Chapitre 10 : Les effets du divorce

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Partie 1 : La dissolution du mariage

Le jugement de divorce est un jugement constitutif : il crée un état nouveau, qui s’impose aux tiers.
Pareil lorsque le divorce résulte d’une convention.

I – Les effets personnels

A – La disparition des devoirs et obligations du mariage

Après le divorce, toutes les obligations liées à la qualité d’époux disparaissent : articles 263 et suivants du Code civil.

B – Les séquelles du mariage

L’acquisition de la nationalité demeure.

Les liens d’alliance disparaissent, mais les empêchements à mariage en ligne directe demeurent.

Pendant longtemps, il était admis qu’après le divorce l’un des époux conservait l’usage du nom de son conjoint.
Désormais, l’article 264 dispose que “à la suite du divorce, chacun des époux perd l’usage du nom de son conjoint”.
On peut néanmoins conserver l’usage du nom de son conjoint avec son accord ou avec l’accord du juge.

C – La date des effets personnels du divorce

L’article 260 du Code civil dispose que :

  • Pour le divorce par consentement mutuel non judiciaire, le mariage est dissous à la date à laquelle la convention acquiert force exécutoire (quand elle est déposée auprès d’un notaire) ;
  • Pour le divorce judiciaire, le mariage est dissous le jour où le jugement acquiert force de chose jugée (il n’est plus susceptible de recours).

II – Les effets patrimoniaux

A – La date des effets patrimoniaux

Article 260 du Code civil (voir ci-dessus).

Le versement de prestation compensatoire d’un ex-époux à l’autre est dû à compter de la date où le mariage est dissous (voir ci-dessus).

1) La date des effets patrimoniaux entre époux

Article 262-1 du Code civil : en ce qui concerne les biens des époux, la convention ou le jugement de divorce prend effet :

  1. dans le divorce par consentement mutuel déjudiciarisé : lorsque la convention prend force exécutoire ;
  1. dans le divorce par consentement mutuel judiciarisé : le jour de l’homologation de la convention ;
  1. dans le divorce accepté, le divorce pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute : le jour de la demande de divorce (⚠️).
2) La date des effets patrimoniaux vis-à-vis des tiers

Article 262 → les effets patrimoniaux du divorce à l’égard des tiers prennent effet le jour où la convention acquiert force exécutoire ou à la date à laquelle la décision prend autorité de chose jugée.

Article 262-1 du Code civil : un époux peut demander à ce que la date des effets du divorce soit avancée à la date à laquelle les époux ne vivent plus ensemble de fait, ou à la date à laquelle ils ont cessé d’avoir une activité professionnelle commune.

III – Les principes directeurs gouvernant la dissolution du mariage

Depuis 1975 et la loi du 26 mai 2004, 4 principes sont mis en relief :

A – Principe de dissociation des causes et conséquences

Avant 1975, le divorce se concluait avec un gagnant et un perdant (le perdant payait le divorce).

Aujourd’hui, peu importe la cause de divorce, elle n’a pas d’influence sur l’issue patrimoniale du divorce.

B – Principe de solde des comptes

La loi s’efforce à faire en sorte que les comptes soient soldés au moment du prononcé du divorce, pour éviter les conflits post-divorce.

C – Principe de l’accélération de la procédure de divorce

Depuis 2004, les opérations de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux des époux sont encadrées dans le temps.

Article 255 du Code civil : dès les mesures provisoires, le juge peut commencer à préparer les liquidations.

D – Principe des rapports entre les époux et le juge

Le juge doit prendre en compte les accords passés entre époux, même quand il ne s’agit pas d’un divorce par consentement mutuel.
Il peut s’agir par exemple d’une convention sur la prestation compensatoire.

Idée : le jugement de divorce sera mieux respecté si les époux ont participé à son élaboration.

(article 265-2 du Code civil)

IV – La dissolution d’union d’intérêts

A – La dissolution du régime matrimonial

Cette partie du cours n’est pas traitée en 2021-2022.

B – Donations et héritages matrimoniaux

Cette partie du cours n’est pas traitée en 2021-2022.

