Droit pénal : l’atténuation de l’exigence d’un élément matériel

Fiche rédigée par Yannick JOSEPH-RATINEAU, alors étudiant en droit à Aix-en-Provence.

Dans une législation pénale libérale, il est logique d’exiger un éléments matériel pour justifier la réaction sociale. Le problème survient lorsque dans certains situations criminelles, la pensée criminelles a commencé à être matérialisée sans être parvenu à son terme (définition du commencement d‘exécution). Certes l’élément matériel est pas réalisé, mais il y a un embryon qui consiste en un commencement d’exécution. Faut-il le réprimer ? Faut-il condamner les tentatives ? Dans le droit pénal de la révolution, le principe de la légalité venant d’être proclamé, la nécessité d’un élément matériel était entendu de manière strict. Donc la tentative était rarement incriminée. Le Code pénal de 1810 incrimine la tentative sous certains conditions. On admet que l’exigence d’un élément matériel puisse être atténué. Il faut toutefois noter qu’il ne s’agit que d’une atténuation, mais pas d’une exception car un commencement d’exécution restait requis. Le Code pénal de 1994 n’a fait que reprendre ce principe. Au cours du XIX siècle, la doctrine discerne une situation qui se rapproche de celle de l’infraction tentée et qui n’était pas prévue par le Code pénal de 1810 : l’hypothèse de l’infraction impossible. Celle-ci n’était envisagée par le Code pénal de 1810 et ne l’ai pas davantage par le Code pénal de 1994.

I – L’infraction tentée

A – Les règles relatives à l’incrimination

Puisqu’il s’agit d’une atténuation au principe de l’exigence matériel, celle-ci obéit à certaines conditions que pore l’art.121-5 du Code pénal de 1994. En effet, il se contente de reprendre les anciennes dispositions du Code pénal de 1810. Ainsi deux conditions sont posées :

Un commencement d’exécution (condition positive)

Pas de désistement volontaire (condition négative)

a) Le commencement d’exécution

Dans l’analyse traditionnelle de la trajectoire qui conduit au crime, on distingue trois phases :

La phase psychologique pendant laquelle se forme la résolution criminelle

La phase préparatoire pendant laquelle se réunit les divers outils nécessaire à la commission de l’infraction

L’intéressé commence à réaliser l’infraction pour aboutir à la réalisation de celle-ci

Quand l’art.121-5 du Code pénal parle de commencement d’exécution, il conduit à s’interroger sur la distance entre la 2ème et la 3ème phase. Entre les actes préparatoires (qui ne sont pas répréhensibles) et le commencement d’exécution qui est constitutif de tentative. Le Code pénal ne précise pas ce qu’il faut entendre par commencement d’exécution. Il est donc revenu à la jurisprudence de préciser ce qu’il fallait entendre. Les définitions ont varié, mais celle qui est la plus opérationnelle est la suivante : «  Le commencement d’exécution est caractérisé lorsque les actes tendent directement et inévitablement vers l’infraction avec l’intention de le commettre. » Il résulte que le commencement d’exécution suppose un élément matériel consistant en des actes tendant à la réalisation de l’infraction et un élément psychologique : l’intention. (cf : voir l’affaire Piazza)

b) L’absence de désistement volontaire

La question d’un éventuel désistement ne se pose que s’il y a eu un commencement d’exécution. Quand l’agent a commencer à exécuter son infraction, il peut échapper à la répression en renonçant à son projet. L’absence de désistement volontaire est une condition de la tentative. Trois conditions pour que le désistement volontaire soit considéré comme tel :

· La réalité du désistement

Lorsqu’il y a plusieurs co-auteurs, si l’un d’entres eux renoncent, son renoncement ne vaudra pas désistement sauf s’il fait tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher l’infraction. S’il ne fait que renoncer, il n’y pas de désistement. Il faut que le désistement soit volonté.

· La spontanéité du désistement

Celui-ci ne doit pas résulter de l’intervention d’un tiers, de la victime ou de la police, ni d’une cause extérieure

· L’opportunité du désistement

Il n’y a désistement que si celui-ci intervient avant la constitution de l’infraction. Si après avoir commis une infraction on essaie de réparer, ce n’est pas un désistement mais un repentir actif, lequel n’a aucune incidence sur la décision du juge. Le repentir passif consiste simplement à dire que l’on regrette. Quand il y a opportunité et spontanéité, il n’y a plus de tentative punissable. Si l’une des conditions n’est pas remplie : il y a tentative.

B – La répression de la tentative

1) Le domaine de la répression

Comme sous l’empire de l’ancien Code pénal, la tentative n’est répréhensible que pour certaines infractions, c’est que dispose l’art.121-4 du Code pénal. En matière de contraventions, la tentative n’est pas punissable, toujours punissable en revanche en matière de crimes, tandis que pour les délits, la tentative est punissable uniquement dans les cas où la loi l’envisage. Les tentatives de vol et d’escroquerie sont punissables. En revanche la tentative d’abus de confiance n’est pas punissable. La différence entre la tentative de crime et celle de délit n’est pas aussi grande qu’on pourrait le croire. En effet, en matière de délits, quand la loi ne prévoit pas de tentative c’est parce que celle-ci ne se conçoit pas ou se conçoit difficilement. En matière de crimes, il arrive que la tentative ne soit pas prévue car elle ne se conçoit pas. C’est le cas des violences volontaires qui pour être punissables nécessitent un résultat.

2) La mesure de la répression

L’auteur d’une tentative encourt les mêmes peines que l’auteur d’une infraction consommée ou réalisée. C’est ce que prévoit l’art.121-4 du Code pénal. Cependant, en pratique, les peines prononcées sont moindres.

II – L’infraction impossible

Parfois, quand l’agent n’atteint pas son objectif, il peut y avoir plusieurs hypothèses :

Tentative suspendue par des circonstances indépendantes de sa volonté (infraction tentée)

L’exécution a été manquée pour une cause quelconque (infraction manquée)

L’infraction ne pouvait être que manquer (infraction impossible)

Au XIX siècle plusieurs thèses ont été soutenu :

Celle de l’impunité totale, aucun trouble à l’ordre public, donc aucune raison de condamner

Celle de la répression, l’état dangereux étant révélé par l’acte manqué

Les thèses intermédiaires distinguant l’indisponibilité absolue (condamnation) de l’indisponibilité relative (pas de condamnation) et Gassaud qui distingue l’indisponibilité de droit et de fait.

La jurisprudence, après avoir hésité, est maintenant bien fondée. Elle s’en remet aux conditions de la tentative. Pour que l’infraction impossible soit réprimée, il faut être en matière de crimes ou de délits (uniquement ceux pour lesquels la loi prévoit une répression), il faut qu’il y ait eu un commencement d’exécution et enfin l’hypothèse d’un désistement volontaire est ici proscrite, vu qu’il ne peut avoir lieu. Pour la jurisprudence, les textes relatifs à la tentative suffisent à assurer la répression de l’infraction impossible. L’infraction impossible comme l’infraction manquée est traitée sur le fondement de l’infraction tentée. Les rédacteurs du Code pénal de 1994 n’ont pas prévu de dispositions spécifiques.

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