Leçon 5 : Jurisprudence et doctrine : les frontières brouillées entre création et application des règles de droit

Cliquer ici pour revenir au sommaire du cours complet d’introduction au droit privé.

Section 1 : La jurisprudence

La jurisprudence désigne l’habitude de juger dans un certain sens.

§ 1. L’évolution du rôle de la jurisprudence

Sources du droit : l’ensemble des procédures et procédés qui permettent en droit français de créer des règles de droit.

On distingue classiquement les systèmes juridiques de common law et de droit continental (droit civil).
Le droit continental repose sur un droit légiféré, des textes écrits → la loi au sens large.
Dans un système de common law, la principale source du droit sont les décisions de justice et la coutume.
La règle cardinale dans ce système est la règle du précédent : lorsqu’un litige se présente, pour trancher le litige le juge doit vérifier qu’il n’y a pas déjà eu un litige similaire par le passé auquel une solution a été apportée. → aucun doute sur le caractère de la jurisprudence = une source de droit

En France, à certaines époques, cette question ne se posait pas puisqu’il n’y avait pas de distinction entre les pouvoirs législatifs et judiciaire (le roi détenait les 2).
Ensuite, la DDHC pose le principe de la séparation des pouvoirs.

Depuis 1 siècle, le rôle créatif de la jurisprudence en France n’a cessé de croître et l’autorité de la jurisprudence est aujourd’hui largement respectée en France.

Pour comprendre cette évolution, il faut analyser 2 conceptions :

A – La conception restrictive du rôle de la jurisprudence : appliquer la loi

Idée : la jurisprudence a pour rôle d’appliquer la loi ; le juge doit appliquer mécaniquement / littéralement la loi.

C’est la conception de la révolution de 1789.
Objectif : s’éloigner de l’Ancien Régime sous lequel les parlements pouvaient renvoyer au roi une ordonnance ou un édit s’ils considéraient que ça allait à l’encontre du peuple (droit de remontrance).
Les parlements avaient donc un pouvoir important en matière normative. Hors de question pour les révolutionnaires que ça se reproduise.

Le Chapelier qualifie la jurisprudence de « la plus détestable des institutions ».
Robespierre proposait de supprimer le mot de la langue.
Pour Montesquieu : « le juge est la bouche de la loi ».

Le Tribunal de cassation est créé en 1790, avec comme principale mission d’unifier le droit privé sur le territoire national.

Un nouveau mécanisme est créé : le référé législatif → tout justiciable peut saisir l’Assemblée nationale pour savoir comment appliquer la loi.

Article 4 du Code civil : le déni de justice est une infraction pénale. Le juge est obligé de juger les affaires qui lui sont soumises.
Article 5 du Code civil : interdit les arrêts de règlement. Pour trancher le litige, le juge va devoir dégager une règle, mais elle n’aura pas vocation à s’appliquer dans le futur aux justiciables et aux juges (« autorité relative de la chose jugée »).
Exemple d’arrêt de règlement : voir PowerPoint page 3.

B – La conception expansive de la jurisprudence : créer du droit

Jurisprudence : rôle secondaire de création normative qui se développe à partir de la fin du 19e siècle (révolution industrielle).
Cornu parle de « siècle d’or de la jurisprudence » et de l’ »ère de la jurisprudence créatrice ».

La responsabilité civile a pendant longtemps reposé sur 5 articles du Code civil portant sur la responsabilité civile (qui découle exclusivement d’une faute). Sauf que, par exemple, si une machine à vapeur explose, il n’y a pas de faute.
À la fin du 19e siècle : nouveau régime de responsabilité sans faute : « responsabilité du fait des choses » (article 1242, alinéa 1 du Code civil).

Exemple : arrêt Teffaine (1896) : ce régime – complètement créé par la Cour de cassation – est toujours appliqué aujourd’hui.
Jusqu’en 1985, tous les accidents de la circulation étaient régis par ce régime.

Aujourd’hui, le législateur français est conscient du rôle de la jurisprudence et s’en satisfait.
2016 : réforme majeure des obligations : 350 articles modifiés ; 2/3 ne font que codifier la jurisprudence.

Il faut établir la distinction entre :

  • Les arrêts d’espèce, dont la solution a une portée qui se limite au cas d’espèce ; et
  • Les arrêts de principe, qui énoncent un principe (= règle énoncée dans des termes généraux) qui va s’appliquer dans des affaires ultérieures.

Cette distinction se fait surtout sur la forme : dans l’arrêt de principe, le juge ne dit pas que l’arrêt a vocation à s’appliquer dans le futur, mais il énonce un principe dans l’arrêt.

