Chapitre 3 : Les actes unilatéraux

Cliquer ici pour revenir au sommaire de ce cours complet de Droit international public (L3).

Ce chapitre s’intéressera uniquement aux actes unilatéraux des États, en laissant de côté les actes unilatéraux des organisations internationales.
Ceux-ci sont très importants (exemples : résolutions, recommandations…), parce que l’on sait que certains peuvent produire des obligations pour les États membres.

Les États peuvent se lier avec d’autres États par leur conduite unilatérale, en prenant des actes unilatéraux.

La Commission du droit international (CDI) a entrepris la codification des règles relatives aux actes unilatéraux des États.
Cette codification a abouti à un texte en 2006 : les Principes directeurs applicables aux déclarations unilatérales des États susceptibles de créer des obligations juridiques.
La CDI a notamment codifié tout ce qui entoure la promesse (un acte unilatéral particulier).
⚠️ Ce ne sont que des principes directeurs, et non une convention.

Définition : un acte unilatéral est un acte imputable à un seul sujet de droit international et susceptible de produire des effets juridiques dans l'ordre international.

Il y a une grande diversité des actes unilatéraux :
> délivrance de documents de voyage ;
> délimitation des espaces maritimes ;
> nationalisation des biens d'une société étrangère ;
> nomination d'un ambassadeur ;
> reconnaissance d'un autre État ;
> ratification d'un traité ;
> acceptation de la compétence d'une juridiction ;
> choix d'utilisation de sa force armée…

Exemple d’acte unilatéral : une loi qui prévoit une compétence pénale universelle pour certains crimes, qui permettra ensuite à des tribunaux de se déclarer compétents.

→ Très grand nombre d'actes unilatéraux des États.
Le plus souvent, ils sont pris dans l'ordre juridique interne.

Section 1 : Identification des actes étatiques unilatéraux

§ 1. Absence de formalisme

Le droit international ne fixe aucune forme particulière à l'acte unilatéral.
On peut en retrouver sous différentes formes ; par exemple :
> une simple déclaration lors d'un sommet ;
> une proclamation officielle ;
> une interview à la télévision nationale ;
> un discours politique ;
> des lois, décrets, règlements, arrêtés…

Ça n'est pas la forme de l'acte qui va permettre de déterminer ce qu'est un acte unilatéral.

L'acte unilatéral est l'acte qui va produire des effets juridiques par lui-même, sans qu'il n'ait besoin d’être accepté ou refusé par son destinataire.
C'est pour ça que la volonté unilatérale peut être formulée formellement ou non.

Dans l'affaire des Essais nucléaires, la CIJ a rappelé que la forme n'est vraiment pas décisive.
Elle explique que c'est généralement le cas en droit international et insiste particulièrement sur les intentions des parties.
Quand il n'y a pas de forme exigée par le droit international, la forme est libre.
La seule condition posée est que l'intention ressorte clairement.
L’origine peut être interne ou internationale.

La portée de l'acte peut être précis ou général.
Exemple : une loi par laquelle un État fixe les limites de sa souveraineté → portée très générale.
Exemple : un décret d'extradition → portée très précise.

L’acte unilatéral peut être une action ou une abstention.

L’État peut s'adresser à la communauté internationale dans son ensemble ou à un État ou un groupe d'États.
Il peut même s'adresser à un entité qui n'est pas encore formée !

→ Pas de formalisme : ce qui compte, c'est une intention.

§ 2. Un acte juridique imputable à un ou plusieurs États

Comment sait-on que l'acte est imputable à l'État ?
Quelles sont les autorités susceptibles d'engager l'État ?

Le droit international a retenu comme principe le renvoi au droit interne ; mais puisque ce principe est difficilement maniable, des précautions ont été prévues.

A – Principe : le renvoi au droit interne

L'acte doit évidemment être imputable à l'État. En principe, l'acte d'un particulier ne saurait pas être pris en compte.