C – Le logement familial

Le logement familial fait l’objet d’une protection particulière pendant le mariage et pendant la procédure de divorce.
Exemple : certaines mesures provisoires : l’article 255 dispose que le juge peut attribuer à l’un des époux la jouissance du logement.

Ce statut spécial du logement survit après le divorce : les 2 époux bénéficient d’un droit au bail, en vertu de l’article 1751 du Code civil.
Ce droit au bail peut être attribué à l’un des époux, en prenant en considération les intérêts sociaux et familiaux, notamment en présence d’enfants.

L’article 285-1 du Code civil illustre cette spécificité de protection du logement familial : au prononcé du divorce, le juge peut décider que celui qui détient le logement doit le louer à l’autre.

D – La pension de réversion

En cas de décès de l’un des époux, l’autre a droit à une pension de réversion, qui correspond à la moitié de la retraite du prédécédé.
Le divorce ne retire pas ce droit.

Partie 2 : Les réparations pécuniaires

I – La prestation compensatoire

La prestation compensatoire n’est pas très répandue : 12% des divorces se soldent par son versement.
Le contentieux est néanmoins très important.

Elle est mise en place par l’article 270 du Code civil.
Il s’agit d’une somme d’argent que l’un des époux peut être tenu de verser après le divorce à son ex-époux, destinée à “compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives”.

La prestation compensatoire a une nature indemnitaire.
Elle est forfaitaire et en principe non révisable.

A – Fixation de la prestation compensatoire

Le juge fixe la prestation compensatoire.
Les époux peuvent toutefois se mettre d’accord sur son montant dans une convention qu’ils remettent à l’homologation du juge, y compris dans un divorce contentieux (article 268 du Code civil).

1) Le domaine de la prestation compensatoire

Avant 2004, il n’y avait pas de prestation compensatoire dans le divorce pour altération du lien conjugal.
Dans le divorce pour faute, le juge fixait la prestation compensatoire. L’époux entièrement fautif n’avait pas droit à la prestation compensatoire.

Aujourd’hui, l’article 270 alinéa 3 du Code civil dispose que “le juge peut refuser d’accorder une telle prestation si l’équité le commande”, notamment “lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’époux qui demande le bénéfice de cette prestation”.

→ mécanisme neutre moralement, à vocation indemnitaire, censé résorbé tout conflit ultérieur
→ la prestation compensatoire est en principe due quelle que soit la cause de divorce

2) La demande de la prestation compensatoire

La prestation compensatoire ne peut être demandée qu’au moment de la procédure de divorce (plus possible ensuite).

Le montant de la prestation compensatoire doit être fixé au moment du prononcé du divorce (ni avant ni après).
C’est à ce moment-là que le juge se place pour apprécier la disparité des conditions de vie des époux.

  • Civ 1, 30 janvier 2019, n°18.13-715

    La cour d’appel, après avoir constaté que la femme avait occupé le logement familial à titre gratuit, lui avait refusé une prestation compensatoire.

    La Cour de cassation estime que l’occupation à titre gratuit du logement s’est faite au titre du devoir de secours et qu’il faut se placer au moment du divorce pour apprécier la disparité → l’arrêt est cassé.

3) La détermination du montant de la prestation compensatoire

L’article 271 du Code civil dispose que “la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible”.

La loi du 26 mai 2004 a facilité la tâche du juge en ajoutant à l’article 271 une liste de critères que le juge prend en compte.

Objectif de la prestation compensatoire : que les époux aient à peu près le même niveau de vie à l’issue du divorce.

Pour évaluer les ressources du débiteur, le juge prend en compte toutes ses ressources, mais uniquement ses ressources.

Les allocations familiales ne sont pas prises en compte, parce qu’elles ne sont pas destinées à l’individu mais aux enfants.
Pour apprécier les ressources du conjoint ayant la résidence des enfants, le juge ne peut pas tenir compte des sommes versées par l’autre époux au titre de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants.

Le montant de la prestation compensatoire ne tient pas compte d’une vocation successorale (jurisprudence abondante sur la question).

Le fait que l’un des futurs ex-époux est en concubinage peut être pris en compte par le juge, qui prend en compte les revenus du concubin.