En théorie et en pratique, le principe énoncé par la Cour de cassation n’est obligatoire pour personne, à part les parties au litige.
→ elle peut juger différemment dans le futur
Mais elle crée une habitude de juger dans un même sens.
Les arrêts d’assemblée plénière sont souvent des arrêts de principe.

Obiter dictum : « soit dit en passant » ; une partie de l’arrêt qui apporte une information qui n’a aucun intérêt pour trancher le litige.
Un arrêt est avec un obiter dictum est généralement très important.

Il existe une incertitude inhérente à la jurisprudence, puisqu’en France les juges ne sont pas obligés de la suivre.

§ 2. La banalisation du pouvoir normatif de la jurisprudence

La plupart des acteurs de l’ordre juridique reconnaissent que la jurisprudence est une source formelle du droit particulière.

Pendant longtemps, la Cour de cassation n’assumait pas son propre pouvoir normatif pour ne pas que l’on accuse de porter atteinte à la séparation des pouvoirs.
Encore aujourd’hui, elle ne dit pas qu’elle crée une règle de droit, mais s’abrite derrière un texte de loi qu’elle prétend interpréter.

Ces 10-20 dernières années, la Cour de cassation s’émancipe (elle suit la théorie de la libre recherche scientifique qui prend de l’ampleur au 20e siècle).
Exemple : QPC sur le contrôle de constitutionnalité d’une « disposition législative » : la Cour de cassation refuse de transmettre les QPC qui portent sur une construction jurisprudentielle.

Depuis 2020, la Cour de cassation adopte la « rédaction en formule développée » (plus longue que d’habitude, pour bien expliquer son raisonnement).
Objectif : rendre les arrêts plus lisibles pour le grand public.

Exemple : Chambre commerciale, 22 mars 2016 : constate la divergence de jurisprudence entre les différentes chambres de la Cour de cassation ; explique qu’elle opère un revirement de sa propre jurisprudence pour s’aligner sur les autres chambres.

A – L’application des revirements de jurisprudence dans le temps

Quand les arrêts donnent le même principe, on parle de jurisprudence constante.
Des fois, on a une question de droit nouvelle → solution nouvelle → jurisprudence nouvelle.

Il se peut que la Cour de cassation précise une jurisprudence antérieure.
→ évolution de la jurisprudence

Lorsqu’elle change de position, on parle de revirement de jurisprudence.
Exemple : Civ. 1, 3 février 1999 : revirement de la jurisprudence en matière de libéralités en cas d’adultère.

En cas de revirement de la jurisprudence, la solution nouvelle s’applique-t-elle aux faits antérieurs ?
→ Oui : le principe est la rétroactivité des revirements de jurisprudence car l’interprétation de la Cour de cassation fait corps avec la règle interprétée.
→ Une nouvelle interprétation va produire rétroactivement effet
→ Peu idéal, car peut être perçu comme une injustice ; pose problème pour la sécurité juridique

Nul ne peut se prévaloir d’un droit acquis à une jurisprudence figée.

Pour éviter ces effets négatifs :

  • La Cour de cassation envoie des signaux avant de faire le revirement de jurisprudence et donc l’anticipe : méthode des « petits pas » → revirement progressif, étape par étape.
    (très limité dans son efficacité ; la plupart des revirements sont imprévisibles)
  • Au début des années 2000, sous la pression de la CEDH, la Cour de cassation commence à émettre des exceptions.
    Arrêt de l’assemblée plénière du 21 décembre 2006 : lorsque la rétroactivité du revirement de jurisprudence porte atteinte à un droit garanti par la CEDH, il faut faire exception à la rétroactivité naturelle de la jurisprudence.
    En effet, l’article 6-1 de la Convention EDH garantit le droit à un procès équitable.
    Idée : la rétroactivité du revirement ne doit pas empêcher le justiciable d’agir en justice.
    Cet article n’a jusqu’ici été admis uniquement que dans des revirements concernant des délais de prescription.

En matière pénale, cela pose problème puis que le principe est celui de l’égalité des délits et des peines.
Incohérence résolue par l’arrêt de la chambre criminelle du 25 novembre 2020 (fait suite à l’arrêt Pessino c France, CEDH) : la chambre criminelle accepte une dérogation à la rétroactivité des revirements de jurisprudence en matière pénale.

B – Le dialogue des juges

Hypothèse : décisions contradictoires rendues par différentes juridictions.
Pour réduire le plus possible les contradictions entre jurisprudences, les juges ont mis en place un « dialogue des juges ».