La question de l'imputabilité se pose dès lors que l'acte émane d'un agent de l'État qui n'a pas qualité pour engager internationalement l'État.
En principe, l'acte sera imputable à l'État s'il relève des fonctions de l'agent selon le droit interne.

Application en ce qui concerne le chef d'État (en France, le Président de la République) :
CIJ, 1973, Essais nucléaires :
Le cœur de cette affaire concerne une promesse faite par la France de ne plus procéder à des essais nucléaires atmosphériques.
Le 1er acte de cette promesse réside dans une déclaration très claire faite par le Président de la République de l'époque au journal télévisé : "la France ne procèdera plus à des essais nucléaires atmosphériques".
Puis, après une pause, la France décide de reprendre les essais nucléaires ; la Nouvelle-Zélande et l'Australie saisissent la CIJ.

La CIJ retient qu'il y avait bien une promesse unilatérale de la France qui l'engageait.
Elle applique le critère, en allant regarder quelles étaient les fonctions du chef de l'État.
Le paragraphe 51 de la décision indique que "étant donné ses fonctions, il n'est pas douteux que les communications ou déclarations publiques, verbales ou écrites, qui émanent de lui en tant que chef de l'État, représentent dans le domaine des relations internationales des actes de l'État français".

B – Difficulté : un critère difficilement maniable

Autre exemple :
CIJ, 2005, Affaire des activités armées sur le territoire du Congo :
Est-ce qu'une déclaration orale du ministre de la Justice peut valoir engagement unilatéral de l'État qui va produire des effets juridiques ?
En l’espèce, dans une déclaration faite devant la Commission des droits de l'homme des Nations unies, le ministre de la Justice congolais affirmait que les quelques instruments non encore ratifiés, ainsi que les réserves formulées dans le passé, seraient levées prochainement.
Est-ce que cela vaut engagement pour l'État de lever ces réserves ?

La CIJ explique que c'est une règle de droit international bien établie que le chef de l'État, le chef du gouvernement et le ministre des Affaires étrangères sont réputés représenter l'État du seul fait de l'exercice de leurs fonctions, y compris l'accomplissement d'actes unilatéraux.

💡 Ici, la CIJ rappelle la fonction de représentation que nous avons étudiée précédemment pour les traités, mais dans le cadre des actes unilatéraux.

La CIJ répond qu'il faut qu'une personne représentant un État dans des domaines déterminés soit autorisée par cet État à engager celui-ci par leurs déclarations dans les matières relevant de leurs compétences.
Elle retient qu'un ministre de la Justice peut, dans certaines circonstances, engager par ses déclarations l'État dont il est le représentant.
→ On regarde au cas par cas, selon le droit interne, si l'auteur est susceptible d'engager l'État.

Il n’y a donc pas de réponse précise à cette question : ça dépend des circonstances.
→ Critère difficilement maniable.

C – Solution : la mise en place d’une présomption

On peut difficilement demander aux États de connaître toutes les spécificités du droit interne des autres États.
On a donc développé une présomption : le chef de l’État + le chef du gouvernement + le ministre des Affaires étrangères sont présumés pouvoir engager l’État par leurs déclarations.

Pour les autres, il faudra prouver que l'organe en question avait la représentativité nécessaire.

Section 2 : Typologie des actes étatiques unilatéraux

L’acte unilatéral est une volonté qui n'attend pas par elle-même la rencontre d'une autre volonté : l’acte produit ses effets sans qu'une acceptation tacite soit nécessaire.

Il existe une subtilité : l'acte unilatéral collectif, lorsque plusieurs États prennent ensemble le même acte unilatéral.
En réalité, il s'agit d'une multitude d'actes qui émanent de chaque État.

Par exemple, lorsque les États de l'Union européenne reconnaissent par une déclaration commune un nouvel État, il s’agit en réalité de multiples volontés unilatérales émises dans un même sens.