Dans le cadre de la fixation de la prestation compensatoire, les époux “fournissent au juge une déclaration certifiant sur l’honneur l’exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie” (article 272).

La prestation compensatoire est une institution d’ordre public sur laquelle les époux ne peuvent pas transiger avant toute procédure.

B – Les modes d’exécution de la prestation compensatoire

La prestation compensatoire peut être versée sous forme de capital (= somme versée en une seule fois) ou de rente (= somme versée mensuellement).

1) Le principe : un versement en capital

Le législateur favorise le versement de la prestation compensatoire sous la forme d’un capital, mais il n’est pas donné à tout le monde de payer une somme de plusieurs dizaines de milliers d’euros en capital.

La loi prévoit différentes modalités de paiement :
> paiement immédiat
> attribution d’un bien que l’on a en propriété (l’accord du propriétaire n’est pas forcément nécessaire)
(article 274 du Code civil)

Dans une décision QPC du 13 juillet 2011, le Conseil constitutionnel n’a pas estimé la disposition non conforme à la Constitution, à la condition que cette modalité soit subsidiaire (le versement d’une somme d’argent doit être préféré à l’expropriation).

2) L’exception : le versement sous forme de rente

La prestation compensatoire peut être exceptionnellement versée sous forme de rente (article 276 du Code civil), “lorsque l’âge ou l’état de santé du créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins”.

La loi établit un système de passerelles : même si le juge a ordonné le versement de la prestation compensatoire sous forme de rente, il peut toujours y substituer un capital (article 276-4 du Code civil).

💡
Pour assurer le respect du principe du versement de la prestation compensatoire sous forme de capital, le législateur permet au juge d’ordonner ce versement en capital de manière échelonnée.
⚠️ Cette échelonnement du capital est plafonné à 8 ans maximum → ce n’est pas une rente.
3) La révision de la prestation compensatoire

Si la prestation a été exécutée sous la forme de versement d’un capital ou d’un bien, il n’est pas question de la réviser.

Si la prestation a été exécutée sous la forme d’une rente, l’article 276-3 du Code civil dispose qu’il est possible de la réviser, en cas de “changement important” dans les ressources ou les besoins.
La rente ne peut pas être révisée à la hausse.

💡 La possibilité de révision touche aussi le versement du capital échelonné.

Dans le cadre du divorce par consentement mutuel, la convention homologuée peut prévoir une clause de révision de la prestation compensatoire.
Si elle ne le prévoit pas, les parties peuvent demander au juge de la réviser.

4) La transmissibilité de la prestation compensatoire

On peut accepter ou refuser un héritage. Quand on l’accepte, on accepte à la fois l’actif et le passif.

L’article 280 du Code civil établit que le paiement de la prestation compensatoire, quelle que soit sa forme, pèse sur tous les héritiers, dans la limite de l’actif successoral.

Si versement échelonné d’un capital : le capital est exigible immédiatement.
Si rente : on lui substitue un capital exigible immédiatement.

Les héritiers peuvent néanmoins décider dans un acte notarié de maintenir le paiement de la prestation compensatoire sous la forme et selon les modalités qui s’imposaient au décédé.

II – Les dommages et intérêts de l’article 266

L’article 266 du Code civil, très particulier, ne concerne que le divorce pour faute et le divorce pour altération définitive du lien conjugal.
”Des dommages et intérêts peuvent être accordés à un époux en réparation des conséquences d’une particulière gravité qu’il subit du fait de la dissolution du mariage soit qu’il était défendeur à un divorce prononcé pour altération définitive du lien conjugal et qu’il n’avait lui-même formé aucune demande en divorce, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint”.

Cette demande ne peut être formée qu’à l’occasion de l’action en divorce.
Elle est indépendante de la question de la prestation compensatoire (les 2 peuvent s’additionner).

La plupart du temps, le préjudice retenu est un préjudice moral, et non matériel.
Exemple de préjudice matériel : frais de déménagement.

Parfois, les juges confondent les demandes formées sur le fondement de l’article 266 et les demandes formées sur le fondement de l’article 1240 (responsabilité civile de droit commun).

La Cour de cassation contrôle de manière stricte l’existence d’un préjudice.

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