1) Les méthodes de communications institutionnalisées

Il existe des procédures qui permettent aux juges de communiquer entre eux.
Elles ne visent pas à résoudre les conflits mais plutôt à les prévenir.

a) La saisine pour avis de la Cour de cassation

La loi du 15 mai 1991 crée une procédure de saisine pour avis de la Cour de cassation.
Elle est ouverte uniquement aux juridictions du fond.
3 conditions :
1- la question de droit doit être nouvelle ;
2- elle doit présenter une difficulté sérieuse ;
3- elle se pose dans de nombreux litiges.

Initialement, l’avis devait être rendu par une formation spéciale, mais depuis 2016 c’est directement la chambre qui le fait.

⚠️ L’avis ne lie pas la juridiction qui l’a demandé.
La Cour de cassation n’est pas liée non plus par l’avis.

Exemple concret : l’affaire des barèmes Macron : certains avocats ont contesté leur conformité à la convention n°158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) et à la Charte sociale européenne de 1971.
Le conseil des prud’hommes de Toulouse demande à la Cour de cassation son avis ; elle répond que 1- la Charte sociale européenne n’a pas d’effet direct (→ n’est pas applicable) et que 2- les barèmes Macron ne sont pas en contradiction avec la convention de l’OIT.

En pratique, cette procédure est assez peu utilisée.
La Cour de cassation n’est pas obligée de répondre.

b) La saisine pour avis de la CEDH

Le protocole additionnel n°16 à la Convention EDH, ratifié par la France en 2018, prévoit que les cours suprêmes des États membres peuvent adresser à la CEDH une demande d’avis consultatif (en France, Cour de cassation et Conseil d’État).

Ici, la saisine ne concerne pas une question de droit.
Au contraire, les textes montrent même que l’on droit transmettre à la CEDH tous les éléments de contexte pertinents, et notamment les éléments factuels, parce que la CEDH effectue un contrôle concret.

La grande chambre de la CEDH va rendre un avis consultatif, qui ne lie pas la cour suprême qui l’a demandé.

La Cour de cassation est la 1ère juridiction à avoir posé une demande d’avis à la CEDH : 5 octobre 2018, dans une affaire où la France a déjà été condamnée : affaire Mennesson contre France (CEDH 26 juin 2014), car la Cour de cassation a refusé de transcrire un acte de naissance étranger pour une GPA (illicite en France).
Le 10 avril 2019, la CEDH rend son avis, et le 4 octobre 2019, l’assemblée plénière de la Cour de cassation effectue un contrôle de conventionnalité.

c) La question préjudicielle

Préjudicielle = préalable.
Une question préjudicielle est une question qu’il va falloir trancher.

Exemple : question préjudicielle posée à la CJUE par un juge national.
→ Suspension de l’instance en attente de la réponse pour trancher le litige.
→ Pas uniquement pour les juridictions suprêmes.

La procédure de question préjudicielle est plus compliquée, car les juges nationaux ont l’obligation de saisir un recours en interprétation lorsqu’une incertitude survient dans une instance dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours.

La décision rendue par la CJUE et la réponse apportée lie la juridiction qui a posé la question, ainsi que l’ensemble des juridictions des États membres.

C’est donc une procédure qui demande une certaine collaboration.
Parfois, les juges suprêmes font de la résistance.

Les canaux officiels restent cependant limités.


2) Les canaux de communication détournés ou officieux

Avant la création de la saisine pour avis (1991 pour la Cour de cassation), il y avait une méthode officieuse qui permettait aux juges du fond de poser une question à la Cour de cassation, via le 1er président des cours d’appel.
Cette méthode n’était pas régi par les textes, mais les réponses apportées étaient publiées dans le Bulletin d’information de la Cour de cassation (BICC ; remplacé en 2021 par les lettres des chambres).

La Cour de cassation publie des communiqués.

Les obiter dictum (« soit dit en passant » ; parties de l’arrêt qui n’ont rien à voir avec le litige) peuvent aussi être utilisées comme moyen de communication avec les autres juridictions.
Exemple :

La procédure de QPC est adoptée en 2008 et entre en vigueur en 2010.
À l’époque, la Cour de cassation fait de la résistance.
Depuis l’arrêt Jacques Vabre et la décision sur l’IVG, le Conseil constitutionnel avait dit qu’il n’était pas capable d’exercer un contrôle de conventionnalité.
La Cour de cassation voit d’un mauvais œil que le Conseil constitutionnel fasse un contrôle de conventionnalité a posteriori, alors qu’avant il ne faisait qu’un contrôle de constitutionnalité.
La QPC est prioritaire, elle doit être jugée en urgence.
Les décisions du Conseil constitutionnel s’appliquent à toutes les autorités publiques, y compris la Cour de cassation.