Il y a énormément de façons de classer les actes unilatéraux.
La classification la plus commune se fait en fonction de leurs effets : certains sont autonomes tandis que d’autres sont liés à une opération conventionnelle ou coutumière.

Mais ça n’est pas la typologie que nous allons étudier dans ce cours.
Nous allons étudier 3 catégories d’actes unilatéraux, suivant une typologie davantage axée sur l’objet de l’acte :

§ 1. Opposabilité d’une situation juridique

Face à une situation, un État a 2 possibilités : reconnaître ou protester.
Dans chacun de ces cas, cette réaction de l'État va conditionner l'opposabilité de la situation.

A – La reconnaissance

Un État peut reconnaître n'importe quelle situation juridique : l'État peut vraiment reconnaître tout fait juridique modifiant ou ayant pour objet de modifier l'ordonnancement juridique.

La reconnaissance est un "acte par lequel un État, constatant l'existence de certains faits, déclare ou admet implicitement qu'il les considère comme des éléments sur lesquels seront établis ses rapports juridiques, cela avec les modalités explicites ou implicites que peut comporter cette reconnaissance".

Reconnaître, c'est accepter la situation.
Conséquence : celui qui reconnaît ne peut plus remettre en cause la validité de la situation acceptée et reconnue.

L'acte de plus connu est l'acte de reconnaissance explicite d'État.
Exemple : article 1er de l'arrêté royal belge du 14 juin 1993 portant reconnaissance de l'Érythrée : "le royaume de Belgique reconnaît comme État souverain et indépendant l'Érythrée, à la date du 24 mai 1993".
La Belgique est dorénavant obligée de traiter l'Érythrée comme un État et devra respecter l'ensemble de ses obligations internationales, notamment en matière de souveraineté.

Un acte de reconnaissance peut aussi reconnaître un gouvernement.
Par exemple, François Hollande, en conférence de presse à l'Élysée, a annoncé que Paris reconnaît la nouvelle coalition de l'opposition syrienne comme "la seule représentante du peuple syrien".

Ici, la reconnaissance est active, mais elle peut aussi être passive : on parle d'acquiescement.

L'acquiescement est un comportement passif qui est constitué par un silence ou l'absence de protestation qui exprime tacitement le consentement d'un sujet de droit à l'égard d'une situation.

Il peut être tacite ou implicite et peut valoir acceptation ou reconnaissance.

Exemple : si la France signe un traité avec une nouvelle entité et se comporte comme si celle-ci était un État en envoyant un ambassadeur, alors elle reconnaît implicitement cet État.

L’État est libre de reconnaître ou de ne pas reconnaître, mais la reconnaissance lui est opposable.

B – La protestation

La protestation est tout l'inverse : l'État refuse de reconnaître que la situation s'est valablement constituée.
L'État doit réagir à partir du moment où il a connaissance de la situation.

CIJ, 1962, Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande):
Dans certains cas, l’État doit réagir dans un délai raisonnable.
S'il ne réagit pas, on considère au bout d'un certain temps qu'il a acquiescé.

La protestation peut prendre toutes les formes : élever une réclamation, envoyer une note à l'ambassadeur d'un État…

Exemple : quand l’Argentine envoie 3 militaires planter un drapeau sur les Îles Malouines (discutée avec le Royaume-Uni), elle affirme sa souveraineté.
Idem dans l’autre sens. Il y a bien ici protestation.

On considère qu'il n'y a pas besoin d'acquiescement ni de protestation lorsqu'il y a un temps très long.

Dans le différend dit des Indemnités russes, qui oppose la Russie et la Turquie depuis très longtemps, un tribunal arbitral a considéré que la Turquie avait violé le droit de la Russie et devait l'indemniser.
La Turquie ne s'exécute pas et la Russie proteste et demande le versement, mais en oubliant de demander le versement des intérêts dans les notes qu'elle envoie.
On considère qu'en ne demandant pas le versement des intérêts, elle a renoncé à cette somme → on reconstruit la volonté pour souligner un acquiescement.

