Chapitre 10 : Le Conseil constitutionnel

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Le Conseil constitutionnel est une institution qui a gagné sa place au fil de la 5e République.

Section 1 : L’affirmation du Conseil constitutionnel

En 1958, le Conseil constitutionnel est une nouveauté : il n’existe pas d’équivalent dans les régimes précédents.
Il y avait un Comité constitutionnel sous la 4e République, mais son processus n’avait rien à voir (il avait plus une mission d’arbitrage qu’un contrôle de constitutionnalité) et il n’a été saisi qu’une seule fois.

Le Conseil constitutionnel vise à l’origine à vérifier la bonne répartition des compétences normatives entre domaine législatif et domaine règlementaire.
Objectif à l’origine : vérifier l’efficacité de la rationalisation, en contrôlant que le législateur n’usurpe pas son champ de compétences.

À l’origine, le Conseil constitutionnel n’est pas une juridiction constitutionnelle telle qu’on la connaît aujourd’hui ; son rôle et sa place dans les institutions ont subi de profondes évolutions.

§ 1. Étape n°1 : 1971

Le 16 juillet 1971, le Conseil constitutionnel rend sa décision Liberté d’association.
À partir de cette date, il s’appuie sur le préambule de la Constitution.

Dans la tradition constitutionnelle française, les préambules avaient une vocation philosophie et morale, mais étaient considérés comme dépourvus d’opposabilité.
Dans le préambule de la Constitution de 1958, il est fait mention de l’attachement du peuple français au préambule de la Constitution de 1946 et à la DDHC de 1789.

Nouveauté dans la tradition constitutionnelle : on donne une valeur identique au préambule qu’à toutes les autres dispositions de la Constitution.

Le Conseil constitutionnel semble ici juge de sa propre compétence, ce qui n’est pas interdit par la Constitution : en 1958, on n’a pas fait interdiction au Conseil constitutionnel de s’emparer des droits et des libertés du préambule.
C’est cette interprétation créatrice qui lui permet de s’autohabiliter.

Il s’agit d’une étape majeure de l’évolution du Conseil constitutionnel, puisqu’à partir de cette décision il a multiplié ses normes de référence.
Il peut désormais exercer son contrôle sur le terrain des articles de la Constitution, mais aussi sur l’ensemble des libertés mentionnées dans le préambule.
Depuis 1971, ce préambule a été étoffé par la Charte de l’environnement, adoptée en 2004 et intégrée en 2005.

Olivier Cayla parle de “coup d’État de droit”.

§ 2. Étape n°2 : 1974

Quand Valéry Giscard d’Estaing est élu en 1974, il souhaite moderniser les institutions.
Il élargit la saisine du Conseil constitutionnel, en modifiant la constitution pour ouvrir aux parlementaires la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel à 60 députés ou 60 sénateurs.

Avant, le Conseil constitutionnel était peu saisi, en raison du fait majoritaire.
Désormais, l’opposition peut saisir le Conseil constitutionnel → il va être saisi beaucoup plus souvent.

1971 → devient une institution qui protège les droits fondamentaux
1974 → devient une institution centrale dans le jeu politique


Dans les années 1980, les réserves d’interprétation apparaissent ; elles permettent au Conseil constitutionnel de ne pas censurer une loi, tout en lui donnant une interprétation conforme à la Constitution.

En 1981, Mitterrand est élu ; il disait beaucoup de mal du Conseil constitutionnel et des autres institutions de la 5e République, mais il ne s’est rien passé.
→ Le Conseil constitutionnel a passé l’épreuve de l’alternance et se renforce.

§ 3. Étape n°3 : La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008

Par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le constituant a pris en compte les faiblesses d’un contrôle de constitutionnalité uniquement a priori et a mis en place un contrôle a posteriori.

Auparavant, le Conseil constitutionnel ne pouvait intervenir que sur un texte abstrait, sans savoir comment est-ce qu’il allait être appliqué.
La CEDH a aussi eu une influence : le contrôle de constitutionnalité avait tendance à être marginalisé par le contrôle de conventionnalité, qui pouvait être exercé à tout moment.

Cette révision a été très difficile à mettre en place sur le plan politique.
Une loi organique de décembre 2009 précise les conditions de cette réforme et donne son nom à la question prioritaire de constitutionnalité.

Le contrôle exercé par le Conseil constitutionnel reste un contrôle concentré, mais n’est pas tout à fait un contrôle concret, parce que la QPC s’opère distinctement du litige principal.
⚠️ La QPC n’a donc rien à voir avec le modèle américain.

Dans les 5 premières années de la QPC, 50 ont été étudiées par le Conseil constitutionnel, qui a rendu dans cette période autant de décisions que dans les 50 années auparavant.
Aujourd’hui, le Conseil constitutionnel étudie une centaine de décisions QPC par an.

Cette réforme a eu 2 impacts forts :
1- impact quantitatif en termes de volume d’activité du Conseil constitutionnel
2- le Conseil constitutionnel est de plus en plus visible, et prend un rôle médiatique important

Une QPC est déposée devant n’importe quelle juridiction du fond lorsqu’une partie estime qu’une loi porte atteinte à ses droits et libertés garantis par la Constitution.
3 conditions doivent être respectées :
1- la disposition contestée est applicable au litige ;
2- la disposition contestée n’a pas déjà été déclarée conforme (sauf changement de circonstances) ;
3- la requête n’est pas dépourvue de caractère sérieux.

La QPC est déposée devant le Conseil constitutionnel, où elle fait l’objet d’un débat public.
Le Conseil constitutionnel dispose de 3 mois pour y répondre.
Le PR, le PM et les présidents des 2 chambres sont avisés et peuvent adresser leurs observations.

La QPC peut soit être rejetée (→ la disposition contestée reste en vigueur) ou acceptée (→ la disposition déclarée inconstitutionnelle est abrogée à compter de la publication de la décision ou d’une date ultérieure).

La QPC se fait par voie d’action : on mène une action directement contre la loi.

Section 2 : La composition du Conseil constitutionnel

L’article 56 de la Constitution prévoit que le Conseil constitutionnel se compose de 9 membres, dont le mandat est de 9 ans non renouvelables.
Il se renouvelle par tiers tous les 3 ans.
Le président du Conseil constitutionnel est nommé par le PR parmi les membres.

Critiques : il n’y a pas de critères formellement établis pour cette désignation, sauf être majeur et bénéficier de ses droits civils et politiques.

⚠️ Le Conseil constitutionnel n’est pas chargé que du contrôle de constitutionnalité des lois : il assure le contentieux électoral, détient un rôle consultatif (art 16)…

Les anciens PR sont membres de droit du Conseil constitutionnel, et ce à vie.
Cette disposition est aujourd’hui fortement critiquée, et disparaîtra probablement bientôt avec une réforme constitutionnel.
On peut néanmoins comprendre le constituant de 1958.

Il y a un contrôle parlementaire des nominations au Conseil constitutionnel, mais souvent jugé très théorique.
Il y a un régime d’incompatibilités strict (comparable aux magistrats).
Les membres du Conseil constitutionnel prêtent serment (s’engagent à respecter leur devoir de réserve et d’impartialité).

Le secrétaire général du Conseil constitutionnel (= chef des services) a une fonction très importante.
Il participe aux délibérés et aux projets de décisions.

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