Dans un arrêt « avant dire droit » (= décision prononcée par un tribunal sur une question accessoire, avant qu’il ne rende sa décision sur le fond de l’affaire dont il est saisi) du 16 avril 2010, la Cour de cassation soumet à la CJUE la question préjudicielle : « La procédure de QPC est-elle conforme au droit de l’UE ? ».

Arguments de la Cour de cassation :

  • La QPC prime sur la question préjudicielle ; or les textes de l’UE prévoient que lorsqu’il y a un doute, une question préjudicielle doit être immédiatement posée et, en attendant la réponse de la CJUE, le juge doit prendre toutes les mesures conservatoires (≠ QPC).
  • La décision du Conseil constitutionnel s’impose à la Cour de cassation, donc la Cour de cassation ne peut plus ensuite poser de question préjudicielle.

Le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État ont vite pris position :

  • Conseil constitutionnel, décision du 12 mai 2010 « Loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne » : dans un obiter dictum, le Conseil constitutionnel démonte point par point l’argumentation de la Cour de cassation :
    • 1er argument : le fait que dans la QPC le Conseil constitutionnel juge la loi conforme à la Constitution n’empêche pas la Cour de cassation de juger ensuite que cette loi est contraire à une convention internationale.
    • 2e argument : le caractère prioritaire de la QPC n’empêche aucunement le juge ordinaire, en même temps qu’il transmet la QPC, de poser une question préjudicielle à la CJUE + de prendre les mesures conservatoires nécessaires.
    • 3e argument : lorsque le Conseil constitutionnel a rendu sa décision, le juge ordinaire conserve sa capacité à poser une question préjudicielle.
  • Le Conseil d’État, dans un arrêt du 14 mai 2010, reprend les arguments du Conseil constitutionnel.

La CJUE répond dans un arrêt du 22 juin 2010. Elle ne répond pas directement à la question, mais pose les critères qui doivent être remplis pour que la QPC soit conforme au droit de l’UE :

  1. Le juge national doit pouvoir saisir la CJUE d’une question préjudicielle à tout moment de la procédure ;
  2. En attendant que la CJUE réponde, le juge national doit pouvoir prendre toutes les mesures conservatoires qui s’imposent ;
  3. Le juge national doit laisser inappliquées les dispositions nationales qui seraient jugées contraires au droit de l’UE.

La Cour de cassation a refusé de transmettre la QPC dans cette affaire (arrêt du 29 juin 2010), parce qu’elle juge que cet article est contraire au droit de l’UE, et qu’il est donc inutile de transmettre la QPC au Conseil constitutionnel.

La loi organique du 22 juillet 2010 supprime ensuite la formation spéciale de la Cour de cassation qui filtrait les QPC.

→ exemple de dialogue des juges conflictuel

C – L’intervention toujours possible du législateur

Lorsque la jurisprudence lui déplaît, le législateur conserve la possibilité d’intervenir en passant une loi visant à contrer celle-ci ; on dit qu’il casse la jurisprudence.

Exemple : arrêt Perruche, assemblée plénière, 17 novembre 2000 :

La Cour de cassation a accepté de condamner le médecin et le laboratoire d’analyses médicales à réparer les préjudices d’un enfant né lourdement handicapé.

Fait suite à l’arrêt Quarez (Conseil d’État, 1997).

La mère n’a pas pu être informée et ne savait pas que son enfant allait naître lourdement handicapé.
La mère avait informé le médecin que, s’il y avait un risque de lourd handicap physique pour son enfant, elle suivrait une procédure d’IVG.
La décision de la Cour de cassation permet à l’enfant et à ses parents d’obtenir des indemnités leur garantissant de meilleures conditions de vie.

Certains juristes disent que, pour qu’il y ait indemnisation, il faut qu’il y ait eu un préjudice ; or, pour qu’il y ait un préjudice, il faut qu’il y ait une perte (= être dans une situation moins favorable que s’il n’y avait pas eu la faute) ; or, quelle alternative pour cet enfant dans l’affaire ?
Ici, pour la Cour de cassation : il vaut mieux pour un enfant de ne pas naître que de naître si lourdement handicapé.

Le législateur brise cette jurisprudence avec la loi du 4 mars 2002, dite « Loi Perruche » : l’article 1er de la loi, adopté par voie d’amendement (art. L114-5 du Code de l’action sociale et des familles) :

Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance.