§ 2. Exercice d’un droit souverain

L’ensemble des actes pris dans l'ordre interne par un État afin d'exercer les compétences qui lui sont conférées par le droit international sont aussi des actes unilatéraux.

Exemple : l’attribution d’une nationalité.

Exemple : décret du 30 juillet 2018 établissant la limite extérieure de la mer territoriale au large du territoire métropolitain de la France.
Ce décrit vise tous les textes internationaux + l'ordonnance de 2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française.

§ 3. Création d’engagements juridiques

Certains actes unilatéraux visent à créer un engagement juridique pour l'État qui en est auteur :
> soit il renonce à un droit → renonciation ;
> soit il crée une obligation → promesse.

A – La renonciation

On définit la renonciation comme une "expression de volonté d'abandonner un droit, une faculté, une prétention ou une réclamation”.

B – La promesse

On définit la promesse comme un "engagement d'un sujet de droit (le promettant) à adopter à l'avenir un certain comportement, créateur d'obligations pour le promettant et de droits pour un cocontractant ou des tiers".

Par exemple, dans l'affaire des Essais nucléaires, la France renonce à son droit à effectuer des essais nucléaires atmosphériques.

C'est confus, parce que fondamentalement renonciation et promesse sont la même chose : à chaque fois, c'est l'État qui a une prérogative, et qui la modifie par sa déclaration.
Par exemple, lorsque la France promet de ne plus effectuer d'essais nucléaires, elle renonce à son droit d'effectuer des essais nucléaires → c'est une question de présentation.

Dans tous les cas, l’État crée une obligation juridique.
Cette typologie n'a pour but que de montrer les effets des actes unilatéraux et que ceux-ci sont vraiment variés, avec des objets très différents.

Section 3 : Effets juridiques des actes étatiques unilatéraux

Il sera surtout question ici de l'opposabilité de l'acte.
Il faut distinguer entre 2 grandes catégories d'actes juridiques unilatéraux :

  1. Les actes unilatéraux liés à une règle coutumière ou conventionnelle (on parle aussi d'actes d'application du droit international) ;
  1. Les actes unilatéraux autonomes.

§ 1. Les actes d’application du droit international

Lorsque l’acte unilatéral est conditionné (→ lié) à une règle coutumière ou conventionnelle, la validité de l’acte et sa capacité à produire des effets dépend de la règle qui le conditionne.

Exemple d'acte unilatéral conditionné à une règle coutumière : un décret qui délimite la mer territoriale.

A – Principe

Ce sont des actes non autonomes : leur validité et leur efficacité/opposabilité dépend de leur conformité à la règle qui les prévoit et qui les encadre.

B – Application

Il existe 2 conditions pour apprécier la validité de l’acte :

  1. L’acte doit être conforme aux règles impératives de jus cogens ;
  1. L’acte doit respecter la règle qui le conditionne.

On retient une appréciation intersubjective : chaque État interprète la conformité de l’acte avec la règle qui le conditionne, avec à chaque fois 2 réactions possibles (l’acceptation ou la protestation).

Exemple : lorsque le traité prévoit qu'il est possible de faire des réserves, une réserve devra être conforme au traité pour pouvoir être efficace. L’effet de la réserve dépend de la réaction des autres États parties, soit qu'ils protestent, soit qu'ils acceptent.

En pratique :

  • Soit l'acte est compatible ou conforme avec la règle qui le conditionne : il sera valide et opposable pour les tiers.
    → Il produit ses effets.
  • Soit l'acte est contraire à une règle de droit international : il sera inopposable aux autres États.
    → Il ne peut pas produire d'effets.

Exemple : CIJ, 1953, Nottebohm (Liechtenstein contre Guatemala) :
M. Nottebohm est un ressortissant d'origine allemande qui habite au Guatemala ; il décide de changer de nationalité et est naturalisé liechtensteinois, parce qu'au Guatemala il était soumis au droit interne applicable aux ressortissants d'un pays belligérant.
Finalement, le Guatemala le traite comme un ressortissant allemand et ne fait pas produire d'effets à sa nationalité liechtensteinoise.

