :

    Les règles prévues à l’article précédent reçoivent exception en cas d’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit, s’il est d’usage de ne pas établir un écrit, ou lorsque l’écrit a été perdu par force majeure.

    Exemple : contrat conclu entre un frère et une sœur : impossibilité morale.

  3. Article 1379 du Code civil :

    La copie fiable a la même force probante que l’original. La fiabilité est laissée à l’appréciation du juge.

Entre commerçants, la preuve de l’acte juridique est libre, quel que soit le montant de l’acte juridique mis en cause (article L110-3 du Code de commerce).


2) La preuve des faits juridiques

Les faits juridiques peuvent être prouvés par tout moyen.

On distingue :

  • Le système de preuve morale : système juridique dans lequel toutes les preuves sont admissibles.
    On laisse au juge le soin d’apprécier leurs forces probantes.
  • Le système de preuve légal : système juridique qui contient des règles qui définissent les preuves admissibles et leurs forces probantes.

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