Une nouvelle saga jurisprudentielle s’ensuit :

  • CEDH, 6 octobre 2005, Draon c France :
    Les parents d’un enfant né lourdement handicapé intentent une action devant le tribunal administratif en invoquant la jurisprudence de l’arrêt Quarez (Conseil d’État).
    L’article anti-Perruche a été adopté entre-temps.
    La CEDH sanctionne la France sur le fondement du caractère rétroactif de la loi anti-Perruche.
    En effet, l’article 1er du 1er protocole additionnel protège le droit au respect des biens, et la CEDH assimile à un bien une espérance légitime de créance.
    En l’occurrence, l’enfant né lourdement handicapé avant l’entrée en vigueur de la loi de 2002 avait une espérance légitime de créance (de la part du personnel de santé fautif).

     

    Civ. 1, 24 janvier 2006 : la Cour de cassation refuse d’appliquer la loi anti-Perruche à une affaire en cours au moment où la loi est entrée en vigueur.

  • 11 juin 2010, décision QPC ayant pour objet cette disposition transitoire (= rétroactivité).
    Solution du Conseil constitutionnel : la disposition transitoire est contraire à la constitution française, mais uniquement en ce que l’article s’applique rétroactivement aux instances en cours en 2002.
  • Civ. 1, 15 décembre 2011 : la Cour de cassation estime que non seulement l’article anti-Perruche ne peut pas s’appliquer aux instances en cours en 2002, mais que toute la rétroactivité de l’article a disparu : il ne s’applique plus à tous les enfants nés avant 2002.
    Pour justifier cette exclusion totale, la Cour de cassation a retenu que le Conseil constitutionnel a abrogé la disposition transitoire en 2010, et qu’on en revient donc à l’article 2 du Code civil (« la loi n’a point d’effet rétroactif »).
  • Le Conseil d’État, dans un arrêt du 13 mai 2011, retient une solution différente : il estime que le Conseil constitutionnel a eu la volonté d’abroger uniquement une partie de la disposition transitoire et que l’autre partie de la rétroactivité continue de s’appliquer.
    Le Conseil d’État continue donc d’appliquer la rétroactivité pour les enfants nés avant 2002, sauf si une action était déjà en cours en 2002.

Section 2 : La doctrine

Doctrine : Au sens large, l’ensemble des auteurs d’ouvrages juridiques.
ou
Doctrine : L’opinion communément professée par ceux qui enseignent le droit.
(Vocabulaire juridique de l’association Henri Capitant)

Objectifs de la doctrine : synthétiser le droit positif, l’enseigner et suggérer des modifications pour l’améliorer.

Fonctions de la doctrine :
> descriptive : synthèse et description du droit positif
> prescriptive : prescrire des changements du droit positif
→ les opinions doctrinales peuvent influencer le législateur

§ 1. Le rôle de la doctrine

La synthétisation du droit positif est nécessaire, car il est extrêmement vaste (inflation législative).
Il y a aussi un problème de qualité de la norme.

On a donc besoin de gens qui vont clarifier ce « magma de normes » (= le droit positif).
Cette mission de compilation est effectuée en France par la doctrine.

La doctrine écrit des manuels d’introduction au droit ainsi que des ouvrages spéciaux plus pratiques et plus spécialisés.
La doctrine écrit aussi des articles qui prennent la forme de commentaires de lois, d’arrêts ou de réflexions plus générales sur des sujets de société.
Ceux-ci se trouvent généralement dans des revues spécialisées : « revues juridiques ».

Doctrine vient du latin doctrina, qui signifie éducation / enseignement.

La doctrine critique aussi le droit positif, avec comme objectif de l’améliorer, en relevant des lacunes, des dispositions archaïques, etc.
Exemple : jusqu’en 1975, le divorce n’était possible que pour faute ; les époux mettaient donc en place de fausses fautes pour pouvoir divorcer.

La critique doctrinale s’exerce aussi contre la jurisprudence (objectif : proposer des améliorations).

§ 2. L’autorité de la doctrine

“Le doctrine tire son influence non par raison d’autorité mais par autorité de la raison”
→ la doctrine n’a aucun pouvoir normatif

La doctrine ne s’impose ni au législateur ni au juge, mais exerce une certaine influence sur la jurisprudence et la loi.

En ce qui concerne la jurisprudence : les juges peuvent reprendre à leur compte un raisonnement proposé par la doctrine.
En ce qui concerne le législateur : il peut s’inspirer de propositions doctrinales (qui peuvent émaner de groupes de travail).
Exemple : Jean Carbonnier est à l’origine d’importantes lois en droit de la famille.

→ la doctrine : plutôt une source réelle du droit qu’une source formelle.

Mais la doctrine a aussi une fonction descriptive du droit positif : elle le synthétise et l’enseigne.
→ une certaine fonction normative

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