Chapitre 3 : Les effets du mariage

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Le mariage produit de nombreux effets :
> l’alliance ;
> l’acquisition de la nationalité ;
> l’émancipation des mineurs ;
> création d’une vocation successorale ;
> etc.

À partir des articles 212 et suivants, la doctrine distingue des rapports personnels et pécuniaires.

I – Les rapports personnels

Les rapports personnels ne sont pas évaluables en argent.

Le mariage a 2 effets du point de vue personnel :

  1. Il constitue une atteinte à la liberté individuelle ; les personnes mariées sont moins libres que les personnes non mariées car le mariage crée des devoirs réciproques.
  1. Il crée une entité (le couple marié) qui intéresse autant les époux que la société.

Ces règles forment ce que l’on appelle le régime primaire (ou “régime impératif”) du mariage. Il s’agit d’un régime d’ordre public.
Il s’applique peu importe que les époux aient pu conclure un contrat de mariage avant la célébration du mariage et qui concerne la répartition de leurs biens.

A – La naissance de devoirs réciproques

Le chapitre 6 du Code civil s’intitule “Des devoirs et des droits respectifs des époux”.
Le législateur parle de “devoirs” et non “d’obligations”, parce que traditionnellement les obligations résultant du mariage ont aucune une connotation juridique que morale.

1) Le devoir de communauté de vie

L’article 215 al 1 du Code civil établit une obligation de communauté de vie.
Il s’agit d’une obligation concrète de matériellement vivre ensemble (communauté de toit et de lit).

Les époux peuvent en être dispensés par un juge préalablement au prononcé d’un divorce.

Puisqu’il s’agit d’une obligation, comment cette obligation est-elle exécutée si l’un ou l’autre ne lui satisfait pas ?
Une exécution forcée est-elle possible ?
Non. La communauté de vie est une obligation purement personnelle qui ne peut donc pas faire l’objet d’une exécution forcée en nature.
→ le juge ne peut pas contraindre un époux à retourner vivre avec l’autre

Cette obligation de vie commune doit aujourd’hui être replacée en perspective avec toute la législation développée dans les années 2010 sur la protection du conjoint contre la violence (droit pénal).

2) Le devoir de fidélité

Traditionnellement, l’obligation de fidélité trouve son fondement dans la nature familiale du mariage (les enfants d’une femme mariée sont supposés être les enfants de son mari).

Jusqu’en 1975, l’adultère était pénalement sanctionné ; aujourd’hui, ce n’est plus un délit pénal, ni une cause péremptoire de divorce.

Depuis une loi de 2001 visant à mettre en conformité le droit français avec le droit européen, l’enfant adultérin n’est plus discriminé.

La Cour de cassation a progressivement grignoté l’obligation de fidélité, avec une jurisprudence relative au caractère licite ou illicite du courtage matrimonial.
Idée : l’obligation de fidélité ne concerne que les rapports entre époux.

3) Le devoir d’assistance

Le devoir d’assistance est un devoir moral.
Les époux se doivent d’être là et de se soutenir dans les épreuves de la vie.

≠ devoir d’assistance financière

4) Le devoir de respect

Le devoir de respect a été ajouté à l’article 212 du Code civil par la loi du 4 avril 2006 destinée à lutter contre les violences conjugales et les mariages forcés.

Son contenu exact est difficile à déterminer.

B – L’unité du ménage

La loi traite le ménage comme une entité distincte de celle de chacun de ses membres.
Exemple : article 213 du Code civil : “Les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille.”

1) Dans les rapports entre époux

L’article 213 du Code civil dispose que ce ménage est aujourd’hui égalitaire : il n’y a plus de chef de famille.
Idée : cette entité fait l’objet d’une codirection.

Le principe de codirection n’est pas pratique lorsque les époux ne s’entendent plus.

2) Dans les rapports avec des tiers

Le ménage affirme son existence vis-à-vis des tiers de 3 façons :

  1. Le mariage fait l’objet d’une publicité (il est transcrit dans les actes d’état civil) ;
  1. Chaque époux a la faculté de porter à titre d’usage le nom de son conjoint, en vertu de l’article 225-1 du Code civil (créé le 17 mai 2013).
    Après le divorce, chaque époux perd l’usage du nom de son conjoint.
  1. La résidence du ménage, “siège social de la famille”, est choisie d’un commun accord.

II – Les rapports pécuniaires

A – Les rapports alimentaires

1) Le devoir de secours

Le devoir de secours est énoncé à l’article 212 du Code civil.
Il s’agit de l’obligation, pour chaque époux, de fournir à son conjoint, si celui-ci est dans le besoin, ce qui lui est nécessaire pour vivre.