L’acte de naturalisation est un acte unilatéral d'un État.
Pour faire produire des effets de droit à une nationalité, le droit international exige qu'elle soit effective.
La CIJ considère que, dans ce cas précis, M. Nottebohm n'avait acquis la nationalité que de manière à échapper une règlementation peu favorable et qu’elle n’était donc pas effective.

Exemple : CIJ, 1974, Compétence en matière de pêcheries :
Voir notamment le paragraphe 59.
Une mesure unilatérale est adoptée par l'Islande pour choisir comment elle délimite ses eaux.
La CIJ estime que la mesure unilatérale est contraire à la Convention de Genève de 1958 sur la haute mer et n’est par conséquent pas opposable à l'Allemagne.

Il faut tout de même vérifier la réaction de l'État qui serait le destinataire de l'acte ou qui serait la victime du fait illicite produit par l'acte.
Quand l'État destinataire accepte ou ne dit rien pendant une longue durée, l'acte lui sera opposable quand bien même il serait contraire à une règle de droit international.

§ 2. Les actes autonomes

💡
Les actes autonomes doivent être conformes aux normes de jus cogens.

La CIJ a reconnu dans l'affaire des Essais nucléaires que les actes unilatéraux de l'État peuvent produire du droit de manière autonome.
Ces actes ne constituent pas des actes d'application : l'acte n'est conditionné par rien d'autre que lui-même.

Pour savoir s'il produit des effets, il faut vérifier qui est le destinataire de l'acte, puis vérifier le contenu de l'acte.

Ces actes posent de très nombreuses questions ; par exemple : est-ce qu'on peut les retirer, et comment ?

A – Présentation

L’acte autonome repose sur la faculté offerte aux États d'agir librement sur le plan international.
Ils peuvent aussi reposer sur la règle coutumière autorisant tous les États à émettre des déclarations unilatérales (à supposer que cette règle existe…).

Ici, l'acte unilatéral modifie l'ordonnancement juridique pour créer des droits pour les destinataires et des obligations pour son auteur.

Exemples d’actes autonomes :

1) L’État peut autoriser un autre État à agir

Par exemple, il peut l’autoriser à exercer un pouvoir sans lequel le comportement serait illicite.

Exemple : sentence arbitrale de 1921 Wanderer :
Une loi britannique autorise les États-Unis à exercer le pouvoir de contrainte à l'égard de navires britanniques en haute mer si ces navires se livrent à la capture illicite de phoques dans l'Atlantique.
Normalement s’applique en haute mer un principe de liberté : seul l'État du pavillon peut effectuer un pouvoir de contrainte.
La loi britannique autorise les navires américains à exercer un pouvoir que seul l’État britannique peut normalement exercer.
C’est un acte autonome : il ne dépend pas de la réaction des États-Unis.


2) L’État peut habiliter un autre État à agir

Il s’agit généralement de situations dans lesquelles le ou les sujets destinataires de l’acte reçoivent le pouvoir d'adopter certains actes juridiques.
Ces actes sont très rares et concernent principalement les juridictions.

Exemple : TPIY, 1997, Blaskic :
Le TPIY a dû décider s'il pouvait envoyer des ordonnances contraignantes aux États.
Pour les pays membres de l'ONU, il n’y avait pas de doute, parce qu'ils ont un devoir de coopération avec ses juridictions pénales.
Pour la Suisse, qui à l'époque n'était pas membre des Nations unies, le TPIY a considéré qu'une loi suisse lui octroyait un pouvoir d'injonction sur le territoire de la Confédération et que, par conséquent, la validité et l'opposabilité de l'ordonnance du tribunal étaient soumises au respect des conditions de la loi d'habilitation.


