Cours 5 : Le rôle de l’exécutif en matière pénale

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Aujourd’hui, un pouvoir limité est reconnu à l’exécutif en matière pénale.
Le pouvoir réglementaire est une norme qui s’applique à tous : elle est donc tout aussi satisfaisante que la loi.

Il est possible de soulever une exception d’illégalité contre tout acte administratif, ce qui permet d’assurer le respect d’un principe de légalité minimal contre les potentiels abus de l’exécutif.

§ 1. La compétence réglementaire en matière pénale

A – La compétence réglementaire dans la Constitution

Jusqu’en 1958, le principe de légalité se comprenait comme imposant l’intervention d’une loi, parce qu’on considérait qu’elle seule pouvait limiter la liberté individuelle, en tant qu’expression de la volonté générale.

Sous la 5ème République, le Parlement est rationnalisé, et l’on constate une montée en puissance de l’exécutif.

1) Les précisions constitutionnelles

L’article 34 de la Constitution énumère les matières auxquelles s’appliquent la loi.
En matière pénale, il mentionne les crimes et les délits.
L’article 37 dispose que tout ce qui ne relève pas de la loi est du domaine du règlement.

Le Conseil constitutionnel en a déduit qu’il appartient à l’exécutif de régir les contraventions.
Cette interprétation est vivement critiquée, car l’atteinte aux droits fondamentaux devrait reposer sur la volonté générale, peu importe la gravité de l’infraction.

Cela n’a néanmoins eu qu’une influence limitée.
Les peines d’emprisonnement ont disparu depuis ce basculement vers l’exécutif : aujourd’hui, les contraventions sont exclusivement des amendes.

De plus, depuis le nouveau Code pénal de 1992, le législateur fixe les sanctions applicables en matière de contravention.
Article 111-2 du Code pénal :

La loi détermine les crimes et délits et fixe les peines applicables à leurs auteurs.

Le règlement détermine les contraventions et fixe, dans les limites et selon les distinctions établies par la loi, les peines applicables aux contrevenants.

2) Les imprécisions constitutionnelles

Le législateur et la doctrine considèrent qu’il appartient à la loi de fixer les principes en matière de droit pénal général, et que cela vaut aussi pour les contraventions.
Mais l’exécutif a parfois dégagé des règles qui relèvent du droit pénal général et qui pourtant se distinguent des règles posées par la loi.

Exemple :
L’article 121-7 du Code pénal dispose qu’est complice d’un crime ou d’un délit la personne qui a sciemment facilité la préparation ou la consommation.
Cette disposition n’avait pas vocation à s’appliquer en matière contraventionnelle, mais l’exécutif a étendu les règles de la complicité au droit pénal général.

Exemple :
Pour le législateur, la contravention est punissable quelle que soit l’intention de l’auteur.
L’exécutif a pu incriminer un comportement intentionnel (→ exigeant un élément moral).

L’exécutif peut donc contrarier les principes de droit pénal général posés par la loi, même s’il ne cherche pas à le faire systématiquement.

B – La compétence règlementaire échappant à la Constitution

L’extension de la compétence du législateur s’opère grâce à la technique du renvoi, qui émane de la loi.

1) Le renvoi à l’initiative de la loi

La loi peut renvoyer au règlement ses modalités d’application lorsqu’il ne modifie pas le périmètre de l’application.
Par exemple, l’article 226-3 du Code pénal soumet à autorisation les appareils attentant à la vie privée, en renvoyant au règlement les conditions dans lesquelles ils peuvent être incriminés.

Parfois, la loi renvoie au pouvoir règlementaire l’organisation des contours d’une règle.
Le pouvoir règlementaire influe alors sur l’application de la règle au niveau au niveau national comme local (par exemple, les maires disposent du pouvoir règlementaire).

Cette technique du renvoi est contestable, parce que cette compétence règlementaire n’est pas soulignée par la Constitution : un ministre n’a pas le pouvoir d’intervenir en matière pénale.
Ces autorités n’ont pas de légitimité démocratique en la matière.

2) Le renvoi à l’initiative de l’exécutif

Le chef de l’exécutif peut déléguer à d’autres autorités administratives le soin d’incriminer, même si la Constitution ne reconnaît à aucune autorité administrative le pouvoir d’incriminer.

Le Premier ministre a délégué une partie de sa compétence en matière de contravention à ses autorités subordonnées ; par exemple, les maires.

§ 2. Le contrôle du pouvoir exécutif en matière pénale

L’article 111-5 du Code pénal dispose que les juridictions pénales sont compétentes pour apprécier la légalité des règlements et des actes individuels, lorsque de cet examen dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis.

→ Le juge pénal a reçu plénitude de juridiction.
C’est une exception importante au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires.

A – Le champ d’application de l’exception d’illégalité

Si l’innocence ou la culpabilité de la personne poursuivie dépend du sens ou de la validité d’un acte administratif, le juge pénal n’est pas tenu de surseoir à statuer en attendant l’avis du juge administratif.
Il peut le faire, mais en pratique il ne le fait pas, pour éviter un allongement du procès pénal qui serait illégal.

Le juge pénal est gardien de la liberté individuelle.
Le législateur a alors estimé en 1992 qu’il doit avoir le droit d’interpréter les actes administratifs lorsqu’ils servent de base à des poursuites.
Idée : refuser de se conformer à un règlement illégal ne peut pas être une infraction.

Le ministère public comme la personne poursuivie peuvent contester un acte administratif par une exception d’illégalité.
Le juge pénal peut constater que tout type d’acte règlementaire est illégal (par exemple, même une ordonnance non ratifiée).

B – Le régime de l’exception d’illégalité

Le régime de l’exception d’illégalité est assez confus, puisqu’il a été fixé par la jurisprudence.

L’exception d’illégalité peut être soulevée par toute partie au procès, in limine litis (”avant toute défense au fond”).
Le juge pénal statue librement.
Il ne peut pas refuser de statuer sous prétexte que l’acte aurait déjà été déclaré valable par le juge administratif.

Il n’est pas tenu de surseoir à statuer en attendant une réponse administrative, mais il doit adopter les concepts du droit administratif.
Il doit faire attention à ne pas prendre de décisions trop contradictoires à celles de la justice administrative.

Il vérifie la validité externe de l’acte (que celui-ci n’est entaché d’aucun vice de forme).
Il contrôle ensuite le fond, c’est-à-dire la conformité aux principes généraux du droit.

Si le juge pénal estime que l’acte administratif est effectivement vicié, il l’écarte dans la poursuite dont il est saisi, constate donc qu’aucune infraction ne peut être caractérisée, et relaxe la personne poursuivie.
⚠️ L’acte n’est pas annulé ni abrogé. Il pourra s’appliquer dans d’autres poursuites pénales.

Cette exception d’illégalité est une garantie essentielle qui permet d’accepter la compétence règlementaire de l’exécutif en matière pénale.
Le juge pénal n’a pas de compétence équivalente si une loi pénale est adoptée alors qu’elle était anticonstitutionnelle.

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