Application au mariage de l’obligation alimentaire.
”alimentaire” : on évoque ici des obligations portant sur des besoins / une nécessité, et non ce qui fait le confort.
Elle est dépendante des besoins du créancier et des ressources du débiteur (on ne peut être condamné à une obligation alimentaire qui si l’on n’est pas soi-même dans le besoin).

L’accomplissement du devoir de secours ne se distingue normalement pas de la participation des charges du ménage.
Il s’en distingue lors de la rupture de la vie conjugale.

Devoir de secours “à l’état pur” : au moment du décès d’un des époux, les héritiers de l’époux décédé doivent des aliments (= obligation alimentaire) à l’époux dans le besoin (= l’aider financièrement).

2) La contribution des époux aux charges du ménage

L’article 214 du Code civil établit une notion de contribution à la dette (question de la répartition de la dette entre les époux)
≠ notion d’obligation à la dette (question de savoir comment l’engagement des époux sera assumé vis-à-vis des tiers créanciers)

L’article 214 dispose que “si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du ménage […]”.
→ les articles 212 et suivants sont d’ordre public, mais l’article 214 est une exception : il peut être écarté par contrat

Cette disposition s’applique aux seuls époux mariés et ne s’applique pas aux concubins.

Elle s’applique tant que dure le mariage : la séparation de fait ne la fait pas disparaître.

Elle s’exécute par le versement d’une pension alimentaire.
⚠️ Pas au sens de l’obligation alimentaire : il s’agit ici d’une obligation qui porte sur autre chose que les stricts besoins, mais sur les besoins du foyer au quotidien.
⚠️ ≠ prestation compensatoire (somme d’argent versée par un époux à son ancien conjoint afin de compenser la chute de son niveau de vie qui s’est créée à la suite de leur divorce).

B – Les règles de gestion

1) La gestion ménagère

Idée : le droit du mariage déroge au droit commun des contrats.

💡
En droit commun, les codébiteurs sont solidaires à la dette (articles 1310 et suivants du Code civil), mais la solidarité ne se présume pas, elle doit être prévue au contrat.

En matière de mariage, la solidarité se présume.
Article 220 du Code civil : “toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement”.
→ le créancier peut demander l’entier paiement de la dette à l’un ou l’autre des débiteurs

Ainsi, chaque époux peut être poursuivi par un créancier sur son patrimoine personnel pour la totalité de la dette.
(il appartient au tiers contractant de prouver que la dette est une dette ménagère)

L’alinéa 2 de l’article 220 prévoit une exception pour les dépenses “manifestement excessives” → prend en compte le train de vie du ménage, l’utilité de l’opération et la bonne foi du tiers contractant

L’aliéna 3 de l’article 220 prévoit comme exception des opérations jugées dangereuses par le législateur : les emprunts et les achats à tempérament.
Pour les emprunts, il faut que les 2 époux aient consenti ; si ça n’est pas le cas, la solidarité est écartée, sauf si ces emprunts portent sur des sommes modestes nécessaires à la vie courante et que la totalité des montants ne soit pas excessif par rapport au train de vie du ménage.

2) Le logement

Le législateur a voulu protéger le cadre de vie de la famille, parce que c’est en général l’élément le plus important du patrimoine.

L’article 215 alinéa 3 énonce que les actes de disposition sur le logement familial et les meubles qui y sont attachés requièrent l’accord des 2 époux.
→ un époux ne peut pas effectuer seul un acte de disposition du logement ; s’il le fait, l’autre peut demander l’annulation de l’acte

La même protection du logement commun existe lorsqu’il s’agit d’un logement loué.
Ainsi, quel que soit le régime matrimonial des époux, sans préjudice de toute convention contraire, le bail est réputé indivis (appartenir à l’un et l’autre des époux), même s’il a été conclu avant le mariage.
(”réputé” : fiction juridique)
Si le bailleur donne congé à l’un des époux, celui-ci est inopposable à l’autre, qui peut alors rester.

Il s’agit d’une règle d’ordre public, qui est applicable également aux pacsés.

À noter

Ce cours n’examinera pas 2 points :

  1. Les présomptions de pouvoir, qui concernent les banques (article 221 du Code civil) et les biens meubles (article 222).
  1. Les mesures de crise, qui mettent en place des mécanismes pour que la vie de famille se poursuive alors même que la codirection ne peut pas être effectuée :
    1. la représentation juridique d’un époux par un autre (article 219) ;
    1. l’autorisation judiciaire (217).

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