3) La reconnaissance autonome

La reconnaissance autonome est un acte autonome de l'État, qui est libre de reconnaître ou non.
Ici, l’État n'applique pas le droit international.


4) La promesse

L’État peut poser une règle prohibitive / une interdiction, du moment qu'elle pèse uniquement sur lui. Autrement dit, un État peut renoncer à sa liberté.

Ici, il ne s'agit pas de créer des obligations pour les autres États, mais de se créer une obligation pour lui-même et un droit réflexe pour les autres.
L’opposabilité de la promesse n'est subordonnée à aucune acceptation.

Dans l’affaire des Essais nucléaires, la CIJ rappelle qu’aucune contrepartie n'est nécessaire pour que la déclaration prenne effet → l'acte est purement autonome et unilatéral.

B – Opposabilité de l’acte unilatéral à son auteur

L’acte unilatéral autonome est opposable à son auteur indépendamment de la réaction des tiers.
L’État est tenu par son engagement : s’il ne le respecte pas, il engage sa responsabilité internationale.

Pour produire un effet, il faut que l'acte ait un objet clair et précis : il doit révéler la volonté de l'État de se lier.

C'est ce qui ressort de l’arrêt Essais nucléaires (1973) de la CIJ :
"L'objet des déclarations étant clair et celles-ci étant adressées à la communauté internationale dans son ensemble, la Cour tient qu'elles constituent un engagement comportant des effets juridiques”.

CIJ, 2005, Affaire des activités armées sur le territoire du Congo :
Une promesse ne peut créer des obligations juridiques que si elle a un objet clair et précis et qu'elle révèle une volonté de se lier.
Il faut qu'il n'y ait pas de doute sur la volonté de l'État.
C’est ce qui est le plus difficile, parce qu’il faut interpréter l'acte.

On prend aussi en compte la réitération de l'acte, parce que très souvent, pour les actes unilatéraux, il y a une répétition.
Par exemple, dans l’affaire des
Essais nucléaires, il y a d’abord eu une déclaration du président de la République au journal télévisé, puis une note envoyée aux ambassadeurs.
Ces différents actes permettent de reconstituer la volonté réelle de l'État de s'engager.

Exemple d’un autre acte unilatéral connu : la déclaration Truman, faite par le président des Etats-Unis en 1945.
Il s’agit d’une déclaration présidentielle adressée à la communauté internationale qui concerne l'exploitation des ressources naturelles situées sur ou dans le plateau continental (= espace qui prolonge le territoire terrestre de l'Etat sous la mer).
Le président Truman déclare que pour préserver les ressources du plateau continental, il faut les exploiter. Il considère qu'il a le droit d'exploiter les ressources situées sur son plateau continental (objectif à ce moment-là : exploiter des gisements de pétrole dans le golfe du Mexique).

Idée : les États-Unis vont pouvoir exploiter les ressources situées sur leur plateau continental.
Tout de suite, les États-Unis prennent des lois d'applications et un décret présidentiel qui place ces ressources sous leur contrôle.
Il y a très peu de réactions, mais le Mexique prend le même acte 1 mois plus tard.

Ce qu’il est intéressant de constater ici, c’est que les autres États ont tous fini par adopter le même acte.
Cet acte unilatéral est donc devenu une coutume internationale, aujourd’hui codifiée dans la convention de Montego Bay.

L’interprétation de l’acte unilatéral est restrictive, parce que le droit international protège la souveraineté.
Un État n'est jamais présumé limiter sa souveraineté → il faut une réelle volonté manifeste de s'engager.

La CIJ explique que ça n'est que quand l'État auteur de la déclaration entend être lié conformément à ses termes que cette intention confère à sa prise de position le caractère d'un engagement juridique.

Commission du droit international, Principes directeurs applicables aux déclarations unilatérales des États susceptibles de créer des obligations juridiques, article 7 :
"Une déclaration unilatérale n'entraîne d'obligations pour l'État qui l'a formulée que si elle a un objet clair et précis. En cas de doute sur la portée des engagements résultant d'une telle déclaration, ceux-ci doivent être interprétés restrictivement. Pour interpréter le contenu des engagements en question, il est tenu compte en priorité du texte de la déclaration ainsi que du contexte et des circonstances dans lesquelles elle a été formulée."

C – Opposabilité de l’acte unilatéral à son destinataire

Quel est le fondement juridique du caractère obligatoire de l'acte unilatéral autonome ?
La CIJ a donné cette réponse dans l’affaire des Essais nucléaires : l’obligation de l’État de respecter ses engagements repose sur le principe de la bonne foi.

Ici, il faut bien voir que l'acte unilatéral n'est que le support de l'engagement de l'État.
Les États doivent respecter leurs actes unilatéraux en vertu du principe de la bonne foi.

CIJ, 1973, Essais nucléaires :
"La confiance réciproque est une condition inhérente de la coopération internationale […] tout comme la règle du droit des traités pacta sunt servanda elle-même, le caractère obligatoire d'un engagement international assumé par déclaration unilatérale repose sur la bonne foi".

→ Exigences de sécurité juridique et de confiance mutuelle.

Autrement dit, l'effet de l’acte unilatéral ne découle pas de la seule volonté de son auteur, mais découle de l’obligation de bonne foi.

On trouve souvent ce principe sous le nom du principe de l'estoppel.
Ce principe n'existe pas vraiment en droit français : c'est un principe de procédure issu de la common law, qui est le principe de non contradiction au détriment d'autrui.

Ce principe veut qu'il est interdit de se contredire au détriment d'autrui au nom du principe de bonne foi : quand on a adopté un comportement de manière claire et non équivoque, les autres vont prendre acte de ce comportement et vont modifier leurs propres comportements ; on ne peut donc pas se contredire en adoptant un autre comportement qui leur causerait un dommage.

Pour les actes unilatéraux autonomes, l’État est libre d’agir (il n’est pas lié par une convention ni par la coutume), mais s'il agit, les autres doivent pouvoir tabler sur le fait qu'il va vraiment se comporter de la même manière.
C’est flou, parce que c'est qu’il y a généralement des reconstructions de l'expression de la volonté.

  • Exemple du caractère flou de l'acte unilatéral :

    L’affaire des vaccins cubains, en 2002, est intéressante parce qu’elle montre la subtilité des actes unilatéraux.
    L’Uruguay et Cuba ont alors des relations tendues. En 2001, l’Uruguay fait connaître son intention d'acheter à Cuba un lot de vaccins contre la méningite.
    Cuba décide de lui faire don des vaccins ; dans une déclaration, Cuba dit vouloir faire don des vaccins et procède aux envois, refuse tout avantage économique et refuse de réduire sa dette auprès de l'Uruguay.
    Problème : l'Uruguay refuse le don et veut payer → la banque centrale de l'Uruguay déduit la somme des vaccins de la dette cubaine.

    Cette situation pose problème, parce que si l’on applique les conditions évoquées précédemment, on a un acte juridique unilatéral qui produit des effets à partir du moment de sa formulation.
    Par son comportement, l'Uruguay refuse l'acte unilatéral et voit ça comme une transaction d'un contrat.
    L’acte unilatéral cubain n’en est donc plus vraiment un… même les experts les plus éminents en droit international n'ont pas réussi à savoir quelle était la nature de la déclaration.
    → Caractère complexe, issu de la pratique.

En cas de doute, ou lorsque la volonté n'est pas suffisamment claire, on considère que c'est simplement une déclaration politique.

Par exemple, les membres permanents du Conseil de sécurité ont fait des déclarations très claires par laquelle ils s'engageaient à ne pas utiliser la force nucléaire contre un État n'ayant pas cette force, mais fondamentalement, compte tenu du fait que ce sont des déclarations qui ont été faites au cours de réunions du Conseil du sécurité, on considère que ce ne sont que des déclarations politiques.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *